Catalina LONDOÑO Les nouvelles formes de violence urbaine en

Transcripción

Catalina LONDOÑO Les nouvelles formes de violence urbaine en
UNIVERSITÉ PARIS 12 – VAL DE MARNE
INSTITUT D’URBANISME DE PARIS
École doctorale : économie, gestion et espace (EGEE)
LOUEST
Laboratoire des organisations urbaines : espaces, sociétés, temporalités
UMR CNRS 7145
Doctorat en Urbanisme
Catalina LONDOÑO
Les nouvelles formes de violence urbaine en Colombie :
les déplacements forcés à Medellín et Barrancabermeja
Thèse dirigée par Licia VALLADARES
Université de Sciences et Technologies de Lille 1
Correspondant à l’Université Paris 12 – Val de Marne : Jean Pierre FREY
Soutenue le 11 octobre 2007
Jury :
Françoise DUREAU
Jean Pierre FREY
Christian GROS
Angelina PERALVA
Licia VALLADARES
À Luis, Carmen Alicia, Felipe, Alicia María, Santiago et Camilo.
Remerciements
Je souhaite exprimer ma plus grande gratitude à Luis et Carmen Alicia
pour leur appui inconditionnel et permanent. Ils ont été le moteur qui a permis la
réalisation de cette étude.
Mes remerciements vont également à l'
Institut d'
Urbanisme de Paris de
l'
Université Paris 12 pour son accueil. Ma reconnaissance va à Anita Becquerel
pour son soutien dans les démarches administratives. J’ai aussi une immense
gratitude pour Licia Valladares : son dévouement et ses apports intellectuels, en
tant que directrice de thèse, m'
ont aidé à étendre le regard, et aller au delà du
cas proprement colombien. J’admire, en outre, ses qualités comme sociologue
urbaine. Je remercie Jean Pierre Frey pour ses conseils et commentaires à la
version préliminaire du texte.
J’étends mes remerciements à la Defensoría del Pueblo et au Bureau du
Haut Commissariat des Nations Unies pour les Refugiés pour l'
appui dans la
réalisation de la recherche et notamment par l'
organisation des tables rondes, qui
ont été une source d'
information précieuse. Une reconnaissance très spéciale
pour Sergio Arboleda, sans qui ce travail n’aurait pas atteint la même ampleur.
À l'
équipe de la Direction de Populations et Projets Intersectoriels du
Ministère de l'
Éducation, tous mes remerciements pour leur accompagnement
durant deux années de travail intense. Je tiens à remercier Isabel Segovia et
Bertha Quintero, pour leur travail au service de la population vulnérable et leur
appui permanent. À Janeth Guevara et Liliana Vargas, ma gratitude pour le
partage de leurs connaissances et leurs expériences dans le travail avec la
population déplacée.
Mes remerciements vont aussi à l'
Université des Andes : en particulier,
Carl Langebaek, dont l'
appui a permis que cette longue traversée commence, et
Germán Ferro, parce qu’il m’a stimulé pour étudier les nuances et les logiques de
5
ce phénomène dévastateur qu’est la violence, et parce qu’il a toujours encouragé
mon travail de chercheur.
Je remercie les organismes et institutions qui publient généreusement
leur information sur Internet. Cela a facilité énormément la réalisation de cette
recherche.
Je souhaite exprimer ma gratitude à Giovanni Lepri et Fernando Molano
pour la réponse opportune à mes inquiétudes. À David Picard, je le remercie
pour le temps qu'
il a consacré à lire les versions préliminaires de cette thèse,
ainsi que pour ses commentaires. Je remercie Laura Niño pour m’écouter. Une
des dettes les plus grandes que j’ai, c’est avec Vinciane Servantie. Sans ses
soigneuses révisions et ses annotations cette thèse serait encore matière brute.
Enfin, je remercie Camilo pour ses lectures interminables et ses conseils.
Merci de faire de Paris le meilleur endroit du monde.
6
DÉPLACÉ, ÉE.
Participe. Il s'emploie aussi
comme adjectif, et signifie alors,
mal placé, placé dans un poste qui
ne convient pas, ou auquel on
n'est pas propre. Il signifie aussi,
qui n'est pas où il doit être. Il
signifie encore, inconvenant, qui
ne convient pas.
(Dictionnaire de L'Académie Française, sixième
édition, 1832-5)
7
8
TABLE DE MATIÈRES
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1. Problématique : conflit armé interne et déplacement intra-urbain, quelle
liaison ?
13
2. État de recherches sur le déplacement forcé (desplazamiento forzado) en
Colombie
16
3. Le choix des études de cas et la trajectoire de l’auteur
26
4. Difficultés propres à la recherche
30
5. L’organisation de l’étude
32
I - LE CONCEPT JURIDIQUE DE DÉPLACÉ (DESPLAZADO)
Introduction
35
1. Le statut des réfugiés : vrais ou faux demandeurs d’asile ?
39
2. Le concept de déplacé et le HCR : liens et similarités entre réfugiés et
déplacés
45
3. La liberté de circulation sur le territoire national, le droit à la permanence et
au choix de lieu de résidence
48
4. Les Principes Directeurs des Nations Unies : contenir les migrations dans le
pays d’origine
52
5. Le déplacement dans les Amériques : six initiatives qui rendent visible le
phénomène
56
6. La construction de la catégorie de déplacés internes (desplazados internos)
en Colombie : de la négation à la reconnaissance du phénomène
59
6.1 Les premières recherches sur le phénomène : la nécessité d’agir
59
6.2 La non reconnaissance du statut juridique particulier des déplacés
63
6.3 La reconnaissance du phénomène en raison de sa visibilité croissante
(les chiffres)
65
6.4 La catégorisation du phénomène dans la politique publique : la Loi 387
de 1997 et l’appareil juridique qui l’a suivie
78
7. Le type de déplacés du point de vue juridique : vulnérables entre les
vulnérables
88
8. La catégorie de déplacés d’après la Cour Constitutionnelle : la polémique au
sein des pouvoirs publics
90
8.1 La jurisprudence constitutionnelle
8.1.1 L’arrêt T-227 de 1997. Les déplacés : indésirables ou victimes ?
92
93
9
8.1.2 L’arrêt SU-1150 de 2000 : les déplacés comme principales
victimes de la violence que subit la Colombie
96
8.1.3 L’arrêt T-327 de 2001 : discussion autour du registre de
population déplacée
99
8.1.4 L’arrêt T-1346 de 2001 : l’importance du point de vue juridique
dans la caractérisation de déplacés
101
8.1.5 L’arrêt T-215 de 2002 : différentes interprétations des cadres
normatifs
103
8.1.6 L’arrêt T-025 de 2004 : « état de faits inconstitutionnelle »
104
8.1.7 L’arrêt T-268 de 2003 : la reconnaissance du déplacement intraurbain
107
Conclusion
114
II - VIOLENCE POLITIQUE ET CONFLITS URBAINS
Introduction
119
1. La violence politique contemporaine
125
2. Les guérillas colombiennes et la fragmentation de la violence
135
2.1 Les FARC-EP : la combinaison de toutes les formes de lutte
137
2.2 L’ELN : une armée révolutionnaire
150
2.3 L’EPL : un processus de paix inachevé
158
2.4 Le financement des guérillas : l’autonomie pour l’action
164
2.5 Le M-19 : la ville comme scénario de la révolution
166
2.6 Les milices : guérilleros dans la ville ?
172
3. Le trafic de drogue et son influence dans la violence urbaine
175
3.1 La guerre de la coca
175
3.2 Les bandes de tueurs à gages, criminels de la drogue
181
4. Les paramilitaires illégaux ou autodéfenses
186
4.1 Entre l'
avidité et le désespoir : naissance et consolidation des
paramilitaires
187
4.2 Les paramilitaires en ville : les « restaurateurs » de l'
ordre social
198
5. Brève note sur le rôle des médias face au conflit armé
Conclusion
10
200
202
- LE CAS DES VILLES DE MEDELLÍN ET BARRANCABERMEJA
Introduction
1. Les villes colombiennes : migration et urbanisation
2. La ville de Medellín
3. La violence à Medellín : inégalité et fragmentation par zones
3.1 Les bandes et autres groupes armés illégaux à Medellín : le pouvoir des
armes dans les quartiers défavorisés
3.2 Les milices à Medellín : une ville sur surveillée
3.3 Les paramilitaires : lutte antisubversive fragmentée
3.3.1 Démobilisation ou légitimation du Bloque Cacique Nutibara ?
3.4 La Comuna 13 : épicentre du conflit national dans la ville
3.5 L’emplacement des acteurs armés illégaux à Medellín
3.6. Les chiffres de la violence à Medellín
4. Le déplacement intra-urbain à Medellín
4.1 Le déplacement intra-urbain massif dans le quartier El Salado : le cas qui
a sonné l’alarme
4.2 Le déplacement intra-urbain individuel à Medellín : une réalité silencieuse
et anonyme
4.3 Considérations sur les chiffres sur le déplacement intra-urbain à Medellín
5. La ville de Barrancabermeja : port pétrolier du Magdalena Medio
6. La violence à Barrancabermeja : une population soumise au silence
6.1 Le port pétrolier comme bastion des guérillas
6.2 L’offensive paramilitaire : guerre frontale contre la subversion
6.2.1 La démobilisation des paramilitaires : processus de paix inachevé
7. Les organismes de défense de droit de l’homme : résistance face au conflit
armé
8. Le déplacement intra-urbain à Barrancabermeja : nomades à l’intérieur de la
ville
Conclusion
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
207
211
216
222
229
236
245
252
255
264
267
270
270
274
286
291
296
298
302
311
313
321
330
335
347
11
LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS
LISTE DES GRAPHIQUES, TABLEAUX, CARTES ET PHOTOS
ANNEXES
387
391
393
Annexe A
Normes sur le déplacement forcé en Colombie
Annexe B
États signataires de la Convention de l'
ONU pour les Réfugiés
de 1951, et du Protocole de 1967 (situation au 31 décembre
1999)
Annexe C
Résolutions et documents des Nations Unies relatifs aux
déplacés forcés
Annexe D
Charte des droits basiques de la population déplacée
Annexe E
Carte de la Colombie
Annexe F
Accord pour la discrétion sur la diffusion de faits violents en
Colombie
Annexe G
Recommandations de politique publique face au déplacement
intra-urbain
Annexe H
La zone urbaine de Medellín. Les comunas, leurs quartiers et le
nombre d’habitantes selon le recensement général de 2005
Annexe
Profil de la ville de Medellín selon le recensement général de
2005
Annexe J
Considérations sur les statistiques officielles colombiennes
414
Annexe K
Profil de la ville de Barrancabermeja selon le recensement
général de 2005
417
Annexe L
La zone urbaine de Barrancabermeja. Les comunas et leurs
quartiers selon la Mairie de la Ville
421
Annexe M
Manuel de Conduite des AUC (Autodefensas Unidas de
Colombia)
422
12
395
397
400
403
404
405
406
408
410
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1. Problématique : conflit armé interne et déplacement intra-urbain,
quelle liaison ?
Le déplacement de population par la violence en Colombie est un
phénomène de longue date qui n’a attiré l’attention de l’État qu’à partir des
années 1990. Depuis la promulgation de la Loi 387 de 1997, l’assistance aux
victimes de ce phénomène commence à être pensée de manière spécifique et le
sujet devient central dans la politique publique du pays. À partir de ce moment,
chercheurs en sciences sociales, économistes, juristes, fonctionnaires publiques,
membres d’ONG nationales et internationales commencent à réfléchir et à
analyser le sujet selon différentes perspectives. De ce fait, la Colombie possède
actuellement une bibliographie importante sur le déplacement forcé.
En général, les études existantes sur le déplacement décrivent les
mouvements migratoires depuis les zones rurales vers la ville, étant donné que
c’est le parcours le plus commun de ces personnes. Elles sortent de la
campagne vers les chefs-lieux municipaux, ensuite vers les villes intermédiaires,
pour arriver finalement dans les villes principales.1 Toutefois, la dynamique
actuelle du conflit interne du pays nous appelle à l’étude du déplacement à partir
d’un autre regard. La ville, elle aussi, devient la scène des combats et du
contrôle territorial de la part des acteurs armés illégaux d’envergure nationale. La
présence de ces groupes dans des secteurs urbains, et leurs relations de
coopération et antagonisme avec différents groupes de la délinquance urbaine,
ont produit des déplacements forcés de population entre les différents quartiers
d'
une même ville.
1
Nonobstant, il y a des personnes qui sont obligées de rester dans des territoires
contrôlés par les groupes armés, selon des modèles de soumission imposés par ceux-ci.
Les acteurs armés empêchent la mobilité des habitants et limitent l'
action humanitaire. En
outre, certaines communautés ont résisté pour ne pas être déplacées. Quelques
communautés de paysans déplacés, cherchent une « communauté de paix » qui
suppose la négociation avec les groupes armés en conflit, le développement de mesures
sociales et économiques et surtout leur affirmation de n’aider ni se soumettre à aucun
camp. Ils déclarent leur propre neutralité vis-à-vis des groupes armés et la non utilisation
d’armes (Agier 2002, p. 142).
13
Ainsi, bien qu'
avec une ampleur inférieure à celle vécue dans les zones
rurales, nous assistons à la consolidation des affrontements entre les
protagonistes du conflit armé interne au sein même des métropoles. La manière
dont le conflit national se manifeste dans les villes possède ses propres
caractéristiques. Les acteurs armés adaptent leurs répertoires à chaque ville, où
le processus de peuplement des différents quartiers, la cohésion sociale interne
et l'
articulation avec l'
État jouent un rôle crucial (Bolívar et González, s.d., p. 1).
Dans les villes, on observe une forme particulière d'
insertion des acteurs armés
qui incarnent les différentes tensions structurelles des agglomérations. Ceci a
mené à une particularité du conflit dans la ville où on observe des frontières
floues et poreuses entre les différents acteurs armés. Nous nous trouvons en
présence d’acteurs nationaux (État, guérilla et paramilitaires) qui sont, en soi,
profondément fragmentés et polarisés, et d’une multiplicité de groupes armés
urbains tels que combos, bandes, galladas et délinquants communs, lesquels
renforcent la violence politique et organisée. Dans ce climat de violence, nous
trouvons tout type de conflits locaux et privés (causés par des haines et des
vengeances personnelles) liés au conflit national et aux rivalités politiques. Les
limites entre les différentes violences sont vagues et, de ce fait, conflit politique et
conflit urbain finissent par se confondre et se conforter l’un l’autre.
Cette étude entend aborder le sujet du déplacement forcé par la violence
en Colombie depuis et à l’intérieur des villes. Il existe des registres des
personnes qui ont été obligées à s'
enfuir de chez-elles à cause de la pression
des acteurs armés dans leurs quartiers de résidence. Dans la majorité des cas, il
est très difficile de connaître et d’établir le type de mobilité et l’emplacement
définitif de ces personnes, notamment quand il s’agit de sécurité. Toutefois, il y a
des indices qui soulignent que beaucoup de personnes refusent de quitter la ville
et cherchent refuge dans divers quartiers à l’intérieur de celle-ci. Cette pratique
constitue ce que nous avons appelé le déplacement intra-urbain (mobilité entre
quartiers et secteurs d’une même ville), phénomène que nous analyserons
comme une manifestation directe du conflit interne armé dans les espaces
urbains.
14
Il est évident que les migrants forcés s’ajoutent aux masses de migrants
ruraux à la recherche d’emploi, d’éducation, de meilleures conditions de vie, et
tous ceux qui ont laissé leur lieu de résidence pour des raisons diverses. Il en va
de même pour les habitants urbains. Ils se déplacent entre quartiers pour
différents motifs tels que les pressions économiques, la recherche de familiers et
de leur soutien, la recherche d’opportunités et d’emploi. Néanmoins, dans cette
étude, nous allons nous restreindre aux cas des déplacements à l’intérieur de la
ville dans le cadre du conflit armé interne et de la violence généralisée.
Ainsi, même si nous admettons que le conflit armé n’est pas encore
transféré à la ville et que les acteurs armés illégaux ont leurs principales bases à
la campagne, les répercussions du conflit national gagnent de plus en plus les
villes, et surtout les quartiers défavorisés. À l’instar des zones rurales, les acteurs
armés font appel à la violence pour obtenir l’appui de la population civile. Ils
encerclent les quartiers et s’approprient des territoires semant la terreur parmi les
habitants. La population est obligée de manifester son allégeance à un acteur ou
un autre et finalement, dans certaines ocassions, elle doit quitter son quartier
pour survivre. En effet, quand le déplacement forcé se déroule dans les
métropoles, il a des implications sérieuses sur la sécurité des citoyens et, en
général, sur la stabilité économique, sociale et politique des villes.
Les questions auxquelles cette étude veut répondre sont nombreuses.
D’abord nous nous questionnons sur la construction de la catégorie de déplacés
et sur la provenance du concept de déplacement intra-urbain. Nous voulons
savoir dans quel contexte une telle situation se manifeste, qui sont les
responsables de ce phénomène et quelles sont leurs logiques d’action. Par
rapport aux personnes touchées, nous voulons savoir quelles sont les raisons de
leur fuite et quel type de mobilité elles entreprennent. Finalement, nous nous
demandons quel est le rôle de l’État et des organisations sociales face à cette
situation.
15
2. État de recherches sur le déplacement forcé (desplazaminto
forzado) en Colombie
En ce qui concerne l’état des recherches sur le déplacement en Colombie,
les études couvrent une grande variété de thèmes. Selon Ofelia Restrepo,2 la
grande majorité des études effectuées sur le déplacement dans le pays, traitent
les causes du phénomène, les acteurs sociaux responsables et les effets des
déplacements sur les lieux d’expulsion et de réception. Elle mentionne
notamment les études sur les politiques et les normes concernant le
déplacement et les études sur les actions d'
aide humanitaire et d'
assistance
qu'
offrent les institutions qu’elles soient gouvernementales ou non. L'
auteur
affirme que, pour bien comprendre le phénomène et ses implications, il faudra
réaliser des études sur les conséquences positives que le déplacement peut
éventuellement entraîner et sur les stratégies pour s’en sortir utilisées par les
communautés. En outre, des analyses plus profondes sur l'
identité et la
quotidienneté de personnes déplacées seront nécessaires, aussi bien avant
qu’après le déplacement (Restrepo 2002, p. 1-3).
De même, Adriana González,3 dans le cadre de sa recherche doctorale, fait
un bilan sur les études sur le déplacement dans le pays. L'
auteur indique qu'
il
existe une avancée significative au niveau des réflexions sur le déplacement. En
passant d’une interprétation générale du problème à la construction de noyaux
thématiques spécifiques, ces discours ont contribué à spécifier la logique interne
du déplacement. Elle mentionne l'
importance que mérite l’approfondissement des
études régionales et locales ainsi que la nécessité de réaliser des études
comparées avec d’autres pays ou par rapport à des expériences historiques
2
Ofelia Restrepo est docteur en anthropologie sociale et enseignante et chercheur de
l'
Université Pontificale Javeriana dans la Faculté de Médecine (Colombie). Elle est
membre du réseau de gestion sociale de l'
Université, et dirige les stages sociaux dans
des zones de déplacement et de conflit armé. Elle est aussi conseillère de Progresar
(Fundación para el Desarrollo Social, la Democracia y la Paz) dans le programme
d’assistance à la population déplacée de Bogotá.
3
Adriana González est enseignante et chercheur de l'
Institut d'
Études Politiques de
l'
Université d'
Antioquia dont l’axe de recherche concerne le déplacement forcé, les
dynamiques de guerre et les actions des citoyens.
16
précédentes dans le pays.4 Elle considère que les études effectuées combinent
des analyses et des instruments de récolte de données très variées, cependant il
faudra affiner les méthodologies quantitatives.5 Quant à la perspective
qualitative, pour González, il est nécessaire d'
avancer du témoignage à
l’interprétation pour découvrir dans les histoires de vie les représentations
collectives qu'
elles entraînent. Finalement, l'
auteur propose une importante ligne
de recherche à développer, à savoir l'
analyse des dynamiques qui conduisent les
déplacés, en tant qu’acteurs collectifs, à s’impliquer dans des processus
organisationnels pour exiger des réponses à leurs problèmes (González 2006, p.
9-13).6
En effet, nous trouvons plusieurs études qui traitent le déplacement du point
de vue des droits de l’homme, des politiques d’assistance publique, des
situations psychologiques et sociales auxquelles les déplacés sont confrontés. Il
est difficile d'
établir des limites entre les différents sujets puisque dans une même
4
Eu égard aux études comparées, la revue « Migraciones Forzadas » (Migrations
Forcées) s’avère être un outil important pour la réalisation des études sur le déplacement
forcé dans le monde. Depuis 1998, cette revue fournit un forum pour l'
échange des
expériences pratiques et des opinions à propos des migrations forcées par la violence
entre des chercheurs, réfugiés, déplacés internes, et ceux qui travaillent avec ces
populations. Plusieurs articles ont traité le cas colombien. La revue est publiée trois fois
par an en anglais, arabe et espagnol par le Refugee Studies Center de l'
Université
d'
Oxford en association avec l'IDP Global Project du Conseil Norvégien pour Réfugiés.
Disponible sur Internet : http://www.migracionesforzadas.org/intro.htm. Un autre outil à ce
propos comparatif est le IDMC (The Internal Displacement Monitoring Centre) fournit par
le Conseil Norvégien pour les Réfugiés depuis 1998. Le centre a une base de données
sur le déplacement interne dans cinquante pays. Basé sur ses activités de collecte de
données, le centre contribue à chercher des solutions durables au déplacement interne
en conformité avec les normes internationales. L'
IDMC effectue également des activités
de formation pour augmenter la capacité d'
acteurs locaux de répondre aux besoins des
déplacés internes. Site Internet : http://www.internal-displacement.org/
5
En effet, plusieurs études signalent la difficulté des systèmes chargés de donner des
chiffres, pour faire une césure entre déplacements pour des raisons économiques ou
familiaux et déplacements forcés par la violence (Osorio 1993, Bello et Mosquera 1999).
6
Des personnes déplacées ont formé six organisations nationales : Convergencia
Nacional de Organizaciones de Población Desplazada, ANDESCOL, Coordinadora
Nacional de Desplazados, Coordinación de Independientes, Mesa Indígenas, Mesa
Afrocolombianos, ceux qui intègrent à leur tour la Mesa Nacional de Fortalecimiento.
Elles prennent part des instances comme le Comité Técnico Nacional, le Consejo
Nacional de Atención, le Consejo Nacional de Paz, la Mesa Nacional de Atención
Humanitaria de Emergencia, la Mesa Nacional de Prevención y Protección et la Mesa
Nacional de Estabilización (González 2006, p. 11).
17
étude on peut aborder une infinité de problématiques.7 La plupart des études sur
le déplacement par la violence en Colombie proviennent d’agences ou
d’organismes de défense de droits de l’homme, tant au niveau international
(UNHCR ; Conseil Norvégien ; Human Rights Watch ; Amnistie Internationale ;
Médecins sans Frontières ; OIM ; Comité International de la Croix Rouge ; Peace
Brigades International ; OCHA ) qu’au niveau national (Defensoría del Pueblo ;
CODHES - Consultoría para los Derechos Humanos y el Desplazamiento ;
CINEP ; Corte Constitucional Colombiana ; Comisión Colombiana de Juristas ;
Pastoral Social ; El Grupo de Apoyo a Desplazados; Redepaz ; MINGA ; ILSA,
pour n’en mentionner que quelques unes). Ces études signalent le déplacement
en Colombie comme une pratique qui viole les normes des Droits de l’Homme,
du Droit International Humanitaire et de la Constitution Colombienne. De même,
elles signalent que la situation des déplacés est devenue une catastrophe
humanitaire de premier ordre et que l’État est tenu d’apporter assistance à ces
populations. De ce fait, ces agences ont souvent fait des analyses et des
recommandations sur la politique publique en matière de déplacement (CODHES
et UNICEF 1992 ; UNHCR 2002 ; Defensoría del Pueblo 2003b ; RSS et UNHCR
2004). À cet égard, la révision la plus complète a été réalisée par la Cour
Constitutionnelle dans l’arrêt T-025 de 2004, dont nous reviendrons plus loin.
Les études des chercheurs indépendants proviennent notamment de
personnes de nationalité colombienne. Néanmoins, nous trouvons quelques
analyses des auteurs internationaux à propos des déplacés en Colombie comme
celles des français Daniel Pécaut (1998, 2001), Michel Agier (2002)8 et quelques
références dispersées sur les études urbaines de Dureau, Barbary, Gouëset et
7
Il existe un outil électronique mis en marche depuis 1998 par l’Organisation
Panaméricaine de la Santé qui s’avère très importante pour la recherche bibliographique
sur le déplacement. Il s’agit du site Internet Santé et Déplacement. Ce site a pour but la
publication d'
informations en rapport avec le phénomène du déplacement en Colombie. Il
compte plusieurs publications classées dans les sujets suivants : santé, nutrition, santé
environnementale, assistance psychosociale, santé sexuelle et reproductrice, genre,
enfance, indigènes et population noire, documents techniques et législation. Disponible
sur Internet : http://www.disaster-info.net/desplazados/
8
Le livre de Michel Agier « Aux bords du monde, les réfugiés » traite des réfugiés et
déplacés dans le monde, notamment dans quelques pays d’Afrique et en Colombie.
Dans le cas colombien, nous avons trouvé maintes références inexactes et sans
présenter les sources quand elles traitent des chiffres et des mécanismes d’assistance à
la population déplacée. Malgré cette critique, le livre présente des analyses très
profondes sur la perte de l’identité et la ségrégation de ces populations.
18
Pissoat (2004). Les études de l’américaine Roberta Cohen et du soudanais
Francis Deng sont remarquables, même s’ils représentent en même temps des
organismes internationaux tels que Brookings Institution et les Nations Unies.
Leurs études sont faites depuis une perspective de défense de droits de l’homme
et réalisent des comparaisons entre les caractéristiques des déplacés
colombiens et celles des déplacés sur le continent Américain (Cohen et Deng
1998 ; Cohen et Sánchez 2001 ; Deng 2001). Il faut aussi souligner le travail de
l'
anthropologue néerlandais Donny Meertens, qui est actuellement enseignante
et chercheur du Programme d'
Études de Genre, Femme et Développement de
l'
Université Nationale de Colombie. Ses analyses se centrent sur la nécessité de
distinguer les effets de la violence et du déplacement différenciés par genre, âge
et origine ethnique et l'
expérience subjective du déracinement vécue par les
déplacés (Meertens 1998, 2000 et 2001).
Pour continuer notre parcours sur les études sur le déplacement en
Colombie, nous devons souligner les travaux sur les responsables du
déplacement. Il est patent que la principale cause de déplacement en Colombie
est la violence politique dans le cadre du conflit armé interne. Nombreux sont les
groupes
responsables
de
ce
phénomène
parmi
lesquels
se
trouvent
principalement les acteurs armés illégaux (guérillas et paramilitaires) et la Force
Publique (Forces Militaires et Police National). Il y a également d'
autres acteurs
qui provoquent du déplacement comme les milices, les narcotrafiquants, la
délinquance commune et autres de plus petit impact comme les sicarios, les
propriétaires fonciers, et les groupes armés non identifiés. De même, quelques
personnes déplacées tiennent plus d’un acteur armé pour responsable de leur
situation. Ceci se situe dans le cadre de combats entre plusieurs groupes ou par
leur présence simultanée dans les zones d'
expulsion. Les études sur les
responsables du déplacement présentent des chiffres plutôt que des analyses
profondes (Conferencia Episcopal Colombiana 1995 ; CODHES Informa 19962006 ; SUR 1995-2006 ; Pastoral Social RUT 1997-2006 ; OCHA - Sala de
Situación Humanitaria 2002-2006). En outre, les chiffres apportés sont très
hétérogènes entre les différentes sources. Au niveau national, tandis que le RUT
(Système d'
Information sur la Population Déplacée par la Violence de l’Église
Catholique) et la CODHES (Consultoría para los Derechos Humanos y el
19
Desplazamiento)9 signalent qu’à partir de 1995 les paramilitaires ont été les
principaux responsables du déplacement,10 la RSS (Red de Solidaridad Social)11
signale que dans la plupart des cas, il n’existe pas d’information précise à cet
égard. Mais, quand elle existe, selon la RSS, les groupes des guérillas ont été
signalés comme responsables plus fréquemment que les paramilitaires (RSS
1995 – 2006b). De ce fait, une étude qui aille au delà des chiffres est nécessaire.
D’autre part, la géographie du déplacement forcé est très variée, et
affecte chaque année de nouvelles régions et départements. Selon le rapport du
PNUD de 2003, bien qu'
il paraisse évident que le conflit s’est répandu au fil du
temps, « […] il n'
est pas facile de spécifier “où” il est placé ou “quand” il est arrivé
dans une certaine zone : les mesures d’incidence ou d’intensité de la guerre sont
discutables, les limites entre les “régions” sont confondues et la mobilité
géographique est commune aux acteurs armés » (PNUD 2003, p. 49).12 Le
rapport du SUR (Système Unique d’Enregistrement de la Population Déplacée)13
9
La CODHES est une organisation non gouvernemental colombienne crée en 1992 pour
réaliser des recherches sur les déplacements forcés dans le pays, suivre leur évolution,
sensibiliser et rendre efficiente l’assistance aux personnes touchées par ce phénomène.
Site Internet : www.codhes.org
10
Voir notamment le Bulletin Rut N° 14/15 de la Pastoral Social - Movilidad Humana
2002 et le Bulletin N° 38 de la CODHES 2001.
11
La Red de Solidaridad Social (RSS) est l’organisme de l’État chargé de la coordination
des actions auprès des déplacés dès l’année 1999, depuis la promulgation du Décret
Présidentiel 489 du 11 mars 1999. Néanmoins, depuis juillet 2005, au travers du Décret
Présidentiel 2467, la Red de Solidaridad Social a été transformée en l'
organisme appelé
Action Sociale. Cet organisme a pour but de coordonner, administrer et exécuter les
programmes de développement et d'
action sociale visant les populations vulnérables
touchées par la pauvreté, le trafic de drogues et la violence. Il est également chargé de
canaliser les ressources nationales et internationales pour exécuter les programmes
sociaux qui dépendent de la Présidence de la République. En ce qui concerne
l'
assistance au déplacement forcé, Action Sociale assume la fonction de la RSS qui
coordonne le Système National d'
Assistance Intégrale à la Population Déplacée par la
Violence (SNAIPDV). Cependant pour des effets de clarté du texte, nous maintiendrons
la référence à la Red de Solidaridad Social, puisque c’est l'
organisme qui apparaît dans
les textes juridiques et académiques antérieurs à juillet 2005, qui sont d’ailleurs les plus
utilisés dans cette étude.
Site Internet Action Sociale : http://www.red.gov.co/portal/default.aspx
12
Traduit par nous de : « [...] no es fácil precisar “dónde” se ubica “cuándo” llegó a
determinada zona : las mediciones de incidencia o intensidad de la guerra son
discutibles, los límites entre “regiones” son borrosos y la movilidad geográfica es
connatural a los actores armados ».
13
Ce registre concerne les personnes qui ont enregistré leur situation auprès des
organismes étatiques. Il est géré par la Red de Solidaridad Social.
20
d’octobre 2006 montre que, de nos jours, les zones qui échappent à l'
influence
des acteurs armés sont peu nombreuses. Entre 1995 et le 31 octobre 2006, tous
les départements du pays ont expulsé des populations et les indices dépassent
les 1.000 habitants par département, à l'
exception des départements de San
Andrés et de l’Amazonas. Entre les principaux départements expulseurs depuis
1995, selon les statistiques officielles nous trouvons : Antioquia, Bolívar,
Magdalena, Cesar et Chocó (RSS 1995 – 2006c). Selon le SUR, 900 municipios
sont touchés par le déplacement (parmi 1.098), ce qui met en évidence une
couverture généralisée du conflit (RSS et UNHCR 2004, p. 35).
Toutefois, dans les territoires contrôlés par un seul acteur armé, on ne
remarque pas de débordement de violence aussi grave que quand plusieurs
acteurs entrent en jeu. Dans la géographie du conflit, on reconnaît que le
déplacement est plus grand là où la confrontation est la plus aiguë. Il répond aux
actions simultanées de groupes armés contre la même population et à la peur
que ces acteurs produisent dans les zones de conflit (CODHES et UNICEF 1999,
p. 16). Ainsi, les déplacés sortent de leur environnement habituel brutalement, et
ne connaissent pas les nouveaux espaces dans lesquels ils doivent
inévitablement se reloger. Le SUR indique qu'
entre l’année 1995 et le 31 octobre
2006, les départements d’Antioquia, Bolívar, Sucre et Valle et la ville de Bogotá
ont été les plus grands centres d'
arrivée de populations déplacées (RSS 1995 2006c). Il faut aussi noter que, selon la RSS, 50% de la population déplacée finit
par s’établir dans les grandes villes qui fonctionnent comme pôles d'
attraction
(RSS et UNHCR 2004, p. 35). Ainsi, plusieurs études régionales ont été faites
sur le déplacement, surtout en ce qui concerne les lieux d’accueil et de
rétablissement de la population déplacée. Il y a des agences qui s’occupent de
présenter des rapports permanents sur les différentes régions du pays comme
c’est le cas d’OCHA (Sala de Situación Humanitaria 2002-2006) ;14 RSS 1995-
14
OCHA (United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affaires) est une
organisation des Nations Unies qui travaille en Colombie pour la protection des
personnes affectées par la crise humanitaire. Elle a créé la « Sala de Situación
Humanitaria » comme outil de collecte et diffusion des informations sur la situation
humanitaire en Colombie, notamment le déplacement forcé. Cet outil prétend non
seulement intégrer des ressources du Système des Nations Unies, mais il inclut aussi
des alliances et des échanges d'
information avec les principaux organismes humanitaires
qui travaillent dans le pays. OCHA est aussi chargé de la Coordination du Plan d’Action
Humanitaire (PAH) dont l’objectif est de donner de l’assistance à la population affectée
par la violence dans le pays, en coordination avec les organismes du SNAIPDV.
21
2006 et l'Observatorio del Programa Presidencial de Derechos Humanos y
Derecho Internacional Humanitario de la Vice-présidence de la République.15 De
même, les Universités ont réalisé des études régionales sur le phénomène
(Université
des
Andes ;
Université
Javeriana ;
Université
d’Antioquia16 ;
Université National) et plusieurs ONG font des études locales (Cedavida ; Opción
Legal ; Convergencia ; FUNIEP).
En partant, la personne déplacée souffre de plusieurs pertes : elle perd
ses biens matériels (la terre, la maison, son emploi) ; ses habitudes culturelles
(son style de vie, ses traditions) ; l'
accès aux services publics (la santé,
l'
éducation), ses réseaux de relations sociales et économiques. En outre, le
déplacement est souvent accompagné d'
une rupture familiale et de la perte
d’identité et d’appartenance à une communauté. En arrivant à un nouveau lieu
de résidence, le déplacé fait l’objet de discriminations constantes. L'
attitude de
rejet de la communauté d'
accueil est fréquente, puisqu'
en provenant de zones de
violence, la population déplacée entre dans une dynamique caractérisée par le
soupçon et la marginalisation sociale. Les études sur la marginalisation de
déplacés sont fréquentes (CODHES et UNICEF 1999 ; Bello et Mosquera 1999 ;
Bello 2001 ; UNHCR 2002 ; Bello et Peña 2004). Dans ce contexte, on trouve
aussi des études sur le manque d'
accès à une citoyenneté pleine des déplacés
puisque généralement les victimes du déplacement proviennent des zones de
Site Internet : http://www.colombiassh.org/paginas/home.php
15
L'
Observatorio del Programa Presidencial de Derechos Humanos y Derecho
Internacional Humanitario (Observatoire du Programme Présidentiel de Droits de
l’Homme et Droit International Humanitaire) fait partie du Programme Présidentiel de
Droits de l’Homme et de DIH de la Vice-présidence de la République. L'
Observatoire
analyse la situation humanitaire du pays et fait un suivi de la gestion des organismes de
l'
État chargés de promouvoir les droits de l’homme. Sa tâche vise à la définition et la
promotion de politiques publiques à propos de droits de l’homme. Ainsi, il analyse les
différentes sources étatiques et non gouvernementales, et produit des études sur la
situation
de
droits
de
l’homme
dans
le
pays.
Site
Internet
:
http://www.derechoshumanos.gov.co
16
L’Institut d'
Études Politiques de l'
Université d'
Antioquia a une ligne de recherche sur le
déplacement forcé, les dynamiques de guerre et l'
action des citoyens. L'
objectif est
d'
étudier le déplacement et ses multiples relations avec la violence et le conflit, les
facteurs de pauvreté et de chômage, les dynamiques de développement des zones
rurales, les dynamiques de la croissance urbaine, les possibilités de la démocratie et la
formation de la citoyenneté, la culture politique, et les relations internationales. L’Institut
offre un cours à la faculté de Sciences Sociales et Humaines de l’Université qui traite en
exclusivité du déplacement forcé par la violence. Il est dirigé par Gloria Naranjo et Martha
Valderrama. Site Internet : http://quimbaya.udea.edu.co/~iep/
22
graves troubles d'
ordre public où ils ont toujours été sous la contrainte des
groupes armés. Dans ce cadre là, l'
obéissance par la force comme l’absence de
la conception du droit et de la démocratie prédominent (Uribe 1999 ; Pécaut
2000 ; Naranjo 2001).17
D’autre part, la CODHES remarque que, parmi la population déplacée, il
existe
une
grand
hétérogénéité :
paysans,
colons,
groupes
indigènes,
communautés noires, propriétaires fonciers, leaders sociaux et religieux,
fonctionnaires publics, commerçants, enseignants et journalistes (CODHES et
UNICEF 2003). Les rapports de la RSS signalent que ce sont les femmes et les
mineurs les plus affectés par le déplacement (RSS et UNHCR 2004, p. 35). En
conséquence, il existe des études particulières qui traitent de la violence et du
déplacement des femmes et mineurs (Universidad Nacional de Colombia 1996 ;
Meertens 1998 et 2001 ; CODHES et UNICEF 1999 ; Osorio 1993 et 1999 ;
Segura 1986 et 1996 a et b ; Ojeda et Murado 2001 ; Bello et Ruíz 2002 ; OIM
2004) mais aussi le déplacement des paysans, des communautés noires et des
groupes indigènes (Arocha 1998 ; Suárez s.d. ; Rosero 2002 ; Belllo et Peña
2004). Ces études cherchent à souligner les différentes identités des déplacés
dans le pays pour mieux comprendre leurs besoins et les mesures appropriées
que devraient prendre les autorités face à leur situation.
Enfin, comme nous l’avons souligné dès le début, toutes ces études
décrivent les mouvements migratoires à partir des zones rurales, analysent les
situations de conflit armé dans la campagne et se concentrent sur les conditions
d’accueil et sur les politiques d’assistance à l’arrivée. Néanmoins, en ce qui
concerne le déplacement intra-urbain dû au conflit armé dans les villes, il existe
des informations dispersées et très peu d’études académiques qui analysent le
phénomène. Un des instruments pour l’étude de cette problématique est l’arrêt T-
17
En ce sens, les études qui font une comparaison entre les déplacés colombiens et les
« apatrides » selon les définitions de Hannah Arendt (à propos des réfugiés européens
dans la période du fascisme et de la Seconde Guerre Mondiale), sont fréquentes. Le
texte du Daniel Pécaut à ce sujet est remarquable. L’auteur explique que « [...] bien qu'
ils
ne soient pas des apatrides, les déplacés colombiens vivent l'
expérience de la triple perte
décrite par Arendt : perte de l'
insertion sociale, de la signification de l'
expérience et des
droits » (Pécaut 1998, p. 15). Traduit par nous de : « [...] aunque no son apátridas, los
desplazados colombianos viven la experiencia de la triple pérdida descrita por Arendt :
pérdida de la inserción social, del significado de la experiencia y de los derechos ».
23
268 de 2003 de la Cour Constitutionnelle qui aborde le sujet depuis une
conception juridique. D’autre part, nous découvrons que c’est dans la ville de
Medellín qu’on connaît le mieux ces phénomènes. La Secretaría de Gobierno18
et notamment la Personería de Medellín19 ont commencé à élaborer des
statistiques et donnent des recommandations de politique publique face au
phénomène. La Personería de Medellín est la seule entité à avoir donné une
définition propre du déplacement intra-urbain :
« C’est le déplacement des personnes, familles ou communautés qui,
par des actions ou menaces, directes ou indirectes, comme l’intimidation,
les meurtres, les disparitions forcées, les tortures, les recrutements
forcés, les violences sexuelles, les encaissement des « impôts », les
extorsions, les kidnappings, entre autres, sont obligées d'
abandonner leur
résidence ou activités habituelles pour se situer dans un autre lieu
qu'
elles n'
ont pas librement choisi et si ce n’était pour des raisons de
violence, elles n’auraient pas abandonné leur lieu d’origine. Il s’agit de
personnes qui se déplacent d'
un quartier à un autre, dans la même ville,
ayant le seul objectif de sauver leur vie, leur intégrité physique, leur
sécurité ou liberté personnelle qui ont été atteintes ou sont menacées par
l’action de groupes armés légaux ou illégaux » (Personería de Medellín
2006b, p. 4). 20
En outre, l’IPC (Instituto Popular de Capacitación)21 et l’Université d’Antioquia,
18
La Secretaría de Gobierno est l’entité de la Mairie de Medellín chargée de promouvoir
et d’appliquer les politiques et les normes en matière de sécurité, d'
administration de
justice et de protection au citoyen. En outre, elle contribue à la conservation de
l'
environnement et à l'
utilisation rationnelle de l'
espace public.
19
Selon la Loi 136 de 1994, les Personerías sont les organismes chargés de la garde et
de la promotion des droits de l’homme, la protection de l'
intérêt public et la surveillance
de la conduite officielle des fonctionnaires publics. Elles font partie du Ministère Public et,
de ce fait, selon l’article 32 de la Loi 387 de 1997, elles doivent recevoir les déclarations
de la population déplacée par la violence. Site Internet Personería de Medellín :
http://www.personeriaMedellín.gov.co/
20
Traduit par nous de : « Se entiende como el desplazamiento de personas, familias y/o
comunidades que por acciones y/o amenazas, directas o indirectas, tales como :
intimidación, asesinatos, desapariciones forzadas, torturas, reclutamientos forzados,
violaciones sexuales, cobro de vacunas, extorsiones, secuestros, entre otras, se ven
obligadas a abandonar su residencia o actividades habituales para ubicarse en otro sitio
que no eligieron libremente y que de no haber sido por la violencia, no habrían
abandonado. Personas que se trasladan de un barrio a otro, dentro de la misma ciudad,
con el único objetivo de poner a salvo su vida, su integridad física, su seguridad o
libertad personales que han sido vulneradas o se encuentran amenazadas por el
accionar de grupos armados legales o ilegales ».
21
L‘IPC (Instituto Popular de Capacitación) de la Corporación de Promoción Popular est
une organisation de la société civile fondée à Medellín en 1982. L’Institut réalise des
activités de recherche sur les droits de l’homme, qualification, assessorat et
24
dans leurs analyses sur la violence dans le département d’Antioquia, ont aussi
commencé à élaborer des approches plus concrètes sur les déplacement intraurbain (IPC 2006a et b).22 De même, des étudiants de l'
Université Nationale de la
Colombie à Medellín ont commencé à s'
intéresser à ce problème et ont présenté
des travaux sur le sujet (Montoya 2004 ; Villa 2004).
Au niveau international, le seul organisme dont nous avons connaissance
qui fasse une référence explicite au déplacement intra-urbain en Colombie est le
Conseil
Norvégien pour les
Réfugiés
dans
le document
« Colombia :
Government “peace process” cements injustice for IDPs » publié en 2006.
Néanmoins, les références au sujet sont très imprécises. De ce fait, au lieu
d'
apporter des connaissances sur le sujet elles laissent le lecteur perplexe.
La seule publication nationale, dont nous avons connaissance, qui traite
le phénomène de façon singulière est : « Desplazamiento intraurbano como
consecuencia del conflicto armado en las ciudades » (Le déplacement intraurbain comme conséquence du conflit armé dans les villes) publiée en 2004 par
la Defensoría del Pueblo23 et le Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies
pour les Réfugiés (HCR).24 Nous reviendrons sur cette publication dans la
section suivante.
accompagnement à des communautés de Medellín, de l’Aire Métropolitaine de la Vallée
d’Aburrá et autres municipios du département d'
Antioquia. La trajectoire du groupe de
recherche de l'
IPC a été reconnue par COLCIENCIAS (Instituto Colombiano para el
Desarrollo de la Ciencia y la Tecnología). Site Internet : http://www.ipc.org.co/
22
Nous pouvons citer quelques études du département de travail Social de l'
Université
d'
Antioquia de l'
année 2003 : « Desplazamiento forzado intraurbano, contextualizado
desde el conflicto socio-político armado en Medellín » de Marta Inés Valderrama et
James Gilberto Granada. « Implicaciones socioeconómicas del desplazamiento forzado
intraurbano en la población desplazada de Medellín » de Yulieth Bedoya ; Yudy Marcela
Sánchez et Iván Darío Ramírez ; et « El reconocimiento y restablecimiento de los
derechos : una mirada al desplazamiento forzado intraurbano en Medellín » de María
Cristina Ramírez, Albeny Edit Sepúlveda, Iván Darío Ramírez, Sandra Viviana Correa et
Isabel Cristina Londoño.
23
La Defensoría del Pueblo est un organisme étatique appartenant au Ministère Public.
Sa principale activité, eu égard à la population déplacée, est de promouvoir les droits de
ces personnes, les informer de leurs devoirs et droits garantis par la constitution, et
sensibiliser les autorités sur ce phénomène. Site Internet : http://www.defensoria.org.co/
24
Defensoría del Pueblo et UNHCR. 2004. Desplazamiento intraurbano como
consecuencia del conflicto armado en las ciudades. Bogotá. 76p.
25
3. Le choix des études de cas et la trajectoire de l’auteur
Pour la réalisation de cette recherche, nous avons effectué une analyse
sur le déplacement intra-urbain en prenant en considération deux études de cas :
les villes de Medellín et de Barrancabermeja.25
Le déplacement intra-urbain à Medellín avait déjà commencé à être
examiné dans des espaces institutionnels après l’arrivée des faits qui ont
provoqué le déplacement massif des habitants du quartier El Salado de la
Comuna 13 de Medellín. Personnellement, mon intérêt pour l’étude des
phénomènes de violence qui touchent cette ville remonte à 1999 quand j’ai
réalisé mon mémoire d’anthropologie à l’Université des Andes de Bogotá. Le
mémoire désignait les liens entre religion et violence à Medellín. Pour leur
analyse, j’ai accordé une place importante à la recherche empirique comme
principale forme d’accès à la réalité et de ce fait, j’ai réalisé un travail de terrain
pendant trois mois dans un quartier de la zone nord de la ville. Ce travail de
terrain m’a permis de mieux comprendre les raisons de la profusion d’acteurs
armés dans les villes et l’influence du narcotrafic dans le déclenchement de la
violence dans le pays.
En revanche, le cas de Barrancabermeja n’a attiré mon attention qu’en
2002, quand j’ai travaillé pour la Defensoría del Pueblo et le Bureau du Haut
Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR). En effet, une fois
inscrite au doctorat d’Urbanisme de l’Institut d’Urbanisme de Paris (Université
Paris 12) et ayant comme but de mener à terme une recherche sur le
déplacement intra-urbain en Colombie, j’ai eu le privilège de participer à
l’élaboration d’une recherche sur le sujet entre les mois de mars et juin 2003. Les
personnes responsables de l’élaboration de cette recherche étaient le sociologue
Sergio Arboleda et moi-même. Elle a été publiée en 2004 sous le titre
« Desplazamiento intraurbano como consecuencia del conflicto armado en las
ciudades ». En effet, La Defensoría del Pueblo a été la première organisation à
insister sur la reconnaissance de ce phénomène et à s’inquiéter de l’assistance
25
Pour l'
année 2002, date de début de cette recherche, le Bulletin 43 de la CODHES
avait indiqué que les villes les plus touchées par le déplacement intra-urbain étaient
Medellín, Cali, Barrancabermeja, Bogotá, Cartagena, Cucuta et Bucaramanga.
26
aux personnes victimes de ce type de déplacement. De ce fait, ses actions
auprès de la Cour Constitutionnelle pour la révision de l’arrêt de l’action de tutelle
relatif aux droits de cette population. C’est la Defensoría del Pueblo d’Antioquia
l’organisme qui, en octobre 2002, a effectué la première audition publique sur le
sujet du déplacement intra-urbain, dans l'
auditoire de la Bibliothèque Publique
Pilote de la ville de Medellín. Ensuite, elle a suivi les déroulements des actions
en faveur des déplacés intra-urbains de la Comuna 13 de Medellín. Finalement,
à travers le support financier du HCR, elle a commandité la recherche
mentionnée. Dans ce contexte, nous avons choisi comme étude de cas les villes
de Medellín, Barrancabermeja et Bogotá, villes qui, au regard de la Defensoría,
étaient les plus touchées par le déplacement intra-urbain à l’époque. Pour
effectuer l’analyse et la collecte d’information deux tables rondes ont été
réalisées.
La première a eu lieu dans la ville de Medellín le 27 juin 2003, avec la
participation de représentants de l'
Université d'
Antioquia ;26 l'
Unité Territoriale de
la Red de Solidaridad Social d’Antioquia ; la Corporación para la Vida : mujeres
que crean ;27 la Comunidad Misionera de María Inmaculada ;28 le Gouvernement
d'
Antioquia ; l'
Université Pontificale Bolivarienne ;29 Le Mouvement Social de
Déplacés d’Antioquia (MOSDA)30 ; représentants de la Defensoría del Pueblo au
niveau national et régional, l’organisation Con-Vivamos,31 et le Bureau du Haut
Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme (OACNUDH)32.
26
Université étatique du département d’Antioquia fondée en 1878. Site Internet :
http://www.udea.edu.co
27
La Corporación para la Vida Mujeres que Crean se définit comme une institution
féministe. Son but est d'
apporter des progrès à la transformation de la culture patriarcale,
à la construction d'
une société démocratique qui garantirait la défense, l'
exercice et la
protection des droits des femmes. Site Internet : http://www.mujeresquecrean.org
28
Congrégation catholique fondée en 1963.
29
L'
Université Pontificale Bolivarienne est une institution d'
éducation supérieure à
caractère privé qui appartient à la Compagnie de Jésus. Site Internet :
http://www.upb.edu.co
30
MOSDA est une organisation de déplacés par la violence du département d’Antioquia
ayant pour siège la ville de Medellín.
31
La Corporación Con-Vivamos est une organisation communautaire de la zone nord-est
de Medellín. Son but est la promotion et l'
accompagnement des organisations
communautaires dans trois aspects : la participation et l'
incidence de l'
organisation
27
La
deuxième
table
ronde
a
été
effectuée
dans
la
ville
de
Barrancabermeja, le 15 juillet 2003, avec la participation de représentants du
Diocèse (Église Catholique) ; le PDPMM (Programa de Desarrollo y Paz del
Magdalena Medio) ;33 l'
OFP (Organización Femenina Popular) ;34 la Red de
Solidaridad
Social ;
le
Service
Jésuite
des
Réfugiés ;35
l’organisation
ASODESAMUBA (Asociación de desplazados asentados en el municipio de
Barrancabermeja) ;36 l’Asesoría de Paz y Convivencia de la Mairie de
Barrancabermeja (Bureau de la Paix et la Coexistence) ; le HCR de
Barrancabermeja (Bureau du l’Haut Commissariat de Nations Unies pour les
Réfugiés) ; la Personería Municipal ; représentants de la Defensoría del Pueblo
au niveau national et régional ; l'
ACVC (Asociación de Campesinos del Valle del
Río Cimitarra)37 et la CREDHOS (Corporación Regional para la Defensa de los
Derechos Humanos).38
Pour le déroulement des tables rondes, nous avons convoqué les
organismes participants deux mois à l’avance, à travers la médiation de la
Defensoría del Pueblo d’Antioquia et la Defensoría del Pueblo del Magdalena
communautaire, l'
économie solidaire et les droits de l’homme. Site Internet :
http://www.convivamos.org
32
OACNUDH c'
est l'
organe de l'
ONU chargé de promouvoir le respect universel des
droits humains. Il a été créé le 20 décembre 1993 et a son siège dans la ville de Genève
(Suisse). Il travaille en Colombie depuis 1996. Site Internet : http://www.hchr.org.co/
33
La description détaillée de ce programme sera faite dans la section 7 de la troisième
partie.
34
La description de cette organisation sera faite dans la section 7 de la troisième partie.
35
Le Service Jésuite des Réfugiés, fondé en 1980, est une organisation catholique
internationale qui œuvre dans une cinquantaine de pays. Sa mission consiste à
accompagner, servir et défendre les droits des réfugiés et des personnes déplacées de
force. En Colombie, il travaille dans la région du Magdalena Medio et dans les
départements de Valle del Cauca et Córdoba. Site Internet : http://www.jrs.net
36
ASODESAMUBA, fondée en 1999, est l’association des déplacés établis dans la ville
de Barrancabermeja. Elle est associée à ANDESCOL (Asociación Nacional de
Desplazados de Colombia). Elle travaille en défense des droits de l’homme des
personnes déplacées par la violence. Elle fait partie du comité municipal et
départemental pour l'
assistance aux déplacés.
37
La description de cette organisation sera faite dans la section 7 de la troisième partie.
38
La description de cette organisation sera faite dans la section 7 de la troisième partie.
28
Medio, lesquelles ont choisi les participants pour leurs connaissances sur le
sujet, et pour leur rôle face aux personnes déplacées. Chaque organisme a
préparé une communication, lesquelles ont été exposées pendant la séance du
matin y compris l’exposition de la Defensoría del Pueblo en expliquant
l’objectivité de la table ronde. La séance de l’après midi a été destinée à la
discussion générale sur le déplacement intra-urbain, laquelle a fini par un travail
en groupes dont chacun devait présenter des conclusions générales sur le sujet.
Toutes les séances ont été enregistrées, et plus tard transcrites, information qui
repose dans le bureau de la Defensoría del Pueblo à Bogotá.
L’information collectée dans le déroulement de ces tables rondes a
constitué une des sources dans l’élaboration de la présente étude. Il est évident
que l’insertion dans un organisme étatique pour réaliser les études de cas et les
tables rondes nous a permis de bénéficier d'
une information privilégiée, laquelle
n’est pas accessible facilement.39 Nous avons accordé beaucoup d’importance à
l’analyse des apports des participants des tables rondes, étant donné
l’hétérogénéité de données quantitatives sur le phénomène. De ce fait l’étude
qualitative devient indispensable.
Donc, Medellín s’imposait à nouveau comme la ville de notre recherche
et Barrancabermeja ouvrait alors un champ d’exploration. Par ailleurs, pour cette
étude, nous avons laissé de côté le cas de Bogotá. D’abord parce que nous
n’avons pas réalisé une table ronde dans cette ville, et, en deuxième lieu, parce
que la grande taille de la ville ne permet pas de suivre clairement les
manifestations du déplacement intra-urbain.
Nous avons beaucoup approfondi la recherche depuis cette première
publication. Nous avons analysé le contexte juridique propre au déplacement, les
aspects les plus représentatifs de la violence contemporaine dans le pays et leur
impact urbain, et nous avons approfondi notamment sur les connaissances
apportées sur chacune des villes. En effet, la condition d’actualité du sujet choisi
nous a permis d’apporter des informations plus récentes sur le phénomène,
39
Néanmoins, nous sommes conscients des limitations que pose une recherche
élaborée depuis une vison étatique. En effet, le discours des participants des tables
rondes peut être biaisé dû à la présence d’un tel organisme.
29
notamment à partir des informations écrites, constituant ainsi une importante
bibliographie.
Dans cette étude nous voulons poser le débat du point de vue de l’impact
du conflit interne sur la ville, sur la définition du concept du déplacement intraurbain et ses principales caractéristiques. En revanche, la publication de la
Defensoría del Pueblo et du l’HCR s’intéressait plutôt à favoriser l’assistance des
personnes affectées. Cette publication a donné des recommandations aux
différentes instances étatiques et privées qui conforment le SNAIPDV (Sistema
Nacional de Atención Integral a la Población Desplazada por la Violencia) pour la
reconnaissance, prévention et assistance des personnes touchées par ce
phénomène.
Finalement, il faut noter qu’à partir du mois d’août 2003 et pendant deux
ans, j’ai travaillé au Ministère de l’Éducation Nationale en Colombie dans le
programme d’assistance à la population déplacée par la violence. Grâce à mes
activités au sein du Ministère, j’ai pu me familiariser de plus près avec la
problématique du déplacement forcé. Entre autres, j’ai assisté aux réunions de
travail du SNAIPDV et aux séminaires et réunions convoqués par différents
organismes des Nations Unies, universités et organisations locales et nationales
s'
occupant des déplacés. De ce fait, j’ai pu profiter des informations de première
main et j’ai été en contact direct avec les personnes déplacées. En outre, la
Direction pour laquelle j’ai travaillé était chargée de l’élaboration de la politique
publique éducative nationale pour la population déplacée et nous avons dû gérer
la réponse du Ministère face aux arrêts de la Cour Constitutionnelle concernant
l’assistance aux déplacés. Ainsi, le travail au Ministère a enrichi ma vision sur le
phénomène du déplacement forcé et m’a permis d’avoir un regard critique sur le
sujet, en particulier, sur les programmes d'
assistance de l'
État.
4. Difficultés propres à la recherche
En raison de la nature du sujet traité, un certain nombre de difficultés s'
est
posé à nous. En premier lieu, l’actualité du phénomène. Quand nous avons
commencé la recherche, le déplacement intra-urbain n’était pas reconnu
officiellement comme faisant partie du déplacement par la violence dans le cadre
30
de la Loi 387 de 1997. Il commence à être reconnu seulement à partir de l’arrêt
268 de 2003 de la Cour Constitutionnelle. Dans cet arrêt, la Cour a défini que les
lois et décrets à l’égard du déplacement forcé en Colombie, n'
excluent pas la
possibilité que le déplacement forcé puisse se présenter à l'
intérieur d’une même
ville. Le déplacement intra-urbain est donc compris dans la normativité relative
au déplacement forcé par la violence, puisqu'
il a lieu dans un contexte de
violence généralisée qui oblige les habitants de secteurs urbains à abandonner
leur résidence et chercher refuge dans un autre lieu situé dans la même ville.
Ainsi, cet arrêt a marqué un point de repère différent dans la façon d’aborder et
analyser le sujet étudié et a redéfini les hypothèses de départ. En même temps,
le déplacement intra-urbain est un sujet auquel chaque jour s’ajoutent des
nouvelles dénonciations (même si non officielles) et de nouvelles données et
situations qui peuvent changer sa dynamique (par exemple l’actuel processus de
démobilisation des paramilitaires). Cette caractéristique ne permet pas de
présenter des données achevées, des conclusions définitives. De même, les
politiques publiques conçues pour traiter le phénomène changent avec le temps :
chaque jour, il y a de nouveaux décrets et directives pour gérer cette
problématique. Toutes ces circonstances rendent extrêmement difficile la
concrétisation du sujet étudié et obligent à changer les cadres d’analyse de
manière constante.
La deuxième difficulté tient aux espaces géographiques de réalisation de
la recherche. Pendant la plupart du temps d’élaboration de cette recherche nous
avons été en Colombie, ce qui nous a permis de réaliser les études de cas et
d’être partie prenante des espaces académiques et institutionnels concernés par
les déplacements forcés. La dernière année a été dédiée exclusivement à la
rédaction de la thèse à Paris, où nous avons pu profiter du dialogue constant et
enrichissant avec notre directrice de thèse et de la distance nécessaire par
rapport au sujet étudié. Évidemment, l’écriture aide à mûrir les idées, mais en
même temps plusieurs questionnements apparaissent. Néanmoins, il n’était plus
possible d’accéder aux informations de première main. En outre, quelques
statistiques que nous avons utilisées pour analyser le phénomène ont été faites
pendant l’année 2006 ainsi que quelques actions concrètes pour la récupération
des maisons abandonnées. Nous avons trouvé des informations précieuses sur
Internet, mais nous aurions voulu établir un contact direct et permanent avec les
31
institutions chargées de l’élaboration de ces données pour pouvoir approfondir et
discuter les textes consultés.
Comme troisième et dernière difficulté à souligner, mentionnons le
caractère délicat du traitement du déplacement intra-urbain, en termes
d’implications sur la sécurité des personnes touchées. Ces personnes ont
constamment une sensation de peur et d’angoisse du fait qu’elles se déplacent
simplement d’un quartier à un autre et qu’elles habitent dans la même ville que
les responsables de leur fuite. Ainsi, ce déplacement se caractérise par un
phénomène silencieux et anonyme. Ceci rend difficile l’accès à des informations
vérifiables et les données disponibles sont très dispersées et parfois confuses.
Cette situation a aussi empêché de concrétiser une étude de terrain étant
donnée la difficulté de localiser ces personnes et de gagner leur confiance. Il y
aurait fallu une observation-participante de très longue durée et sur différents
quartiers en même temps, étant donnée la constante mobilité de ces personnes.
C’est pourquoi, nous soulignons l’importance des tables rondes avec le support
du HCR et d’un organisme étatique pour la défense de droits de l’homme comme
la Defensoría del Pueblo.
D’autre part, nous voyons différents intérêts politiques dans la
présentation des informations concernant les phénomènes de violence dans le
pays, y compris le déplacement forcé. En effet, concernant de mêmes
phénomènes, nous avons trouvé des versions contradictoires. De ce fait, toutes
les informations méritent d'
être maniées avec davantage de prudence en
différenciant celles qui proviennent de la part des organismes étatiques, des
organisations sociales, des groupes armés illégaux ou de personnes directement
touchées par la situation.
5. L’organisation de l’étude
Dans cette étude nous avons élaboré un plan en trois grandes parties.
Tout d'
abord, nous évoquons l’apparition du concept de déplacement forcé par la
violence en Colombie. Dans cette première partie nous passons en revue le
concept de « déplacé » du point de vue juridique, étant donné que la Colombie
est le pays du monde où le développement juridique autour du déplacement est
32
le plus important et que les colombiens ont pris conscience de l’ampleur de ce
phénomène par le droit. Nous établissons les similarités entre la catégorie de
réfugiés et celle de déplacés, et l’évolution du concept de déplacement interne
par la violence en Colombie jusqu’à la définition du déplacement intra-urbain.
Dans la section finale de cette partie, nous soulignons que les arrêts de la Cour
Constitutionnelle sont une clé d’analyse précieuse pour étudier et repérer
l’évolution de la catégorisation sur le déplacement forcé. Un de ces arrêts (T-268
de 2003) présente et définit le déplacement intra-urbain en donnant une place
particulière à ce type de déplacement du point de vue juridique.
Ensuite, dans la deuxième partie, nous analysons le contexte de la
violence contemporaine et le surgissement et la consolidation des acteurs armés
illégaux en Colombie (notamment guérillas et paramilitaires) en donnant une
place singulière au trafic de drogue dans le débordement de violence. Il convient
de préciser que pour faire face à l’illégalité et à la violence, l’État lui aussi a lancé
des actions violentes afin de combattre les groupes armés illégaux. D’une
certaine façon, il se constitue donc comme un autre acteur du conflit, sans lequel
on ne pourrait pas expliquer le conflit armé dans le pays. Cette analyse permet
de comprendre le contexte et les raisons du développement d’une pratique
comme le déplacement forcé. Par la suite nous analysons l’impact et l’influence
des acteurs armés dans les métropoles. En effet, pour comprendre les
dynamiques propres du déplacement, il faut d’abord comprendre les logiques et
les intérêts qui poussent les acteurs armés à entretenir cette situation.
Notre troisième et dernière partie est divisée en deux. D’un part nous
analysons le déplacement intra-urbain dans la ville de Medellín et par la suite à
Barrancabermeja, en expliquant d’abord le contexte de violence contemporaine
qui touche ces villes. Nous remarquons que les études approfondies réalisées
sur le sujet sont peu nombreuses, notamment pour le cas de Barrancabermeja.
Néanmoins les dénonciations (même si non officielles) sur la situation du
déplacement intra-urbain sont chaque fois plus abondantes. Pour visualiser
globalement les informations apportées par les études de cas de Medellín et
Barrancabermeja à l’égard du déplacement intra-urbain nous avons élaboré un
tableau comparatif consultable dans la conclusion de la troisième partie.
33
Nous complétons notre étude par la présentation d’une conclusion
générale. Ensuite nous trouvons la bibliographie, une liste des sigles et
abréviations, une liste des graphiques, tableaux, cartes et photos, et les
annexes.
34
PREMIÈRE PARTIE
LE CONCEPT JURIDIQUE DE DÉPLACÉ (DESPLAZADO)
Introduction
Les migrations peuvent être divisées en diverses catégories : les
migrations légales, illégales et forcées.
Les premières, les migrations légales, font partie du projet de
développement démographique, économique et stratégique des États de
réception. En général, l'
objectif des politiques actuelles de migration légale est de
permettre l’entrée de migrants pour combler les nécessités du marché de travail.
Ces besoins répondent en grande mesure à la baisse démographique et au
vieillissement de la population de certains pays. La migration de travailleurs avec
un haut niveau de qualification est reconnue comme un moyen important pour
soutenir la croissance économique et éviter les blocages dans les économies
développées. Cependant, il existe aussi une demande de travailleurs non
qualifiés pour certains métiers. Finalement, la migration légale répond aussi aux
projets d’investissement provenant de l’extérieur (Comisión de las Comunidades
Europeas 2004, p. 2-5). Plusieurs auteurs ont traité ce type de migrations (JulienLaferrière 2000 ; Castillo 2002 ; Villa et Martínez 2002 ; Aleinikoff et Chetail
2003 ; Comisión de las Comunidades Europeas 2004).
Par ailleurs, les migrations illégales concernent les personnes qui se
déplacent entre divers pays en marge des systèmes de migration légale. La
migration internationale a depuis longtemps été un moyen de réponse aux
difficultés économiques rencontrées dans les pays d’origine. Or, la recherche
d'
opportunités n’est pas restreinte à la recherche d’emploi. Les migrants tendent
à neutraliser les effets différentiels au niveau économique mais aussi au niveau
social et culturel entre les différents pays et les inégalités des degrés de
développement. Bien que la plupart des flux migratoires de la région latinoaméricaine se dirigent vers les États-Unis et dans une moindre mesure vers le
Canada, de nos jours il existe des flux dirigés vers les pays européens et
35
l’Australie.40 Selon Castillo, les migrations dans la région ont été stimulées non
seulement par les pressions dérivées de la perte ou de l'
absence d'
occasions de
développement personnel ou familial dans les lieux d'
origine, mais aussi par la
demande dans les lieux de destination (Castillo 2002, p. 13). Les économies
développées ont toujours eu besoin des travailleurs de pays moins développés.
Les immigrants moins qualifiés sont embauchés par des employeurs qui
cherchent à réduire les coûts du travail. Néanmoins l’entrée dans le pays est
généralement réglée par des programmes d'
embauche temporaire. De ce fait,
certains y restent dans une situation clandestine. Ensuite, ils sont victimes de
l'
exploitation du travail et de surcroît font l'
objet d'
une discrimination légale et
sociale (Villa et Martínez 2002, p. 1-2). Il existe des analyses sur ce type de
migrations avec des visions très diverses (Portes 1990 et 1995 ; Tarrius 1992 ;
Fassin, Morice et Quiminal 1997 ; Peraldi 2001 ; Bredeloup 2001).
L’objet d’étude de cette thèse concerne le troisième groupe de migrations,
les migrations forcées. L’exode de grandes masses de population, déracinées de
leur lieu d’origine et de résidence pour des motifs tels que la violence et forcées
à migrer vers un nouveau lieu constitue un phénomène historique de longue
durée qui touche plusieurs cas contemporains : les Balkans, l’Europe Oriental,
l’Afrique Centrale, etc. Ces phénomènes ont beaucoup été étudiés avec des
approches diverses et hétérogènes. Il y a plusieurs études sur les exilés, les
réfugiés, les apatrides, les migrants et les déplacés internes (Arendt 1993 et
1995, Goodwin-Gill 1996 ; Julien-Laferrière 1997 ; Cohen et Deng 1998 ;
Meertens 2001 ; Cohen 2005).41 Le cas colombien des déplacés internes,
comme nous l’avons déjà indiqué, a été étudié par quelques auteurs français
(Pécaut 1998 et 2001 ; Agier 2002 ; Dureau et al 2004) et colombiens (Osorio
1993 ; Botero 1998 ; Uribe 1999 ; Bello et Mosquera 1999 ; Cubides et
40
Depuis 1907, « [...] 20,9 millions d'
immigrés venus du monde entier ont acquis la
nationalité américaine. À l'
heure actuelle, sur les 190 millions de migrants dans le monde,
20% résident aux États-Unis. De 2000 à 2005, 3,7 millions d'
immigrés ont décidé
d'
acquérir la nationalité américaine, et les États-Unis ont accordé le statut de résident
permanent à 5,8 millions de personnes. Les États-Unis sont aussi le pays qui accueille le
plus de réfugiés ; depuis 1975, ils ont admis près de 2,7 millions de réfugiés (127.000 en
moyenne par an) » (Programme d'
Information Internationale 2006, p. 1).
41
À la fin du XXe siècle environ 150 millions de personnes vivent loin de leur pays de
naissance, soit 2,5 % de la population mondiale ou 1 personne sur 403. De ce nombre,
environ 15 millions (soit 10 %) sont des réfugiés (UNHCR 2000, p. 280).
36
Domínguez 1999 ; González 2002 ; Vidal 2005).
La Colombie est un des pays où il y a le plus de réglementation autour
des déplacements forcés pour cause de violence. C’est ce que nous pouvons
constater
dans
la
promulgation
de
plusieurs
lois,
décrets,
présidentielles, résolutions, accords et circulaires ministérielles.
42
directives
Du côté de la
jurisprudence, depuis 1997, le plus haut tribunal constitutionnel de la Colombie,
la Cour Constitutionnelle, a réalisé 17 révisions des « actions de tutelle » sur ce
sujet. D’autre part, il existe une grande quantité de conventions signées entre les
différentes institutions de l’État chargées de la politique publique autour du
déplacement, et des conventions avec les organismes internationaux qui
agissent sur le territoire colombien.
Cette prolifération de normes et d’instruments juridiques nous permet de
définir le déplacement de population comme une « catégorie normative »,
notamment à partir de la promulgation de la Loi 387 de 1997. C’est une catégorie
à caractère normatif non seulement par l’existence des normes, mais aussi du
fait de l’utilisation de la loi par les déplacés comme seul moyen de se manifester
auprès de l’État. En conséquence, il est courant de voir les déplacés utiliser la
lettre officielle qui les catégorise comme tels.
Dans cette partie nous ferons donc une révision du concept de « déplacé »
du point de vue juridique. Divisé en huit sections, cette partie établit la trajectoire
entre la catégorie de réfugiés et celle de déplacés, et l’évolution du concept de
déplacement interne par la violence en Colombie jusqu’à la définition du
déplacement intra-urbain.
Dans la première section, nous allons analyser comment le concept de
« déplacé » est inspiré de celui de réfugié en droit international. Nous
regarderons la naissance et l’évolution du statut de réfugié et nous constaterons
l’importance des instruments légaux pour déterminer qui se trouve concerné par
cette condition. Dans une deuxième section nous regarderons comment les
actions du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés se sont
élargies pour agir auprès des déplacés internes. Puis, dans la troisième section,
42
Voir la liste des principaux instruments normatifs dans l’annexe A.
37
nous parlerons du droit à ne pas être déplacé, terminologie propre aux pays en
situation de conflit armé. La quatrième section aborde l’élaboration du premier
instrument normatif, propre aux déplacés, reconnu au niveau mondial : les
principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur
propre pays (dorénavant Principes Directeurs des Nations Unies). La section
cinq traite des mécanismes de reconnaissance du déplacement forcé dans les
Amériques. La section six présente toutes les étapes qui ont été franchies en
Colombie pour la reconnaissance du déplacé comme un sujet de droit spécial, et
la catégorisation du déplacement à travers les lois et les décrets. Dans la
septième section nous verrons comment l’ordonnancement juridique a créé
différents types de vulnérabilité entre les déplacés, et demande une
discrimination positive à leur égard. Dans la section finale nous analyserons
comme les arrêts de la Cour Constitutionnelle sont une clé d’analyse précieuse
pour étudier et repérer l’évolution de la catégorisation sur le déplacement forcé.
Un de ces arrêts présente et définit le déplacement intra-urbain en donnant une
place particulière à ce type de déplacement du point de vue juridique.
Pour la construction de cette partie nous avons utilisé plusieurs sources
d’information dont les principales sont : la compilation de normes du Guide
d’Assistance Intégrale à la Population Déplacée par la Violence écrit par la Red
de Solidaridad Social (dorénavant RSS), les compilations et livrets instructives de
la Defensoría del Pueblo, les compilations normatives et livres publiés par
l’Agence de Nations Unies pour les Réfugiés – UNHCR, les bulletins de la
CODHES et les arrêts d’action de tutelle de la Cour Constitutionnelle.
Nous utiliserons aussi d’autres études, de nature plus académique, qui
nous permettront de mieux approcher l’étude critique des instruments normatifs
relatifs au déplacement forcé. Nous nous appuierons surtout sur l’étude de Jorge
González sur la catégorie du déplacé comme sujet de droit spécial (González
2002), sur celle de Roberto Vidal sur le droit global et le déplacement interne
(Vidal 2005) et les analyses des « sans papiers » montrés dans le livre de
Fassin, Morice et Quiminal : Les lois de l’inhospitalité : les politiques de
l’immigration à l’épreuve de sans papiers (Fassin, Morice et Quiminal 1997).
38
1. Le statut des réfugiés : vrais ou faux demandeurs d’asile ?
Le mot « déplacé » n’est pas un mot courant pour tous. Il y a des
personnes qui ignorent tout de fait sa signification et, pour ceux qui la
connaissent, elle renvoi souvent au mot « réfugié ». Les deux termes sont
mélangés constamment. Nous observons que la notion de « déplacé » est
inspirée par les principes normatifs relatifs aux réfugiés, et de ce fait
l'
identification de tous par le même mot. Dans cette section nous ferons donc
exclusivement référence au statut des réfugiés, pour essayer de comprendre
l’origine de la catégorie des déplacés.
Le statut des réfugiés est défini dans divers instruments internationaux et
il existe plusieurs régimes qui définissent les réfugiés à partir de leurs propres
catégories normatives. Néanmoins, la définition principale qui rassemble un
grand nombre de pays est celle de la Convention sur le Statut des Réfugiés de
1951 et du Protocole sur le Statut des Réfugiés de 1967 dont la force découle du
nombre important de ratifications qu’ils recueillent au niveau mondial.43 La
Colombie est un État signataire de la Convention depuis 1961 et du Protocole
depuis 1980.
Des droits similaires à ceux de la Convention étaient déjà énoncés dans
la Convention de 1933 relative au statut international des réfugiés (ratifiée
seulement par huit États) et dans la Convention de 1938 relative au statut des
réfugiés d’Allemagne, avec trois ratifications (UNHCR 2000, p. 14).
La Convention sur le Statut de Réfugiés pour la protection de ceux qui
avaient abandonné leur lieu d’origine, promulguée le 28 juillet 1951 et entrée en
vigueur le 22 avril 1954, promeut la reconnaissance, l’assistance et la protection
des réfugiés antérieurs au 1º janvier 1951. Plus tard, le Protocole sur le Statut
des Réfugiés, approuvé et entré en vigueur en 1967, élargit le caractère de
protection pour ces personnes, indépendamment de la date de développement
des événements. Néanmoins, malgré cet élargissement temporel, la Convention
reste limitée géographiquement étant donné que les États signataires peuvent
43
Voir la liste des États signataires de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967
dans l’annexe B.
39
restreindre leurs obligations à l’Europe (Convention relative au Statut de
Réfugiés 1951, article B1). D’après la Convention sur le Statut des Réfugiés de
1951, le réfugié est toute personne qui :
« [...] par suite d'
événements survenus avant le premier janvier
1951 et craignant avec raison d'
être persécutée du fait de sa race, de
sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe
social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a
la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se
réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'
a pas de
nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence
habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite
crainte, ne veut y retourner » (Convention relative au Statut de Réfugiés
1951, article A1).
Une des dispositions clés dans cette convention est le principe de non
refoulement. Il s’agit de l’obligation pour les États signataires de ne pas expulser
des réfugiés vers un État où ils seraient menacés de persécution, et où leur vie
ou leur liberté seraient menacées en raison de leur race, de leur religion, de leur
nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions
politiques (Convention relative au Statut de Réfugiés 1951, article 33.1).
La définition de réfugiés de la Convention est très semblable à celle adopté
un an avant (1950) par le Statut du Haut Commissariat des Nations Unies pour
les Réfugiés:
« Tout personne qui, par suite d'
événements survenus avant le 1er
janvier 1951 et craignant avec raison d'
être persécutée du fait de sa
race, de sa religion, de sa nationalité ou de ses opinions politiques, se
trouve hors du pays dont elle a la nationalité, et qui ne peut ou, du fait
de cette crainte ou pour des raisons autres que de convenance
personnelle, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si
elle n'
a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle
avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de ladite crainte ou
pour des raisons autres que de convenance personnelle, ne veut y
retourner » (Statut du Haut Commissariat des Nations Unies pour les
Réfugiés 1950, article 6.2).
Selon le Haut Commissariat de Nations Unies pour les Réfugiés
(dorénavant HCR), la Convention devrait s’appliquer à toute personne qui craint
avec raison d’être persécutée, peu important l’origine des responsables.
Néanmoins et malgré son caractère humanitaire, la définition conventionnelle de
réfugiés exclut de conférer le statut à ceux qui ont décidé de quitter leur pays en
40
raison de la violence généralisée par la persécution d’agents non étatiques, ainsi
qu’aux groupes massifs de réfugiés, en tant qu’elle prévoit la reconnaissance de
réfugiés uniquement de façon individuelle. Dans certains pays :
« On ne reconnaît pas le statut de réfugié à des victimes de
persécutions commises par des « agents non étatiques », et ces
victimes ne jouissent souvent ni du même niveau de protection ni des
mêmes droits que les réfugiés. Ces mesures et d’autres encore ont
pour effet de diminuer la proportion des demandeurs d’asile reconnus
dans le cadre de la Convention » (UNHCR 2000, p. 161-162).
Ces exclusions signalent l’impossibilité d’accéder au statut de réfugié
pour la majorité des personnes dans le besoin, étant donné qu’elles ne rentrent
pas dans les définitions officielles (Vidal 2005, p. 41-47).44 De plus, la fermeture
des frontières et l’instauration de contrôles dans le cadre de la lutte contre le
terrorisme risquent de compromettre l’exercice du droit des réfugies. Selon
Ceyhan les attentats du 11 septembre 2001 « [...] ont eu pour conséquence
d'
établir une association entre terrorisme et immigration, de mettre en avant la
sécurité de la patrie et de soulever la question de l'
allégeance des citoyens
d'
origine étrangère envers les États-Unis » (Ceyhan 2001). En outre, « [...] les
contrôles d’identité à grande échelle, ne peuvent manquer de désigner
l’ensemble des étrangers comme objet de suspicion à l’opinion publique »
(Lochak 1997, p. 33).
Face à ces limitations et pour répondre aux différentes situations
présentées en Amérique Latine pendant les années soixante-dix et au début des
années quatre-vingt,45 les représentants des Nations Unies et les gouvernements
44
Smaïn Laacher consultant du HCR à Paris et membre de la Commission des Recours
pour les Réfugiés montre la difficulté d’apprécier les récits de demandeurs d’asile, dans
un cadre de défiance initiale. Il montre comment c’est un défi pour les requérants de
fournir des explications convaincantes sur les faits de la persécution. Le requérant doit
montrer les faits par des traces matériels et par l’organisation du récit. Un récit crédible
comporte une cohérence interne (continuité du récit géographique et chronologique) et,
une cohérence externe (par rapport à la situation du pays expulseur). En outre, la
crédibilité du récit repose sur les témoins (la personne doit ramener des témoins dont on
ne se méfie pas – comme par exemple membres des ONG reconnues) et le requérant
doit faire état de sa réputation (origine sociale et condition de propriétaire) par moyen
d’articles de presse, documents officielles etc. Pour Laacher, ce qui est en jeu c’est la
capacité du requérant de faire admettre l’inadmissible et de faire croire l’incroyable
(Laacher 2006).
45
Situations telles que l’instauration de la dictature en Argentine (1976-1983), les coup
41
latino-américains se sont réunis en 1984 à Carthagène (Colombie) afin de
rédiger une déclaration internationale. Le document adopté souligne quelques
conclusions et recommandations sur la question des réfugiés et constate l’intérêt
d’élargir le concept des réfugiés à d’autres personnes, expressément à celles :
« [...] qui ont quitté leur pays parce que leur vie, sécurité ou liberté
ont été menacées par la violence généralisée, l'
agression étrangère, les
conflits internes et la violation massive des droits de l'
homme ou autres
cas tels que ceux précités, qui peuvent altérer ou altèrent drastiquement
l’ordre public » (Déclaration de Carthagène 1984, p. 5).46
Bien que non engageante, la Déclaration de Carthagène est devenue le
point de repère des politiques pour les réfugiés en Amérique Latine et elle a été
incorporée dans la législation nationale de plusieurs pays (HREA 2003, p. 7). Le
besoin de considérer le statut des réfugiés dans un contexte plus ample, était
déjà exposé dans la Convention Africaine de l'
OUA (l'
Organisation de l'
Unité
Africaine) du 10 septembre 1969 :
« Aux fins de la présente Convention, le terme « réfugié »
s'
applique à toute personne qui, craignant avec raison, d'
être
persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son
appartenance à un certain groupe social et de ses opinions politiques,
se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du
fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays, ou
qui, si elle n'
a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel
elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut,
ou en raison de ladite crainte, ne veut y retourner. »
« Le terme « réfugié » s'
applique également à toute personne qui,
du fait d'
une agression, d'
une occupation extérieure, d'
une domination
étrangère ou d'
événements troublant gravement l'
ordre public dans une
partie ou dans la totalité de son pays d'
origine ou du pays dont elle a la
nationalité, est obligée de quitter sa résidence habituelle pour chercher
refuge dans un autre endroit à l'
extérieur de son pays d'
origine ou du
pays dont elle a la nationalité » (Convention de l'
OUA 1969, articles 1 et
2).
d’État et le conflit interne du Guatemala (1978-1985), le conflit interne du Salvador (19751992), la révolution sandiniste du Nicaragua (1979), et les combats entre les guérillas et
l’armée au Pérou dans les années quatre-vingt.
46
Traduit par nous de : « [...] que han huido de sus países porque su vida, seguridad o
libertad han sido amenazadas por la violencia generalizada, la agresión extranjera, los
conflictos internos, la violación masiva de los derechos humanos u otras circunstancias
que hayan perturbado gravemente el orden público ».
42
En dépit de ces différentes déclarations régionales, la conception
conventionnelle et de portée universelle des réfugiés reste restrictive. En
conséquence, la protection de ceux qui demandent le statut de réfugié est limitée
et difficile à acquérir.47
Même dans les pays latino-américains il y a eu des interprétations
restrictives de la Convention sur les Réfugiés et les accords de Carthagène ont
été négligés. Par exemple, en l’an 2003, l’État Panaméen a nié la condition de
réfugiés à 109 colombiens qui, en raison du conflit armé en Colombie, ont
cherché refuge dans les localités de Punusa et de Machugansi. Dans ce cas là,
l’État Panaméen n’a reconnu comme réfugiés que les personnes qui se sont
déplacées à cause de la persécution directe de son propre État. Pour cette
raison, les autorités panaméennes ont obligé les colombiens à être transférés
dans la localité de Sapzurro, en territoire colombien (Defensoría del Pueblo
2003c).
Dans cette section nous avons vu comment la catégorie de réfugié est
définie par des instruments internationaux. C’est à travers l’existence de ces
documents que l’on commence à reconnaître un statut spécial aux personnes qui
ont franchi les frontières de leur pays pour chercher refuge dans un pays
étranger. Même si ces documents ont été conçus pour la protection et
l’assistance de personnes en danger, parfois les États appliquent ces
instruments de façon restrictive en limitant les droits des réfugiés et en
stigmatisant la population sous cette catégorie de « mauvais immigrés ». Cette
attitude est due à l’utilisation de la catégorie de réfugié par certains migrants
économiques ou sociaux comme seul moyen d’entrer dans des pays qui offrent
de meilleures conditions de vie que leurs pays d'
origine.48 La réduction
47
Pour plus d’information sur les mesures restrictives voir Vidal 2005, p. 48-54.
48
D’après le journal El Tiempo, il existe en Colombie des organisations qui offrent des
services d'
immigration illégaux. Ils élaborent pour les demandeurs, de faux documents
voire des menaces des groupes armés. Le prix des démarches oscille entre 7 et 10
millions de pesos (entre 2.400 et 3.400 euros). Depuis 1981, 60.415 colombiens ont été
reconnus comme réfugiés dans le monde. Mais, tandis qu'
au début des années 1990,
chaque année entre 1.000 et 2.500 demandes d’asile par colombiens étaient présentées,
en 2002, le chiffre a augmenté jusqu’à 12.700 (El Tiempo 2006 cité par Consulado
General de Colombia en Francia 2006, p. 1).
43
progressive de tous les canaux ordinaires de migration (migration économique,
regroupement familial, étudiants, réfugiés politiques), s’est traduite par l’exclusion
et la marginalisation des communautés étrangères, qui se trouvent de plus en
plus en situation irrégulière (Moulier Boutang 1997, p. 127).49
La conclusion de Fassin, Morice et Quiminal dans le livre Les lois de
l’inhospitalité : les politiques de l’immigration à l’épreuve de sans papiers est á
cet égard édifiant. Pour le cas de la France, il existe une :
« [...] suspicion systématique à l’encontre des étrangers, (s’ils
demandent l’asile politique, s’ils veulent faire des études, s’ils ont un
enfant en France, s’ils décident de se marier avec un Français) tend
ainsi à définir leur image en négatif, ce qui permet au bout du compte
de susciter une large adhésion aux politiques répressives » (Fassin,
Morice, Quiminal 1997, p. 267).
Enfin, nous observons toujours une ambivalence dans le regard porté sur
les réfugiés, lequel oscille entre les considérer, d’une part, comme des
personnes touchées par la persécution et la violence auxquelles nous devons
offrir de la protection et de l’aide et, d'
autre part, comme celles que l’on
soupçonne d’être de faux demandeurs du statut de réfugié. Sans être réellement
des réfugiés, ils veulent accéder aux bénéfices qu'
offre cette condition,
représentant ainsi une charge additionnelle pour le pays récepteur.
49
Moulier Boutang se réfère au cas de la France depuis la fermeture officielle des
frontières aux travailleurs migrants en 1972-1974. Nous retrouvons la même situation de
marginalisation des étrangers en France avec la promulgation des plusieurs lois. Par
exemple la loi anti-immigrés d’avril 1997, traçait selon Daumn « [...] le contrôle aux
frontières et à l’intérieur du pays, avec toute une série de mesures portant atteinte aux
libertés individuelles de l’ensemble de la société française, s’accompagnait de mesures
d’exclusion et de marginalisation des communautés étrangères en France. Ainsi, la
chasse aux immigrés sans papiers s’imposait d’autant plus que les lois et les pratiques
administratives servaient également à fabriquer des sans-papiers » (Daumn 1997, p.
197). Le sujet continue à être d’actualité en France. La Loi 1119 de 2003 relative à la
maîtrise de l'
immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, a été
qualifiée à plusieurs reprises d’institutionnaliser la précarisation du statut des étrangers.
De même, en 2006, à l'
initiative du Ministre de l'
Intérieur, Nicolas Sarkozy, le Parlement
adopte en juin un projet de loi relatif à l'
immigration et à l'
intégration qui veut favoriser
une « immigration choisie ». Ce projet a été critiqué pour reposer sur une conception
policière de la gestion du phénomène migratoire.
44
2. Le concept de déplacé et le HCR : liens et similarités entre réfugiés
et déplacés
Dans la section précédente nous avons vu le développement de la
catégorie de réfugié. La catégorie de « déplacé » se détache de celle de réfugié.
Pour tracer la trajectoire entre ces deux catégories nous considérons comme
importantes les actions développées par le Haut Commissariat de Nations Unies
à leur égard. L’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR ou UNHCR)
fut créée en 1950 dans un but humanitaire et social ayant comme objectif la
protection internationale des réfugiés et de faciliter leur rapatriement volontaire
ou leur incorporation dans de nouvelles communautés nationales (Statut du Haut
Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés 1950, article 1).50
Au préambule de la Convention sur le statut des réfugiés, il y a une
mention explicite sur la tâche du HCR face aux réfugiés : veiller à l'
application
des conventions internationales qui assurent la protection des réfugiés et
coordonner des actions avec les États pour résoudre la situation. Dans l’article
35, la Convention définit que les États membres s'
engagent à coopérer avec le
HCR et à lui fournir toutes les informations pour accomplir ses tâches face à la
Convention.
Les actions du HCR face à la protection des réfugiés occupent une place
prééminente dans la mesure où l’agence applique actuellement une définition de
réfugiés au sens large du terme, sans limitations temporelles ni géographiques.
Les activités entreprises par le HCR ont beaucoup changé depuis l’origine en
1950. L’agence s’est occupée non seulement des réfugiés européens à la suite
d’événements antérieurs au 1er janvier 1951, mais aussi des réfugiés hongrois
de 1956, des réfugiés chinois à Hong-Kong en 1957, des réfugiés algériens en
Tunisie et Maroc en 1958, pour n’en citer que quelques-uns. Le rôle et les
responsabilités du HCR s’accroissent encore dans les années 1980, et il
développe des activités en Indochine, Afrique, Amérique Centrale et en
Afghanistan. Ces situations ont élargi la compétence du HCR en faveur de
réfugiés hors de l’Europe et dans des pays en voie de développement. Ces
50
Site Internet du HCR: http://www.unhcr.fr
45
actions d’urgence, sollicitées au cas par cas par l’Assemblée Générale de
Nations Unies, l’agence les a développées sous la dénomination des « bons
offices » et elles ont commencé à devenir une pratique réitérée (UNHCR 2000, p.
31-52).
Sans créer de nouvelles responsabilités de droit international pour les
États, et afin de s’occuper de ceux qui n’étaient pas couverts par la Convention
et le Protocole sur les réfugiés, le HCR a commencé à agir auprès des déplacés
internes. À partir de 1970 et due à des situations trouvées sur le terrain, le HCR,
qui ne disposait d’un mandat de protection que pour les réfugiés, a commencé à
s’occuper des autres migrants, sous l’approbation de l’Assemblée Générale de
Nations Unies et avec l’accord des pays hôtes. Elle agit auprès des déplacés du
sud de Soudan (1972), Guinée-Bissau, Angola et Mozambique (1974) et, du
Vietnam et Laos (1975). En 1999, l’agence porte secours aux déplacés internes
en Afrique, dans les Balkans, dans l’ex-Union Soviétique, en Colombie et au Sri
Lanka (UNHCR 2000, p. 282).
Depuis le 12 septembre 2005, le Comité Permanent Inter-Organisations
des Nations Unies (formé par les coordinateurs et dirigeants des secours
d’urgence et de développement, les groupes de coordination d’ONG et le
mouvement de la Croix Rouge et du Croissant Rouge) a confié au HCR la
principale responsabilité de protéger les personnes déplacées à l’intérieur de leur
propre pays (Cohen 2005, p. 9). Ainsi, le HCR considère comme déplacée toute
personne qui, du fait des persécutions, d’un conflit armé, des violations massives
de droits de l’homme ou actes de violence généralisée a été contrainte
d’abandonner son foyer de résidence habituelle, et qui reste à l’intérieur des
frontières de son propre pays. En revanche, l’agence ne s’occupe pas de
déplacés dus aux catastrophes naturelles (UNHCR 2005, p. 3).
En effet, le principal moteur de l’action du HCR face aux déplacés est leur
rapport direct avec les réfugiés :
Les déplacés internes peuvent être mélangés dans la même région avec des
réfugiés, apatrides, rapatriés et autres groupes vulnérables.
Les déplacés risquent de traverser les frontières et peuvent se transformer en
46
réfugiés.
Les problèmes des réfugiés et des déplacés internes se ressemblent, les
besoins humanitaires sont les mêmes.
Les problèmes liés à la protection des déplacés internes nécessitent
l’expertise particulière du HCR.
Néanmoins il y a eu des critiques face à l’intervention du HCR face aux
déplacés internes.
« Les activités du HCR en faveur des déplacés internes peuvent
être interprétées comme réduisant la nécessité d’une protection
internationale et de la mise en pratique du droit d’asile. Des critiques
ont, en outre, fait remarquer que, moins la distinction est claire entre les
réfugiés (qui bénéficient de droits supplémentaires en vertu du droit
international sur les réfugiés) et les personnes déplacées internes, plus
la protection des réfugiés eux-mêmes en est amoindrie » (UNHCR 2000,
p. 215).
De ce fait, l'
extrême prudence avec laquelle le HCR doit agir face aux
déplacés, en veillant à la protection et à l'
assistance de ceux qui sont touchés par
ce fléau dans leur propre pays, mais sans leur nier la possibilité de chercher le
statut de réfugié.
Les bases juridiques pour l’intervention du HCR en situations de déplacés
internes se trouvent dans l’article 9 de son statut, lequel dispose que « Le Haut
Commissaire s'
acquitte de toute fonction supplémentaire que pourra prescrire
l'
Assemblée
Générale,
notamment
en
matière
de
rapatriement
et
de
réinstallation, dans la limite des moyens dont il dispose » (Statut du Haut
Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés 1950, article 9).
Pendant plusieurs années, treize documents officiels et onze résolutions
de l’Assemblée Générale de l’ONU ont manifesté l’importance de l’implication du
HCR dans des situations de déplacement interne. Il est possible de consulter la
liste de ces documents et leurs analyses sur le livre du UNHCR Consistent and
predictable responses to IDPs. A review of UNHCR’s decision-making processes.
Nous avons reproduit la liste des documents et résolutions sur l’annexe C de ce
travail.
47
Néanmoins, dans le dernier rapport sur les réponses du HCR aux
déplacés, il y a une forte critique à l’égard des procédures ad hoc aux déplacés,
et il est signalé un manque de direction politique et de compréhension des
obligations légales. Même s’il existe quelques documents et résolutions qui
soutiennent son action, les critères existants ne sont pas systématiquement
employés pour prendre des décisions dans le terrain (UNHCR 2005, p. 1).
Nous avons remarqué dans cette section comment le HCR a développé
une conception très ample de la catégorie de réfugiés, ce qui lui a permis
d’élargir son mandat à des situations qui surpassent le cadre propre des
réfugiés. Par les liens et similarités trouvés entre réfugiés et déplacés, le HCR
commence à agir à l’égard des déplacés et se constitue comme l’une des
agences les plus représentatives pour la protection des déplacés, notamment en
Colombie. Malgré les critiques sur son intervention ad hoc dans les cas des
déplacés, sa vision du phénomène et son expérience face aux réfugiés lui ont
permis de donner une définition ample au concept de déplacés, laquelle est
actuellement partagée par les textes normatifs sur le sujet en Colombie, comme il
sera vu plus loin.
3. La liberté de circulation sur le territoire national, le droit à la
permanence et au choix de lieu de résidence
Deux traités internationaux des droits de l’homme signalent et régulent de
manière spécifique le droit à la circulation et le choix du lieu de résidence : le
Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, et le Pacte de San José
de Costa Rica aussi connu comme la Convention Américaine relative aux Droits
de l’Homme.51
L’article 12 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques,52
51
L’élaboration de cette section suit les textes produits par le bureau juridique du CICR,
présentés dans la bibliographie. Voir aussi l’analyse faite par la Commission des Droits
de l'
Homme du Conseil Économique et Social de Nations Unies : Action visant à
encourager et développer d’avantage le respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales et notamment question du programme et des méthodes de travail de la
Commission : Droits de l'Homme, exodes massifs et personnes déplacées (Conseil
Économique et Social, 1998).
52
Ce pacte a été adopté le 16 décembre 1966 et il est entré en vigueur le 23 mars 1976.
48
signale:
« Quiconque se trouve légalement sur le territoire d'
un État a le
droit d'
y circuler librement et d'
y choisir librement sa résidence ».
« Les droits mentionnés ci-dessus ne peuvent être l'
objet de
restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour
protéger la sécurité nationale, l'
ordre public, la santé ou la moralité
publiques, ou les droits et libertés d'
autrui, et compatibles avec les
autres droits reconnus par le présent Pacte » (Pacte de San José de
Costa Rica 1966, article 12).
La Convention Américaine relative aux Droits de l’Homme,53 dans l’article
22 stipule :
« Quiconque se trouve légalement sur le territoire d'
un État a le
droit d'
y circuler librement et d'
y résider en conformité des lois régissant
la matière ».
« L'
exercice des droits susvisés ne peut faire l'
objet d'
autres
restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures
indispensables dans une société démocratique à la prévention des
infractions pénales, à la protection de la sécurité nationale, de la sûreté
ou de l'
ordre public, de la moralité ou de la santé publiques, ou des
droits ou libertés d'
autrui ».
« L'
exercice des droits reconnus au paragraphe 1 peut également,
dans certaines zones déterminées, faire l'
objet de restrictions légales
pour causes d'
intérêt public » (La Convention Américaine relative aux
Droits de l’Homme 1969, article 22).
Les articles mentionnés font allusion au droit de circuler librement et de
rester dans le territoire national d’un pays où l’on se trouve légalement et au
choix du lieu de résidence. Tous ces droits sont directement niés dès le moment
où il existe une pratique qui oblige les individus à se déplacer contre leur volonté.
Pour cette raison, ces mêmes droits instaurent en négatif le droit de ne pas être
déplacé.
En cas de conflit armé interne il existe aussi des dispositions interdisant le
déplacement forcé de population. Les déplacements forcés peuvent être opérés
Il a été approuvé en Colombie sous la Loi 74 de 1968 et ratifié le 29 octobre de 1969.
53
Cette convention a été adoptée le 22 novembre de 1969 et elle est entrée en vigueur le
18 juillet 1978. Elle a été ratifiée par la Colombie le 31 juillet 1973.
49
seulement à titre exceptionnel et doivent être prévues par la loi. Le Protocole II
additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949,54 dispose dans son
article 17 :
« Le déplacement de la population civile ne pourra pas être
ordonné pour des raisons ayant trait au conflit sauf dans les cas où la
sécurité des personnes civiles ou des raisons militaires impératives
l'
exigent. Si un tel déplacement doit être effectué, toutes les mesures
possibles seront prises pour que la population civile soit accueillie dans
des conditions satisfaisantes de logement, de salubrité, d'
hygiène, de
sécurité et d'
alimentation ».
« Les personnes civiles ne pourront pas être forcées de quitter leur
propre territoire pour des raisons ayant trait au conflit » (Protocole II
additionnel aux Conventions de Genève 1949, article 17).
Par ailleurs, une mission d’experts des droits de l’homme a adopté en
1990 une déclaration sur les règles humanitaires minimales, appelée Déclaration
de Turku (Finlande). La déclaration interdit les déplacements dans les situations
de violence interne, tensions et urgences publiques. Elle dispose que « [...] le
déplacement de population ou d'
une partie d’elle ne doit pas être imposée, à
moins qu'
il soit requis pour la sécurité de celle-ci ou pour des raisons impératives
de sécurité » (Consejo Económico y Social. Comisión de Derechos Humanos
1995, article 7).
La Colombie est un des États signataires des trois instruments
internationaux mentionnés, et le droit de circulation est inscrit dans la
Constitution Colombienne à l’article 24 : « Tout colombien, avec les limitations
qu'
établit la loi, a le droit de circuler librement dans le territoire national, d'
y entrer
et d’y sortir, et de rester et résider en Colombie ».55
Le droit de circulation et de permanence est limité seulement dans les
états d’exception prévus dans les articles 212 à 215 de la Constitution
Colombienne. Selon la Cour Constitutionnelle :
54
Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la
protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II), 8 juin 1977.
Adhéré par la Colombie le 14 août 1995.
55
Traduit par nous de : « Todo colombiano, con las limitaciones que establezca la ley,
tiene derecho a circular libremente por el territorio nacional, a entrar y salir de él, y a
permanecer y residenciarse en Colombia ».
50
« Le droit de circulation, en accord avec la charte, peut être limité
par la loi, mais de telles restrictions ne peuvent pas être de telle
amplitude qu’elles le rendent nul. Pendant les états d'
exception,
spécialement en cas de guerre extérieure ou troubles intérieurs, le
législateur est autorisé à établir des restrictions à la libre circulation et la
résidence des personnes ; par conséquent, le Président de la
République, dans ces périodes, peut indiquer valablement les limitations
que les circonstances rendent recommandables, pour des raisons de
sécurité nationale ou d'
ordre public, comme pour protéger la vie des
personnes, leur santé et leurs droits fondamentaux » (Corte
Constitucional 1994, p. 108).56
Pour cette raison dans le Code Pénal colombien le déplacement forcé de
population est qualifié de délit, et il y est prévu une peine de dix à vingt ans de
prison, des amendes oscillant entre mille et deux mille salaires minimums
mensuels et une déclaration d'
inaptitude à l'
exercice des droits et fonctions
publiques de dix à vingt ans pour les auteurs des infractions (Congreso de
Colombia. Código Penal Colombiano, article 159).
De même, dans les Principes Directeurs des Nations Unies, auxquels
nous allons faire référence dans la section suivante, le droit de ne pas être
déplacé est mentionné expressément dans l’article 6. Les dispositions
nécessaires en cas de déplacement sont signalées dans l’article 7 et la liberté de
circulation et de choix de résidence des déplacés est établie dans l’article 14.
Dans cette section nous avons fait référence à la liberté de circulation sur
le territoire national, au droit à la permanence et au choix du lieu de résidence,
qui constituent par opposition le droit de ne pas être déplacé. Ces droits ont été
signalés dans des documents conçus pour des situations de normalité, mais ces
droits restent valables en situations de conflit armé, troubles et violence
généralisée. L’expression « droit de ne pas être déplacé » est couramment
56
Traduit par nous de : « El derecho de circulación, de acuerdo con la Carta, puede ser
limitado por la ley, pero tales restricciones no pueden ser de tal índole que lo hagan
nugatorio. Durante los estados de excepción, especialmente en el caso de guerra
exterior o conmoción interior, el legislador está autorizado para establecer restricciones a
la libre circulación y residencia de las personas ; en consecuencia, el Presidente de la
República, en dichos periodos, puede válidamente señalar las limitaciones que las
circunstancias hagan aconsejable, por razones de seguridad nacional o de orden
público, como para proteger la vida de las personas, su salud, u otros de sus derechos
fundamentales ».
51
utilisée dans les pays où les déplacements de population civile sont devenus une
conséquence des conflits armés. Cette expression est propre au droit
international humanitaire et peut s'
avérer étrange pour un interlocuteur non initié.
C’est dans les pays affectés par les conflits armés que les droits à la circulation
et aux choix de résidence deviennent plus visibles.
4. Les Principes Directeurs des Nations Unies : contenir les
migrations dans le pays d’origine
Après la chute du mur de Berlin, en novembre 1989, les migrations
deviennent une affaire plus connue dans l’espace mondial. La détérioration des
conditions de vie dans les anciens pays communistes et le resurgissement des
rivalités religieuses et ethniques ont provoqué l’exode de population des Balkans,
(Yougoslavie, Bosnie, Croatie), et du Caucase (Georgia, Armenia, Azerbaïdjan,
Chéchenie), vers l’Europe. De même, plusieurs conflits dans des pays d’Afrique,
Asie et Amérique Latine sont apparus avec la prolifération de groupes armés
actifs en Algérie, au Sénégal, en Angola, au Burundi, au Congo, au Liberia, en
Guinée-Bissau, au Rwanda, en République démocratique du Congo (ex-Zaïre),
en Sierra Leone, en Somalie, au Soudan, au Liban, en Turquie, en Colombie, au
Mexique, au Pérou, en Afghanistan, en Inde, au Sri Lanka, en Birmanie, au
Cambodge, aux Philippines, en Indonésie, au Timor Est, en ex-Yougoslavie, au
Caucase, et dans bien d’autres pays (Nations Unies 2003 cité par Rivero 1999,
p. 1).
La violence et les conflits internes ont généré la migration de personnes
qui abandonnent leur lieu d’origine mais qui restent à l’intérieur des frontières de
leur propre pays. Ils sont considérés comme des déplacés internes. Pour la
catégorisation de ces victimes et pour décrire les éléments relatifs à la protection
de leurs droits, il y a eu plusieurs initiatives de régulation du sujet au niveau
international : la déclaration de Turku Abo (Finlande) de 1990, la déclaration de
Londres de 2000 fait par l’ILA (Association Internationale de Droit), et les
recherches de l’équipe du Représentant Général des Nations Unies pour les
Déplacés Internes développées pendant les années quatre vingt, qui ont donné
naissance aux principes directeurs relatifs aux déplacements de population à
52
l’intérieur de leur propre pays (Principes Directeurs des Nations Unies).57 Ce
travail est considéré comme le plus important au niveau international.
Promulgués en 1998, ces trente principes ont été élaborés à la demande
de l’Assemblée Générale des Nations Unies et de la Commission des Droits de
l’Homme, dans le but d’établir un cadre juridique qui s’accorde avec la situation
des victimes de déplacements internes. Ils définissent les droits et garanties des
déplacés internes et donnent des indications aux États, aux institutions, aux
organismes humanitaires et aux victimes sur la façon d’appréhender et de gérer
la situation.
Les Principes Directeurs définissent les personnes déplacées à l'
intérieur
de leur propre pays ainsi :
« Sont des personnes ou des groupes de personnes qui ont été
forcés ou contraints à fuir ou à quitter leur foyer ou leur lieu de résidence
habituel, notamment en raison d'
un conflit armé, de situations de
violence généralisée, de violations des droits de l'
homme ou de
catastrophes naturelles ou provoquées par l'
homme ou pour en éviter
les effets, et qui n'
ont pas franchi les frontières internationalement
reconnues d'
un État » (Principes directeurs relatifs au déplacement de
personnes á l’intérieur de leur propre pays, 1998, article 2).
Ces principes traitent des différentes phases de déplacements et sont
classés en cinq sections. L’introduction et la première section décrivent les
principes généraux, leur caractère face au droit international, au droit
international humanitaire et au droit interne et précisent la définition de déplacé
interne. La deuxième section fait allusion aux principes relatifs à la protection
contre les déplacements, et la troisième à la protection au cours du déplacement.
La quatrième section se réfère particulièrement aux principes relatifs à l'
aide
humanitaire, et la cinquième au retour, la réinstallation et la réintégration. Bien
qu'
ils n'
aient pas été approuvés par un traité international, ils se transforment en
outils spécifiques à caractère international au bénéfice des personnes déplacées.
D’après la thèse de doctorat de Roberto Vidal sur les déplacements
internes, les Principes des Nations Unies sont plus motivés par le fait de contenir
57
Pour plus d’information sur ces trois documents voir Vidal 2005, p. 70-74.
53
les migrations que par l’idée d’offrir une assistance humanitaire aux personnes
dans le besoin.58 Le droit des déplacés est construit à partir de modifications
stratégiques des droits des réfugiés, ayant comme objectif que les déplacés ne
franchissent pas les frontières de leur pays. Les questions humanitaires et la
protection des victimes sont reléguées au second plan. Par conséquent, le
problème des déplacés internes devient une préoccupation internationale car ces
personnes sont des réfugiés potentiels et leur assistance et leur protection
représentent un coût énorme pour les pays d’accueil (Vidal 2005). Selon l'
auteur:
« Depuis la fin des années quatre-vingt, le système international
de protection aux réfugiés subit un remarquable changement de
stratégie : d’une stratégie curative, opérant à travers l'
offre de refuge
temporaire aux personnes en danger qui se sont déplacées hors de
leurs pays d'
origine, elle devient une stratégie préventive des flux
externes de migrants forcés avec laquelle on cherche à contrôler les
migrations dans les États d'
origine » (Vidal 2005, p. 53).59
Le durcissement des lois dans les pays récepteurs de réfugiés, les aides
offertes pour les projets de retour de population dans leur pays d’origine, et la
stratégie de contrôle de migration dans les États d’origine obéissent à la peur de
la sédentarisation des étrangers dans les pays d’accueil.60 En effet, « [...] la
sédentarisation de tous les étrangers apparaît comme peu souhaitable : d’un
point de vue économique, le coût serait trop élevé ; d’un point de vue
sociologique, la distance culturelle de certains menacerait l’unité national »
(Quiminal 1997, p. 68).61
58
Roberto Vidal est avocat et historien de l'
Université Pontificale Javeriana de la
Colombie. Docteur en Droit des Universités Colegio Mayor Nuestra Señora del Rosario,
Externado de Colombia et de l'
Université Pontificale Javeriana. Actuellement il est
professeur d'
Histoire Universelle du Droit à l'
Université Pontificale Javeriana.
59
Traduit par nous de : « Desde finales de la década de los ochenta, el sistema
internacional de protección a los refugiados sufre un notable cambio de estrategia : pasa
de ser curativa, operando a través del ofrecimiento de refugio temporal a las personas en
riesgo que se han desplazado fuera de sus países de origen, para definirse desde
entonces como una estrategia preventiva de los flujos externos de migrantes forzados
con los cual se busca controlar la migración dentro de los Estados de origen ».
60
Par exemple, à travers la circulaire de juin 1977 la France installe une « aide au
retour » pas seulement pour stopper l’immigration mais aussi pour obtenir une diminution
de la population étrangère (Lochak 1997, p. 34).
61
Parlant de la législation française concernant le regroupement familial en 1974,
Quiminal explique qu’« une politique, qui devrait être une politique sociale et s’afficher
comme telle, produit des situations inhumaines, insupportables dès lors qu’elle vise en
54
Toutefois, ces principes sont devenus les principaux instruments invoqués
par les organismes internationaux et les différents États pour la protection des
droits de la population déplacée. Même si ces principes ne sont pas
contraignants et ne constituent pas une convention ou un traité, plusieurs
instances internationales ont recommandé leur application : la Commission
Interaméricaine de Droits de l’Homme, la Commission des Droits de l’Homme du
Conseil Économique et Social des Nations Unies, le Secrétaire Général de
Nations Unies, l’Organisation de l’Union Africaine, l’Organisation de Coopération
Européenne et le Commonwealth (Corte Constitucional 2004, p. 230).
Dans le cas colombien, ces principes ont été considérés comme des
documents d’importance majeure pour interpréter et préciser la portée des droits
des déplacés et des obligations corrélatives des autorités quant à leur protection.
L’importance de ce document a été remarquée dans la jurisprudence de la Cour
Constitutionnelle dans les arrêts SU-1150 de 2000, T-327 de 2001, T-098 de
2002, T-268 de 2003, T-419 de 2003 et T-602 de 2003 (Corte Constitucional
2004, p. 231).
Dans cette section nous avons vu comment la migration à l’intérieur des
pays causée par les conflits internes et la violence généralisée est devenue une
affaire qui interpelle les organismes humanitaires internationaux. La catégorie de
déplacé est donc établie par ces organismes et notamment par les Nations
Unies. En vertu des Principes Directeurs des Nations Unies, ceux qui n’ont pas
franchi une frontière internationale restent sous la souveraineté de leur propre
État.
D’après Vidal, l’intérêt ultime de ces principes est le contrôle de la
migration vers les pays développés et la retenue de personnes dans leur pays
d’origine. Pour cela, nous pouvons souligner que le regard porté sur les déplacés
est ambivalent. En effet, ils sont considérés comme des victimes auxquelles il
faut porter secours en urgence non seulement pour des raisons humanitaires
mais aussi de par le risque que représente leur passage vers les pays frontaliers.
réalité à limiter les flux » (Quiminal 1997, p. 67).
55
Les dispositifs de contrôle de migration à la source sont mis en place inspirés par
des préoccupations économiques (l’étranger comme responsable du chômage),
et par la menace que les immigrés représentent pour l’identité nationale des pays
récepteurs (Lochak 1997).62
5. Le déplacement dans les Amériques : six initiatives qui rendent
visible le phénomène
Entre 1984 et 1996, il y a eu maintes initiatives à l’égard des déplacés
dans diverses régions des Amériques. La déclaration de Carthagène de 1984 sur
les réfugiés stipule :
« [...] sa préoccupation pour la situation que subissent les
personnes déplacées dans leur propre pays. À cet égard, le Colloque
appel l’attention des autorités nationales et des organismes
internationaux compétentes pour offrir la protection et l’assistance à ces
personnes et contribuer à alléger leur situation » (Declaración de
Cartagena sobre Refugiados 1984, p. 6).63
En 1987 dans la Conférence d’Esquípulas II sur le processus de paix en
Amérique Central, les gouverneurs de Guatemala, El Salvador, Honduras,
Nicaragua et Costa Rica s'
accordent pour :
« [...] s'
occuper d'
urgence des flux de réfugiés et déplacés que la
crise régionale a provoqué, à travers la protection et l’assistance,
spécialement dans les aspects de santé, éducation, travail et sécurité,
ainsi qu'
à faciliter son rapatriement, la réinstallation ou le
rétablissement, pourvu qu'
elle soit de caractère volontaire et indiquée
de façon individuelle ».
« Ils s’engagent aussi à gérer devant la Communauté
Internationale l’aide pour les réfugiés et déplacés d'
Amérique Centrale,
tant en manière directe, au moyen de conventions bilatérales ou
multilatérales, comme au moyen du Haut Commissariat des Nations
62
En octobre 1998, par exemple, un journal local du Royaume-Uni, le Dover Express, va
jusqu’à qualifier les demandeurs du statut de réfugié de « détritus humains » (UNHCR
2000, p. 160).
63
Traduit par nous de : « [...] su preocupación por la situación que padecen las personas
desplazadas dentro de su propio país. Al respecto, el Coloquio llama la atención de las
autoridades nacionales y de los organismos internacionales competentes para que
ofrezcan protección y asistencia a estas personas y contribuyan a aliviar la angustiosa
situación en que muchas de ellas se encuentran ».
56
Unies pour les Réfugiés (HCR) et d'
autres organismes et agences »
(Acuerdo de Esquípulas II 1987, huitième conclusion).64
Également, lors de la CIREFCA (Conferencia Internacional sobre
Refugiados Centro-americanos) convoquée par le HCR en 1989, il a été adopté
une définition pour les déplacés internes. Les déplacés ont été signalés comme
des personnes qui requièrent une assistance particulière de la communauté
internationale, même si la responsabilité première de s'
en occuper revient à
l'
État :
« Depuis beaucoup de temps le problème des personnes
déplacées préoccupe les pays de la région et la nécessité de leur
donner protection et assistance est indiquée à plusieurs reprises. Bien
qu'
il n'
existe pas une définition généralement admise, sont considérés
comme déplacés toutes personnes ayant été obligées d'
abandonner
leur foyer ou activités économiques habituelles du fait que leur vie, leur
sécurité ou leur liberté ont été menacées par la violence généralisée ou
les conflits intérieurs, mais qui sont restées dans leurs pays. La
nécessité de protection et d’assistance de ces personnes est
quelquefois plus grande que celle des réfugiés qui ont abandonné leur
pays » (CIREFCA 1989, article 67).65
La Conférence a souligné le besoin d’une aide humanitaire d’urgence
auprès des déplacés, l’élaboration de programmes pour leur réintégration et la
canalisation de ressources internationales pour secourir les victimes.
64
Traduit par nous de : « [...] a atender con sentido de urgencia los flujos de refugiados y
desplazados que la crisis regional ha provocado, mediante protección y asistencia,
especialmente en los aspectos de salud, educación, trabajo y seguridad, así como a
facilitar su repatriación, reasentamiento o reubicación, siempre y cuando sea de carácter
voluntario y se manifieste individualmente. También se comprometen a gestionar ante la
Comunidad Internacional ayuda para los refugiados y desplazados centroamericanos,
tanto en forma directa, mediante convenios bilaterales o multilaterales, como por medio
del Alto Comisionado de las Naciones Unidas para los Refugiados (ACNUR) y otros
organismos y agencias ».
65
Traduit par nous de : « Desde hace mucho tiempo el problema de las personas
desplazadas preocupa a los países de la región y se ha señalado reiteradamente la
necesidad de extenderles protección y asistencia. Aunque no existe una definición
generalmente aceptada, se ha considerado desplazados a las personas que han sido
obligadas a abandonar sus hogares o actividades económicas habituales debido a que
su vida, seguridad o libertad han sido amenazadas por la violencia generalizada o el
conflicto prevaleciente, pero que han permanecido dentro de sus países. Las
necesidades de protección y asistencia de estas personas son algunas veces tan
grandes o más que las de los refugiados que han abandonado el país ».
57
Par ailleurs, entre 1989 et 1995 le PRODERE (Programa de Desarrollo
para Desplazados, Refugiados y Retornados en Centroamérica) a rassemblé
diverses agences d'
assistance dans le but de faciliter la réintégration des
personnes déplacées dans la région. Il a ainsi réalisé des projets de
développement, et il a soutenu la population déplacée dans leurs démarches
pour l’obtention des documents et de l’assistance légale (Cohen et Sánchez
2001, p. 65).
D'
autre part, afin de coordonner des actions en faveur des déplacés
internes, il a été créé en 1992 le CPDIA (Consulta Permanente para los
Desplazados Internos en las Américas) par l'
Institut Interaméricain des Droits de
l’Homme. Elle est intégrée par des organismes de droits de l’homme et
d’assistance humanitaire, agences intergouvernementales et ONG.66 Sa fonction
consiste à servir de centre d'
échange d'
information sur le phénomène du
déplacement, analyser les cas concrets dans les différents pays, faire des
recommandations pour trouver des solutions, offrir de l'
assistance technique aux
gouvernements et aux organisations qui travaillent avec les déplacés, établir un
cadre juridique et promouvoir le respect des droits de l’homme de la population
déplacée. Le CPDIA a mené des études de terrain à ce sujet en Colombie et au
Guatemala (OEA 1997, p. 5).
D'
autre part, en 1996 la Commission Interaméricaine de Droits de
l’Homme de l'
Organisation d'
États Américains (OEA) a nommé un porte-parole
des déplacés internes puisque elle s’est rendu compte de l'
ampleur des
déplacements dans la région latino-américaine, et de la nécessité d'
élaborer des
études pour comprendre le phénomène et offrir des solutions durables tant aux
réfugiés comme aux groupes déplacés par la violence. L'
objectif de ce porteparole est d'
identifier les conditions particulières dans lesquelles se trouvent les
populations déplacées, rendre propice le dialogue avec les gouvernements pour
66
Font partie du CPDIA le HCR, le Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD), le Fonds des Nations Unies pour l'
Enfance (UNICEF), le
Programme Mondial d'
Aliments (PMA), l'
Organisation Internationale pour les Migrations
(OIM), la Commission Interaméricaine de Droits de l’Homme et l'
Institut Interaméricain de
Droits de l’Homme. De même, organisations non gouvernementales comme le Conseil
Mondial d'
Églises (CMI) et le Groupe de Politiques sur les Réfugiés, experts
indépendants et un observateur du Comité International de la Croix Rouge (CICR).
58
améliorer la situation et produire une plus grande collaboration avec les
organisations internationales (OEA 1997, p. 4).
À travers ces incitatives, Carthagène 1984, Esquípulas II 1987, CIREFCA
1989, PRODERE 1989-1995, CPDIA 1992 et OEA 1996, le phénomène du
déplacement commence à devenir plus visible dans les pays de la région latinoaméricaine. Les deux premières font référence aux déplacés dans le cadre des
réunions menées en faveur des réfugiés et dévoilent la similarité entre les uns et
les autres, ainsi qu’une préoccupation pour le chiffre croissant des déplacements
forcés dans la région. Dans le cas d’Esquípulas II et le PRODERE les déplacés
et réfugiés sont traités comme une des graves conséquences du conflit dans la
région, et leur assistance est vue comme un point fondamental dans le
processus de paix de différents pays. Finalement, les efforts de la CPDIA et
l’OEA traitent directement le déplacement comme un phénomène spécifique, ce
qui donne une nouvelle approche pour traiter le problème, indépendamment des
actions menées en faveur des réfugiés.
6. La construction de la catégorie de déplacés internes (desplazados
internos) en Colombie : de la négation à la reconnaissance du
phénomène
Le développement du concept de déplacement forcé par la violence en
Colombie est passé par plusieurs instances : d’abord, les premières recherches
sur le sujet et la nécessité d’agir ; puis, la non-reconnaissance du déplacé
comme sujet spécial de droit ; ensuite, la reconnaissance du phénomène en
raison de sa visibilité croissante et finalement, sa caractérisation dans la politique
publique (la Loi 387 de 1997 et l’appareil juridique qui l’a suivi). Nous allons
parcourir chacune des ces étapes dans les sections suivantes.
6.1 Les premières recherches sur le phénomène : la nécessité d’agir
Pendant la première moitié des années 1990, quatre documents
considèrent le déplacement de population comme un phénomène strictement lié
au conflit armé : a) le rapport du conseiller présidentiel pour la promotion,
protection et défense de droits de l’homme de 1991, b) la recherche du CPDIA
59
(Consulta Permanente para los Desplazados Internos en las Américas) de 1992,
c) le rapport du Secrétaire Général des Nations Unies de 1994, et d) l’étude de la
Conférence Épiscopale Colombienne de 1995.
Ces recherches dénoncent l’ampleur des migrations forcées dans le pays
et la permanente vulnérabilité des droits de l’homme causée par celles-ci. Elles
apparaissaient dans le contexte favorable de la promulgation de la Constitution
de 1991, laquelle consacre les mécanismes processuels autonomes pour obtenir
la protection de droits fondamentaux, et il existe une tendance à reconnaître des
groupes différenciés dans la société (González 2002, p.15).
Dans ce contexte, la communauté internationale et les organisations de
défense des droits de l’homme commencent à parler du déplacement forcé par la
violence, et à exercer des pressions pour la reconnaissance du phénomène au
niveau étatique. L’intérêt partagé de ces organisations :
« [...] va rendre propice l'
utilisation de la catégorie internationale
de déplacement interne comme mécanisme de pression sur l'
État, dans
le cadre interne, par la construction d'
un fort lien entre le déplacement
et le Droit International des Droits de l’Homme et le Droit International
Humanitaire et ce des réfugiés. Les acteurs humanitaires voulaient
introduire la catégorie internationale du déplacement interne pour
nommer les migrations rurales - urbaines qui ont été étudiés depuis le
milieu du XXe siècle en lui ajoutant des éléments conceptuels liés au
conflit armé interne et l’évidence de violations graves des droits de
l’homme » (Vidal 2005, p. 208).67
La première recherche est présentée en 1991 dans le rapport de Jorge
Orlando Melo, conseiller présidentiel pour la promotion, la protection et la
défense de droits de l’homme. Au travers de cas particuliers, cette recherche fait
un premier diagnostic de la question et détermine trois types de déplacements :
la mobilité temporelle en cas de combats entre guérillas et Forces Militaires ; le
67
Traduit par nous de : « [...] va a propiciar la utilización de la categoría internacional de
desplazamiento interno como mecanismo de presión sobre el Estado, en el ámbito
interno, mediante la construcción de un fuerte vínculo entre el desplazamiento y el
Derecho Internacional de los Derechos Humanos y el Derecho Internacional Humanitario
y de los refugiados. Los actores humanitarios apuntaban a introducir la categoría
internacional de desplazamiento interno para nombrar las migraciones campo-ciudad
que se habían estudiado desde mediados del siglo XX agregándole elementos
conceptuales de vinculación con el conflicto armado interno y la evidencia de graves
violaciones de los derechos humanos ».
60
déplacement d’ordre politique qui cherche à mobiliser les gens pour obtenir des
concessions face à l’État ; et le déplacement permanent dû à la violence
généralisée dans certaines zones (causé par les paramilitaires, les guérillas mais
aussi par les Forces Militaires). La recherche demande une focalisation précise
de ce dernier phénomène, la création d’entités pour aider les déplacés, et
l’application de modèles d’assistance efficaces pour porter secours aux
victimes.68
Plus tard, en 1992, le conseiller présidentiel de droits de l’homme sollicite
l'
Institut Américain de Droits de l’Homme pour réaliser une consultation sur le
phénomène du déplacement en Colombie. Cette recherche est faite dans le
cadre du CPDIA (Consulta Permanente para los Desplazados Internos en las
Américas). Il ne nous a pas été possible d'
accéder au rapport du fait de son
caractère confidentiel et réservé. Néanmoins, nous constatons l’importance du
rapport car il donne une définition spécifique aux déplacés qui est reprise par
l’État colombien pour l’élaboration de la loi sur le déplacement (dont nous
parlerons plus loin), et parce qu’il a été mentionné dans divers textes qui
soulignent l’importance des recommandations que donne cette recherche en
matière de protection et d’assistance aux personnes déplacés. Nous trouvons
des références sur cette recherche dans les arrêts de la Cour Constitutionnelle,
les rapports des Nations Unies relatifs aux déplacés en Colombie et sur divers
textes des organismes appartenant au Système National d’Assistance Intégrale á
la Population Déplacée par la Violence (SNAIPDV).
En 1994, encore, sur demande du gouvernement colombien, le Secrétaire
Général des Nations Unies visite la Colombie et présente un rapport sur les
déplacés internes. Le rapport établit que la violence est la cause la plus profonde
des déplacements dans le pays et fait une caractérisation des types de
déplacements causés par celle-ci. Il signale les paysans, les indiens et les
communautés noires comme les groupes de population les plus démunis parmi
68
Due à la difficulté de trouver la recherche originale, les informations sur l’étude ont été
prises du texte de la conférence « Diagnóstico de la situación de desplazamiento en
Colombia. Las causas y las características » présenté par le Conseilleur dans le
Séminaire de 1991 « El desplazamiento interno en Colombia » (Comisión
Intercongregacional de Justicia y Paz ; Instituto Latinoamericano de Servicios Legales
Alternativos ; Instituto Interamericano de Derechos Humanos, 1991).
61
les déplacés. Après avoir présenté un diagnostic détaillé sur les causes et
conséquences du déplacement en Colombie, la recherche suggère d’adopter
une définition institutionnelle sur les personnes déplacées. Cette définition
pourrait être utilisée de manière flexible et pourrait aider à distribuer de manière
plus cohérente les responsabilités et le travail de différentes entités et aiderait en
même temps à canaliser et à utiliser de manière plus efficace les ressources.
Finalement, le rapport donne des recommandations à l’État colombien pour
trouver des solutions et prêter une assistance urgente aux déplacés par la
violence. En outre, il considère que la participation internationale est
indispensable pour surveiller l'
évolution et offrir des contributions au problème
(ONU 1994).
D’autre part, la Conférence Épiscopale Colombienne présente en 1995
son étude : Derechos Humanos : desplazados por la Violencia en Colombia.
Cette étude remarque le besoin d’une connaissance scientifique du déplacement
interne et décrit, à travers une recherche qualitative et quantitative, l’ampleur du
phénomène en Colombie entre 1985 et 1994. Comme principale cause du
déplacement, l’étude signale la violence politique due au conflit armé entre les
guérillas et l’État. D’autre part la recherche mentionne quelques conséquences
du déplacement, notamment au niveau socio-économique et psycho-social, et
donne des recommandations pour la prévention, protection et assistance des
déplacés internes par la violence dans le pays.
Les quatre recherches mentionnées présentent un diagnostic de la
situation de déplacement en Colombie et chacun à sa manière caractérise les
différents types de déplacement présentés dans le pays, en accord avec les
sources collectées. Malgré leurs divergences, tous indiquent comme point de
départ pour l'
action, la nécessité de donner une définition institutionnelle des
déplacés afin de reconnaître et recenser les victimes de ce fléau. Les études
insistent sur la nécessité de quantifier le phénomène, d’obtenir et d’attribuer les
ressources humaines, institutionnelles et financières nécessaires pour faire face
à la situation.
62
6.2 La non reconnaissance du statut juridique particulier des
déplacés
Malgré la pression exercée par la communauté internationale et l’Église
Catholique colombienne depuis le début de la décennie des années 1990 pour la
reconnaissance du phénomène du déplacement forcé et la forte dénonciation sur
la violation des droits de l’homme et le droit international humanitaire causés par
celui-ci, nous avons vécu une période de non reconnaissance du déplacé
comme sujet de droits spéciaux. Pendant le gouvernement de César Gaviria
(1990-1994) il y a eu une résistance à traiter les déplacés internes comme sujets
spéciaux de politique publique. À cette époque le DNP (Departamento Nacional
de Planeación)69 signalait :
« Si on suivait une politique propre aux déplacés par la violence on
focaliserait l'
action gouvernementale sur l’objectif de réduire l'
impact de
ce phénomène sur cette population qui, produit des combats entre les
forces sociales en conflit ou des menaces à caractère personnel, décide
de migrer. Cependant, cette population est seulement une partie de
celle qui subit l'
impact de la violence. Il existe ceux qui décident de
rester où ils habitent malgré les menaces contre leur vie dans ce qu'
on
pourrait appeler une « résistance civile ». La population objectif doit
donc se définir, sur des critères de violence et non de migration »
(Departamento Nacional de Planeación 1994, p. 2).70
Cette opposition est due aussi au refus de reconnaître le déplacement
comme une pratique spécifique qui se développe dans les pays sans que le
gouvernement agisse effectivement pour l’éviter et qui, en outre, comporte des
69
Depuis 1968, le DNP est l’organisme technique assesseur du Président de la
République en matière de vison stratégique du pays dans les aspects sociaux,
économiques et de l’environnement. Il est censé de faire le design, l’orientation et
l’évaluation de la politique publique colombienne. En outre il est responsable de la
gérance et de l’assignation de l’inversion publique et de la définition des cadres d’action
du secteur privé. Site Internet : http://www.dnp.gov.co/
70
Traduit par nous de : « Si se asume una política dirigida a los desplazados por la
violencia se focalizaría la acción gubernamental a reducir el impacto de este fenómeno
sobre aquella población que, producto del enfrentamiento entre las fuerzas sociales en
conflicto o de las amenazas de carácter personal decide migrar. No obstante, ésa es sólo
una parte de la población que sufre el impacto de la violencia. Están aquellos que
deciden quedarse donde están asentados a pesar de las amenazas contra su vida en lo
que podría denominarse una “resistencia civil”. La población objetivo debe definirse
entonces, con base en criterios de violencia y no de migración ».
63
graves violations des droits de l’homme.
Dans ce sens Emmanuel Dialma
expliquait :
« Sur le plan politique, les gouvernements refusent souvent de
reconnaître la présence de populations déplacées sur leur territoire : en
effet, celles-ci attestent de l’incapacité de l’État de protéger ses citoyens
(voire de sa propension à les persécuter). Les États sont toujours
réticents à renoncer à une quelconque partie de leur souveraineté,
même s’ils sont aux prises avec des conflits internes susceptibles
d’engendrer des crimes et d’affaiblir des assisses de l’État » (Dialma
2002, p. 132).
Pour cette raison, les déplacés ont été traités pendant longtemps dans le
vaste cadre de la population touchée par la violence. Avant la promulgation de la
Loi 387 de 1997 et des documents CONPES71 de politique publique sur les
déplacés (auxquels nous ferons référence plus loin) il y a eu quelques actions
générales pour s'
occuper des déplacés dans le cadre de la Convention DapreCroix Rouge, la Loi 104 de 1993 et à travers le Système National de Prévention
et Assistance de Catastrophes.72 Ces instances définissent les déplacés comme
des victimes de la violence et leur accordent certains bénéfices en matière d’aide
humanitaire d’urgence, de santé, de logement, d’éducation et de crédit.
Cependant, on n’accorde pas un caractère spécial à la population déplacée face
aux autres populations affectées par la violence.
71
Les CONPES sont des documents qui donnent des directives pour l'
élaboration de
politiques publiques en rapport avec le développement économique et social du pays. Ils
sont élaborés par le Conseil National de la Politique Économique et Sociale (CONPES)
lequel a été créé en 1958. Le CONPES économique agit sous la direction du Président
de la République et il est composé par les ministres de Relations Extérieures, Finances,
Agriculture, Développement, Travail, Transport, Commerce Extérieur, Environnement et
Culture, le Directeur du DNP (Departamento Nacional de Planeación), les directeurs de
la Banque de la République et de la Fédération Nationale de Café, ainsi que le Directeur
d'
Affaires pour les Communautés Noires du Ministère de l'
Intérieur et le Directeur pour
l'
Équité de la Femme. Le CONPES Social est dirigé par le Président de la République et
composé par les ministres des Finances, Santé, Éducation, Travail, Agriculture,
Transport, Développement, le Secrétaire Général de la Présidence et le Directeur du
DNP.
72
Pour plus d’information voir document CONPES 2804 de 1995.
64
6.3 La reconnaissance du phénomène en raison de sa visibilité
croissante (les chiffres)
À l'
époque connue comme « La Violencia » (1948-1964) de multiples
migrations forcées se sont présentées en Colombie. Après l’assassinat de Jorge
Eliécer Gaitán, candidat présidentiel du parti libéral en 1948, une « guerre civile »
s’est déclanchée entre les partis Libéral et Conservateur, principaux partis
politiques du pays. Cette violence a causé la mort de 180.000 personnes dans
un pays qui comptait à l’époque treize millions d’habitants (PNUD 2003, p. 25).
Plusieurs auteurs de disciplines diverses ont traité le phénomène (Oquist 1978 ;
Fajardo 1979 ; Guzmán, Fals Borda et Umaña 1980 ; Meertens et Sánchez
1983 ; Sánchez et Peñaranda 1984 ; Comisión de Estudios sobre la Violencia
1987 ; Pécaut 1987 ; Molano 1999).
Cependant, en raison de cette violence, peu nombreuses sont les
estimations sur le nombre de personnes déplacées. L’historien Paul Oquist
estime la migration forcée de 2.003.600 personnes (Oquist 1978, p. 324). Il
s'
avère très difficile de se documenter sur l'
incidence de ces migrations et, à
l’époque, il n'
existait pas un développement juridique autour du déplacement. Il
n'
existait pas non plus un traitement spécial pour les déplacés ni une politique
publique destinée à alléger les nécessités spécifiques de cette population.
Or, même si nous observons qu'
il y a eu des migrations forcées dues aux
affrontements entre les libéraux et les conservateurs pendant l’époque de La
Violencia l'
importance du déplacement forcé en Colombie n’a été reconnue qu’à
partir du développement des recherches des années 1990 mentionnées à la
section 6.1 de cette partie, dans lesquelles le phénomène est rendu visible. Les
raisons de ce manque de reconnaissance ont été signalées par différents
auteurs. Pour Jorge Orlando Melo, Conseiller Présidentiel pour la promotion, la
protection et la défense des droits de l’homme :
« Le problème des déplacés est un problème que le
gouvernement n'
a pas vu pendant de nombreuses années [...].
L’attitude face au problème a été de fermer les yeux et de permettre
simplement que, vu que la Colombie était un pays avec une longue
tradition migratoire, tradition qui était aussi en bonne partie stimulée par
65
la violence il y a plus de quarante années, mais aussi stimulée par une
autre série de phénomènes parallèles, comme la modernisation
économique, l'
urbanisation etc., on est arrivé à maintenir une confusion
permanente entre les deux processus : le processus de migration par la
violence et le processus de migration de type économique vers les
villes » (Melo 1992, p. 121).73
Selon Francis Deng, Représentant Spécial du Secrétaire Général des
Nations Unies:
« Il y a quelques années le gouvernement ne reconnaissait pas
qu'
il y avait un problème de déplacements internes dans le pays, soit
parce qu'
il était considéré comme une partie indissociable d'
un
processus de colonisation et migration interne, soit parce qu’il était vu
comme une conséquence de la violence dont le gouvernement avait
nié, à plusieurs reprises, être le responsable » (ONU 1994, p. 12).74
D’après la Conférence Épiscopale Colombienne :
« Pour les deux derniers gouvernements, de leur point de vue, il
ne leur convenait pas qu'
on connaisse la quantité de déplacés
provoqués par la guerre. Il était plus approprié pour eux, qu’on reste
avec le paradigme légendaire de la Violencia des partis. De ce fait, on
attribuerait la nouvelle violence uniquement au trafic de drogues ou aux
guérillas communistes, qui ne se mélangerait pas aux forces armées
officielles et aux paramilitaires reconnus comme tels. Ainsi on ne ferait
pas scandale international sur un problème qui occupait suffisamment
l’Amérique Centrale et qui aggraverait les dénonciations sur la violation
des Droits de l’Homme que la Colombie avait dans tous les hauts
tribunaux internationaux » (Conferencia Episcopal Colombiana 1995, p.
79).75
73
Traduit par nous de : « Este problema de los desplazados es un problema que el
Gobierno durante muchos años no vio [...]. Es un problema en el cual hubo una actitud
en cierta manera de cerrar los ojos y de permitir simplemente que, en vista de que
Colombia era un país con una larga tradición migratoria, tradición que también estaba en
buena parte estimulada por la violencia y que tiene más de cuarenta años, pero también
estimulada por otra serie de fenómenos paralelos, como eran los de modernización
económica, de urbanización etc., se llegó a mantener una confusión permanente entre
los dos procesos : el proceso de migración por violencia y el proceso de migración de
tipo económico a las ciudades ».
74
Traduit par nous de : « Hasta hace algunos años el Gobierno no reconocía que había
un problema de desplazamientos internos en el país, sea porque se consideraba como
una parte indisociable de un proceso de colonización y migración interna, sea porque lo
veía como una consecuencia de la violencia de la que el Gobierno había negado
reiteradamente ser responsable ».
75
Traduit par nous de : « A los dos últimos gobiernos, con toda razón desde su punto de
vista, no les convenía que se supiera la cantidad de desplazados que estaba creando la
guerra que vivía – y sigue viviendo- el país. Era más apropiado para ellos, que se
66
Le texte de Daniel Pécaut « La pérdida de los derechos, del significado de
la experiencia y de la inserción social : a propósito de los desplazados en
Colombia » dénonce la façon dont les gouvernants ne voulaient pas prendre
conscience du problème des déplacés et voulaient nier l'
ampleur du conflit. Pour
lui, les déplacés émergent comme une nouvelle catégorie pour penser les
phénomènes de violence en Colombie, « [...] la recrudescence des combats et
les déplacements massifs de populations ne sont pas plus que deux faces d'
une
même situation » (Pécaut 1998, p. 2).76
Dû à ce manque de reconnaissance, les chiffres sur les déplacements
forcés étaient approximatifs. La gestion de l’État pour la protection des victimes a
été faite sur la dénomination générale d’appui aux personnes affectées par la
violence, sans différencier les types de victimes de cette violence. Le rapport de
Nations Unies de 1994 signale l’absence de chiffres d’État pour établir la
magnitude du phénomène et présente pour l’époque une estimation de 300.000
personnes déplacées d’après les sources collectées parmi des organisations
locales et internationales non gouvernementales (ONU 1994).
Malgré la résistance du gouvernement à accorder une place spécifique
aux déplacés dans la politique publique, c’est à partir de l’élaboration des
documents mentionnés à la section 6.1 de cette partie, que le déplacement forcé,
est devenu une affaire plus « visible » tant au niveau interne comme international
et les chiffres de déplacés ont commencé à sonner l’alarme sur le phénomène.
Pour
analyser
l’ampleur
du
déplacement
forcé
nous
comptons
actuellement sur plusieurs systèmes d’information. D’abord, les chiffres officiels
sont gérés par la Red de Solidaridad Social à travers deux systèmes :
continuara con el paradigma legendario de La Violencia de los partidos, se le atribuyera
la nueva únicamente al narcotráfico o a las guerrillas comunistas, no se mezclara a las
fuerzas armadas oficiales y a los aceptados paramilitares y no se hiciera escándalo
internacional sobre un problema que ocupaba suficientemente Centroamérica y que
agravaría las denuncias que sobre violación de los Derechos Humanos enfrentaba
Colombia en todos los altos tribunales internacionales ».
76
Traduit par nous de : « [...] el recrudecimiento de los enfrentamientos y los
desplazamientos masivos de poblaciones no son más que dos caras de una misma
situación ».
67
a) Le Système Unique d’Enregistrement de la Population Déplacée
(dorénavant SUR)
77
qui concerne les personnes qui ont registré leur situation
auprès des organismes étatiques. Les données du registre sont prises à partir de
1995, dès la formulation du document CONPES 2804.
b) Le Système d’Estimation du Déplacement Forcé par Contraste de
Sources (dorénavant SEFC) mis en place dès l’année 2000 par les Unités
Régionaux de la Red de Solidaridad Social, pour faire une estimation des
personnes déplacées par le conflit, qui ont été ou non enregistrées.
De même, il existe le Système d'
Information sur la Population Déplacée
par la Violence de l’Église Catholique (dorénavant RUT) géré au travers de son
Unité de Mobilité Humaine de la Pastoral Social. L’Église a développé une
stratégie de divulgation du déplacement interne en Colombie avec la publication
de bulletins périodiques sur ce phénomène. C’est précisément l’Église, dans
l’étude déjà mentionnée Derechos Humanos : desplazados por la violencia en
Colombia, l’entité qui a donné les premiers chiffres sur le déplacement en
Colombie. Elle a calculé un chiffre approximatif oscillant entre 544.801 et
627.720 personnes déplacées entre 1985 et 1994, ce qui représentait environ le
2% du total de la population à l’époque (Conferencia Episcopal Colombiana
1995, p. 107).
Finalement, nous avons en Colombie le Système d’Information sur les
Déplacements Forcés et les Droits de l’Homme (SISDHES), système mis en
place par la CODHES (Consultoría para los Derechos Humanos y el
Desplazamiento), ONG colombienne créée en 1992 pour réaliser des recherches
sur les déplacements forcés dans le pays, suivre leur évolution, sensibiliser et
rendre efficiente l’action face au phénomène. La CODHES fait ses calculs par la
confrontation de différentes sources d'
information. Elle se base sur l’information
provenant de leur travail de terrain, mais aussi sur celle fournie par les médias,
les organisations sociales, la Red de Solidaridad Social, le Ministère Public, les
77
Depuis la fin 2006 le SUR s'
appelle SIPOD. Cependant pour plus de clarté, nous
maintiendrons la référence au SUR, sigle utilisé par la plupart des documents consultés
dans cette étude.
68
gouvernements locaux, les agences de Nations Unies, le Comité International de
la Croix Rouge, la Pastoral Social et différents églises (PNUD 2005a, p. 2-3).
Le SUR et le SISDHES s’avèrent être les deux systèmes les plus
significatifs et les plus utilisés lorsqu’il s’agit de chiffres de déplacement forcé en
Colombie. Les données du SUR sont le résultat d´une démarche institutionnelle
et elles considèrent uniquement les personnes enregistrées, remplissant donc
les caractéristiques définies par les normes. D’autre part, les chiffres apportés
par le SISDHES cherchent à dénoncer l’ampleur du phénomène et à récolter
toutes les situations de déplacements présentées, même s’ils ne sont pas
dénoncés par les victimes. On dénote donc un intérêt politique dans la
présentation des calculs de ces deux organismes : l’un représente l’État tandis
que l’autre la société civile. Les débats sur ces chiffres sont bien connus en
Colombie et la divergence des critères pour faire les calculs a été mise en
évidence
par
plusieurs
auteurs
(Corte
Constitucional
2000 ;
Agier
2002 ; CODHES et UNICEF 2003 ; PNUD 2005a). Nous allons donc exposer
une comparaison entre les estimations faites par ces deux systèmes.
D’après le Système d’Information sur la Population Déplacée SISDHES
de la CODHES, le numéro total de déplacés depuis l’année 1985 jusqu’au
troisième trimestre de 2005, est de 3.663.287. Le SISDHES a présenté le chiffre
des déplacés par année dans le graphique suivant :
69
CODHES- SISDHES
Tendances du déplacement national de 1985 au troisième trimestre de 2005
Graphique N° 1 : Tendances du déplacement national de 1985 au troisième
trimestre de 2005.
Source : CODHES – SISDHES. Consultoría para los Derechos Humanos y el
Desplazamiento. Publié le 25 octobre 2005. [réf. du 2005-12-01] Disponible sur
Internet : http://www.CODHES.org/cifra/GraficoTendencias1985_2005.jpg
Le SISDHES réalise des estimations sur une période de 20 ans, de 1985
à 2005. Elle souligne que l'
année qui a présenté le moins de déplacement est
1985 avec une estimation de 27.000 personnes déplacées. Si nous comparons
ce chiffre avec celui présenté pour l'
année 2002 où le nombre de déplacés
s'
élève à 412.533 nous avons une variation énorme dans l'
ampleur du
phénomène entre la période la plus basse et la plus haute : le déplacement est
multipliée par 15. Le chiffre cumulé des déplacés entre les années 1985 et 2004
est de 3.410.486, avec une moyenne de 170.524 personnes par an, cela signifie
467,1 personnes par jour, 19,4 par heure.
Toutefois comme il a déjà été montré, peu de sources comptabilisaient les
chiffres sur le déplacement pour la décennie 1980 et c’est à partir de l’année
1992 qui la CODHES commence ses activités spécifiques de recherche pour
estimer cette population. Pour cela, entre 1985 et 1991 nous avons un total
cumulé de 533.000 déplacés, avec une moyenne de 76.142 déplacés par an.
Entre 1992 et 2004, période pendant laquelle les outils de récolte étaient plus
70
développés, nous avons un total cumulé de 2.877.486, avec une moyenne de
221.345 personnes déplacées par an. Cela signifie qu’au cours des treize
dernières années, la Colombie a eu 606,4 déplacés par jour, 25, 2 par heure.
C’est à partir de 1993 que le déplacement atteste d’une tendance
croissante pour arriver à son maximum en 2002. En 2003, le chiffre retombe
significativement de 412.533 à 207.607 déplacés, mais pendant l'
année 2004,
l'
ampleur du déplacement croît à nouveau.78 En 2005 nous avons un chiffre
partiel de 252.801 au premier trimestre de l'
année.
Ces données ont été comparées par l’OCHA avec les chiffres officiels
donnés par le SUR dans le tableau suivant :
Comparaison des données du déplacement entre le SUR et le SISDHES
Totaux accumulés de déplacés internes
par année
Nouveaux déplacements
Année
SUR
SISDHES
Année
SUR
SISDHES
1985
27000
1985
27000
1986
36000
1986
63000
1987
59000
1987
122000
1988
105000
1988
227000
1989
119000
1989
346000
1990
77000
1990
423000
1991
110000
1991
533000
1992
64000
1992
597000
1993
45000
1993
642000
1994
43
78000
1994
43
720000
1995
251
89000
1995
294
809000
1996
2570
181000
1996
2864
990000
1997
11114
257000
1997
13978
1247000
1998
35309
308000
1998
49287
1555000
1999
29219
288127
1999
78506
1843127
78
En 2003, tandis qu'
on a réduit le nombre de personnes déplacées intérieurement,
l'
exode de population colombienne à la recherche de protection et de sécurité à l’étranger
a augmenté significativement. Si l’on regarde seulement les pays voisins, Équateur,
Panama et Venezuela, approximativement 40.017 personnes ont franchi la frontière à
cause de la guerre (CODHES 2004, p.1).
71
2000
331057
317375
2000
409563
2160502
2001
374726
342243
2001
784289
2502745
2002
423720
412553
2002
1208009
2915298
2003
219971
207607
2003
1427980
3122905
2004
159956
287581
2004
1587936
3410486
2005
97229
252801
2005
1685165
3663287
Total
1685165
3663287
Tableau N° 1 : Comparaison des données du déplacement entre le SUR (RSS) et le
SISDHES (CODHES).
Source : OCHA - Sala de Situación Humanitaria basé sur le SUR et le SISDHES (1985 à
30.09.05). [réf. du 2005-12-01] Disponible sur Internet :
http://www.colombiassh.org/archivos/datos_des.php
Nous avons réalisé les graphiques suivants afin de visualiser les données
antérieures d’une façon plus claire :
450000
400000
Déplacés
350000
300000
250000
SUR
200000
SISDES
150000
100000
50000
20
05
20
03
20
01
19
99
19
97
19
95
19
93
19
91
19
89
19
87
19
85
0
Année
Graphique N° 2 : Comparaison de données du déplacement entre le SISDHES (CODHES) et le
SUR (RSS).
72
4000000
3500000
Déplacés
3000000
2500000
SUR
2000000
SISDES
1500000
1000000
500000
20
05
20
03
20
01
19
99
19
97
19
95
19
93
19
91
19
89
19
87
19
85
0
Année
Graphique N° 3 : Comparaison de données accumulées du déplacement entre le SISDHES
(CODHES) et le SUR.
Entre les années 1985 et 1993 le tableau et le graphique soulignent le
manque de données du SUR. Pour la période 1985-1994, le SISDHES signale
un total cumulé des déplacés s’élevant à 720.000. Nous pouvons comparer ce
chiffre avec celui donné par l’Église pour la même période dans l’étude déjà
mentionnée Derechos Humanos : desplazados por la violencia en Colombia, qui
a estimé qu’il y avait entre 544.801 et 627.720 personnes déplacées
(Conferencia Episcopal Colombiana 1995). Pour le SISDHES, comme nous
l’avons déjà montré, c’est à partir de 1993 que le déplacement présente une
tendance croissante jusqu'
à arriver à son maximum en 2002. Selon le SUR, le
chiffre ne commence à monter qu’à partir de l’année 2000. Il faut souligner que
c’est à partir de cette année que le SUR a commencé à affiner ses instruments
de collecte. À partir de l’an 2000, la RSS a commencé à collecter de manière
détaillée l'
information des déplacements massifs. En outre, en avril 2001 elle a
mis en oeuvre les procédures pour la mise à jour de la base de données et, au
cours du mois de juin, elle a confié un processus de qualification nationale à des
fonctionnaires du Ministère Public79 dans le but d'
accélérer et d’unifier les critères
79
Le Ministère Public est un organisme de contrôle de l’État chargé de : la garde et la
promotion des droits de l’homme, la protection de l'
intérêt public et la surveillance de la
conduite officielle des fonctionnaires publics. Il est composé par la Procuraduría, la
73
pour les procédures de prise de déclarations (RSS 2006, p. 2). Cette
amélioration du système de collecte, explique alors l'
accroissement remarquable
dans le nombre de victimes de déplacement forcé à partir de l'
année 2000.
Entre les années 2000 et 2003 nous pouvons souligner des chiffres assez
proches dans les deux systèmes d’information avec des variations entre 2,6 et
8,6 %, le chiffre du SUR restant toujours plus haut (malgré les désinformations
qui signalent que ce chiffre est toujours moins élevée que celui de la CODHES).
Cependant, pour l’année 2004 le chiffre du SUR présente 159.956 personnes
déplacées tandis que le SISDHES en présente 287.581, ce qui marque une
différence de 55,6%. Pour l’année 2005 nous trouvons un écart de 38,4% entre
le chiffre du SUR de 97.229 et le chiffre du SISDHES de 252.801.
Nous pouvons questionner les données quantitatives de ces institutions,
et le problème de leur divergence, comme nous l’avons déjà mentionné, a été
remarqué à plusieurs reprises. Cette divergence est due principalement à la
différence des critères pour calculer les chiffres : dates de début et de fin du
calcul, conceptualisation sur celui qui est ou non déplacé, cessation de la
condition de déplacé, estimation ou non de déplacés qui ne déclarent pas leur
situation, inclusion ou non dans les calculs des personnes qui se sont déplacées
à cause de fumigations de cultures illicites, etc.80 Selon le HCR :
« L’accès aux déplacés est aussi compliqué par le fait que les
personnes déplacées internes ne se rassemblent pas toujours dans des
camps ou des installations d’accès facile et peuvent même se disperser,
pour ne pas être identifiées. Beaucoup se fondent dans les bidonvilles
où, pour les atteindre, les programmes doivent s’adresser à l’ensemble
de la communauté ; ils peuvent aussi se mêler aux autres populations
touchées par la guerre. Ainsi, les résultats des recensements en ce qui
les concerne peuvent être encore plus sujet à controverse que dans le
cas des réfugiés » (UNHCR 2000, p. 214).
Selon la Cour Constitutionnelle :
Defensoría del Pueblo et les Personerías des districts et des municipios (Constitución
Política Colombiana, article 118).
80
Pour des informations détaillées à cet égard, voir l'
étude du PNUD 2005 « Las
polémicas por las cifras de desplazamiento » In Hechos del Callejón.
74
« Il n'
existe pas d'
unanimité sur le nombre de déplacés dans le
pays. Leur condition complique, dans une grande mesure, l'
élaboration de
statistiques confirmables, étant donnée leur crainte d’être remarqués de
nouveau par les personnes qui leur ont induit avec violence à abandonner
leurs domiciles. Toutefois, bien qu'
il n'
existe pas de certitude définitive sur
ces données, ce qui est certain c’est que tous les chiffres rendent compte
que le déplacement forcé constitue actuellement une tragédie nationale,
qui affecte les destins d'
innombrables colombiens et qui marquera le futur
du pays pendant les prochaines décennies » (Corte Constitucional 2000,
p. 33).81
En suivant la proposition de la Cour, ce qu’il faut remarquer, c’est l’ampleur
de la catastrophe humanitaire que le problème acquiert à partir des années
1990. La communauté internationale et les organismes de défense de droits de
l’homme ont exprimé la nécessité d’aborder de manière spéciale les
déplacements comme une pratique qui affecte les droits fondamentaux à la vie, à
l'
intégrité, à la liberté individuelle et à la sécurité personnelle des personnes
déplacées. Ils dénoncent le déplacement comme une pratique continue de
transgressions à des normes du Droit International des Droits de l’Homme, au
Droit International Humanitaire et à la Constitution Politique Colombienne.
Par ailleurs, l’ampleur du phénomène au niveau international est mise en
évidence par les chiffres de déplacement interne donnés par Francis Deng et
Roberta Cohen pendant les années 1995 et 1996, selon lesquels le nombre de
déplacés en Colombie remonte à 600.000, en remarquant que les chiffres
montrés peuvent être plus hauts (Cohen et Deng 1998, p. 33). Le tableau suivant
montre la liste des pays ayant le plus de déplacés dans le monde :
Estimation du nombre des personnes déplacées à l’intérieur
de leur propre pays 1995 et 1996
Pays
1995
Pays
1996
Soudan
4.000.000
Soudan
4.000.000
Turquie
2.000.000
Turquie
500.000 - 2.000.000
81
Traduit par nous de : « No existe unanimidad acerca del número de desplazados en el
país. La misma condición de los desplazados dificulta en gran medida la elaboración de
estadísticas confiables, dado el temor de muchos de ellos de ser ubicados nuevamente
por las personas que los indujeron con violencia a abandonar sus domicilios. Sin
embargo, si bien no existe certeza definitiva acerca de estos datos, lo cierto es que todas
las cifras dan cuenta de que el desplazamiento forzado constituye actualmente una
tragedia nacional, que afecta los destinos de innumerables colombianos y que marcará
el futuro del país durante las próximas décadas ».
75
Angola
1.500 .000
Afghanistan
1.200.000
Bosnie /Herzégovine
Irak
1.300.000
Angola
1.200.000
1.000.000
Bosnie y Herzégovine
1.000.000
Liberia
1.000.000
Myanmar (Birmanie)
500.000 - 1.000.000
Sierra Leone
1.000.000
Liberia
1.000.000
Myanmar (Birmanie)
500.000 - 1.000.000
Irak
900.000
Sri Lanka
850.000
Sri Lanka
900.000
Azerbaïdjan
670.000
Sierra Leone
800.000
b
600.000
Colombie
600.000
Colombie
Afghanistan
500.000
Azerbaïdjan
550.000
Mozambique
500.000
Afrique du Sud ª
500.000
Rwanda
500.000
Liban
450.000
Afrique du Sud ª
500.000
Pérou
420.000
Pérou
480.000
Burundi
400.000
Liban
400.000
Fédération Rusa
400.000
Burundi
300.000
Zaïre (Congo)
400.000
Somalie
300.000
Georgie
285.000
Syrie
300.000
Chypre
265.000
Georgie
280.000
Inde
250.000
Chypre
265.000
Somalie
250.000
Inde
250.000
Guatemala
200.000
Fédération Russe
250.000
Croatie
185.000
Croatie
240.000
Syrie
125.000
Zaïre (Congo)
225.000
Kenya
100.000
Kenya
210.000
Philippines
93.000
Guatemala
200.000
La Papouasie-Nouvelle Guinée
70.000
Ghana
150.000
Uganda b
70.000
Armenie
70.000
Armenie
5O.000
Philippines
60.000
Tadjikistan
50.000
Cambodge
55.000
Cambodge
32.000
Tadjikistan
17.000
Nigeria
30.000
Mali
10.000
Djibouti
25.000
Algérie
n.d.
Ghana
20.000
Nigeria
n.d
Algérie b
10.000
Ouganda
n.d.
Mozambique
n.d.
Ruanda
n.d
a. La majorité des africains du sud ont été déplacés en raison de la violence à Kwa-Zulu Natal. Le
chiffre des déplacés pour ce pays n'
inclut pas les millions de personnes noires qui n’ont pas des
terres ni des logements adéquats en raison des politiques de l'
apartheid. Beaucoup d’entre eux ont
été intégrées dans d'
autres secteurs et ils ne sont pas considérés comme déplacés.
b. Les chiffres peuvent être beaucoup plus hautes.
n.d. Non disponible
Tableau N° 2 : Estimation du nombre des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays
1995 et 1996. Source: U.S. Committee for Refugees. World Refugee Survey, 1996 et 1997. Extrait
du rapport du Cohen, Roberta ; Deng, Francis. 1998. Masses in flight : the global crisis of internal
displacement. Washington : Brookings Institution Press. Disponible sur Internet :
http://brookings.nap.edu/books/0815715110/html/1.html#pagetop
76
Dans le tableau, la Colombie est précédée par 10 pays dont 4 asiatiques
(Irak, Myanmar, Sri Lanka et Azerbaïdjan), 4 africaines (Soudan, Angola, Liberia
et Sierra Leone) et 2 pays européens (Turquie et Bosnie Herzégovine). Donc
c’est le premier pays latino-américaine dans la liste, accompagné seulement par
le Pérou et le Guatemala qui occupent les postes quinze et vingt-sept
respectivement.
« On constate qu’en Amérique, le cas colombien est le plus grave.
Même si actuellement il existe des déplacements au Guatemala, Pérou
et Mexique, la Colombie est le seul pays dans la région où les déplacés
sont identifiés et aidés par des programmes spécifiques de la
communauté internationale, notamment par les Nations Unies »
(Norwegian Refugee Council 2006a, p. 56).
Comme nous l’avons déjà montré, la situation en Colombie ne s’améliore
pas dans les années qui suivent l’élaboration du tableau, et le chiffre des
déplacés internes tend à monter. Pour l’année 1996 le chiffre cumulé de
SISDHES présente 990.000 déplacés internes dans le pays, ce qui représente
une augmentation significative par rapport au chiffre du Cohen et Deng. Si nous
utilisons le chiffre de SISDHES la Colombie serait placée dans la huitième
position au lieu de la onzième. Quatre années plus tard la situation est décrite
par le HCR de la façon suivante :
« Plus de la moitié des déplacés internes à travers le monde se
trouvent en Afrique. Au seul Soudan, la guerre civile prolongée a
déraciné 4 millions de personnes. En Angola, au Burundi, en
République Démocratique du Congo, au Rwanda et en Sierra Leone,
des conflits brutaux, voire des génocides, ont déplacé des foules. En
Asie, on dénombre quelque 5 millions de déplacés internes, en
particulier en Afghanistan, en Azerbaïdjan, en Indonésie, en Irak, au
Myanmar et au Sri Lanka. En Europe, les conflits armés, comme ceux
de l’ex-Yougoslavie, de Chypre, de Géorgie, de la Fédération de Russie
et de Turquie, ont également déplacé 5 millions de personnes. Sur le
continent américain, 2 millions de personnes environ sont déplacées
internes, dont la majorité en Colombie » (UNHCR 2000, p. 214).
Nous avons vu dans cette section comment les chiffres sont un enjeu
crucial pour la reconnaissance du phénomène du déplacement en Colombie.
Plusieurs systèmes d'
information sont mis en marche pour pouvoir comptabiliser
le phénomène dans le pays. L'
État, l'
Église, les ONG et les organismes
internationaux font des estimations, lesquelles, malgré leurs divergences,
dévoilent l'
ampleur du problème. Les conséquences sociales, démographiques,
77
économiques, humanitaires et de toute sorte qui entraîne une si ample mobilité
de la population pour des raisons de violence et la nécessité de mettre en
marche une politique publique en faveur des déplacés sont évidentes.
6.4 La catégorisation du phénomène dans la politique publique : la
Loi 387 de 1997 et l’appareil juridique qui l’a suivie
Pendant le gouvernement d’Ernesto Samper (1994-1998), le déplacement
interne par la violence fut vraiment reconnu au travers de l’élaboration de
politiques explicites pour son contrôle. Selon Vidal « [...] la politique d'
analyse
sociale et la nécessité de gagner une plus grande légitimité au niveau
international, ont constitué une conjoncture favorable pour la plus grande
visibilité et la promotion de politiques du publiques sur les Droits de l’Homme »
(Vidal 2005, p. 214).82 Le Président de la République, Ernesto Samper, a été
accusé de recevoir financement du trafic de drogues pour mener à terme sa
campagne présidentielle. Pour cette raison il y a eu une enquête contre lui
connue comme la procédure 8000. Ainsi sa préoccupation maxime a été de
gagner une plus grande légitimité internationale.
Dans ce contexte, le Plan de Développement et des Investissements de
1995-1998 du président Samper a créé un programme national d'
assistance
intégrale à la population déplacée par la violence, lequel a été développé plus
précisément par le document CONPES 2804 de 1995. Celui-ci est le premier
document officiel qui indique et reconnaît le phénomène de déplacement forcé
en Colombie, et qui structure une première politique d'
assistance des besoins de
cette population. Ce document a adopté une définition pour déplacé, qui est enfin
consolidée par l'
article 1 de la Loi 387 de 1997 (comme il sera vu plus loin). Plus
tard, la structure et les compétences institutionnelles, les systèmes d'
information
et les sources de financement de la politique consignée dans ce document, sont
mis à jour dans le CONPES 2924 de 1997. Ce document emporte la création
d’un Système National d'
Assistance Intégrale à la Population Déplacée par la
Violence, qui sera constitué par les organismes publics et privés de l'
ordre
82
Traduit par nous de : « [...] la política de enfoque social y la necesidad de ganar mayor
legitimidad a nivel internacional, constituyeron una coyuntura favorable para la mayor
visibilidad y la promoción de las políticas públicas sobre Derechos Humanos ».
78
national et territorial qu'
effectuent des plans, programmes, projets et actions
spécifiques d'
assistance à la population déplacée.
Plus tard, en juillet 1997, la Loi 387 a été promulguée. Elle consigne la
responsabilité de l'
État dans la formulation des politiques et l'
adoption des
mesures pour la prévention du déplacement, l'
assistance, la protection, la
consolidation et la stabilisation socio-économique des déplacés internes par la
violence. Cette loi reprend la définition des déplacés donnée par le CPDIA
(Consulta Permanente para los Desplazados Internos en las Américas) dans la
recherche de 1992, que nous avons mentionnée dans la section 6.1 de cette
partie. La loi définit le déplacé comme :
« Toute personne qui a été forcée à migrer dans le territoire
national abandonnant sa localité de résidence et ses activités
économiques habituelles parce que sa vie, son intégrité ou liberté
personnelle ont été atteints ou sont directement menacés dans le cas
des situations de conflits armés internes, désordres ou tensions
intérieures, violence généralisée, violations massives des droits de
l’homme, infractions au droit international humanitaire ou autres cas tels
que ceux précités, qui peuvent altérer ou altèrent drastiquement l’ordre
public » (Congreso de la República, Ley 387 de 1997, article 1).83
À la différence des Principes Directeurs des Nations Unies, la loi
colombienne exclut de la définition de déplacé les personnes qui se sont
déplacés à cause de catastrophes naturelles. La Croix Rouge Internationale
dans ses commentaires généraux et préalables au projet de loi sur le
déplacement forcé en Colombie, a remarqué qu’il était nécessaire d’inclure, dans
la définition de déplacés, les personnes déplacées à cause de catastrophes
naturelles (CICR s.d. (c), p. 10). Néanmoins, le congrès a décidé de faire une
séparation entre les uns et les autres, mais a suivi dans l’élaboration de la loi les
Principes Directeurs des Nations Unies eu égard à l’aide humanitaire, le retour,
83
Traduit par nous de : « Es desplazado toda persona que se ha visto forzada a migrar
dentro del territorio nacional abandonando su localidad de residencia o actividades
económicas habituales, porque su vida, su integridad física, su seguridad o libertad
personales han sido vulneradas o se encuentran directamente amenazadas, con ocasión
de cualquiera de las siguientes situaciones : conflicto armado interno, disturbios y
tensiones interiores, violencia generalizada, violaciones masivas de los Derechos
Humanos, infracciones al Derecho Internacional Humanitario u otras circunstancias
emanadas de las situaciones anteriores que puedan alterar o alteren drásticamente el
orden público ».
79
la réintégration et la réinstallation.
Le texte de la loi établit que le Système National d'
Assistance Intégrale à
la Population Déplacée par la Violence (SNAIPDV) est constitué par les
organismes publics, privés et communautaires qui effectuent des actions
spécifiques pour s'
occuper de la population déplacée. Les objectifs principaux du
SNAIPDV sont : aider la population déplacée par la violence à se réincorporer à
la société colombienne, promouvoir et protéger les droits de l’homme et le droit
international humanitaire dans des zones d‘expulsion et de réception de
population déplacée, et garantir les ressources pour la prévention et l'
assistance
des situations du déplacement forcé.
Pour appuyer les fonctions du SNAIPDV, des commissions municipales,
de districts et de départements ont été créées, ainsi que le réseau national
d'
information pour l'
assistance à la population déplacée par la violence. Pour
fortifier ce réseau, la loi établit la création de l'
Observatoire du Déplacement
Interne par la Violence et la désignation de plusieurs points d'
information locaux
dans les municipios 84 touchés par le déplacement.
Dans le second chapitre, le texte de loi établit le Plan National pour
l'
Assistance Intégrale à la Population Déplacée par la Violence. Les principaux
objectifs de ce plan sont : l'
élaboration de diagnostics sur les causes et les
acteurs qui produisent les déplacements forcés, l'
élaboration de diagnostics sur
les victimes de ces situations et sur la condition des zones de réception et les
conséquences sociales, économiques, juridiques et politiques que cela produit.
Le Plan doit adopter les mesures et actions suivantes : mesures de prévention et
de dépassement du déplacement ; mesures d'
aide humanitaire d'
urgence ;
mesures d'
adaptation aux nouvelles situations auxquelles est soumise la
population déplacée ; offrir de l'
assistance légale et juridique à la population
déplacée ; restituer les droits refusés et la défense des biens touchés ; adopter
84
Selon la Constitution de 1991, le territoire colombien est subdivisé en trois échelons :
la Nation, les départements (32 plus celui de Bogotá) et les municipios (1098). Chaque
« ville » (dans cette étude tout chef lieu dont la population est supérieure à 15.000
habitants) est subdivisée en comunas ou localités, lesquelles sont subdivisées en
quartiers. Pour des effets de clarté du texte, nous maintiendrons les mots municipio et
comuna en espagnol, pour éviter la traduction au français qui peut engendrer des
confusions avec le sens de ces mots en France.
80
des mesures pour l'
accès à des programmes de développement urbain et rural et
de celles qui permettront le retour volontaire des déplacés à leurs zones d'
origine
ou leur réinstallation dans de nouveaux lieux d’établissement ; offrir une
assistance spéciale aux femmes et aux enfants, ainsi qu'
aux communautés
noires et indigènes.
Les phases d'
intervention pour l'
assistance à la population déplacée
établies par la loi sont : la prévention, l'
aide humanitaire d'
urgence, le retour, la
consolidation, la stabilisation socio-économique et la protection. Pour le
financement ou le cofinancement de ces phases et pour l'
installation et
l'
opération du réseau national d'
information, le Fond National pour l'
Assistance
Intégrale à la Population Déplacée par la Violence a été créé.
Après la formulation de la loi, d’autres instruments normatifs ont été
élaborés comme le Décret 173 de 1998, qui adopte le Plan National pour
l'
Assistance de la Population Déplacée par la Violence afin d'
articuler l'
action
gouvernementale en matière de prévention du déplacement, d'
aide humanitaire
d'
urgence, de consolidation et de stabilisation socio-économique en vue du
retour volontaire ou de la réinstallation des déplacés. De même, il détermine les
organismes responsables dans les différentes stratégies d'
intervention dans le
cadre de la Loi 387 de 1997. Un autre document de politique publique faisant
partie de la stratégie de développement social de la Colombie était le CONPES
3057 de 1999, lequel propose un plan d'
action pour améliorer les mécanismes et
les instruments pour la prévention, la protection, l'
aide humanitaire, le retour, la
réinstallation et la stabilisation socio-économique de la population déplacée par
la violence.
En l’an 2000 l’arrêt SU-1150 de la Cour Constitutionnelle a rendu visibles
les faiblesses du système d'
assistance à la population déplacée et a exigé la
réglementation de la Loi 387 de 1997. De ce fait, au mois de décembre le Décret
2569 de 2000 est adopté pour réglementer partiellement cette loi. Le décret a
réglementé ce qui est relatif au Système Unique d’Enregistrement de la
Population Déplacée (SUR) et on attribue sa gérance à la Red de Solidaridad
Social.85 Il règlemente les étapes pour l’obtention de la condition de déplacé, et
85
La Red de Solidaridad Social (RSS), créée originellement pour l’assistance des
81
les modalités d'
inscription dans le registre. Il établit, de même, les effets et les
délais des procédures d’inscription, déclaration, évaluation et exclusion du
registre. De plus, le décret définit les caractéristiques d'
un déplacement massif,
et détermine quand cessera la condition de déplacé. Le décret limite
l'
accomplissement des obligations des institutions chargées de donner des
réponses au déplacement forcé en établissant que ces obligations dépendent de
la disponibilité des ressources.
En effet, l'
inscription dans le registre était déjà incluse dans l'
article 32 de
la Loi 387 de 1997, toutefois, le Décret 2569 se consacre à traiter ce sujet et
conditionne les aides prêtées au fait de s'
être inscrit dans le Système Unique de
Enregistrement de la Population Déplacée (SUR). L’article 32 de la Loi 387
précise :
« ( ...) auront le droit de recevoir les bénéfices consacrés dans la
présente loi, les personnes colombiennes qui se trouvent dans les
circonstances prévues dans l'
article 1° de cette loi et qui remplissent les
conditions suivantes :
Qu'
ils aient déclaré ces faits devant la Procuraduría General de la
Nación, la Defensoría del Pueblo, les Personerías Municipales et
Distritales, ou toute instance judiciaire selon la procédure de réception
de chaque organisme, et
Qu'
en outre, ils remettent pour leur inscription, la copie de la
déclaration des faits traités dans le numéral précédent à la Direction
Générale Administrative Spéciale pour les Droits de l’Homme du
Ministère de l'
Intérieur, ou au bureau que cet organisme désigne au
niveau départemental, du district ou municipal » (Congreso de la
República, Ley 387 de 1997, article 32).86
populations les plus démunies dans un sens large, est devenue l’institution principale
d’assistance aux déplacés. Actuellement, plusieurs instruments établissent sa
responsabilité en matière de déplacement. Les plus remarquables sont le Décret 489 de
1999 lequel la nomme comme l’organisme coordinateur du SNAIPDV, le Décret 1547 de
1999 qui a transféré le Fond National d'
Assistance à la Population Déplacée du Ministère
de l'
Intérieur au RSS et la résolution 02045 de 2000 dans laquelle le Ministère de
l'
Intérieur délègue au RSS l'
inscription de la population déplacée dans le SUR.
86
Traduit par nous de : « [...] tendrán derecho a recibir los beneficios consagrados en la
presente ley, las personas colombianas que se encuentren en las circunstancias
previstas en el artículo 1º de esta ley y que cumplan los siguientes requisitos: 1. Que
hayan declarado esos hechos ante la Procuraduría General de la Nación, la Defensoría
del Pueblo, las Personerías Municipales o Distritales, o cualquier despacho judicial de
acuerdo con el procedimiento de recepción de cada entidad. Que además, remitan para
su inscripción copia de la declaración de los hechos de que trata el numeral anterior a la
Dirección General Unidad Administrativa Especial para los Derechos Humanos del
82
De cette manière, afin d'
accéder aux bénéfices consacrés dans la Loi
387 de 1997, les personnes en situation de déplacement doivent effectuer une
déclaration sur les faits qui ont provoqué leur fuite et les conditions de vie qu'
ils
avaient avant du déplacement. La déclaration est orientée vers l'
inclusion de la
personne dans le Système Unique d’Enregistrement de la Population Déplacée
(SUR) pour qu’elle puisse accéder aux bénéfices et aux programmes
d’assistance et de rétablissement à charge de l’État. La déclaration doit être faite
dans les bureaux du Ministère Public ou dans toute instance judiciaire. Ces
organismes ont l'
obligation de remettre une copie de ces déclarations aux unités
locales de la Red de Solidaridad Social pour l'
évaluation de la déclaration et
l'
inscription dans le SUR. Ces unités disposent de 15 jours pour effectuer
l'
évaluation de la déclaration et par conséquent pour décider si la personne ou le
foyer en question peut s’inscrire dans le SUR.
L'
inscription dans le registre, ne sera pas effectuée dans les cas suivants :
Quand la déclaration est contraire à la vérité.
Quand il existe des raisons objectives et fondées pour conclure qu’à partir de
cette déclaration on ne déduit pas l'
existence des circonstances de fait
prévues dans l'
article 1º de la Loi 387 de 1997.
Quand la personne sollicite l'
inscription sur le registre une année après que
soient survenues les circonstances décrites dans l'
article 1º de la Loi 387 de
1997 (Ministerio del Interior, Decreto 2569 de 2000, article 11).
Ce refus peut être contesté en présentant un pourvoi dans les cinq jours
suivants la notification de la non-inclusion. Ce recours donne à la personne
intéressée la possibilité de présenter une information plus complète sur les faits
qui ont provoqué le déplacement.
Une personne sera exclue du registre quand :
On établit que les faits déclarés ne sont pas certains.
Ministerio del Interior, o a la oficina que esta entidad designe a nivel departamental,
distrital o municipal ».
83
Quand selon l'
organisme qui a reçu l'
inscription, on observe le manque de
coopération du déplacé pour faire parti des programmes et des actions
étatiques pour améliorer sa situation dans les différentes étapes de
rétablissement, consolidation et stabilisation.
Cessation de la condition de déplacée (Ministerio del Interior, Decreto 2569
de 2000, article 14).
À son tour la condition de déplacé cesse par :
Le retour, le rétablissement ou la réinstallation de la personne déplacée qui
lui permet d'
accéder à une activité économique dans son lieu d'
origine ou
dans les zones de réinstallation.
L’exclusion du registre par les causes prévues dans l'
article 14 du Décret
2569 de 2000.
La demande dans ce sens par celui concerné (Ministerio del Interior, Decreto
2569 de 2000, article 3).
Nous avons vu dans cette section comment la catégorie de déplacé a
évolué à partir de l’élaboration de mécanismes juridiques. L’appareil normatif
construit autour de déplacés est énorme. Néanmoins, la seule normativité ne
garantie pas le bon déroulement des actions du système d’assistance aux
déplacés. Nous pouvons citer quelques exemples témoignant de l’inefficacité du
système : l’organe en charge de la formulation de la politique pour les déplacés
et de l’assignation budgétaire des différents programmes n’a pas organisé de
réunions au cours des onze premiers mois du premier gouvernement d’Álvaro
Uribe Vélez (2002-2006), le comité opérationnel national de prévention créé par
le conseil du SNAIPDV n'
a jamais été convoqué, et la faiblesse des comités
locaux d’assistance à la population déplacée est remarquable. (Corte
Constitucional 2004, p. 317-337 et PNUD 2003, p. 223).
Une autre façon de souligner la faiblesse du système est à travers les
pourcentages d'
assistance aux déplacés présentés par la RSS. Entre janvier
1999 et juin 2002 la RSS a calculé une couverture de 43% sur la demande en
aide humanitaire d'
urgence, 19.5% en stabilisation socio-économique et de
seulement 3.7% dans la demande de logement (UNHCR 2002, p. 17).
En outre, comme il a été remarqué par le PNUD, les frontières de la
responsabilité du système d’assistance sont diffuses. Cette responsabilité
84
s’efface, selon la loi, quand le déplacé acquiert la satisfaction de ses nécessités
de base en logement, santé, alimentation, éducation ; c’est-à-dire, quand il
acquiert la stabilisation socio-économique. Autrement dit, quand le déplacé sort
de la pauvreté. Ceci implique que la lutte contre les effets du déplacement
plongent dans un univers plus vaste : la lutte contre la pauvreté. De cette façon,
les politiques publiques pour les déplacés perdent cohérence et l’assistance au
déplacement devient inabordable (PNUD 2003, p. 223).
D’autre part, bien que les autorités considèrent le déplacement
comme une question de facto, les déplacés peuvent seulement accéder aux
programmes d'
assistance à partir de leur inscription dans le registre, et doivent
fournir beaucoup de documents pour être considérés comme déplacés et pour
faire valoir leurs droits. À plusieurs reprises la Defensoría del Pueblo a dû
signaler que la déclaration et le registre ne sont pas un obstacle pour exercer le
droit de solliciter et de recevoir l’assistance humanitaire. Elle a désigné le registre
comme un outil technique non constitutif de la condition de déplacé (Defensoría
del Pueblo 2003a, p. 15). Toutefois, l'
expérience indique que le registre est une
formalité qui doit être remplie pour accéder aux aides et dans cette mesure, toute
personne est un déplacé s'
il répond aux critères figurant dans la définition du
déplacé énoncée dans les instruments juridiques. Ainsi, elle doit fournir une
déclaration pour pouvoir avoir accès aux aides (c’est-à-dire aux droits). Pour
cette raison la déclaration et l’effective inclusion dans le registre dans le cadre de
l’article 32 de la Loi 387 et de son décret réglementaire, deviennent des
nécessités intrinsèques, autant pour les déplacés que pour les institutions et
organismes qui s’en occupent. Les autorités à charge de différents programmes
demandent aux déplacés ces formalités pour pouvoir agir légalement, et en
faisant cela, restreignent les droits des déplacés à l’existence de certains
documents.
Comme l’expliquaient Fassin, Morice et Quiminal (pour le cas des
étrangers en France) dans leurs conclusions du livre Les lois de l’inhospitalité :
les politiques de l’immigration à l’épreuve de sans papiers, la loi est un enjeu
crucial pour assurer des conditions d’existence normales aux étrangers, mais elle
a aussi le pouvoir de les rendre plus vulnérables (Fassin, Morice et Quiminal
1997). Dans le cas de déplacés colombiens, la loi est devenue l’instrument
85
principal pour assurer leur place comme les personnes les plus affectées par le
conflit armé, et de ce fait garantir une assistance préférentielle par l’État.
Toutefois, c’est la loi qui définit les critères de distinction entre ceux qui sont ou
non déplacés, et pourtant elle désigne ceux qui ont accès aux bénéfices et les
types de bénéfices auxquels ils ont droit. De ce fait, la loi peut contribuer à la
fragilisation des déplacés qui ne remplissent pas les conditions d’enregistrement,
étant donné qu’ils restent au dehors du système d’assistance mis en marche par
l’État. D’un autre côté, pour ceux qui sont catégorisés comme déplacés par la loi,
celle-ci démarque clairement leurs droits de telle sorte qu'
ils aient accès aux
bénéfices prévus par la loi mais pas à ceux qui sortent de ces limites et qui
peuvent en revanche, être signalés dans la constitution colombienne.
Nous avons vu dans cette section comment à travers l’élaboration des
instruments juridiques on a défini en Colombie le déplacé comme toute personne
qui a été forcée à migrer dans le territoire national parce que sa vie, son intégrité
ou sa liberté personnelle ont été atteints ou menacés dans le cas des situations
de conflits armés internes et de violence généralisée. La Colombie a crée un
énorme appareil étatique pour répondre à cette problématique et le dispositif
juridique définissant le statut des déplacés est adopté non seulement par les
responsables de la mise en place des politiques publiques mais par les déplacés
eux-mêmes. Selon les conclusions d’un groupe d'
anthropologues du Musée
National de la Colombie, la Loi 387 de 1997 se transforme en objet de culte et de
respect pour les déplacés. Ils l’ont utilisé non seulement à des fins
institutionnelles pour lesquelles elle a été conçue, mais aussi pour la résolution
de conflits dans les communautés où les déplacés s’installent (ICANH – Museo
Nacional de Colombia 2003, p. 5). De même, dans les actions de tutelle formées
par les déplacés, il y apparaît souvent la prétention de reconnaissance de leur
condition de déplacés, ainsi que l'
octroi de bénéfices associés à cette condition.
De ce fait, nous voyons comment les lois dépassent les effets purement
administratifs et juridiques, et sont remplies de contenu social et symbolique.
Mais la Loi 387 de 1997 n’est pas seulement connue et utilisée par les
déplacés. Certains personnes qui connaissent les étapes que doivent franchir les
déplacés pour accéder aux aides étatiques, se font passer comme telles, et
remplissent, « en toute légalité », toutes les demandes bureaucratiques. De ce
86
fait, le système se fragilise puisqu’il interdit parfois d’accéder aux aides ceux qui
le méritent, et en même temps il donne accès aux aides à ceux qui n’ont pas été
déplacés. Comme dans le cas de réfugiés, cette situation engendre une double
façon de percevoir le déplacé. D’une part, comme la personne affectée
gravement par la guerre qui à droit à une certaine aide, mais aussi comme celui
qui en profitant de la connaissance du système, veut accéder aux aides qui ne
sont pas conçues pour lui.
De nombreuses questions se posent sur la nécessité de délivrer des
aides aux autres catégories de migrants et populations en danger et non
seulement aux déplacés. On observe dans le pays l’existence d’autres
personnes qui, étant affectées par des situations sociales et économiques et de
violence, se trouvent dans une situation de misère similaire à celle des déplacés.
Actuellement l’État colombien dispose de programmes spécialisés pour les
familles des personnes portées disparues, les familles des personnes
kidnappées, les personnes menacées et les victimes des attentats terroristes.
Néanmoins, certains programmes sont très faibles dans leurs différentes étapes
d’assistance et de prévention, et d’autres n’ont pas assez de financement, ce qui
peut les rendre dérisoires. En outre, il y a des victimes de la violence qui ne
reçoivent aucune aide étatique. Par exemple, les familles des personnes mortes
hors combats, les torturés, les communautés bloquées par les acteurs armés,
pour n’en citer que quelques uns (PNUD 2003, p. 225). L’étude du PNUD 2003
traite le sujet et donne des raisons pour expliquer les décisions de l’État par
rapport à la façon de gérer les différents programmes et d’en créer ou non de
nouveaux pour d’autres types de population. Nous ne traiterons pas ce sujet ici
parce qu’il dépasse les limites de cette thèse, mais nous tenions à souligner
cette réflexion.87
87
Voir le livre du PNUD El conflicto callejón con salida : informe nacional de desarrollo
humano para Colombia de 2003, chapitre 9.
87
7. Le type de déplacés du point de vue juridique : vulnérables entre
les vulnérables
La Constitution Colombienne de 1991 prévoit des traitements
différentiels pour certains groupes de population tels que les femmes chef de
famille, les mineurs, les minorités ethniques et les personnes du troisième âge.
Entre les déplacés, il existe aussi des traitements différentiels pour
certains groupes. Selon la Loi 387 de 1997 et le Décret 2569 de 2000, le premier
groupe de déplacés avec des prérogatives spéciales est celui qui peut bénéficier
d’une aide humanitaire d’urgence pour une période supérieure de trois mois.
L’aide humanitaire d'
urgence est l'
aide temporaire et immédiate donnée aux
déplacés afin de répondre à leurs nécessités de base en matière d’alimentation,
de santé, d'
assistance psychologique, de logement et de transport d'
urgence.
D’après l’article 15 de la Loi 387, l’aide humanitaire d’urgence est donnée
pendant les trois mois qui suivent l’inclusion dans le SUR et peut à la limite se
prolonger maximum à six mois.88 Cette prolongation, selon l’article 20 du Décret
2569 de 2000 est accordée aux foyers qui sont enregistrés dans le SUR et dans
lesquels : a) une personne du foyer a une invalidité physique ou mentale, b) une
personne a une maladie terminale, c) le chef de famille est âgé de plus de 65
ans, et d) le foyer traverse une situation grave qui doit être déterminée par la Red
de Solidaridad Social comme similaire aux autres caractéristiques annotées.
De même, entre les objectifs du Plan National d’Assistance à la
Population Déplacée par la Violence, la notion d’un traitement spécial de certains
groupes de population a toujours existé. Dans le Plan approuvé par le Décret
173 de 1998 il était prévu dans les articles 1-6 et 1-8 :
« (d’) Offrir une assistance spéciale aux femmes et aux enfants,
préférentiellement aux veufs, femmes chefs de famille et orphelins ».
88
Le CICR a remarqué que les trois mois pour l’assistance humanitaire ne sont pas
suffisants pour l’assistance scolaire et psychologique, l’assainissement environnemental
des zones réceptrices, le développement des programmes de santé occupationnel et des
programmes spéciaux pour enfants, personnes âgées, mère chef de famille, femmes
enceintes et personnes handicapées (CICR s.d. (c), p. 12).
88
« Garantir une assistance spéciale aux communautés noires et
indigènes soumises au déplacement qui corresponde avec leurs
moeurs et coutumes, et qui rende propice le retour sur leur territoire »
(Ministerio del Interior, Decreto 173 de 1998, articles 1.6 et 1.8).89
Ainsi, les préceptes qui guident le nouveau Plan National approuvé par le
Décret 250 de 2005, ont toujours pour principe la caractérisation de la population
face à leur sexe, âge, ethnie et invalidité et toutes les actions doivent être faites
en accord avec cette analyse démographique.
« Analyse différentielle : pour la formulation et le développement
des activités qui opèrent le présent Plan, on tiendra compte des
caractéristiques de la population et groupes insérés dans l'
assistance,
en termes de sexe, âge et ethnie, ainsi que leurs patrons socioculturels.
Ce qui permettra de reconnaître et de promouvoir des offres
institutionnelles conformes aux intérêts de développement des groupes
et individus touchés » (Ministerio del Interior y de Justicia 2005, p. 2).90
Aussi pour le SUR, la caractérisation des personnes déplacées est plus
détaillée à partir du 1er avril 2004, et permet de déterminer les conditions
spéciales de vulnérabilité (incapacité, chef de famille, troisième âge, condition
ethnique, condition socio-économique, etc.) (Corte Constitucional 2004, p. 370).
Pour sa part la Cour Constitutionnelle s’est prononcée à propos des
catégories de déplacés dans quelques arrêts, notamment dans les arrêts T-098
de 2002, T-602 de 2003 et T-025 de 2004. Dans l’arrêt T-098 de 2002 la Cour
mentionne les conditions pour établir une discrimination positive des déplacés,
notamment quand il s’agit de minorités ethniques. L’arrêt s’intéresse aux
Principes Directeurs des Nations Unies selon lesquels :
89
Traduit par nous de : « 1.6 Brindar atención especial a las mujeres y niños,
preferencialmente a las viudas, mujeres cabeza de familia y huérfanos. 1.8 Garantizar
atención especial a las comunidades negras e indígenas sometidas al desplazamiento
en correspondencia con sus usos y costumbres, y propiciando el retorno a sus
territorios ».
90
Traduit par nous de : « Enfoque diferencial : para la formulación y desarrollo de las
actividades que operan el presente Plan, se tendrán en consideración las características
de la población sujeto o grupos involucrados en la atención, en términos de género, edad
y etnia, así como sus patrones socioculturales. Lo anterior permitirá reconocer y
promover ofertas institucionales acordes a los intereses de desarrollo de los grupos e
individuos afectados ».
89
« Les États ont l'
obligation particulière de protéger contre le
déplacement les populations indigènes, les minorités, les paysans, les
éleveurs et autres groupes qui ont vis-à-vis de leurs terres un lien de
dépendance et un attachement particuliers » (Principes directeurs
relatifs au déplacement de personnes a l'
intérieur de leur propre pays
1988, principe 9).
Dans le deuxième arrêt, le T-602 de 2003, la Cour estime que la réponse
étatique doit tenir compte de l'
assistance différentielle accordée aux minorités
ethniques (groupes qui ont été traditionnellement marginalisés) puisque la
Colombie est un pays pluriethnique et multiculturel et bonne partie de la
population déplacée appartient aux différents groupes ethniques, avec un haut
pourcentage de femmes chef de famille, enfants, personnes âgées et dans
quelques cas personnes handicapées.
Finalement, l’arrêt T-205 de 2004 précise qu’il existe deux types de
personnes déplacées : (a) ceux qui sont en situation d'
urgence extraordinaire, et
(b) ceux qui ne sont pas dans la position d'
assumer leur soutien à travers un
projet de stabilisation ou de rétablissement socio-économique. C'
est-à-dire les
enfants seuls, les personnes du troisième âge sans capacité de produire des
revenus, les femmes chef de famille qui doivent consacrer tout leur temps et
efforts à veiller sur des enfants ou adultes sous leur responsabilité (Corte
Constitucional 2004, p. 77).
Malgré la mention spécifique sur le traitement spécial de certains groupes
entre les déplacés exprimée dans la loi, dans les plans et dans les arrêts de la
Cour Constitutionnelle, ces mesures n'
ont pas été réglementées, et les
programmes spéciaux dans la politique institutionnelle sont actuellement
précaires ou même inexistants. Il y a eu beaucoup de résistance entre les
institutions publiques à la création de programmes spécifiques pour les différents
types de déplacés, étant donnée l’inexistence de ressources et le manque de
préparation des institutions et fonctionnaires publics pour leur mis en marche.
8. La catégorie de déplacés d’après la Cour Constitutionnelle : la
polémique au sein des pouvoirs publics
Dans cette section nous nous occuperons de l’évolution de la catégorie
90
des déplacés d’après la Cour Constitutionnelle Colombienne.91 Cette Cour a
développé une ample jurisprudence sur le sujet du déplacement forcé par la
violence en Colombie, y compris le sujet du déplacement intra-urbain dans l’arrêt
T-268 de 2003.
Les fonctions de gardien de la Constitution étaient auparavant exercées
par la Chambre Constitutionnelle de la Cour Suprême de Justice, jusqu'
à la
promulgation de la Constitution de 1991. La nouvelle constitution a créé la Cour
Constitutionnelle comme tribunal spécialisé pour veiller à la suprématie et à
l'
intégrité de la Constitution. Inscrite dans la structure de la branche judiciaire du
pouvoir public, elle a commencé à exercer ses fonctions le 17 février 1992. La
Cour est actuellement composée de neuf magistrats choisis pour des périodes
individuelles de huit années. Ils sont choisis par le Sénat de la République parmi
des candidats présentés par le Président de la République, la Cour Suprême de
Justice et le Conseil d’État.
La Cour a défendu les droits des groupes les plus vulnérables du pays
parmi lesquels se trouvent ceux des retraités, prisonniers et déplacés (pour n’en
citer que quelques uns). Cependant, la façon d’agir de la Cour a suscité des
débats très aigus sur ces facultés et les effets de ses arrêts. Ces adversaires
pensent que la Cour a trop de pouvoirs et qu'
elle intervient dans des domaines
qui ne lui correspondent pas. Selon eux, la Cour a outrepassé ses fonctions : ses
décisions produisent des frais publics et dénaturent les politiques publiques
(Jaramillo s.d., p. 1). Ainsi, à plusieurs reprises, la Cour a envahi des domaines
qui correspondent à d’autres branches du pouvoir publique, en établissant la
façon de remplir des vides normatifs (fonction typiquement législative), ou en
ordonnant l’adoption de mesures administratives (fonction de la branche
exécutive).
Or, pour notre étude, il est important de vérifier la jurisprudence faite par
cette Cour. L’importance de ses arrêts dans le cas de déplacés a été remarquée
par González :
91
Site Internet Cour Constitutionnelle Colombienne :
http://www.constitucional.gov.co/corte/
91
« [...] pour déterminer l'
évolution de la position juridique de la
personne déplacée par la violence, il est nécessaire de regarder non
seulement la loi mais aussi la jurisprudence développée par la Cour
Constitutionnelle. Ceci est nécessaire parce que dans le cas du
déplacement causé par la violence il y a une violation systématique des
droits fondamentaux, et ce tribunal a développé une jurisprudence au
niveau de protection des droits fondamentaux d'
importance singulière,
qui doit être repérée quand on aborde des sujets juridiques de la réalité
colombienne. On peut également apprécier une préoccupation
croissante de cette Cour pour déterminer les responsabilités de l'
État
colombien en ce qui concerne la population déplacée, ce qui contribue
à décrire l'
évolution du concept de la personne déplacée par la
violence » (González 2002, p. 8-9).92
Au travers des cas particuliers et d'
une manière succincte, nous allons
présenter comment la catégorisation juridique de la population déplacée a été
faite par la Cour Constitutionnelle. Nous verrons aussi l'
interprétation des cadres
normatifs existants selon la Cour et ses différences avec la position des autres
branches du pouvoir public. À travers l’étude des arrêts promulgués par ce Haut
Tribunal sur la question des déplacés, nous pouvons souligner une lutte entre la
branche judiciaire, la branche exécutive et la branche législative du pouvoir
public en Colombie.
8.1 La jurisprudence constitutionnelle
À partir de 1995, la Cour Constitutionnelle a présenté les premières ébauches
pour penser le déplacement en termes juridiques et elle a différencié cette
pratique migratoire due à la violence des autres migrations volontaires causées
pour des raisons économiques, de travail ou toute autre raison différente au
conflit interne et la violence. À partir des analyses de la Cour, nous commençons
à reconnaître les victimes du déplacement comme les personnes qui subissent
de manière la plus profonde les conséquences de la violence politique sur le
92
Traduit par nous de : « [...] para determinar cuál ha sido la evolución de la posición
jurídica de la persona desplazada por la violencia, es necesario acudir no sólo a la ley
sino a la jurisprudencia desarrollada por la Corte Constitucional. Esto es así en razón a
que no puede perderse de vista que en el desplazamiento por causa de la violencia hay
una sistemática violación de los derechos fundamentales, y es éste tribunal el que ha
desarrollado una jurisprudencia a nivel de protección de derechos fundamentales de
singular importancia, que no debe ser perdida de vista cuando quiera que se estén
abordando temas jurídicos de nuestra realidad colombiana. Igualmente se puede
apreciar una creciente preocupación por parte de la Corte en determinar las
responsabilidades del Estado colombiano respecto al desplazamiento, lo cual contribuye
a describir la evolución del concepto de persona desplazada por la violencia ».
92
territoire colombien.93
Les premiers arrêts de la Cour Constitutionnelle sur le déplacement
interne ont souligné les normes de droit international qui interdisent les
déplacements forcés, ont assimilé les principes relatifs aux déplacements forcés
des Nations Unies et ont présenté l'
État comme responsable de la protection de
la population civile.
À partir de 1997, la Cour Constitutionnelle s’est occupée du sujet du
déplacement forcé dans 17 cas de révision d’actions de tutelle. Les arrêts ont été
prononcés dans le but d’instaurer la protection de différents droits fondamentaux
comme l’éducation, le droit au travail, l’égalité et la non discrimination, le droit au
logement, le droit à la circulation, etc. En outre, il y a des arrêts qui se sont
occupés exclusivement de préciser les éléments qui déterminent la condition de
déplacé, tels que l’arrêt T-227 de 1997, SU-1150 de 2000, T-327 de 2001, T1346 de 2001, T-215 de 2002, T-025 de 2004 et la T-268 de 2003 concernant le
cas des déplacés intra-urbains. Nous ferons donc référence à chacun de ces
arrêts, dans lesquelles nous pouvons lire une tension entre les différents
pouvoirs publics.
8.1.1 L’arrêt T-227 de 1997. Les déplacés : indésirables ou victimes ?
L’arrêt T-227 du 5 mai de 1997, antérieur à la promulgation de la Loi 387
de 1997, est déterminant dans la définition des déplacés comme personnes dont
la protection des droits doit se faire d’une manière spéciale, en tant que victimes
de conflit armé.
L’action de tutelle est formée par des paysans du sud du département de
César qui au cours du mois de février de 1996 ont été obligés d'
abandonner leur
logement par les menaces des groupes armés sur leur territoire. En principe, ils
ont été transférés à Bogotá et ils se sont installés dans les bureaux de
93
La présentation et l'
analyse de la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle présentée
par González à travers la méthode « carte de réponses données par l'
ordre juridique »
ont servi de base pour l'
élaboration de cette section sur les développements
jurisprudentiels du déplacement en Colombie (González 2002).
93
l’INCORA94 et la Defensoría del Pueblo. Dû à la précarité de ces établissements,
le Ministère de l'
Intérieur a géré un transfert provisoire de 90 jours dans un hôtel
dans le département de Cundinamarca tandis que l'
INCORA cherchait un lieu
définitif pour l’installation de cette population. Le Gouvernement Départemental
de
Cundinamarca,
à travers
les médias,
a
proféré
des
expressions
discriminatoires contre cette population. Le Gouverneur a empêché le transfert
définitif de ces personnes dans son département, et les a catégorisé comme des
sujets indésirables et « des agents perturbateurs » puisqu'
ils appartenaient à la
guérilla et à la délinquance, et apporteraient des conflits d’ordre public au sein de
la communauté. Les paysans ont dû rester à Bogotá dans de mauvaises
conditions à cause de l’annulation du contrat avec l’hôtel comme conséquence
de l’attitude du gouvernement départemental.
Afin de protéger les droits fondamentaux à la liberté de transit, à la
fixation de résidence dans le territoire national et à la dignité humaine, les
paysans du César ont eu recours à l’action de tutelle. Pour définir cet arrêt, la
Cour s’est centrée dans l'
application du droit à la permanence et à la liberté de
circulation sur le territoire national.
La Cour a précisé que le déplacement est un problème humanitaire qui
doit être affronté solidairement par toutes les personnes. Elle a exigé du
gouverneur de Cundinamarca de garantir la vie, l’intégrité physique et la
protection des déplacés. La Cour a précisé que dorénavant, le gouverneur
devrait s’abstenir de restreindre la libre circulation des personnes déplacées par
la violence et devrait donner un traitement convenable à ces personnes en
accord avec la dignité humaine.
Dans ce cas concret nous pouvons voir comment il existe des façons
différentes de percevoir les déplacés. La branche judiciaire du pouvoir public,
représentée par la Cour Constitutionnelle, les aborde comme des personnes qui
ont besoin de la solidarité nationale et internationale parce qu’elles sont victimes
de la violence et elles ont dû fuir de leur région sous la pression des groupes
94
L’INCORA (Instituto Colombiano de Reforma Agraria) est a charge de la politique de
logement des personnes déplacées. Actuellement il s’appelle INCODER. Site Internet :
http://www.incoder.gov.co
94
armés. Pour la Cour, nous sommes face à un problème humain. De l’autre côté,
la branche exécutive, représentée par le gouvernement de Cundinamarca, les
aborde comme des personnes dont on doit se méfier parce qu’ils peuvent
appartenir à la guérilla et aux groupes armés, principaux acteurs du conflit armé
dans le pays. De ce fait, ils peuvent engendrer des conflits d’ordre public. Pour le
gouverneur, on est face à un problème d’ordre public.
La Cour remarque dans l’arrêt qu’une autorité locale ne peut pas qualifier
les déplacés comme des agents perturbateurs du seul fait d'
essayer de sauver
leurs vies. Elle affirme qu’il doit exister une harmonie et une cohérence entre les
différentes instances de la branche exécutive, c'
est-à-dire entre le gouvernement
national et les autorités locales ; et qu'
un gouverneur sous prétexte de maintenir
l'
ordre public, ne peut pas empêcher les plans du gouvernement national relatifs
au transfert des déplacés.
D’autre part, en ce qui concerne la catégorisation du déplacé, la Cour
Constitutionnelle dans cet arrêt, et pour la première fois, donne une définition de
la personne déplacée en Colombie. Cette conception sera ensuite incluse dans
la Loi 387 de 1997 dans son article 1. La Cour prend la description des déplacés
internes donnée par le CPDIA (Consulta Permanente para los Desplazados
Internos en las Américas). Selon la Cour, est déplacé :
« Toute personne qui a été forcée à migrer sur le territoire national
abandonnant sa localité de résidence et ses activités économiques
habituelles parce ce que sa vie, son intégrité ou sa liberté personnelle
ont été atteints ou sont directement menacés dans le cas des
situations de conflits armés internes, désordres ou tensions
intérieures, violence généralisée, violations massives des droits de
l’homme, infractions au droit international humanitaire ou autres cas
tels que ceux précités, qui peuvent altérer ou altèrent
considérablement l’ordre public » (Corte Constitucional 1997).95
95
Traduit par nous de : « Toda persona que se ha visto obligada a migrar dentro del
territorio nacional abandonando su localidad de residencia o actividades económicas
habituales, porque su vida, su integridad física, su seguridad o libertad personales han
sido vulneradas o se encuentran directamente amenazadas con ocasión de cualquiera
de las siguientes situaciones : conflicto armado interno, disturbios y tensiones interiores,
violencia generalizada, violaciones masivas de los Derechos Humanos, infracciones al
Derecho Internacional Humanitario u otras circunstancias emanadas de las situaciones
anteriores que pueden alterar o alteren drásticamente el orden público ».
95
La Cour signale que pour être considéré comme déplacé il y a deux
conditions nécessaires : la contrainte qui rend nécessaire le déplacement, et la
permanence dans les frontières de la propre nation. Pour cette raison, selon la
Cour, la condition de déplacé ne dépend pas du fait de l’enregistrement ou d’une
attestation donnée par une autorité officielle, mais elle est une condition acquise
de facto. De ce fait, la personne déplacée acquiert une identité que lui est propre.
À partir de ce moment il est possible de différencier cette population d’autres
civils touchés par le conflit armé.
8.1.2
L’arrêt SU-1150 de 2000 : les déplacés comme principales
victimes de la violence que subit la Colombie
Dans cet arrêt la Cour Constitutionnelle caractérise les déplacés comme
sujets spéciaux de droits, et les signale comme les principales victimes de la
violence que subit la Colombie. La Cour fait appel au principe de solidarité
sociale face aux victimes du déplacement forcé, et affirme que pour
l’interprétation et la création des normes sur le déplacement il est nécessaire de
s’intéresser aux Principes Directeurs des Nations Unies. Comme nous l’avons
déjà mentionné, ces principes établissent les obligations et les responsabilités
des gouvernements face aux déplacés, et l'
interdiction de toute discrimination
des personnes basée sur la condition de déplacé ainsi que la reconnaissance du
droit des personnes de ne pas être déplacées.
Trois actions de tutelle sont l’objet de cet arrêt. La Cour Constitutionnelle
choisit ces cas pour présenter une position sur la responsabilité des organismes
étatiques face à la protection et l'
assistance de la population déplacée par la
violence.
Le premier des cas traite d'
une action de tutelle formée par la Defensoría
Regional d’Antioquia contre l’inspection 8B municipale de Police d’Antioquia, le
Ministère de l’Intérieur, le Gouvernement Départemental d’Antioquia et la Mairie
de Medellín, pour éviter l’accomplissement d’un ordre de délogement contre des
familles déplacées qui occupaient une propriété de la CORVIDE (Corporación de
Vivienda y Desarrollo Social), organisme décentralisé de la ville de Medellín. Ce
terrain était considéré par les autorités comme zone à haut risque de glissement,
96
et pour cela la Cour n’a pas suspendu l’ordre de délogement. Néanmoins, elle a
enjoint l’État à donner un logement temporaire à ces personnes étant donnée
leur situation de déplacés.
Le deuxième cas concerne celui de Marco Tulio Ararat Sandoval et sa
famille, qui en 1997 ont été déplacés par le « Frente 39 » de la guérilla FARC-EP
(Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia- Ejército del Pueblo) de Puerto
Trujillo dans le département du Meta. Il a sollicité au Secrétariat de Logement
Social et de Rénovation Urbaine de la ville de Cali, leur inclusion dans les plans
de logement de la ville. Cet organisme a refusé la demande en faisant valoir
qu'
après une révision des normes qui règlent la situation des déplacés par la
violence, ils n'
ont trouvé aucune disposition qui les obligerait à s'
occuper des
demandes de logement des déplacés dans les mêmes termes financiers que les
personnes qui habitent dans les zones à haut risque. Le monsieur Ararat
Sandoval a instauré donc une action de tutelle contre le Secrétariat de Logement
Social et Rénovation Urbaine de Cali, en considérant qu’il avait été objet de
discrimination à cause de sa condition de déplacé et pour cela il a fait valoir ses
droits à un logement digne, à l'
égalité et aux droits de ses enfants. La Cour a
révisé les preuves de ce cas, et a refusé l’action de tutelle due à la famille Ararat
parce que celle-ci, à l’époque du jugement, avait été déjà incluse dans un
programme de logement de déplacés.
Le troisième cas traite d'
une action de tutelle entamée par le Monsieur
Jairo Reyes Cabrera contre le directeur de la Red de Solidaridad Social. Il
affirme qu’il a été déplacé avec sa famille du municipio de Cumaral dans le
département du Meta et que la Red de Solidaridad Social ne leur a pas offert
l’aide prévue pour développer un projet productif. Cela a nuit à leur droit à la vie,
à la santé et à la dignité. La Cour analyse le cas et ne reconnaît pas l’action de
tutelle après la confirmation par la Red de Solidaridad Social qu’à l’époque du
jugement, l’aide pour le projet productif avait été effectivement donnée à
Monsieur Reyes.
L’importance de cet arrêt est la définition de la responsabilité de l'
État
face au déplacement. La Cour effectue une révision sur l'
évolution du
phénomène de déplacement en Colombie et analyse l'
efficacité de la réponse
97
institutionnelle basée sur l'
information contenue dans des lois, décrets,
documents CONPES et textes institutionnels et académiques sur le sujet.
Dans l’analyse des cas, la Cour signale deux des principaux problèmes
qui empêchent une riposte appropriée face au déplacement : a) le manque de
coordination entre les différentes entités chargées de la politique publique et, b)
le manque de développement de la politique étatique consolidée dans la Loi 387
de 1997. Ainsi, elle énumère les difficultés qui ont entraîné la mis en marche des
mesures de prévention, protection et assistance de la population déplacée par la
violence, et qualifie la réponse de l'
État comme insuffisante, malgré les
instruments légaux et administratifs créés. Pour la Cour, si l'
État est incapable de
garantir la permanence des personnes dans leur lieu de résidence, il doit, au
moins, prêter une aide effective à cette population pour qu'
elle puisse
reconstruire sa vie. En ce sens, l’arrêt consacre comme prioritaire dans les
activités étatiques l’assistance aux déplacés et en tête du Président de la
République cette responsabilité.
Selon la Cour, la branche exécutive du pouvoir public doit déterminer les
mécanismes pratiques de l'
assistance aux colombiens déplacés par la violence.
Le Président de la République est l'
organe constitutionnel indiqué pour sortir de
la situation de stagnation où se trouve l'
assistance à la population déplacée, vu la
triple fonction qu’il accomplit dans l'
ordre constitutionnel. En sa qualité de Chef
d'
État il doit veiller à ce que les colombiens les plus démunis reçoivent
l'
assistance qu'
ils méritent ; comme Chef de Gouvernement il est appelé à
conjurer la situation de perturbation de l'
ordre public qui produit le déplacement
forcé. Finalement, comme Autorité Administrative Suprême, il a la capacité de
dicter les instructions nécessaires pour obtenir que l'
administration publique
remplisse ses obligations envers les personnes déplacées (Corte Constitucional
2000, p. 3).
Tandis que la Loi 387 de 1997 établit dans son troisième article que la
responsabilité de formuler les politiques et d'
adopter les mesures relatives à la
prévention et l’assistance aux déplacés appartient à l'
État colombien, pour la
Cour Constitutionnelle cette responsabilité est d’abord celle du Président de la
République. Cela signale encore une fois la tension existant entre la branche
98
judiciaire et la branche législative du pouvoir publique.
8.1.3 L’arrêt T-327 de 2001 : discussion autour du registre de
population déplacée
Nous pouvons considérer cet arrêt comme une réaction de la Cour
Constitutionnelle aux dispositions sur le registre contenues dans le Décret 2569
de 2000.
L’arrêt traite spécifiquement le cas d'
une personne déplacée en 1999 par un
groupe de paramilitaires du municipio de Condoto dans le département du
Chocó. Cette personne avait signalé les faits de son déplacement aux autorités,
mais l’inclusion dans le registre de population déplacée par la violence avait été
niée, à plusieurs reprises, par la Red de Solidaridad Social, à cause des
informations contradictoires trouvées dans la déclaration.
L’arrêt a été prononcé en faveur du déplacé. D’après la Cour, malgré les
incohérences dans la déclaration présentée, celle-ci doit être interprétée en
faveur des droits fondamentaux des déplacés. En vertu de l'
application de l'
article
83 de la Charte Politique, nous devons présumer de la bonne foi de l'
activité des
particuliers. De cette manière, les déclarations des victimes du déplacement
doivent être entendues sous le principe de la bonne foi, et la conduite des
fonctionnaires chargés de recevoir et d'
évaluer la déclaration doit s'
adapter aux
Principes Directeurs des Nations Unies. Face au traitement d'
une situation grave
comme l'
est celle du déplacement forcé, le plus raisonnable est de comprendre
qu'
on ne peut pas conditionner l'
existence d'
une réalité à l'
affirmation de sa
configuration par les autorités.
Pour soutenir sa position la Cour s’appui sur les concepts de la Comisión
Colombiana de Juristas.96 D’après cette Commission, il est nécessaire de clarifier
que dans la procédure d'
inscription consacrée par le Décret 2569 on établit
96
La Comisión Colombiana de Juristas (Commission Colombienne de Juristes) est une
organisation non gouvernementale créée en 1998. Elle est orientée à contribuer au
développement du droit international et du droit international humanitaire. Elle réalise des
tâches de récolte et d’analyse d'
information sur ces droits et les rend publiques. Site
Internet : http://www.coljuristas.org/inicio.htm
99
seulement une condition pour accéder aux bénéfices. La condition de déplacé
est acquise dès le moment où la personne est obligée de sortir de son lieu de
résidence ; et cette condition se perpétue indéfiniment jusqu'
au retour ou la
réinstallation dans des circonstances de stabilisation économique (Corte
Constitucional 2001a, p. 15). La Commission critique :
« [...] le fait que selon le Décret 2569 de 2000, la condition de
personne déplacée cesse par l'
exclusion de la personne du registre, ou
par la demande de l’intéressé. Elle réitère que par l'
exclusion de la
personne du registre la condition de déplacé ne peut cesser parce que
le registre est une conséquence du déplacement, et non l’inverse. En
particulier, elle considère que la cause d'
exclusion du registre par raison
de l’objection réitérée de la personne déplacée à prendre part des
programmes développés par le gouvernement, n'
autorise pas
l’exclusion du registre aux personnes qui n'
accomplissent pas ce devoir.
Il n'
est pas non plus valable l'
exclusion du registre par demande de
l’intéressé, parce que les droits qui sont dérivés de la condition de
personne déplacée - tant que persistera cette condition - sont
consacrés dans la Constitution et dans les traités internationaux de
droits humanitaires et sont irrévocables » (Comisión Colombiana de
Juristas cité par Corte Constitucional 2001a, p. 16).97
L’arrêt T-327 de 2001 établit avec clarté que la condition de déplacé par
la violence est une condition de facto, et on n'
acquière pas une telle qualité par le
seul fait d’enregistrer quelques actes auprès des fonctionnaires publics. La Cour
établit que l’inclusion dans le registre n’est pas une condition pour recevoir l’aide
humanitaire prévue pour la population déplacée. De ce fait, la tension entre la
branche exécutive chargée de l’élaboration du Décret 2569 de 2000 et la
branche judiciaire du pouvoir publique est observable. Cette tension est
exprimée par González :
« Dans cet arrêt il est mis en évidence que pour la Cour, un
97
Traduit par nous de : « [...] el hecho de que según el Decreto 2569 de 2000, la
condición de persona desplazada cese por la exclusión de la persona del registro, o por
la solicitud del interesado. Reitera que por la exclusión de la persona del registro no cesa
la condición de desplazado porque el registro es una consecuencia del desplazamiento y
no viceversa. En particular, considera que la causal de exclusión del registro por
reiterada renuencia de la persona desplazada a participar de los programas
desarrollados por el gobierno, no faculta a este a que en ejercicio de la facultad
reglamentaria se excluya del registro a las personas que no cumplan ese deber.
Tampoco es válida la exclusión del registro por solicitud del interesado, pues los
derechos que surgen de la condición de persona desplazada -mientras persista la
condición de tal- están consagrados en la Constitución y en tratados internacionales de
derechos humanos y son irrenunciables ».
100
plus grand poids est donné à sa propre définition de déplacé présentée
dans l’arrêt T-227 de 1997, qui remarque qu'
une personne acquiert une
telle catégorie due à la présentation de certaines circonstances de fait
(une fois que le déplacement a eu lieu, la personne est déplacée sans
avoir besoin de déclaration officielle), que ce qui est indiqué par le
Décret 2569 de 2000 qui réglementait la Loi 387 de 1997 où il est
ordonné que la personne déplacée, pour avoir accès au Système
National d'
Assistance Intégrale de Personnes Déplacées, devait remplir
quelques conditions pour obtenir son inscription. Le postulat de la
hiérarchie dans le système de sources du formalisme n'
est pas celui que
la Cour adopte dans ces cas. L’arrêt de la Cour Constitutionnelle paraît
être plus important en hiérarchie que la réglementation de la loi »
(González 2002, p. 60).98
D’autre part, à partir de la promulgation de cet arrêt il y a un changement
dans la façon de nommer les déplacés. Nous ne parlons plus de personnes
déplacées, nous commençons à les dénommer comme « personnes en situation
de déplacement ». Les personnes touchées par le déplacement affirment leur
besoin d’être appelées comme personnes en situation de déplacement et non
comme déplacés. Cette dénomination naît à partir de l’explication donnée par la
CODHES : le déplacement forcé doit être traitée comme une « situation » et non
comme une « condition ». La CODHES voit dans le mot « situation » une notion
à caractère transitoire qui caractérise le déplacé forcé, tandis qu'
en parlant de
« condition », on est face à un terme de nature statique et presque définitif de la
personne qui est cataloguée comme telle (Corte Constitucional 2001a, p. 12).
8.1.4 L’arrêt T-1346 de 2001 : l’importance du point de vue juridique
dans la caractérisation de déplacés
Dans cet arrêt la Cour s’occupe du cas des 3500 familles déplacées
occupant la propriété La Reliquia dans la ville de Villavicencio (département du
Meta), qui ont reçu l’ordre de quitter le terrain par la Marie de Villavicencio, en
98
Traduit par nous de : « En dicha sentencia se pone de manifiesto cómo pesa más para
la Corte su definición de desplazado dada en la sentencia T-227 de 1997 al decir que
una persona adquiere tal categoría por presentarse ciertas circunstancias de hecho
(sucedido el desplazamiento, la persona ya es desplazada sin necesidad de declaración
oficial), que lo señalado por el Decreto 2569 de 2000 que reglamentaba la Ley 387 de
1997 en donde se prescribe que la persona desplazada para tener acceso al Sistema de
Atención Integral de Personas Desplazadas debía cumplir con algunos requisitos para
lograr su inscripción. El postulado de la jerarquía en el sistema de fuentes del formalismo
no es el que la Corte adopta en estos casos. La sentencia de la Corte Constitucional
parece estar por encima en jerarquía que la reglamentación de la ley ».
101
raison de leur occupation de fait de la propriété. Un des impliqués a formé une
action de tutelle en sollicitant la protection des droits fondamentaux de ses
enfants, et en particulier, de leurs droits au logement, à la vie, à la dignité
humaine, à l'
intégrité physique et le droit de ne pas être déplacé. Le demandeur
explique qu’ils ont dû occuper temporairement la propriété parce que le
gouvernement ne leur avait pas encore donné une solution définitive de
logement suite à leur déplacement par la violence.
La Cour tranche en faveur des déplacés forcés étant donné que le
gouvernement doit fournir des solutions définitives et réelles de logement pour
cette population. Elle enjoint à la Mairie de Villavicencio de contraindre le Comité
Municipal à l’aide intégrale de la population déplacée de la ville de Villavicencio,
en accord avec les articles 29 et suivants du Décret 2569 de 2000. Ce Comité
doit établir un programme de réinstallation et stabilisation économique pour les
occupants déplacés de la propriété La Reliquia.
Dans l’analyse de l’arrêt, la Cour accorde une place singulière au concept
de déplacé fait par la Loi 387 de 1997. D’après la Cour :
« Sans méconnaître les différents critères du concept de
« déplacés
internes » qui ont été exprimés par les différentes
organisations nationales et internationales qui s'
occupent du sujet,
conformément à ce qui est stipulé par la loi et la jurisprudence
constitutionnelle, la condition de déplacé peut être donnée à toute
personne qui a été forcée à abandonner sa localité de résidence et ses
activités économiques habituelles, et a dû migrer dans les frontières du
territoire national, en raison de l’existence d’un conflit interne, violence
généralisée, violations des droits de l’homme au droit international
humanitaire ou autres cas tels que ceux précités, qui peuvent altérer o
altèrent considérablement l’ordre public » (Corte Constitucional 2001b, p.
6).99
99
Traduit par nous de : « Sin entrar a desconocer los diferentes criterios que en relación
con el concepto de “desplazados internos” han sido expresados por las distintas
organizaciones nacionales e internacionales que se ocupan del tema, de conformidad
con lo preceptuado en la ley y la jurisprudencia constitucional, puede afirmarse que se
encuentra en condición de desplazado toda persona que se ve obligada a abandonar
intempestivamente su lugar de residencia y sus actividades económicas habituales,
debiendo migrar a otro lugar dentro de las fronteras del territorio nacional, por causas
imputables a la existencia de un conflicto armado interno, a la violencia generalizada, a
la violación de los derechos humanos o del derecho internacional humanitario y, en fin, a
determinados factores que pueden llegar a generar alteraciones en el orden público ».
102
Cette priorité que la Cour donne à la définition des déplacés faite par la loi
oriente la caractérisation des déplacés en ce sens. De ce fait l’importance, déjà
mentionnée, qu’a pour les personnes déplacées la connaissance des normes et
l’utilisation de la loi pour se différencier des autres migrants et personnes
touchées par la violence. Ainsi, les déplacés installés dans La Reliquia affirment
avoir droit aux aides étatiques parce qu’ils sont déjà inscrits dans le Système
d’Enregistrement de la Population Déplacée (SUR), et parce qu’ils ont déjà suivi
toutes les étapes, imposées par la loi, pour être considérés comme tels.
8.1.5 L’arrêt T-215 de 2002 : différentes interprétations des cadres
normatifs
Dans cet arrêt la Cour s’occupe du cas de plusieurs enfants déplacés par
la violence auxquels l’accès à l’éducation dans le Lycée Sol de Oriente de
Medellín leur a été nié en raison de leur âge, de l’absence de places et de
l'
impossibilité d'
assumer les coûts. Par l’intermédiaire de Narciso Doria Segura et
Pedro Tuberquia, ils ont formé une action de tutelle contre le Lycée Sol del
Oriente, la Secretaría de Educación de Medellín, la ville de Medellín, la Red de
Solidaridad
Social,
le
Ministère
de
l’Éducation
National
et
le
Fond
d’Investissement Social pour la protection de leurs droits à l’éducation, l’égalité et
la dignité. Cette action de tutelle a été niée en première instance par le juge
quatre vingt Municipal de Bogotá. Un des arguments de cette décision était que
plusieurs des enfants concernés dans le cas, n’étaient pas inscrits dans le
registre national de population déplacée (SUR). La Cour a révisé ce jugement et
finalement a accordé l’action de tutelle aux demandeurs, en raison qu’ils sont
considérés comme mineurs déplacés par la violence, non par le fait de s’inscrire
dans le registre mais par le fait de s’être enfui de leur lieu de résidence par la
violence. De ce fait, la Cour demande à la Secretaría de Educación de Medellín
d’incorporer au système éducatif les enfants concernés par cet arrêt.
Mis à part l’analyse de droit à l’éducation et la condition spécifique des
enfants déplacés fait par la Cour dans cet arrêt, ce qui est intéressant pour nous
est qu’une nouvelle fois la Cour traite de la condition de déplacé. Ainsi, la Cour
se prononce contre les dispositions du Décret 2569 de 2000. En effet, il existe
une tension entre la façon d’interpréter les cadres normatifs par les
103
fonctionnaires à charge de la déclaration et les interprétations données par les
magistrats de la Cour Constitutionnelle. La Cour signale que les critères pour
déterminer l’accès au registre de population déplacée doivent être raisonnables
et orientés vers la protection de droits fondamentaux des demandeurs. La Cour
met en évidence les défauts du registre, et demande aux instances chargées de
l’assistance aux déplacés de ne pas faire une interprétation restrictive du régime
légal pour leur assistance, ce qui peut résulter contraire à l’aide que les déplacés
méritent.
8.1.6 L’arrêt T-025 de 2004 : « état de faits inconstitutionnelle »
Cet arrêt est un de plus remarquables de la Cour Constitutionnelle parce
qu’il concerne non seulement les droits des personnes qui ont formé des actions
de tutelle mais aussi les droits généraux des personnes déplacées par la
violence en Colombie. Il marque aussi le pouvoir acquis par la Cour
Constitutionnelle en matière de défense des droits des plus démunies mais aussi
son pouvoir face aux autres instances de l’État et son ingérence dans la manière
de gérer la politique publique dans le pays.
Sous le dossier T-653010 ont été accumulés 108 dossiers correspondant
à des actions de tutelle formées par 1150 familles déplacées. Elles sont des
victimes du déplacement forcé par la violence qui, même si elles ont été
enregistrées dans le SUR, quelques unes n’ont pas reçu l’aide humanitaire
d’urgence ou elle a été incomplète et inopportune. Dans certains cas elles ont
passé entre six mois et deux ans sans recevoir aucune aide étatique. Ces
personnes ont dû former une action de tutelle comme seul moyen de se faire
remarquer par les entités à charge de la politique publique sur le déplacement,
parce que par les moyens conçus à cet effet ils ont reçu régulièrement des
réponses négatives à leurs demandes.100 Ces actions de tutelle concernent la
violation de droits fondamentaux à la vie digne, l’intégrité personnelle, l’égalité, le
travail, la santé, la sécurité sociale, l’éducation, le logement, le minimum vital et
la protection due aux personnes du troisième âge, les femmes chef de famille et
100
Même les propres entités publiques ont considéré l’action de tutelle comme partie du
processus ordinaire pour accorder les aides demandés (Table ronde Medellín, 27 juin
2003).
104
les enfants.
Après l’exposition de motifs, la Cour conclut que l’État a violé les droits
fondamentaux à la population déplacée et dénonce les défaillances de la
politique publique pour l’assistance aux déplacés. Selon la Cour, on est devant
un « état de faits inconstitutionnel ». Cet état est déclaré quand :
« 1. Il existe une violation répétée des droits fondamentaux de
beaucoup de personnes - qui peuvent alors recourir à l'
action de tutelle
pour obtenir la défense de leurs droits et combler ainsi les instances
judiciaires, et
2. Quand la cause de cette violation ne sera pas imputable
uniquement à l'
autorité exigée, mais elle repose sur des facteurs
structurels » (Corte Constitucional 2004, p. 91).101
Cette violation de droits s'
est produite de manière massive et réitérée.
Elle obéit à un problème structurel d'
insuffisance de ressources destinées à
financer la politique publique et à la faiblesse de la capacité institutionnelle pour
donner impulsion à la politique de manière adéquate. La quantité de ressources
destinées pour faire face à la population déplacée ne s’accorde pas avec celle
stipulée par les lois et les décrets pour s'
occuper de la situation. Ainsi, la Cour
demande au Conseil National pour l'
Assistance à la Population Déplacée par la
Violence la cohérence entre les obligations figées par les normes et la quantité
de ressources destinées réellement pour gérer la situation (Corte Constitucional
2004, p. 46-48).
En suivant l’article 13 de la Constitution Politique, l’arrêt T-025 souligne
que l’État doit faire une discrimination positive en faveur des déplacés et il doit
faire connaître les droits dérivés de cette condition.102 L’État doit mettre en
marche les corrections pour faire face à la situation des déplacés, et doit compter
sur la participation de la population déplacée dans la conception et l'
exécution
des politiques. L’arrêt souligne aussi qu’en tant que colombiens, les déplacés
101
Traduit par nous de : « (1) se presenta una repetida violación de derechos
fundamentales de muchas personas - que pueden entonces recurrir a la acción de tutela
para obtener la defensa de sus derechos y colmar así los despachos judiciales – y (2)
cuando la causa de esa vulneración no es imputable únicamente a la autoridad
demandada, sino que reposa en factores estructurales ».
102
Voir la charte des droits basiques de la population déplacée dans l’annexe D.
105
sont titulaires de tous les droits constitutionnels, mais qu’étant donnée leur
situation de vulnérabilité les droits constitutionnels acquièrent des manifestations
spécifiques pour répondre à leurs particularités (Corte Constitucional 2004, p.
232).
En conséquence la Cour a ordonné : (a) la conception et le
développement de politiques, plans et programmes qui garantissent de manière
adéquate les droits fondamentaux de la population déplacée, (b) l’appropriation
des ressources nécessaires pour garantir l'
efficacité de tels droits, (c) la
modification des pratiques et procédures qui s'
avèrent violatrices de la
Constitution, (d) la réforme du cadre juridique en faveur des besoins de
déplacés, (e) la mise en marche de toutes les démarches administratives,
budgétaires et d’embauche indispensables pour dépasser la violation des droits
(Corte Constitucional 2004, p. 94).
Cet arrêt a suscité beaucoup de débats étant donné qu’il a engendré des
dépenses publiques et a interféré directement avec la politique publique des
déplacés. En s’anticipant aux critiques, la Cour signale dans le même arrêt, que
ses ordres sont dirigés vers l’adoption de décisions qui permettront le
dépassement de l’État de faits inconstitutionnel. Mais :
« Cela n'
implique pas que par le biais de l’action de tutelle, le juge
[c'
est-à-dire la même Cour] ordonne des frais non établis dans le
budget ou modifie la programmation budgétaire définie par le
Législateur. Il ne trace pas non plus une politique, en définissant de
nouvelles priorités, ou en modifiant la politique conçue par le Législateur
et développée par l'
Exécutif. La Cour, tenant compte des instruments
légaux qui développent la politique d'
assistance à la population
déplacée, la conception de cette politique et les compromis assumés
par les différents organismes, fait appel au principe constitutionnel de
collaboration harmonieuse entre les différentes branches du pouvoir
pour assurer que le devoir de protection effective des droits de tous les
résidents du territoire national, soit accomplie et les compromis définis
pour une telle protection soient effectués avec sérieux, transparence et
efficacité » (Corte Constitucional 2004, p. 115).103
103
Traduit par nous de : « Ello no implica que por vía de tutela, el juez esté ordenando un
gasto no presupuestado o esté modificando la programación presupuestal definida por el
Legislador. Tampoco está delineando una política, definiendo nuevas prioridades, o
modificando la política diseñada por el Legislador y desarrollada por el Ejecutivo. La
Corte, teniendo en cuenta los instrumentos legales que desarrollan la política de atención
a la población desplazada, el diseño de esa política y los compromisos asumidos por las
106
Ainsi, dans le développement des ordres commandés par cet arrêt il y a
eu une tension permanente entre les différentes instances étatiques étant
donnée la difficulté d’adapter les conditions idéales d’assistance à la réalité
budgétaire. En outre, les conditions de faiblesse des organismes à charge de la
mise en marche de la politique publique, et le manque de préparation de leurs
fonctionnaires empêchent le bon et effectif déroulement des actions en faveur
des déplacés. En effet, plus de deux ans et demi après la promulgation de l’arrêt
T-025, le 11 août 2006, en se basant sur une analyse soigneuse des rapports
d'
accomplissement remises par les organismes qui conforment le SNAIPDV, la
Cour Constitutionnelle conclut que « [...] jusqu'
à présent, bien que la Cour ait été
informée sur quelques avancées importantes dans des secteurs critiques de la
politique d'
assistance à la population déplacée, il n’est pas démontré qu'
on ait
dépassé l'
état de choses inconstitutionnel déclaré dans la sentence T-025 de
2004, ni des avances en manière accélérée et soutenue vers son dépassement »
(Corte Constitucional 2006a, p. 3).104
8.1.7 L’arrêt T-268 de 2003 : la reconnaissance du déplacement intraurbain
En général les déplacements dans le pays se développent depuis les
zones rurales jusqu’aux petites villes, puis dans des villes intermédiaires pour
arriver finalement dans les capitales de département. C’est à dire qu’il y a un
mouvement principalement de la campagne à la ville. Dans certains cas, mais
beaucoup moins documentés, nous avons signalé aussi des déplacements entre
les différentes villes (inter-urbain) et le cas du déplacement entre quartiers de la
distintas entidades, está apelando al principio constitucional de colaboración armónica
entre las distintas ramas del poder para asegurar que el deber de protección efectiva de
los derechos de todos los residentes del territorio nacional, sea cumplido y los
compromisos definidos para tal protección sean realizados con seriedad, transparencia y
eficacia ».
104
Traduit par nous de : « [...] que hasta la fecha, a pesar de que se ha informado a la
Corte sobre ciertos avances importantes en áreas críticas de la política de atención a la
población desplazada, no se ha demostrado que se haya superado el estado de cosas
inconstitucional declarado en la sentencia T-025 de 2004, ni que se esté avanzando en
forma acelerada y sostenida hacia su superación ». Pour plus d’information sur le suivi à
l’arrêt T -025 de 2004 voir les Autos 176 de 2005, 218 de 2006, et 266 de 2006.
107
même ville (intra-urbain). Cet arrêt traite pour la première fois de cas du
déplacement intra-urbain et signale ce type de mobilité comme une partie du
déplacement forcé par la violence que subit le pays.105
Le 29 juin 2002, les habitants de la partie supérieur du quartier El Salado
de la Comuna 13 de Medellín, face à la peur, l'
intimidation et le risque de mourir
dans un combat entre les Milices Bolivariens des FARC-EP et les CAP
(Comandos Armados del Pueblo) avec le Bloque Metro et le Bloque Cacique
Nutibara (BCN) des autodéfenses, ont été obligés à s'
enfuir de chez eux et
chercher refuge dans un autre lieu de la ville, notamment dans le Lycée
l'
Indépendance. Une fois connue la situation des occupants du Lycée
l'
Indépendance, la Defensoría del Pueblo d’Antioquia, a visité le lieu et,
conformément aux articles 12 et 13 du Décret 2569 de 2000, a levé le
recensement de la population touchée et a sollicité à l'
Unité Territoriale
d'
Antioquia de la Red de Solidaridad Social l’assistance et l'
inscription de 65
familles touchées (dont 161 mineurs et 55 femmes chefs de famille) dans le
Système Unique d’Enregistrement de Population Déplacée (SUR).
L'
Unité Territoriale de la Red de Solidaridad Social d'Antioquia, en
s’appuyant sur les concepts de l’UTC (Unidad Técnica Conjunta),106 a soutenu
que la situation des familles du quartier El Salado ne correspondait pas à un
déplacement forcé, dans les termes de la Loi 387 de 1997. La loi parle
d'
abandon de la localité de résidence, et pour l’UTC, « la localité » correspond au
municipio ou à la parcelle, des emplacements géographiques qui ne sont pas
comparables au quartier ou à la comuna. Par conséquent, l'
inscription dans le
registre n'
était pas recevable. Pour cela, les 65 familles n'
ont pas reçu l’aide
comme population touchée par le déplacement, parce qu'
à travers la Résolution
05012140 du 8 juillet 2002 de l'
Unité Territoriale de la Red de Solidaridad Social
105
Dans cette section nous reprenons la description de l’arrêt faite dans la publication
Desplazamiento intraurbano en Colombia (Defensoría del Pueblo et UNHCR 2004, p. 6670).
106
La coopération entre l’Agence de Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) et la Red
de Solidaridad Social (RSS) a été formalisée à travers un « Memorando de
Entendimiento » souscrit en 1999, au moyen duquel on a créé l'
UTC (Unidad Técnica
Conjunta). La fonction de l'
UTC est de prêter assistance technique et appui à la RSS et
aux autres organismes (ressortissants et locaux) qui font partie du SNAIPDV, dans la
formulation, la mise en oeuvre et l’évaluation de la politique de prévention et assistance
au déplacement interne forcé.
108
d’Antioquia, leur inscription dans le SUR leur a été refusée. L'
Unité Territoriale de
la RSS a considéré que ce qui s'
était produit correspondait à une rétention de
civils par les CAP (Comandos Armados del Pueblo), et que les familles étaient à
charge du Programa de Asistencia a Municipios Víctimas de la Violencia géré
aussi par la Red de Solidaridad Social.
La Defensoría del Pueblo a considéré que cette position était
discriminatoire, et qu'
elle marquait un recul dans l'
application de la législation
relative aux droits de la population déplacée. Elle a entrepris une procédure pour
revendiquer la réparation des garanties fondamentales de cette population, afin
qu’on reconnaisse de manière légale les circonstances du déplacement à
l’intérieur d’une ville. Ainsi, la Defensoría del Pueblo d’Antioquia a interposé une
action de tutelle contre la Red de Solidaridad Social d’Antioquia au nom des 65
familles déplacées, laquelle a été prononcée en faveur de familles par le Tribunal
Superior del Distrito Judicial de Medellín, par arrêt du 25 juillet 2002. Ce tribunal
a ordonné à la Red de Solidaridad Social inscrire dans le SUR aux familles
déplacées du quartier El Salado et leur offrir l'
assistance nécessaire, en tant que
déplacés.
Le 24 septembre 2002, la Chambre Civile de la Cour Suprême de Justice
a révoqué l’arrêt de première instance. Elle considère d'
abord que ces personnes
n'
avaient pas abandonné leur lieu de résidence et que leurs déclarations
individuelles n’étaient pas remises à la Red de Solidaridad Social.
Le 3 octobre 2002, la Defensoría del Pueblo a effectué une Audition
Publique sur le sujet du déplacement intra-urbain, dans l'
auditoire de la
Bibliothèque Publique Pilote de la ville de Medellín. La Defensoría a réitéré la
nécessité urgente de reconnaître le phénomène du déplacement intra-urbain et
de mettre en marche des programmes intégraux d'
assistance pour les victimes
de ce phénomène. Elle s'
est engagée à insister devant la Cour Constitutionnelle
pour la révision du jugement en question. Le 6 décembre 2002 la Defensoría del
Pueblo a présenté une demande de révision du dossier de l’action de tutelle,
avec l’objectif principal de définir la portée des normes sur le déplacement forcé
par rapport au déplacement intra-urbain. Elle cherchait, d'
abord, à définir si le
déplacement à l’intérieur d’une même ville était compris dans le cadre de la Loi
109
387 de 1997, et en deuxième lieu, de spécifier la manière d'
interpréter le Décret
2569 de 2000.
Finalement, le 23 avril 2003, la Cour Constitutionnelle, par arrêt T-268 de
2003, a confirmé le jugement de première instance et a révoqué celui de la Cour
Suprême de Justice.107 La Cour Constitutionnelle a analysé deux sujets centraux
d’intérêt pour notre étude : le déplacement à l'
intérieur d’une même ville, et
l'
importance des droits fondamentaux dans son contenu matériel.
Par rapport au premier sujet, la Cour a réitéré ce qui a été dit dans les
arrêts T-227 de 1997 et T-327 de 2001, dans lesquels on a affirmé que la qualité
de déplacé est acquise de facto et non par une qualification faite par les
autorités. Pour la Cour :
« Le déplacement, loin d'
être structuré avec des indicateurs et des
paramètres rigides, doit correspondre aux circonstances très
dissemblables dans lesquelles les différentes personnes sont déplacées
dans le pays. Il existe des circonstances claires, fermes et même
subjectives, comme la crainte qui émerge d'
une angoisse généralisée,
celles qui expliquent objectivement le déplacement interne. De ce fait, la
formalité de l'
acte ne peut pas être imposée devant les preuves
impérieuses et la nécessité de la mobilité forcée » (Corte Constitucional
2003a, p. 10).108
L’arrêt a clarifié que le premier alinéa de l'
article 2 du Décret 2569 de
2000 déclare que, pour être considéré comme déplacé, il est requis l'
abandon de
la localité ou des activités économiques habituelles, ce qui indique deux activités
différentes qui ne doivent pas nécessairement être données en même temps. En
outre, les lois et les décrets sur le déplacement doivent être interprétés à la
lumière des Principes Directeurs des Nations Unies, lesquels ne considèrent pas,
pour acquérir la condition de déplacé, la nécessité de se déplacer entre
municipios ou départements. Au contraire ils mentionnent de façon permanente
107
On dénote ici une tension entre les différentes instances de la branche judiciaire.
108
Traduit par nous de : « El desplazamiento, lejos de estructurarse con unos
indicadores y parámetros rígidos, debe moldearse a las muy disímiles circunstancias en
que una u otra persona es desplazada dentro del país. Son circunstancias claras,
contundentes e inclusive subjetivas, como el temor que emerge de una zozobra
generalizada, las que explican objetivamente el desplazamiento interno. De allí, que la
formalidad del acto no puede imponerse ante la imperiosa evidencia y necesidad de la
movilización forzada ».
110
le mot « foyer », acception correcte du terme « localité de résidence », employé
par les normes colombiennes.
La Cour a souligné aussi que « [...] s'
agissant de noyaux familiaux qui
pour motifs de violence urbaine sont obligés de chercher refuge dans la même
ville, la crise humanitaire peut être plus grande, ce qui implique que l'
État est
obligé de réaliser des actions pour protéger les droits fondamentaux des
déplacés » (Corte Constitucional 2003a, p. 11).109
Encore une fois, la Cour exprime l’idée que le caractère de déplacés
internes n'
apparaît pas par l’intermédiaire d'
aspects uniquement formels mais
procède aussi d'
une réalité objective, dans ce cas d’une situation de crainte
généralisée provoquée par la violence existante dans le quartier. Par
conséquent, la Cour Constitutionnelle a considéré « [...] que le déplacement à
l’intérieur d’une même ville fait partie du déplacement interne forcé quand les
conditions qui le caractérisent sont présentes » (Corte Constitucional 2003a, p.
15).110
Eu égard au second sujet traité par l’arrêt, la Cour a insisté sur la
prévalence du droit substantiel sur le droit formel. De ce fait, l'
accès aux
mécanismes de protection et assistance à la population déplacée doivent être
assouplis, et la procédure d’inscription ne doit pas empêcher la sauvegarde des
droits fondamentaux. En ce sens, la Cour a estimé que la Red de Solidaridad
Social a interprété de manière restrictive le cas des déplacés de El Salado, et par
conséquent a violé le principe de favorabilité et la prééminence du droit
substantiel sur le droit formel. D’après l’arrêt T-1635 de 2000, « [...] on ne peut
pas oublier que selon l'
article 86 de la Constitution Politique, la violation ou la
menace de droits fondamentaux a lieu non seulement à partir d'
actions positives
des autorités publiques, mais aussi en raison de l'
omission de leurs devoirs
109
Traduit par nous de : « [...] tratándose de núcleos familiares que por motivos de la
violencia urbana se ven obligados a buscar refugio dentro de la misma ciudad, la crisis
humanitaria puede ser mayor, lo cual implica que el Estado está obligado a tomar
acciones para proteger los derechos fundamentales de los desplazados ».
110
Traduit par nous de : « [...] que el desplazamiento entre la misma ciudad hace parte
del desplazamiento interno forzado cuando se reúnen los requisitos que caracterizan a
este último ».
111
constitutionnels et légaux » (Corte Constitucional 2000, p. 12).111
Par ailleurs, face à ce qu’avait arrêté le juge de tutelle en appel (c'
est-àdire la Cour Suprême de Justice) en exigeant les déclarations individuelles des
personnes touchées, la Cour Constitutionnelle a considéré que la protection
adéquate des droits de la population touchée est tributaire du principe de
favorabilité :
« S'
il existe, comme il s'
est produit dans le cas de la présente
action de tutelle, de nombreuses déclarations devant la Defensoría del
Pueblo en ce qui concerne le fait évident du déplacement de 65 familles
de la Comuna 13 de Medellín, on ne peut pas refuser, à ces 65 familles,
la dénomination de déplacés internes et les conséquences juridiques et
pratiques que cela entraîne, avec l'
excuse de la non remise de la copie
de la déclaration à un bureau du Ministère de l'
Intérieur, même quand
cette démarche doit être faite par la Direction Général pour les Droits de
l’Homme du Ministère de l’Intérieur ou l'
organisme que celle-ci délègue.
Le juge de tutelle ne peut pas invoquer de circonstances formelles (non
provenant de l’omission de ceux touchés) pour nier la protection des
droits fondamentaux des personnes déplacées » (Corte Constitucional
2003a, p. 14). 112
Selon la Cour, en accord avec l’article 13 du Décret 2569 de 2000 :
« En cas des déplacements massifs, le Comité Municipal, de
District, les autorités municipales et le Ministère Public, tant de la zone
d’expulsion comme réceptrice de la population déplacée, agiront
ensemble pour établir l'
identification et la quantification des personnes
qui ont conformé le déplacement massif et effectueront une déclaration
sur les faits qui ont été à l'
origine de ce déplacement ».
111
Traduit par nous de : « [...] no puede olvidarse que al tenor del artículo 86 de la
Constitución Política, la violación o la amenaza de derechos fundamentales tiene lugar
no sólo a partir de acciones positivas de las autoridades públicas sino también por causa
de la omisión de los deberes constitucionales y legales que les incumbe ».
112
Traduit par nous de : « Si existen, como ocurrió en el caso que da origen a la presente
tutela, numerosas declaraciones ante la Defensoría del Pueblo respecto a un hecho
notorio como fue el desplazamiento de 65 familias de la denominada Comuna 13 de
Medellín, no puede negárseles a esos 65 núcleos familiares el calificativo de
desplazados internos y las consecuencias jurídicas y prácticas que ello conlleva, con la
disculpa de que no se remitió copia de las declaraciones a una oficina del Ministerio del
Interior, máxime cuando esa solicitud de copia, según el citado inciso, le corresponde
hacerlo, como lo dice el encabezamiento del inciso a la Dirección General para los
Derechos Humanos del Ministerio del Interior o la entidad que esta delegue. El juez de
tutela no puede invocar circunstancias formales (no provenientes de omisión de los
afectados) para negarla protección a derechos fundamentales de los desplazados ».
112
« La déclaration et l'
information récoltée devront être envoyées de
manière immédiate et par le moyen le plus efficace, pour leur inscription
dans le Registre Unique de Population Déplacée, au siège de
l'
organisme dans lequel on a délégué l'
inscription, du département
respectif ».
« L'
inaccomplissement de ce mandat fera l'
objet d'
une recherche
disciplinaire par l’organe de contrôle respectif ».
« La procédure prévue par cet article exempte les personnes qui
participent à un déplacement massif de rendre une déclaration
individuelle pour solliciter leur inscription dans le Registre Unique de
Population Déplacée ».113
Étant donné qu’à l’époque des événements le Comité de la ville de
Medellín pour l’Assistance à la Population Déplacée n’était pas instauré, c’était la
Defensoría del Pueblo qui a fait le recensement correspondant des personnes
victimes du déplacement massif.
Eu égard les considérations et les circonstances mentionnées, la Cour
Constitutionnelle a confirmé le jugement de première instance émis par le
Tribunal Supérieur de Medellín le 25 juillet 2002, et a ordonné à la Red de
Solidaridad Social l’inscription sur le Système Unique d’Enregistrement des 65
familles déplacées du quartier El Salado et d’entreprendre les démarches pour
assurer leur assistance comme déplacés.
De cette manière, le jugement de la Cour Constitutionnelle a défini que
l'
article 1 de la Loi 387 de 1997 et le deuxième article du Décret 2569 de 2000,
n'
excluent pas la possibilité que le déplacement forcé puisse se présenter à
l'
intérieur d’une même ville. Le déplacement intra-urbain est donc compris dans
113
Traduit par nous de : « Cuando se produzcan desplazamientos masivos, el Comité
Municipal, Distrital, las autoridades municipales y el Ministerio Público, tanto de la zona
expulsora como de la receptora de la población desplazada, actuarán en forma unida
para establecer la identificación y cuantificación de las personas que conformaron el
desplazamiento masivo y efectuarán una declaración sobre los hechos que originaron el
desplazamiento del grupo. La declaración y la información recolectada deberán ser
enviadas de manera inmediata y por el medio más eficaz, para su inscripción en el
Registro Único de Población Desplazada, a la sede de la entidad en la que se haya
delegado la inscripción, del respectivo departamento. El incumplimiento de este mandato
será objeto de investigación disciplinaria por el respectivo órgano de control. El trámite
previsto en este artículo exime a las personas que conforman el desplazamiento masivo
de rendir una declaración individual para solicitar su inscripción en el Registro Único de
Población Desplazada ».
113
la normativité relative au déplacement forcé par la violence, puisqu'
il a lieu dans
un contexte de violence qui oblige les habitants de secteurs urbains à
abandonner leur résidence et chercher refuge dans un autre lieu situé dans la
même ville.
Après ce jugement, la Red de Solidaridad Social de la ville de Medellín a
commencé à reconnaître le phénomène et à offrir une assistance aux déplacés
intra-urbains dans le cadre de la Loi 387 de 1997 et ses décrets
réglementaires.114
Conclusion
Dans cette partie nous avons parcouru le développement de la catégorie
de déplacé dans les instruments juridiques et la place donnée au déplacement
intra-urbain du point de vue juridique.
D’abord nous avons souligné les ressemblances entre les réfugiés et les
déplacés et comment les termes pour les nommer se sont constamment
mélangés. En effet, la notion de « déplacé » est inspirée par les principes
normatifs relatifs aux réfugiés et sa définition comporte des problèmes déjà
connus dans le cas de réfugies. Tout a long de l’analyse nous avons pu observer
des problématiques partagées par ces deux populations. Les plus remarquables
sont : a) La difficulté de différencier les réfugiés et déplacés des autres migrants
et de ce fait, le durcissement du système d’aide à ces populations, b) la
stigmatisation de migrants forcés et le rôle des organismes de défense des droits
de l’homme pour leur protection.
Dans le premier aspect, il est évident que les migrants forcés s’ajoutent
aux masses de migrants à la recherche d’emploi, éducation, meilleures
conditions de vie, et tous ceux qui ont laissé leur patrie pour n’importe quelle
motivation. « Si, sur le papier, ces catégories sont bien distinctes, dans la réalité,
114
Néanmoins, quelques organismes de défense des droits de l’homme ont souligné
qu’en dépit de l’arrêt 268, l'
Unité Territoriale d’Antioquia de la RSS, continue à rejeter
l'
inclusion dans le SUR de personnes qui, pour des raisons du conflit armé urbain, ont été
obligées à se déplacer dans une autre secteur de la ville ou entre les municipios de l’Aire
Métropolitaine de la Vallée d’Aburrá (IPC 2006, p. 55).
114
il en va tout autrement et elles se chevauchent de multiples façons » (UNHCR
2000 p. 280).
Dans le cas colombien, d’après la CODHES il est très difficile de
différencier les déplacés forcés à cause de la violence des migrants
économiques, sinistrés ou ceux qui migrent pour de raisons familiales ou
personnelles. « Depuis un regard externe, obtenir une différenciation nette entre
les uns et les autres obéit plus à un exercice épistémo-méthodologique qu'
à la
présence d'
aspects “visibles” qui permettent d'
effectuer des distinctions à
première vue » (CODHES cité en Corte Constitucional 1997, p. 12).115
Cette difficulté d’établir avec précision qui est réfugié ou déplacé a
engendré plusieurs limitations dans les systèmes conçus pour aider ces
populations. D’autre part, la normativité qui est conçue pour porter secours aux
victimes est souvent utilisée de manière restrictive pour contrôler le nombre de
migrants couverts sous ces catégories. Étant donné le nombre des migrants qui
se font passer comme réfugiés ou déplacés pour avoir accès aux aides, la
normativité mise en marche est chaque fois plus restrictive et de cette façon
empêche les vraies victimes de la violence de faire valoir leurs droits en tant que
migrants forcés.
Le deuxième aspect concerne la protection des droits des migrants forcés
par les organismes de défense des droits de l’homme. Ces organismes ont
conçu les instruments internationaux et ont influencé l’élaboration des
instruments locaux pour la protection des victimes. La dénonciation de violation
de droits de l’homme par les migrations forcées a engendré de multiples tensions
avec les États de réception dans le cas de réfugiés et les gouvernements locaux
dans le cas de déplacés. En suivant l’analyse de Francis Deng, quand il était
Secrétaire Général des Nations Unies pour les Personnes Déplacées à l’Intérieur
son propre Pays, en 1992, « [...] les déplacés internes tombent facilement dans
“un vide de responsabilité” au sein de l’État. Les pouvoirs publics concernés les
considèrent comme des “ennemis”, plutôt que comme “les leurs” nécessitant
115
Traduit par nous de : « Desde una mirada externa, lograr una nítida diferenciación
entre unos y otros obedece más a un ejercicio epistémico-metodológico que a la
presencia de aspectos “visibles” que permitan realizar distinciones a primera vista ».
115
protection et assistance » (UNHCR 2000, p. 214). De ce fait, plus qu’une
préoccupation humanitaire, les migrants représentent une charge additionnelle et
une menace pour les régions d’accueil. En Colombie les positions des
gouvernements de lieux de réceptions des déplacés sont multiples et ils les
stigmatisent souvent. Pour eux, les déplacés :
« [...] augmentent la marginalité, les taux de chômage, l'
emploi
informel, les couloirs de misère, la confrontation sociale ; ils rechargent
les demandes de services publics ; ils ne contribuent pas avec des
capitaux additionnels ; ils ne sont pas main d'
oeuvre qualifiée ; ils
représentent des liens suspects avec les zones de conflit et par
conséquent avec les acteurs armés ; ils aggravent la situation des
secteurs marginaux de réception ; déstructurent les clientèles politique ;
ils produisent des chocs ethniques et culturels, augmentent l'
insécurité ;
et ils peuvent constituer des avant-gardes urbaines de la subversion
rurale » (Vidal 2005, p. 209).116
Nous observons comment les migrants forcés sont l’objet d’un regard
ambivalent. D’un côté, ils sont victimes de la violence et de la guerre et méritent
la solidarité sociale et l’aide étatique. Mais d’un autre, ils sont objet de suspicion
pour le fait de leur provenance des zones de conflit armé où « personne n’est
innocent ».
En ce qui concerne le cas des déplacés colombiens, nous pouvons
remarquer aussi deux aspects importants : a) la catégorie des déplacés est
construite à partir d’éléments juridiques, b) le déplacement intra-urbain en
Colombie commence à être une affaire visible à partir de sa reconnaissance
juridique par la Cour Constitutionnelle.
Le premier aspect dénote comment en Colombie le mot déplacé devient
directement lié aux notions normatives. C’est la norme qui définit qui est un
déplacé et les droits qui lui sont attachés. C’est à travers la promulgation de lois
et de décrets que le déplacement devient une affaire plus visible et nous
116
Traduit par nous de : « [...] aumentan la marginalidad, las tasas de desempleo, el
empleo informal, los cinturones de miseria, la confrontación social ; recargan las
demandas por servicios públicos ; no contribuyen con capitales adicionales ; no son
mano de obra calificada ; representan vínculos sospechosos con las zonas de conflicto y
por lo tanto con los actores armados ; agravan la situación de los sectores marginales de
recepción ; desestructuran las clientelas políticas ; producen choques étnicos y
culturales, aumentan la inseguridad ; y pueden constituir avanzadas urbanas de la
subversión rural ».
116
commençons à reconnaître le déplacé comme une personne qui a subit d’une
manière plus aiguë la violence dérivée du conflit armé qui traverse le pays. Nous
accordons aux déplacés une place singulière du point de vue juridique et un
énorme appareil étatique est mis en marche pour assurer leur assistance. Le
développement du système d’assistance aux déplacés a généré beaucoup de
tensions entre les organismes chargés de la mise en marche de la politique
publique mais aussi a démarqué une dispute entre les différentes branches du
pouvoir publique ; comme nous avons pu le remarquer dans les analyses des
arrêts de la Cour Constitutionnelle.
Par ailleurs, les déplacés ont aussi incorporé ce langage juridique et se
sont appropriés cette catégorie pour se faire remarquer par l’État et pour accéder
aux bénéfices que cette catégorie suppose. Néanmoins, l’arrêt T-025 de la Cour
Constitutionnelle rend évident les défaillances du Système National d’Assistance
à la Population Déplacée par la Violence et déclare un état inconstitutionnel des
faits. Cette situation rend évidente une tension entre l’État et la Société, et la
distance entre les normes juridiques et les pratiques institutionnelles et sociales.
Le deuxième point signale la façon dont en Colombie les déplacés ne
constituent pas une catégorie homogène. Nous avons parlé du type de déplacés
du point de vue juridique et des traitements différentiels que méritent certains
groupes (incapacité, chef de famille, troisième âge, condition ethnique, condition
socio-économique, etc.). De même, il existe divers types de déplacements par
rapport au caractère de la mobilité géographique : migrations de la campagne à
la ville, entre parcelles, entre villes et aussi les déplacements à l’intérieur d’une
même ville. En effet, il a fallu un arrêt spécifique de la Cour Constitutionnelle
pour reconnaître l’existence du déplacement intra-urbain et pour donner à ces
personnes les aides qui leurs sont propres. Nous constatons encore une fois
comment l’ordonnancement juridique définit la place et le type d’assistance que
mérite cette population.
Une fois analysée la provenance de la catégorie de déplacé et plus
particulièrement celle du déplacé intra-urbain, nous nous demandons quelles
sont
les
caractéristiques
propres
à
ce
déplacement.
Selon
la
Cour
Constitutionnelle, le déplacement est une situation de facto où c’est la contrainte
117
qui rend nécessaire la fuite. De ce fait, on se demande dans quelles
circonstances apparaît cette pratique ? Dans quel contexte se donne une telle
situation ? Qui sont les responsables ? Quelles sont les logiques d’action de ces
acteurs ? Pour répondre à ces questions nous allons voir dans la partie suivante
le contexte de violence contemporaine et le surgissement des acteurs armés
illégaux en Colombie. Par la suite, dans la troisième partie nous allons analyser
les particularités du déplacement intra-urbain dans les cas de Medellín et
Barrancabermeja.
118
DEUXIÈME PARTIE
VIOLENCE POLITIQUE ET CONFLITS URBAINS
Introduction
Quelques études signalent que les protagonistes du conflit armé national
ne sont responsables que d’une faible partie des meurtres et des enlèvements
qui se produisent dans les métropoles, et que ceux-ci n’ont toujours pas la
capacité de transférer le conflit dans les villes. Selon Echandía, les guérillas
colombiennes ont un fort potentiel militaire dans les zones rurales, où elles
disposent des sources de financement stables. Mais « l'
expansion de la guérilla
vers des zones urbaines avec un plus grand potentiel stratégique n'
est pas
accompagnée de la capacité d'
effectuer, de manière soutenue, des actions
offensives » (Echandía 1999, p. 2).117 Dans le même sens, l'
étude de l’année
2003 sur le Développement Humain en Colombie présentée par le Programme
de Nations Unies pour le Développement (PNUD) souligne que les activités des
guérillas se situent essentiellement dans les zones rurales. Cependant, elle
signale que bien que le conflit soit situé dans la « périphérie » géographique et
politique, le « centre » est la source, l'
objectif, et, chaque jour, il devient la scène
de la lutte armée. Dans ce contexte, les villes commencent à être affectées par le
conflit armé (national), particulièrement dans les quartiers périphériques (PNUD
2003, p. 21-64).
Notre étude porte sur le déplacement intra-urbain forcé par la violence,
dont les responsables sont les groupes armés du conflit national (guérillas,
paramilitaires et Force Publique). C'
est-à-dire qu’on reconnaît l'
ampleur et les
implications du conflit armé national dans les villes et son interrelation avec la
violence. Pour cette raison, on cherchera les racines du déplacement intra-urbain
dans le cadre du conflit interne que vit le pays. Nous verrons comment les
combats livrés par les différents acteurs armés se répercutent dans les villes,
notamment à Medellín et Barrancabermeja.
117
Traduit par nous de : « La expansión de la guerrilla hacia zonas urbanas con mayor
potencial estratégico no se encuentra acompañada de la capacidad de realizar, en forma
sostenida, acciones ofensivas ».
119
Or, nous reconnaissons la difficulté à définir la violence, étant donné que
dans la réalité elle ne correspond pas à une manifestation précise.118 Olivier
Pissoat et Vincent Gousset dans l'
article « La representación cartográfica de la
violencia en las ciencias sociales colombianas » démontrent la difficulté de
donner une définition de la violence en Colombie. Selon les auteurs, pendant la
seconde moitié du vingtième siècle, il y a eu plusieurs manifestations de violence
dans le pays qui ont agi de concert. C’est cette caractéristique qui explique la
difficulté d'
établir une définition précise, pour un sujet qui ne l'
est pas et qui, en
outre, change régulièrement avec le temps (Pissoat et Gousset 2002, p. 8).119
« La violence est un terme employé pour décrire des situations
très diverses. En l’absence d’une définition commune et limitée, la
polysémie du terme engendre des interprétations multiples, voire
contradictoires. F. Gaitán le souligne à propos des recherches menées
sur le sujet en Colombie : les événements et les facteurs explicatifs pris
en compte sont si différents qu’ils finissent par ne plus se référer à un
même phénomène (Gaitán, 1997 : 86-87). Il faut le reconnaître, les
classifications des formes de violence sont nombreuses, variables, se
chevauchent souvent et ne répondent parfois qu’au besoin singulier de
celui que les applique » (Pissoat et Barbary 2004, p. 229).
Ainsi, il est manifeste que nous ne pouvons pas tracer de lignes claires
entre les différents types de violence qui se rencontrent dans le pays.
Néanmoins, il faut souligner les éléments propres de notre recherche pour tenter
de définir la violence sur laquelle nous allons parler, sans oublier que l’exercice
de différentiation précise entre des types distincts de violence reste toujours
inabordable. En ce qui concerne l’objet de notre étude, nous allons employer les
concepts de violence politique et de conflit urbain pour ce qui est relatif au conflit
interne armé de la Colombie. Même si la notion de violence politique n'
est pas
épuisée dans la confrontation armée nationale nous allons nous restreindre à
celle-ci.
118
L’anthropologue brésilienne Alba Zaluar explique que la violence est un terme
polyphonique dans son étymologie et aussi dans ses manifestations. De ce fait, la façon
dont le phénomène a été combattu n’a ni une définition univoque ni claire (Zaluar 1999b,
p. 28).
119
Les auteurs proposent de traiter le sujet de la violence dans une perspective
historique, où les circonstances, les interprétations et les représentations des processus
sont superposées entre eux.
120
En Colombie nous pouvons parler de différents types de violences
urbaines : politiques, intrafamiliales, minoritaires, sexuelles, psychologiques, etc.
Le sociologue Daniel Pécaut utilise le terme de « violence généralisée » pour
parler de la situation colombienne : « [...] lorsque les phénomènes divers de
violence entrent en résonance et définissent le contexte de la plupart des
interactions collectives » (Pécaut 1996a, p. 226). Pour l’auteur, « [...] ce sont
l’ébranlement des régulations institutionnelles et la perte de crédibilité de l’ordre
légal qui ouvrent le champ de la violence généralisée » (Pécaut 1996b, p. 27).
De ce fait, nous remarquons la difficulté de différencier la violence politique de
celle qui ne l’est pas, et nous repérons qu’elles se sont confondues à plusieurs
reprises.120 Néanmoins, ce qui est certain est que la violence politique perpétrée
dans les villes a une plus grande signification à l’égard de l'
ensemble social. Le
journal El Colombiano121 en parlant de l'
accroissement de la violence urbaine
dans le pays remarque que : « [...] quand les acteurs armés agissent en ville ils
produisent un effet psychologique de grande décomposition émotionnelle
publique et l’inconscient collectif est chargé de crainte et d’espoirs obscurs» (El
Colombiano 2002b).122 De même, Alonso Salazar, dans un article publié dans le
même journal, souligne le fort impact psychologique qu’a eu pour les colombiens
l'
avertissement du « Mono Jojoy »,123 après la fin du processus de paix en 2002,
qui disait que la guérilla allait « dominer les villes » (Salazar 2002, p. 1).
Quelques auteurs comme Echandía, indiquent la nécessité d'
étudier la véritable
portée d'
une urbanisation éventuelle du conflit armé, puisque depuis 2002 les
villes ont été de nouveau les cibles des attentats terroristes, événements qui
frappent directement la psychologie collective (Echandía s.d., p. 6).124
120
Cette approche de Pécaut a été critiquée par Pissoat et Barbary. Pour eux, cette
interprétation « [...] peut mener à un rapprochement univoque des phénomènes, alors
que certains sont peut être plus indépendants des autres qu’on ne le suppose » (Pissoat
et Barbary 2004, p. 232).
121
El Colombiano est le journal de la ville de Medellín. Il est le plus répandu dans le
département d’Antioquia. Site Internet : http://www.elcolombiano.com/
122
Traduit par nous de : « [...] el hecho de que los actores armados focalicen estrategias
en la ciudad produce un efecto psicológico de descomposición emocional pública grande
y el inconsciente colectivo se carga de temor y expectativas oscuras ».
123
Jorge Briceño Suárez connu comme le Mono Jojoy est l’un des membres dirigeants
des FARC-EP. Il est l’un des principaux responsables de l’enlèvement d’Ingrid
Betancourt.
124
Les plus représentatifs ont été l’attaque du Palais de Nariño en 2002, la bombe dans
121
Selon Pissoat et Barbary, il existe un rôle effectif du conflit armé dans la
généralisation du sentiment d’insécurité pour l’ensemble de la société (Pissoat et
Barbary 2004, p. 239).
« Il faut cependant revenir à la dynamique du conflit armé et aux
pratiques de grand banditisme qui lui sont associées, pour comprendre
l’évolution de la perception des violences dans les métropoles. À la fois
compatissants, indignés, et malgré tout spectateurs impuissants, les
citadins se sont longtemps sentis étrangers aux combats livrés dans les
zones rurales. Quant aux batailles sanglantes entre mafias et aux
assassinats « politiques », ils étaient certes commis dans leur ville, mais
visaient des cibles bien identifiées : dirigeants ou militants de tous bords.
Cette perception paradoxale d’une violence à la fois proche et distanciée
se modifie radicalement à la charnière des années 1980-1990, durant la
vague d’attentats perpétrés par les narcotrafiquants. L’homme de la rue
se sait alors un objectif militaire potentiel et la crainte s’installe dans
toutes les couches de la population » (Pissoat et Barbary 2004, p. 238).
Même si nous admettons que le conflit armé ne soit pas encore transféré
à la ville et que les acteurs armés illégaux aient leur principales activités figées
dans la campagne, la violence politique perpétrée dans la ville a une signification
très forte sur toutes les couches de la population colombienne. De même, les
répercussions du conflit national se perçoivent de plus en plus dans les villes, et
surtout dans les quartiers défavorisés.
Selon le PNUD, l’importance du « centre » et de la ville comme scénario
du conflit est caractérisé par : a) le besoin de réseaux d'
appui et l’accès aux
services, b) les opérations ponctuelles à caractère tactique ou logistique
(assauts, kidnappings, extorsion, vol d'
armes) qui doivent être opérés dans les
métropoles, c) la violence exercée sur des personnalités qui habitent dans la
ville, d) la fragmentation de quelques villes dans des zones, comunas, quartiers
où les acteurs armés illégaux établissent un certain « ordre », e) les combats
occasionnels entre guérillas, paramilitaires et Force Publique, et f) les actions
terroristes des groupes armés, dont l'
objectif est de gagner de la visibilité ou de
provoquer des changements d'
attitude de la population ou des autorités (PNUD
2003, p. 60).
les installations du Club El Nogal en 2003 et plus récemment, en octobre 2006, l’attentat
à l’École Supérieur de Guerre (Cantón Norte Bogotá) qui a laissé 25 blessés, dont la
plupart parmi la population civile (El Tiempo, 22 octobre 2006).
122
En effet, les villes présentent un grand intérêt autant stratégique que
politique pour les acteurs armés. L’ensemble de l'
activité partisane et
paramilitaire se répercute dans la ville par les kidnappings, les actes terroristes,
les extorsions, la propagande pour la lutte armée, l’influence sur certains
quartiers stratégiques, et par d’autres biais. À long terme, conflit rural et conflit
urbain finissent par s’alimenter réciproquement.
Or, quand nous traiterons des acteurs armés du conflit national, nous
ferons souvent référence aux bandes et groupes de délinquance de la ville, étant
donnée la difficulté d’extraire la violence perpétrée par les grands protagonistes
des autres violences manifestes dans les villes. Les troubles causés par des
groupes de jeunes, les pratiques de banditisme et délinquance dans des
quartiers sensibles alimentent la violence politique. D’après Camacho :
« Le problème de la violence colombienne est aggravé par le
processus par lequel les différentes modalités des violences tendent à
être entrelacées et réalimentées. Ainsi, les organisations insurgées
recourent systématiquement aux pratiques propres à la délinquance
comme l'
extorsion et le kidnapping ; la délinquance commune échange
des kidnappés avec les organisations insurgées; les narcotrafiquants
propriétaires fonciers financent des groupes paramilitaires experts dans
les massacres et le terrorisme ; ils financent aussi des groupes de
jeunes urbains dans leur qualité de sicarios ; les négociants d'
armes
s’enrichissent du marché créé par des insurgés et paramilitaires ; enfin,
il y a des circuits dans lesquels les distinctions entre des modalités de la
violence sont rendues complexes et confuses » (Camacho 2001, p.
27).125
Les
relations
entre
acteurs
organisés
et
acteurs
violents
plus
désorganisés sont aussi remarquées par Gérard Martin :
125
Traduit par nous de : « El problema de la violencia colombiana se agrava con el
proceso por el cual las diferentes modalidades de violencia tienden a entrelazarse y a
realimentarse. Así, las organizaciones insurgentes recurren sistemáticamente a prácticas
propias de la delincuencia común, como la extorsión y el secuestro ; la delincuencia
común intercambia secuestrados con la insurgencia ; los narcotraficantes terratenientes
financian a grupos paramilitares expertos en masacres y terrorismo ; financian también a
grupos de jóvenes urbanos en su calidad de sicarios ; los mercaderes de armas se
lucran del mercado creado por insurgentes y paramilitares ; en fin, se crean circuitos en
los que las distinciones entre modalidades de violencia se hacen complejas y confusas ».
123
« Les frontières entre luttes armées, violences sociales, criminalité
organisée et délinquance commune ont disparu. Des groupes armés
bien structurés comme des organisations paramilitaires, d'
autodéfense
et de guérilla se livrent des guerres locales pour imposer ou consolider
leur contrôle sur des ressources et des possessions diverses. S'
y
mêlent toute une série d'
acteurs plus désorganisés, dont les motifs
peuvent être des plus banals jusqu'
aux plus politiques. Violences
politiques et non politiques, organisées et inorganisées, entrent en
résonance et finissent par redéfinir le contexte dans lequel la société se
reproduit »(Martin 1997, p. 196).
Nous parlerons donc de la violence politique contemporaine que subit la
Colombie. Par la suite nous aborderons les acteurs armés du conflit national de
façon générale pour se retourner sur leur impact et leur influence dans les
métropoles. Cette partie est consacrée à la description de ces acteurs étant
donné qu’ils sont les principaux responsables des déplacements forcés de
population. Pour comprendre les dynamiques propres du déplacement il faut
d’abord comprendre les logiques et les intérêts qui poussent les acteurs armés à
entretenir cette situation. À la fin de cette partie nous ferons une brève note sur
le rôle des médias face au conflit armé dans le pays.
Pour la construction de cette partie, nous avons utilisé plusieurs sources
d’information. Dans l’analyse globale de la violence en Colombie nous avons
utilisé notamment les études d’Álvaro Camacho et Álvaro Guzmán (1990) ;
Gérard Martin (1997) ; Camilo Echandía (1999) ; Gonzalo de Francisco (2003) ;
Mauricio Rubio (2003) ; María Victoria Uribe (2004) et Françoise Dureau et al
(2004). Nous avons aussi utilisé les articles publiés dans la revue Análisis
Político de l'
Institut d'
Études Politiques et Relations Internationales de l'
Université
Nationale de la Colombie, laquelle s’est constituée dans un porte-parole
représentatif des études sur le confit armé dans le pays. En outre, nous nous
sommes appuyés notamment sur les études de Daniel Pécaut (1996a et b, 1998,
2000, 2001) qui s’avère être l’un des plus grands chercheurs étrangers sur la
violence en Colombie.126
126
« Sans le moindre doute l'
oeuvre qui a marqué un point de repère notoire dans les
études sur la violence colombienne est celle de Daniel Pécaut, dont le travail
documentaire admirable par la capacité d'
inclure un important volume de documentation
historique combiné avec des schémas d'
interprétation qui font un lien entre la violence et
l'
histoire colombienne pour produire non seulement une interprétation globale de la
violence comme partie intégrale de notre particularité comme société, mais il porte un
regard sur la société colombienne qui s'
est transformée, sans le moindre doute, en
oeuvre de consultation obligatoire pour toute étude sur le pays » (Camacho et Hernández
124
Nous avons utilisé aussi quelques rapports institutionnels des Nations
Unies (ONU 1994), l’Organisation des États Américains (OEA 1997) et la
Defensoría del Pueblo (2002, 2005) et notamment l’étude sur le Développement
Humain réalisée par le PNUD en 2003. Cette étude a rassemblé beaucoup
d’information sur le conflit armé en Colombie collecté par des chercheurs
colombiens spécialisés dans le domaine tels que : Hernando Gómez Buendía ;
Carlos Vicente de Roux ; Alejandro Reyes ; Marco Palacios ; Alfredo Molano et
Darío Fajardo pour n’en citer que quelques uns.127
Pour la construction spécifique des différents sujets abordés, nous avons
travaillé sur les thèses de quelques auteurs en particulier : trafic de drogue :
Álvaro Camacho (1998, 2001, 2004) et Alonso Salazar (2002) ; guérillas : Jaime
Arenas (1972) ; Patricia Lara (1981) ; Carlos Arango (1985) ; Fabiola Calvo
(1987) ; Carlos Franco (1987) ; Eduardo Pizarro (1989, 1991, 2004) ; Camilo
Echandía (1999) ; et PNUD (2003) ; paramilitaires : Alejandro Reyes (1991) ;
Mauricio Romero (2002a et b, 2003) et PNUD (2003) ; milices : Astrid Téllez
(1995) et Franco et Roldán (s.d.) ; tueurs à gages : Carlos Miguel Ortiz (1991) ;
Alonso Salazar (1992), et Álvaro Camacho (1998).
1. La violence politique contemporaine
Notre étude porte sur la dernière grande période de violence en
Colombie. Cette période est considérée à partir de la formation et réactivation de
groupes de guérillas ruraux après l'
instauration du Frente Nacional. On appelle
Frente Nacional la période entre 1958 et 1974 pendant laquelle les deux partis
1990, p. 7) . Traduit par nous de : « Sin la menor duda la obra que ha marcado un hito
más notorio en los estudios sobre la violencia colombiana es la de Daniel Pécaut, cuyo
trabajo documental impresiona por la capacidad de incluir un volumen importantísimo de
documentación histórica combinado con unos esquemas de interpretación que ligan a la
violencia con la historia colombiana para producir no sólo una interpretación global de la
misma como parte integral de nuestra peculiaridad como sociedad, sino una mirada al
panorama de la sociedad colombiana que se ha convertido, sin la menor duda, en obra
obligada de consulta para cualquier estudioso del país ».
127
Les études d’Alain Touraine sur l’Amérique Latine reposent sur les conclusions des
études du Développement Humain du PNUD (Colloque International : Expériences
Limites et Violences : dialogues avec l’Amérique Latine. 18 octobre 2006).
125
traditionnels
accordent
d’alterner
le
pouvoir
pendant
quatre
périodes
présidentielles et distribuer également les postes publics, comme manière de
mettre fin à l’époque connue comme La Violencia. Ce partage du pouvoir, lequel
fut approuvé par le plébiscite de réforme constitutionnelle du mois de décembre
1957, s’est prolongé au delà des seize années initialement prévues. Selon
Pécaut, le clientélisme demeure la véritable base du régime, il s’agit d’un
« clientélisme cynique qui n’en appelle plus à des fidélités mais à des calculs et
des intérêts qui ne concernent qu’une minorité » (Pécaut 1996a, p. 247).
L’ambiance
politique
et
sociale créée par ce
régime
a produit
des
mécontentements dans plusieurs couches de la population et a marqué la
naissance (ou la renaissance) des actuels groupes de guérillas dans le pays.
Le Frente Nacional « [...] en frustrant les possibilités d'
émergence d'
une
gauche démocratique, a créé largement le climat pour le développement
majoritaire d'
une gauche extraparlementaire et conspiratrice » (Pizarro 1991, p.
159).128 Les normes de ce régime limitaient l'
action politique des autres partis et
ont compliqué l'
activité légale du Parti Communiste. Les communistes ont
cherché des postes dans des listes libérales pour accéder aux corporations
publiques, mais leur tentative a été dénoncée, par le chef unique du libéralisme
de l’époque, comme une fraude de la loi constitutionnelle (Pizarro 1991, p. 162).
« La criminalisation du mouvement populaire par l'
État, ainsi que
d'
une bonne partie des manifestations de non-conformité ou
d'
opposition, constituerait un des résultats les plus discutables du
Frente Nacional : celui-ci tandis qu'
il a ouvert les portes démocratiques
aux deux partis, les a fermées au reste des expressions sociales ou
politiques. L’État de Siège permanent serait sa principale
manifestation » (Pizarro 1991, p. 159).129
Néanmoins, la violence contemporaine ne s’explique pas seulement par
des théories sur le caractère d’exclusion du bipartisme et la continuité historique
128
Traduit par nous de : « [...] al frustrar las posibilidades de emergencia de una
izquierda democrática, se creó el clima para el desarrollo ampliamente mayoritario de
una izquierda extraparlamentaria y conspirativa ».
129
Traduit par nous de : « La criminalización del movimiento popular por parte del
Estado, así como de una buena parte de las manifestaciones de inconformidad o de
oposición, constituiría uno de los resultados más discutibles del Frente Nacional : éste
mientras abrió las compuertas democráticas para los dos partidos, las cerró para el resto
de las expresiones sociales o políticas. El Estado de Sitio permanente sería su principal
manifestación ».
126
de la violence comme le suggèrent plusieurs auteurs (Posada 1969 ; Oquist
1978 ; Kalmanovitz 1982 ; Henderson 1984 ; Sánchez 1991). Maints sont les
facteurs auxquels on attribue la violence et la naissance et consolidation
d'
acteurs armés illégaux en Colombie. D’abord nous trouvons les « causes
objectives de la violence ». Elles comprennent :
« Les réalités politiques, sociales et économiques qui comportent
une détérioration grave des conditions d'
existence de vastes secteurs
de la population [...] phénomène qui se produit quand la société se voit
empêchée dans son développement étant données les limitations qui
proviennent des structures sociales, produites par les relations nouées
dans l'
inégalité » (Echandía s.d., p.2).130
Quelques exemples des causes objectives sont : la croissance de la
pauvreté et le chômage ; les conditions d'
inégalité et d’exclusion sociale et
économique, notamment le problème de distribution de la terre et la richesse ; le
manque de participation des citoyens dans les affaires publiques ; la faiblesse de
la démocratie et la perte de consensus face à la gestion étatique; la
centralisation et les basses couvertures des services sociaux. Ces causes ont
été traitées par beaucoup d’analyses même s’il n’existe pas un texte qui englobe
cette interprétation, soulignant les aspects structurels responsables de la
violence (Gaitán et Montenegro 2000, p. 17).131 D’autres études signalent qu’il
130
Traduit par nous de : « Las realidades políticas, sociales, y económicas que
comportan un grave deterioro de las condiciones de existencia de amplios sectores de la
población. [...] fenómeno que se produce cuando la sociedad ve obstaculizado su
desarrollo debido a las limitaciones que provienen de las estructuras sociales mismas,
producto de relaciones basadas en la desigualdad ».
131
Pour un bilan sur les études de la violence en Colombie voir l’étude de l’année 2000
de Fernando Gaitán et Santiago Montenegro, Un Análisis Crítico de Estudios sobre la
Violencia en Colombia. Les auteurs analysent la littérature sur la violence contemporaine
en Colombie. Ils expliquent le surgissement des différentes théories sur la violence dans
le pays à partir de l’analyse de la profession des auteurs, le type d’approche choisi,
l’époque de réalisation des études etc. Pour sa part, l’étude de l’année 2004 de Fernán
González Bajo el Volcán analyse aussi les différentes approches des recherches sur la
violence en Colombie. À ce propos, voir aussi l’article de l’année 2000 de Donny
Meertens, « Violencia y desplazamiento forzado en Colombia : miradas sobre lo público,
voces desde lo privado » indiqué dans la bibliographie. Pour le cas du Brésil, Alba Zaluar
fait aussi un bilan sur la production académique sur la violence et le crime à partir des
années 1970. En 1999 elle a publié « Violência et Crime » dans le livre O que ler na
ciência social brasileira (1970-1995). Dans cet article, elle présente des textes qui
prennent la perspective structurale dans l’explication de la violence tels que l’exclusion et
la marginalité de quelques secteurs dans la structure sociale et urbaine, notamment
l’exclusion et la ségrégation des favelas. D’autres études abordent le sujet à partir des
représentations sociales et des imaginaires et focalisent l’analyse sur la peur et le rôle
des médias dans la présentation de la violence. Finalement, Zaluar présente des autres
127
existe une culture de la violence installée dans le pays (Comisión de Estudios de
la Violencia 1987 ; Sánchez 1991). Néanmoins les travaux de Fernando Gaitán
réfutent l’idée de la culture de la violence et de sa continuité historique en
démontrant que la Colombie a traversé des périodes de calme.132
Par ailleurs, le manque d’identité régionale a été aussi présenté comme
une cause de la violence, ayant donné lieu à des études régionales sur le
phénomène (Fajardo 1979 ; Fals Borda 1986 ; Jaramillo, Mora, Cubides 1989 ;
Medina 1990 ; Molano 1990 ; Uribe 1992). Sont aussi fréquentes les études sur
la fragilité de l'
État de Droit et l’inefficacité des organismes étatiques pour
l’administration de la justice, situation que selon quelques auteurs a permis la
consolidation du narcotrafic dans le pays, et par la suite le déclenchement de la
violence (Montenegro 1994 ; Montenegro et Posada 1994 ; Deas et Gaitán Daza
1995).
De même, plusieurs études ont une approche holistique pour analyser les
phénomènes de violence en Colombie. Selon Gaitán et Montenegro, cette
approche s’explique par l'
existence de différents types de violence, qui requiert
chacun une explication et un traitement particulier. Ces études soulignent une
multi-causalité de la violence sans donner de prélation ou de hiérarchie à aucune
d’entre elles. Ils traitent de facteurs structurels de l'
organisation de la société,
ainsi que de variables moins mesurables comme la psychologie des acteurs
armés et des personnes touchées par la violence (Gaitán et Montenegro 2000, p.
11).133
textes qui associent la violence aux difficultés d’appartenance et d’organisation de la
société civile (Zaluar 1999b).
132
La théorie sur la culture de la violence n’est pas exclusive à la Colombie. Pour le cas
brésilien, Alba Zaluar indique que la diffusion récente de pratiques violentes dans
quelques secteurs de la société, a incité quelques intellectuels brésiliens à parler de « la
perte de l'
innocence » et de l'
évidente manifestation du côté noir de l'
humain entre les
brésiliennes (Zaluar 1999b).
133
L’approche holistique est fortement critiquée par les auteurs notamment en termes de
la définition de politiques publiques. Cette vision holistique de la violence empêche de
hiérarchiser des politiques, étant donné que « tout » est significative et mériterait la
même importance.
128
Les études du CINEP (Centro de Investigación y Educación Popular)134
pour leur part insistent sur :
« [...] la nécessité de considérer, mis à part les conditions
objectives comme la pauvreté et l'
inégalité, l'
exclusion sociale et la
faiblesse de la régulation étatique, les aspects subjectifs comme la
perception relative de la situation dans son contexte et les sentiments
de frustration de jeunes paysans face à leurs possibilités économiques,
sociales et politiques [...] de même que les plans stratégiques qui
élaborent les directives des organisations insurgées » (González 2004,
p. 59).135
Dans le même sens Daniel Pécaut commente :
« J'
ai toujours marqué une distance avec les travaux qui imputent
des « causes » précises, structurelles ou non, au développement des
phénomènes de violence. Non seulement parce que lesdites causes
constituent un nombre illimité, mais parce que leur véritable portée est
en rapport avec le fait qu'
elles s'
inscrivent dans les logiques d'
action de
certains protagonistes organisés. En d'
autres termes, bien que les
causes soient là, disponibles (soit qu’il s'
agit de la misère, des inégalités
ou de l’absence d’assistance de l'
État), il est nécessaire que quelques
acteurs s'
approprient et se servent d'
elles pour légitimer leurs actions
de telle sorte que des situations considérées jusqu'
à un certain moment
comme « normales » se transforment, d’un coup, en insupportables.
Les causes sont, donc, largement, le produit des discours et des actes
de ceux qui les invoquent » (Pécaut 2001, p. 10).136
134
Le CINEP est une fondation créée par la Compagnie de Jésus en 1972. Le Centre
travaille pour la promotion du développement humain intégral et soutenable. Il est à la
fois un centre de recherche sur la réalité sociale et culturelle de la Colombie, une
organisation de médiation dans le conflit social, et un centre de documentation qui aide à
la compréhension du développement du pays. Cette recherche fera référence notamment
aux études de Fernán González et Ingrid Bolívar, membres de cette fondation. Site
Internet : www.cinep.org.co
135
Traduit par nous de : « [...] la necesidad de considerar, al lado de las condiciones
objetivas como la probreza y la desigualdad, la exclusión social y la precariedad de la
regulación estatal, aspectos subjetivos como la percepción relativa de la situación con
respecto al entorno y los sentimientos de frustación de campesinos jóvenes frente a sus
posibilidades económicas, sociales y políticas, [...] lo mismo que los planes estratégicos
que van elaborando las directivas de las organizaciones insurgentes ».
136
Traduit par nous de : « Siempre he marcado una distancia con los trabajos que
imputan “causas” precisas, estructurales o no, el desarrollo de los fenómenos de
violencia. No solamente porque las llamadas causas constituyen un número ilimitado,
sino porque su verdadero alcance está relacionado con el hecho de que se inscriban en
las lógicas de acción de determinados protagonistas organizados. Dicho de otra manera,
si bien las causas están allí, disponibles (se trate de miseria de las inequidades o de las
carencias del Estado), es necesario que unos actores se apropien y se sirvan de ellas
para legitimar sus acciones de tal manera que situaciones consideradas hasta un
determinado momento como “normales” se conviertan de repente en insoportables. Las
129
Appuyée surtout par la notion de violence présentée dans les études du
CINEP et du sociologue Pécaut, notre étude reprend quelques aspects
représentatifs de plusieurs auteurs. Même si nous admettons qu’il existe des
causes objectives et des causes subjectives, et que les premières soient
instrumentalisées par les différents acteurs du conflit, nous donnons aussi une
place singulière au trafic de drogue dans le débordement de violence dans le
pays. À l’instar de Pécaut nous pensons que « [...] l'
expansion du trafic de
drogue est le point de départ de la chute de la Colombie dans une situation de
violence généralisée » (Pécaut 2001, p.13).137 Le trafique de drogues, lié aux
différents acteurs armés, a déclenché plusieurs manifestations violentes qui
s’ajoutent et se chevauchent aux autres expressions de la violence.138
Au départ, le conflit était présenté comme une confrontation entre les
guérillas et les régimes politiques en place. Par la suite, bien d’autres
protagonistes font irruption sur la scène : narcotrafiquants, groupes de
paramilitaires illégaux, bandes des tueurs à gages, milices urbaines etc. (Pécaut
1996a, p. 226). Nous constatons que face à l’instabilité et à l’absence de paix, il
existe dans le pays un processus croissant de privatisation du pouvoir.
« [...] dans une analyse de la confrontation, le sujet du pouvoir est
central : quand la structure du pouvoir politique de l'
État est cassée, soit
pour des raisons économiques, sociales, juridiques ou politiques, entre
autres, et quand celui-ci perd le monopole de la force, d'
autres forces
qui exercent le pouvoir apparaissent. Elles agissent, par la contrainte et
la commission de faits violents. Plusieurs organisations armées illégales
en Colombie ont opéré de cette façon, pendant des années »
(Defensoría del Pueblo et UNHCR 2004, p. 11).139
causas son, pues, ampliamente, el producto de los discursos y de los actos de los que
los invocan ».
137
Traduit par nous de : « [...] la expansión del narcotráfico es el punto de partida de la
caída de Colombia en una situación de violencia generalizada ».
138
Pour le cas du Brésil, Marcelo de Souza souligne les effets du trafic de drogues sur la
dynamique de la violence socio-spatial à Rio de Janeiro. Voir les études de 1994 et 1996
indiquées dans la bibliographie.
139
Traduit par nous de : « [...] en un análisis de la confrontación, es central el tema del
poder : cuando se quiebra la estructura del poder político del Estado, bien sea por
razones económicas, sociales, jurídicas o políticas, entre otras, y éste pierde el
monopolio de la fuerza, surgen otras fuerzas que ejercen el poder donde actúan,
130
Selon le DNP (Departamento Nacional de Planeación),140 la Colombie
compte actuellement 31.500 personnes appartenant aux armées irrégulières
dont 16.500 sont membre des guérillas des FARC-EP, 4.500 des guérillas de
l’ELN (Ejército de Liberación Nacional) et 10.500 des paramilitaires illégaux
(DNP cité par PNUD 2003, p. 43). Il y a quelques zones du pays où l'
influence de
la guérilla est plus ample comme dans le sud-est du pays. Dans d'
autres zones,
ce sont les paramilitaires qui exercent le pouvoir le plus fort comme dans le
département de Córdoba et le Magdalena Medio. Nous trouvons aussi des zones
en situation de conflit permanent comme le Catatumbo, l’Urabá, la Sierra Nevada
de Santa Marta, les Montes de María,141 le Bajo Cauca et l’Oriente Antiqueño
(voir la carte de la Colombie dans l’annexe E). Néanmoins, les frontières
devenant toujours incertaines et douteuses, nul ne peut savoir réellement quelle
force armée illégale exerce son emprise sur le territoire. Pour leur part « [...] les
paramilitaires ont multiplié les actions dans des zones “historiques” des guérillas
et les guérillas ont organisé attentats et attaques dans les régions conquises par
les paramilitaires » (Pécaut 2000, p. 134).
Il convient de préciser que la géographie de la violence, d'
après Fernán
González (membre du CINEP), ne couvre pas de façon homogène le territoire de
la Colombie. L’intensité de la confrontation armée est liée à la dynamique interne
des régions (peuplement, formes de cohésion sociale, organisation économique,
relation avec l'
État et le régime politique, etc.). Parallèlement à cette dynamique
mediante la coacción y la comisión de hechos violentos. Así han operado, a lo largo de
los años en Colombia, varias de las organizaciones armadas ilegales ».
140
Comme nous l’avons mentionné dans la première partie, depuis 1968, le DNP est
l’organisme technique assesseur du Président de la République en matière de vison
stratégique du pays dans les aspects sociaux, économiques et de l’environnement. Il est
censé de faire le design, l’orientation et l’évaluation de la politique publique colombienne.
En outre il est responsable de la gérance et de l’assignation de l’inversion publique et de
la définition des cadres d’action du secteur privé. Le DNP compte actuellement d’un
bulletin sur les chiffres de la violence. Ce bulletin présent l’évolution des principaux
variables de la violence interne, leur situation géographique et les principaux
responsables (chiffres sur les homicides, le terrorisme, les kidnappings, les massacres,
les attaques aux populations et le déplacement). Site Internet : http://www.dnp.gov.co/
141
La région de Montes de María ou montagne de San Jacinto se situe entre les
départements de Sucre et de Bolívar, et correspond à la prolongation de la montagne de
San Jerónimo.
131
régionale, il faut souligner la présence inégale des institutions et de l’appareil
d’État dans certaines régions (González 2004, p. 52).142
Or, dans les dynamiques des groupes armés par le contrôle de couloirs
stratégiques dans la guerre, des territoires et des populations, il existe un grand
intérêt pour le contrôle des ressources économiques locales. Actuellement, grâce
à une autonomie économique relative des groupes armés acquis par les biais
des extorsions, du kidnapping et notamment du trafic de drogue, les différents
acteurs exercent des actions de type militaire pour accéder au pouvoir. Ils n’ont
plus besoin de légitimation politique et sociale parce qu’ils ne dépendent plus de
l’approbation de la population pour survivre et s’étendre. On assiste donc a ce
qu’on appelle « la militarisation du conflit », laquelle, selon le PNUD, est marquée
par le manque d'
avancées politiques : ni réformes conquises par les guérillas, ni
croissante légitimité de l'
État, ni variation notable dans le degré d'
appui des
citoyens à chaque acteur, ni accords politiques entres les différents pouvoirs
pour gérer le pays (PNUD 2003, p. 83).
Dans ce contexte de militarisation du conflit, la violence prend une
ampleur démesurée. La dispute entre la guérilla et les forces anti-guérilla tend à
justifier l'
emploi de la violence, et la population civile est la plus affectée par cette
confrontation. D'
après Echandía et Bechara, la population est devenue milieu et
objectif du conflit armé. Les groupes armés se dissimulent entre la population, ils
l'
utilisent comme bouclier pendant les combats et recrutent les jeunes et les
enfants pour augmenter le nombre de leurs combattants (Echandía et Bechara
2006, p. 44). D’autre part il suffit le moindre rapprochement avec les acteurs en
conflit pour être considéré comme un ennemi pour l’adversaire et être qualifié de
« collaborateur » (Uribe 2004, p. 124). Ainsi, selon le sociologue Daniel Pécaut la
manipulation de la population civile par les acteurs armés et l’utilisation de la
terreur comme méthode de guerre signalent qu’en Colombie une « guerre contre
la société » est livrée. Il se trouve que c'
est en frappant la population civile que
142
En ce sens l'
auteur propose différentes dynamiques : la première est exprimée dans
la lutte par des couloirs stratégiques dans la guerre. La deuxième est centrée sur la
confrontation entre des secteurs plus riches et intégrés, avec une expansion économique
rapide, et les zones de colonisation campagnarde en marge des bénéfices des zones
d'
expansion. Finalement, la troisième dynamique s’exprime par la lutte entre les localités
et les voies pour appartenir à différents signes idéologiques, avec des origines de
populations différenciés et intérêts économiques opposés (González 2004, p. 52-55).
132
les acteurs armés cherchent à contester les rapports de force entre eux (Pécaut
2000, p. 124).143
« Le passage à la terreur correspond au moment où ces
protagonistes recourent à des moyens qui visent à briser les liens
sociaux qui définissaient la particularité de secteurs donnés de la
population, secteurs qui se trouvent désormais soumis à une emprise
contre laquelle ils ne peuvent appeler à aucun tiers, à aucune
institutionnalité reconnue » (Pécaut 2000, p. 123).
Or, les guérillas et les paramilitaires sont des ennemis irréconciliables
avec des discours politiques hétérogènes. Cependant les deux acteurs utilisent
la violence comme forme de réalisation de leurs objectifs. Les meurtres, les
massacres, les enlèvements, les actes terroristes et les déplacements forcés
montrent l’ampleur et la gravité de la situation. D’après Pécaut :
« La population « civile », tout comme le territoire, n’est jamais
qu’une « ressource » pour les rivalités des protagonistes armés. Ceux –
ci ne s’affrontent que rarement entre eux de manière directe. Ils le font
en semant la terreur dans la population soumise au réseau ennemi.
C’est ainsi que les paramilitaires n’ont guère cherché à frapper les
guérillas. Ils ont en revanche tué systématiquement les membres des
organisations politiques légales qui leur semblaient partager certains
objectifs des guérillas » (Pécaut 1996a, p. 261).
En outre, il faut souligner que pour faire face à l’illégalité et à la violence,
l'
État lui aussi a lancé des actions violentes comme stratégie d’affrontement aux
groupes armés illégaux, en se constituant comme un autre acteur du conflit, sans
lequel on ne pourrait pas expliquer la confrontation armée dans le pays.
En suivant la proposition de Kalyvas, on observe que dans un scénario de
confrontation, la violence devient un instrument chaque fois plus important. Une
fois la violence est intensifiée, même les acteurs politiques qui évitaient la
violence doivent recourir à elle afin de résister la violence de leurs adversaires
(Kalivas 2001, p. 11). En effet, d’après Pécaut « [...] les populations
143
L'
auteur parle de guerre contre la société et non de guerre civile puisqu'
en Colombie,
entre autres, il existe un appui local aux acteurs armés mais celui-ci n'
est pas global ni
liée dans sa totalité à la sphère politique. D’autre part, dans quelques régions du pays il
est encore en vigueur l'
État de Droit et les Forces Militaires sont en constant purification.
Finalement, en général, la société civile colombienne aspire à la paix et non au triomphe
de l'
un ou l'
autre acteur (Pécaut 2001).
133
campagnardes imputent aux militaires la plus grande partie de la production de la
terreur. Ceux-ci agissent par incursions ponctuelles, sans occuper le terrain et
sans se préoccuper pour la construction des réseaux de protection » (Pécaut
2001, p. 207).144 En outre, le haut degré de tolérance et parfois de complicité des
Forces Armées à l’égard de la création de groupes d'
autodéfense souligne les
implications de cet acteur dans le débordement de la violence.
Or, selon la proposition d’Ortiz, la constante confrontation de groupes
armés et le recours à la violence « [...] croit et reproduit quotidiennement les
conditions et le prétexte pour faire valoir, par la force, tout type des prétentions
éparpillées et disperses, qui sont mélangées ainsi de manière confuse avec des
revendications collectives, politiques, syndicales, etc. » (C. Ortiz 2001, p. 6869).145
Nous allons donc voir maintenant, comment les groupes armés illégaux
(guérillas, paramilitaires, milices, bandes de sicarios, etc.) s’installent et opèrent
en Colombie. Nous parlerons aussi des principaux processus de dialogue et de
négociation que ces groupes armés ont entamé à partir de 1982 avec le
Gouvernement National, ce qui permet de comprendre comment ils ont été, dans
quelques contextes, considérés comme acteurs politiques. Selon le politologue
Bejarano, les négociations dans le pays se caractérisent par la représentation de
divers secteurs politico-idéologiques en dispute et par le besoin d’une réforme
des organisations et des canaux d'
accès au pouvoir de l'
État (Bejarano 2001, p.
2). Par la suite, nous évoquerons les conséquences de l’apparition du trafic de
drogue dans le pays et son interrelation avec les acteurs armés illégaux.
Finalement ce travail tente d’identifier et de préciser les particularités des acteurs
armés dans les métropoles colombiennes.
144
Traduit par nous de : « [...] las poblaciones campesinas imputan a los militares la
mayor parte de la producción del terror. Estos actúan mediantes incursiones puntuales,
sin ocupar el terreno y sin preocuparse casi de construir redes de protección».
145
Traduit par nous de : « [...] crea y reproduce cotidianamente las condiciones y el
pretexto para hacer valer, por la fuerza, todo género de pretensiones atomizadas y
dispersas, que resultan así mezcladas de modo confuso con reivindicaciones colectivas,
políticas, sindicales, etc. » (C. Ortiz 2001, p. 68-69).
134
2. Les guérillas colombiennes et la fragmentation de la violence
Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, divers éléments expliquent
l’implantation et la consolidation des guérillas dans le pays. Elles naissent « [...]
dans des régions périphériques, de colonisation campagnarde, non articulées
encore par le bipartisme, bien qu'
elles soient ensuite projetés vers des zones
plus riches et intégrées, avec une logique militaire et d’extorsion » (Bolívar et
González s.d., p. 8).146
Dans leurs zones d’influence, où il n’existe pas de pouvoirs locaux
consolidés et où la présence de l’État est précaire, elles offrent vigilance,
services de justice et de police, elles résolvent des conflits et maintiennent l'
ordre
local et en outre, dans quelques zones, elles fournissent des voies, des services
de santé et d’éducation, entre autres (PNUD 2003, p. 85). D’après le sociologue
Pécaut, la population voit « [...] dans les groupes armés le moyen d’instaurer un
ordre qui pallie l’impuissance de l’État » (Pécaut 1996a, p. 259).
En général, les guérillas colombiennes ont adopté un plan politique pour
combattre l’État. D’après l’Étude Nationale de Développement Humain faite par
le PNUD :
« Les guérillas colombiennes, sans exception, ont adopté un
programme politique, elles se sont alliées et se sont divisées par des
croyances politiques, elles ont fait du prosélytisme et du « travail de
base », elles ont créé ou ont compté sur un mouvement politique
désarmé, elles ont pris parti dans des dialogues et des accords avec
des autorités nationales ou locales et avec des organisations politiques
diverses » (PNUD 2003, p. 39-41).147
146
Traduit par nous de : « [...] en regiones periféricas, de colonización campesina, no
articuladas todavía por el bipartidismo, aunque se proyectan luego hacia zonas más ricas
e integradas, con una lógica extorsiva y militar ».
147
Traduit par nous de : « Las guerrillas colombianas, sin excepción, han adoptado un
programa político, se han aliado y dividido por creencias políticas, han hecho
proselitismo y “trabajo de base”, han creado o contado con un movimiento político
desarmado, han participado en diálogos y acuerdos con autoridades nacionales o locales
y con organizaciones políticas diversas ».
135
Néanmoins, dans le développement de leur programme politique
d’insertion dans certaines zones, plusieurs connaissent des activités violentes
commises par ces guérillas incluant les attaques contre la population civile, les
recrutements de mineurs par la force, les enlèvements contre rançon de civils et
de politiciens, l’utilisation de mines, les meurtres hors combats, les déplacements
de population et les massacres occasionnels, entre autres. Elles exercent ce que
plusieurs auteurs ont appelé une « violence contra – étatique » :
« La violence contra - étatique est celle gérée par des
organisations en marge des institutions, afin de dépouiller de l'
exercice
du pouvoir l'
État et produire des transformations structurelles dans la
société en produisant de nouveaux modèles d'
organisation sociale,
politique, de production et de distribution de richesse. L'
exercice de la
force est exprimé de manière violente par l'
action armée qui s’engage à
mettre en échec politiquement et militairement les institutions chargées
de défendre la légalité étatique, et par le même chemin à l'
État dans
son ensemble. Son caractère contra-étatique se situe essentiellement
sur deux plans : la confrontation radicale à l'
ordre existant et l'
utilisation
de la violence armée comme moyen de confrontation » (Medina 2001,
p. 4).148
Trois groupes de guérillas constituent la base des organisations
guérilleras actuelles : les FARC-EP (Fuerzas Armadas Revolucionarias de
Colombia - Ejército del Pueblo), l’ELN (Ejército de Liberación Nacional), et l’EPL
(Ejército Popular de Liberación). Il faut cependant bien reconnaître qu’il y a eu
d’autres organisations guérilleras dans le pays, comme par exemple le M-19
(Movimiento 19 de Abril) dont nous allons parler plus loin étant données ses
activités en ville. Nous pouvons mentionner aussi le mouvement de type
indigéniste Quintín Lame (MAQL), et des groupes guérilleros comme le PRT
(Partido Revolucionario de los Trabajadores) et le MIR-Patria Libre. Selon
Granada et Rojas ces mouvements se caractérisaient par l’appropriation du
processus politique révolutionnaire au travers de leur insertion dans des noyaux
148
Traduit par nous de : « La violencia contraestatal es aquella agenciada por
organizaciones que se colocan al margen de lo institucional, con el fin de despojar del
ejercicio del poder al Estado y producir transformaciones estructurales en la sociedad
generando nuevos modelos de organización social, político y de producción y
distribución de riqueza. El ejercicio de la fuerza se expresa en forma violenta mediante la
acción armada encaminada a derrotar política y militarmente las instituciones
encargadas de defender la legalidad estatal y por esa misma vía al Estado en su
conjunto. Su carácter contraestatal radica en dos elementos esencialmente : la
confrontación radical al orden existente y la utilización de la violencia armada como vía
de confrontación ».
136
démographiques stables (syndicats, quartiers) ; le maintien de la stratégie de
guerre prolongée et la constitution de fronts populaires de masses ; la création
de réseaux diplomatiques et finalement la recherche de l'
appui international
comme des partis politiques, des églises et des syndicats (Granada et Rojas
1995, p. 124).
D’après Ana María Bejarano, la diversité et la fragmentation des guérillas
colombiennes ont mené à l'
incapacité de constituer un front unique, ce qui a
empêché non seulement leur triomphe, mais aussi la consolidation de la paix. À
la fin des années quatre-vingt, il y avait dans le pays plus de huit groupes de
guérillas : FARC-EP, ELN, EPL, M-19, PRT, MAQL, CRS (dissident de l’ELN),
MIR-Patria Libre, entre les plus représentatifs. Ces organisations proviennent
des différentes origines sociales et chacune a ses propres projets politicoidéologiques, structures organisationnelles, tactiques de guerre et relations avec
la population. Bejarano explique que même à l'
intérieur des FARC-EP et de
l’ELN subsistent des fractions et des divisions intenses (Bejarano 2001, p. 1112).
Dans les sections suivantes nous allons faire référence aux trois
principaux groupes de guérillas (FARC-EP, ELN et EPL). Nous allons parler de
leur origine et de leur consolidation, leur composition, leur situation sur le
territoire national, leurs moyens de financement, les trêves et les négociations
qu’elles ont pu établir avec les différents gouvernements. Nous évoquerons aussi
les activités réalisées par le « Mouvement 19 avril ». Finalement nous allons
parler des milices comme expression urbaine de guérillas actuelles.
2.1 Les FARC-EP : la combinaison de toutes les formes de lutte
Les FARC-EP (Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia - Ejército
del Pueblo), d'
obédience marxiste-léniniste sont nées en 1964 sous le nom de
Bloque Sur (Bloc Sud).149 Selon le philosophe Estanislao Zuleta, les racines de
cette organisation remontent aux luttes campagnardes des années 1930 et 1940,
quand les premières ligues et syndicats agricoles ont été fondées (Zuleta cité par
149
Site Internet des FARC-EP : http://www.farcep.org/
137
OEA 1993, p. 3). D’après l’historien Medófilo Medina les origines des FARC-EP
sont issues particulièrement du sud du Tolima, notamment dans le municipio de
Chaparral. Ce municipio a été un épicentre de conflits agricoles aigus pendant
les années trente. Par la suite, il était le siège de groupes d'
autodéfense contre la
violence officielle conformés par des libéraux et des communistes. En ce sens,
« il s'
agissait de guérillas articulées à un parti politique, mais, généralement, avec
des racines sociales profondes » (Pizarro 1991, p. 20).150 Vers le milieu des
années 1950, tandis que la violence officielle augmentait, quelques groupes sont
passés de l'
autodéfense aux actions mobiles de commandes partisanes. La
journaliste Patricia Lara explique l’apparition des guérillas à partir des années
1950 :
« Après des combats entre les guérillas libérales et communistes
qui au début des années cinquante avaient conjointement opéré dans le
Davis (Tolima) pour faire face à la violence officielle conservatrice, et
après l'
acceptation de l'
amnistie de Rojas par les guérillas libérales, les
communistes ont choisi de transformer la lutte armée en lutte de
masses et ils se sont propagés à d'
autres régions : Marquetalia, dans le
sud du Tolima ; El Pato, dans la zone limitrophe entre le Huila et le
Caquetá ; Guayabero dans la limite de Caquetá et le Huila ; et
Riochiquito, dans le Cauca, près de la limite avec le Huila. Les
communistes ont adopté, avec les habitants de ces zones, des
manières propres d'
organisation politique et sociale, et ont développé
un fort mouvement agricole et ont créé un système d'
autodéfense, ce
qui a affecté les intérêts des grands propriétaires fonciers » (Lara 1981,
p. 28-29).151
Selon le sociologue Pizarro les mouvements partisans d'
inspiration
communiste ont eu fondamentalement un caractère de défense, jusqu’en mai
150
Traduit par nous de : « En este sentido, se trataba de guerrillas articuladas a un
partido político pero, en general, con hondas raíces sociales ».
151
Traduit par nous de : « Luego de enfrentamientos entre los guerrilleros liberales y
comunistas que a comienzos de los años cincuenta habían operado conjuntamente en el
Davis (Tolima) para hacerle frente a la violencia oficial conservadora, y después de la
aceptación de la amnistía de Rojas por parte de eso guerrilleros liberales, los comunistas
optaron por transformar la lucha armada en lucha de masas y se trasladaron a otras
regiones : Marquetalia, en el sur del Tolima ; El Pato, en la zona limítrofe entre el Huila y
el Caquetá ; Guayabero en el límite de Caquetá y el Huila ; y Riochiquito, en el Cauca,
cerca del límite con Huila. Los comunistas adoptaron, con los habitantes de esas zonas,
formas propias de organización política y social, desarrollaron un movimiento agrario
fuerte y crearon un sistema de autodefensa, lo cual afectó los intereses de los
latifundistas ».
138
1964, date de l’opération militaire de Marquetalia (Pizarro 1991, p. 169).152 La
zone de Marquetalia dans le département du Tolima, où ces mouvements ont
établi leur emprise, était considérée par les partis traditionnels, comme une des
seize « Républiques Indépendantes », lesquelles échappaient à la souveraineté
nationale et au contrôle du gouvernement central. Là, les noyaux partisans
avaient une vaste influence, célébraient des mariages, résolvaient les problèmes
des foyers et du voisinage. Selon Pizarro, les secteurs contrôlés par des exguérilleros communistes, marginalisés de l'
économie nationale où l'
absence de
l'
État était totale, étaient le Sumapaz et le Pato dans la cordillère orientale,
Marquetalia et Riochiquito dans la cordillère centrale et l'
Ariari dans les plaines
orientales. Le reste était plutôt des zones agricoles sous influence communiste :
Natagaima, Purificación, Chaparral et Río Blanco dans le département du
Tolima ; Yacopí et Viotá dans le département de Cundinamarca ; Montevideo,
Puerto Wilches et la ligne du chemin de fer de Bucaramanga à Santander
(Pizarro 1989, p. 28).
Or, sous le gouvernement de Guillermo León Valencia (1962-1966), une
campagne a été entamée pour abolir les « Républiques Indépendantes », selon
un intérêt constant du pouvoir dans ces régions, remis en cause par « les
guérilleros communistes ». En même temps, le gouvernement s’inquiétait de la
direction socialiste prise par la Révolution Cubaine et de l'
exemple que celle-ci
pouvait constituer pour les habitants de ces zones (Lara 1981, p. 29). Ainsi, il y a
eu une première tentative ratée de l’armée de prendre Marquetalia en 1962. La
prise définitive a été faite avec l'
aide du gouvernement américain. L'
opération
Marquetalia sous le code « Plan LASO »,153 a été entamée le 27 mai 1964 et
152
Néanmoins pour le même auteur seulement quelques groupes d'
autodéfense ont été
obligés à se transformer en guérillas mobiles ; mais dans quelques cas les noyaux
partisans ont été créés sans la médiation préalable d'
un mouvement auto-défensive
(Pizarro 1991, p. 49-50).
153
Le terme utilisé pour appeler cette opération a fait l'
objet d'
un débat. Pour quelques
uns il s’agissait du Plan LASO avec un « s » et pour autres du Plan LAZO avec un « z ».
Pour la gauche, le projet a été appelé Plan LASO en raison du sigle, « Latin American
Security Operation ». Cette opération faisait partie d'
un projet contre-révolutionnaire
global pour l'
Amérique Latine coordonné par le gouvernement américain. Pour les Forces
Armées Colombiennes, le projet a été élaboré de manière autonome sous le nom de
Plan LAZO, puisqu'
il s'
agissait d'
encercler (enlazar en espagnol) les régions d'
influence
communiste. Pour certaines personnes le débat a été résolu sous la formule dans
laquelle le Plan LASO a été la conception stratégique élaborée par les experts du
Département de Défense à Washington et le Plan LAZO a été son adaptation tactique
139
s’est prolongée jusqu'
à mi-juin étant donnée la résistance rencontrée dans la
zone. Cette résistance était appuyée sur la thèse de la combinaison de toutes les
formes de lutte, laquelle était aussi approuvée depuis 1961 par le Parti
Communiste Colombien : 154
« La révolution ne peut avancer qu’un moment par la voie
pacifique. Mais si les classes dominantes obligent à cela, au moyen de
la violence et de la persécution systématique contre le peuple, celle-ci
peut être obligée de prendre la voie de la lutte armée, comme manière
principale, bien que non unique, dans une autre période. La voie
révolutionnaire en Colombie peut arriver à être une combinaison de
toutes les formes de lutte » (Vieira 1965 cité par Pizarro 1991, p.
182).155
Le triomphe de l'
armée en 1964 a été marqué par la fin de l’opération
Marquetalia et l'
invasion de la zone du Pato. Les 350 guérilleros qui ont réussi à
s’échapper se sont réfugiés à Riochiquito dans le département du Cauca et
constitueront le noyau initial des FARC-EP, la nouvelle organisation partisane.
En 1965 a eu lieu la première conférence du Bloque Sur dans cette localité (Lara
1981, p. 29).
dans le terrain effectuée par l'
Armée Colombienne (Pizarro 2004, p. 1).
154
Le Parti Communiste Colombien (PCC) est un parti politique fondé en 1930. Le PCC
est héritier des luttes sociales entamées, depuis 1926, par le Parti Socialiste
Révolutionnaire. Le PCC est défini par ses membres comme le parti des paysans, des
secteurs populaires, des travailleurs soumis à l'
exploitation capitaliste. Selon leur site
Internet, le parti suit les principes du marxisme-léninisme et la pensée Bolívarienne et
latino-américaine. Pendant les années 1960 quelques dirigeants du PCC ont fait partie
du Bloque Sur, qui serait postérieurement transformé en FARC-EP. En même temps, à
plusieurs occasions, les communistes poursuivis par l’État, ont cherché refuge dans les
guérillas communistes situées dans les zones rurales, afin de survivre. Par la suite,
depuis les zones rurales, les communistes ont continué à réaliser des actions de
prosélytisme avec des syndicats et organisations de base. De ce fait, le Parti
Communiste a été considéré comme illégal par l’État, pour agir dans la clandestinité.
Néanmoins cette situation a fait que plusieurs auteurs ont considéré les FARC-EP
comme « la branche armé du Parti Communiste ». Selon Fernando Molano, le Parti
Communiste n’a jamais eu un bras armé, mais leurs membres se sont réfugiés dans les
guérillas pour des raisons de survivance. En outre, explique Molano, à plusieurs
occasions, les FARC-EP ont considéré les idées du Parti Communiste comme contraires
à leurs intérêts et idéologie (Entretien avec Fernando Molano, 29 novembre 2006).
Actuellement, le Parti Communiste Colombien est considéré comme légal et forme partie
du Pôle Démocratique Alternatif. Site Internet : http://www.pacocol.org/es/Inicio/index.htm
155
Traduit par nous de : « La revolución puede avanzar un trecho por la vía pacífica.
Pero si las clases dominantes obligan a ello, por medio de la violencia y la persecución
sistemática contra el pueblo, éste puede verse obligado a tomar la vía de la lucha
armada, como forma principal, aunque no única, en otro periodo. La vía revolucionaria en
Colombia puede llegar a ser una combinación de todas las formas de lucha ».
140
D’après les membres des FARC-EP le résultat a été, qu'
à partir de
l’opération Marquetalia, l'
autodéfense s'
est transformée en mouvement partisan.
Et la lutte armée d'
inspiration communiste a été étendue vers d'
autres zones,
avec la création des cellules partisanes de Guayabero, Pato, Chaparral,
Natagaima et Riochiquito (Pizarro 1991, p. 189). En effet, cette opération est
soulignée par les FARC-EP comme le point d'
origine de l'
organisation. De ce
point de vue, elles sont le résultat d’une agression externe aux groupes agricoles
sous l'
influence communiste. D’après ses promoteurs, l'
autodéfense était
simplement une façon de défendre les intérêts et le travail paysan dans une
atmosphère pacifique. Néanmoins, pour le gouvernement il s’agissait de groupes
de rebelles qui, dans certaines régions marginalisées, voulaient le contrôle de la
population et des ressources et en outre ils conspiraient contre l’État. Selon le
général José Joaquin Matallana, un des militaires dirigeants de l'
opération
Marquetalia, cette zone était pour l’époque « l'
épicentre de la révolution »
(Arango 1985, p. 214).
Nous trouvons donc deux versions antagonistes : en suivant Pizarro,
d'
une part il y a ceux qui affirment que si l'
opération militaire de Marquetalia
n’avait pas eu lieu, les FARC-EP n'
existeraient pas. Les autodéfenses
campagnardes d'
influence communiste seraient restées comme telles et au fil du
temps, elles auraient probablement disparues.156 D'
autre part, il y a ceux qui
soutiennent qu'
indépendamment du Plan LASO les FARC-EP seraient apparues,
en accord avec la thèse de la « combinaison de toutes les formes de lutte »
(Pizarro 2004, p. 2).
Or, selon González, un des points que souligne la situation de
Marquetalia et des « Républiques Indépendantes » est que le problème agricole
dans le pays est encore irrésolu. Ceci rend possible la connexion entre les
groupes armés et les paysans et produit, en conséquence, le processus de
colonisation armée de zones marginales. Ces zones où l'
absence de régulation
étatique est permanente et où il est possible d'
accumuler de la richesse
156
L'
historien Pierre Gilhodès s’inscrit dans cette position.
141
rapidement et de manière illégale, permettent l'
insertion de guérillas (González
2004, p. 61).
« Les limitations de la réforme agricole officielle et la
criminalisation de la protestation campagnarde ont accentué le divorce
entre les mouvements sociaux et les partis politiques traditionnels. Ce
divorce a été aggravé par la présence du mouvement de gauche,
intéressé dans la radicalisation du mouvement campagnard et par
l'
instrumentation de quelques secteurs de mouvements sociaux
(groupes syndicaux, chefs estudiantins, mouvements des quartiers,
civiques et populaires) par les partisans de l'
option armée » (González
2004, p. 23).157
En 1966, les FARC annoncent publiquement d'
entamer une guerre
prolongée pour le pouvoir. En 1982, les sigles EP (Ejército del Pueblo - Armée
du Peuple) ont été ajoutés par cette organisation au nom officiel du groupe, en
indiquant leur politique de dédoublement des fronts et leur option pour une lutte
armée. Il a été déterminé que chaque front serait étendu à deux jusqu'
à obtenir la
création d'
un front par département et pour se faire, selon Echandía, ils ont
attribué une place prépondérante à la diversification des ressources financières
(Echandía 1999, p. 3).
Les FARC-EP sont dirigées par un secrétariat, et ont été
commandées jusqu’à présent par Manuel Marulanda Vélez (Pedro Antonio
Marín), alias Tirofijo (tir précis). Marulanda faisait partie des groupes armés
libéraux qui opéraient dans le sud du Tolima. Leur commandant militaire actuel
est Jorge Briceño, alias Mono Jojoy et comptent, selon les estimations officielles
d’une armée de 16.500 hommes distribués en 62 fronts et 7 blocs qui couvrent
presque tout le territoire national (PNUD 2003, p. 43-83).158 Pendant les
157
Traduit par nous de : « Las limitaciones de la reforma agraria oficial y la
criminalización de la protesta campesina acentuaron el divorcio entre los movimientos
sociales y los partidos políticos tradicionales. Este divorcio se agravó por la presencia del
movimiento de izquierda, interesado en la radicalización del movimiento campesino y por
la instrumentalización de algunos sectores de movimientos sociales (grupos sindicales,
líderes estudiantiles, movimientos barriales, cívicos y populares) por parte de los
seguidores de la opción armada ».
158
La structure interne des FARC-EP est devenue chaque fois plus décentralisée. Ses
blocs se divisent à la fois en fronts ainsi : bloc Oriental (22 fronts), bloc Sud (10 fronts),
bloc Magdalena Medio (8 fronts), bloc Nord-ouest (8 fronts), bloc Central (5 fronts), bloc
Nord (5 fronts) et bloc Ouest (4 fronts). Selon Harnecker un front partisan est « une
instance politique et de masses » et un front de guerre est l'
ensemble des structures
urbaines et rurales qui développent la politique de l'
organisation dans une grande région
142
premières années leur composition était principalement paysanne, mais vingt
années après, des travailleurs, intellectuels, étudiants, médecins, avocats,
professeurs et prêtres faisaient partie de l'
organisation (Pizarro 1991, p. 202).
D’après Camilo Echandía, les FARC-EP, à partir de la décennie des
années 1980, se situent dans des zones stratégiques pour leur maintient
économique : zones de bétail, zones d’agriculture commerciale, zones
d'
exploitation pétrolière et d'
or et secteurs frontaliers liés à des activités de
contrebande (Echandía 1999, p. 6).159 En outre, elles « [...] ont continué à
approfondir leur influence dans leurs régions d’emprise traditionnelle et ont
ouvert de nouveaux fronts dans la région centrale du pays, en accord avec la
décision de la VII Conférence de Commandants (1982) de s'
approcher des villes,
notamment à Bogotá, Medellín et Cali » (PNUD 2003, p. 51).160 À partir de ce
moment là, les FARC-EP commencent à agir dans les métropoles par
l’intermédiaire de miliciens.
du pays et qui par ses caractéristiques exige une
spécifique (Harnecker 1988 cité par Echandía 1999, p.6).
conception
stratégique
159
« Les FARC-EP, dont les noyaux initiaux d'
expansion sont nés dans des zones de
colonisation, ont connu d'
importantes modifications dans la décennie des années 1980.
En effet, elles ont été inscrites aussi dans des zones qui ont éprouvé des transformations
dans le bétail (Meta, Caquetá, Magdalena Medio, Córdoba), ou dans l'
agriculture
commerciale (zone bananière de l'
Urabá, zone productrice de palmier africain à
Santander et le sud de Cesar) et, même dans les zones d'
exploitation pétrolière
(Magdalena Medio, Sarare et Putumayo) et d'
or (Bajo Cauca Antioqueño et sud de
Bolívar). Également, elles se sont situées dans des secteurs frontaliers (Sarare, Norte de
Santander, Putumayo et Urabá) et dans des zones côtières (Sierra Nevada, Urabá,
occident du Valle), explicable par leur lien avec des activités de contrebande » (Echandía
1999, p. 6). Traduit par nous de : « Las FARC-EP, cuyos núcleos iniciales de expansión
nacieron en zonas de colonización, conocieron modificaciones importantes en la década
del ochenta. En efecto, quedaron inscritas también en zonas que experimentaron
transformaciones en la ganadería (Meta, Caquetá, Magdalena Medio, Córdoba), o en la
agricultura comercial (zona bananera del Urabá, zona productora de palma africana en
Santander y sur de Cesar) e, incluso en zonas de explotación petrolera (Magdalena
Medio, Sarare y Putumayo) y de oro (bajo Cauca Antioqueño y sur de Bolívar).
Igualmente, se fueron situando en áreas fronterizas (Sarare, Norte de Santander,
Putumayo y Urabá) y en zonas costeras (Sierra Nevada, Urabá, occidente del Valle),
explicable esto por su vinculación con actividades de contrabando ».
160
Traduit par nous de : « [...] siguieron profundizando su influencia en las regiones de
dominio tradicional y abrieron nuevos frentes en la región central del país, para cumplir
con la decisión de la VII Conferencia de Comandantes (1982) de acercarse a las
ciudades, especialmente a Bogotá, Medellín y Cali ».
143
Sous le gouvernement de César Gaviria (1990-1994), dans le but de
réduire militairement le mouvement des guérillas, il a été effectué en 1990 une
offensive de l'
armée contre le principal campement des FARC-EP (Casa Verde)
dans le municipio La Uribe dans le département du Meta (attaque aérienne suivie
d'
offensive militaire terrestre). En même temps, la stratégie de l'
État des Brigades
Mobiles a été consolidée, avec le plan de gouvernement connu comme « Guerra
Integral ». Cependant, l'
organisation insurgée a réussi à avancer dans le
processus de spécialisation de ses fronts et la création de colonnes mobiles.
Selon Echandía, en 1993 l'
attaque à Dabeiba (Antioquia) et le blocage dans la
région d'
Urabá démontrent le pouvoir des FARC-EP. Plus tard, en 1996, suite à
la prise de la « Base de las Delicias » elles ont démontré leur grande capacité
offensive (Echandía s.d., p. 4).161 Entre 1997 et 2001, en accord avec les
analyses d'
Echandía, les FARC-EP, dans les municipios où ils cherchent à
étendre leur influence, donnent priorité aux attaques des postes de police situés
dans les chefs lieux (cabeceras) 162 afin d'
affaiblir la présence étatique. À partir
de la seconde moitié de l’année 2002, elles cherchent à affecter les
gouvernements au niveau local, par des menaces adressées aux maires et aux
conseils municipaux pour qu'
ils renoncent (Echandía s.d., p. 9).
161
L'
attaque à la base militaire de « Las Delicias » dans le département du Putumayo,
effectuée le 31 août 1996, a laissé comme solde 29 soldats assassinés et 60 ont été
retenus par les FARC-EP.
162
Chef lieu (cabecera) : c'
est le secteur géographique d’un municipio défini par un
périmètre urbain, dont les limites sont établies par des accords du Conseil Municipal. Il
correspond au lieu où se trouve le siège administratif d’un municipio (DANE, 2006).
144
Carte N° 1 : Distribution spatiale d'
actions violentes effectuées par les Farc, pendant la
période 1995-2002.
Source : Dane, Marco Geoestadístico Nacional. Observatorio de Violencia –Presidencia
de la República. Consulté en PNUD - PROGRAMA DE NACIONES UNIDAS PARA EL
DESARROLLO. 2003. El conflicto callejón con salida : informe nacional de desarrollo
humano para Colombia. Bogotá. p. 55. [réf. du 2006-01-06]. Disponible sur Internet :
http://indh.pnud.org.co/informe2003_.plx?pga=CO3tablaContenido&f=1152459998
Il y a eu deux négociations significatives entre les FARC-EP et le
gouvernement colombien. La première en 1984 et la deuxième en 1998. En mars
1984 une trêve était signée pour la première fois (Accords de la Uribe) entre les
FARC-EP et le gouvernement sous la présidence de Belisario Betancur (19821986). Deux années plus tard, l'
Unión Patriotica (UP) a été créée, parti légal de
145
la gauche composé par des membres du Parti Communiste163, quelques
mouvements régionaux de la gauche et notamment des membres des FARC-EP.
Toutefois
« [...] les porte-parole de l'
UP ont assuré que, depuis les
corporations publiques, ils allaient continuer la vieille lutte dans de
nouvelles conditions, pour atteindre la transformation révolutionnaire de la
Colombie. Mais ils ont souligné ensuite qu'
il n'
y aurait pas d’armes
déposées et que la permanence de l'
organisation partisane était la seule
garantie pour le développement du processus » (Pizarro 1991, p. 207).164
Dans les années qui ont suivi la trêve, comme on le verra plus loin, plus
de 1.500 cadres et militants de l’UP furent assassinés. De ce fait, la trêve fût
rompue et la possibilité réelle d’accès au pouvoir -pour la guérilla- par les
moyens légaux a été fermée.165
En 1998, pendant le gouvernement d’Andrés Pastrana (1998-2002) une
zone démilitarisée a été établie, appelée « zona de distensión » dans le
municipio de San Vicente del Caguán, du département de Caquetá, et dans les
municipios de La Macarena, Mesetas, La Uribe et Vista Hermosa dans le
département de Meta, dont l’objectif était de délimiter un siège pour les
négociations avec les FARC-EP (territoire de la taille de la Suisse, composé de
42.000 km). Ces négociations ont eu comme accord préalable la suspension des
ordres de capture en vigueur pour les guérilleros participants, la promesse
d'
abolition des paramilitaires par le gouvernement et la dépénalisation de la
protestation sociale (Matta 1999, p. 208-209). Pendant le déroulement des
négociations le Président de la République et le chef guérillero Manuel
Marulanda Vélez ont dialogué sur l'
échange de prisonniers, la lutte contre les
163
Plusieurs membres du Parti Communiste ont fait parti de l’Unión Patriotica. Bernardo
Jaramillo et Jaime Pardo Leal étaient parmi les plus importants. Les deux ont été
assassinés.
164
Traduit par nous de : « [...] los voceros de la UP aseguraron que desde las
corporaciones públicas iban a continuar la vieja brega en nuevas condiciones, para
alcanzar la transformación revolucionaria de Colombia. Pero a continuación subrayaron
que no habría entrega de armas y que la permanencia de la organización guerrillera se
configuraba como única garantía para el desarrollo del proceso ».
165
Le nombre de membres de l’Unión Patriotica assassinés reste inconnu et oscille entre
les différents auteurs entre 1.500 et 4.500 personnes. Le chiffre le plus élevé correspond
à celui donné par les FARC-EP dans leur site Internet.
146
paramilitaires et le Plan Colombie,166 entre autres. Cependant, les négociations
ont été suspendues et reprises plusieurs fois. Par le gouvernement en raison de
la continuité des actions violentes des FARC-EP, et par le groupe guérillero au
sujet de l’accusation de l’absence d’actions des Forces Armées contre les
paramilitaires. En effet, pendant cette période, une recrudescence des actes de
violence perpétrés par des groupes armés a été repérée, incluant les FARC-EP.
On peut aussi relever des accusations sur l'
utilisation de la zone de distension
par les FARC-EP pour se fortifier militairement et l’utilisation du territoire pour
mener à bien des activités illégales.
La coupure définitive des négociations et la fin de la zone de distension
ont eu lieu le 20 février 2002. Pour le gouvernement la décision de rupture a été
marquée par le détournement d’un avion de ligne ce jour-là. Les FARC-EP l’ont
dévié avec 37 personnes à bord, l’opération ayant pour objectif l’enlèvement du
sénateur Jorge Eduardo Gechem, président de la Commission de Paix du Sénat
(CIDH 2004, art. 72-73). Or, plusieurs autres raisons ont été présentées pour
expliquer la rupture, d'
une part les abus des FARC-EP dans la zone
démilitarisée, mais aussi le manque d'
une stratégie clairement définie par le
gouvernement pour gérer la négociation (González 2004, p. 48).
Suite à la rupture des dialogues et dans une politique de fermeté contre
les guérillas et notamment contre les FARC-EP, pendant le premier
gouvernement d’Álvaro Uribe Vélez, celles-ci ont dû faire face à des Forces
Militaires fortifiées et mieux préparées.167 Ainsi, selon les analyses d’Echandía et
Bechara, « [...] les actions entreprises par le gouvernement ont placé la guérilla
dans des conditions d'
infériorité militaire et l'
ont affaiblie du point de vue
économique. La subversion a perdu l'
initiative dans la confrontation armée,
tandis que la Force Publique l'
a récupérée » (Echandía et Bechara 2006, p.
31).168 Toutefois, expliquent les auteurs, la guérilla a su s'
adapter à la nouvelle
166
Le Plan Colombie est un projet conçu avec le but général de diminuer le trafic de
drogues et de résoudre l'
actuel conflit armé, notamment par le biais de l'
aide des ÉtatsUnis.
167
L’une des incitatives les plus importante des Forces Armées a été le développement
du Plan Patriote, dont l'
objectif principal était de récupérer un grand territoire contrôlé par
les guérillas dans les départements de Caquetá, Meta et Guaviare.
168
Traduit par nous de : « [...] las acciones emprendidas por el gobierno han situado a la
147
scène et a modifié ses stratégies. De cette manière, elle fuit la confrontation
directe avec les Forces Militaires et donne priorité aux actions propres de « la
guerre
de
guérillas »,
gouvernement.
169
dont
le
but
est
d'
affaiblir
progressivement
le
Dans ce contexte, « [...] les groupes guérilleros ont décidé
d’écarter leur objectif d'
obtenir le contrôle territorial pour chercher, en revanche,
le contrôle de positions stratégiques qui garantissent leur survie et la continuité
de la guerre » (Echandía et Bechara 2006, p 31).170 De ce fait, la guérilla réalise
des
sabotages
(destruction
d’infrastructures),
harcèlements
et
petites
embuscades, actions qui impliquent des frais militaires minimaux mais un profit
stratégique important (Echandía et Bechara 2006, p. 38).
Nonobstant, pendant le deuxième gouvernement d'
Álvaro Uribe (20062010), au cours des mois de septembre et octobre 2006 il y a eu des
communications entre le gouvernement et les FARC-EP sur un possible troc
humanitaire consistant en un échange de 500 guérilleros des FARC-EP qui sont
en prison contre 58 kidnappés que cette guérilla a retenu comme « prisonniers
de guerre ». Comme conditions pour l’échange, la démilitarisation (pendant une
période de 45 jours) des municipios de Florida et Pradera dans le département
du Valle del Cauca a été proposée (El Tiempo, 2 octobre 2006). La sortie totale
de la Force Publique des deux municipios y compris les casques urbains et la
présence de guérillas armées dans le secteur des dialogues ont été formulées
par les FARC-EP pour concrétiser l'
échange. Pour sa part, le gouvernement
acceptait la démilitarisation temporaire des municipios à l’exception des centres
peuplés. En outre il a indiqué qu'
il ne devait y avoir aucune présence armée dans
la zone (El Tiempo, 28 septembre 2006). De même, les FARC-EP, par une lettre
envoyée aux branches du pouvoir public, expliquaient qu’une fois conclu
l'
échange, elles étaient disposées à entamer des dialogues de paix. Dans ce cas,
guerrilla en condiciones de inferioridad militar y la han debilitado desde el punto de vista
económico. La subversión ha perdido la iniciativa en la confrontación armada, mientras
que la Fuerza Pública la ha recuperado ».
169
Selon Moss, la guerre de guérillas est la guerre du plus faible contre le plus fort dans
une campagne de harcèlement entreprise par des forces intérieures et mal équipées,
contre les armées conventionnelles (Moss, 1973, p. 21).
170
Traduit par nous de : « [...] los grupos guerrilleros decidieron posponer su objetivo de
lograr el control territorial para buscar, en cambio, el control de posiciones estratégicas
que garanticen su supervivencia y la continuidad de la guerra ».
148
leurs demandes initiales consisteraient principalement dans la suspension des
ordres de capture des membres du État Central de cette guérilla, l’annulation de
la dénomination de terroristes par la communauté internationale et la
reconnaissance par le président de l'
existence du conflit social et armé dans le
pays (El Tiempo, 2 octobre 2006).
Toutefois, le 19 octobre 2006, une voiture piégée dans l'
École Supérieure
de Guerre de Bogotá explose, faisant 25 blessés, dont la majorité de civils. La
bombe pouvait être adressée au commandant de l'
Armée, le Général Mario
Montoya, qui se trouvait dans les installations de l'
École. De même, le
représentant en Colombie du Haut Commissariat des Droits de l’Homme de
l'
ONU était présent dans le lieu. Le président Álvaro Uribe a indiqué les FARCEP comme responsable de l’attentat. Également, le directeur du DAS
(Departamento Administrativo de Seguridad),171 Andrés Peñate, a souligné que
l'
information rassemblée conduisait à la réactivation des cellules de la Red
Urbana Antonio Nariño (RUAN), des FARC-EP (El Tiempo, 22 octobre 2006).
Cependant, le Fiscal Général de la Nation, Mario Iguarán, a indiqué qu'
il n'
y a
pas de preuves pour faire pour le moment des imputations. De même, les FARCEP nient être responsables de ces faits (Caracol 2006b).172 Suite à ces
événements, le président a suspendu les communications avec les FARC-EP. Il
a ordonné le sauvetage armé de kidnappés et a annoncé une lutte frontale
contre cette guérilla (El Tiempo, 20 octobre 2006c).173
171
Le DAS est l’organisme chargé de la production d’intelligence stratégique, la
recherche criminelle, le contrôle migrateur et la protection des hauts mandataires
colombiens. Il doit garantir la sécurité intérieure et extérieure de l'
État, préserver l'
intégrité
du régime constitutionnel et la défense des intérêts nationaux. Site Internet :
http://www.das.gov.co/
172
Le journaliste, Daniel Samper dans un article apparu dans le journal El Tiempo se
questionne sur le responsable de cette bombe. Il dit qu'
il peut s’agir d'
intérêts internes
défavorables au dialogue avec la guérilla, pour l'
attribuer à celle-ci ; mais aussi d’un jeu
des FARC-EP pour faire croire qu'
il y a eu un complot militaire dans l'
intention de
l'
accuser. D’autre part, cela peut être les autodéfenses, pour salir à leurs rivaux, ou les
narcos, pour former une pagaille qui leur permette de travailler tranquilles (Samper
2006).
173
À partir de ce moment les FARC-EP ont effectué des embuscades et des attaques
dans différents secteurs de la Colombie, comme dans le municipio de Tierradentro
(Córdoba) et la ville de Villavicencio (Meta). Les attaques ont été effectuées dans les
anciennes zones d’emprise paramilitaire où le groupe partisan a commencé à récupérer
des espaces. De même en Antioquia, les FARC-EP font présence dans des villages qui
ont été dominés par les paramilitaires (El Tiempo, 1 novembre 2006).
149
Dans cette section nous avons vu la naissance et consolidation d’une des
guérillas les plus anciennes et puissantes de l’Amérique Latine. Par rapport à sa
naissance il y a eu des versions opposées qui vont depuis son origine comme
autodéfense campagnarde face à la violence étatique jusqu’au la vision du
gouvernement qui voyait en elle un groupe de rebelles qui conspirait contre
l’État. Malgré les efforts des différents gouvernements pour la combattre, elle est
arrivée à accroître et se consolider dans de nombreuses régions du pays, ayant
des fronts dans presque tous les départements du territoire national. Nous
constatons donc l’impuissance de l’État pour contenir cette guérilla, qui continue
à se confirmer tout au long des années, dans une ambiance de militarisation
croissante du conflit et très peu des résultats dans le terrain politique (comme
nous l’avons pu observer quand on a parlé des négociations entamées avec les
différents gouvernements). En attendant, c’est la population civile la plus touchée
par les combats entre les groupes armés de différent signe politique et par
l’intimidation disséminée par cette organisation dans ses régions d’emprise.
Évidemment, elle a compté de l’appui populaire dans certaines régions, mais son
emprise a été construite notamment sur la base de l’intimidation et la terreur, ne
laissant d’autre choix à la population que la coopération ou la fuite.
2.2 L’ELN : une armée révolutionnaire
L’ELN (Ejército de Liberación Nacional), est une organisation inspirée par
la révolution cubaine et la théologie de la libération. À l’instar des FARC-EP elle
est née en 1964 dans le municipio de San Vicente du Chucurí dans le
département de Santander.174 Les raisons pour lesquelles Santander fut choisi
comme base initiale des opérations de cette organisation furent nombreuses :
« La tradition de lutte du peuple santanderin, spécialement dans
les régions où avaient opéré, au cours des dernières années, les
guérillas libérales de Rafael Rangel [...] . Topographiquement, il
s’agissait d’un terrain des plus favorables à la guerre de guérilla. Et
surtout, un développement ultérieur permettrait de contrôler la région
pétrolière la plus riche du pays, le chemin de fer du Magdalena, et le
mouvement ouvrier colombien le plus important. À tout cela s’ajoutaient
174
Site Internet de l’ELN : http://www.eln-voces.com
150
les conditions révolutionnaires particulières aux étudiants de l’Université
Industrielle de Santander » (Arenas 1972, p. 23).
En 1964 l’organisation a établi ses premiers noyaux urbains, tant à
Bucaramanga qu’à Barrancabermeja et San Vicente, commandés par Victor
Medina, Fabio Vásquez et Heriberto Espina. Ces personnes avaient reçu de
l'
entraînement militaire à Cuba depuis 1962.175 À Bucaramanga, ils furent
constitués principalement d’étudiants, qui firent preuve d’un grand attachement
pour la cause révolutionnaire. À Barrancabermeja, siège du mouvement syndical
le plus important du pays, Juan de Dios Aguilera (dirigeant syndical de la
Federación de Trabajadores Petroleros et ancien élève de l’école d’ingénieurs de
l’Université Industrielle de Santander) se chargea de la labeur de formation. À
San Vicente, les contacts de Heliodoro Ochoa ont constitué la base de
l’organisation (Arenas 1972, p. 23-33).
Les racines de cette guérilla ne se trouvent pas exclusivement dans un
mouvement campagnard et agricole comme dans les cas des FARC-EP. L'
ELN
se compose aussi d’universitaires, de jeunes mécontents issus de classe
moyenne et d’anciens militants du MRL (Movimiento Revolucionario Liberal).176
En effet, le mouvement étudiant a donné un fort élan à l'
ELN, non seulement
parce qu’il représentait une des principales sources de cadres politiquement bien
formés, mais encore parce « qu’il créa une atmosphère favorable pour la guerre
de guérilla chez les étudiants de tous le pays » (Arenas 1972, p. 57). Une
résolution des étudiants de l’époque souligne que « [...] la lutte pour la réforme et
la démocratisation de l’université est une partie inséparable de la lutte du peuple
colombien pour la prise du pouvoir » (Arenas 1972, p. 57).
En outre, le prête Camilo Torres a été un de ses principaux représentants
bien qu'
il ait été abattu en combat par l’Armée en 1966. Torres avait proposé Le
175
Depuis 1962 un groupe de jeunes qui sont allés à Cuba (Víctor Medina, Fabio
Vásquez, Heriberto Espitia, Ricardo Lara, Luis Rovira, Mario Hernández et José
Merchán) avaient fondé la « Brigada Pro-Liberación Nacional José Antonio Galán », qui
sera ensuite la base de l'
ELN.
176
Le MRL apparaît comme proposition du libéral Alfonso López Michelsen. Le
mouvement allègue que l'
alternance du pouvoir, pendant le Frente Nacional est illégale.
Plus tard il se divise en plusieurs tendances, et quelques cadres politiques prennent part
de la fondation tant de l’ELN comme de l'
EPL (Matta 1999, p. 109).
151
Frente Unido comme mouvement d’unité populaire, lequel a entamé l’agitation
politique dans les villes. Ce mouvement était composé de personnes de gauche
et quelques secteurs qui restaient hors de la structure du bipartisme. Par la suite,
Camilo Torres s'
est transformé en symbole de l'
ELN en représentant la
radicalisation du mouvement des étudiants et les nouvelles tendances de l'
église
catholique, encadrés dans la théologie de la libération.177
Selon le PNUD les principales différences entre les FARC-EP et l’ELN
sont :
« L'
ELN, en particulier, est né en contrepoint à l'
idée, par alors
orthodoxe, de la guérilla comme simple autodéfense campagnarde : la
révolution socialiste ne viendra pas si elle n'
est pas jalonnée par une
avant-garde politico-militaire, et c'
est pourquoi le premier point de leur
premier manifeste était « la prise du pouvoir pour les classes populaires».
Les autres différences avec les FARC-EP, peuvent être résumées dans
celles-ci. Les guérillas de l’ELN sont plus une « armée révolutionnaire »
tandis que les FARC-EP sont plus un « parti en armes » ; les FARC-EP
sont proches des colons et l'
ELN des syndicats ; les premières sont
agraristes et l'
autre est pétrolière ; l'
un, si on veut, est plus politique, les
autres plus militaires. Mais dans toutes les deux il y a un projet
révolutionnaire, des croyances qui les unifient et dans un certain degré
elles contribuent à mouler la vie interne de l'
organisation, leurs relations
avec la communauté, leurs priorités et leurs méthodes » (PNUD 2003, p.
41).178
La conception initiale de l’ELN se concentrait sur quelques points
principaux : il concevait la lutte armée comme la forme principale pour la prise du
pouvoir, il s’agissait d’une lutte de masses ; la guérilla devait être offensive plutôt
que défensive ; le travail politique et d’organisation au sein du peuple était de
177
Selon Peñate, paradoxalement, le décès de Camilo Torres a été utile à la vie de l’ELN
pendant ses dix premières années d'
existence. Torres a été transformé en un symbole
puissant qui a fourni à l'
ELN beaucoup de notoriété et publicité (Peñate 1998, p. 8).
178
Traduit par nous de : « El ELN, en particular, nació en contrapunto a la idea, por
entonces ortodoxa, de la guerrilla como simple autodefensa campesina : la revolución
socialista no vendrá si no es jalonada por una vanguardia político-militar y por eso el
primer punto de su primer manifiesto era “la toma del poder para las clases populares”.
De aquí se siguen diferencias con las FARC-EP, que pueden resumirse en que éstas
son más un “ejército revolucionario” mientras aquel es más un “partido en armas” ; las
FARC-EP están cerca de los colonos y el ELN de los sindicatos ; las unas son agraristas
y el otro es petrolero ; el uno, si se quiere, es más político, las otras más militares. Pero
en ambos hay un proyecto revolucionario, unas creencias que unifican y en algún grado
contribuyen a moldear la vida interna de la organización, sus relaciones con la
comunidad, sus prioridades y sus métodos ».
152
suprême importance ; les organisations révolutionnaires devaient se rapprocher
et maintenir des contacts amicaux, opposés à l’impérialisme et favorables aux
mouvements de libération nationale (Arenas 1972, p. 26-46).
Pour annoncer au peuple colombien la constitution du groupe, leur
première action publique fut la prise de la bourgade santandérine de Simacota
(5000 habitants), le 7 janvier 1965. L'
objectif était d'
obtenir des avantages de
type économique, l’acquisition d’armes, munitions, vivres et médicaments et, le
plus important, élever la morale des paysans de la zone. Pendant près de deux
heures, Simacota resta sous le control de la guérilla. C’est là où le « Manifiesto
de Simacota » apparaît. Il définit la ligne générale de l’ELN et fut distribué et
reproduit par la presse de l’époque. Par la suite, en mars 1965 il y a eu une
Déclaration - Programme qui a établi les bases politiques de l’ELN. Cette
déclaration parle de la prise du pouvoir par les classes populaires, la révolution
agraire, le développement de l’économique et l’industrie, le plan de logement et
reforme urbaine, la santé publique, le crédit populaire et le plan routier (Arenas
1972, p. 84-86). À partir de ce moment là, l'
ELN a crû jusqu'
à avoir deux fronts
dans le Magdalena Medio (Santander) et un autre dans le nord-ouest
d’Antioquia. Par la suite elle s’est répandue vers le sud de Bolívar et le sud du
Cesar (Espejo et Garzón s.d., p. 2).
D’après Vargas, pendant les années 1970, l'
ELN franchit une période
critique où les conflits politiques internes ont été résolus par l’exécution de leurs
membres, spécialement des jeunes universitaires. En même temps, en 1973,
l’organisation traverse sa plus grande crise dans la défaite politique d'
Anorí, sous
le gouvernement de Misael Pastrana Borrero (1970-1974). Environ 30.000
membres de la Force Publique combattent le groupe dans 20 municipios du
nord-est d'
Antioquia. Cette défaite le place au bord de son extinction (40
guérilleros morts et un nombre équivalent de détenus) (Vargas 2004, p. 1). En
outre, la défaite d’Anorí a déchaîné beaucoup de désertions. En 1974, durant
une seule année, l'
ELN est passé de 270 guérilleros à 70 (Medina 1997 cité par
Peñate 1998, p. 13).
À partir de 1976 le prête Manuel Pérez et Nicolas Rodríguez Bautista
assument la direction de l’organisation, après le départ de Fabio Vásquez (leader
de l’ELN à l’époque) à Cuba et la décision des membres de l’organisation de lui
153
relever sa direction (Peñate 1998, p. 14).179 À partir de l’année 1983, l’ELN
resurgit et commence à enregistrer une croissance significative de ses fronts.
Ainsi, dans la réunion nationale des héros et martyrs d'
Anorí l'
organisation a
décidé de dédoubler les fronts existants (Echandía 1999, p. 6). Elle commence à
se développer dans les départements d’Antioquia, Chocó, Cesar, Norte de
Santander, Arauca, Bolívar, Sucre, Córdoba, Magdalena, Guajira, Santander et
nord de Boyacá.180 Selon Echandía cette croissance dérive du renforcement
économique obtenu par l'
extorsion aux compagnies étrangères chargées de la
construction de l'Oléoduc Caño Limón - Coveñas. Postérieurement l’ELN s’est
situé dans des secteurs d'
extraction du pétrole en suivant le parcours de
l'
oléoduc (depuis Arauca jusqu’au Norte de Santander et le sud de Cesar, en
passant par le nord du Boyacá). En outre, quand la production pétrolière
d'
Arauca a commencé, le front Domingo Laín a développé des schémas
clientélistes pour le détournement des fonds publics de cette région (Peñate
1998, p. 23).181 D’après Peñate, l’expérience du front Domingo Laín a démontré
l’importance, pour une guérilla, d'
être située dans des régions où le
développement de projets miniers ou énergétiques permet de réaliser des
kidnappings et des extorsions et d'
intervenir les ressources publiques ou privées
de manière clientéliste. De ce fait, les membres de l’ELN ont cherché à s’installer
dans les zones pétrolières et carbonifères du pays (départements d’Arauca,
Casanare, Guajira et Cesar et les municipes de Sabana de Torres et
Barrancabermeja) (Peñate 1998, p. 26).
En 1987 il y a eu une fusion entre l'
ELN et le MIR-Patria Libre
(organisation marxiste- léniniste qui avait de l’influence sur les paysans de la
côte atlantique et les travailleurs de la banane à Urabá), pour conformer l'
UCELN (Unión Camilista-Ejército de Liberación Nacional). Cependant, à partir de
1994 le groupe commence à s’affaiblir. Au cours de cette année quelques
179
Pour comprendre le changement de stratégie de l’ELN depuis la défaite d’Anorí voir
l’article de Peñate 1998 souligné dans la bibliographie.
180
Voir l’expansion de l’ELN à partir de 1983 dans l’article « La encrucijada del ELN » de
Germán Espejo et Juan Carlos Garzón. p. 2-5.
181
Pour l’année 1999, selon Echandía, l’ELN compatit avec cinq blocs de guerre : NordEst, Nord, Nord-Ouest Sud-Ouest et Central. Ces fronts réunissaient 33 fronts ruraux et 8
régionaux qui correspondaient, en général aux noyaux urbains (Echandía 1999, p. 3).
154
militants de l'
ELN forment la CRS (Corriente de Renovación Socialista) et signent
une amnistie avec le gouvernement national. Cette démobilisation a désarticulée
les structures urbaines de la Côte et du Valle et les fronts actifs Héroes de las
Bananeras (Magdalena) et Astolfo González (Urabá) (Viceprecidencia de la
República 2002a, p. 25). Par la suite en 1996 l'
action des groupes paramilitaires
et la plus grande décision de l'
Armée pour combattre ce group arrivent à le
déstabiliser. « Il perd de l'
hégémonie dans une bande du territoire qui s'
étend
depuis le nord-est d'
Antioquia jusqu'
au Nort-Santander. À ceci on ajoute la perte
d'
influence à Barrancabermeja, ainsi qu'
à Cúcuta et Medellín, tandis qu'
en
Arauca les FARC-EP avancent sur les positions traditionnelles plus évaluées de
l'
ELN » (Echandía s.d., p. 10-11).182 En effet, selon Echandía, il faut supposer
que les FARC-EP aspirent à absorber l'
ELN. Ce processus a été visible par le
renforcement de fronts de l’ELN par les FARC-EP pour éviter de défaites
militaires, en faisant présence dans des zones d'
influence traditionnelle de l'
ELN,
et en défendant quelques territoires de manière conjointe (Echandía s.d., p. 1011). 183
La pression militaire et le besoin de ressources concentrent cette guérilla
dans des zones de pétrole comme le Magdalena Medio, le Norte de Santander,
l’Arauca et le Casanare ; zones bananiers comme l'
Urabá ; et zones où il y a de
l’or comme l'
est d'
Antioquia et le sud de Bolívar. Commandée actuellement par
Nicolás Rodríguez Bautista, alias Gabino, et Antonio García (commandant
militaire) cette guérilla constitue une menace militaire beaucoup moins grande
que les FARC-EP. Leur capacité militaire est estimée par le DNP (Departamento
182
Traduit par nous de : « Pierde hegemonía en una franja del territorio que abarca
desde el nordeste antioqueño hasta Norte de Santander. A esto se suma la pérdida de
influencia en Barrancabermeja, así como en Cúcuta y en Medellín, mientras que en
Arauca las FARC-EP avanzan sobre las posiciones tradicionales más preciadas del
ELN ».
183
« [...] processus qui s’est présenté de plusieurs manières : en renforçant les fronts de
l'
ELN pour éviter davantage de défaites militaires, comme il peut être constaté dans le
sud de Bolívar ; en faisant présence dans des zones d'
influence traditionnelle de l'
ELN
comme il a été dans le cas d’Arauca, et en défendant des territoires de manière conjointe
comme il se produit dans le Norte de Santander ». Traduit par nous de : « [...] proceso
que se ha venido dando de varias formas : reforzando los frentes del ELN para evitar
más derrotas militares, como se puede constatar en el sur de Bolívar ; haciendo
presencia en zonas de influencia tradicional del ELN como se ha visto en Arauca, y
defendiendo territorios de manera conjunta como viene ocurriendo en Norte de
Santander ».
155
Nacional de Planeación) en 4.500 hommes distribués en 5 blocs et 41 fronts
(PNUD 2003, p. 29-56 et 83).
Carte N° 2 : Distribution spatiale d'
actions violentes effectuées par l'
ELN, pendant la période
1995-2002
Source : Dane, Marco Geoestadístico Nacional. Observatorio de Violencia –Presidencia de la
República. Consulté en PNUD - PROGRAMA DE NACIONES UNIDAS PARA EL
DESARROLLO. 2003. El conflicto callejón con salida : informe nacional de desarrollo humano
para Colombia. Bogotá. p. 58. [réf. du 2006-01-06]. Disponible sur Internet :
http://indh.pnud.org.co/informe2003_.plx?pga=CO3tablaContenido&f=1152459998
Depuis ses débuts l’ELN a développé des réseaux d'
appui dans les villes
de Barrancabermeja, Bogotá, Medellín et Bucaramanga. Elle les a utilisé
notamment comme centres de recrutement des combattants et de réseaux
156
logistiques. En outre, au cours des années 1990 l’ELN a créé des réseaux
urbains dans les villes de Cali, Popayán, Ibagué, Pereira, Manizales et Armenia
et a fortifié ses liens à Bogotá. Néanmoins à partir de 1996 les cadres de
Medellín, Cali et Bogotá sont fortement affaiblis par la Force Publique (Revista
Semana 2006a).184
Au début des années quatre-vingt-dix et en faisant partie de la
Coordinadora Guerrillera Simón Bolívar (dont nous parlerons plus loin), l'
ELN
accepte de prendre part des dialogues de paix entamés dans le gouvernement
de César Gaviria (1990-1994) à Caracas et Tlaxcala. Il commence alors à
assumer le dialogue et la négociation comme une partie de sa proposition
politique en ayant deux sujets prioritaires : le Droit International Humanitaire et la
politique minière, énergétique et pétrolière. Toutefois, suivant la thèse
d'
Alejandro Vargas, la participation de l'
ELN a été plus liée à l'
importance donnée
par l'
ELN à l'
unité du mouvement partisan, que par une conviction dans la sortie
politique négociée (Vargas 2004, p. 1).
Par la suite, pendant les gouvernements d’Ernesto Samper (1994-1998)
et Andrés Pastrana (1998-2002) il y a eu des rapprochements pour une
négociation avec l’ELN. Néanmoins les négociations ont échoué à cause du
manque d’accords politiques entre les différentes parties.
Dans l’actuel gouvernement du président Álvaro Uribe Vélez, depuis
2002, il a aussi eu des dialogues exploratoires avec l’ELN pour définir la
conception générale du processus de paix. Pour matérialiser ce dialogue, il a été
établi une « Casa de Paz» (Maison de Paix ) à Medellín qui a pour but la
coordination de dialogues entre l’ELN, la société et le gouvernement. Au mois
d'
octobre 2006, la quatrième ronde exploratoire entre l’ELN et le gouvernement a
été effectuée à Cuba. Néanmoins les bases d'
un processus de paix ne sont pas
encore définies. Il y a eu des avancées dans des « contenus thématiques » et la
phase exploratoire a mis en évidence la volonté des parties de faire la paix, ainsi
que l’importance de l'
accompagnement de la communauté internationale et de la
184
Pour une vision sur la situation de l’ELN qui met en cause la théorie de la faiblesse
actuelle de l’organisation voir l’article du Nuevo Siglo « ¿En qué anda el ELN?
Estadísticas, análisis y alternativas » de juillet 2005.
157
participation de la société civile. Le Bureau du Haut Commissariat de Paix185 du
gouvernement a indiqué que la continuation du processus sera liée à la volonté
de l'
ELN d’accomplir une cessation de feu et des hostilités. Par la suite, ils
pourront examiner des sujets comme le financement du groupe par le
gouvernement tandis la durée du processus et l’échange humanitaire. Pour
l'
ELN, le processus de paix doit nécessairement toucher le sujet du déplacement
forcé de population et l'
amnistie pour les prisonniers (El Tiempo, 26 octobre
2006).
Nous avons vu dans cette section les origines de l’ELN, conformé par des
paysans, des étudiants et des personnes appartenant au mouvement syndical.
Ils concevaient la lutte armée comme la forme principale pour la prise du pouvoir.
Malgré ses nombreuses périodes de crise (défaite d’Anorí en 1973, mouvement
dissident démobilisé en 1994, offensive de l’Armée et des paramilitaires en 1996)
l’organisation a pu subsister. Afin de survivre, cette guérilla s’est concentrée
dans des zones riches par la présence des ressources naturelles (le banane, l’or,
le carbone, et surtout le pétrole), et c’est dans ces régions où elle continue à
exercer son emprise. Nonobstant, actuellement le pouvoir de l’ELN semble
affaibli. De ce fait, les espoirs qu’il existe de concrétiser les dialogues avec le
gouvernement conduisant à la déposition des armes et à la cessation de la
violence.
2.3 L’EPL : un processus de paix inachevé
L’EPL (Ejército de Liberación Popular) est une organisation guérillera
fondée en 1965 dans le département de Córdoba et la région Urabá où elle a
développé du travail politique avec les paysans. Ce groupe d’inspiration maoïste
trouve aussi ses racines idéologiques dans le PC-ML (Partido Comunista de
Colombia - Marxista Leninista). Ce parti, conformé par un groupe qui s’était
séparé du Parti Communiste pour des conflits idéologiques, a décidé de
construire un autre parti pour la prise du pouvoir dans une insurrection armée
185
Le Bureau du Haut Commissariat de Paix est l’instance gouvernementale chargée des
processus de paix depuis janvier 2001. Elle est responsable de la structuration et du
développement de la politique de paix. Elle dirige les dialogues et signe les accords avec
les porte-parole et les représentants de groupes armés illégaux qui cherchent leur
réinsertion à la vie civile. Site Internet : http://www.altocomisionadoparalapaz.gov.co/
158
révolutionnaire (Calvo 1987, p. 25). Néanmoins, d’après le témoignage d’Oscar
William Calvo, un des dirigeants de l'
EPL, même si beaucoup des combattants
de l’organisation étaient des militants du PC-ML, l'
EPL avait une structure
indépendante, avec ses statuts et ses propres commandes (Calvo 1987, p. 113) .
En 1967, l’EPL inaugure les « Juntas Patrióticas » (Assemblées
Patriotiques) comme formes organisationnelles de type politique militaire,
conformées par des dirigeants populaires de la région (Córdoba et Urabá). Les
objectifs des assemblées étaient de combattre l'
impérialisme, la bourgeoisie et
les propriétaires fonciers. D’après le discours des membres de l’EPL cette lutte
était possible seulement par la formation d'
une armée, pour arriver ainsi au
pouvoir et créer un gouvernement socialiste. Grâce à la politique qu'
elles
défendaient, les assemblées ont initialement disposé de l’appui de la population.
Selon leurs militants, entre leurs activités elles fixaient les prix du marché,
arrangeaient la célébration des mariages et la légalisation des divorces et des
baptêmes. Les assemblées ont compté d’ailleurs d’un journal, Avancemos, par
lequel elles communiquaient leur politique à la population (Zuluaga 1993, p. 111).
Le groupe a commencé ses opérations militaires en 1968 quand ils firent
des incursions sur le municipio d'
Uré dans le nord-ouest colombien afin
d'
assassiner Orlando Marchena, propriétaire foncier de Córdoba, accusé de voler
aux paysans la terre et le bétail (Zuluaga 1993, p. 111).
L'
implantation de l'
EPL sur la région montagneuse du nord-ouest de la
Colombie (appelé Noro par les guérilleros), l’a transformée en la guérilla la plus
développée de la côte atlantique, avec un pouvoir d'
expansion vers Antioquia et
les régions du nord-est, du centre et du sud du pays. L’emprise sur les rivières
du Sinú et San Jorge a permis la projection dans tout le département de
Córdoba, et dans les régions d’Urabá et Bajo Cauca (Villarraga et Plazas 1994,
p. 38).
L'
élection de la zone dans le nord-ouest colombien obéit à plusieurs
facteurs : d'
abord elle a été la scène d'
une colonisation intense durant les années
quarante et cinquante et a reçu beaucoup de victimes de la violence d’Antioquia,
Córdoba et d’autres départements de la côte inscrits dans des conflits
traditionnels pour la terre. On y a développé des guérillas libérales avec une
159
importante influence sur les colons et les paysans. En outre, depuis 1959, des
syndicats agricoles qui ont promu la lutte par la terre ont été formés et ont été
influencés par les dirigeants communistes du PCML et de l'
EPL. Finalement, il y
avait dans la région le MRL (Movimiento Revolucionario Liberal), d'
où sont
provenus certains des principaux représentants de l'
EPL (Vicepresidencia de la
República 2002a, p. 33-34).
Jusqu'
en 1975 le seul front militaire qui ait été consolidé par l’EPL était le
front Francisco Garnica, situé dans les têtes des rivières Sinú et San Jorge. En
1976, le front urbain Pedro León Arboleda est né dans l'
Urabá, et quelques
membres des FARC-EP se sont unis à l’organisation. Néanmoins durant les cinq
premières années de fonctionnement de l'
EPL, l'
armée a durement frappé
l'
organisation. L’armée cherchait à abolir les soulèvements campagnards contre
des propriétaires fonciers de la région, et l'
invasion de propriétés par la guérilla.
Par la suite, entre 1975 et 1980 beaucoup des militants politiques du PCML ont
été arrêtés notamment à Urabá et Córdoba, et, en conséquence, l'
EPL a été
affaibli (Vicepresidencia de la República 2002a, p. 35).
En 1980, l’EPL commence à donner plus d'
importance aux zones de
développement agro-industriel. Dans la première moitié des années 1980 l'
EPL a
conservé son influence dans des zones de colonisation et d’expansion d'
élevage
de Córdoba et d'
Urabá, mais a été aussi implanté dans la zone bananière (fronts
Jesús María Alzate et Bernardo Franco). L’organisation a aussi avancé sur la
région du Viejo Caldas (fronts Carlos Alberto Morales et William Calvo), où le
PCML avait l’appui de la population. Par la suite, elle a étendu son influence au
département d’Antioquia (front Pedro León Arboleda et Bernardo Franco) et dans
quelques zones de colonisation et exploitations pétrolières comme le Putumayo
(front Aldemar Londoño) et le département du Nort-Santander (front Libardo
Mora). Elle a pris également l’emprise de la Sierra Nevada de Santa Marta (voir
la carte de la Colombie dans l’annexe E). Finalement, depuis 1970, elle a eu des
cellules dans les centres urbains, notamment à Medellín comme nous le verrons
plus loin (Echandía 1999, p. 7 ; Vicepresidencia de la República 2002a, p. 3637).
En 1984, sous le gouvernement de Belisario Betancur (1982-1986), l'
EPL
a signé un accord de cessé le feu. Toutefois, le meurtre de leur principal porte-
160
parole de paix, Oscar William Calvo, en 1985, a fait que cette organisation
déclare la finalisation des accords.186 Par la suite en février 1987 le commandant
Ernesto Rojas meurt aussi assassiné. La guérilla de l’EPL attribue ces meurtres
à l’alliance des militaires et paramilitaires. Pour elle, il s’agit du déploiement de la
violence exercée par les paramilitaires à partir de 1985 contre toutes les
personnes syndiquées d'
être la base sociale de la révolte (Calvo 1987, p. 127130).
Le processus de paix a été donc utilisé par l’EPL pour accroître le nombre
de combattants de l’organisation, et pour étendre leur emprise sur de nouvelles
zones, en profitant de l'
absence d'
initiative de la Force Publique contre elle.
Selon Franco, le processus de trêve a permis à l’EPL de se faire connaître au
niveau national, ce qu’il n'
avait pas acquis pendant dix-sept années de lutte. Par
la suite, l'
EPL est devenue une organisation avec 12 fronts et présence dans plus
de 15 départements du pays (Franco 1987, p 151). Cette croissance s’est
étendue jusqu'
à 1990. L'
EPL a démontré sa capacité pour frapper la Force
Publique et pour la prise de villages, en même temps elle a encouragé des luttes
syndicales et politiques, notamment dans la région d'
Urabá (Vicepresidencia de
la República 2002a, p.41).
Cependant, au début de la décennie des années 1990, l'
EPL a été
durement frappé par les Forces Militaires et encerclé par les FARC-EP et les
paramilitaires. De ce fait l’organisation s’est intéressée à la proposition de paix
de l'
administration de Virgilio Barco (1986-1990), laquelle a été suivie par son
successeur. En 1991, sous le gouvernement de César Gaviria (19901994),187 cette guérilla a accepté une amnistie gouvernementale et presque la
totalité de ses membres (environ 2.100) ont été réinsérés à la vie civile
conformant le mouvement Esperanza, Paz y Libertad. Le nom de la nouvelle
organisation légale a conservé le même sigle « EPL » que le groupe partisan
(Ruíz s.d., p. 14).
186
Selon Carlos Franco, ex-intégrant de l’EPL l’assassinat de Calvo et la rupture
postérieure de la trêve, ont accentué les différences internes entre le PC-ML et l'
EPL.
(Franco 1987, p. 151-152).
187
Pendant ce gouvernement, les guérillas du PRT, du Quintín Lame et du M-19 ont été
aussi démobilisées.
161
Ce qui a emmené à cette organisation au nouveau processus de paix
était sans doute la convocation à l'
Assemblée Nationale Constitutive, idée qui
avait déjà été proposée par ce groupe en 1984. La participation pleine des
délégués de l’EPL dans l’élaboration de la nouvelle constitution, a été accordée
pendant les négociations (Villarraga et Plazas 1994, p. 366-367).
Certains auteurs indiquent que dans la légalité, les propositions de l'
EPL
manquaient de solidité. Le mouvement n'
était pas clairement structuré, il n’avait
pas de ressources, les expériences régionales différaient trop, et ils avaient
perdu les éléments d'
identité. Pour cela, au mois d’août 1991 la majorité de ses
membres ont approuvé que le mouvement Esperanza, Paz y Libertad fasse
partie de l’AD M-19 (Alianza Democrática M-19), mouvement politique créé par
les ex-guérilleros du M-19. En effet, l'
AD M-19, qui avait déjà gagné un espace
politique considérable, cherchait à dissoudre les différents mouvements
politiques de gauche pour conformer une seule alternative politique (Villarraga et
Plazas 1994, p. 459-461). Suite à la participation dans l’AD M -19, l'
EPL a
accédé à un siège dans le Sénat de la République et un autre dans la Chambre
de Représentants (Franco 1987, p. 160).
Néanmoins quelques membres de l'
EPL en processus de réinsertion ont
été assassinés et leurs meurtres ont été attribués, par leurs dirigeants, à la
faction dissidente qui n'
a pas signé les accords de paix (commandés par
Francisco Caraballo), aux FARC-EP, ainsi qu'
à des groupes paramilitaires
opposés aux négociations de paix (OEA 1993, p. 5).
Face à cette agression et déçus du processus de réinsertion, quelques
ex-guérilleros commencent à abandonner les activités légales et s’engagent
dans de nouvelles confrontations armées. De même, un secteur de réinsérés
forment dans la région d'
Urabá les « Comandos Populares ». Cette organisation
avait pour but la défense des dirigeants et militants du mouvement politique.
Cependant, au fils du temps ils se sont transformés en acteurs offensifs et
violents (Vicepresidencia de la República 2002a, p. 39).
162
En 1993 suite à la capture de Francisco Caraballo et de plusieurs chefs,
le groupe dissident commence à s’affaiblir. La persécution de l'
Armée et la
désertion de beaucoup de ses membres ont sérieusement affecté l’organisation.
De même, en 1996, quelques membres du front Pedro León Arboleda se sont
insérés aux FARC-EP, dans l’Urabá et le front Bernardo Franco qui agissait en
Antioquia a décidé de se rendre aux autorités (Echandía 1999, p. 7).
Actuellement les activités de ceux qui continuent à conformer la branche
armée de l'
EPL sont restreintes à certaines zones dans les départements de
Santander, Caldas, Norte de Santander et la Guajira. Ils se dédient
principalement au kidnapping et à l'
extorsion des habitants de la zone. Leur
commandant actuel est appelé Juan Montes (Vicepresidencia de la República
2002a, p. 40).
Finalement, Il convient de préciser que les trois organisations guérilleras
présentées ont des orientations différentes et des programmes politiques divers.
Elles se sont affrontées dans diverses situations mais elles ont connu aussi des
périodes de coopération. En 1985, il y a eu la coordination trilatérale entre l’ELN,
le PRT et le MIR-Patria Libre. Au cours de la même année, la Coordinadora
Nacional Guerrillera intégrée par l’ELN, l’EPL, le M-19, le PRT et la guérilla
Ricardo Franco a été créée. Ce dernier groupe a été expulsé de la Coordinadora
parce qu’en 1986 ses deux dirigeants ont assassiné à Tacueyó presque la
totalité de ses militants (environ 168), sous l’argument de leur appartenance à
des organismes de sécurité de l'
État. Ceci a ouvert les perspectives pour la
création de la Coordinadora Guerrillera Simón Bolívar (CGSB) en 1987, avec la
participation des FARC-EP. Les FARC-EP avaient refusé d'
accepter tout type de
coordination avec la guérilla Ricardo Franco qu'
elles considéraient infiltrée par
les organismes de l'
État. Le but de la nouvelle coordination était de présenter un
front uni pour de possibles négociations avec le gouvernement et en outre
effectuer des actions militaires conjointes. Cette coordination disparaît en 1993,
étant donnée la réinsertion du M-19, l’EPL et le PRT, et la difficulté d’avoir une
unité politique et militaire entre ses organismes (Franco 1987, p. 153-154).
163
2.4 Le financement des guérillas : l’autonomie pour l’action
Les guérillas des FARC-EP, de l’ELN et de l’EPL se financent à l'
aide
d'
une multitude d'
activités : vols des propriétés de l’ennemi, dons provenant de
l’étranger, donations ou « impôts » payés par la population, rackets, kidnappings
et à travers la gestion directe des affaires illicites notamment le trafic de drogue.
Selon Pécaut « [...] les FARC-EP sont dominants dans les prélèvements sur la
drogue, l’ELN sur ceux concernant le pétrole, l’EPL sur ceux de l’économie de la
banane. En revanche toutes les organisations participent aux prélèvements sur
l’élevage » (Pécaut 1996a, p. 256).
En effet, l’expansion des FARC-EP au début des années 1980 s’explique
par les revenus liés à leur control des territoires de culture et de transformation
de la coca. « Le gramaje, prélèvement de 10% opéré sur les cultivateurs, les
taxes sur les collecteurs et les transporteurs, assurent des rentrées
considérables » (Pécaut 1996b, p. 36). Ces revenus rendent possible la
consolidation de fronts dans les départements du Meta, Guaviare, Caquetá,
Putumayo, Cauca, Santander et dans la Sierra Nevada de Santa Marta
(Echandía 1999, p. 3-4).188 De ce fait le phénomène connu comme « narcoguérilla » qui fait référence aux mouvements de la lutte armée « [...] qui
poursuivent ses fins politiques en étant financé largement avec l'
argent de la
drogue et qui disposent parfois de l'
appui de paysans producteurs de coca (Gros
1992, p. 5).189
Sur le phénomène du trafic de drogue nous reviendrons dans la section 3
de cette partie, dont nous verrons que les liens entre le conflit armé et le
narcotrafic sont tellement forts qu’il n’est pas possible de penser leurs activités
de manière séparée. Cependant, nous voulons souligner ici quelques aspects
sur les kidnappings et les rackets, étant donné que ce sont les autres sources
188
Cependant, cette organisation partisane nie ses liens avec les cultures et le trafic de
drogues. Voir El Tiempo, 9 septembre 2006a.
189
Traduit par nous de : « [...] que persiguen sus fines politico financiandose
ampliamente con el dinero de la droga y que cuentan a veces con el apoyo de
campesinos productores de coca ».
164
principales de financement des guérillas et pour la peur et l’intimidation que ces
activités exercent sous la population civile.
Le kidnapping est définit par l'
article 169 du Code Pénal Colombien
comme toute retenue de personnes dans le but d'
exiger, pour sa libération, un
bénéfice ou utilité, ou pour qu'
on fasse ou laisse faire quelque chose, ou avec
des fins publicitaires ou politiques (Código Penal, art. 169). Les enlèvements en
Colombie ont expérimenté plusieurs étapes qui vont des enlèvements à but
politique ou financier exercé sur des politiciens et leurs familles, propriétaires
fonciers, personnel de multinationales, diplomates etc., jusqu’aux enlèvements
massifs et indiscriminés exercés depuis 1997 sur des paysans pauvres, touristes
et ouvriers, connus dans le pays comme les « pescas milagrosas » (pêches
miraculeuses). En avril 1999 nous pouvons évoquer l’enlèvement, par l’ELN, des
41 voyageurs d’un avion de ligne détourné qui faisait la route entre Bucaramanga
et Bogotá. Les passagers ont été emmenés à des campements dans la forêt.
L’un d’entre eux est mort tandis que tous les autres ont été libérés dans les 20
mois suivants, après le paiement de sauvetages millionnaires (El Tiempo, août
28 de 2006b). Au cours de la même année nous assistons à l’enlèvement des
participants à une messe dans une église catholique. Environ 30 guérilleros de
l’ELN ont fait irruption dans « La María », église d’un quartier exclusif de la ville
de Cali, et ils ont pris les fidèles et le prêtre en otage.
Il est difficile d'
établir une distinction claire entre les kidnappings à but
économique et ceux à but politique. Le kidnapping est une activité complexe
motivée par différents aspects. Voire il est courant d'
utiliser le kidnapping comme
menace pour ceux qui ne payent pas les rackets (Rubio 2003, p. 6).
En ce qui concerne les rackets, l'
article 5 de la Loi 733 de 2002 définit
l’extorsion comme toute action dans laquelle on oblige quelqu’un à faire, tolérer
ou omettre une certaine chose, dans le but d'
obtenir bénéfice ou utilité illicite,
pour soi même ou pour un tiers. Les rackets exercés notamment sur des
propriétaires fonciers, chefs d'
entreprise et paysans riches ont différentes
expressions : les « vacunas », le « boleteo » et le « peaje ». Les « vacunas »
consistent dans un paiement périodique en échange de laisser les gens travailler
ou habiter chez eux. Ce paiement est une sorte d’assurance, parfois, contre le
165
kidnapping, la confiscation de la propriété de la terre ou de biens matériels. Le
« boleteo » est un paiement occasionnel par des personnes ou entreprises après
avoir reçu une notification ou « boleta » (indiquant le montant à payer) de la part
des groupes armés illégaux. Finalement, le « peaje » est l'
encaissement forcé
d'
une somme fixe pour permettre le transit de véhicules ou le passage de
marchandises d’une région à une autre (PNUD 2003, p. 87).190
Nous avons fait mention des moyens de financement des guérillas non
seulement pour montrer comment ils sont liés a des activités violentes mais
parce que, selon les chercheurs sur la violence en Colombie, « [...] la
prolongation du conflit armé a comme fondement l'
autonomie acquise par les
guérillas, surtout dans le domaine financier, en faisant amoindrir l’importance de
l’appui social et politique, qui est la nécessité inhérente à toute guérilla »
(Echandía 1999, p. 12).191
2.5 Le M-19 : la ville comme scénario de la révolution
Dans cette section nous allons faire quelques remarques sur la formation
et les activités du M-19 (Movimiento 19 de abril) étant donné qu’elle était une
guérilla éminemment urbaine. En tant que guérilla urbaine, elle a exercé une
influence sur les autres groupes partisans colombiens. Nous nous occuperons
des actions menées par cette guérilla dans les villes, même si depuis 1981, elle
a eu aussi une présence considérable dans les zones rurales, notamment dans
les départements de Caquetá, Putumayo, Nariño, Huila, Cauca et Chocó.192
190
À l’égard des extorsions voir la « Loi 002 de 2000 » des FARC-EP. Cette « loi »
indique que l’organisation va demander un « impôt pour la paix » aux personnes
naturelles ou morales, dont le patrimoine est supérieur à 1 million de dollars. La « loi »
souligne que ceux qui ne payent pas seront retenus et leur libération dépendra d’un
paiement à déterminer (FARC-EP 2000).
191
Traduit par nous de : « [...] la prolongación del conflicto armado tiene como
fundamento la autonomía adquirida por las guerrillas, sobre todo en el campo financiero,
haciendo que tenga menor importancia la búsqueda de un mayor apoyo social y político,
que es la necesidad inherente a toda guerrilla ».
192
Carlos Pizarro, commandant général du M-19, explique que même si le mouvement a
dû partir à la campagne il a toujours pensé à la ville comme espace principal de la
confrontation. Ils se sont déplacés aux zones rurales comme seul possibilité de survie,
parce que leur ennemi était plus fort dans les métropoles. Pour lui, les conditions des
villes colombiennes, empêchent une vie prolongée de l’organisation partisane (Pizarro
1988 cité par Becassinno 1989, p. 36).
166
Le M-19 apparaît dans la décennie des années 1970. Ce mouvement tire
son nom de la frustration ressentie lors des élections de 19 avril 1970, que ce
mouvement considère avoir étés truquées. Ils dénoncent une fraude électorale
qui a affecté la victoire du général Gustavo Rojas Pinilla. Selon ses promoteurs,
l’organisation naquit comme mouvement urbain pour confronter les partis
traditionnels et la « démocratie restreinte ». Pour eux, la seule façon de
transformer la Colombie était au travers de l’action révolutionnaire violente.
Néanmoins ils réclament une ouverture démocratique pour qu’ils puissent se
transformer dans un parti légal (Pécaut 2001, p. 40). D’après Pécaut, « [...] elle
innove en s’efforçant de s’installer dans les villes, jusque là épargnées, en usant
d’un langage nationaliste et, surtout, en contribuant à diffuser le rejet du régime
parmi les classe moyennes issues des universités » (Pécaut 1996b, p. 28).
Le mouvement était composé de personnes expulsées du Parti
Communiste et des ex–membres des FARC-EP193 (Jaime Báteman, Álvaro
Fayad, Iván Marino Ospina, Carlos Pizarro), et d'
un secteur provenant de
l'ANAPO
Socialista194
(Carlos
Toledo
Plata,
Andrés
Almarales,
Israel
Santamaría) (Ruíz s.d., p. 11).
Le M-19 a fait des irruptions dans la vie nationale avec des actions
spectaculaires perpétrées dans les métropoles, attirant toujours l'
attention de la
presse. Nous allons mentionner les plus significatives de ces actions :
a) Depuis 1973 il est annoncé dans la presse l’arrivée du M-19 sans
spécifier qu’il s’agissait d’une guérilla. En 1974 le groupe se fait connaître par le
193
Un des commandants des FARC-EP, Jacobo Arenas, affirme que le M-19 était au
début une cellule urbaine des FARC-EP. Cependant, étant données les différentes
interprétations sur la prise du pouvoir, quelques membres se séparent et forment le M-19
(Arango 1985, p. 37).
194
Au début des années soixante a commencé l'
essor de l'
ANAPO (Alianza Nacional
Popular) créée par l'
ex dictateur Rojas Pinilla. Rojas proposait l'
union du peuple libéral et
conservateur contre les oligarchies, c'
est-à-dire contre le Front National. En 1976 se crée
une division dans l'
organisation puisque quelques membres cherchaient un
rapprochement avec les conservateurs et d'
autres, plus radicaux, le rejetaient. Ces
derniers, ont construit des groupes de base dans tout le pays et ont conformé l'ANAPO
Socialista (Lara 1981, p 31-37).
167
vol de l'
épée de Simón Bolívar (jusqu’à ce jour disparue) à la Quinta de Bolívar
(Bogotá). Selon le groupe, l’épée serait restituée quand les idées du Libertador
deviendraient une réalité. Pour le mouvement l'
épée est le symbole de la lutte
par la liberté de la patrie (Lara 1981, p. 116).
b) Depuis ses débuts le M-19 se déclare en faveur des revendications des
classes populaires. Il agit comme intermédiaire des négociations entre le
gouvernement et la classe ouvrière. Dans ce sens, en 1976 ils kidnappent, à
Bogotá, le dirigeant syndical José Raquel Mercado, président de la CTC
(Confederación de Trabajadores de Colombia). Ils accusent Mercado d’être
agent de l'
impérialisme américain et de trahir les intérêts du syndicalisme
colombien et de la classe ouvrière (Lara 1981, p. 116). De ce fait, ils le
soumettent à un « jugement populaire ». Les gens devaient écrire dans les billets
et emplacements publics des principales villes s'
ils étaient ou non d'
accord avec
les accusations qu’on lui faisait. Selon le M-19, le refus du gouvernement
d'
accepter les demandes des travailleurs de la sucrerie Río Paila et le jugement
public, ont entraîné l’extermination de Mercado. Son corps a été lancé dans le
parc « El Salitre » de Bogotá (Lara 1981, p. 166).
c) En 1977 ils kidnappent, à Bogotá, à l’ex-ministre d’agriculture, Hugo
Ferreira. Pour l’époque il était directeur d’Indupalma, entreprise consacrée à
l'
exploitation du palme. Le M-19 le libère une fois les travailleurs de cette
entreprise ont obtenu l’acceptation de leurs demandes (Lara 1981, p. 36).
d) En 1979 le M-19 a construit un tunnel de plus de 80 mètres depuis une
résidence jusqu’à une garniture militaire (Cantón Norte - École d'
Infanterie de
Bogotá) où ils ont soustrait plus de sept mille armes.195 Plus tard, le
gouvernement a emprisonné la majorité des coupables et a récupéré presque
toutes les armes (Lara 1981, p. 39).
e) En 1980 pendant 61 jours un groupe de douze guérilleros sous
l’autorité du Rosemberg Pabón alias Comandante Uno, ont pris l'
Ambassade de
la République Dominicaine à Bogotá pendant le déroulement de la fête nationale
195
Le nombre d'
armes volées varie, selon la source consultée, entre 4000 et 7000.
168
de ce pays. Quatorze ambassadeurs ont été pris en otage. Le M-19 demandait la
libération d'
environ 300 prisonniers et une importante somme d’argent pour
libérer les otages.196 Après un processus de négociation prolongé, le
gouvernement n’a pas libéré les prisonniers mais le mouvement a reçu un million
de dollars,197 et les responsables de la prise d’otage sont partis à Cuba dans un
avion en libérant à l’Havane la totalité des otages (Rubio 2003, p. 12-13).
f) En 1984, pendant le gouvernement de Belisario Betancur (1982-1986),
une trêve de cessé le feu a été signée avec le M-19. En mars 1985 afin de
canaliser
son
action
politique
légale,
cette
organisation
installe
des
« Campamentos Urbanos de Paz y Democracia » (Campements Urbains de Paix
et de Démocratie) dans des quartiers populaires de Cali et Medellín, lesquels se
sont rapidement étendus à d'
autres villes du pays. Selon Camacho, quelque
temps après, des résistances à l'
existence de ces campements se sont produites
puisque l'
organisation reproduisait quelques pratiques militaires. Ils effectuaient
des rondes de vigilance et offraient des services de justice et de police à la
population. Dans cette logique ils ont assassiné des personnes qui à leur avis
altéraient la sécurité locale (Camacho et Guzmán 1990, p. 120). De même, les
membres du M-19 ont donné de l’instruction militaire à des jeunes. Selon un de
ces jeunes :
« On avait droit à des débats de formation politique, à des activités
avec la communauté et à l’instruction politico-militaire pour ceux qui,
comme nous, avaient voulu être miliciens. On a appris à manier des
flingues, à fabriquer des explosifs, à préparer des opérations militaires
simples » (Salazar 1992, p. 91-92).
Pour cette raison et en dépit de la trêve, l'
Armée a assiégé les
campements du M-19. Par la suite, le Décret 1560 de 1985 a autorisé aux maires
à fermer les campements politiques selon les indications des rapports militaires
ou policiers. Après l'
expédition de ce décret les dirigeants du M-19 ont dénoncé
le meurtre et la disparition de certains de leurs militants, et les harcèlements aux
principaux Campements de Paix de Cali (Amariles 2005, p. 3). En juin 1985
196
Le M-19 déclarait que les détenus étaient torturés par les autorités de la prison.
197
Le chiffre varie, selon la source consultée, entre 1 million et 3 millions de dollars.
169
Carlos Pizarro, chef du M-19, annonce par télévision la rupture de la trêve et le
retour du mouvement à la lutte armée.
g) En 1985, prétendant obtenir que la Cour Suprême de Justice mette en
accusation le président Betancur pour l'
inaccomplissement de la trêve de 1984,
un groupe composé de 35 guérilleros sous la commande d’Andrés Almarales, a
occupé militairement le Palais de Justice à Bogotá. Les militaires ont repris le
Palais par la force, ce qui a laissé un bilan de plus de quatre vingt dix morts, dont
onze magistrats de la Cour Suprême de Justice, onze intégrants de la Force
Publique et presque la totalité de guérilleros responsables de la prise (El Tiempo,
28 août 2006b).198
h) En 1988, le M-19 a kidnappé un politicien conservateur, Álvaro Gómez
Hurtado, afin d'
entamer un second processus de négociation. Après sa libération,
en 1989, le gouvernement de Virgilio Barco Vargas (1986-1990) a réglementé la
Loi 77 sur la concession d’amnistie pour les délits politiques, laquelle a encadré
l'
accord de paix signé par le Gouvernement National et le M-19, dans le mois de
mars de 1990. Après sa démobilisation, cette guérilla s'
est transformée dans un
mouvement politique de gauche appelé Alianza Democrática M-19. Actuellement
quelques membres continuent dans la vie politique à travers le mouvement Polo
Democrático Independiente.
Nous voulions montrer les actions urbaines les plus significatives du M19, parce qu’il a marqué la ville comme scénario de la révolution. Le mouvement
a influencé les autres guérillas colombiennes en montrant que les actions
violentes perpétrées dans la ville ont un potentiel énorme pour déstabiliser l’État.
Après la prise de l’Ambassade Dominicaine, le M-19 a exercé une
influence claire sur les autres guérillas colombiennes. Quelques groupes
subversifs ont manifesté leur intention d'
adopter deux changements cruciaux :
orienter leur lutte vers les villes et abandonner les schémas idéologiques rigides
qui avaient guidé leurs actions jusqu'
a présent. L’EPL se questionne sur son
198
Il a été remarqué à plusieurs reprises que la prise du Palais de Justice a obéi à la
nécessité que les narcotrafiquants avaient de faire disparaître des preuves à leur
encontre, et d’effrayer les juges qui ces jours-ci devaient se prononcer sur la légalité de
l'
extradition (Camacho 1998, p. 124).
170
orientation exclusivement rurale et les FARC-EP, après la VII Conférence de
1982, identifient les villes comme l'
objectif primordial de leurs actions (Rubio
2003, p. 14-15). Comme l’explique Rubio :
« À la suite de la prise de l'
Ambassade de la République
Dominicaine, et même si bonne partie de ses directeurs se trouvaient
détenus, le M-19 apparaissait comme le groupe rebelle digne d'
imitation
en Colombie. Par le biais de quelques coups très effectifs non
seulement il avait accumulé des ressources économiques
considérables mais il avait démontré la capacité à dialoguer dans ses
propres termes avec le gouvernement colombien. En outre, il avait
obtenu une diffusion, une couverture médiatique et une publicité
difficiles à imaginer pour les autres groupes subversifs » (Rubio 2003,
p. 14).199
Bien que le M-19 soit défini par ses membres comme « une organisation
politique, nationaliste, révolutionnaire et par le socialisme », ses communiqués
montraient une distance avec les grandes idéologies révolutionnaires. À cet
égard, Martha Villafañe dit :
« Le M-19 comme mouvement insurgé s'
est transformé en une
guérilla sans précédent dans le monde, qui a conquis les médias, a
séduit le peuple, est arrivé aux intellectuels et, surtout, s'
est écarté
des postulats du marxisme – léninisme - maoïsme, en se transformant
en la première guérilla du monde qui a été séparée du « livret » et a
créé sa propre ligne de lutte idéologique, en antéposant à Bolívar,
Nariño, Santander, aux penseurs classiques de la révolution. De ce
fait, les membres du M-19 disaient qu'
avant d'
être communistes ils
étaient des colombiens » (Villafañe cité par Amariles 2005, p. 1).200
Finalement le projet révolutionnaire du M-19 n’a pas réussi. Le
mouvement a été attaqué par les gouvernements de l’époque ce qui l’a mené
199
Traduit par nous de : « A raíz de la toma de la embajada de la República Dominicana,
y aún cuando buena parte de sus cuadros directivos se encontraban detenidos, el M-19
aparecía como el grupo rebelde digno de ser imitado en Colombia. Con unos pocos
golpes muy certeros no sólo había logrado acumular recursos económicos considerables
sino que había demostrado capacidad para dialogar en sus términos con el gobierno
colombiano y había obtenido una difusión, un cubrimiento mediático y una publicidad
difíciles de imaginar para cualquiera de las demás agrupaciones subversivas ».
200
Traduit par nous de : « El M-19 como movimiento insurgente se convirtió en una
guerrilla sin precedentes en el mundo, que conquistó a los medios de comunicación,
sedujo al pueblo, llegó a los intelectuales y, sobretodo, se apartó de los postulados del
marxismo-leninismo-maoísmo, convirtiéndose en la primera guerrilla del mundo que se
separó de la “cartilla” y creó su propia línea de lucha ideológica, al anteponer a Bolívar,
Nariño, Santander, a los pensadores clásicos de la “revolución”. De ahí que los del M-19
dijeran que antes que ser comunistas eran colombianos ».
171
vers son affaiblissement progressif. Néanmoins il a montré comment la ville
commence à être pensée comme un des principaux objectifs dans la guerre. Il a
manifesté face à l’opinion publique le danger que représente la présence d’une
guérilla dans la ville, la terreur qu’elle peut produire entre la population et le
niveau de déstabilisation qu’elle peut engendrer. À partir de ce moment, la ville
n’est plus conçue seulement comme le lieu du approvisionnement ; elle
commence à être pensée comme la scène politique et militaire du conflit.
2.6 Les milices : guérilleros dans la ville ?
Les milices apparaissent vers les années 1970 et se consolident dans le
milieu des années 1980 comme structures armées illégales, composés par des
groupes de jeunes provenant des quartiers défavorisés. Leur action était
concentrée dans les quartiers populaires des grandes villes notamment à
Medellín, Cali, Bogotá ainsi que Barrancabermeja. Les objectifs des milices
étaient très divers : garantir la sécurité et la protection des classes populaires ;
défendre les biens individuels et communautaires ; négocier la solution des
conflits familiaux et entre voisins ; et dans quelques cas, elles cherchaient à
construire un mouvement politique et social. Dans cette défense, elles incluaient
la dissuasion ou l'
élimination de toutes les personnes liées aux bandes de
délinquance, et aussi l'
éradication de vendeurs de drogue et prostituées. Pour
cela, elles ont reçu la dénomination de groupes de « nettoyage social ».201 Le
nettoyage social est décrit par Minotti-vu Ngoc comme :
« [...] une pratique visant, selon ses responsables, à « nettoyer »
la société de ceux qu'
ils jugent indésirables : enfants des rues,
délinquants, toxicomanes, petits trafiquants de drogue, sans-abri,
prostituées, travestis, récupérateurs, etc. [...] Pour ce faire, est
employée la méthode la plus radicale qui soit : l'
élimination physique »
(Minotti-vu Ngoc 2002, p. 13).
Devant l'
indifférence de l'
État et son manque de capacité face au pouvoir
étendu de la délinquance dans les villes, les milices s'
approprient l'
exercice de
l'
ordre et la justice dans les différents quartiers, créant des liens sociaux et
201
À ce sujet voir les études d’Ortiz 1990 et la thèse doctorale de Minotti-Vu Ngoc 2002
indiqués dans la bibliographie.
172
politiques avec leurs habitants et s’imposant comme l’autorité en opposition à
celle de l’État (Defensoría del Pueblo et UNHCR 2004, p. 18).
Quand nous parlons de milices, nous faisons généralement une liaison
entre ces groupes et les organisations guérilleras qui agissent dans le pays. On
les définit comme le bras armé de la guérilla dans la ville. Selon Astrid Téllez, le
corps de la guérilla urbaine est constitué par les milices révolutionnaires,
lesquelles se caractérisent pour avoir un projet politique qui fait face à l'
État et
pour avoir pour but l'
instauration d'
un nouvel État (Téllez 1995, p. 69).
Néanmoins, quelques miliciens affirment qu’ils ne font pas partie du mouvement
révolutionnaire national, ni de la structure politique et militaire des guérillas. Ils se
reconnaissent comme le bras armé du mouvement civique des banlieues
défavorisées. Ils luttent pour un accès de qualité aux services publics, au
logement, à l'
éducation et en général ils veulent combattre la pauvreté et
l’inégalité des chances (Téllez 1995, p. 68). Selon Franco et Roldán il existe une
différence entre les activités des guérillas et milices dans la ville. Les milices
agissent pour la défense de la communauté et pour cela elles dominent un
territoire. Mais, quand la guérilla intervient dans la ville, l’emprise d'
un territoire
au sens communautaire se transforme en l'
instauration et la défense d’une
emprise géopolitique (Franco et Roldán s.d., p. 43).
Il s’avère très difficile de faire une distinction exacte entre les activités et
les objectifs des milices et guérillas dans les villes. Quelques milices urbaines ont
été mises à pied par les guérillas, d’autres ont surgi de manière autonome et
agissent de façon indépendante des grands protagonistes. Néanmoins, nous
pouvons observer des alliances stratégiques entre les différentes organisations
armées illégales existants dans les villes. Parfois, dans les termes de Pécaut,
elles se métamorphosent, se succèdent : « Les milices liées aux guérillas
délogeant les sicarios, les groupes de délinquance organisée ou apolitiques
prenant la place des milices, les groupes proches des paramilitaires remplaçant
souvent à leur tour ces bandes » (Pécaut 2000, p. 131-132).
Dans cette logique d’implantation, dont l'
emprise sur le quartier est la
condition de consolidation de l'
organisation et d’accès au pouvoir, le recours à la
violence est toujours présent. D’après Daniel Pécaut :
173
« Les milices des quartiers de classe moyenne ou populaire de
Medellín ou Bogotá, qui ont des liens toujours plus lâches avec les
grands protagonistes, mettent en scène leur puissance en encadrant un
quartier voire un pâté de maisons, en y imposant une discipline, en
prétendant le mettre à l'
abri des bandes de délinquants, quitte à glisser
rapidement elles aussi dans la délinquance. Un schéma circulaire
s’établit ainsi où la désorganisation sociale engendre une violence qui
appelle l'
implantation des réseaux d’emprise qui, bientôt imposent leur
propre violence » (Pécaut 1996b, p. 42-43).
D'
après le PNUD, il l'
y a un plus grand indice de recrutement de miliciens
dans les zones qui présentent des situations socio-économiques problématiques,
où les nécessités de base insatisfaites sont communes de même que les
conditions de pauvreté, le chômage et l'
accès restreint au système éducatif
(PNUD 2003, p. 264). Les jeunes ont trouvé dans les milices une façon de se
promouvoir, d'
être reconnus, de se venger. Attirés par le statut social de
« guérillero » et le prestige des commandants, ils voient la possibilité de se faire
respecter par l’utilisation des armes et de la terreur liée à elles. De même, un
autre type de sujétion est donné entre les jeunes universitaires avec des
aspirations de changement social et avec des tendances politiques de gauche.
Par ailleurs, les habitants des quartiers concernés par les activités des
milices reconnaissent dans celles-ci une substitution des fonctions de l’État,
notamment dans le domaine de la justice pénale et la sécurité face à la
délinquance. Ils acceptent la nouvelle autorité intimidés par la terreur et parce
qu’ils ne voient pas une possibilité de la transformer, de l’éviter. Ils préfèrent
donc une attitude de collaboration face à l’acteur armé (C. Ortiz 2001, p. 64-65).
Selon le PNUD, à partir des années 1960 et 1970 les FARC-EP et l’ELN
avaient déjà des réseaux d'
appui urbains intégrés par des alliés d'
extraction
universitaire, syndicale ou politique. Avec l’essor du paramilitarisme depuis les
années 1980, il y a eu des confrontations pour le contrôle de quelques villes
telles que Montería, Buenaventura, Cúcuta et Barrancabermeja (PNUD 2003, p.
61-64). D'
autre part, depuis la consolidation de la zone de distension lors du
gouvernement de Pastrana (1998-2002) dont nous avons parlé dans la section
2.1 de cette partie, les FARC-EP avaient formulé un grand changement
révolutionnaire dans les villes. Il s’agissait du PC3 (Partido Comunista
Clandestino Colombiano) commandé par Alfonso Cano. L'
idée du parti était de
174
promouvoir des activités politiques de masse et de projeter des actions de
déstabilisation à l’établissement publique dans les villes. Cela concerne un
groupe de professionnels universitaires qui sont des agents cachés des FARCEP.
Ils
effectuent
des
activités d'
infiltration dans
les
organismes
du
gouvernement (El Tiempo, 18 août 2006).
En définitive, la présence des milices dans les métropoles et les liens
qu’elles entretiennent avec les guérillas, montre comment la ville est pensée
comme lieu stratégique dans la guerre et de ce fait, la nécessité d’avoir une
influence sur elle. Cette influence s’est traduite par une présence politique et
militaire, par l'
extension des réseaux d'
appui parmi la population et par
l’appropriation de fonctions d’ordre et de justice propres à l’État. Néanmoins, leur
emprise a été aussi établie par la violence, laquelle est exercée contre tous ceux
qui s’opposent à leurs intentions et intérêts. Nous reviendrons sur les activités
des milices, notamment à Medellín, dans la troisième partie de cette étude.
3. Le trafic de drogue et son influence dans la violence urbaine
À la fin des années 1970 et au début des années 1980 apparaissent deux
phénomènes qui rendent plus complexe le conflit armé en Colombie : le trafic de
drogue, qui a une relation directe avec le conflit comme source de financement
de tous les acteurs armés, et l’apparition des groupes de paramilitaires illégaux.
Nous évoquerons les relations entre trafic de drogue, conflit armé et violence
urbaine en Colombie. Par la suite nous parlerons de l’apparition de tueurs à
gages ou sicarios dans les villes colombiennes, acteurs armés engendrés par le
narcotrafic. Enfin nous reviendrons sur les paramilitaires dans la section 4 de
cette partie.
3.1 La guerre de la coca
Au début des années 1970 les cultures de marihuana étaient concentrées
notamment dans les départements de la côte atlantique colombienne. À cette
époque l’exportation de marihuana était comparée à la contrebande des
électroménagers et cigarettes, sauf que ce négoce avait une rentabilité
beaucoup plus élevée (Jaramillo et Salazar 1992, p. 41). Selon María Teresa
175
Uribe, le trafic de drogue s'
est transformé en opportunité pour les secteurs
exclus, ceux en crise, ainsi que pour quelques agents de l'
économie formelle qui
voyaient dans les dollars de la drogue une manière de remonter les difficultés du
moment (Uribe 1990, p. 106). La société colombienne, avec une activité de
contrebande répandue, était assez tolérante envers les trafiquants des drogues.
Selon Pécaut, « [...] il n’y a pas de frontière nette entre la nouvelle économie
illégale et le reste de l’économie de sorte que l’expansion de la première peut
paraître normale » (Pécaut 1996a, p. 254).
Postérieurement, vers le milieu des années 1970 et au commencement
des années 1980, avec l’exportation de cocaïne, on assiste à la consolidation
des cartels de la drogue en Colombie.202 Ces cartels avaient comme fonction
l’importation de la base de coca de Bolivie et du Pérou, pour traiter ensuite la
cocaïne dans des laboratoires colombiens, et finalement la transférer aux
principaux centres de consommation dans le monde.203 Le Cartel de Medellín
acquit rapidement une position centrale sur le marché de la côte Est des ÉtatsUnis et le Cartel de Cali sur le marché de la côte Ouest (Pécaut 2001, p. 166).
Néanmoins, d’après Gonzalo de Francisco, il est possible d'
établir que les
Cartels de Cali et de Medellín naquirent comme des organisations destinées à
défendre l'
existence d’affaires illégales plutôt que pour contrôler le marché et les
prix. Une défense, de plus, établie sans limites et contre tous les adversaires
étant donné que les ressources illimitées le permettaient (Francisco 2003, p. 9).
Au niveau politique, le narcotrafic « [...] engendre une crise institutionnelle
sous l’effet de la corruption » (Pécaut 1996a, p. 256). Les cartels ont élevé les
niveaux de corruption en s’insérant dans toutes les instances du pouvoir
publique. Le narcotrafic est arrivé à incorporer au Congrès ses porte-parole et
ses défenseurs, comme le dénote le cas de Pablo Escobar204 qui réussira à
202
La notion de cartel fut signalée par des membres des appareils de contrôle et
répression américains. Ces organisations seraient donc capables de contrôler le marché
(les prix, les produits et les services). Il existe de forts débats sur sa véritable nature
comme telle, mais, en suivant Camacho, nous adoptons la notion dans la mesure où son
utilisation est devenue courante (Camacho 2004, p. 3).
203
À la fin des années 1980, due à la répression sur les cultures de coca en Bolivie et au
Pérou, les narcotrafiquants colombiens ont commencé à semer la coca dans le pays.
204
Pablo Escobar a été l’un des narcotrafiquants les plus puissants de la Colombie. Il
était le chef du Cartel de Medellín.
176
siéger en 1982 à la Chambre des Représentants en tant que représentant
suppléant du parti libéral (Pécaut 1996a, p. 251). Dans l'
exécutif, les candidats
aux élections ont reçu l’aide financière des trafiquants ; dont le cas le plus connu
fut celui de la campagne du président élu en 1994, Ernesto Samper Pizano. En
outre, l’accentuation de la corruption a permis aux narcotrafiquants d’obtenir la
prohibition de l’extradition dans la nouvelle constitution de 1991 et la réduction
importante de peine, offerte par le code de procédure pénale, en cas de
collaboration avec la justice (Kalmanovitz 1996, p. 313). À son tour, Escobar a
été soumis à un processus de justice, éloigné totalement des lois colombiennes
et par la suite les dirigeants du Cartel de Cali, ont défini les conditions de
leur « soumission à la justice » (Pécaut 2001, p. 172). Ainsi, le trafic de drogue a
contribué à la détérioration de la justice colombienne, tant du point de vue des
menaces aux fonctionnaires étatiques chargés de l'
administrer (depuis les
années 1980 autour de 120 juges et procureurs ont dû abandonner leur
profession voire le pays) comme de l'
accroissement de l'
impunité à cause de la
corruption du système de justice (Gaitán et Montenegro 2000, p. 39 ; Camacho
2001, p. 29).
Par ailleurs, le trafic de drogue fait irruption dans le cadre politique non
seulement à travers la corruption mais aussi par la violence exercée par ses
promoteurs. L’apparition des cartels à Medellín et Cali a marqué une étape
notamment violente dans l’histoire du pays.
Afin de défendre l’activité illégale, les narcotrafiquants ont éliminé des
politiciens et fonctionnaires de l’État qui voulaient affronter et limiter les activités
des cartels. L’assassinat du Ministre de Justice, Rodrigo Lara Bonilla, en 1984,
est signalé comme « [...] la continuation d'
une série d'
actes au moyen desquels
la maffia décide de défier le pouvoir de l'
État » (Salazar et Jaramillo 1992, p.
69).205 À la fin des années 1980 et début de la décennie de 1990, le Cartel de
Medellín a entamé une offensive contre l'
État afin d'
obliger le gouvernement à
abolir un traité d'
extradition signé avec les États-Unis.206 Ces actions ont été
205
Traduit par nous de : « [...] la continuación de una serie de actos mediante los cuales
la mafia habría decidido desafiar el poder del Estado ».
206
En 1979 le gouvernement Colombien a signé un traité d'
extradition avec les ÉtatsUnis lequel a été approuvé par la Loi 27 de 1980. En décembre 1986, la Cour Suprême
177
concentrées dans les villes au moyen de plusieurs attentats terroristes qui
produisirent la mort de civils innocents. Les attentats le plus graves ont été
dirigés contre le journal El Espectador (Bogotá), le journal Vanguardia Liberal
(Bucaramanga), le siège du DAS (Departamento Administrativo de Seguridad) à
Bogotá et l’explosion d’un avion d’Avianca transportant 107 passagers (Uribe
2004, p. 147).207 Une offensive a laquelle s’ajoutèrent des meurtres ciblés contre
des personnalités politiques, comme le journaliste Guillermo Cano (1986) et le
candidat à l’élection présidentielle Luis Carlos Galán (1989). Selon le sociologue
Camacho, cette violence est menée contre le monopole étatique de la légalité et
la justice. C’est une réponse à la persécution et la guerre de l’État contre le trafic
de drogue (Camacho 2004, p. 5).
D’après Gonzalo de Francisco, il n’y a pas de doute que le trafic de
drogue est devenu une menace réelle pour la survie de l'
État. Plus de deux cent
policiers ont été assassinés par tueurs à gages dans le processus de
démantèlement du Cartel de Medellín. Pour ce cartel, la police est devenue un
objectif militaire (Francisco 2003, p. 11).
De cette optique, le narcotrafic a suscité le développement des groupes
criminels les plus puissants.208 Il convient de préciser que la violence n’était pas
de Justice, résout de déclarer contraire à la Constitution la Loi 27 parce que celle-ci n'
a
pas été constitutionnellement sanctionnée par le Président de la République. Donc, en
décembre 1986, le Président Virgilio Barco sanctionne de nouveau le projet de loi qui
approuvait le traité, lequel se matérialise dans la Loi 68 de 1986. Toutefois en juin 1987,
la Cour Suprême, résout de déclarer contraire à la Constitution la Loi 68 de 1986, par des
vices dans sa formation ou procédure d’élaboration. L'
opinion publique a dit qu'
il
s'
agissait d'
un jugement politique, contraint par les narcotrafiquants. En août 1989, le
Gouvernement décrète l'
extradition, par Acte Administratif, dans l'
exercice de ses facultés
sous l'
État d'
Exception constitutionnelle, appelé à l'
époque État de Siège. Ensuite, la
Constitution de 1991 interdit l'
extradition de ressortissants dans son article 35. Plus tard,
pendant le gouvernement d'
Ernesto Samper, à travers l'
acte législatif 1 de 1997 l'
article
35 a été modifié et l'
extradition a été rétablie. Mais une clause s'
oppose à son application
rétroactive, en mettant à l’abri les principaux représentants des cartels (Correa s.d., p. 13).
207
Entre août et décembre 1989, 88 bombes ont explosé dans les 5 principales villes du
pays. Entre 1989 et 1993, 120 voitures piégées ont explosé dans plusieurs villes (Terra
s.d., p. 1).
208
Comme nous l’avons déjà mentionné, l’un des premiers groupes criminels créé par les
narcotrafiquants était le MAS « Muerte a Secuestradores » dont le but était de tuer les
guérilleros et leurs familles. Ensuite, cette organisation est devenue gardienne des terres
achetées par des narcotrafiquants, spécialement dans le Magdalena Medio d'
Antioquia et
Santander (PNUD 2003, p. 59).
178
seulement dirigée contre l’État, elle s’exprimait aussi au travers des disputes
mortelles entre les mafias pour le contrôle des routes et du marché, et aussi par
des assassinats à l’intérieur même de l’organisation pour punir les traîtres. De
cette façon le trafic de drogue a augmenté les seuils de violence et ses activités
pénétrèrent de vastes secteurs de la population, notamment dans les zones
dominées par les organisations guérilleras dans la campagne et parmi les jeunes
démunis de la ville.
Après la chute des grands cartels au début des années 1990, (suite à la
mort de Pablo Escobar en 1993 et l’arrestation des chefs du Cartel de Cali en
1995), le problème du trafic de drogue s’est transformé. La fragmentation du
business est claire. L’exportation de la drogue commence à se faire par de petits
groupes illégaux, de caractère patronal, qui font du trafic un business : ils traitent
la cocaïne pour ensuite la livrer à des cartels internationaux chargés de la porter
aux consommateurs (Francisco 2003, p. 5). Actuellement, il existe dans le pays
de grandes extensions des cultures de coca, on note aussi une relance de la
culture de marihuana, des plantations de pavot et de la fabrication d’héroïne
(Pécaut 1996b, p. 19).
Le trafic de drogue est actuellement source de financement tant des
guérillas que des paramilitaires. La méthode paramilitaire consiste à demander
des contributions aux grands propriétaires fonciers et exportateurs de drogue. La
méthode des guérillas est d’exiger un « impôt » aux producteurs directs de la
drogue ainsi qu’aux intermédiaires locaux (Camacho 2001, p. 30). La guérilla a
aussi adopté le rôle de régularisation et commercialisation prenant la place des
narcotrafiquants : « [...] elle remplace les intermédiaires locaux dans quelques
régions, elle impose des cultures aux paysans et achète à des prix de
sustentation. De même, elle vend à des raffineurs et à des grands exportateurs
et même entreprend ses propres exportations » (PNUD 2003, p. 310).209 De ce
fait, le narcotrafic est devenu un élément central dans la politique d’ordre
209
Traduit par nous de : « [...] sustituye a los intermediarios locales en algunas regiones,
impone cultivos a los campesinos y compra a precios de sustentación. Asimismo vende a
refinadores y exportadores mayoristas e incluso emprende sus propias exportaciones ».
Entre 1984 et 1990 les revenus provenant du trafic de drogue étaient entre trois ou
quatre milliards de dollars par année. Cette somme est équivalente aux investissements
du secteur privé dans leur ensemble (Thoumi 1999 cité en Pécaut 2001, p.162).
179
publique dans le pays. En outre, le journaliste Antonio Caballero a remarqué que
le trafic de drogue soutien aussi l’Armée étant donné que les militaires se
financent en grande partie par l’argent que les États Unies envoient pour
combattre ce phénomène (El Tiempo, 26 août 2006b).210
Selon Kalmanovitz plusieurs éléments sont réunis pour faire de la
Colombie un centre capital du trafic de drogue : a) une situation géographique
privilégiée équidistante entre les centres de production de coca de l’Amérique du
Sud et les côtes des États-Unis ; b) l’existence des vastes régions frontalières
non contrôlées par l’Armée ; c) un système judiciaire faible tendant à laisser
impunis les crimes commis dans le pays ; d) des groupes de personnes (mules)
prêtes à transporter la drogue (Kalmanovitz 1996, p. 303). Pécaut souligne aussi
le rôle des guérillas :
« Si la Colombie est devenue le pays pivot du trafic de drogue,
ce n’est pas seulement à cause des traditions de contrebande ou de
l’existence de « territoires » vides, c’est surtout parce que la présence
chronique de guérillas dessinait un ensemble d’enclaves dans
lesquelles l’économie de la drogue pouvait se développer sans craindre
les incursions des Forces Armées. Les deux illégalités se renforcent
l’une et l’autre en permanence » (Pécaut 1996b, p. 34).
Même si les grands cartels ont disparu, la violence perpétrée par le
narcotrafic est toujours présente dans les actions pour défendre le contrôle du
marché et par la consolidation de groupes de paramilitaires illégaux dans le
pays. Dans cette mesure, quelques secteurs du pays sont soumis à une logique
mafieuse, dont l’ordre est implanté par la violence. Comme l’exprime le PNUD : «
[...] comme les profits du trafic de drogue sont énormes, énormes sont les
armées privées et la brutalité de la violence qu'
ils exercent » (PNUD 2003, p.
309). 211
210
Les États Unies donnent une aide de 700 millions de dollars par an à la Colombie,
dont 300 millions sont utilisés pour le développement des Forces Militaires (El Tiempo,
29 septembre, 2006).
211
Traduit par nous de : « [...] y como las ganancias del narcotráfico son enormes,
enormes son los ejércitos privados y la brutalidad de la violencia que ejercitan ».
180
3.2 Les bandes de tueurs à gages, criminels de la drogue
Le trafic de drogue a eu une présence notoire dans la scène urbaine
représentée dans les tueurs à gages ou sicarios. D’après Ortiz, le terme sicario a
atteint une utilisation généralisée en Colombie depuis 1986, à la suite des
innombrables meurtres de dirigeants et d’activistes de l'
Unión Patriotica et
d'
organisations syndicales et civiques, voire d’importantes figures de l'
État et de
la politique nationale (Ortiz 1991, p. 66).212 En effet, des criminels payés par
l’argent de la drogue étaient chargés d'
éliminer des concurrents, membres de la
Force Publique, politiciens opposés au business et fonctionnaires de l'
État. C’est
le narcotrafic qui commande les actes délictueux et les gangs de sicarios sont
nés comme des armées à leur service. Daniel Pécaut affirme que ces bandes se
sont constituées pour servir avant tout les desseins de Pablo Escobar (Pécaut
1996b, p. 35).
Néanmoins la Commission d'
Études sur la Violence de 1987 indique que
l'
activité de tueurs à gages n'
est pas le fruit exclusif du narcotrafic des années
1980. Elle a été précédée par les actions commises par les « pájaros », sicarios
sous l’ordre des conservateurs et parfois de représentants du parti libéral. Les
« pájaros » ont agi notamment dans les départements de Caldas et du Valle del
Cauca entre 1940 et 1958, époque de la violence entre partis. Ils étaient les
responsables matériels des meurtres et génocides, dans un système de justice
privée, avec des liens avec l'
État. Ils ont été aussi appelés chusmeros et
paveadores. Plusieurs études remarquent leur existence (Comisión de Estudios
sobre la Violencia 1987 ; Ortiz 1991 ; Gómez 1995 ; Minotti-vu Ngoc 2002).
Cependant, nous étudierons le phénomène de tueurs à gages
uniquement à partir du début des années 1980. Ce phénomène naquit entre les
jeunes issus de banlieues populaires, notamment à Medellín. Ils se consolident
dans les quartiers des zones du nord de la ville en liaison avec le Cartel de
Medellín. Selon Salazar, ces jeunes ont trouvé dans la violence, dans le meurtre
212
Selon Ortiz, le terme sicario est utilisé en Colombie non seulement pour designer le
tueur à gages, mais aussi pour nommer le jeune assassin qui agit par sa propre initiative
(Ortiz 1991, p. 66).
181
commandité et dans le trafic de drogue, une possibilité de réaliser leurs
aspirations et de sortir de l’anonymat (Salazar 1992, p. 197). Les conditions de
marginalité de ces quartiers, le chômage, la profusion d'
emplois mal rémunérés
et sans sécurité sociale et la couverture insuffisante du système éducatif,
poussent les jeunes vers les propositions des narcotrafiquants. C’est dans ces
type de quartiers, où la légende de Pablo Escobar, l’un des narcotrafiquants les
plus puissants, est née : « [...] l'
homme qui avait connu la prison, qui depuis très
jeune a été un dur [...] et qui était maintenant face à une affaire clandestine très
grande [...]. En outre, il faisait de la politique, il fréquentait des gens importants et
aidait le peuple » (Cañon 1994, p. 95).213 La lecture que fait Salazar du
phénomène est à cet égard édifiante :
« La création des grands cartels de la drogue à Medellín à partir
de 1975 a coïncidé avec la plus grande récession de l’industrie et de
l’économie antioquiennes ; le trafic de stupéfiants est devenu une option
pour de vastes secteurs de la population, qui ont trouvé là une possibilité
de promotion sociale et économique. Par la suite, la mafia a pris l’aspect
d’un modèle de référence pour les jeunes qui ont découvert là une
manière de réaliser leurs désirs de reconnaissance sociale et de vie aisée
que les options traditionnelles d’étude et de travail leur refusaient
»(Salazar 1992, p. 203).
En outre, ce jeune, face à la société de consommation voit dans l'
acte
illégal le seul canal pour accéder à une vie avantageuse. Le narcotrafic a créé
l'
illusion de l'
enrichissement rapide et le mépris envers le travail ordinaire. Avec
l’argent, le jeune accède à une vie remplie de luxe : voitures, chaînes hi fi,
télévision par câble, et aux monde des marques. Il ne renonce plus à ces objets,
il accédera à eux au travers de l’argent. Le témoignage d’un sicario montre bien
les facteurs qui poussent les jeunes vers les organisations des tueurs à gages :
« [...] on croit que ces manifestations négatives sont uniquement
dérivées de la pauvreté ou de la précarité des conditions de vie. On
prétend oublier qu'
il y a une particularité en nous qui nous incite à aller
au-delà d'
où nous sommes, se distinguer et se placer à la tête d'
un
certain pouvoir, sans importer la réalité ou la validité de celui-ci. La
213
Traduit par nous de : « [...] el hombre que había pagado cana, que desde muy joven
fue un duro [...] y ahora estaba frente a un negocio clandestino muy grande [...]. Además
hacia política, se codeaba con gente importante y ayudaba al pueblo ».
182
prétention est d'
illuminer l'
anonymat avec le brillant du succès »
(Restrepo 1994, p. 133).214
Ce témoignage indique l’impossibilité de s’expliquer le phénomène de
sicarios dans le seul cadre de la pauvreté. Comme l’indique le sociologue Carlos
Miguel Ortiz, pour comprendre le phénomène, il faut penser aux considérations
sociales telles que les problèmes d’appropriation des espaces publics et privés,
l’influence de la rue dans le processus de socialisation et la perception de l’État
et ses institutions parmi ces jeunes (Ortiz 1991, p. 70). Ainsi, le témoignage
montre les conditions de vie de gens des quartiers défavorisés. Il parle d’une ville
exclue et marginalisée, dont l’État est perçu comme l’ennemi et l’accès au
pouvoir est éloigné et abstrait. Pour y accéder il faut faire n’importe quoi. C'
est
l'
attitude d'
une génération qui méprise la politique, et qui ne croit qu’au pouvoir
des armes et de l'
argent. Les bandes de tueurs à gages sont une forme
d'
autogestion économique et de recherche de reconnaissance, où on forge une
identité dans la confrontation au danger et à la mort. La bande de sicarios « se
distingue, en ce sens, de la délinquance professionnelle, amie de l’anonymat et
de la discrétion [...] la puissance née de l’argent et d’une arme est faite pour être
étalée » (Salazar 1992, p. 216). Ils n’ont pas peur de la mort, ils veulent jouir de
l’argent tandis qu’ils sont vivants. « Condamnés à mourir précocement, les
jeunes sicarios font de l’argent le signe de la fugacité de la vie » (Pécaut 1996b,
p. 39).
Les bandes de tueurs à gages « ont engendré une vague de violence
dans leurs propres quartiers. Animés par l'
appât du gain et l'
esprit de
représailles, ils ont semé la terreur auprès des habitant des quartiers » (Minottivu Ngoc 2002, p. 48). Cette violence provient des combats entre les bandes qui
se battent périodiquement pour la possession d'
un territoire, pour venger des
insultes réelles ou imaginaires, pour obtenir des bénéfices économiques par des
moyens illicites, pour venger des morts. Dans un milieu où la vie a une valeur
passagère, les meurtres deviennent un malheur de la vie quotidienne et ils tuent
214
Traduit par nous de : « [...] se cree que estas manifestaciones negativas son
derivadas únicamente de la pobreza o la precariedad de las condiciones de vida. Se
pretende olvidar que hay una particularidad en nosotros que nos incita a ir más allá de
donde estamos, a sobresalir y colocarnos a la cabeza de algún poder, sin importar la
realidad o la validez de éste. La pretensión es iluminar el anonimato con el resplandor
del éxito ».
183
seulement « pour voir tomber » (Salazar 1992, p. 210). Personne n'
est innocent.
L’homicide est accepté comme un mal nécessaire. De ce fait, les quartiers se
transforment, pour leurs habitants, en une carte de zones interdites, étranges et
inconnues, parce que ces groupes sont devenus propriétaires de certains
territoires.215
D’autre part, il a été dénoncé par la population civile l’implication
d’organismes policiers dans les affaires concernant les tueurs à gages (Salazar
1992, p. 201). En outre, le sociologue Ortiz indique que plusieurs jeunes sicarios
ont été d’anciens soldats, au service de Forces Militaires d’Urabá, Magdalena
Medio, nord-est d’Antioquia et Bajo Cauca (Ortiz 1991, p. 77).
Trois autres facteurs sont importants pour comprendre les logiques
d’action des bandes des tueurs à gages : la consommation de drogues, le
sentiment religieux et l’amour à la mère. Selon le témoignage d’un sicario la
consommation de drogues est un composant de l'
identité des bandes. Ils
acceptent que la drogue impose une socialisation spéciale au sein du groupe.
Quand ils sont drogués, ils n'
ont pas de limitations et sont libres de penser et de
vivre dans leur propre monde. Le manque de lucidité, dans certains cas, est la
cause de la violence (Arias et Medina 1995, p. 104). En outre, à Medellín, les
bandes ont été associées à la consommation de la base de coca (bazuco), ce
qui a des effets de dépendance très forts et des implications directes sur les
niveaux de violence exercée par ces jeunes (Ceballos 2000, p. 388).
Le sentiment religieux joue aussi un rôle important dans la mentalité du jeune
sicario. Selon l’anthropologue Virginia Gutiérrez de Pineda dans certaines
régions colombiennes, notamment dans le département d’Antioquia, la religion
ne se présente pas comme un obstacle pour atteindre les objectifs, mais plutôt
comme la force qui inspire la lutte pour obtenir ce qui est voulu (Gutiérrez de
Pineda 2000, p. 384). Dans cette attitude nous pouvons encadrer le
comportement du sicario : un être profondément croyant, qui demande et
remercie le dieu des catholiques, pour le bon déroulement des actions illégales.
215
Pour l’année 1990, 120 bandes de tueurs à gages (environ 3000 jeunes) ont été
identifiées à Medellín et ses alentours (Salazar 1992, p. 199).
184
De cette façon, ces jeunes prient « pour que le coup de poignard ou la balle tirée
se révèlent efficaces » (Salazar 1992, p. 207).216
Enfin, il existe un fort lien avec la mère, laquelle, comme la Vierge est
« synonyme de fidélité, de caractère inconditionnel, de non–exigence de
rétribution » (Salazar 1992, p. 208). Les tueurs à gages commettent leurs crimes
sous les auspices de la mère et de la Vierge. La mère, c’est l’argument grâce
auquel les jeunes justifient leur action : « si ma vieille est à l’abri du besoin, je
meurs tranquille » (Salazar 1992, p. 209).217
Bien que les narcotrafiquants aient joué un rôle fondamental dans la
création et le développement de bandes de tueurs à gages, ce ne sont pas les
seuls à les concevoir et à les user.218 Certains secteurs du monde politique et
social et même des particuliers firent également appel à ces organisations
(Salazar 1992, p. 202). En suivant la proposition proposée par Ortiz, pour le
déroulement des actions des sicarios les affinités idéologiques ne sont pas
nécessairement requises. En effet, il existe un décalage entre les buts des
agents intellectuels et les agents matériels. De ce fait, un même sujet peut être
agent matériel des actes violents de signe politique contraire. Dans ce cas, on
observe à nouveau, comment la violence politique se confond avec des autres
violences (Ortiz 1991, p. 68).
216
Plusieurs auteurs ont remarqué les forts liens existants entre violence, narcotrafic et
religion (Salazar 1990 ; Jaramillo et Salazar 1992 ; Vallejo 1997 ; Franco 1997). À cet
égard, voir aussi mon travail de recherche de l’année 1999 (indiqué dans la bibliographie)
sur les rapports entre violence et religion dans le quartier Castilla de Medellín. De même
les films « La vierge de tueurs », mis en scène par Barbet Schoeder depuis le roman de
Fernando Vallejo et « Rosario Tijeras », mis en scène par Emilio Maillé depuis le roman
de Jorge Franco ont rendu ce phénomène plus visible.
217
« La mère, qui aime quoi qu’il arrive, est celle pour laquelle ils acceptent de mettre
leur vie en jeu afin de lui laisser au moins une somme d’argent qui la sorte de sa misère,
grâce au prix de leur “travail”. La Vierge, qui pardonne tout, est celle auprès de laquelle
l’on vient se recueillir avant le meurtre, que l’on porte en effigie sur soi pour être protégé
dans l’action, que l’on vient remercier si l’on a réussi » (Pécaut 1996a, p. 263).
218
Il convient de préciser que toutes les bandes ne se sont pas créées avec l’essor du
narcotrafic. Les demandes des narcotrafiquants ont aussi trouvé réponse dans des
bandes de la délinquance déjà établies à l'
avance, et qui se sont transformées en tueurs
à gages à leur service (Camacho 2004, p. 7).
185
Dans les études de cas de Medellín et Barrancabermeja, nous allons
parler des bandes qui opèrent dans les différents quartiers des villes et leur
liaison avec les grands protagonistes du conflit armé national (relations qui
combinent la association, la concurrence et l’antagonisme). Néanmoins, dans
l’actualité, la majorité de ces bandes agissent indépendamment du trafic de
drogue. Dès le début des années 1990, pour assurer le financement de leurs
nécessités, les bandes se sont tournées vers d'
autres activités (l'
assaut de la rue,
le vol de voitures, banques et corporations financières, le racket des
commerçants, magasins, ateliers et bus de service public). Même si actuellement
les bandes développent leurs activités selon leurs propres intérêts, on voulait
remarquer dans cette section les logiques d’action des organisations de tueurs à
gages. En effet, le lien entre trafic de drogue et sicarios a marqué une mode de
vie dit de « l’argent rapide » et de la mort. De ce fait, la force des armes et la
terreur sont devenus l’espace de socialisation du quotidien et la violence exercée
par ces organisations a fortement affecté la société civile, notamment à Medellín.
4. Les paramilitaires illégaux ou autodéfenses
D’abord, il convient de préciser l’utilisation des mots paramilitaires et
autodéfenses dans ce texte. Quelques études indiquent que le mot autodéfense
dénote un phénomène spontané de protection créé par les citoyens devant
l'
absence d'
État, ayant pour but le maintien du territoire sans prétention
d’expansion à d’autres régions. Quant au mot paramilitaire, il suggère un corps
de combat parallèle aux Forces Militaires qui dans certains cas profitent de la
connivence des agents de l'
État et font des opérations de « nettoyage » politique
et de consolidation militaire, préalables à l’emprise territoriale d'
un secteur. C'
està-dire, la différence est située dans le caractère défensif des autodéfenses et
combatif de l’organisation paramilitaire (Romero 2002b, p. 285 ; PNUD 2003, p.
29).
Dans ce texte nous utiliserons les mots paramilitaire et autodéfense
comme synonymes étant donné que les différences initiales entre les uns et les
autres ont été réduites, et due à la difficulté d’établir à quel titre se font les
activités actuelles de ces organisations. D’après Romero « [...] la différence a
perdu son pouvoir descriptif dans la moitié des années quatre-vingt-dix, quand
186
les différents groupes ont coïncidé, dans la théorie ou dans la pratique, avec des
secteurs des forces de sécurité, que le conflit armé serait résolu à travers leur
forces militaires combinées » (Romero 2003, p. 36-37). 219
Dans cette section nous évoquerons quelques aspects remarquables de
la création et développement des groupes paramilitaires et nous parlerons du
processus de négociation qu’ils ont entamé pendant le gouvernement d’Álvaro
Uribe Vélez. Par la suite nous ferons référence à leur présence dans les
métropoles.
4.1 Entre l'
avidité et le désespoir : naissance et consolidation des
paramilitaires
Les paramilitaires illégaux ou autodéfenses naissent et se consolident
dans la décennie des années 1980 comme défense de ceux qui possédaient un
capital économique important, pour se protéger contre les menaces des
organisations guérilleras.220 Face à l'
incapacité de l'
État de contenir la croissance
de la guérilla, et victime directe des enlèvements et des actes violents, un
secteur minoritaire de la société « [...] prend la détermination de mettre en
marche une série d'
organisations destinées à faire face à la guérilla en utilisant
des méthodes et des tactiques, comme le meurtre hors combat et l'
exil, copiés
219
Traduit par nous de : « [...] la diferencia perdió su poder descriptivo a mediados de los
años noventa, cuando los distintos grupos coincidieron, ya fuera en la teoría o en la
práctica, con sectores de las fuerzas de seguridad en que el conflicto armado se
resolvería a través de sus fuerzas militares combinadas ».
220
Les groupes des paramilitaires des années 1980 et suivants sont considérés comme
illégaux. Néanmoins dans une période antérieure, ils ont reçu le support officiel de l’État.
En 1968, selon la Loi 48, il est déclaré comme partie de la législation le Décret 3398 de
1965. Ce décret établissait que tous les colombiens pourraient être utilisés par le
gouvernement dans des activités pour le rétablissement de la normalité. Le décret
indiquait que, quand il l'
estimerait nécessaire, le Ministère de la Défense Nationale,
pourrait permettre l’utilisation des armes aux particuliers, lesquelles, en condition de
normalité, sont considérées comme d'
utilisation exclusive des Forces Armées. En 1989,
au travers du Décret 0815, le gouvernement colombien a suspendu l'
application des
dispositions mentionnées afin d'
éviter qu'
elles fussent interprétées comme une
autorisation légale pour organiser des groupes civils armés (CIDH 2004, art. 53). En
outre, en juin 1989 le gouvernement a promulgué le Décret N° 1194 qui établit des
peines à ceux qui financent ou promeuvent des groupes paramilitaires (Reyes 1991, p.
46).
187
de la même guérilla » (Francisco 2003, p. 7).221 Selon le PNUD le paramilitarisme
naît principalement de l'
avidité ou du désespoir :
« De l'
avidité, quand la guérilla entre à contester la richesse
d'
industries protégées par des armées privées (trafic de drogue,
émeraudes) ; du désespoir, quand les propriétaires de la zone ne
trouvent pas une autre manière de faire face à la guérilla ou quand le
militaire conclut que, dans le cadre de la loi, il n'
est pas possible de
vaincre les guérillas » (PNUD 2003, p. 59).222
Ces groupes de justice privée établis par des éleveurs, propriétaires
fonciers,
industriels,
223
narcotrafiquants,
trafiquants
d’émeraudes
et,
notamment
des
sont passés de la défense de leurs terres au développement
de toute une stratégie de guerre contre les forces subversives et leur sphère
sociale d’influence (Gómez 1995, p. 101). Composés d’ex-guérillas, ex-membres
de la Force Publique et campagnards, ils se sont rendus très efficaces pour
combattre leur ennemi. En effet, le manque de desseins politiques visibles des
organisations guérilleras explique que « [...] beaucoup de guérilleros aient pu
abandonner la lutte, passer au service des narcotrafiquants ou de la délinquance
commune et, souvent aussi, rallier l’autre côté, celui des paramilitaires.
Innombrables sont les chefs des paramilitaires qui ont fait leurs premières armes
dans la guérilla » (Pécaut 1996b, p. 44).
L’expansion territoriale des paramilitaires se développe à travers
l’expropriation à la force des campagnards pauvres et le déplacement de la
population civile. Ils réalisent des coalitions légales avec des propriétaires qui
leur donnent de la légitimité et supportent leurs actions (Camacho 2004, p. 12).
221
Traduit par nous de : « [...] toma la determinación de poner en marcha una serie de
organizaciones destinadas a enfrentar a la guerrilla utilizando métodos y tácticas, como
el asesinato fuera de combate y el destierro, copiados a la misma guerrilla ».
222
Traduit par nous de : « De la codicia, cuando la guerrilla entra a disputar la riqueza de
industrias protegidas por ejércitos privados (narcotráfico, esmeraldas) ; de la
desesperación, cuando los propietarios de la zona no encuentran otro modo de enfrentar
a la guerrilla o cuando el militar concluye que dentro de la ley no es posible derrotar a la
insurgencia ».
223
Les narcotrafiquants sont devenus les plus gros propriétaires fonciers de la Colombie.
On calcule qu’en 1998 ils avaient acquis quatre millions d'
hectares des meilleures terres
du pays (Pécaut 2001, p. 169).
188
« Pendant les années 1980 les paramilitaires se situèrent là où les
narcotrafiquants avaient acheté de grandes fermes et par la suite vers
des régions d’agriculture et d’industrie minière prospères pour rivaliser
avec les guérillas pour la richesse. Dans les années 1990, ils sont
parvenus à imposer leurs règles sur le département de Córdoba et la
région d’Urabá, où ils ont formé les Autodefensas Unidas de Córdoba y
Urabá (ACCU) ; dans le nord-est d'
Antioquia où ils ont créé le
mouvement Muerte a Revolucionarios del Nordeste ; dans la Sierra
Nevada de Santa Marta dans le Magdalena et au sud, dans les
départements de Meta, Caquetá, Guaviare et Putumayo » (PNUD 2003,
p. 59).224
En 1981, ils ont conformé le MAS (Muerte a Secuestradores) dont
l'
objectif était d'
éliminer les délinquants communs et guérilleros responsables
d’extorsions et d’enlèvements.225 La création de cette organisation est la réponse
à l’enlèvement, par le M-19, de Marta Nieves, soeur des Ochoa, membres du
Cartel de Medellín. Par la suite plusieurs membres du M -19 ont été kidnappés,
quelques dirigeants syndicaux de Medellín ont été assassinés de même que les
intégrants de l’Unión Patriótica. Le MAS a marqué la disparition quasi-totale du
M-19 à Medellín (Camacho 1998, p. 119). Le Procureur Général de la Nation a
dénoncé l'
existence de plusieurs de ces organisations ainsi que la participation
de quelques membres des Forces Armées parmi elles (Camacho 1998, p.
120).226 Ceci a marqué une tendance déterminante dans la montée du
paramilitarisme dans le pays.
Enfin, dans leur projet antisubversif, les paramilitaires ont expulsé les
guérillas de quelques zones. Cependant, au nom de la lutte contre les guérillas,
224
Traduit par nous de : « Durante los años ochenta el movimiento paramilitar se
desplegó primeramente hacia otras regiones donde narcotraficantes habían comprado
grandes haciendas y luego hacia regiones de bonanza agrícola o minera para disputarles
la riqueza a las guerrillas. Hacia fines del decenio se había extendido a Córdoba y
Urabá, donde formó las Autodefensas Unidas de Córdoba y Urabá (ACCU) ; al
nororiente antioqueño, donde creó el movimiento Muerte a Revolucionarios del Nordeste;
al Magdalena, alrededor de la Sierra Nevada de Santa Marta ; y hacia el sur, en Meta,
Caquetá, Guaviare y Putumayo ».
225
Dans la ville de Cali un avion de tourisme a jeté des volants dans lesquels la mafia
faisait connaître à l'
opinion publique qu’elle avait décidé d’organiser une force
paramilitaire pour tuer les kidnappeurs (Camacho 1998, p. 119).
226
L’historien Augusto Gómez souligne la participation de 59 militaires dans la
conformation du MAS (Gómez 1995, p. 101-106).
189
ils ont aussi éliminé des membres de mouvements populaires de type sociaux et
politique (Romero 2002b, p. 277).
Pour le politologue Mauricio Romero nous trouvons les antécédents de
groupes paramilitaires dans les éléments mentionnés ci-dessus. C'
est-à-dire
dans la réponse armée des propriétaires fonciers et narcotrafiquants aux
menaces de la guérilla, et le développement d’une stratégie antisubversive avec
la collaboration de membres des Forces Armées. Néanmoins, pour l’auteur, les
paramilitaires ont consolidé un mouvement de restauration du statut quo rural.
Ce mouvement s’oppose à toute tentative de réforme capable d’affecter les
structures traditionnelles dans la campagne. Cela veut dire que l’auteur place les
paramilitaires comme un groupe d’opposition à toute réforme ou négociation qui
tente de distribuer le pouvoir et la richesse dans le secteur rural et ce qui par la
suite donnerait aux insurgés l’accès aux systèmes politiques régionaux (Romero
2002b, p. 276 et 290). Dans cette optique, les paramilitaires sont passés de
gardiens des propriétés acquises par les narcotrafiquants, à la coopération avec
les forces de sécurité de l'
armée, pour éliminer les civils liés aux fronts électoraux
de la gauche. Ils ont commencé ensuite à faire partie d'
un projet plus vaste de
reconstruction de l'
ordre rural (Romero 2002b, p. 285).
Le contexte de ce virement dans les objectifs des paramilitaires, d’après
Romero, commence dans le cadre des négociations de paix de 1982 entre le
gouvernement et les guérillas, et ensuite avec la décentralisation et la première
élection populaire de maires en 1987. Les militaires mécontents des politiques de
paix ont cherché l’appui des élites régionales et des narcotrafiquants harcelés
par l'
extraction de ressources des guérillas. Ces personnes là, étaient favorables
à soutenir politiquement et financièrement les groupes paramilitaires (Romero
2002b, p. 290).227
L’élimination de plus de 1500228 membres de l'
Unión Patriótica (UP) par
les paramilitaires est un exemple de leur projet de conservation du statut quo.
227
Le mécontentement des militaires avec la politique de paix du gouvernement Betancur
a été aussi souligné par Alejandro Reyes dans son article de 1991 « Paramilitares en
Colombia : contexto, aliados y consecuencias ».
228
Comme nous l’avons déjà indiqué le nombre de membres de l’Unión Patriotica
assassinés reste inconnu et oscille entre les différents auteurs entre 1.500 et 4.500
190
L’UP, comme nous l’avons mentionné, était un parti politique de gauche créé en
1985 dans le cadre de processus de paix du gouvernement de Belisario
Betancur (1982-1986). Il était composé par des membres du parti communiste,
quelques mouvements régionaux de gauche et notamment des membres des
FARC-EP. Selon Pécaut, en « se servant des paramilitaires, les militaires se
donnaient les moyens de livrer à bon compte “la guerre sale” » (Pécaut 1996b, p.
35). La participation expresse ou tacite des membres de la Force Publique dans
cette élimination a été remarquée à plusieurs reprises (Gómez 1995, Pécaut
1996b, Camacho 1998, Romero 2002b). D’après les membres de l’UP, le
meurtre de ses membres a été, avant tout, une réponse à leurs dénonciations
sur les liens politiques et économiques entre les trafiquants de drogue et
quelques commandes militaires et propriétaires fonciers. Ils dénoncent de même
une alliance d'
extrême droite qui cherche à annuler les processus d'
ouverture
politique du pays (Camacho 1998, p.130). De ce fait, les paramilitaires ont
empêché que les adhérents de formes légales de participation publique puissent
récolter les bénéfices d'
une mobilisation politique (Romero 2002b, p. 275).
Au début des années 1990, l’articulation et l’expansion des paramilitaires
marquent un accroissement de la confrontation armée dans le pays. Pour
l’époque les paramilitaires ont déjà établi des étapes dans la forme de conquête
de territoires :
« Un premier moment d’incursion militaire, massacres et
« ramollissement » des possibles appuis civils et sociaux de la guérilla,
afin de l'
isoler et lui couper tout lien avec la population. Un second
moment de consolidation, repeuplement et initiatives économiques avec
l'
appui d'
élites locales désaffectés des insurgés, et une troisième étape de
légitimation du nouvel ordre à partir d'
investissements étatiques et
privés » (CINEP 1997 cité par Romero 2002b, p. 291). 229
personnes.
229
Traduit par nous de : « Un primer momento de incursión militar, masacres y
“ablandamiento” de los posibles apoyos civiles y sociales de la guerrilla, con el fin de
aislarla y cortarle cualquier nexo con la población. Un segundo momento de
consolidación, repoblamiento e iniciativas económicas con el apoyo de élites locales
desafectas de los insurgentes, y una tercera etapa de legitimación del nuevo orden a
partir de inversiones estatales y privadas ».
191
Carte N° 3 : Distribution spatiale d'
actions violentes effectuées par les autodefenses, pendant
la période 1995-2002.
Source : Dane, Marco Geoestadístico Nacional. Observatorio de Violencia –Presidencia de la
República. Consulté en PNUD - PROGRAMA DE NACIONES UNIDAS PARA EL
DESARROLLO. 2003. El conflicto callejón con salida : informe nacional de desarrollo humano
para Colombia. Bogotá. p. 62. [réf. du 2006-01-06]. Disponible sur Internet :
http://indh.pnud.org.co/informe2003_.plx?pga=CO3tablaContenido&f=1152459998
192
Carte N° 4 : Présence paramilitaire 2002.
Source : PNUD - PROGRAMA DE NACIONES UNIDAS PARA EL DESARROLLO. 2003.
El conflicto callejón con salida : informe nacional de desarrollo humano para Colombia.
Bogotá. p. 63. [réf. du 2006-01-06]. Disponible sur Internet :
http://indh.pnud.org.co/informe2003_.plx?pga=CO3tablaContenido&f=1152459998
Les paramilitaires se financent par les ressources provenant du trafic de
drogue, par l’extraction des ressources aux élites rurales et urbaines et par
l’appropriation des budgets régionaux et locaux de l'
État (Ministerio de Defensa
2000 cité par Romero 2003, p. 55). En effet, selon Duncan, les paramilitaires ont
corrompu la classe politique locale et par la suite ont défini une grande partie des
193
législateurs. Plus tard, ils gagnent le contrôle sur quelques membres de la
branche judiciaire et des Forces Armées. Ainsi, ils garantissent que la structure
politique assure la viabilité du trafic de drogues et d’autres économies extractives
dans leurs régions d’emprise. Voire, les chefs paramilitaires, Salvatore Mancuso
et Vicente Castaño, ont souligné leur contrôle sur 35% de l’assemblée législative,
dans des entretiens accordés aux médias (Duncan 2005b, p. 24).
Par ailleurs, il est également remarquable comme quelques propriétaires
fonciers et politiciens ont vu dans les autodéfenses une option de défense
légitime face à l’agression des guérillas. Cette vision a donné lieu en 1995 à la
création des coopératives de sécurité « Convivir », lancées par le gouverneur
d’Antioquia de l’époque, l’actuel Président de la République.230 Ces organisations
privées de surveillance, information et sécurité rurale ont été conçues pour
regagner l’ordre public grâce à la coopération entre secteurs des propriétaires et
les Forces Armées. Bien qu’il ait été dit qu’elles consistaient en un réseau
d'
intelligence dirigé par des civils et en coordination avec les Forces Militaires,
dans diverses régions du pays leurs membres ont été responsables de meurtres,
port d'
armes exclusifs de Forces Militaires, kidnappings et protection aux
narcotrafiquants (Romero 2005, p. 5). Devant l'
impossibilité des autorités
centrales de surveiller le fonctionnement de ces associations, le type d'
armement
qu'
ils utilisaient et les tâches qu'
ils effectuaient, elles pouvaient devenir des
groupes paramilitaires autorisés par la loi. Finalement, en 1997, la Cour
Constitutionnelle a déclaré ces associations inconstitutionnelles (Romero 2002b,
p. 273 et 287).
D’autre part, en 1994 quelques groupes de paramilitaires s’unissent dans
les Autodefensas Unidas de Córdoba y Urabá (ACCU). Par la suite, en 1997,
sous le commandement de Carlos Castaño, naissaient les Autodefensas Unidas
de Colombia (dorénavant AUC).231 Les AUC sont une organisation paramilitaire
illégale qui a pour but de réunir dans un organisme semi centralisé les groupes
paramilitaires préexistants en faveur de la lutte anti-communiste. D’après ses
230
Les organisations Convivir ont été répandues dans tout le pays. Il y a eu plus de 400
Convivir, notamment en Santander, dans lesquelles environ 2000 ex-fonctionnaires des
Forces Armées étaient employés (Romero 2003, p. 103).
231
Site Internet AUC : http://www.colombialibre.org/
194
promoteurs, ce front politique militaire opère en « défense de la propriété privée
et de la libre entreprise » et offre son modèle de sécurité à des propriétaires
touchés par la guérilla (Romero 2002b, p. 287). Plusieurs groupes restent encore
hors de la structure des AUC mais cette organisation est la plus répandue en
Colombie. En 2002, les AUC étaient composées par six groupes : a)
Autodefensas Unidas de Córdoba y Urabá, b) Autodefensas Campesinas de los
Llanos
Orientales, c) Autodefensas Campesinas
de
Cundinamarca, d)
Autodefensas Campesinas de Casanare, e) Autodefensas Campesinas de
Santander y el sur del Cesar, f) Autodefensas Campesinas del Magdalena Medio
(Romero 2002b, p. 285). Elles sont commandées actuellement par Salvatore
Mancuso. Outre cela, les AUC ont adopté un discours idéologique. Elles veulent
être validées comme projet politique et réclament les transformations de l'
État.
Elles exigent une réforme agricole, une réforme urbaine et d’autres mesures de
redistribution de ressources (PNUD 2003, p. 42).
Sous le premier gouvernement d'
Álvaro Uribe Vélez (2002-2006), on est
face à un processus de démobilisation et soumission à la justice des
Autodefensas Unidas de Colombia (AUC), du Bloque Central Bolívar (BCB),232 et
de l’Alianza Oriente, composé par les Autodefensas Campesinas de Casanare et
les Autodefensas de Meta y Vichada. À la fin de l’année 2002, les différents
groupes ont accepté une cessation d'
hostilités comme condition pour une
négociation avec le gouvernement. Les négociations ont été effectuées
principalement à Santa Fé de Ralito, municipio de Tierralta dans le département
de Córdoba. Celles-ci ont donné comme résultat la démobilisation de 31.671
personnes entre 2002 et le mois d’août 2006 (Alto Comisionado para la Paz
2006). Le cadre juridique pour le processus de démobilisation des paramilitaires
a donné lieu à la promulgation de la Loi 975 de 2005, plus connue comme « Loi
de Justice et Paix », laquelle peut être aussi utilisée dans des processus de
démobilisation de groupes partisans.
Après la démobilisation, il y a eu une chute de l'
indice d'
homicides au
niveau national. De 28.837 homicides en 2002, on est passé à 23.214 en 2003 et
232
Le Bloque Central Bolívar, a consolidé aussi un projet national, on s’insérant dans le
territoires stratégiques pour le trafic de drogues, dans un effort de neutraliser les FARCEP dans cet aspect.
195
à 20.167 en 2004 (DIJIN cité par PNUD 2005a, p. 2). En 2005, l’indice atteint le
nombre de 18.111 et en 2006 de 17.209 homicides (Emisora del Ejército de
Colombia 2007, p. 1) Selon Romero, bien que cette diminution en termes
d'
homicides ne soit pas directement due aux négociations avec les groupes
paramilitaires et les démobilisations, il est évident qu’elles ont eu un effet
important dans la chute des indicateurs (Romero 2005, p. 6).
Néanmoins, et malgré leurs déclarations, les paramilitaires n’ont pas
accompli totalement leur accord de cessation au feu. Quelques rapports des
organismes internationaux et de défense des droits de l’homme indiquent que,
pendant les négociations, l'
influence des paramilitaires a augmenté dans
quelques régions (notamment dans la côte atlantique, Santander, Norte
Santander, quelques régions cafetières, Antioquia et les plaines orientales). Ils
sont encore responsables des meurtres, disparitions, détournements de fonds
publics, intimidation armée à des autorités locales, kidnappings et déplacement
de population civile (Amnistie Internationale 2005 ; Defensoría del Pueblo 2005 ;
Comisión Colombiana de Juristas 2006 ; Policía Nacional 2006).233
Pour la fin de l’année 2004, la Defensoría del Pueblo avait recensé 342
cas de violations à la cessation d'
hostilités, tandis que la Comisión Colombiana
de Juristas a responsabilisé les paramilitaires de 2.000 décès entre décembre
2002 et le 28 février 2005. En 2006, les cas dénoncés par cette Commission
s'
élèvent à 3.004 (Comisión Colombiana de Juristas 2006). En outre, les
autorités ont confisqué l’ordinateur du chef paramilitaire Rodrigo Tovar alias
Jorge 40 et le Procureur Général de la Nation a présenté un rapport final sur son
contenu. L’information de l’ordinateur indique que les paramilitaires ont
assassiné 558 personnes dans le département de l’Atlántico pendant le
déroulement du processus de paix (El Tiempo, 7 octobre 2006).234
233
La Police Nationale a établi que 536 démobilisés ont été capturés pour différentes
infractions : 126 pour port illégal d'
armes, 70 pour homicide, 42 pour des atteintes à
l'
intégrité de la personne, 11 pour conformation de bandes de délinquance, 37 pour
concert pour la commission d’un délit, 44 pour le trafic de stupéfiants, 30 pour extorsion,
29 pour vol, 30 pour des dommages dans des biens d’autrui et 117 pour d'
autres
infractions. De même 236 démobilisés ont été assassinés et 39 ont été gravement
blessés (Policía Nacional 2006).
234
En outre, l'
information de l’ordinateur révèle les routes du trafic de drogues utilisées
par l'
organisation pour porter la coca en Europe et aux États-Unis et la relation avec des
membres de la Police Anti -Narcotique de Colombie et la Garde Nationale Vénézuélien.
196
Nonobstant, le bureau du Haut Commissariat de Paix a rejeté ces
données. Ce bureau a enregistré seulement 252 décès (pour cause des acteurs
participant à la démobilisation) pendant toute la durée du processus (El Tiempo,
19 octobre 2006c).
En outre, la corruption des politiciens par les paramilitaires est aussi
devenue une affaire plus visible, après le processus de démobilisation. Le journal
El Tiempo235 a souligné les accords qui ont été signés entre les paramilitaires et
la classe politique de la côte atlantique, et plusieurs députés ont été appelés par
la Cour Suprême pour clarifier leur liens « supposés » avec les paramilitaires (El
Tiempo, 26 novembre 2006).
D’autre part, le fait de la démobilisation de 31.671 membres des
autodéfenses entre 2002 et le mois d’août 2006 est assez paradoxal, parce que
selon les estimations de 2003 du DNP (Departamento Nacional de Planeación)
le nombre de membres des AUC n’était que de 10.500 personnes pour l’année
2001 (PNUD 2003, p. 84). De même, selon la Présidence de la République en
2004 les paramilitaires n’avaient que 13.500 hommes (Vicepresidencia de la
República 2002a, p. 15). On doit ajouter à cela les 1.424 membres de
paramilitaires tués au combat pendant les trois premières années du
gouvernement d’Uribe (Fundación Seguridad y Democracia, s.d. (b)). De ce fait,
on se demande qu’elle est la véritable identité des personnes faisant parti de ces
accords. Les autodéfenses invoquent que toutes ces personnes en plus font parti
de l’organisation non armée. Néanmoins, il est évident que les bénéfices
consacrés par la « Loi de Justice et Paix » conviennent aux narcotrafiquants qui
se font passer pour des membres des autodéfenses. De ce fait, ils bénéficient de
la non-extradition aux États Unies.236 En effet, Carlos Castaño, dirigeant initial de
De même, elle mentionne des organismes de l'
État sous l’emprise paramilitaire et
mentionne des fonctionnaires de l'
État qui font partie de l’organisation (quatre sénateurs
et plusieurs députés de Sucre, entre autres) (El Tiempo, octobre 7 de 2006).
235
El Tiempo est le journal le plus repandu en Colombie. Site Internet :
http://www.eltiempo.com/
236
C’est le cas de Víctor Manuel Mejía Múnera, Miguel Ángel Mejía Múnera, Francisco
Javier Zuluaga Lindo, Ramiro Vano, qui ont actuellement ordre de capture pour trafic de
drogue, mais qui se font passer pour des membres des autodéfenses et sont ainsi
couverts par les accords de Justice et Paix (El Tiempo, 26 août 2006a).
197
processus de paix et le plus connu des membres des paramilitaires, a été
assassiné par ses propres collègues, parce qu’il allait dénoncer les
narcotrafiquants déguisés en paramilitaires (El Tiempo, 26 août 2006c).
Finalement, en octobre 2006, dans l’ordinateur de « Jorge 40 » confisqué par les
autorités, il y avait des courriers électroniques dans lesquels le chef paramilitaire
indiquait à ses hommes qu'
ils devaient chercher et recruter des civils pour la
démobilisation. Les civils devaient être préparés pour le jour de la
démobilisation : ils devaient chanter l'
hymne des AUC et répondre de façon
cohérente aux questions des autorités gouvernementales (El Tiempo, 7 octobre
2006).237
Les négociations de paix n’ont toujours pas abouti. Il est en effet difficile
de tirer des conclusions satisfaisantes sur le processus actuel de démobilisation
des groupes paramilitaires. Les chiffres qui évaluent ce processus sont
dissemblables et varient suivant la source d'
information. On remarque finalement
que la disparition du phénomène, avec toutes ses implications pour la population
civile dans les zones de contrôle, paraît encore éloignée.
4.2 Les paramilitaires en ville : les « restaurateurs » de l'
ordre social
Dans l'
étude Colombia : violencia y democracia de 1987, qui définit les
types de violence présentes dans le pays, les paramilitaires sont placés dans la
modalité de violence définie comme :
« Violence de particuliers organisés qui recourent à l'
élimination
physique tant d'
auxiliateurs présumés de groupes armés comme de
subversifs de l'
ordre moral. Ils ont signification spéciale dans quelques
villes du pays et leur violence est dirigée contre les homosexuels, les
prostituées, les ex-prisonniers, les fournisseurs de drogue et autres
citoyens qu'
ils considèrent les tares de la société. Ils opèrent surtout au
travers des escadrons de la mort » (Comisión de Estudios sobre la
Violencia 1987, p. 20).238
237
Dans le même contexte, il est aussi remarquable que les autodéfenses, selon le site
Internet du bureau du Haut Commissariat de Paix ont rendu seulement 17.564 armes au
30 avril 2006.
238
Traduit par nous de : « Violencia de particulares organizados que recurren a la
eliminación física tanto de presuntos auxiliadores de grupos alzados en armas como de
subversores del orden moral. Tienen especial significación en algunas ciudades del país
198
De nos jours il est clair que la scène principale des activités de ces
groupes correspond plutôt à la campagne, mais on apercevait leur présence
dans les villes depuis la décennie des années 1980.
Les AUC, créées en 1997, reprennent l'
idée de créer des fronts dans les
villes. Elles se sont établies notamment à Barrancabermeja, Medellín,
Bucaramanga et Cúcuta (Revista Semana 2006b). Elles agissent dans certains
quartiers pour couper les fronts des guérillas et s’approprier des couloirs d'
accès
et de secteurs de territoire privilégiés dans la guerre. Leur stratégie est la
rapprochement ou l'
alliance avec des bandes de délinquance sous l’insigne de
libérer la population de l'
oppression exercée par les milices. Pour ceci, ils se
servent de leur pouvoir coercitif et financier et consolident des zones d’emprise
sociale, politique et économique dans la scène urbaine. Pour l’obtention de
ressources, les paramilitaires utilisent quelques méthodes de bandes de
délinquance : ils effectuent de l'
extorsion, du kidnapping et de piquets afin de
contrôler le transit de personnes et d'
armements. Ils ont aussi d’autres stratégies
telles que l'
infiltration de ses hommes comme employés de familles de hautes
strates239 et dans des compagnies de surveillance privée, pour accéder à
l'
information sur le transport des valeurs, la banque et les secteurs commerciaux
(Table ronde Medellín, 27 juin 2003). Néanmoins leur front de financement
principal est le narcotrafic. Ils ont établi des réseaux avec les mafias et les
bureaux du narcotrafic dans les différentes villes.240
Ils se présentent dans la ville comme les « restaurateurs » de l'
ordre
social et commencent à contrôler de petites portions de territoire, où la violence
y se dirige contra homosexuales, prostitutas, exconvictos, expendedores de droga y
otros ciudadanos que consideran lacras de la sociedad. Opera sobre todo mediante los
escuadrones de la muerte ».
239
Les strates (couches) socioéconomiques en Colombie vont depuis 1 (la plus pauvre)
et 6 (la plus élevée). La classification des îlots repose sur l’application de critères qui
rendent compte de la qualité des constructions et de la voirie. Cette stratification est
utilisée pour moduler les tarifs des services publics en fonction du niveau de vie des
habitants (Dureau et al 2004, p. 335-336).
240
À propos du financement des paramilitaires dans les villes voir : DUNCAN, Gustavo.
2005a. Del campo a la ciudad en Colombia : la infiltración urbana de los señores de la
guerra. Bogotá : Universidad de los Andes - CEDE. 85 p.
199
est l'
instrument principal de contrôle social.241 Parfois les paramilitaires exercent
ce qu'
Astrid Téllez a appelé violence para-institutionnelle, définie comme :
« [...] celle qui a pour but de garantir, compléter et supplémenter le
fonctionnement adéquat de la société, quand l'
État n’est pas dans des
conditions de le faire, par les limitations qu’il a dans tous les ordres.
Para-institutionnelle dans la mesure dont elle s’accorde aux objectifs de
l'
ordre existant et elle s’engage avec le soutien de l'
organisation
institutionnelle » (Téllez 1995, p. 46).242
Mais leur soutien à l’institutionnalité n’est pas toujours constant. En effet,
ils oscillent entre la coalition avec les autorités publiques et l’affrontement. Dans
ce contexte, la violence est exercée contre tous ceux qui s’opposent à leurs
objectifs. Avec la présence des paramilitaires en ville on constate que les
métropoles ne constituent plus des refuges, « même si les principaux
protagonistes armés n'
y sont pas ouvertement installés, ils y entretiennent des
réseaux clandestins ou y disposent de relais » (Pécaut 2000, p. 128).
Dans les études cas de Medellín et Barrancabermeja, nous allons
préciser les activités des paramilitaires en ville, notamment à travers les traces
des personnes déplacées.
5. Brève note sur le rôle des médias face au conflit armé
En Colombie l’exercice journalistique traverse plusieurs contraintes. La
situation difficile des journalistes dans le pays est rendue évidente dans les
rapports de l'
ONU sur les droits humains. Ce bureau affirme avoir reçu plusieurs
plaintes de journalistes et de communicateurs sociaux qui ont manifesté que leur
travail est effectué dans un climat de censure indirecte, intimidation et entrave à
l'
information véridique. Beaucoup d’entre eux ont été menacés par les acteurs du
conflit (paramilitaires, guérillas voire quelques agents de la Force Publique) et
241
Selon la Defensoría d’Antioquia, les activités des autodéfenses dans les villes sont
marquées principalement par les disparitions et les déplacements forcés (Defensoría del
Pueblo et UNHCR 2004, p. 42).
242
Traduit par nous de : « [...] aquella que tiene por objeto garantizar, complementar y
suplementar el adecuado funcionamiento de la sociedad, cuando el Estado no está en
condiciones de hacerlo, por las limitaciones que tiene en todos los órdenes.
Parainstitucional en la medida de que es afín a los objetivos del ordenamiento existente y
se compromete con el auxilio de la organización institucional ».
200
quelques acteurs non identifiés. Ces faits ont contribué à des pratiques
d'
autocensure en ce qui concerne les sujets délicats sur le conflit et la violence
(ONU 2005).
En 2001, le journaliste Germán Ortiz soulignait que les crises des médias
en Colombie étaient corroborées, entre autres, quand le pays occupait pour la
huitième fois consécutive la première place dans le monde concernant les
journalistes assassinés. Entre 1990 et 2000, quarante-sept journalistes ont été
assassinés dans le pays (G. Ortiz 2001). En outre, selon un éditorial récent du
journal El Tiempo « [...] les crimes contre les journalistes lors des 20 dernières
années ont été accompagnés d'
un phénomène aberrant et scandaleux qui d'
une
certaine manière les encourage : une impunité qui dépasse les 90 pour cent » (El
Tiempo, 17 décembre 2006).243 Dans ce contexte de violation des droits humains
des journalistes, le Programme de Protection des Journalistes et des
Communicateurs Sociaux a été crée en 2000. La fonction de ce programme est
de protéger les professionnels de l'
information qui risquent leur vie, leur intégrité
personnelle, leur sécurité et leur liberté en raison de la violence politique et du
conflit armé que le pays vit (Presidencia de la República 2000). En outre, la
Defensoría del Pueblo a promulgué en mai 2003 une Resolución Defensorial
dans laquelle elle rassemble des cas de menaces, kidnappings, attentats,
meurtres et agressions aux journalistes en Colombie pendant l'
année 2002 et les
premiers mois de 2003. La résolution montre les normes du droit international
humanitaire et les normes internationales des droits humains applicables dans
ces cas, et offre des recommandations pour prévoir et gérer ces situations dans
le futur (Defensoría del Pueblo 2003d).
Par ailleurs, nous pouvons dire, à l’instar de Peralva et Macé, que
« [...] la violence n’existe pas indépendamment de la manière dont elle est
décrite et qualifiée dans le débat public » (Peralva et Macé 2002, p. 10). De ce
fait, vu le rôle crucial des médias face à l’utilisation de l'
information sur le conflit
armé et le constat de l’interdépendance entre le traitement journalistique des
243
Traduit par nous de : « [...] los crímenes contra periodistas en los últimos 20 años han
estado acompañados de un aberrante y escandaloso fenómeno que de cierta forma los
alienta : una impunidad que supera el 90 por ciento ».
201
violences et le débat public sur ces mêmes questions, en 1999, trente cinq
directeurs de médias de tout le pays ont signé un accord pour la discrétion sur la
diffusion de faits violents en Colombie (voir l’accord dans l’annexe F).
Cependant, il existe maintes critiques sur le rôle des médias face au
conflit armé. Les analyses du CINEP, bien que contestées, concluent par
exemple que les grands médias commettent sept péchés dans l’emploi de
l'
information : passer sous silence, dissimuler, dévier l'
attention, déformer,
avaliser, acquitter et condamner.244 En synthèse, ces analyses expliquent que les
informations
que
les
médias
donnent
reproduisent
textuellement
les
communiqués officiels des organismes de sécurité de l'
État, lesquels présentent
les événements comme une série de faits isolés, et omettent de mentionner les
responsables. En outre, selon le CINEP, beaucoup de violations aux droits
humains ne sont pas d’importance pour les grands médias. Elles deviennent
d’importance quand la violence qui les entoure est brutale ou quand les chiffres
deviennent alarmants. Finalement, les analyses insistent sur le fait que, pendant
la présidence d’Álvaro Uribe, le gouvernement a neutralisé les informations qui
lui sont négatives, en particulier dans les médias qui protégent les intérêts des
groupes économiques (Noche y Niebla 2004, p. 117-126).245
Conclusion
Comme nous l’avons vu, notre étude s’occupe de la période de violence
contemporaine en Colombie, considérée à partir de la formation et réactivation
de groupes de guérillas ruraux après l'
instauration du Frente Nacional en 1958.
Par la suite, bien d’autres protagonistes font irruption sur la scène :
narcotrafiquants, groupes de paramilitaires illégaux, bandes des tueurs à gages,
milices urbaines, etc. Nombreux sont les facteurs auxquels on attribue la
violence et la naissance ou consolidation d'
acteurs armés illégaux en Colombie.
Nous avons mentionné les facteurs liés aux causes objectives comme la
pauvreté, le chômage, les conditions d'
inégalité et d’exclusion, entre autres. En
244
Voir l’explication détaillée sur ces « péchés » dans le rapport Noche y Niebla 2004
indiqué dans la bibliographie.
245
À propos du rôle de médias face au conflit à Medellín et Barrancabermeja voir les
rapports de Noche y Niebla 2003 et 2004 respectivement, indiqués dans la bibliographie.
202
suivant les études de Daniel Pécaut et du CINEP, on accorde de l’importance à
ces facteurs mais on voit la nécessité de considérer, à côté de ces conditions,
aspects subjectifs, comme par exemple les plans stratégiques qu‘élaborent les
organisations insurgés (González 2004, p. 59). Comme le remarque Pécaut, la
véritable portée de causes objectives est en rapport avec le fait qu'
elles
s'
inscrivent dans les logiques d'
action de certains protagonistes organisés. Ces
acteurs s'
approprient et se servent d'
elles pour légitimer leurs actions (Pécaut
2001, p. 10). Dans cette optique et pour essayer de comprendre les logiques
d’action des acteurs armés, principaux responsables du déplacement dans le
pays, nous avons parlé de la naissance et consolidation des différents groupes
de guérillas dans le pays (FARC-EP, ELN, EPL et M-19). Ensuite nous avons
analysé l’apparition des groupes des paramilitaires en Colombie à partir de la
décennie des années 1980 et de l’influence exercée par le trafic de drogue dans
le débordement de la violence dans le pays.
Il ne faut en effet pas oublier la responsabilité de l'
État colombien dans les
phénomènes de violence, par omission, ne remplissant pas son devoir de
préserver l'
ordre public, et en particulier de la Force Publique, de garantir la
coexistence pacifique entre les citoyens et d'
assurer la paix. De même, la Force
Publique a utilisé les méthodes violentes utilisées par les groupes armés illégaux
qu’elle essaie de combattre et par conséquent, elle prend partie de la
confrontation en se servant des mêmes règles du jeu que l'
ennemi.246 Les
rapports d'
Amnistie Internationale et d’autres organisations de défense de droits
de l’homme ont indiqué la connivence de quelques membres des organismes de
sécurité officiels avec les forces paramilitaires, ce qui aggrave la situation de la
population civile soumise au conflit armé (Amnistie Internationale 2005). De ce
fait, nous repérons que la dispute entre la guérilla et les forces anti-guérilla tend
à justifier l'
emploi de la violence. Sans nul doute, c’est la population civile la plus
affectée par ce conflit. En effet, la Constitution de 1991 a dû consacrer dans son
article 22 « la paix comme un droit et un devoir de accomplissement obligatoire »
étant donnée la décomposition de la situation d’ordre publique dans le pays.
246
Voir quelques cas récents de corruption et violences perpétrées par l'
Armée, dans la
section Conflit Armé du journal El Tiempo du 29 septembre 2006.
203
Les meurtres, les massacres, les enlèvements, les homicides hors
combat, l’installation de mines, le recrutement de mineurs, les disparitions, les
attentats contre l’infrastructure, le vol, l’extorsion, les tortures, et les actes
terroristes perpétrés par les acteurs armés montrent l’ampleur et la gravité de la
situation. Dans la description des différents acteurs nous n’avons pas parlé de
façon détaillée de leur implication dans chacune de ces activités. Cela
déborderait les objectifs de la présente étude. Néanmoins on trouve des bases
de données et des analyses de chacune de ces actions violentes et ses
responsables dans diverses institutions.247 Nous nous occuperons seulement de
leur responsabilité sur les déplacements dans le pays, notamment sur les
déplacements intra-urbains comme nous le verrons dans la partie suivante.
Étant donné que le sujet de notre étude est le déplacement à l’intérieur
d’une même ville, nous avons étudié dans cette partie les incursions des acteurs
armés dans les métropoles. Nous constatons que le conflit armé dans le pays a
comme scène principale les espaces ruraux, mais nous voyons, à l’instar
d’Echandía, la nécessité d'
étudier la véritable portée d'
une urbanisation
éventuelle du conflit armé.248 La montée de la violence urbaine est importante
dès 1980, avec l’essor du narcotrafic et l’apparition des bandes armées de
jeunes. En même temps, les acteurs les plus organisés (les guérillas et les
paramilitaires) font irruption dans la ville. On voit comment les acteurs armés
demandent tout type de logistique urbaine. Les villes sont nécessaires pour
maintenir le flux d’équipements et d’armes pour les campements ruraux. Mais les
villes ne sont pas seulement le lieu de l’approvisionnement. Dans les villes
colombiennes et notamment dans leurs quartiers défavorisés plusieurs combats
y se sont déclenchés où se mêlent une infinité d’acteurs. Comme le remarquait
Gérard Martin : à l'
ombre des acteurs organisés, il y a donc une prolifération
d'
acteurs violents plus désorganisés, tels que les tueurs à gages, les assassins,
247
Departamento Nacional de Planeación (Bulletin Chiffres de la Violence 1996-2005) ;
Observatorio de Derechos Humanos de la Vicepresidencia de la República (1987-2005) ;
Policía Nacional (homicide, massacres et actes terroristes 1996-2005) ; Fondolibertad
(extorsion 1998-2005) ; Fondolibertad (kidnapping 1996-2005) ; Observatorio de Minas
Antipersonales de la Vicepresidencia de la República (Mines 1996-2005).
248
Selon Echandía l'
action des acteurs armés dans les villes ne doit pas être sousestimée. Les villes peuvent être utilisées par les guérillas pour acquérir une plus grande
capacité de négociation (Echandía s.d., p.24).
204
les sicarios (Martin 1997, p. 231). On ne peut ignorer pour autant « que la
violence désorganisée contribue à élargir le champ de la violence organisée »
(Pécaut 1996b, p. 17).
Par ailleurs, comme dans les zones rurales, les acteurs armés dans la
ville font appel à la violence pour l’obtenir l’appui de la population civile. Ils
encerclent les quartiers et s’approprient des territoires semant la terreur entre
leurs habitants. Dans le devenir propre du conflit, la population est obligée à
manifester sa loyauté à un acteur ou l’autre, de même elle doit aussi changer de
parti pris, à plusieurs reprises, comme simple stratégie de survie (Kalivas 2001,
p. 10). De ce fait « [...] la présence sur un territoire implique obéissance au
réseau qui le contrôle. La crainte et la défiance sont au coeur des interactions, le
marquage des frontières repose sur la terreur » (Pécaut 1996a, p. 261). Selon
l’anthropologue María Victoria Uribe il s’agit d’une terreur qui s’imprègne et se
répand, elle se construit à partir des rumeurs à partir de ce que l’on entend et voit
- ou ce que l’on imagine entendre et voir (Uribe 2004, p. 122).249 De même, dans
cette ambiance de terreur, le silence est devenu une stratégie de survie. Selon
Cefaï et Amiraux dans un pays comme la Colombie : « La “culture de la peur”
peut provenir d'
une routinisation de la terreur, qui peu à peu corrompt jusqu'
aux
liens de voisinage, d'
amitié et de famille. Les pratiques d'
intimidation, de torture
et de disparition créent un climat d'
insécurité chronique et réduisent au silence.
Le secret ou la dissimulation, la politesse et la servilité sont des stratégies de
survie et de résistance [...] » (Cefaï et Amiraux 2002).250
Dans la partie suivante nous analyserons les études de cas de
déplacement intra-urbain dans les villes de Medellín et Barrancabermeja. Nous
allons voir comment les différents acteurs armés du conflit national sont présents
dans ces villes et leurs façons de s’imposer dans les différents quartiers par
moyen de la violence et la terreur.
249
Selon Cefaï et Amiraux les rumeurs « [...] émergent pour pallier le manque de circuits
de communication officiels ou habituels. Elles ne sont pas seulement des phénomènes
spontanés, elles sont produites et renforcées par les stratégies de guerre psychologique,
de matraquage idéologique ou de propagande partisane » (Cefaï et Amiraux 2002).
250
Au sujet de la peur, notamment celle vécu par les personnes qui ont dû se déplacer,
voir le livre de Jaramillo, Villa, et Sánchez « Miedo y desplazamiento : experiencias y
percepciones » souligné dans la bibliographie.
205
TROISIÈME PARTIE
LE CAS DES VILLES DE MEDELLÍN ET BARRANCABERMEJA
Introduction
Plusieurs raisons ont été exposées pour expliquer la violence en
Colombie et la consolidation des acteurs armés illégaux en ville, dont nous avons
parlé dans la deuxième partie de cette étude. À ceci on doit ajouter la présence
de groupes armés d’envergure nationale dans des secteurs urbains, et leurs
relations de coopération et antagonisme avec différents groupes de la
délinquance urbaine. Dans cette partie nous allons parler des déplacements
forcés entre quartiers d’une même ville (Medellín et Barrancabermeja) produites
à cause de la présence de ces acteurs et de leur contrôle sur certains territoires.
Les raisons qui ont été signalées comme causes de cette mobilité sont variées :
menaces de mort et d'
expulsion, refus de payer des impôts exigés par des
groupes armés, peur devant les hostilités et agressions dans les différents lieux
de la ville. À ceci, on ajoute les combats militaires directs étant donné le
positionnement de différents groupes armés illégaux dans certaines zones de la
ville (Franco, s.d., p. 44). Selon la Defensoría del Pueblo le déplacement
d'
habitants urbains a été plus évident depuis l’année 2001. Quelques villes
considérées comme réceptrices de population, sont actuellement aussi des
points de départ. Cela est lié à l'
accroissement des groupes paramilitaires dans
les secteurs urbains et aux combats entre ces groupes et les milices (Defensoría
del Pueblo 2002, p. 9).
Les rapports des organismes de droits de l’homme ont indiqué que les
situations qui obligent les personnes déplacées dans les villes à se déplacer à
nouveau sont toujours plus fréquentes, dans la même ville ou depuis celle-ci vers
d'
autres zones du pays. Cela est une conséquence du suivi que les acteurs du
conflit font des personnes déplacées dans les lieux de réception. D’après le
bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme les
menaces et les attentats contre des communautés déplacées, notamment contre
206
leurs dirigeants, sont nombreux. De même, l’agence dénote une augmentation
de menaces contre des organisations qui travaillent pour les déplacés,
spécialement dans le Magdalena Medio et l’Urabá (ONU 2000). De cette
manière, les personnes qui ont été forcées de se déplacer dans une même ville,
ont en général été plongées dans des dynamiques de violence. Dans une
conférence de presse effectuée en 2006, l'
actuel Représentant du Secrétaire
Général des Nations Unies pour les Droits des Déplacés, le docteur Walter Kálin,
a affirmé que le déplacement intra-urbain est une réalité silencieuse et occulte,
mais existante. Il souligne que dans quelques cas les personnes démobilisées
peuvent être la source des menaces (ONU 2006).
Par ailleurs, la Comisión Colombiana de Juristas rejette les chiffres
gouvernementaux sur la diminution du phénomène du déplacement pendant
l'
année 2004 (voir graphique N°2 dans la section 6.3 de la première partie de
cette étude). Elle considère qu’il y a beaucoup de situations qui ne sont pas
enregistrées et que certaines manifestations comme le déplacement intra-urbain
sont invisibles aux systèmes de mesure (Corte Constitucional 2005, p. 94). Pour
sa part, la CODHES explique que bien que pour l'
année 2006 le gouvernement
ait présenté une réduction dans le chiffre des déplacés comparé à celui des
années précédentes, cela ne signifie pas qu'
il y ait eu une amélioration dans la
situation humanitaire du pays. Cette diminution est attribuée par l'
ONG à une
modification de la dynamique, dans laquelle prédomine le déplacement intraurbain ou l'
enfermement (El País 2006).251 Dans le même sens, la Cour
Constitutionnelle dans le suivi aux actions mises en ouvre par le gouvernement
pour accomplir l’arrêt T-025, indique que même si la Red de Solidaridad Social a
fait un effort pour améliorer la caractérisation de la population déplacée, il existe
plusieurs difficultés dans le processus de caractérisation, notamment le manque
d'
inclusion des déplacés intra-urbains, inter-parcelles, et les personnes relogées
(Corte Constitucional 2005, p. 79).
En effet, les dénonciations (même si non officielles) du déplacement intraurbain sont chaque fois plus nombreuses. Elles sont souvent faites par les
organismes de défense de droits de l’homme. On observe que le phénomène
251
La CODHES a souvent dénoncé le déplacement intra-urbain dans le pays mais n’a
pas encore réalisé une recherche approfondie sur le sujet.
207
s’est rendu plus visible après la promulgation par la Cour Constitutionnelle de
l’arrêt 268 de 2003, dont nous avons parlé dans la section 8.1.7 de la première
partie de cette étude. Cet arrêt traite pour la première fois le cas du déplacement
intra-urbain dans la ville de Medellín et signale ce type de mobilité comme une
partie du déplacement forcé par la violence que subit le pays. Après ce
jugement, la Red de Solidaridad Social de la ville de Medellín a commencé à
reconnaître le phénomène et à offrir une assistance aux déplacés intra-urbains
dans le cadre de la Loi 387 de 1997 et ses décrets réglementaires. D’autres
villes ont suivi l’exemple, même si les politiques publiques pour traiter le
phénomène sont encore faibles.
Dans cette partie nous allons faire référence aux études de cas de
Medellín et Barrancabermeja présentées dans la recherche de 2004 de la
Defensoría del Pueblo et le HCR, dont nous avons parlé dans l’introduction
générale de cette étude.252 Néanmoins, notre intention est d’approfondir les
connaissances apportées sur chacune des villes, d’analyser de manière plus
profonde les expositions des participants des tables rondes, et d’apporter des
informations plus récentes sur le phénomène. Nous voulons notamment penser
le débat du point de vue de l’impact du conflit interne sur la ville, plutôt que du
côté de la protection et de l’assistance des victimes de ce fléau, comme cela a
été le but de la Defensoría et le HCR.253
Avant de commencer l’analyse sur la consolidation des acteurs armés
dans les villes étudiées et du phénomène du déplacement intra-urbain, il nous
semble nécessaire de faire quelques observations sur le processus de migration
et d’urbanisation de la Colombie. Cela fournira le contexte sur lequel se sont
construites les villes colombiennes, ce qui permettra de mieux comprendre les
phénomènes actuels de violence urbaine. Par la suite, nous allons analyser le
cas de Medellín. Nous parlerons de la naissance et consolidation des acteurs
armés illégaux, des actions de contrôle entamés par l’État pour le combattre et
252
Defensoría del Pueblo et UNHCR. 2004. Desplazamiento intraurbano como
consecuencia del conflicto armado en las ciudades. Bogotá. 76p.
253
Au sujet de la protection et de l’assistance des victimes du déplacement intra-urbain,
voir les recommandations de politique publique faites dans la publication de 2004 dans
l’annexe G.
208
quelques aspects sur les incitatives de négociations entre l’État et les groupes
armés illégaux. Après, nous réfléchirons au cas de la Comuna 13 comme
épicentre du conflit national dans la ville et finalement nous parlerons des
déplacements intra-urbains massifs et individuels. Plus loin, nous allons parler du
cas de Barrancabermeja. D’abord nous analyserons son importance en tant que
port pétrolier et capitale de la région du Magdalena Medio. Par la suite, nous
observerons comment la ville a été un bastion des guérillas et des forces
paramilitaires. Nous allons montrer aussi comment les organisations de la
société civile se sont mobilisées pour faire face à la violence dans cette région.
Finalement nous parlerons des cas de déplacement intra-urbain dans cette ville.
Dans les conclusions de cette partie nous présenterons un tableau comparatif
sur le deux villes qui permettra de regrouper et de visualiser de façon plus claire
les aspects communs et les traits distinctifs du déplacement intra-urbain dans
chacun des cas (tableau N° 6).
Pour la construction de l’étude de cas de Medellín nous avons utilisé
plusieurs sources d’information dont la plupart proviennent des organisations de
promotion sociale et de défense de droits de l’homme. Pour l’examen des
acteurs armés, nous avons utilisé notamment les analyses de 1998 et 2000 de
Jaramillo, Ceballos et Martínez membres de la Corporación Región,254 et les
analyses de l’IPC (Instituto Popular de Capacitación). Nous avons utilisé aussi
les reportages de l’année 2002 du journal El Colombiano en relation au conflit
urbain de Medellín (Vélez, Yarce, Montoya, Castaño) ainsi que quelques articles
du journal El Tiempo. Pour le cas de la Comuna 13, nous avons utilisé
notamment les rapports de la Defensoría del Pueblo-SAT (2002), de Liliana
Franco et Hernando Roldán (s.d.), d’Amnistie Internationale (2005), de Restrepo
(membre de l’IPC) (2005 a et b), et ceux de Noche y Niebla (2003).255 Tout au
254
La Corporación Región est une organisation sans but lucratif fondée en 1989. Elle a
comme mission de promouvoir la paix, la démocratie, l'
équité, l'
inclusion, la
reconnaissance de la diversité culturelle et le compromis avec l'
environnement. Site
Internet : http://www.region.org.co/
255
En juillet 1996, la publication trimestrielle Noche y Niebla naît dans le cadre de la
restructuration de la Banque de Données sur la Violence Politique, sous la direction du
CINEP. Cette publication systématise l’information sur la violence politique et les droits
de l’homme en Colombie dans quatre sections : violations des droits de l’homme,
infractions au DIH, faits de violence politico-sociale et actions de guerre. De même, plus
récemment, à travers du SIVEL (Système d'
Information sur la Violence Politique en
Ligne) la version web de cette base de données a été publiée. Site Internet :
209
long de cette partie nous faisons références, à plusieurs reprises, aux rapports
de la Mairie de Medellín et notamment aux conclusions de la table ronde sur le
déplacement intra-urbain réalisée à Medellín le 27 juin 2003.
Pour la construction de l’étude de cas de Barrancabermeja nous avons
utilisé le rapport d’Amnistie Internationale de 1999, les analyses du politologue
Mauricio Romero (2002a-b, 2003), les recherches sur le phénomène
paramilitaire dans le Magdalena Medio du chercheur irlandais Loingsigh (2002),
les rapports de Noche y Niebla256 et notamment les rapports de la Viceprésidence de la République sur le Magdalena Medio et Barrancabermeja (2001,
s.d.). Nous nous sommes aussi appuyés dans les documents de l'
OPI
(Observatorio de Paz Integral del Magdalena Medio)
257
, qui analyse et rend
visible les activités et les problématiques de la région du Magdalena Medio y
compris Barrancabermeja. Pour ceci, ils dissertent autour de quatre axes et
sujets : Droits de l’Homme, Droit International Humanitaire, Développement
Intégral et Culture de Paix. Chaque semestre, ils présentent un rapport sur les
droits de l’homme dans la région et sur les alternatives de résolution du conflit
entreprises par les mouvements et organisations de la société civile. La richesse
de cette source d'
information est située dans la variété d'
institutions qui
composent l'
Observatoire : Le Diocèse de Barrancabermeja, L’Université de la
Paix, La Defensoría del Pueblo del Magdalena Medio, la CREDHOS
(Corporación Regional para la Defensa de los Derechos Humanos) et la CDPMM
(La Corporación Desarrollo y Paz del Magdalena Medio).
1. Les villes colombiennes : migration et urbanisation
Depuis la fin des années 1930, la Colombie a amorcé un mouvement de
transition démographique. La population s’est multipliée par quatre en un demisiècle, passant de 8.9 millions d’habitants en 1938 à 36.7 millions en 1993. Sur
cette période, la population rurale a presque doublé, mais ce sont les
http://www.nocheyniebla.org/.
256
En 2004, Noche y Niebla a publié une édition spéciale sur la ville de Barrancabermeja.
Barrancabermeja, la otra versión. Caso Tipo N° 3. Bogotá. 200 p.
257
Site Internet du Observatorio de Paz Integral : www.opi.org.co
210
agglomérations qui peuvent témoigner de la croissance la plus sensible. Ainsi,
31% de la population était urbaine en 1938. Et en 1993, la population urbaine
représentait 69% (Gouëset et Mesclier 2004, p. 27). La croissance rapide des
villes colombiennes est due en grande partie à l’exode rurale interne tout au long
de la seconde moitié du XXe siècle. En effet, selon le recensement de 1993 et
une enquête (Encuesta Continua de Hogares) menée en 2003 par le DANE
(Departamento Administrativo Nacional),258 la migration colombienne est un
phénomène qui peut être entièrement attribué à l'
exode interne, puisque les flux
migratoires externes ne représentent que 0.32% de la population totale du pays
(DANE 2003, p. 5). En effet, à partir des années 1950, la Colombie a souffert un
processus croissant d’exode rural lequel s’est intensifié au début des années
1970. À différence des autres pays d’Amérique Latine, en Colombie, la capitale
(Bogotá) n’est pas la seule à recevoir cette population migrante. Les villes de
Medellín, Cali et Barranquilla ont aussi profité de cet exode. De ce fait, le terme
« quadricéphalie » est utilisé pour caractériser le réseau urbain colombien. La
quantité de population de Bogotá ne se détache pas de façon radicale des autres
grandes villes du pays. Ce réseau « s’appuie sur l’apparition d’un grand nombre
de petites villes et sur la concentration de l’essentiel de la population urbaine
dans des grandes villes, au détriment de moyennes, assez peu nombreuses »
(Gouëset et Mesclier 2004, p. 20). Entre 1964 et 1973, Bogotá, Medellín, Cali et
Barranquilla ont absorbé 40% du total des flux migratoires du pays (Rueda 1979
cité par Gouëset et Mesclier 2004, p. 47). Selon Gouëset et Mesclier, les causes
de ces exodes sont :
« [...] expulsion des populations de campagnes sous l’effet d’un
surpeuplement relatif dû à la transition démographique et à la
modernisation de l’agriculture, attraction de villes alors en plein essor,
qui offraient des avantages sociaux et économiques de plus en plus
évidents par rapport aux zones rurales. La Violencia, période de guerre
civile qui a secoué la Colombie entre 1948 et 1953 (et ensuite de façon
plus sporadique), a sans doute amplifié le mouvement, sans toutefois le
déclencher ni en être le moteur principal (Gouëset, 1992, p. 57, Flórez,
2000, p. 67), contrairement à ce qui est parfois avancé en Colombie »
(Gouëset et Mesclier 2004, p. 47).
258
Le DANE (Departamento Administrativo Nacional de Estadística) appartenant à la
branche exécutive de l'
État colombien est l'
organisme responsable de la planification, du
soulèvement, du traitement, de l'
analyse et de la diffusion des statistiques officielles de la
Colombie. Sa mission est de produire et de diffuser une information statistique
stratégique pour la prise de décisions dans le développement économique et social du
pays. Site Internet : http://www.dane.gov.co/
211
Dans le même sens, l’historien nord-américain David Bushnell indique que le
poids des migrants de La Violencia a été exagéré. Pour lui, l’augmentation de
l’urbanisation a été une tendance générale dans toute l’Amérique Latine qui a
obéi aux facteurs déjà mentionnés, notamment à l’absence de travail dans la
campagne et l’attraction exercée par les zones urbaines (Bushnell 1996, p. 285).
Néanmoins, d’après Dureau et Flórez, la croissance urbaine a été aussi
alimentée par un accroissement naturel très élevé. Le rajeunissement de la
population et l’arrivée de nombreuses femmes en ville en âge de procréer ont
donné lieu à un taux de natalité élevé. En ajoutant la faiblesse de la mortalité
infantile en ville, la croissance naturelle a pris progressivement la place à l’apport
directe des population migrantes : « alors qu’entre 1951 et 1964, 37% de la
croissance urbaine était imputable à l’immigration, cette proportion était tombée à
31% entre 1973 et 1985 » (Dureau et Flórez 1996 cité par Gouëset et Mesclier
2004, p. 46). De même, entre 1970 et 1980, il y a eu une diversification des
directions de la migration. La migration d’origine urbaine (entre villes) a
graduellement pris le pas sur le flux d’origine rurale (Gouëset et Mesclier 2004, p.
48).
En synthèse, depuis les années 1950, il y a eu des changements profonds
dans la configuration démographique colombienne. Entre 1951 et 1993, les villes
ont absorbé les quatre cinquièmes de l’accroissement de la population. Le
nombre de chefs-lieux (cabeceras) de plus de 15.000 habitants a quintuplé dans
cette période passant de 35 à 179 (Gouëset et Mesclier 2004, p. 21-31). Ainsi,
en un demi-siècle on est passé d’un pays rural à un pays urbain.
Or, les villes colombiennes, à l’instar des autres villes de l’Amérique Latine,
n’étaient pas préparées à une arrivée de migrants si massive. Elles ont reçu une
population à un rythme supérieur de leurs possibilités d’accueil, ce qui a marqué
la consolidation d’un processus chaotique et précaire d’urbanisation. Les villes
ont été incapables de fournir des services publics adéquats à la population
urbaine et l'
industrie nationale était également incapable d’absorber cette main
d'
œuvre en augmentation (Bolívar et González s.d., p. 26). À cela on doit ajouter
la tendance à la concentration de la richesse (de très profondes inégalités de
revenus traversent la société) marquant les frontières entre quartiers favorisés et
212
défavorisés dans les différentes villes. De même, une bonne partie des
logements de la population migrante a été construite dans des zones
inadéquates, sans les mesures de prévention minimales face aux menaces
naturelles comme les inondations, les avalanches ou les séismes.
Plus loin, suite à l'
ampleur du déplacement forcé par la violence à partir des
années 1990, nous assistons à ce que quelques auteurs (notamment les
chercheurs de l'
Université d'
Antioquia) ont appelé un « nouveau processus de
colonisation urbaine ». À partir de ce moment là, les transformations
économiques, sociales, culturelles et politiques qu'
occasionne la présence des
migrants dans la ville deviennent (à nouveau) évidentes. La ville ne dispose pas
d’espaces adéquats ni suffisants pour recevoir toutes ces populations. De ce fait,
ces personnes s’insèrent dans la ville au travers des stratégies basées, entre
autres, sur l'
auto-construction, l’invasion de terrains ou l'
emploi informel. Ainsi,
ces migrants s’installent dans des circonstances précaires, ayant des niveaux de
qualité de vie très basses. Devant l’insuffisance de sol aménageable accessible,
beaucoup de déplacés ont envahi les zones périphériques de la ville pour
construire leurs logements, souvent dans des secteurs à haut risque. Ceci a
donné lieu à une haute fragmentation de la terre et à la construction de
logements dans de petits lots avec de hauts taux d’entassement. En outre, ces
territoires présentent des insuffisances dans les services sociaux de base :
assainissement, logement, éducation, santé, récréation et travail (Naranjo et
Hurtado 2004, p. 11-12).
Selon Gérard Martin, les grandes villes colombiennes « sont particulièrement
sensibles aux phénomènes de délinquance, et de violence en général, et à
l'
implantation de nouveaux protagonistes armés, notamment la guérilla et les
réseaux mafieux » (Martin 1997, p. 199). Il explique cela par le processus
d’urbanisation rapide à partir des années 1950, lequel a été accompagné de
phénomènes complexes de désorganisation sociale et d’un manque de cohésion
sociale à cause d'
origines régionales hétérogènes des migrants. Pour l’auteur,
cette croissance démographique ne s'
accompagne pas de formes d'
encadrement
institutionnel. Au contraire, les pratiques institutionnelles s’inscrivent dans la
faiblesse historique de l’État, représenté par le clientélisme, la corruption et par
l'
extrême inefficacité de l'
administration de justice. Ainsi, ces nouvelles sociétés
213
urbaines et rurales se construisent dans la précarité, ce qui facilite l’insertion de
la délinquance et la consolidation des groupes armés illégaux (Martin 1997, p.
198-199).
En outre, pour expliquer ces phénomènes de délinquance et de violence dans
les villes colombiennes nous pouvons revenir aux conclusions des études
d’Alejandro Portes et Bryan Roberts sur l’urbanisation en Amérique Latine,
même s’ils n’étudient pas le cas colombien de manière spécifique.259 L’étude de
2004260 fournit une vision générale sur la manière dont la société urbaine a réagi
aux occasions et aux restrictions introduites par l'
adoption du modèle de
développement néo-libéral. La recherche a avancé une série de hypothèses sur
les liens entre les nouvelles politiques et l'
évolution des systèmes de ville, le
caractère du marché du travail urbain, les tendances concernant la pauvreté,
l'
inégalité, et le crime urbain. À propos de ces derniers, les auteurs concluent que
l’augmentation soutenue de la délinquance et, particulièrement du vol dans
toutes les villes principales d’Amérique Latine sont une réponse à la détérioration
des occasions de marché du travail et aux niveaux élevés et continus de
l'
inégalité. Ces manifestations ont eu lieu quand l'
ouverture des marchés a
exposé la population urbaine aux styles de vie et aux occasions poussant à la
consommation. Les classes riches y ont rapidement accédé, mais l’absence
d'
offres d'
emploi pour les couches défavorisées a déclenché la recherche
d’alternatives pour y arriver. Ainsi, l’économie informelle et l’emploi précaire ont
été les alternatives choisies par plusieurs, mais d’autres ont opté pour
l’expropriation de la richesse par la force et le crime (Portes et Roberts 2004, p.
18).261
259
Les auteurs ont développé du travail de terrain en six pays d’Amérique Latine :
Argentine, Brésil, Chili, Mexique, Pérou et Uruguay.
260
PORTES, Alejandro ; ROBERTS, Bryan. 2004. The Free Market City : Latin American
Urbanization in the Years of Neoliberal Adjustment. Princeton University and Bryan R.
Roberts University of Texas – Austin. Texas. 34 p. [réf. du 2007-01-25]. Disponible sur
Internet :
http://www.prc.utexas.edu/urbancenter/documents/Free%20Market%20City%20text.pdf
261
Les auteurs insistent sur le fait que les traitements répressifs de la part de la Police
n’arriveront pas à contrôler la situation si les causes structurelles du problème ne sont
pas résolues.
214
C’est dans ce contexte des villes colombiennes que les acteurs armés
d’envergure nationale se sont emparés de certaines zones et quartiers.
L’absence et l’inefficacité de l’État pour résoudre les conflits entre les citoyens et
la précarité des conditions de vie, permettent l’accès des personnes qu’imposent
leur propres règles, non nécessairement de manière légitime mais par moyen de
l’intimidation et de la force des armes. Nous analyserons ceci de manière plus
concrète dans les études de cas.
2. La ville de Medellín
La ville de Medellín, située dans le nord-ouest du pays, est la capitale du
département d'
Antioquia.
Les espagnols dirigés
par
Francisco
Campuzano
1616
le
Lorenzo
Herrera
et
fondé
en
ont
village
de
d'
Aburrá,
San
lieu
originalement habité par les
groupes indigènes Yamesíes,
Niquías, Nutabes et Aburráes.
Dans 1675, ils ont établi,
quelques kilomètres plus au
nord,
Carte N° 5 : Medellín et Antioquia en Colombie.
La superficie du département d’Antioquia est de
63.612 km2 et compte 5.601.507 habitants. Les
limites du département au nord son la mer Caraïbe
et les départements de Córdoba et Bolívar ; à l’est,
les départements de Bolívar, Santander et Boyacá ;
au sud, les départements de Caldas et Risaralda ; et
à l’ouest, le département du Chocó (Censo General
2005b).
la
Villa
de
Nuestra
Señora de la Candelaria de
Medellín. En 1826 cette villa
est
considérée
la
capitale
d'
Antioquia, et enleva ainsi le
titre à Santa Fé d'
Antioquia.
Depuis 1920 Medellín a été reconnue comme l’un des principaux centres
industriels du pays (Site Internet Alcaldía de Medellín 2006).
215
La ville est limitée au nord par les municipios de Bello, Copacabana et
San Jerónimo ; au sud par les municipios d’Envigado, Itagüí, La Estrella et El
Retiro ; à l’est par les municipios de Guarne et Rionegro et à l'
ouest par les
municipios d’Angelópolis, Ebéjico et Heliconia. Medellín a une extension de
380,64 kilomètres carrés. Elle est située à une hauteur de 1.479 mètres audessus du niveau de la mer et sa température moyenne est de 24 degrés
centigrades. Placée dans le centre de La Vallée d’Aburrá, la ville est traversée
par la rivière Medellín de sud à nord. Selon le recensement général de
population de l’année 2005, la Vallée loge une aire métropolitaine262 de
3.312.165 habitants. Après Bogotá, elle est la seconde agglomération urbaine de
la Colombie (Censo General 2005b).
Photo N° 1 : Vue panoramique de Medellín.
Source : Frieden – Fragen. Disponible su Internet:
http://www.frieden-fragen.de/images/10172.jpg
Medellín compte 2.223.660 habitants, dont 2.187.356 dans le chef lieu
(cabecera), c'
est-à-dire que le 98.3% de la population habite la zone urbaine.
262
L’aire métropolitaine est l’organisme administratif formé par un ensemble de deux ou
plus municipios intégrés autour d'
un municipio noyau. Les municipios qui la conforment
sont liés par des étroites relations d'
ordre physique, économique et sociale. Pour la
programmation et la coordination de leur développement et pour la prestation rationnelle
de services publics, l’aire métropolitaine demande une administration coordonnée (Article
1, Loi 128 de 1994). L’Aire Métropolitaine de la Vallée d'
Aburrá, selon le décret 34 de
1980, est composé par les municipios de Medellín, Barbosa, Bello, Caldas, Copacabana,
Envigado, Girardota, Itagui, La Estrella et Sabaneta (Censo General 2005b).
217
Administrativement, la ville de Medellín comprend 6 zones urbaines,263 lesquelles
se divisent en 16 comunas,264 et 249 quartiers (barrios).265 Voir dans l’annexe H
le tableau sur la division de la zone urbaine de Medellín par comunas et
quartiers.
Carte N° 6 : Division administrative de Medellin.
Source : Alcaldía de Medellín. 2005. Medellín en
cifras 2005. Medellín. [réf. du 2006-11-14].
Disponible sur Internet :
http://www.medellin.gov.co/alcaldia/jsp/modulos/
N_admon//obj/pdf/Medellin%20en%20cifras%202
005.pdf?idPagina=845
263
La zone est une division du secteur urbain conformée par des communautés dont la
population appartient à différentes catégories socio-économiques (Alcaldía de Medellín
2000).
264
Les comunas sont les divisions des zones, conformées par des quartiers dont la
population appartient à une catégorie socio-économique semblable (Alcaldía de Medellín
2000).
265
Le quartier est la plus petite division territoriale du secteur urbain dont la population
appartient à une catégorie socio-économique semblable et prédomine l'
utilisation
résidentielle du sol (Alcaldía de Medellín 2000).
218
La zone rurale compte 5 hameaux (corregimientos)266 : Palmitas, San
Cristóbal, Altavista, San Antonio de Prado et Santa Elena. La population rurale
de Medellín est de 36.304 habitants selon le recensement général de 2005
(Censo General 2005b). Voir dans l’annexe
le profil de la ville de Medellín selon
le recensement général de 2005.
Pour faire un tour d’horizon général des conditions de vie actuelles des
habitants de Medellín, nous pouvons nous appuyer sur les données de
satisfaction des besoins essentiels, logement, travail, éducation et espace public
du Plan du Développement de Medellín 2004 - 2007. Les chiffres présentés se
basent sur des données de l’année 2003 fournies par l’Observatorio de la
Juventud de Medellín (Metrojuventud), le Secrétariat de Solidarité du DANE, la
Veeduría
del
Plan
de
Desarrollo
1998-2002
(Jurande
du
Plan
de
Développement), le Centre d’Études d’Opinion de l’Université d’Antioquia, et la
Personería de Medellín. La ville possédait à l’époque (juin 2003) 2.049.127
personnes et 491.380 familles.
Besoins essentiels non satisfaits : 16% des habitants de Medellín ont
leurs besoins essentiels non satisfaits, ce qui les situe sous la ligne de pauvreté.
80% des revenus des familles est investi dans l’alimentation, cependant 38.74%
des mineurs scolarisés entre cinq et quatorze années des strates socioéconomiques 1, 2 et 3, présentent des signes de malnutrition (Alcaldía de
Medellín 2004, p. 57).
Le logement : 9.9 % des familles habitant à Medellín n’ont pas de
logement dont 95% se concentrent dans le secteur urbain avec un poids plus
élevé dans la zone du nord (48%) et dans le centre (39%). De même 25.000
logements sont situés dans des zones de risque, ce qui affecte 6.61% de
familles. Le déficit qualitatif est représenté dans 34.000 logements sans un des
services de base, 50.000 ont des insuffisances en infrastructure et 38.539
présentent un entassement critique (Alcaldía de Medellín 2004, p. 98).
266
Le hameau (corregimiento) est le territoire situé dans le secteur rural avec une
population entre 5.000 et 20.000 habitants. Le hameau dispose d'
un noyau central dans
lequel se développe un processus d'
urbanisation (Alcaldía de Medellín 2000).
219
Le travail : 18.9% de familles habitant à Medellín touchent moins d'
un
salaire minimum, 35.9% jusqu'
à deux et 23.9% entre deux et trois.267 Le Plan de
Développement 2004 - 2007 indique que les revenus se concentrent dans des
secteurs minoritaires, tandis que de grands secteurs de la population
s'
appauvrissent. La comuna d’un plus grand revenu par habitant, perçoit cinq fois
plus que les comunas de plus petits revenus par habitant. En outre, avec la chute
de l’industrie enregistrée en Antioquia depuis le début des années quatre-vingt,
le taux de chômage a augmenté. Les bas niveaux de croissance économique et
la capacité limitée de produire emploi de bonne qualité, ont stimulé l'
économie
informelle comme une forme alternative de subsistance ou de réduction de
coûts.268 Depuis les années quatre-vingt, le travail informel a augmenté
considérablement. En 2003, de chaque 100 personnes occupées 62 travaillaient
dans des travails informels.269 Dans le premier trimestre de 2001, les taux de
chômage ont dépassé 20%, tandis que dans le dernier trimestre de 2004 il a été
de 13.5%. Les femmes et les jeunes sont les plus touchés par le chômage. Pour
le premier groupe, le taux de chômage dépasse le 50% et pour les jeunes il se
situe entre 35% et 40% (Alcaldía de Medellín 2004, p. 130-133).
L’éducation : même si l'
offre d'
éducation de base à la population entre 7
à 15 années est totale, il existe de grands insuffisances de qualité ce qui se
reflète dans les bas niveaux atteints par les étudiants de Medellín dans les
examens de l'
État. De même, il existe de hauts taux de redoublement dans les
premiers degrés de l’éducation primaire par des problèmes de santé et de
nutrition des enfants. Il existe aussi une insuffisance dans les processus
267
Le salaire minimum en Colombie pour l’année 2006 est de $408.000 pesos, c’est à
dire 141 euros par mois (Decreto 4686 de 2005).
268
Selon Portes et Shauffler le debat sur comment traiter et mesurer l’économie
informelle est centré sur la façon de définir le concept. D’abord, on peut la voir comme un
ensemble d'
activités marginales de survie des pauvres urbains et comme tel une
manifestation de sous-développement. D’autre part elle a été définie comme la rébellion
du marché libre contre le règlement oppressif de l’État, et en troisième lieu, comme des
activités non régulées, intégrées mais subordonnées aux économies modernes (Portes
et Shauffler 1992, p. 32-33)
269
Selon la Mairie de Medellín, les travailleurs informels sont ceux qui travaillent comme :
travailleur familial sans rémunération ; travailleurs domestiques ; les ouvriers et les
employés particuliers ; ceux qui travaillent pour leur propre compte et, les patrons et les
personnes employés dans de micro-entreprises. Généralement ces personnes ne sont
pas couvertes par la sécurité sociale et ne reçoivent pas de prestations sociales (Alcaldía
de Medellín 2004, p. 133).
220
d’enseignement et d’apprentissage ce qui se constate par les hauts niveaux de
redoublement du sixième degré. L’absentéisme est présenté surtout dans
l’éducation secondaire avec un niveau de 7.6% dans le secteur urbain. Il y a de
même un accès limité à l'
éducation supérieure : 31.2% des bacheliers
d'
Antioquia ne sont pas admis dans les établissements d'
éducation supérieurs
(Alcaldía de Medellín 2004, p. 50-53). De même, le Plan du Développement
2004 - 2007 indique que l'
inégalité dans la distribution de la richesse est aussi
exprimée par les niveaux de scolarité dans les différentes couches sociales. Pour
l'
année 2000, parmi les 10% de la population les plus pauvre de la ville,
seulement 1.2% de la population avait des espoirs de finir le baccalauréat et de
commencer une carrière universitaire, en revanche, pour les 10% les plus riches,
cet espoir était évalué à 29% des personnes (Alcaldía de Medellín 2004, p. 7).
L’espace public : il existe un indice critique d'
espace public de 2.23 m²
par habitant dans la zone du nord-est, tandis que la moyenne urbaine est 4.01
m² par habitant (Alcaldía de Medellín 2004, p. 99).
Finalement, un autre élément important dans ce regard sur la ville de
Medellín est le grand flux de déplacés qui perçoit constantement la ville. Selon le
SUR, Antioquia est le département de la Colombie que reçoit le plus de
population déplacée. Entre 2000 et 2005 il a reçu 252.234 personnes, c'
est-àdire 14.95% du total des personnes déplacées dans le pays selon les statistiques
officielles (RSS 1995 – 2006c). Également, Medellín est la seconde ville
réceptrice de déplacés après Bogotá (4.57% du total des déplacés dans le pays)
(RSS 1995 – 2006d). Ce flux migrateur vers la ville a un impact négatif sur la
planification urbaine : il fait augmenter la pression sur le sol urbain, il affecte la
prestation de services sociaux et les conditions de logement (Naranjo et Hurtado
2004, p. 6).270
270
Le chiffre peut être plus large si on prend les données de la CODHES ou de la
Personería de Medellín. Selon la Personería seulement entre l’année 2000 et le mois
d’août 2006 ils ont rendu déclaration dans ses bureaux 103.273 personnes en tant que
déplacés. Ces personnes se sont situées notamment dans le municipio de Bello et dans
les quartiers Santo Domingo Sabio, Manrique, Moravia, Robledo, Popular, Enciso,
Buenos Aires et Castilla de Medellín. Du total de personnes registrées dans cet
organisme le 85% n'
a pas d'
intentions de retourner au lieu d'
origine (Personería de
Medellín 2006b, p. 23 - 24).
221
En outre, selon les conclusions de la table ronde effectuée à Medellín sur
le déplacement intra-urbain, des chercheurs et des fonctionnaires de l’État
signalent que ce flux migrateur a stimulé à son tour l'
arrivée d’acteurs armés en
ville. De ce fait, les zones d’emplacement des déplacés sont des secteurs
vulnérables à la stigmatisation et à la ségrégation sociale, étant donné que les
déplacés sont vus comme agents générateurs de conflits (Table ronde Medellín,
27 juin 2003).271 En même temps, Antioquia est le département de la Colombie
avec un plus grand nombre de paramilitaires réinsérés. Selon les données de la
Mairie de Medellín de 31.637272 paramilitaires démobilisés en Colombie, le
34,2% (10.844), sont situés à Antioquia, et le 13% (4.130) à Medellín (Alcaldía
de Medellín - Programa de Paz y Reconciliación 2006, p. 5). Cette situation a
contribué à engendrer la stigmatisation des habitants des secteurs où ces
personnes se sont installées.
3. La violence à Medellín : inégalité et fragmentation par zones
Depuis les années 1950, à l’instar d’autres pays en Amérique Latine, la
croissance urbaine de Medellín due aux flux migratoires de la campagne à la ville
n’a pas été accompagnée d’une amélioration de la qualité de vie des habitants.
L’exode rural a eu comme conséquence le peuplement de zones de haut risque
géologique et une forte détérioration des espaces publics de la ville, notamment
dans les zones du nord. Par la suite, l'
économie informelle a augmenté, à cause
de l'
incapacité de l'
État de donner des possibilités d'
inclusion économiques à
cette population (Jaramillo, Ceballos et Martínez 1998, p. 33-36). Selon Urán et
Arenas, à partir des années cinquante, dans les comunas du nord, s’affirme une
nouvelle culture populaire urbaine, avec des mœurs et des coutumes différentes
des habitants installés de l’ancien village de Medellín. Cette nouvelle culture est
produite des migrations et de l’agglomération non planifiée, qui rencontre sa voie
principale d’expression, à travers l’informalité et le marginalisme (Urán et Arenas
271
À ce propos voir l’article de Marta Inés Villa, El desplazamiento forzado en Medellín :
del fenómeno del desplazamiento a la construcción social del desplazado, indiqué dans
la bibliographie.
272
Dans la deuxième partie de cette étude nous avions mentionné que les négociations
ont donné comme résultat la démobilisation de 31.671 personnes entre 2002 et le mois
d’août de 2006 selon les données du site Internet du Bureau du Haut Commissariat de
Paix. Néanmoins les données de la Mairie présentées dans cette partie datent de 2005.
De ce fait, l’écart de 34 personnes entre les deux chiffres présentés.
222
1995, p. 10).273 On observe aussi une grande inégalité dans la distribution de la
richesse parmi les différentes zones de la ville. Cette inégalité a consolidé deux
façons de construire et se représenter la ville : une ville planifiée, avec des
services publics, réflexe de sécurité ; une autre ville marginale, spontanée et
précaire. À partir des années 1980, avec l’essor du narcotrafic en Colombie,
cette ville marginale est nommée par les colombiens et par les médias comme
« La ville des comunas » (même si tous les habitants résident dans une comuna
étant donnée la division administrative de la ville) en faisant allusion aux zones
du nord et parfois aux quartiers défavorisés des zones du centre de la ville.274
Or, la distinction entre une ville planifiée et une autre marginale a été
remarquée à plusieurs reprises comme moyen d’expliquer la violence urbaine
par les médias et les chercheurs en sciences sociales. Les comunas de nord
apparaissent comme l’expression des quartiers pauvres et marginaux soumis au
pouvoir du narcotrafic, des toxicodépendants, de la criminalité, de la violence,
des gamins tueurs utilisés par les mafias de la drogue.275 Selon la sociologue
Uribe dans les territoires des migrants, il y a d’autres pouvoirs, une autre notion
d’identité, d’autres sens d’appartenance. Pour l’auteur, c’est le pays « des
autres », les différents, qui finalement se confondent avec le territoire des
délinquants et des ennemis internes (Uribe 1990, p. 130).276 Il est courant
273
À propos des conséquences des migrations sur la ville de Medellín dans les années
1950 et 1960, et par la suite des migrations depuis les années 1990 voir le livre de
Jaramillo, Villa, et Sánchez « Miedo y desplazamiento : experiencias y percepciones ».
274
Pour l’année 1989, époque de l’essor du narcotrafic dans la ville, dans la zone du
nord-est le 74% de la population vivait dans l’extrême pauvreté (habitants de la strate 1
et 2) et le 26% appartenait à la strate 4 (moyen-moyen) (Naranjo 1992, p. 20). Dans la
zone nord-ouest le 43% des habitants étaient de la strate 3 (moyen-bas), 42% de la
strate 2 (bas), 5% de la strate 1 (bas-bas) et 5% de la strate 4 (moyen-moyen) (Naranjo
1992, p. 58).
275
Pour le cas de la France dans les années 1990 « Lorsque le mot de violence urbaine
a fait son entrée dans le débat public, c’était en lien avec ces deux référents principaux
que sont les banlieues en tant que lieu de vie socialement défini par la pauvreté et la
crise ; et les enfants de l’immigration en tant que population à problème (Peralva et Macé
2002, p. 17).
276
La théorie sociologique américaine, notamment Merton, a donné une explication à la
criminalité en l’associant au mouvement migrateur. Ainsi, le processus rapide
d’industrialisation et d’urbanisation a provoqué de grands mouvements migrateurs et, par
la suite, dans les nouveaux lieux de concentration des migrants, la criminalité a été vue
comme une réaction à la dissociation entre les aspirations sociales et les alternatives
légitimes de conquête personnelle, inaccessibles pour les pauvres désorganisés. Donc,
223
d’entendre que le stigmate de violents qui retombe sur les jeunes des comunas
du nord leur empêche de trouver un emploi et des options socio-économiques
pour leur développement personnel (Naranjo 1992, p. 186). En effet, cette vision
d’une ville divisée (discours nord-sud) est aussi utilisée par les habitants du nord
pour faire leurs réclamations auprès de l’État. Néanmoins, les habitants de ces
quartiers veulent indiquer que même si la violence est une réalité dans leurs
quartiers, il existe aussi des expressions très fortes de solidarité et de culture de
paix (Ortiz 1991, p. 70).277
D’après Ceballos la zone des comunas du nord a été fortement stigmatisée,
même avant l’essor du narcotrafic :
« [...] pour des raisons politiques dues au fait qu’elle a logé des
quartiers de tradition « gaitanista » et ensuite des quartiers d'
invasion
qui, dans leurs luttes, parfois très violentes, ont mis en évidence
l'
influence du mouvement de gauche. Elle a été aussi stigmatisée pour
être le siège de lieux de prostitution reconnus, combattus par la morale
publique comme épicentres de dérèglement et par les autorités comme
refuge de délinquants. Elle a aussi été stigmatisée socialement parce
qu'
elle a été choisie comme emplacement de relogement de gens
provenant d'
autres lieux de la ville. En outre, il s’ajoute dans les années
1980, une stigmatisation encore plus élevée : elle est accusée d’être un
“lieu de provision des sicarios” selon l'
expression révélatrice d'
un
milicien » (Ceballos 2000, p. 390). 278
À l’instar du terme « favela » au Brésil, à partir de 1980, le terme « comunas »
devient un terme péjoratif donné aux quartiers situés sur les collines de Medellín,
pour indiquer leurs rapports au narcotrafic et à la violence engendrée par celui-ci,
dans cette théorie, il existe une relation causale entre pauvreté, marginalité et crime
(Zaluar 1999b, p. 63 - 64).
277
Selon María Teresa Uribe les comunas du nord ont été prises en considération par
l’État seulement quand le conflit a explosé sous forme de violence généralisée, en
mettant en danger toute la société (Uribe 1990).
278
Traduit par nous de : « [...] por razones políticas debido a que albergó barrios de
tradición gaitanista y luego barrios de invasión en cuyas luchas, a veces cruentas, se
puso de manifiesto la influencia de los movimientos de izquierda ; fue estigmatizada
además por ser sede de reconocidos lugares de prostitución, combatidos por la moral
pública como epicentros de perdición y por las autoridades como refugio de
delincuentes ; fue estigmatizada también socialmente porque se la escogió como sitio de
reubicación de gentes desalojadas de otros lugares de la ciudad. A todo ellos se le
sumará en los ochenta, un explosivo de estigma : el ser “una despensa de sicarios”
según la reveladora expresión de un miliciano ».
224
comme si le phénomène du trafic de drogues et la commission des actions
violentes étaient exclusivement une affaire de ces quartiers.279 En effet, la
violence déclenchée par le narcotrafic a touché toutes les couches de population
de Medellín. Elle a affecté les zones les plus exclusives de Medellín comme celle
de la Comuna 14 (Poblado). D’une part, les jeunes issus des classes favorisées
se sont insérés dans le marché de la drogue et le blanchiment de dollars, avec
les implications sur la violence que cette affaire illégale a engendrée (par
exemple l’utilisation des services des sicarios dont nous avons parlé dans la
partie précédente). De même, les quartiers exclusifs de la ville ont été à la fois
lieu de résidence des plus puissants narcotrafiquants et lieu privilégié pour
l’organisation d’attentats terroristes (Jaramillo, Ceballos et Martínez 1998, p.
59).280 Selon Daniel Pécaut et Gonzalo Sánchez, la violence en Colombie établit
une interaction entre tous les secteurs sociaux, étant donné que personne ne
peut y échapper. De ce fait, c’est un processus impliquant que les habitants
appartiennent au même monde (Pécaut et Sánchez 1989, p. 6). Toutefois, on ne
peut pas nier que la violence s’est emparée d’une manière plus notoire des
quartiers défavorisés de la ville. D’après l'
PC (Instituto Popular de Capacitación)
tant les homicides que la présence d'
acteurs armés dans la ville sont plus
fréquents là où il y a des limitations en espaces publics, des taux de chômage
élevés, des déficit de logement, des difficultés pour l'
accès à la justice formelle,
une plus grande pauvreté et l’absence de programmes éducatifs de qualité
(Jiménez 2002) (voir les homicides par zone à Medellín dans le tableau N° 3 de
cette étude).
Or, le narcotrafic n’a pas été le seul à engendrer la violence en ville. Dès les
années 1980, on connaît la présence dans la ville des milices et guérillas et
279
Pour le cas du Brésil (notamment Rio de Janeiro) les travaux de la sociologue
brésilienne Licia Valladares insistent sur les problèmes qu’engendre la pensée d’une ville
divisée en deux, promue notamment par les médias. Cette vision contribue à
homogénéiser les favelas et « [...] ne fait que promouvoir une esthétique de la pauvreté
marquée par une vie réduite à la samba et à un quotidien de violence mêlé à la drogue et
à l’amour » (Valladares 2000, p. 62). Au contraire, selon les conclusions du livre de
Valladares La favela d’un siècle à l’autre, les favelas sont le lieu par excellence de
l’hétérogénéité « [...] le lieu d’une véritable dynamique sociale, qu’elles étaient
composées d’individus qui, loin d’être marginaux, participent activement au système
économique, politique et social, même si cette participation restait partielle et possédait
ses caractères propres » (Valladares 2006, p. 7).
280
Par exemple les attentats du centre commercial le Trésor et celui du Parc Lleras.
225
depuis 1997 des paramilitaires. À partir de 1998 la principale action des groupes
armés a été la lutte territoriale entre les milices des FARC-EP et de l'
ELN, avec
les paramilitaires. En même temps chaque organisation entretenait des relations
de coopération ou d’antagonisme avec les différentes bandes de délinquance qui
agissaient en ville. Les combats directs et les meurtres sélectifs ont soumis la
population civile à un haut degré de risque.281
Selon le général Montoya,282 pour l’année 2002, les zones critiques du
conflit armé à Medellín étaient les parties hautes de la zone nord-est et de la
zone nord-ouest (notamment les quartiers de Robledo, Santo Domingo Sabio,
Popular 1 et 2), certains quartiers de la zone centre-est, et dans la zone centreouest les quartiers de Belencito, Veinte de Julio et las Independencias de la
Comuna 13 (Montoya 2002). Il est évident que l’emprise sur ces quartiers est
fondamentale pour les acteurs armés. Dans un premier moment leurs voies de
communication ont facilité la consolidation du trafic de drogues et le trafic
d'
armes dans la ville. En même temps, la partie plus haute des zones du nord,
permet aux acteurs du conflit de faire leurs incursions en ville mais aussi de se
replier facilement dans la zone rurale. La ville offre des facilités d’accès vers la
côte atlantique, le Magdalena Medio et les rivières Atrato, Cauca et Magdalena,
et des routes vers la zone cafetière et le centre du pays. D’après le sociologue
Pardo « [...] il ne s'
agit pas de garçons qui se tuent simplement pour revendiquer
les droits de leurs communautés. C'
est un conflit qui s'
incorpore au cadre
national » (Pardo 2002 cité par Yarce 2002b).283
Le Plan de Développement 2004 - 2007 du maire Sergio Fajardo reconnaît
comme un des éléments de la crise de gouvernabilité de Medellín le contrôle
d'
importantes zones du territoire urbain par des acteurs armés illégaux et la
confrontation armée entre les différentes organisations criminelles (Alcaldía de
Medellín 2004, p. 6). Le chiffre d’homicides dans la ville, bien qu’inférieur à celui
281
Pour la compréhension du risque de la population dans le conflit urbain voir l’article de
Naranjo et Hurtado 2004 indiqué dans la bibliographie.
282
Mario Montoya est l’actuel comandant de l’Armée.
283
Traduit par nous de : « [...] no se trata de muchachos que se están matando
simplemente por reivindicar los derechos de sus comunidades. Es un conflicto que se
incorpora al ámbito nacional ».
226
présenté dans la décennie 1990, est encore très élevé. Le plus grand nombre
d'
homicides se concentre dans les zones du nord et dans la zone centre-est, et
affectent notamment les hommes entre 15 et 29 ans (Alcaldía de Medellín 2004,
p. 21-24).
284
Le tableau suivant montre l'
évolution des homicides dans les six
zones de Medellín depuis 1992 jusqu’au 31 octobre 2003. Les chiffres jusqu’en
1999 appartiennent à la base de données de l’IPC (Instituto Popular de
Capacitación) ; les données de 2000 et 2001 sont registres de DECYPOL
(Departamento de Estudios Criminológicos e Identificación) ; les chiffres de 2002
et 2003, sont présentés par la Police Métropolitaine de Medellín. Les chiffres
n’incluent pas les homicides dans les zones rurales de Medellín (hameaux) ni les
homicides sans zone déterminée.
Homicides à Medellín par zone
depuis 1992 jusqu’au 31 octobre 2003.
Année Centre- Nord- Nord- Centre- Sud-
Sud-
est
est
ouest ouest
ouest est
1992
1793
1672
1122
445
707
152
1993
1891
1425
1097
423
557
133
1994
1716
1124
1066
410
365
151
1995
1505
962
824
439
336
91
1996
1207
952
798
397
128
372
1997
973
1026
702
369
114
384
1998
764
900
598
325
255
45
1999
824
989
637
368
272
46
2000
735
1024
632
325
276
59
2001
812
1111
587
450
298
70
2002
768
1031
636
653
289
73
2003
380
480
268
167
116
24
Tableau N° 3 : Homicides à Medellín par zone depuis 1992 jusqu’au 31
octobre 2003. Source : IPC, DECYPOL, PMM. Extrait de : IPC INSTITUTO POPULAR DE CAPACITACIÓN. 2004. Situación de violencia
y conflicto urbano en Medellín y el Valle de Aburrá 2003. Medellín. [réf. du
2006-11-06].
Disponible
sur
Internet :
http://www.ipc.org.co/page/index.php?option=com_content&task=view&id
=532&Itemid=375
284
L’homicide de jeunes du sexe masculin a été toujours surreprésenté dans les chiffres
d’homicide en Colombie. Cette situation se présente aussi dans le cas du Brésil. Entre
1981 et 1991, il y a eu une augmentation du nombre de meurtres violents, dont les
hommes entre 14 et 29 années, étaient représentés entre 8 et 12 fois plus que le femmes
(Zaluar 1999b, p. 60).
227
À partir de ces données nous avons élaboré le graphique suivant pour
montrer de façon plus claire le phénomène :
Homicides à Medellín par Zone
2000
1800
1600
1400
Centre-est
Nord-est
Nord-ouest
1200
1000
Centre-ouest
Sud-ouest
Sud-est
800
600
400
200
0
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003*
Graphique N° 4 : Homicides à Medellín par zone depuis 1992 jusqu’au 31 octobre 2003.
Sans méconnaître que la violence a eu lieu dans tous les lieux de la ville de
Medellín et que ses responsables et victimes se trouvent parmi toutes les
couches de population, on fera référence explicite à la violence des quartiers du
nord et quelques quartiers du centre (notamment dans la Comuna 13), étant
donné que c’est là où nous avons trouvé les cas plus représentatifs des
déplacement intra-urbain dans la ville.285 En effet, selon les conclusions de la
table ronde de Medellín sur le sujet, le déplacement intra-urbain se produit plutôt
dans les :
Zones marginales où les habitants ont les besoins essentiels non
satisfaits.
Zones où il a une absence de planification urbaine.
285
La Personería de Medellín a établi que 47 quartiers de Medellín ont été affectés par le
déplacement forcé intra-urbain, en affectant notamment les habitants des strates 1 et 2
(IPC 2006g).
228
Zones de conflit territorial par les acteurs armés illégaux où l’État n’est
pas médiateur des conflits.
Zones qui, par leur topographie, sont de contrôle territorial difficile, et qui
donnent aux acteurs armés un refuge facile dans les zones urbaines.
Zones où il existe une culture de l’argent rapide.
Zones avec un indice de criminalité élevé.
Zones où les grands projets de modernisation de la ville sont en marche.
Toutefois, il a été reconnu que ce phénomène se développe aussi dans
toutes les comunas et de ce fait, la ville ne constitue plus un lieu de refuge (voir
le graphique N° 9 sur le déplacement par comunas) (Table ronde Medellín, 27
juin 2003).
3.1 Les bandes et autres groupes armés illégaux à Medellín : le
pouvoir des armes dans les quartiers défavorisés
À Medellín, à partir des années 1980, il y a eu toute une gamme de bandes de
délinquance, bandes liées au narcotrafic et une multiplicité d’acteurs qui ont pris
les armes pour la défense de leurs comunas et quartiers d’habitation.
Néanmoins, selon l’analyse de Ramiro Ceballos, les bandes de délinquants
existent à Medellín depuis les années 1960. À cette époque, elles ont entamé
des actions de petite taille et ne comptaient pas sur une spécialisation des
activités ni une structure corporative très forte. Elles se caractérisaient par les
actions individuelles de certains de leurs membres et de ce fait elles ne sont pas
arrivées à représenter un problème d'
ordre public pour la ville (Ceballos 2000, p.
387).
Néanmoins, la prolifération d’acteurs armés illégaux dans la ville est marquée
par l’essor du trafic de drogues à partir des années 1980. En effet, le processus
de consolidation de bandes dans la ville a été nourri par le flux d'
argent et
d'
armes provenant du trafic de drogues. Ainsi, la ville est inondée par tout type
d'
organisations criminelles : les galladas, les bandes de tueurs à gages
directement liées au Cartel de Medellín, les groupes de personnes qui se
consacrent à prêter des services comme intermédiaires entre les chefs du trafic
de drogues et les sicarios (oficinas), bandes de délinquance indépendantes du
229
narcotrafic,
une
multiplicité
de
bandes
de
petite
taille
appelées
chichipatos dédiées au vol et à l’attaque dans les rues de leurs quartiers
d’origine, des groupes armés appelés combos et aussi des groupes qui prêtaient
des services de vigilance aux différents comunas et quartiers (Ceballos 2000, p.
388).
Bien que les actions de tous ces groupes se ressemblent et qu’il soit
difficile de marquer la différence entre les uns et les autres, nous allons montrer
comment ces groupes ont été définis par les chercheurs de la Corporación
Región. Nous cherchons à rendre visible la complexité et la quantité alarmante
de groupes en armes qui opèrent tous dans la même ville. Sans doute, les
termes pour identifier les différents groupes ont été utilisés de manière indistincte
par les journalistes, les chercheurs, les représentants du gouvernement national
et local, voire par la communauté touchée par leurs actions violentes.
Néanmoins, les jeunes qui composent les différents groupes marquent un grand
écart entre leurs actions et celles de leurs opposants. De ce fait, en suivant
l’analyse proposée en 1998 par Jaramillo, Ceballos et Martínez dans le livre « En
la encrucijada : conflicto y cultura política en el Medellín de los noventa » et
l’article de l’année 2000 écrit par Ceballos sur la violence récente à Medellín et
ses acteurs, nous allons montrer les caractéristiques plus représentatives des
acteurs mentionnés ci-dessus. L’exercice de différentiation que nous allons
proposer a été fait dans un but académique et en cherchant la clarté dans
l’exposition de cette recherche. Néanmoins, nous insistons sur le fait que, dans
la réalité, il est très difficile de marquer les séparations entre les acteurs. Pour
cette raison, il est aussi difficile d’établir une chronologie précise sur l’apparition
des différents groupes.
Les galladas : D’après Ceballos, à la fin des années 1970, les bandes de
jeunes ou galladas se sont consolidées dans la ville comme une réponse à la
marginalisation sociale, le chômage, les conditions précaires du logement
populaire, entre autres conditions des comunas marginales, dont nous avons
parlé dans la section antérieure. Ces bandes étaient plutôt associées aux
demandes de promotion sociale qu’à des activités délictueuses. Néanmoins elles
ont été liées à la commission des vols et à la consommation de marijuana
comme moyen de socialisation. Par la suite, dans les années 1980, face à l’essor
230
du narcotrafic dans le pays et notamment à Medellín, ces bandes se sont
facilement insérées avec le négoce de la drogue, ce qui a augmenté la
consommation de drogues entres leurs membres et le nombre d’homicides dans
la ville (Ceballos 2000, p. 387-388).
Les bandes de délinquants durs : Ces bandes se sont consolidées comme
des structures armées dans la ville, lesquelles effectuaient des activités de
délinquance de grand niveau, mais loin des quartiers de résidence de leurs
membres. De ce fait, elles ont atteint des hauts niveaux de légitimité au sein de
la communauté ce qui leur a conféré un important statut symbolique face aux
autres groupes délinquants qui effectuaient des opérations dans les quartiers.
Elles fonctionnaient comme des réseaux d'
amis ou des familiers avec des liens
avec les organismes de sécurité de l'
État. Leurs membres se rassemblaient pour
effectuer des actions ponctuelles. En général, ils ne consommaient pas de
drogue et évitaient les liens avec le narcotrafic et le Cartel de Medellín (Jaramillo,
Ceballos et Martínez 1998, p. 71-72).286
Les chichipatos : Les chichipatos sont des bandes de petite taille dédiées au
vol de résidences et de véhicules et à l’assaut dans les quartiers d’origine de
leurs membres. Leurs activités sont liées à la consommation de la base de coca
(bazuco). De ce fait, elles ne disposent pas de l'
appui des habitants. En effet, le
nom chichipato indique un caractère péjoratif envers ces organisations (Ceballos
2000, p. 388).
Les bandes du narcotrafic et les bandes de tueurs à gages : étant donnée
leur relation directe avec le trafic de drogues, nous avons donné une description
détaillée des bandes de tueurs à gages dans la section 3.2 de la deuxième partie
de cette étude. En particulier, dans le département d’Antioquia, la crise
économique des années 1980, notamment de l'
industrie textile, l'
industrie minière
et le commerce ont facilité l'
entrée du Cartel de Medellín. De ce fait, il y a eu une
prolifération de bandes de tueurs à gages à Medellín, lesquelles étaient sous la
commande des plus puissants narcotrafiquants, notamment Pablo Escobar.
Parmi les principales bandes liées au Cartel, on trouve: Los Priscos, El Viejo, Los
286
Voir le livre de Diego Bedoya et Julio Jaramillo. 1991. De la barra a la banda.
Medellín : El propio bolsillo, 150 p.
231
Capuchos, La Ramada, La Quica, Los Mecatos, La 91, El Loco Uribe, Los
Enanos, Los Magníficos et Los Nachos (Yarce 2002a). Selon Gérard Martin, les
chefs du narcotrafic définissent les coups à porter, mais les basses besognes
sont déléguées vers le bas : dans ce cas, vers les bandes de sicarios chargés
d'
exécuter les homicides, les prises d'
otages, les vols, etc. Pour l’auteur « cette
délégation relève, bien entendu, d'
une compartimentation commandée par des
impératifs de sécurité, mais aussi d'
un souci des chefs à ne pas être
personnellement impliqués dans les basses besognes et donc de garder les
mains (plus) propres » (Martin 1997, p. 231).
Les bandes de tueurs à gages et toutes celles associées au narcotrafic ont
opéré notamment dans les comunas du nord de la ville et dans les municipios
des alentours comme celle d’Envigado, La Estrella et Bello. Selon le Bureau de
Planification de Medellín, c’est parmi les quartiers de la strate trois (moyen) où se
sont consolidées les bandes les plus puissantes : les Priscos dans la Comuna 4
(Aranjuez) de la zone nord-est et La Ramada dans les quartiers du municipio de
Bello (Ortiz 1991, p. 69).287 Ce phénomène a été tellement marqué à Medellín,
que les jeunes des bandes ont créé un nouveau dialecte connu comme el
parlache. Selon Henao et Naranjo, el parlache est le produit des transformations
de la ville de Medellín à partir de 1980, quand les comunas du nord-est et du
nord-ouest ont été stigmatisées par les effets violents du trafic de drogue. Dans
ce nouveau dialecte, les personnes exclues construisent de nouveaux codes, liés
à la violence et au besoin de dissimuler les informations. Ce dialecte a été défini
comme « [...] un dialecte social qui apparaît et se développe dans les secteurs
populaires de Medellín comme une des réponses que les groupes sociaux qui se
perçoivent exclus de l'
éducation, du travail et de la culture, donnent aux autres
287
Selon le philosophe Estanislao Zuleta : « [...] la violence ne résulte pas directement de
la misère, mais plutôt de l'
injustice, de l'
absence ou l'
insuffisance de l'
État. La perte de
confiance en la loi comme espace pour dissoudre les conflits coïncide avec
l'
effondrement d'
une éthique du travail et le mérite, et son remplacement par
l'
enrichissement à tout coût et par tout moyen (Zuleta 1991 cité par Jaramillo et al 1992,
p. 108). Traduit par nous de : « [...] la violencia no resulta directamente de la miseria,
sino más bien de la injusticia, de la ausencia o insuficiencia del Estado. La pérdida de
confianza en la ley como espacio para dirimir los conflictos coincide con el hundimiento
de una ética del trabajo y el mérito, y su reemplazo por el enriquecimiento a cualquier
costo y por cualquier medio ».
232
secteurs de la population face auxquels ils se sentent marginalisés » (Henao et
Naranjo 1995, p. 18).288
Or, avec le démantèlement du Cartel de Medellín et la mort de Pablo Escobar
en 1993, ces bandes ont commencé à travailler indépendamment, mais en
profitant des armes et de l’argent laissés par le trafic de drogues. Beaucoup de
bandes ont été désactivées mais quelques autres sont restées actives avec de
forts niveaux de spécialisation criminelle comme celle de La Terraza , La de
Frank , et 8 de marzo (Montoya 2002). Les organisations de ce type, toutefois,
oscillent entre la délinquance organisée et la délinquance commune selon le cas.
Bien qu'
ils condamnent la délinquance commune effectuée par d'
autres bandes,
elles se sentent autorisées à l’utiliser si le besoin de ressources le requiert ainsi
(Jaramillo, Ceballos et Martínez 1998, p. 70). Par la suite, avec l’arrivée des
groupes armés illégaux comme les guérillas des FARC-EP et d’ELN et les
paramilitaires, ces bandes, ont été dotées avec des armes très puissantes, voire
plus modernes que celles utilisées par les organismes de l’État (Yarce 2002a).
Les oficinas : Les oficinas sont des bandes consacrées à prêter des
services comme intermédiaires entre les chefs du trafic de drogues et les
sicarios. Elles ont un haut niveau économique et des relations permanentes avec
les grands capos du narcotrafic. De ce fait, elles ont une grande capacité pour
mener des opérations avec un haut degré de spécialisation et de logistique
(Ceballos 2000, p. 388)
Les combos : Les combos sont constitués par des délinquants de bas
profil avec des opérations de petite envergure comme les vols et les attaques
dans la rue. Ils sont souvent à la base du recrutement de la délinquance
organisée. Ils n’ont pas une hiérarchie définie. Toutefois, contrairement aux
groupes de chichipatos leurs activités se sont tournées vers le contrôle territorial
et la sécurité communautaire. La population recourt à eux pour régler des
problèmes familiaux et des voisins. De ce fait, le respect du quartier est
fondamental dans leur façon d’agir, et leurs opérations de délinquance ont été
288
Traduit par nous de : « [...] un dialecto social que surge y se desarrolla en los sectores
populares de Medellín como una de las respuestas que los grupos sociales que se
sienten excluidos de la educación, la actividad laboral y la cultura, dan a los otros
sectores de la población frente a los cuales se sienten marginados ».
233
dirigées vers le centre de la ville (Jaramillo, Ceballos et Martínez 1998, p. 71-75).
La consommation de la marijuana est un élément de sociabilité entre eux, et, de
ce fait, ils rejettent les activités de nettoyage social vers les toxicodépendants.
Toutefois ils marquent une différence sensible entre la consommation de cette
drogue avec les drogues fortes comme la base de coca (bazuco) et les
roches (psycho-tropique), lesquelles sont associées au désordre et au manque
de contrôle sur les actions. De même, les combos, par opposition aux sicarios,
accordent à la vie une valeur particulière et refusent de tuer pour des mobiles
financiers (Jaramillo, Ceballos et Martínez 1998, p. 75-80).
Groupes de vigilance et de sécurité privée (police privée): Il existe à
Medellín des acteurs qui se sont organisés pour se défendre des délinquants en
accomplissant une fonction spécifique de vigilance. L’impératif sécuritaire s’est
largement diffusé et les habitants tendent à s’armer.289 Il est courant que les
habitants installent des comités de surveillance communautaire et de
surveillance privée comme moyen de défense contre les excès et violations de
droits de l’homme par les groupes armés sur leurs territoires. En Colombie, la
violence urbaine amalgamée à la violence politique, au sentiment et à la
perception d’insécurité a mené à la prévention de celle-ci par le biais de la
protection et de la sécurisation des unités d’habitation, voire des quartiers dans
leur ensemble. Différentes stratégies s’y développent. Dans le secteur résidentiel
privé des personnes aisées, on voit la présence des compagnies d’assurance,
qui conduit à la mise en place de systèmes d’alarmes et d’interphones. Il existe
une tendance à construire des quartiers résidentiels fermés (avec une fermeture
matérielle visible) chaque fois plus indépendants (avec toute l’offre des services
à l’intérieur), plus isolés dans leur propre monde. Dans les secteurs populaires,
selon Guenola Capron290, les habitants de villes latino-américaines «
289
Le trafic d'
armes est d'
une grande ampleur dans la ville de Medellín. On estime
qu'
autour de 300.000 armes sont portées par la population civile (IPC 2003).
290
Un des principaux sujets de recherche de la géographe Guenola Capron est le rôle de
la sécurité dans l'
urbanisme, notamment en Amérique Latine. Capron souligne qu’à partir
de la moitié des années quatre vingt la sécurité est devenue un impératif sociétal, au
sens où elle est une problématique de plus en plus prégnante dans nos sociétés. « Elle
devient omniprésente, elle réside autant dans les faits (accroissement des délits et de la
violence urbaine dans certaines grandes villes du monde) que dans les dispositifs
juridiques, policiers, institutionnels, voire urbanistiques mis en place pour lutter contre
elle » (Capron 2002, p. 13). Capron fait une analyse sur les rapports entre les processus
d'
enfermement, de sécurisation et d'
autonomisation qui semblent être l'
une des
234
[...] prennent rapidement des mesures d’autoprotection qui peuvent passer par la
fermeture ou par la construction de quartiers ouvriers destinés aux ouvriers, mais
aussi par des mesures d’autodéfense ou d’auto-surveillance (Capron 2002, p.
16). La particularité des quartiers populaires de Medellín est qu’une des
manières de garantir la sécurité est de recourir aux services des bandes, milices
et groupes paramilitaires. Ces groupes perçoivent un impôt pour la prestation du
service. Ainsi, iIs se sont appropriés des structures de vigilance existantes dans
la ville, avec des discours politiques en termes de sécurité (Ceballos 2000, p.
392).
Évidemment la privatisation de la sécurité n’est pas une tendance
exclusive de la Colombie. Selon l’OCDE (Organisation de Coopération et de
Développement Économiques), le secteur de la sécurité à niveau mondial a
fonctionné -en grande partie au moins- séparément des forces civiles et militaires
chargées de l’application de la loi et de la sécurité nationale (OCDE 2004, p. 8).
En même temps que « [...] les différentes formes de polices contribuent elles
aussi à renforcer le sentiment d’insécurité des citadins qui, parfois, se fient plus
aux vigiles privés qu’aux forces de police publiques » (Capron 2002, p. 15).
On assiste donc au développement d’une économie dédiée exclusivement
à la sécurité. Le terme « économie de la sécurité » décrit, selon l’OCDE, la
multiplicité des activités dont l’objet est de prévenir ou d’atténuer le risque
d’atteintes délibérées à la vie et aux biens. Ainsi, « [...] dans son acception la plus
large, il peut englober la défense et le contre-espionnage, les forces de police, les
polices privées, le gardiennage armé et les fournisseurs de technologies de
sécurité ; dans un sens plus étroit, il peut se limiter aux dépenses privées de
sécurité des personnes et des entreprises » (OCDE 2004, p. 8).
En définitive, après avoir parcouru les catégories des bandes et groupes
armés proposés par les chercheurs de la Corporación Región, nous observons la
tendances d'
évolution de la ville. Ainsi, l’auteur parle d’une ville forteresse et analyse les
formes du développement d’un urbanisme sécuritaire : quartiers résidentiels fermés et
sécurisés, gated communities, barrios o conjuntos cerrados, condominios fechados.
L’auteur propose que pour bien comprendre ces nouveaux espaces il est nécessaire de
revenir aux références et aux origines historiques de ces formes résidentielles tant dans
les quartiers exclusifs comme dans ceux de la population pauvre (Capron 2002, p. 22).
235
manière dont les différentes structures défendent leurs territoires par la force,
dans une ambiance de méfiance face à la police et les services de sécurité de
l’État. Plusieurs groupes ont gagné de la légitimité parmi les habitants des
quartiers et par la suite, ils élargissent leurs activités de défense à des actions de
régulation sociale. Néanmoins, nombreux sont les acteurs qui se disputent le
même territoire, ce qui engendre maintes situations de violence et la
fragmentation permanente de la communauté.
3.2 Les milices à Medellín : une ville sur surveillée
Dans la section 2.6 de la deuxième partie de cette étude nous avons parlé
des principales caractéristiques des milices. Nous avions remarqué qu’il s’avère
très difficile de faire une distinction exacte entre les activités et les objectifs des
milices et des guérillas dans les villes. Quelques milices urbaines ont été formées
par les guérillas, d’autres ont surgi de manière autonome et agissent
indépendamment des grands protagonistes. Néanmoins, il existe aussi des
alliances stratégiques entre les deux organisations.
Dans le cas de Medellín, les milices apparaissent à la fin des années
1980, dans une ambiance propice à leur consolidation grâce à l’essor du
narcotrafic et à la prolifération de bandes et groupes armés illégaux. Les guérillas
des FARC-EP, d’ELN, d’EPL et du M-19 ont joué un rôle important avec des
cellules urbaines. Selon Ceballos, la prolifération des bandes de petite taille
(bandes de chichipatos) dédiées au vol, aux attaques et aux homicides dans la
rue et associées à la consommation de drogues, a marqué l’entrée des milices
dans les comunas populaires de Medellín. Pour l’auteur, le but initial des milices
était de « nettoyer » les quartiers de personnes indésirables (notamment bandes
de chichipatos et combos) plutôt que de porter secours face aux sicarios ou
bandes puissantes de narcotrafiquants. Toutefois, dans leurs discours publics
destinés à justifier leur existence, ils se présentent comme les acteurs qui vont
libérer les quartiers des tueurs à gages et des actions arbitraires de la police
(Ceballos 2000, p. 389-393).
Ainsi, les milices entreprennent des campagnes de nettoyage contre les
responsables de « conduites incorrectes ». Dans certains cas, ces campagnes
236
commencent par un avertissement, lequel permet au « contrevenant » de
changer sa conduite dans le sens souhaité par les miliciens. Dans d'
autres cas,
la punition est l'
expulsion immédiate du quartier (déplacement forcé) et dans le
cas le plus grave, la punition est la mort. D’après les miliciens, les campagnes
sont devenues une stratégie d'
exécution populaire et les homicides causés dans
ce contexte, sont perçus comme « [...] décès inévitables dans toute guerre »
(Jaramillo, Ceballos et Martínez 1998, p. 87-88).291 Néanmoins, à leur arrivée
dans la ville dans le but de combattre la délinquance, les miliciens ont été obligés
de recourir aux bandes pour pouvoir exercer le contrôle dans certaines zones de
la ville. De cette manière, depuis les débuts des années 1980, elles absorbent
quelques bandes et assument la protection qu'
elles exerçaient dans les quartiers.
D’autre part, les miliciens se déclarent promoteurs de l'
organisation
populaire et des actions collectives en faveur de la communauté. Leurs activités
comprennent la surveillance et le contrôle des quartiers, mais aussi des activités
culturelles et sportives. Ils ont même effectué des tâches liées à l’hygiène et à
l’environnement urbain. Ils récoltent des fonds auprès de la population pour la
réalisation d’oeuvres sociales (ils achètent des médicaments pour les personnes
malades et offrent des aliments aux habitants les plus démunis). Depuis leur
installation dans certains quartiers, ce sont les habitants qui leur demandent des
services tels que la médiation de conflits entre les membres de la communauté,
voire entre familles (Jaramillo, Ceballos et Martínez 1998, p. 89-93). De même,
en suivant la proposition de Jaramillo, Ceballos et Martínez, les milices, y
compris les milices indépendantes, se définissent elles-mêmes comme des
organisations
politico-militaires
dont
l'
objectif
est
la
contribution
aux
transformations structurelles dans la ville et la prise du pouvoir pour le peuple.
Dans ce sens, l'
État est considéré comme l'
adversaire idéologique et politique de
premier ordre, même si dans la vie quotidienne leurs opposants les plus forts
sont d’autres groupes armés illégaux (Jaramillo, Ceballos et Martínez 1998, p.
86-95). Ainsi, elles ont interdit la gestion de ressources avec des organismes
étatiques et les activités politiques liées aux partis traditionnels, voire avec
quelques mouvements de la gauche (Jaramillo, Ceballos et Martínez 1998, p. 8991). En effet, les milices tiennent un discours révolutionnaire alimenté par la
291
Traduit par nous de : « [...] muertes inevitables en cualquier guerra ».
237
déception face au travail gouvernemental dans les villes, par la crise des
institutions traditionnelles comme l’église, la famille et l’école et par la
déstabilisation sociale due à la prolifération des acteurs armés (Jaramillo,
Ceballos et Martínez 1998, p. 61). Nonobstant, selon les chercheurs de la
Corporación Región tous les habitants des comunas touchées ne connaissent
pas forcément la connexion des milices avec des projets politiques. Il est même
difficile de les distinguer d'
autres groupes armés qui opèrent dans la ville
(Jaramillo, Ceballos et Martínez 1998, p. 86).
Néanmoins, le projet milicien dispose d’une certaine légitimité parmi les
habitants des comunas où elles agissent. D’abord pour la pression exercée par
la délinquance dans les quartiers et, en deuxième lieu, par le constat de la
faiblesse de l’État face à la violence urbaine et l’absence de politiques locales
pour la combattre. Toutefois, cette légitimité repose sur des sentiments ambigus
qui oscillent entre la valorisation, la confiance, la peur et la terreur. Il y a une
combinaison permanente entre l'
acceptation et le rejet. Souvent, elles disposent
de légitimité dans leur secteur d’emprise et sont rejetées dans le quartier voisin.
Selon le témoignage d’un habitant des comunas de nord : « On ne veut pas être
du tout soumis aux conditions imposées par eux, mais on n'
est pas non plus
disposés à refuser leurs services, parfois il n’y a pas le choix » (Jaramillo,
Ceballos et Martínez 1998, p. 220).292
En 1980 apparaissent les premières milices à Medellín appelées Las
Milicias Populares del Pueblo y para el Pueblo dans le quartier Popular et Santo
Domingo de la Comuna 1. Par la suite, bien d’autres milices ont une présence
sur la scène urbaine, ce que nous pouvons observer dans le tableau N° 4 sur
l’emplacement des acteurs armés illégaux à Medellín. En effet, depuis la moitié
des années 1980, les milices ont marqué leur apparition par des graffitis sur les
murs des espaces publics où elles menaçaient de mort la population. Plusieurs
groupes ont commencé à faire des rondes (patrullajes) dans les quartiers dans le
but de contrôler le mouvement des habitants. Cependant, c’est seulement dans
les années 1990 et 1991 que les milices se sont faites connaître publiquement,
292
Traduit par nous de : « No se quiere estar del todo sujeto a las condiciones impuestas
por ellos, pero tampoco se esta dispuesto a prescindir de sus servicios ; y muchas veces
no hay opción de escoger ».
238
dans les informations et les journaux : des jeunes encapuchonnés se sont
présentés comme le pouvoir armé dans les quartiers (Ceballos 2000, p. 390391).
D’après le général Mario Montoya, entre 1992 et 1993, Las Milicias
Populares de l'ELN et Las Milicias Bolivarianas des FARC-EP ont commencé à
arriver à Medellín.293 La manière de s’insérer dans les quartiers s’est réalisée par
la persuasion directe de quelques bandes et combos mais aussi par l'
intimidation
et la terreur avec l’exécution de quelques chefs de bandes. Aussi, explique le
général, entre 1996 et 1997 les CAP (Comandos Armados del Pueblo)
apparaissent avec l'
idée de protéger les quartiers des comunas du nord de la
ville. Ils avaient une plateforme politique de gauche et ont été associés à
l’ELN.294 Les jeunes entre 16 et 25 ans ont été obligés de faire partie de ces
groupes, soit de manière active par l’utilisation d’armes, soit comme
informateurs. Selon Montoya, l’un des buts des milices liées aux grands
protagonistes armés illégaux, c’est précisément le recrutement des combattants
non seulement pour agir en ville, mais pour leurs campements ruraux. La ville est
aussi utilisée comme un lieu de publicité et de récupération des combattants
blessés dans les combats ruraux (Montoya 2002).
Les zones choisies pour les guérillas pour la consolidation de leurs
cellules urbaines avaient une grande importance militaire et stratégique. Ainsi,
les milices de l’ELN implantées au nord-est de la ville permettaient au
mouvement de guérilla de l’Oriente d’Antioquia d’accéder à la ville, et les forces
miliciennes des FARC-EP consolidés à l’ouest, ouvraient la ville aux guérilleros
de cette organisation implantés dans le nord-ouest du pays (Amnistie
Internationale 2005). De même, les guérilleros utilisent la ville comme lieu
d’approvisionnement des fonds au travers des extorsions et des kidnappings.
D’après les informations collectées au moment de la table ronde qui s’est tenue à
Medellín en juin 2003, il y a eu des « kidnappings transitoires », qui consistent à
293
Selon les rapports d’Amnistie Internationale en 1994, une alliance entre les FARC-EP,
l’ELN et un certain nombre de groupes miliciens indépendants a dérivé dans la création
du Bloque Popular Miliciano (Amnistie Internationale 2005).
294
Selon les reportages de la journaliste Yarce les CAP on travaillé en coordination avec
les Milicias Bolivarianas des FARC-EP, et ont agi notamment dans les quartiers de
Vallejuelos, Blanquizal, Belencito et Corazón dans la Comuna 13 (Yarce 2002).
239
retenir des personnes pendant plusieurs heures et à les libérer après
l’encaissement d’une somme entre 1 et 3 millions de pesos (entre 345 et 1034
euros) (Table ronde Medellín, 27 juin 2003).
En suivant la proposition de Jaramillo, Ceballos et Martínez, à la fin des
années 1990, Medellín se transforme en une « ville sur-surveillée ». Non
seulement par la prolifération d'
acteurs armés illégaux mais aussi par les efforts
des administrations locales pour combattre l'
insécurité en termes répressifs.
Nous pouvons citer quelques exemples. Pendant l'
administration d’Álvaro Uribe
(1985-1988), le Fond Métropolitain de Sécurité (Metroseguridad) a été créé.
C‘est un système de coordination opérationnelle et d'
appui aux tâches des
organismes de sécurité. Il était chargé de la surveillance des espaces publics et
cherchait l'
appui de la communauté en termes d'
information (Naranjo 1992, p.
118). Pendant les années 1995 et 1997, on assiste à la consolidation des
« Convivir » dont nous avions parlé dans la section 4.1 de la deuxième partie de
cette étude. Celles-ci ont concentré leurs activités dans la campagne mais aussi
dans la ville. Pour la même époque, la police a lancé des comités
communautaires pour soutenir sa tâche de vigilance (Jaramillo, Ceballos et
Martínez 1998, p. 49-50). De même, en 2002, après les événements de la
Comuna 13 dont nous parlerons plus loin, l’administration municipale a construit
une station de police dans le quartier Belencito et a réinstallé la base de l'
Armée
Nationale dans le quartier El Pesebre (Table ronde Medellín, 27 juin 2003).
Bien que toutes ces organisations fassent partie d’une politique
gouvernementale destinée à combattre la criminalité, elles ont été des membres
actifs dans la dégradation du conflit dans la ville. L'
État n'
est pas reconnu comme
un arbitre du conflit mais comme une partie active en lui. Ainsi, le traitement
répressif de l'
État face au conflit s’est traduit par l’affaiblissement de sa légitimité
et par la détérioration des niveaux de crédibilité, autorité, et confiance des
citoyens envers lui. Cette situation fut signalée par Ortiz en 1991 : « [...] le
traitement policier et répressif n'
a pas montré de réduction de la violence ni de
diminution des acteurs armés. En revanche, il a suscité, par ses méthodes, un
grand rejet. Ainsi la police est perçue à Medellín comme un facteur de violence et
non comme une ressource de sécurité » (Ortiz 1991, p. 81).295
295
Traduit par nous de : « [...] el tratamiento policial y represivo no ha mostrado
240
Or, les milices ont atteint un impact tellement grand dans le détournement
de l'
ordre public de la ville, qu'
en 1990, la mairie de Medellín et le gouverneur
d'
Antioquia leur proposent une négociation. À l’époque Medellín est considérée
comme l’une des villes les plus violentes du monde. En 1991, elle présente le
chiffre le plus élevé du nombre d’homicides par habitant en Amérique Latine (voir
le graphique N° 6 sur les chiffres d’homicides à Medellín). Néanmoins la
négociation ne se consolide qu’en 1994, étant donné que le caractère du
problème requérait une politique nationale que les mandataires régionaux et
locaux ne pouvaient pas adopter indépendamment (Jaramillo, Ceballos et
Martínez 1998, p. 64). Les dialogues connus comme processus « Media
Luna »296 se consolident sous le gouvernement du Président Cesar Gaviria
(1990-1994) et dans le cadre de la Constitution de 1991. Toutefois dans ces
négociations, les milices démobilisées (quelques membres des Milicias
Populares, un secteur des Milicias Populares del Valle de Aburrá et Las Milicias
Metropolitanas) ont assuré ne pas entretenir de liens avec la guérilla ou les
autodéfenses, ni réaliser d’actions de « nettoyage social », ou effectuer
d’activités illégales comme le kidnapping et l'
extorsion (Vélez 2002).297
Néanmoins, le président Gaviria était concerné par la possible cooptation de ces
groupes de milices par les guérillas et a favorisé la consolidation de ce
processus de paix. De même, depuis 1993, l’État commence à reconnaître les
milices comme des acteurs politiques (Jaramillo, Ceballos et Martínez 1998, p.
65-66). Ainsi, la Loi 104 de 1993 octroie certains bénéfices juridiques au profit
des milices. Ce processus est pensé par l’État comme un cas exceptionnel de
traitement du conflit urbain. Selon les données du Bureau d'
Insertion d’Antioquia,
resultados de reducción de la violencia ni de disminución de los actores armados. En
cambio ha suscitado, por sus métodos, un gran rechazo. Así la policía es percibida en
Medellín como un factor de violencia y no como un recurso de seguridad ».
296
Media Luna est un secteur proche de la ville de Medellín, près du hameau de Santa
Elena.
297
Nonobstant, comme nous l’avons remarqué à plusieurs reprises, il est difficile de
savoir sous quel signe idéologique ont agi ces milices. Parfois, elles ont été liées aux
grands protagonistes du conflit national, même les milices appelées indépendantes. En
outre, face au processus de négociation, il est très important de se présenter sous un
visage légitimant, et, il pourrait devenir plus convenable de se présenter comme milices
indépendantes. Par exemple, les liens entre Las Milicias del Valle de Aburrá et l’ELN ont
été connus, mais dans la négociation elles évitent de dévoiler leurs rapports.
241
en 1994, 600 miliciens ont été démobilisés. Toutefois, si l’on s’attache à suivre la
mise en pratique de cette négociation, le processus n'
a pas arrêté le projet
milicien et beaucoup de démobilisés ont laissé leurs cellules actives dans
différents quartiers de la ville (Ceballos 2000, p 393-395). 298
Après la démobilisation des milices, COOSERCOM (Cooperativa de
Vigilancia y Servicios Comunitarios), a été créé avec l'
idée de réaliser un projet
de cœxistence et de sécurité dans la zone du nord-est. Autour de 350 exmiliciens, désormais représentants d’une institution officielle, ont proposé des
services de surveillance dans des quartiers où ils avaient eu une influence
importante. Ceci, selon les organismes de sécurité, permettrait à l'
État de se
rapprocher de la communauté. Pourtant, l'
idée initiale a surpassé le contrôle
étatique et cette coopération s’est transformée en un facteur additionnel de
violence dans la zone. Il y a eu des dénonciations sur la commission des délits
par les membres de cette coopérative, y compris des combats directs contre des
miliciens et la police. Le Directeur National de Réinsertion de l'
époque, Tomas
Concha, a reconnu l'
erreur de la création de COOSERCOM, par le fait d'
ouvrir à
des particuliers le monopole des armes, qui devrait être une faculté détenue
exclusivement par l’État. En 1995, environ 100 membres de la coopérative
avaient été assassinés. En 1997, le maire de Medellín a exigé le désarmement
de COOSERCOM. Toutefois, quelques membres se sont liés aux groupes de
milices ou paramilitaires (Vélez 2002).299
Après la démobilisation de 1994, les milices restantes ont souffert d’un
processus de fragmentation et d’expansion vers des quartiers périphériques, en
laissant de côté les activités dans des emplacements centraux de la ville. Cela
leur a fait perdre impact et visibilité. De même, à la fin des années 1990, ces
groupes deviennent très perméables aux activités de délinquance, et commettent
aussi des extorsions régulières dans les différents quartiers. De ce fait, ils ont
perdu l’appui de la population. Parallèlement des armées illégales se sont
298
Pour l’analyse de ce processus de paix voir Jaramillo, Ceballos et Martínez 1998, p.
82-85.
299
Selon Jaramillo, Ceballos et Martínez cette coopérative a été liquidé en 1996 et non
en 1997.
242
organisées pour leur faire opposition (Jaramillo, Ceballos et Martínez 1998, p.
65-68).
Par ailleurs, on a pu remarquer d’autres initiatives importantes sur le
terrain du dialogue et de la négociation de la part de la Mairie, la Secretaría de
Gobierno, la Secretaría de Desarrollo Comunitario et la Secretaría de Bienestar
Social. La plus significative de ces initiatives a été la création en 1993 de
l’Asesoría de Paz y Convivencia de la Marie de Medellín, laquelle était chargée
de la résolution pacifique des conflits, au travers de la réalisation des accords de
paix et pactes de convivialité entre les différents acteurs armés.300 Selon les
rapports de la Veeduría del Plan de Desarrollo de Medellín (Jurande du Plan de
Développement), sous l’administration de Sergio Naranjo (1995-1997), les
actions de ce bureau ont été intermittentes et le désarmement des acteurs n’a
pas été possible. En outre, le budget destiné à ce bureau était insuffisant face
aux objectifs proposés. En effet, sous cette administration, il y a eu un intérêt
plus fort pour la dotation en ressources technologiques, techniques et physiques
dans l'
exercice des activités de sécurité et très peu pour les investissements
dans des actions à caractère communautaire et social (Veeduría del Plan de
Desarrollo de Medellín 1998, p. 12-16). Le témoignage de l’IPC est à cet égard
édifiant :
« Les interventions médiatrices promues par l'
administration
municipale [...] n'
incluent pas l'
idée du désarmement et ne sont pas non
plus une négociation proprement dite entre l’État et des acteurs contraétatiques. Elles sont plutôt des programmes d'
assistance qui essayent
de désarmer les esprits, d'
offrir des alternatives d'
insertion sociale, et
d’obtenir, par cette voie, la neutralisation des armes. Ils sont un
complément aux politiques répressives qui continuent à être fortifiées et
montrent toujours leur inefficacité ; mais, en outre, ils montrent
comment l'
État doit négocier la paix et la coexistence, ce qui est, en
principe, anormal dans une démocratie, comme l’a bien indiqué le
directeur de l’Asesoría de Paz y Convivencia, Juan Guillermo
Sepúlveda, dans ses interventions devant le Conseil » (Jaramillo,
Ceballos et Martínez 1998, p. 125).301
300
D’abord, le bureau faisait la reconnaissance et organisait le rapprochement avec les
bandes et les acteurs armés illégaux. Après, elle donnait un soutien éducatif et
économique (Jaramillo, Ceballos et Martínez 1998, p. 121).
301
Traduit par nous de : « Las intervenciones mediadoras promovidas por la
administración municipal [...] no incluyen la idea del desarme y no son tampoco una
negociación propiamente dicha entre Estado y actores contraestatales. Parecen más
bien programas de asistencia que intentan desarmar los espíritus, ofrecer alternativas de
243
De même, selon l'
IPC, d'
autres instances de médiation comme les ONG
et l'
Église aident à la distension des conflits, mais ne traitent pas des sujets
primordiaux tels que le désarmement ou l'
interdiction d'
effectuer des activités
délictueuses hors des quartiers de résidence des participants (Jaramillo,
Ceballos et Martínez 1998, p. 135).
Par la suite, pendant la deuxième administration de Juan Gómez Martínez
(1998-2000), l’Asesoría de Paz y Conviviencia a passé des accords de nonagression dans les quartiers touchés par les acteurs armés. Ces négociations
étaient accompagnées de journées éducatives et d’ateliers de paix ; la création
d'
un observatoire des accords, la promotion de projets productifs et la recherche
d'
emplois pour certains jeunes insérés dans le processus. Cependant à la fin de
l’année 2000, l’absence des possibilités d'
emploi ou la courte durée de ceux-ci
pour les personnes faisant partie des accords a été indiquée. En outre, les
bandes ont été accusées d’acheter des armes avec l’argent destiné à
l'
investissement social dans les quartiers (Vélez 2002).
D’autre part, le programme de la BID (Banque Interaméricaine de
Développement) « Apoyo a la convivencia y seguridad ciudadana » qui avait
pour but la promotion des projets de connivence et la prévention de la violence, a
présenté plusieurs retards dans l’exécution de ses programmes. Ses promoteurs
se sont dédiés à des affaires administratives sans définir la planification de
l’ensemble du programme. À la fin de l’administration Gómez, quelques projets
n’avaient pas encore été approuvés (Veeduría del Plan de Desarrollo de
Medellín 2000, p. 9).
Par la suite, une des lignes de l’administration de Luis Pérez Gutiérrez
(2001-2003) était la révolution de la culture des citoyens (revolución de la cultura
ciudadana). Selon cette ligne le maire reprendrait le projet de la BID. À la fin de
inserción social, y lograr, por esta vía, la neutralización de las armas. Son un
complemento a las políticas represivas que siguen fortaleciéndose y mostrando además
su ineficacia ; pero adicionalmente, muestran como el Estado tiene que negociar la paz y
la convivencia, lo que es, en principio, anormal en un democracia, como bien lo señalara
el director de la Oficina de Asesoría de Paz y Convivencia, Juan Guillermo Sepúlveda,
en sus intervenciones ante el Consejo ».
244
l’administration le haut degré d'
inefficacité du programme associé au manque
d'
expérience pour administrer des crédits internationaux dans des projets
sociaux a été mis en évidence. Les plus importantes défaillances dans le
développement du programme étaient : une gestion administrative déficiente,
des retards dans l’exécution des projets, l'
incohérence dans la présentation des
chiffres, l’absence d’actions préventives, et le manque d’objectifs clairs en termes
de temps, d’activités et de ressources (Veeduría del Plan de Desarrollo de
Medellín 2004, p. 18-30).
Nous avons vu dans cette section l’apparition et la consolidation des
milices à Medellín, lesquelles sont entrées sous le prétexte de libérer les
habitants des quartiers populaires de la pression exercée par les bandes,
combos et tous les acteurs armés qu’on a signalé dans la section précédente.
Les milices associées aux grands protagonistes du conflit national (guérillas des
FARC-EP, de l’ELN et de l’EPL) voient la ville comme un espace stratégique
dans la prolongation de leur lutte politique et militaire contre l’État. En
conséquence, la ville a souffert d’un processus croissant de violence associé non
seulement à la violence urbaine mais aussi au conflit national. Par ailleurs, même
si l’administration municipale et le gouvernement national ont proposé différentes
alternatives pour une pacification de la ville à travers le dialogue et la
négociation, plusieurs mécanismes répressifs pour combattre la délinquance et
les milices ont aussi été renforcés. Néanmoins, ils n’ont pas arrivé à regagner le
contrôle sur le territoire.
3.3 Les paramilitaires : lutte antisubversive fragmentée
La présence paramilitaire dans la ville de Medellín commence à se
consolider à partir de l’année 1997 avec l'
entrée du Bloque Metro, commandé
par Carlos Mauricio García, alias Rodrigo ou Doble Cero.302 Les membres
initiaux du Bloc provenaient notamment des Autodefensas Campesinas de
Córdoba y Urabá, groupe qui agissait dans d’autres municipios du département
d’Antioquia et dans la région du Magdalena Medio. Avec des commandants
d’origine urbaine, le Bloque Metro avait comme but la consolidation du projet
paramilitaire dans la ville. Selon les membres du Bloc, il « [...] est né comme
302
Site Internet Bloque Metro : http://bloquemetro.tripod.com/
245
une réaction devant l'
agression injuste et systématique des guérillas terroristes
contre les secteurs moins favorisés de la société, outre le manque de direction
de la classe dirigeante dans les affaires politiques, économiques et sociales,
raison pour laquelle la Nation est plongée dans la crise la plus profonde »
(Bloque Metro s.d. (b)).303
Les
premières
incursions
du
Bloque
Metro
ont
été
effectuées
spécialement dans la zone centre-est (comunas 8, 9 et 10), où il s’est battu avec
les Milicias 6 y 7 de Noviembre. Par la suite, il s’est allié avec l’une des bandes
les plus puissante de la ville La Terraza304 pour agir dans la zone centre-est et
contester le pouvoir acquis par les milices (IPC 2006a, p. 36). Néanmoins,
l’alliance avec cette bande a affaibli le pouvoir du Bloque Metro. La Terraza avait
des ennuis avec la police et surtout avec l’Oficina de Envigado,305 par sa façon
de gérer les affaires du trafic de drogue. Étant donné que l’Oficina était
l’organisation qui avait le contrôle sur plusieurs bandes de la ville, le Bloque
Metro est resté en marge du contrôle de ces structures urbaines qui avaient déjà
montré leur influence sur certains quartiers. D’après le rapport de l’IPC de 2006,
le Bloque Metro n’as pas été capable d’éliminer les milices, parce qu'
il n'
a pas eu
la compétence suffisante pour articuler à son projet les structures criminelles
préexistantes dans la ville de Medellín. Le Bloque Metro a essayé de développer
une stratégie fondamentalement antisubversive et la seule possibilité de créer
une emprise territoriale dans la ville était de s’allier aux bandes et, par la suite,
combattre les guérillas (IPC 2006a, p. 36-37).306
303
Traduit par nous de : « [...] surgió como una reacción ante la agresión injusta y
sistemática de parte de las guerrillas terroristas en contra de los sectores menos
favorecidos de la sociedad, además por el vacío de liderazgo existente históricamente en
la clase dirigente en los aspectos, político, económico y social, razones estas que han
sumido a la Nación en la más profunda crisis ».
304
Dirigée par Elkin Sánchez Mena alias El Negro, la bande La Terraza est devenue
célèbre par le vol de 13.000 millions de pesos (4.5 millions d’euros) au transporteur de
fonds Brinks, à la ville de Bucaramanga, et par les commissions chargées par Carlos
Castaño (chef des AUC) comme le kidnapping de la sénateur Piedad Córdoba et de
quatre chercheurs de l’IPC (Instituto Popular de Capacitación) (El Tiempo, 28 septembre
2003).
305
Après la mort de Pablo Escobar, la Oficina de Envigado a pris la tête du commerce de
stupéfiants en Antioquia (Amnistie Internationale 2005).
306
Néanmoins, cette version s’oppose à celle de la Defensoría del Pueblo de Medellín en
2002. Selon cet organisme, le Bloque Metro a réussi à coopter plusieurs bandes dans la
ville, et cela a été évident à partir de l’affrontement entre les deux blocs de paramilitaires.
246
De ce fait, à partir de l’année 2001, le pouvoir paramilitaire du Bloque
Metro commence à être contesté par une autre organisation paramilitaire
appelée le Bloque Cacique Nutibara (dorénavant BCN), commandé par Diego
Fernando Murillo Bejarano, alias Don Berna ou Adolfo Paz. Cette organisation
avait des liens étroits avec l’Oficina de Envigado. Après une alliance initiale avec
la bande La Terraza,307 le BCN a terminé par l’affronter, en raison des différentes
conceptions dans la façon de gérer le contrôle du trafic de drogues. Cette dispute
a été marquée par l’explosion des bombes dans l’année 2001, dans les quartiers
exclusifs de la ville de Medellín (Centre Commercial El Tesoro et le Parc Lleras)
(Garzón, s.d., p. 3). D’après les autorités La Terraza aurait choisi ces endroits
pour les attentats parce qu’ils représentent des symboles de la haute
bourgeoisie, qui, selon cette bande, finançait les paramilitaires (Terra s.d.). Plus
tard, Don Berna a abattu les membres les plus importants de La Terraza.
Dans un changement de stratégie par rapport au Bloque Metro, le BCN a
réalisé d’abord des alliances avec plusieurs bandes, ou les a éliminée par la
force. Ensuite, il a attaqué les miliciens (IPC 2006a, p. 38 ; IPC 2006b, p. 19).
Ainsi, selon la Corporación Nuevo Arco Iris308 la mission du BCN était d’abord
d’affronter ou de contrôler les bandes les plus puissantes de la ville. Ensuite, il
avait pour but la subordination ou l’annihilation des milices des FARC-EP, d’ELN,
les CAP et Las Milicias 6 y 7 de Noviembre et, finalement, la confrontation
militaire contre le Bloque Metro. Une fois accomplie cette mission, le BCN a
consolidé son pouvoir dans la ville (Corporación Nuevo Arco Iris 2005).
Ainsi, cette organisation a incorporé à ses structures les différentes
Le Bloque Cacique Nutibara (dont nous parlerons plus loin) a entamé une offensive
contre plusieurs bandes qui étaient liées au Bloque Metro (Entretien avec María Girlesa
Villegas, effectué le 26 juin 2003).
307
Dans quelques rapports officiels, Don Berna apparaît comme le chef plus important de
cette bande (El Tiempo, 28 septembre 2003).
308
La Corporación Nuevo Arco Iris est une organisation civile pour la promotion de la
paix et le développement. Elle a été créée en 1996 dans le cadre de l'
exécution des
compromis assumés dans l'
Accord Politique Final, souscrit entre la CRS (Corriente de
Renovación Socialista) et le Gouvernement National en 1994. Un de ses principaux
objectifs est de trouver une solution négociée au conflit armé interne que subit le pays.
Site web http://www.nuevoarcoiris.org.co/
247
bandes de Medellín.309 Cette cooptation a obéit tant au potentiel de guerre des
bandes, comme à leur influence sur la communauté et le territoire et leur
importance dans le contrôle du marché de la drogue dans la ville. Actuellement,
maintes bandes, qui opéraient dans la ville, appartiennent à des structures
paramilitaires bien qu’elles continuent à opérer sous leurs propres noms. Les
paramilitaires leur offrent de l'
entraînement militaire, améliorent leur capacité de
combat et leur armement. Mais la cooptation de bandes n’était pas la seule
stratégie des paramilitaires. Ils recrutent aussi directement des mineurs et des
jeunes issus des quartiers défavorisés, pour leurs fronts de combat. D’abord, les
jeunes ont des activités d'
information et par la suite ils commencent l'
étape
d'
entraînement militaire (Montoya 2002).
Évidemment,
quelques
bandes
ont
opposé
une
résistance
à
la
consolidation des paramilitaires. Ainsi, les paramilitaires ont exécuté des
membres des bandes qui ont refusé de s'
adapter à leurs intérêts. Un des
combats à remarquer a été celui entre le BCN et la bande de Frank, dans la zone
nord-ouest, dont la bande a finalement perdu son influence sur la zone. Dans le
cadre des attaques entre bandes et paramilitaires, au premier semestre de 2001,
de nombreux massacres310 ont eu lieu. Les quartiers les plus touchés étaient
ceux de la Comuna 8 et quelques quartiers du municipio voisin de Bello (IPC
2006b, p. 20).
Une fois que les bandes ont été cooptées ou éliminées, le BCN a pu
contrôler les quartiers d’emprise des milices. Selon la Corporación Arco Iris, ils
ont gagné la Comuna 13,311 le quartier de la Sierra de la Comuna 8, le quartier
Moravia de la Comuna 4, le quartier Picacho de la Comuna 6 et les hameaux de
San Cristóbal et de San Antonio de Prado, ainsi que quelques municipios de
309
D’après la Mairie de Medellín l’origine des membres du BCN est : 48% sont entrés
directement au groupe, 37% provenaient des bandes et combos, 9% provenaient des
Forces Militaires, 5% d’autres groupes paramilitaires et 1% des FARC-EP (Alcaldía de
Medellín. Programa de Paz y Reconciliación 2006, p. 7).
310
Selon le Droit International des Droits de l’Homme, un massacre est un homicide
collectif de quatre ou plus personnes commis dans des circonstances indignes et infâmes
contre des personnes désarmées et sans défense (IPC 2006a, p. 25).
311
Nous allons voir dans la section 3.4 de cette partie le cas des combats dans la
Comuna 13, dont les paramilitaires, après les opérations militaires par la Force Publique,
ont commencé à occuper les espaces délaissés par les milices.
248
l’Aire Métropolitaine de la Vallée d’Aburrá tels que Bello, Itagüí et Envigado
(Corporación Nuevo Arco Iris 2005). À l’instar de leur comportement envers les
bandes, la stratégie n’a pas été seulement l’affrontement mais aussi la
cooptation des miliciens. À Medellín, Il est courant que les acteurs du conflit,
après une démobilisation ou une insertion avortée dans la société civile, ils
s'
intègrent à une organisation armée illégale différente. Dans certains quartiers, il
est difficile de rester en marge du circuit d'
agressions, et, souvent, les habitants
doivent adhérer nécessairement à un groupe armé. Dans ce contexte, les
paramilitaires ont démontré une forte capacité de coopter des bandes et milices.
Le cas d’ex- membres des Milicias 6 y 7 de Noviembre qui, après un processus
de démobilisation, ont décidé d’appartenir aux paramilitaires est connu à
Medellín. On connaît aussi le cas de la démobilisation de plusieurs membres des
Milicias Populares del Pueblo y para el Pueblo et des Milicias Populares del Valle
de Aburrá, lesquels en 1994, ont formé la coopérative COOSERCOM, dont nous
avons déjà parlé. Après la dissolution de la coopérative en 1997, beaucoup de
leurs membres se sont unis aux paramilitaires (Colciencias et Universidad de
Antioquia 2001, p. 257-259).
En outre, la confrontation entre les deux blocs paramilitaires, notamment
dans la zone nord-est et les zones du centre de la ville, a marqué une période
spécialement violente dans le conflit armé à Medellín. Cette lutte pour le contrôle
du territoire et de la population a été étendue à l’Aire Métropolitaine de la Vallée
d’Aburrá dans les municipios de Bello, Sabaneta, Envigado, Caldas, La Estrella
et Itagüi (Table ronde Medellín, 27 juin 2003).
Pour l’année 2002, le Bloque Metro s’est séparé des Autodefensas
Unidas de Colombia (AUC) pour leur liaison avec le narcotrafic. Le Bloc indiquait
ne vouloir entretenir aucun rapport avec le marché de la drogue. Dans leur site
Internet ils expliquent cette séparation en affirmant qu’ils considèrent le trafic de
drogues comme le facteur le plus dissolvant et nuisible qu'
affronte la société
colombienne, lequel est promoteur non seulement de la violence mais aussi de la
corruption existante à tous les niveaux de la société. Ainsi, ils disent se sentir
fiers de leur origine historique dans les Autodefensas Campesinas de Córdoba y
Urabá, mais ils conditionnent leur retour aux AUC à une position claire à l’égard
249
du narcotrafic (Bloque Metro s.d. (b)).312 À partir de ce moment le Bloque Metro
commence à avoir des combats directs avec les propres paramilitaires. De ce
fait, une période de décadence débute.313
En 2003, l’extinction du Bloque Metro commence. Selon son commandant,
Carlos Mauricio García, la structure qu'
il conduisait a cessé d'
exister après les
combats à San Roque (Antioquia) au mois d’octobre, quand il s’est affronté aux
quatre blocs paramilitaires qui le poursuivaient, parmi lesquels le BCN (Rojas
2004).314 Finalement, au mois de mai 2004, le chef du Bloque Metro a été
assassiné dans la ville de Santa Marta (Magdalena) par le BCN. Cela a marqué
la fin de l’emprise du Bloc à Medellín, et par la suite de l'
est d'
Antioquia (Romero
2005, p. 11).
Même si les principaux groupes paramilitaires à Medellín ont été le Bloque
Metro et le Bloque Cacique Nutibara, il y a eu aussi présence du Bloque Héroes
de Granada des AUC (dorénavant BHG). Ce groupe agissait à l'
est d'
Antioquia,
mais disposait d’une forte composante urbaine non seulement à Medellín mais
dans les municipios d’Itagüí et d'
Envigado.315 Ses actions étaient reliées à
l’Oficina de Envigado. À l’instar du BCN, la composante urbaine du BHG est
complexe par le mélange entre organisations criminelles (bandes et combos),
narcotrafiquants (groupes de sicarios et oficinas) et paramilitaires. Ce groupe a
mené une stratégie contre le Bloque Metro dans les municipios de l'
est
d'
Antioquia. Par la suite, il a intégré à son organisation quelques ex-membres du
Bloque Metro et quelques déserteurs des guérillas du front Carlos Alirio Buitrago
312
En effet, d’après Romero, grâce aux dénonciations faites par le commandant du
Bloque Metro dans l’année 2003 à propos des liens du BCN et le narcotrafic, la relation
entre les paramilitaires et le narcotrafic est devenue plus claire (Romero 2005, p. 7-8).
313
Le Bloque Metro n’a pas fait partie des négociations avec les gouvernement d’Álvaro
Uribe Vélez, parce qu’ils considéraient qu’il s’agissait d’un processus de démobilisation
des structures paramilitaires pour se soumettre à la justice, mais non d’un processus de
paix, étant donnée la non participation de tous les acteurs du conflit (Interview de Reuters
au commandant du Bloque Metro, Site Internet Bloque Metro).
314
Pendant toute l’année 2003, il y a eu aussi de combats en Amalfi, La Ceja, Santa
Bárbara, Segovia, El Santuario, Santo Domingo et Yalí, municipios du département
d’Antioquia. Selon le commandant du Bloque Metro, l’affrontement entre son organisation
et le BCN a laissé plus de 1000 morts (Rojas 2004).
315
En revanche, quelques auteurs indiquent que le BHG est la première expression
rurale du Bloque Cacique Nutibara à la tête de Don Berna (IPC 2006a, p. 45).
250
de l'
ELN. En août 2005, le BHG s’est démobilisé (2.033 membres) dans le
municipio de San Roque (Antioquia). Selon la Personería de Medellín, plus de
60% des démobilisés de ce bloc appartenaient à des structures armées de la
délinquance qui opéraient dans la ville de Medellín sous le commandement de
Daniel Mejía (Personería de Medellín 2005, p. 14). On calcule qu'
après la
démobilisation du BHG plus de 1.550 (76.2%) des anciens combattants se sont
situés à Medellín (Garzón, s.d., p. 1-5).
Il est très difficile de reconstruire l’histoire des organismes paramilitaires en
ville, étant données leurs différentes alliances avec les bandes, combos et autres
structures armées illégales. Les alliances qu’ils établissent avec les acteurs
armés illégaux préexistants oscillent entre la coopération et l’antagonisme. Un
jour, ils font des alliances avec un certain groupe et le lendemain ils sont des
ennemis irréconciliables. Un jour, ils font des déclarations en faveur d’un groupe
et l’autre ils se déclarent contre.316 La preuve irréfutable est la dispute entre les
propres paramilitaires. Par ailleurs, quand on voit la provenance de différents
membres du BCN donnée par la Mairie de Medellín, on voit que 37% de leurs
membres déclarent leur appartenance antérieure aux bandes et combos, mais
très peu (1%) d’entre eux disent provenir des guérillas et des milices (Alcaldía de
Medellín. Programa Paz y Reconciliación 2006, p. 7). Néanmoins, les rapports
de l’IPC, de la Corporación Región et de l’Université d’Antioquia indiquent la forte
capacité des paramilitaires d’intégrer à leur organisation aux ex-miliciens. En
outre, certains criminels indépendants utilisent le nom des autodéfenses comme
une manière d'
acquérir une certaine importance, et, actuellement, pour faire
partie de processus de négociation avec le gouvernement (Garzón, s.d., p. 5).
Selon la Vice-présidence de la République, il est très difficile de discriminer les
activités des autodéfenses en ville de celles d'
autres organisations illégales,
parce que la majorité des faits sont attribués à des « inconnus » ou à des auteurs
« non identifiés », plutôt qu’à des groupes précis (Vicepresidencia de la
República 2002a, p. 44).
316
Par exemple dans un communiqué du Bloque Metro arrivé à la Defensoría del Pueblo
d’Antioquia, ils disent n’avoir jamais eu aucun rapport avec la bande La Terraza.
Néanmoins, les rapports de l’IPC et de quelques journaux déclarent le contraire.
251
De ce point de vue, on constate la difficulté que révèle le cas de Medellín
pour analyser les sources. Ainsi, nous avons mentionné une des hypothèses
possibles sur les parcours des blocs paramilitaires en ville, en essayant de
préciser les versions opposées dans les notes de bas de page. Nonobstant, cette
difficulté est aussi révélatrice des caractéristiques propres des paramilitaires. On
dénote, à l’instar qu’Ana María Bejarano, qu’on est face à une collection de
groupes très divers. Ils diffèrent par leur conformation sociale, par les appuis sur
lesquels ils peuvent compter parmi la population, par leur relation avec le trafic
de drogues et finalement par leurs rapports avec l’armée et la police.317 En outre,
tandis que certains peuvent encore être qualifiés « d’autodéfenses », beaucoup
d'
autres sont déjà des armées mobiles qui vont à l'
offensive et qui ne défendent
légitimement aucun groupe social (Bejarano 2001, p. 12).
3.3.1 Démobilisation ou légitimation du Bloque Cacique Nutibara ?
Sous le premier gouvernement d’Álvaro Uribe Vélez (2002-2006) le 25
novembre 2003, le Bloque Cacique Nutibara (BCN) fut la première organisation
urbaine à se démobiliser dans le processus de paix (voir section 4.1 de la
deuxième partie). C’est le gouvernement local de Medellín, avec à sa tête le
maire Sergio Fajardo, qui a entamé la réinsertion au travers du Programme de
Paix et Réconciliation. Selon les statistiques de la Mairie de Medellín, les
démobilisés du BCN sont composés à 65% de jeunes entre 18 et 25 ans.
35.25% se sont démobilisés en raison d’une nécessité de change, 34.58% par
les bénéfices liés à la démobilisation, 18.56% en raison de leur famille, 6.14% à
fin d’effacer des peines judiciaires et 5.47% par un ordre reçu des Autodefensas
Unidas de Colombia (AUC). Dans le Programme de Paix et Réconciliation, les
réinsérés prennent part à des projets éducatifs, productifs, de génération de
revenus, et reçoivent de l’assistance juridique, de santé et d'
accompagnement
psycho-social (Alcaldía de Medellín. Programa de Paz y Reconciliación 2006, p.
8-9).
317
À propos de la relation entre paramilitaires et la Force Publique à Medellín voir
l’analyse de la Comuna 13 dans la section 3.4 de cette partie.
252
Bien qu’après la démobilisation il y ait eu une chute de l'
indice des homicides
à Medellín,318 ce processus a eu beaucoup de critiques. Les médias indiquent
que la majorité des démobilisés du Bloque Cacique Nutibara ont été des
personnes qui se sont incorporées au groupe pour la démobilisation et qui
n'
avaient pas une formation à l’autodéfense. Ceci, comme nous l’avons indiqué à
la deuxième partie, a été vérifié au travers des informations obtenues dans
l'
ordinateur saisi par les autorités à un des grands chefs paramilitaires, et aussi
par les déclarations de Vicente Castaño (membre des AUC) aux médias (El
Tiempo, 28 août 2006a). De même, les habitants des anciens lieux de
consolidation de la structure paramilitaire se plaignent de l'
intimidation et de
l'
extorsion auxquels ils sont encore soumis par les paramilitaires. Bien qu'
ils
soient considérés comme des démobilisés,319 ils continuent la réalisation de
tâches de surveillance et d’intelligence dans les différents quartiers, et continuent
à harceler et à intimider ceux qui rejettent leurs projets (Romero 2005, p 6).320
Les organisations des droits de l’homme rapportent que les démobilisés ont
cherché à légitimer leur influence au niveau des assemblées d'
action
communale. Il y a des dénonciations sur l’intimidation exercée sur les membres
de ces assemblées, bien pour qu’ils démissionnent ou pour le détournement des
ressources de l’État aux structures paramilitaires (IPC 2006b, p. 54). Les
témoignages rassemblés par les organisations des droits de l’homme font aussi
référence à la commission de 130 disparitions forcées pendant l'
année 2003, 97
disparitions entre janvier et juillet 2004, et à la découverte de fosses communes
à Medellín. De même, ils font référence aux homicides commis avec utilisation
d'
armes blanches au lieu d'
armes à feu.321 En outre, les dénonciations sur la
collaboration entre les paramilitaires et la Force Publique persistent. De ce fait, la
318
Selon les chiffres présentés par l’UCC-URI, de 3.721 homicides en 2002, on est passé
à 2.012 en 2003, à 1.177 en 2004 et à 741 au 4 décembre 2006 (Voir tableau N° 5 sur
les chiffres de la violence à Medellín).
319
Environ 2900 réinsérés du BCN se sont actuellement regroupés dans une
organisation légale appelée la Corporación Democracia.
320
Il a été indiqué que les paramilitaires, notamment dans les Comunas 8 et 13, imposent
des punitions à ceux qui ne respectent pas leurs ordres. Par exemple, ils laissent les
gens submergés toute une nuit en eau froide. Ces punitions sont imposées afin que ceux
qui sont punis ne récidivent pas ou pour diminuer la probabilité que d'
autres commettent
les actes sanctionnés (Restrepo 2005b).
321
Voir la liste de dénonciations détaillées faite par la Personería de Medellín dans le
rapport de 2005, sur les droits de l’homme à Medellín, pages 1 à 17.
253
crainte de présenter des dénonciations devant les autorités judiciaires et de
contrôle (CIDH 2004, art. 96 ; IPC 2006b, p. 27).
Cependant, les dénonciations sur les actions illégales des paramilitaires
démobilisés contrastent avec les résultats de l'
enquête faite auprès des habitants
de Medellín par l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), en
janvier 2005, où on cherchait à évaluer la perception de la communauté face au
processus de démobilisation du BCN. Selon l'
enquête, 88% de la communauté
évalue positive la présence des bénéficiaires du programme de réinsertion dans
leurs quartiers de résidence, et 81% ne croit pas avoir des difficultés à accepter
les démobilisés. Toutefois, la même enquête dit que 41% des habitants croient
que certains des bénéficiaires peuvent retourner à la réalisation des activités
illégales, et affirment que quelques uns le font déjà (Alcaldía de Medellín.
Programa Paz y Reconciliación 2006, p. 18).
Or, on constate les difficultés à faire une évaluation du processus de
démobilisation. D’un côté, le gouvernement s’appuie sur la chute des chiffres
d’homicides pour indiquer la réussite de la négociation dans la diminution des
nivaux de violence dans la ville. Il considère le processus comme un modèle à
répliquer dans tout le pays. Les autorités insistent sur le fait qu’elles détiennent le
contrôle sur chaque personne démobilisée qui se trouve dans la ville. En
revanche, nous avons les dénonciations sur les violations de droits de l’homme
pratiquées par le démobilisés d’après les organisations de droit de l’homme.
Selon l’IPC, actuellement, le contrôle des territoires ne se fait pas par les biais de
massacres ou d’assassinats en grand nombre, mais au travers de pratiques
autoritaires et violentes plus discrètes (IPC 2006b, p. 50). Néanmoins, les
dénonciations officielles sont très peu nombreuses et les autorités exigent des
faits concrets pour entamer une action judiciaire.322 En effet, il convient de
322
Gustavo Villegas, directeur du Bureau de Paix et Réconciliation de Medellín, a
réclamé des preuves concrètes, ne provenant pas des organismes défenseurs de droits
de l’homme mais des personnes directement touchées : « Il est nécessaire d'
avoir des
preuves plus fermes, connaître les noms des responsables, que les familles effectuent
les dénonciations, parce que sinon on ne peut rien faire » a-t-il déclaré. Il explique que
l’organisme compétent pour recevoir les dénonciations et faire la vérification des devoirs
des démobilisés est la Mission d'
Accompagnement au Processus de Paix de l'
OEA
(Restrepo 2005b). Traduit par nous de : « Es necesario tener pruebas más contundentes,
conocer los nombres de los responsables, que las familias efectúen las denuncias,
porque, de lo contrario, poco o nada podemos hacer ».
254
préciser que de nombreuses dénonciations ne sont pas interposées par la peur
aux représailles, soit parce que les gens ne font pas confiance aux autorités ou
parce qu'
ils acceptent l’autorité illégitime des paramilitaires (Restrepo, 25
septembre 2005). De ce fait, on observe la difficulté à prendre les mesures
nécessaires pour faire face à la situation.
3.4 La Comuna 13 : épicentre du conflit national dans la ville
Photo N° 2 : Vue panoramique Comuna 13.
Source : Colombianos apoyando a colombianos. Boletín N° 4.
Fundación Centro Internacional de Educación y Desarrollo
Humano –CINDE. Disponible sur Internet:
http://cinde.org.co/Imagenes/Vista%20de%20la%20comuna%20d
esde%20la%20Gabriela.gif
Depuis la fin des années quatre-vingt-dix et jusqu'
en 2002, le cas le plus
notoire de présence de milices dans la ville de Medellín a été celui de la Comuna
13.323 D'
abord on trouvait les CAP (Comandos Armados del Pueblo) lesquels
offraient sécurité aux habitants du secteur. Plus tard, à partir de 1997, les milices
des FARC-EP et de l’ELN sont entrées dans les quartiers de la comuna sous
323
La Comuna 13 est située dans la zone centre-ouest de Medellín. Elle possède une
population de 137.779 habitants selon le recensement général de 2005. Ses quartiers se
caractérisent par une basse couverture éducative, la malnutrition infantile, l’insalubrité,
l’entassement, l’irrégularité dans la prestation des services publiques, l’insuffisance en
équipement, l’illégalité dans la location de la terre et la précarité dans la qualité du
logement, entre autres (Franco et Roldán, s.d.). Pour plus d’information sur les conditions
socio-économiques de cette comuna voir : Defensoría del Pueblo 2002b, Noche y Niebla
2003, Roldán 2003.
255
prétexte de sécuriser la zone à cause des conflits menés par les bandes et les
groupes armés illégaux. À partir de l’année 2002, d’après Franco et Roldán, les
FARC-EP se présentent dans la ville par le biais de combattants professionnels
provenant des zones rurales et non au travers des milices bolivariennes. Pour les
auteurs, ceci marque un processus d’instauration et de défense d'
une emprise
géopolitique, plutôt que communautaire. Dans cette optique, la territorialité est
subordonnée à la dispute par le pouvoir politique. Néanmoins, selon les auteurs,
la présence des milices dans la zone a produit la fragmentation de la
communauté. D'
abord, parce qu’elles n'
ont pas disposée de la capacité militaire
pour éliminer les bandes et en deuxième lieu par la confrontation entre ellesmêmes pour le contrôle de quelques quartiers (Franco et Roldán, s.d.). Depuis
l'
entrée des guérillas et milices dans la comuna, celle-ci s'
est transformée en
l’épicentre de la lutte contre les guérillas à Medellín ; non seulement pour
l'
administration municipale, mais aussi, en 2002, pour la Présidence de la
République (IPC 2006a, p. 39).324
En outre, depuis 1999 les paramilitaires sont entrés dans la Comuna 13,
avec l'
intention de combattre les miliciens. Ils ont avancé depuis la zone nordouest de la ville (Cucaracho, Santa Margarita, Robledo) et la zone du sud
occident (Belén, Las Mercedes, Las Violetas, Altavista) vers la comuna (Franco
et Roldán, s.d.). Selon la Vice-présidence de la République, ils se sont installés
principalement dans les quartiers El Pesebre, Veinte de Julio, El Salado et San
Javier (Vicepresidencia de la República 2002b). À partir de ce moment là, on
dénote un intérêt politique pour gagner l’emprise de la comuna. En effet, celle-ci
est un lieu stratégique dans la guerre, étant donnés les couloirs qui
communiquent la ville et quelques municipios du nord d’Antioquia, ce qui permet
l’approvisionnement des fronts ruraux.325 En deuxième lieu, la connexion de la
route à la mer et la route panaméricaine permettent l’entrée et la sortie des
drogues illicites et la contrebande des armes pour l’ensemble de la ville et l’Aire
Métropolitaine de la Vallée d’Aburrá. En outre, il existe un attrait primordial pour
324
Selon les rapports de la Police Nationale en 2002, les milices des FARC-EP
comptaient 150 militants, les CAP 250 et les cellules du Front Luis Fernando Giraldo
Builes 300 combattants (Vicepresidencia de la República, 12 octobre 2002).
325
Par exemple, elle permet la connexion avec le front V des FARC-EP situé dans les
municipios de Dabeiba et Mutatá (Defensoría del Pueblo. Sistema de Alerta Temprana
2002, p. 16).
256
l’emprise territorial, puisque la zone est devenue l’un des accès routiers les plus
importants pour la ville étant donnée la construction du Tunnel d'
Occident, qui
relie le secteur métropolitain avec les régions d'
Urabá et l'
occident du pays
(Defensoría del Pueblo. Sistema de Alerta Temprana 2002, p. 16).
Carte N° 7 : La Comuna 13 de Medellín.
Source : NOCHE Y NIEBLA. 2003. Comuna 13, la otra
versión. Caso Tipo N° 2. Bogotá. p. 135 [réf. du 2007-01-05].
Disponible sur Internet :
http://www.nocheyniebla.org/com1301.htm
Selon l'Observatorio del Programa Presidencial de Derechos Humanos y
Derecho Internacional Humanitario de la Vice-présidence de la République les
combats entre les milices et les groupes paramilitaires développés à partir de
1999, ont eu lieu principalement dans les quartiers Blanquizal, Nuevos
Conquistadores, Belencito, El Corazón, Veinte de Julio et San Javier. Dans les
combats plusieurs civils, ont perdu la vie, victimes du feu croisé ; mais aussi par
les actions directes menées contre eux, en raison du besoin de contrôle de la
population par les acteurs armés. Dans ce sens, les massacres ont été une
stratégie récurrente des paramilitaires comme moyen d’affaiblissement des
257
guérillas par l’assassinat de leurs collaborateurs présumés (Vicepresidencia de
la República 2002b). 326
D’après les rapports de Franco et Roldán la confrontation permanente
entre les groupes armés illégaux a altéré les conditions de développement des
activités sociales et productives de la Comuna 13. Maints locaux commerciaux
ont dû fermer en raison du conflit, quelques habitants ne pouvant plus se
déplacer aux lieux de travail. Il y a une déscolarisation massive des enfants et il
existe des limites à la libre circulation. Les organisations sociales ont souffert
également des restrictions de leur liberté de réunion et d’expression. Au niveau
psychologique, la confrontation a produit des sentiments d’insécurité, de
méfiance, de frustration et de stress. De même, beaucoup d'
enfants et de
femmes ont été blessés ou tués en raison des combats. Finalement, le risque
d’être blessé au milieu du combat a poussé au déplacement de multiples noyaux
familiaux qui se déplacent vers d’autres secteurs de la ville, ou bien le
déplacement forcé est produit par les menaces directes de la part des acteurs
armés (Franco et Roldán, s.d.).
Dans ce conflit pour le contrôle de la comuna, la Police et l'
Armée sont
aussi intervenues. Depuis 1999, il y a eu des combats sporadiques entre la
Force Publique et les milices. Toutefois la lutte de l'
État contre les insurgés dans
cette comuna a été principalement marquée par le développement de deux
opérations militaires en 2002. Il s’agit de l’opération Mariscal lancée le 21 mai
2002 et de l’opération Orión lancée le 16 octobre 2002. Ces opérations ont mis
en évidence les graves violations aux droits de l’homme et au droit international
humanitaire par les Forces de l'
État.327 Les deux opérations ont réuni dans un
seul front l’Armée Nationale, la Police, le CTI (Cuerpo Técnico de Investigación ),
326
La Vice-présidence de la République a documenté plusieurs massacres : ceux du 18
et 30 octobre 2001 dans le quartier San Javier, celui du 11 avril 2002 dans le quartier
Veinte de Julio, celui du 17 juillet 2002 dans le quartier La Pradera, entre les plus
représentatifs (Vicepresidencia de la República 2002b).
327
Selon les rapports de l’IPC dans la Vallée d’Aburrá et notamment à Medellín les
institutions étatiques, principalement la Force Publique, ont été les principaux
responsables du plus grand nombre de violations aux droits de l’homme. Ils ont été
responsables par 898 cas des détentions arbitraires provoquées dans leur majorité
pendant les opérations militaires déroulées dans les années 2002 et 2003 dans le cadre
du projet de Sécurité Démocratique du gouvernement d'
Álvaro Uribe Vélez (IPC 2006a,
p. 89-90).
258
la FAC (Fuerza Aérea Colombiana), la Procuraduría328, la Fiscalía General329 et
le DAS (Departamento Administrativo de Seguridad). Elles ont participé
ensemble à un assaut militaire contre les FARC-EP, l’ELN, et les CAP.330
L’opération Mariscal a été lancée notamment dans les quartiers du Veinte
de Julio, El Salado, Las Independencias et Nuevos Conquistadores. Selon
Amnistie Internationale, dans cette opération « [...] les forces de sécurité ont fait
usage d’hélicoptères d’attaque, de chars et de mitrailleuses lourdes» (Amnistie
Internationale 2005). De même, d’après l’IPC (Instituto Popular de Capacitación),
les Forces Armées de l'
État ont effectué des retentions arbitraires et des
inspections de maisons sans ordre judiciaire, il y a eu des tirs sur la population
civile et un hôpital du secteur a été utilisé comme centre d'
opérations (IPC
2006a, p. 40). Finalement vers 15 heures, le même jour, l’opération a été
suspendue grâce aux habitants du secteur qui sont sortis dans les rues en
demandant la cessation des hostilités et la protection des organisations de droits
de l’homme. Ces associations et les médias régionaux ont fait présence dans le
secteur, ce qui a empêché la continuation de l’opération (IPC 2006a, p. 40).
En effet, une enquête judiciaire de la Procuraduría, dont les résultats ont
été connus dans l’année 2006, a indiqué que la Police de Medellín a retenu des
civils sans justification,331 a réalisé des inspections illégales et a tiré sans
distinction sur les combattants et les non-combattants pendant l’opération
Mariscal. Le bilan signale que l'
opération a laissé 9 morts, 38 civils et 7 policiers
328
La Procuraduría est un organisme de l'
État qui fait partie du Ministère Public. Elle a la
fonction de surveiller l'
accomplissement de la Constitution Nationale, les lois, les
décisions judiciaires et les actes administratifs des employés publics. Site Internet :
http://www.procuraduria.gov.co/
329
La Fiscalía General est l’organisme de la branche judiciaire chargé de faire des
recherches sur les infractions, de qualifier les processus et d'
accuser devant les juges et
les tribunaux compétents les contrevenants présumés de la loi pénale. La Fiscalía est
née en 1991, avec la promulgation de la nouvelle Constitution Politique et a commencé à
opérer le 1 juillet 1992. Site Internet : http://www.fiscalia.gov.co
330
Le rapport de Noche y Niebla de l’année 2003 « Comuna 13, la otra versión »
présente en détail une analyse des faits des opérations Mariscal et Orión soulignant les
excès de la Force Publique.
331
L’enquête judiciaire a trouvé que, bien que l'
opération avait pour but de combattre les
milices et les guérillas, beaucoup des personnes ont été capturées pour d’autres affaires
telles que non assistance alimentaire, fausseté en document et vol aggravé.
259
blessés et 41 personnes détenues. Cette enquête a signalé que le Général José
Leonardo Gallego, commandant de la Police Métropolitaine de Medellín pendant
l'
opération, était responsable d'
omission dans l'
accomplissement de ses
fonctions et de l'
infraction conséquente au Droit International Humanitaire.
L’enquête conclut que le commandant a omis de distribuer les ordres précis et
d'
adopter les méthodes pour protéger de manière effective la population civile
non combattante (El Tiempo, 10 novembre 2006).
Malgré le déroulement de l'
opération Mariscal, les CAP, les milices de
l'
ELN et les FARC-EP ont continué à opérer dans la Comuna 13.332 Ainsi, après
l’entrée en fonction du président Álvaro Uribe Vélez, la deuxième opération
militaire de grande ampleur dans la comuna a été lancée (opération Orión). Cette
opération a touché notamment les quartiers de Belencito, El Corazón, Veinte de
Julio, El Salado, Las Independencias et Nuevos Conquistadores et certains
secteurs de la Comuna 7. Selon Amnistie Internationale :
« [...] les forces de sécurité auraient mitraillé la zone en rasemottes à partir d’un hélicoptère d’attaque et engagé des véhicules
blindés. Plus de 350 personnes ont été incarcérées pendant l’opération
Orión, qui s’est prolongée jusqu’en décembre 2002 [...]. Pendant les
combats avec les guérilleros, un civil a été tué par les forces de
sécurité, quatre ont « disparu » et 38 ont été blessés, notamment
plusieurs mineurs ; quatre militaires ou policiers au moins ont été tués
et 14 blessés. Dix guérilleros auraient été tués » (Amnistie
Internationale 2005).333
De ce fait, on dénote à nouveau les infractions aux droits de l’homme et
au droit international humanitaire commises par la Force Publique. Toutefois,
pour la Force Publique, le triomphe du gouvernement national dans le
délogement des milices de la Comuna 13, était marqué par cette opération,
laquelle a été considérée comme un modèle de « pacification urbaine » (IPC
2006d). Le taux d’homicides de la comuna s’est élevé énormément en 2002 en
raison du déroulement des opérations militaires mentionnées. Le graphique
suivant montre le taux d’homicides depuis 1995 jusqu’au 29 octobre 2006.
332
Néanmoins, selon un rapport de la Vice-présidence de la République d’octobre 2002,
dans l’opération Mariscal, les principaux chefs de l’ELN ont été capturés. 228 personnes
liées avec les milices ont été capturées, et 13 membres des groupes armés illégaux ont
été tués (Vicepresidencia de la República 2002b).
333
Selon Noche y Niebla l’opération Orión a laissé 1 civil mort, 38 personnes blessées, 8
personnes ont été disparues et 355 personnes détenues (Noche y Niebla 2003, p. 20).
260
Taux d'
homicides Comuna 13
400
357
350
300
250
200
221
182
153
150
147
123
153
128
100
72
36
50
34
27
0
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
Graphique N° 5 : Taux d’homicides Comuna 13 pour chaque 100.000
habitants.
Source : INML-CIC-URI. Extrait de SECRETARÍA DE GOBIERNO
MUNICIPAL DE MEDELLÍN ; SUBSECRETARÍA DE ORDEN CIVIL ;
UNIDAD DE CONVIVENCIA CIUDADANA. 2006. Tasas de homicidio
de Medellín por comuna de la ciudad 1995-2006. Medellín. p. 4-5.
Or, une fois terminée l'
opération Orión, ce sont les paramilitaires qui ont
commencé à contrôler la zone. Le Bloque Cacique Nutibara s’est consolidé
comme l’un des grands contrôleurs de la délinquance organisée et d'
importants
secteurs du trafic de drogues à Medellín (Romero 2005, p. 6). Dans la Comuna
13, ils ont imposé leurs règles de coexistence aux habitants du secteur. De
même, selon les organismes défenseurs de droits de l’homme, les personnes qui
ont osé dénoncer les graves violations survenues pendant l'
opération Orión ont
été poursuivies par les paramilitaires (IPC 2006a, p. 41 ; Amnistie Internationale
2005). Selon Restrepo, ces personnes ont dû quitter leurs quartiers de résidence
et se sont installées dans un autre secteur de la ville (Restrepo 2005a).
Selon les rapports d’Amnistie Internationale, il existe une coordination
entre les paramilitaires et la Force Publique dans le secteur :
« [...] les paramilitaires ont souvent accompagné ou suivi de près
les forces de sécurité alors qu’elles progressaient dans la Comuna 13.
Les paramilitaires sont entrés dans le sillage des forces de sécurité,
occupées à sécuriser les zones. Le 13 novembre, ils ont convoqué les
habitants de Las Independencias à une réunion où ils auraient fait
allusion à leurs liens avec la Police et l’Armée, et averti leur auditoire que
261
les personnes liées à la guérilla devaient quitter la zone. Lors d’une
réunion, ce même jour, dans un autre secteur de Las Independencias,
des paramilitaires des AUC auraient dit qu’ils étaient là pour contrôler le
secteur et empêcher les guérilleros d’entrer. Avant la réunion, des unités
militaires qui opéraient sur le secteur se sont retirées, pour revenir
ultérieurement » (Amnistie Internationale 2005).
Après la consolidation des paramilitaires dans la zone, les informations
faisant état de violations des droits de l’homme commises par des hommes
armés non identifiés et par les paramilitaires ont été dénoncées par les
organisations des droits de l’homme334 (la disparition de personnes, les
assassinats, les déplacements intra-urbains, entre autres). Ces organisations
dénoncent le recrutement des enfants par le BCN après le processus de
démobilisation. Une fois recrutés, le groupe armé les oblige à effectuer des
activités comme la prostitution, le transport de drogue et d'
armes, de tâches de
surveillance et d’espionnage, et des menaces et de l’extorsion contre la
communauté (IPC 2005). 335
En 2006, la communauté a signalé la détérioration de la sécurité dans
quelques quartiers de la comuna. Elle a dénoncé des contrôles territoriaux par
des
groupes
armés
illégaux
non
identifiés
entre
les
quartiers
Las
Independencias, El Salado et le Veinte de Julio. De ce fait, le maire de Medellín
les a déclaré « quartiers conflictuels ». Cependant, la communauté ressent un
abandon de la part de l’État et la non-reconnaissance de la situation d’insécurité
que vivent les habitants de ces quartiers. Or, les alarmes se sont déclenchées à
nouveau le 2 août 2006, jour de l’assassinat de deux jeunes de 19 ans dans le
quartier Veinte de Julio. En outre, le 23 août 2006, Haider Ramírez, chef social et
politique de la Comuna 13, a été assassiné. Il était le directeur d’une corporation
communautaire (Corapas) et président de l’Association des Assemblées d'
Action
334
Organisations tels que Amnistie Internationale, Instituto Popular de Capacitación,
Groupe Interdisciplinaire de Droits de l’Homme (GIDH), Ruta Pacífica de Las Mujeres,
Red de Hermanamiento Lazos visibles-pueblos hermanos, Red Juvenil et Corporación El
Solar.
335
Selon le général Montoya, beaucoup des potentiels recrutés deviennent des victimes
de déplacement forcé dans la ville. Dans beaucoup de cas, les gens préfèrent
abandonner leurs maisons que être soumises à la dictature de groupes armés illégaux et
livrer leurs enfants à ces armées (Montoya 2002).
262
Communale de la comuna. Il avait manifesté son intérêt à se présenter comme
candidat au Conseil de Medellín dans les élections de 2007 (IPC 2006c et d).
À présent, personne n'
ose dire à quelle organisation armée illégale
appartiennent ces nouveaux groupes. Pour le Commandant de la Police du
quartier El Corazón, il ne s’agit pas de bandes organisées, mais de délinquants
qui se font passer par des organisations armées. D’autre part, pour les
fonctionnaires de la Personería de Medellín, il s'
agit de la réactivation de groupes
armés hybrides entre paramilitaires démobilisés et bandes de délinquants (IPC
2006c et d).
Nous voulions souligner dans cette section le cas détaillé du conflit dans
la Comuna 13, étant donné qu’il est devenu le cas le plus représentatif de la
présence des acteurs armés illégaux dans les métropoles colombiennes. Nous y
trouvons tous les protagonistes, dont les Forces de Sécurité de l’État, qui ont
aussi participé à l’augmentation de la violence. Évidemment les combats entre
les différents acteurs dans des zones densément peuplées, comme le cas de
cette comuna, ont affecté énormément la population civile par la difficulté de faire
une distinction entre les combattants et les civils. Un des effets négatifs le plus
représentatifs de la confrontation a été le déplacement forcé. Selon Moreno, les
combats en 2002 ont causé le déplacement de 500 familles dans cette comuna
(Moreno 2003 cité par Villa s.d., p. 6). Nous soulignerons cette situation de
manière spécifique dans la section 4 de cette partie.
263
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3.5. L’emplacement des acteurs armés illégaux à Medellín.
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264
Les références sur l’emplacement des acteurs armés à Medellín sont très
dispersées et partiales. Ce tableau a été construit par le réassemblage de
différentes sources d’information.336 Les cinq premières références (Vélez,
Yarce, Defensoría Régional d’Antioquia, Quijano et SAT) datent de 2002, mais
elles font référence aux groupes armés de la ville depuis le début des années
1980. La sixième source (Mairie de Medellín) montre le nombre des bandes dans
la ville en 2004, distinguées par zone. Vélez souligne seulement la place de
milices tandis que Quijano se réfère uniquement aux paramilitaires. Pour leur
part, Yarce et la Defensoría Régional d’Antioquia dressent un tableau général,
même si Yarce montre plus clairement la présence des bandes. Finalement, le
SAT souligne la présence des milices et paramilitaires. Nous avons choisi de
montrer les sources combinées (notamment celles de l’année 2002) pour
visualiser un schéma général de la présence des groupes armés à Medellín et
leurs zones d’influence. Même si nous combinons des sources, nous constatons
que le tableau n’est pas exhaustif, et quelques groupes armés ne sont pas
mentionnés dans aucunes des sources utilisées (par exemple les Milicias
Metropolitanas). Une autre difficulté pour analyser les sources est la filiation
politique attribuée à certains groupes, laquelle peut varier selon l’auteur. Dans la
réalité, cette filiation est difficile à établir étant donné que quelques bandes qui
ont été liées aux milices, deviennent plus tard le plus fort associé des
paramilitaires ; les paramilitaires recrutent les combattants parmi les anciens
miliciens et, en général, il y a une forte disposition à changer de groupe armé.
Ces relations, comme il a été déjà dit, combinent toujours la coopération et
l’antagonisme. Ainsi, les frontières floues entre les acteurs, permettent de
souligner que la violence de la délinquance participe à la progression de la
violence politique.
D’autre part, il existe une difficulté par rapport à la localisation des
groupes dans les différents quartiers. Quelques auteurs mentionnent le quartier
tandis que d’autres sont restreints à la zone. On pourrait supposer que les
quartiers mentionnés correspondent aux quartiers d’opération, mais les sources
336
Voir l’indication complète sur les sources consultées dans la bibliographie de cette
étude.
265
ne spécifient pas cette information. Donc il peut s’agir du quartier d’origine, du
quartier d’opération ou du lieu de la confrontation territoriale. De ce fait, il peut y
avoir des versions opposées sur l’emplacement des différents groupes dans la
ville. Il faut aussi indiquer que les noms des groupes peuvent être trompeurs. Par
exemple, les auteurs mentionnent la présence des AUC, mais il peut s’agir du
Bloque Metro, du Bloque Cacique Nutibara ou d’autres groupes associés. En
outre, un même groupe peut avoir différents noms, dont il peut apparaître doublé
dans les analyses des différents auteurs. Étant données les difficultés
présentées dans l’examen des sources, il faut souligner que ce tableau a été
réalisé pour visualiser la quantité énorme de groupes armés illégaux qui agissent
et se disputent le contrôle de Medellín. La carte « réelle » de l’emplacement de
ces acteurs n’est pas facile à établir avec les sources disponibles.
La carte suivante illustre l’information du tableau, considérée par zone.
Carte N° 8 : Présence des groupes armés illégaux à Medellín par zone (2002).
266
3.6 Les chiffres de la violence à Medellín
Homicides annuels à Medellín d'
après diverses sources
1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991
DECYPOL 1627 1655 1682 1957 2453 2807 3132 4128 4785 6160 7376
5424 6349
UCC -URI
1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
DECYPOL 6638 6301 5671 5003 4676
UCC -URI 5881 5526 4777 4159 3853 3144 2998 3559 3158 3480 3721 2012 1177 741*
5284 5285 5257 4478 4083 4288 4296 4610 4697 2679 1517
DIJIN
IPCDECYPOL 5891 5526 4832 4157 3854 3568 2887 3136 3051 3328 3450 1435
- PMM
Tableau N° 5 : Homicides annuels à Medellín 1981-2005. *Jusqu'
au 04/12/2004
Source : Decypol, UCC-URI, DIJIN, IPC-DECYPOL-PMM.
Homicides annuels à Medellin
8000
7000
6000
5000
DECYPOL
UCC-URI
DIJIN
IPC - DECYPOL - PMM
4000
3000
2000
1000
19
81
19
82
19
83
19
84
19
85
19
86
19
87
19
88
19
89
19
90
19
91
19
92
19
93
19
94
19
95
19
96
19
97
19
98
19
99
20
00
20
01
20
02
20
03
20
04
20
05
0
Graphique N° 6 : Homicides annuels à Medellín 1981-2005.
Source : Decypol ,UCC-URI, DIJIN, IPC-DECYPOL-PMM.
267
Nous avons regroupé les informations de quatre sources pour dresser un
tableau des homicides à Medellín : Decypol,337 UCC-URI,338 DIJIN,339 et IPCDECYPOL-PMM.340 Nous avons décidé de montrer les sources combinées étant
donné qu’elles rassemblent un rang d’années plus ample et parce que nous
avons trouvé des écarts entre elles. En termes généraux nous pouvons voir qu’à
partir de 1981, l’homicide présente une tendance croissante jusqu’à arriver à son
maximum en 1991, quand la ville a enregistré 7.376 homicides selon DECYPOL
et 6.349 selon UCC-URI. Medellín se présente pour l’époque comme la ville la
plus violente de Colombie et de toute l’Amérique Latine. Ceci est dû à la
prolifération de tout type d'
acteurs armés (bandes de délinquance, combos,
bandes au service de narcotrafiquants, milices etc.) et notamment aux effets
nocifs du trafic de drogue. Depuis 1991, le taux d’homicides commence à
descendre, même si les chiffres continuent à être alarmants. Nous pouvons
attribuer celui-ci à la mort de Pablo Escobar et au démantèlement du Cartel de
Medellín. En conséquence, les actions violentes commises par les bandes de
tueurs à gages ont été moins nombreuses. Entre 1997 et 2002, on assiste à la
337
DECYPOL (Departamento de Estudios Criminológicos e Identificación). Consulté en
CEBALLOS, Ramiro. 2000. Violencia reciente en Medellín : una aproximación a los
actores. In Bulletin de l’Institut Français d’Etudes Andines. Tomo 29. N° 3. Lima. p. 24.
[réf. du 2006-07-15]. Disponible sur Internet :
http://www.ifeanet.org/publicaciones/boletines/29(3)/381.pdf
338
Unidad de Convivencia Ciudadana - Unidad de Reacción Inmediata. Consulté en
PERSONERÍA DE MEDELLÍN. 2005. Derechos humanos en Medellín 2005. Medellín. p.
5. [réf. du 2006-07-24]. Disponible sur Internet :
http://www.personeriamedellin.gov.co/imagenes/docs/situacion_de_los_derechos_human
os_en_medellin.pdf
339
DIJIN (Dirección de Policía Judicial). Consulté en PNUD. 2005a. Las polémicas por
las cifras de desplazamiento. In Hechos del Callejón N° 1. Bogotá. p. 2. [réf. du 2006-0906]. Disponible sur Internet :
http://indh.pnud.org.co/boletin_hechos/index.plx?boletin=1;articulo=1;tema=¿Y%20al%20
fin%20qué?&imprimir=1
340
Jusqu’en 1999, les chiffres appartiennent à la base de données de l’IPC (Instituto
Popular de Capacitación) ; les données de 2000 et 2001 sont registres de DECYPOL
(Departamento de Estudios Criminológicos e Identificación) ; les chiffres de 2002 et
2003, sont présentés par la Police Métropolitaine de Medellín. Les chiffres n’incluent pas
les homicides dans les zones rurales de Medellín (hameaux) ni les homicides sans zone
déterminée. Consulté en IPC - INSTITUTO POPULAR DE CAPACITACIÓN. 2004.
Situación de violencia y conflicto urbano en Medellín y el Valle de Aburrá 2003. Medellín.
[réf. du 2006-11-06]. Disponible sur Internet :
http://www.ipc.org.co/page/index.php?option=com_content&task=view&id=532&Itemid=3
75
268
consolidation de groupes paramilitaires dans la ville. Les chiffres qui présentaient
une diminution depuis 1991, commencent à remonter, jusqu’à atteindre en 2002
le chiffre de 4.697 homicides selon la DIJIN. Les autres sources présentent un
chiffre de 3.721 et 3.450 homicides. Néanmoins, toutes coïncident pour montrer
que le chiffre a commencé à croître à nouveau à partir de 1998. Ces estimations
montrent comment en 2002 il y a eu une recrudescence de la violence à
Medellín, dont le conflit de la Comuna 13 a sûrement apporté à l’élévation de cet
indicateur. Entre 2003 et 2006, pendant la présidence d’Álvaro Uribe Vélez, on
est face au processus de réinsertion des paramilitaires. À partir de 2003, on
perçoit une chute remarquable dans l’indice d’homicides jusqu'
à arriver à un
chiffre inférieur à mille dans l’année 2005. Selon la Mairie de Medellín, cette
chute est un indicateur de la réussite du processus de démobilisation. Le chiffre
reste toujours très haut. Mais Medellín n’est plus la première ville par rapport aux
taux d’homicides. Celui-ci est inférieur à ceux de Villavicencio, Bucaramanga,
Palmira, Pereira, Buga, Tulua et Cali (Alcaldía de Medellín - Programa de Paz y
Reconciliación 2006, p. 22).
Nous n’allons pas discuter la façon de calculer les chiffres par les
différentes sources. Ce travail déborderait des limites de cette étude. Néanmoins
dans l’élaboration de cette recherche, nous avons constaté l’énorme faiblesse
pour calculer les chiffres des organismes étatiques colombiens, voire des
organismes privés. De ce fait, dans l’annexe J, nous avons indiqué une liste de
défaillances sur les statistiques officielles faite par les Nations Unies. Selon cet
organisme, il n'
existe pas en Colombie un système de statistiques officielles qui
couvre adéquatement les violations et les infractions conformément aux
instruments internationaux. En général, on n'
utilise pas de critères unifiés pour le
traitement de l'
information. Quant aux infractions au droit international
humanitaire, les statistiques officielles se réfèrent presque exclusivement à des
conduites des membres des groupes armés illégaux. En outre, ces statistiques
ne couvrent pas correctement certaines infractions au droit international
humanitaire et présentent des faiblesses sérieuses, omissions, inexactitudes et
contradictions (ONU 2005, p. 24).
269
4. Le déplacement intra-urbain à Medellín
Dans les sections qui suivent nous allons parler des cas de déplacement
intra-urbain à Medellín. D’abord nous aborderons les cas de déplacement du
quartier El Salado (Comuna 13) pour être considérés les cas les plus
représentatifs sur la question dans le pays. Plus loin, dans la section 4.2 nous
aborderons les cas de déplacement individuel qui sont le plus récurrents et
difficiles à détecter. Finalement, dans la section 4.3 nous présenterons quelques
considérations sur les chiffres présentés par la Personería de Medellín à ce
sujet.
4.1 Le déplacement intra-urbain massif dans le quartier El Salado : le
cas qui a sonné l’alarme
Étant donnée la situation de conflit dans les différents quartiers de
Medellín, quelques habitants ont dû abandonner leurs résidences afin de
sauvegarder leurs vies. Quelques personnes expulsées à cause des combats et
de l’harcèlement des acteurs armés ont décidé de quitter la ville, mais d’autres
sont restées dans les limites urbaines, cherchant refuge dans d’autres quartiers.
Il existe des références dispersées et mal documentées sur le cas du
déplacement intra-urbain massif des habitants du « Esfuerzo ».341 Néanmoins, le
cas du quartier El Salado de la Comuna 13 a sonné l’alarme sur le phénomène.
Le déplacement c’est déroulé le 29 juin 2002, entre les deux opérations militaires
mentionnées dans la section antérieure, Mariscal et Orión. Ce cas a donné lieu à
la reconnaissance par l'
État de cette modalité de déplacement dans la Loi 387 de
1997, comme nous l'
avons indiqué dans l'
analyse de l’arrêt T-268 de 2003, dans
la section 8.1.7 de la première partie de cette étude. Selon l’article 12 du décret
341
La Defensoría del Pueblo a indiqué que pendant le mois d’avril et mai de 2001 les
Autodefensas Campesinas de Córdoba y Urabá ont incinéré les logements de
l’emplacement de déplacés « Esfuerzo », situé dans les limites des municipios de Bello
et de Medellín. Ils ont expulsé tous les habitants du secteur (180 familles) lesquels se
sont logés, dans des conditions précaires, dans la salle du sport du secteur et d'
autres
ont cherché refuge chez la famille et les amis. Il s’agissait en effet de familles déplacées
(provenant notamment du département du Chocó et Urabá) qui ont souffert un deuxième
déplacement par la violence à l’intérieur de la ville (Table ronde Medellín, 27 juin 2003).
270
2569 de 2000, les déplacements massifs sont ceux qui concernent plus de 10
foyers342 ou 50 personnes.
Dans cette section nous reprendrons la description de la confrontation du
29 juin 2002 dans le quartier El Salado, faite dans la publication
« Desplazamiento intraurbano en Colombia » (Defensoría del Pueblo et UNHCR
2004, p. 43-48).
Le 29 juin 2002, les habitants de la partie supérieure du quartier El
Salado de la Comuna 13 de Medellín, face à la peur, l'
intimidation et le risque de
mourir dans un combat livré entre Las Milicias Bolivarianas des FARC-EP et les
CAP associés à l’ELN (Comandos Armados del Pueblo) avec les paramilitaires
du Bloque Metro et du Bloque Cacique Nutibara (BCN), ont été obligés de
s'
enfuir de chez eux et de chercher refuge dans un autre lieu de la ville : le Lycée
l'
Indépendance. En effet, ce conflit a causé la mort d’un civil, a donné lieu à
l'
incinération et à la destruction de logements, et finalement, a causé le
déplacement des habitants vers la partie basse du secteur et, ensuite, vers le
Lycée l'
Indépendance. Ce cas a été connu par la Defensoría del Pueblo
d’Antioquia, entité qui a recueilli plusieurs témoignages. Nous en évoquerons les
plus significatifs :
Madame Usuga a signalé que la nuit du 29 juin :
« [...] on a écouté des tirs et par la suite des explosions ; on a vu
les gens courir, des maisons brûlées ; ils ont tué un garçon qui était
notre voisin, mais je ne connais pas son nom ; une autre voisine a
perdu sa maison dans une explosion, elle a sept enfants [...] les gens
pleuraient. Cette même nuit nous sommes tous partis » (Corte
Constitucional 2003a, p. 5).343
342
Foyer est le groupe de personnes de la famille ou non, qui partagent un logement et la
nourriture (Decreto 2569 de 2000, art. 12).
343
Traduit par nous de : « [...] se escuchó un tiroteo, luego explosiones ; vimos que la
gente corría, que ardían unos ranchos ; mataron a un muchacho que era vecino de
nosotros, pero no sé el nombre ; a una vecina le volaron la casa con una explosión, ella
tiene siete hijos [...] la gente lloraba. Esa misma noche toda la gente nos fuimos ».
271
Madame Carvajal a déclaré:
« [...] vers 10 :30 la lumière s’est éteinte dans la partie supérieure
du quartier El Salado ; vers une heure du matin, nous avons compris
que ceux qui étaient en haut, apparemment les paramilitaires,
incendiaient les maisons. Tous les gens criaient et descendaient en
courant, les enfants pleuraient. Comme ils descendaient et brûlaient,
mon conjoint Carlos Arturo Yépez Mazo,344 avec sa soeur Claudia
María Mazo et ses trois enfants, nous sommes sortis de la maison pour
descendre avec les autres. Soudain, un homme avec une arme longue
m'
a demandé où j’allais, je lui ai dit que je descendais comme tous les
autres, il m'
a alors dit : « Non, vous n’allez nulle part, retournez et
montez » et il nous a fait monter à nouveau. Mon conjoint, qui était avec
l'
enfant de sa soeur, quand cette même personne l’a interpellé et lui a
crié s'
il savait avec qui il parlait, lui a dit qu'
il ne savait pas et l'
autre lui a
répondu : “pour votre information, vous parlez avec les autodéfenses “.
[...] il n'
y a aucun moyen de revenir, c'
est pourquoi il me faut rester où je
suis » (Corte Constitucional 2003a, p. 5). 345
Monsieur Asprilla a déclaré que cette nuit là il a été très maltraité, il a été
insulté, il a été frappé, ils ont détruit et brûlé ses propriétés, et ils lui ont donné 32
heures pour évacuer la zone « [...] c'
est pourquoi nous sommes sortis
immédiatement en courant vers la partie basse, en nous plaçant donc dans le
Lycée l'
Indépendance, puisque nous n'
avions pas où aller » (Corte Constitucional
2003a, p. 6). 346
Pour sa part, Monsieur Mosquera a dit : « [...] ils m'
ont fait sortir de la
maison et ils m'
ont dit de me perdre sinon ils allaient me tuer, donc je suis entré
344
Carlos Arturo Yépez Mazo a été assassiné la nuit du 29 juin de 2002.
345
Traduit par nous de : « [...] como a eso de las 10:30 se fue la luz por la parte alta del
sector El Salado ; como a la una de la mañana escuchamos que los que estaban arriba,
al parecer los paramilitares, estaban incendiando las casas, toda la gente gritaba y
bajaba a las carreras, niños llorando ; como ellos estaban bajando y quemando, mi
esposo Carlos Arturo Yépez Mazo, con su hermana Claudia María Mazo y tres niños,
salimos de la casa para bajar con todos, yo venía adelante cuando salió uno de ellos y
me puso un arma larga de frente y me preguntó que para dónde iba, yo le dije que para
abajo como toda la gente ; entonces él me dijo : “No, usted no va para ninguna parte,
vuelva y suba” y nos hizo volver a subir ; mi esposo estaba cargando el niño de su
hermana, cuando esta misma persona lo llamó y le gritaba que si sabía con quién estaba
hablando ; mi esposo le dijo que no sabía y el otro le dijo: “si no sabe, para su
información está hablando con las autodefensas” [...]. No hay forma de volver, por eso
me toca quedarme donde estoy ».
346
Traduit par nous de : « [...] por eso salimos inmediatamente corriendo hacia la parte
baja, ubicándonos entonces en el colegio La Independencia, ya que no teníamos para
donde más coger ».
272
chez moi, j'
ai pris quelques vêtements pour mes enfants et je suis parti avec ma
famille. Le lendemain, je suis retourné chez moi pour voir ce qu'
il était arrivé et ils
avaient brûlé ma maisonnette » (Corte Constitucional 2003a, p. 6).
347
Madame
Bedoya a dit :
« [...] les gens que nous avons retrouvés nous ont dit d’aller vers le
Lycée l'
Indépendance, où étaient logés tous les habitants des parties
supérieures du quartier El Salado ; là, nous nous sommes situés, et
depuis ce moment là, nous sommes dans cet emplacement [...]. Je ne
peux pas retourner à ma maison parce qu’elle a été brûlée, je ne sais pas
quoi faire dans cette situation, ni où aller, je ne sais même pas où
envoyer mes enfants pour qu'
ils continuent leurs études. [...] dans le lycée
presque personne ne dort, parce que la confrontation a été permanente,
quotidiennement on entend des tirs, grenades, pétards, de tout, on a
entendu dire qu'
il y a eu plusieurs morts, nous sommes morts de peur
[...] » (Corte Constitucional 2003a, p. 6). 348
La Defensoría del Pueblo a connu que les combats entre les acteurs
armés ont continué après le déplacement. D’un part, les miliciens ont fait savoir
aux occupants du Lycée que, s’ils retournaient dans la partie supérieur du
quartier, ils le feraient pour se joindre à l’organisation partisane. Pour leur part,
les paramilitaires ont déclaré qu'
ils n'
étaient pas disposés à supporter
l’occupation du lycée par la communauté, parce que selon eux, entre les
occupants, il y avait maintes personnes appartenant aux milices. Cette situation
a mis en danger la vie et l'
intégrité personnelle de tous ceux qui ont cherché
refuge dans le lycée.
D’après la Defensoría del Pueblo, 65 familles (dont 161 mineurs de 18
ans et 55 femmes chefs de famille) ont dû fuir le jour des combats, et ont
347
Traduit par nous de : « [...] me sacaron de la casa y me dijeron piérdase que si no lo
matamos ; entonces yo entré a mi casa, saqué una muda de ropa para mis niños y me
fui con mi familia ; al otro día regresé a mi casa para ver qué había sucedido y resultó
que me habían quemado la casita ».
348
Traduit par nous de : « [...] la gente que nos encontramos nos manifestaron que nos
fuéramos para el colegio de La Independencia, donde estaban albergados todos los
habitantes de las partes altas del barrio El Salado ; allí nos ubicamos y, desde entonces,
estamos en dicho sitio [...] a mi casa, como la quemaron, no puedo regresar, por la
situación en el barrio no sé qué hacer, ni para dónde coger, por lo pronto no sé ni
siquiera a donde enviar mis hijos para que continúen con sus estudios. [...] en el colegio
casi nadie está durmiendo, pues el enfrentamiento ha sido permanente, diario se
escuchan disparos, granadas, petardos, de todo, cada día se oye decir que hubo varios
muertos, estamos muertos de miedo [...] ».
273
cherché refuge dans le Lycée l’Indépendance.349 Les cas de ces familles ont
donné lieu à l’arrêt 268 de 2003 de la Cour Constitutionnelle. Elle a estimé que le
déplacement intra-urbain peut être défini comme le déplacement forcé par la
violence, puisqu'
il a lieu dans un contexte de violence qui oblige les habitants de
secteurs urbains à abandonner leur résidence et à chercher refuge dans un autre
lieu situé dans la même ville (voir section 8.1.7 de la première partie de cette
étude).
En effet, on reconnaît l'
importance de l'
analyse jurisprudentielle sur le
sujet de la mobilité intra-urbaine, étant donné que les définitions sont essentielles
pour des fins juridiques. En outre, l’arrêt rend évident un phénomène de
déplacement intra-urbain qui touche la ville de Medellín depuis la guerre du trafic
de drogues entamé dans les années quatre-vingt et qui n’a été reconnue
officiellement qu’à présent.
4.2. Le déplacement intra-urbain individuel à Medellín : une réalité
silencieuse et anonyme
Le déplacement des 65 familles du quartier El Salado à Medellín, dont
nous avons parlé dans la section antérieure, a été reconnu comme le cas
paradigmatique du déplacement intra-urbain dans le pays. Étant donnée sa
visibilité et la quantité de personnes rassemblées dans le lycée, le cas a attiré
l’attention des autorités en matière de défense des droits de l’homme et des
médias et, par la suite, la Cour Constitutionnelle a accordé aux victimes de ce
phénomène une place en tant que personnes affectées par le déplacement
forcé par la violence en accord avec la Loi 387 de 1997. Nonobstant, la plupart
des cas de déplacement intra-urbain sont individuels. Ces déplacements se
déroulent de manière silencieuse et anonyme, étant donné que tant les victimes
comme les victimaires continuent à habiter la même ville. Les dénonciations
officielles ne se présentent pas en raison de l'
intimidation qu’ils peuvent subir. Il
a été souligné que les menaces faites par les groupes armés concernent la
famille de celui qui est déplacé, ce qui empêche tout type d’accusation face aux
autorités. Une autre difficulté pour identifier et calculer ce phénomène est due à
349
Selon le directeur du Lycée, la population réfugiée au lycée était d’environ 450
personnes (Corte Constitucional 2003a, p. 5).
274
la mobilité constante des déplacés intra-urbains. Une fois expulsés d’un
quartier, ils ont des difficultés à trouver un lieu tranquille où s’installer, ce qui les
oblige à se mouvoir dans différents quartiers de la ville avant leur réinstallation.
Ils deviennent donc des nomades à l’intérieur de la ville.350 En effet, les
personnes qui sont obligées de sortir en raison d'
un acteur armé déterminé,
doivent chercher un logement où l’emprise soit de l’acteur armé opposé. Cette
situation fait du relogement une tâche très difficile. Néanmoins, maints déplacés
ont finalement trouvé un lieu où se stabiliser à l’intérieur de la ville (Table ronde
Medellín, 27 juin 2003). De plus, selon l’IPC, le déplacement intra-urbain est
régularisé à tel point qu’il est assumé comme une conséquence logique de la
menace sans qu'
il soit explicitement nommé comme une violation (IPC 2006b,
p. 120). Finalement, la difficulté pour la détection de ce phénomène se trouve
aussi dans le fait qu’il se confond et se mélange avec d’autres circonstances et
problèmes propres à la ville (Table ronde Medellín, 27 juin 2003).
Or, même s’il n’existe pas beaucoup d’études qui traitent le sujet de
manière spécifique, nous pouvons retrouver plusieurs sources qui ont signalé
quelques caractéristiques de ce phénomène dans la ville de Medellín. Ce sont
des institutions telles que la Personería de Medellín, la Defensoría del Pueblo
d’Antioquia, la Secretaría de Gobierno et l’IPC. Elles ont déclaré qu’il existe un
flux remarquable de personnes qui s'
enfuient de chez elles sous les menaces
des différents acteurs armés dans la ville. Il existe aussi des rapports des
journaux qui ont traité le phénomène, notamment le journal de la ville de
Medellín : El Colombiano.
Une équipe de quatorze rédacteurs et de quatre journalistes graphiques
du journal El Colombiano, sous la coordination du journaliste Carlos Alberto
Giraldo, ont effectué une série de 19 rapportages sur le conflit urbain à Medellín
pendant l'
année 2002.351 Dans les rapports, ils ont interviewé les autorités,
350
Le CICR a qualifié ce déplacement du nom « d'
opérations kangourou », étant donné
que le harcèlement et les persécutions obligent les civils à donner de petits sauts
territoriaux d'
une localité vers une autre, ce qui fait du déplacement un phénomène
circuler (CICR. s.d., p. 3) À ce sujet, voir les témoignages, indiqués dans la bibliographie,
du projet des Victimes du Conflit Armé de la Mairie de Medellín.
351
Cette série des reportages a gagné le prix international de journalisme « Rey de
España » en 2002. Voir les reportages complètes sur Internet :
275
plusieurs chercheurs et les personnes directement touchées par la violence. Ces
personnes ont souligné les milliers de maisons abandonnées par le conflit. Les
histoires ont rendu compte de la façon dont ces personnes ont décidé de se
déplacer vers d'
autres quartiers à l’intérieur de la ville. Alberto Morales, conseiller
de la Personería, signalait que bien qu'
il n'
existe pas un recensement précis,
nombreuses sont les maisons abandonnées et détruites en raison de la guerre
entre les milices et les autodéfenses à Medellín. Le conseiller indiquait que les
quartiers les plus touchés par ce phénomène en 2002 étaient : Santo Domingo
Sabio, Popular, Ocho de Marzo, Veinte de Julio, Belencito, Blanquizal, Villa
Laura, Betania, Trece de Noviembre, Villa Tina, La Sierra, El Pinal, Los Mangos
et Efe Gómez (Castaño 2002). De même, les rapportages parlaient des quartiers
périphériques où il y avait des halls marqués par l'
abandon et où seuls les graffiti
en aérosol, dans lesquels les groupes armés se défiaient à mort, restaient . En
outre, ils montraient les difficultés économiques qu’avaient traversé les
propriétaires pour construire leurs maisons et la souffrance que leur a causé la
perte de leurs propriétés. Les journalistes ont souligné que beaucoup d'
habitants
ne voulaient pas retourner à leurs quartiers par peur. Ils cherchaient la manière
de vendre ou de louer leurs propriétés, ce qui est devenu impossible du fait de la
violence. Finalement, ils ont souligné que le problème du déplacement intraurbain n'
est pas nouveau et qu’il existe depuis les années quatre-vingt, quand le
trafic de drogues a commencé à financer les bandes de sicarios. Les sicarios ont
exilé des familles complètes, voire, ils exigeaient la cession légale des propriétés
(Castaño 2002).
Les cas de déplacements intra-urbains par la violence ont été aussi
rapportés par l'Observatorio del Programa Presidencial de Derechos Humanos y
Derecho Internacional Humanitario de la Vice-présidence de la République.
L’Observatoire signale les menaces de délogement faites par les paramilitaires
dans le quartier Veinte de Julio de la Comuna 13, le 28 août 2002. Sous le
prétexte qu'
ils étaient sur le point d'
entamer une offensive contre les groupes de
milices du secteur, les paramilitaires ont délogé plusieurs maisons. Quelques cas
ont été dénoncés devant la Commission Interaméricaine de Droits de l’Homme
de l'
OEA (Vicepresidencia de la República 2002b).
http://www.elcolombiano.com/proyectos/serieselcolombiano/textos/conflicto_urbano/Mem
orias/Memorias.htm
276
En général, les dénonciations sur le déplacement forcé intra-urbain
indiquent les paramilitaires comme responsables. À travers ces déplacements,
les paramilitaires se sont appropriés des terres et des logements abandonnés, ce
qui a mené à un repeuplement des quartiers des comunas. Ce déplacement a
été accentué à la fin de l’année 2002 par la confrontation produite entre le
Bloque Metro et le Bloque Cacique Nutibara. Néanmoins, Restrepo souligne que
le délogement des maisons n’a pas été seulement une stratégie de ces groupes
mais aussi des guérillas et des milices. À l'
époque de leur apogée à Medellín, les
milices utilisaient les immeubles abandonnés comme centres d’opérations, et
pour cacher des personnes kidnappées tandis qu'
elles négociaient les rançons
(Restrepo 2005a). De même, il existe des déplacements à cause d’une guerre
entre les bandes de délinquance dans un conflit territorial. Il existe aussi des
dénonciations des activités de la bande des Los Triana, laquelle s'
est appropriée
plusieurs logements dans les Comunas 1 et 2, notamment dans les quartiers
Andalucía, La Francia et Villa del Socorro (Restrepo 2005a).352 En outre,
quelques habitants rapportent que la Force Publique est entrée par la force dans
leurs maisons à la recherche d'
armes et par la suite elle a retenue des civils
innocents. Ainsi, en raison des activités de la Force Publique, ils ont dû
abandonner leurs maisons. Un des cas qui a été rendu visible durant la table
ronde de Medellín est celui des chefs du MOSDA (Movimiento Social de
Desplazados). C’est le cas de plus de mille familles de déplacés provenant de
l’est et sud-ouest d'
Antioquia qui se sont installées dans les secteurs de La Cruz
La Honda, Bello Oriente et Primavera. Ces communautés dénoncent la
persécution des organismes de l'
État. Selon eux, la Force Publique les accuse
d’être des membres ou des collaborateurs des groupes des insurgés. Pour cette
raison, ils ont été victimes de détentions arbitraires, notamment dans l'
opération
Estrella 6 en janvier 2003, où la Force Publique a arrêté 61 membres de la
communauté.353 Leur représentant à la table ronde parlait « d'
un déplacement
352
Selon la Personería de Medellín, la bande de Los Triana continue à opérer à Medellín
et compte environ 300 combattants (Restrepo, 25 septembre 2005).
353
Cette opération a été exécutée par la Quatrième Brigade de l'
Armée Nationale, la
Police Métropolitaine de Medellín, le DAS (Departamento Administratvo de Seguridad) et
le CTI (Cuerpo Técnico de Investigación) (Noche y Niebla 2003, p. 31)
277
intra-urbain vers d’autres quartiers de la ville mais aussi vers la prison » (Table
ronde Medellín, 27 juin 2003).
Ainsi, quelques anciens habitants des quartiers touchés indiquent qu'
ils
préfèrent ne pas retourner étant données les pressions des groupes armes
illégaux, mais aussi en raison du harcèlement des autorités. Actuellement les
dénonciations des déplacements dans la ville continuent, associés plutôt à la
présence de personnes démobilisées du BCN (Bloque Cacique Nutibara),
notamment dans la Comuna 13 (Restrepo 2005b).354
Photo N° 3 : La Esperanza 1 (Medellín). Lieu
d’emplacement des déplacés provenant d'
Urrao
(Antioquia).
Source : Colombia Update. The Real Colombia.
[réf. du 2007-06-14]. Disponible sur Internet:
http://www.colombiaupdate.com/Members/georg
e/p/esperanza1.jpgb
Photo N° 4 : La Esperanza 2 (Medellín).
Source : Colombia Update. The Real Colombia.
[réf. du 2007-06-14]. Disponible sur Internet:
http://www.colombiaupdate.com/Members/georg
e/p/esperanza2.jpg
Or, une des caractéristiques les plus significatives du déplacement intraurbain est que beaucoup de personnes qui se déplacent à l’intérieur de la ville
avaient été déplacées précédemment. Plusieurs exemples de ceci se trouvent
dans les témoignages rassemblés par la Defensoría del Pueblo dans le cas du
déplacement massif du quartier El Salado. En outre, selon les rapports de l’IPC,
29 personnes en moyenne par jour se présentent aux organismes de contrôle en
tant que déplacés. Par la suite, quand les institutions chargées de donner l’aide
354
D’après la Personería de Medellín, les réinsérés des AUC sont les responsables de la
majorité de cas de déplacement forcé intra-urbain dans la ville, en accord avec les
dénonciations assermentées de civils présentées devant l'
Unité Permanente de Droits de
l’Homme de cette organisation (IPC 2006g).
278
humanitaire essaient de les retrouver, 60% ne se trouve plus dans le lieu où ils
avaient enregistré leur domicile. Ainsi, on observe que beaucoup de personnes
déplacées que se situent à Medellín et l’Aire Métropolitaine de la Vallée d’Aburrá
se déplacent à l’intérieur de la ville pour différents motifs. Selon une enquête
effectuée auprès de déplacés situés à Medellín et dans la Vallée d’Aburrá la
mobilité est motivée à hauteur de 20.8% des cas par des pressions
économiques, pour 16.3% des cas par la recherche de familiers et de leur
soutien, pour 11.8% de cas par la recherche de développement, 4% des cas
impliquent des personnes qui changent de quartier à cause de leur emploi, 1.2%
de cas sont motivés par des catastrophes et, finalement, 11.7% a répondue que
leur mobilité était causée par le conflit armé dans leurs quartiers de relogement.
Il convient de signaler que 34.4% des interviewés n’a pas répondu à cette
question (IPC 2006b, p. 28-34).355
Les personnes qui fuient en raison du conflit armé cherchent d’abord
refuge dans d'
autres quartiers de la ville, ce qui favorise la permanence des
paramètres culturels et la continuité de certaines activités comme l'
éducation des
enfants et le maintien des liens sociaux. En outre, la ville propose des conditions
de travail plus bénéfiques que les zones rurales et offre une possibilité plus claire
pour la reconstruction du projet de vie. En plus, les coûts économiques et
sociaux que produit un déplacement vers d'
autres régions du pays stimulent le
choix de rester en ville. Néanmoins, il est évident que le déplacement implique
une mobilité descendante en termes socio-économiques surtout s'
il s'
agit d'
un
deuxième déplacement. Les personnes déplacées perdent leur maisons et
propriétés, et le changement de résidence produit une augmentation des frais
(transport, éducation, etc.), qui affecte leur qualité de vie. Dans plusieurs cas, le
déplacement vient accompagné de la perte du travail, ce qui oblige les gens à se
loger dans d'
autres quartiers de la ville dans des conditions de pauvreté et de
marginalité. Cela engendre beaucoup de tensions, étant donnés les conflits qui
provoquent l'
invasion du sol et la prolifération des logements informels (Franco et
Roldán, s.d.).
355
Selon, Pécaut : « Les déplacés qui en font l'
expérience, s'
aperçoivent vite au terme de
leurs périples qu'
ils retrouvent à leur arrivée les conditions qui prévalaient dans leur lieu
d'
origine et qu'
ils sont voués, soit à rester les otages des organisations dont ils
dépendaient avant, soit à devenir des suspects s'
ils passent sous la coupe
d'
organisations concurrentes » (Pécaut 2000, p. 128).
279
Parfois, le déplacement implique aussi la décomposition familiale et la
transformation de rôles, ce qui a un fort impact au niveau social et
psychologique. Les déplacés intra-urbains ont une condition nomade ce qui
mène à la fragmentation familiale et à la perte de liens avec la communauté. De
même, la forte stigmatisation qui accompagne les déplacés (dont nous avons
parlé dans la première partie de cette étude) les empêche de trouver des lieux de
refuge et d’alternatives stables pour refaire leur vie (ils ne trouvent pas d’emplois,
parfois les enfants ne sont pas acceptés dans les écoles, les aides humanitaires
leurs sont niées, entre autres). À cet égard les difficultés qu’ont les déplacés face
à l’assistance de l’État et des organismes su SNAIPDV ont été signalées. Même
si cette assistance est une obligation en termes légaux pour l’État et qu’elle a été
établie par l’arrêt 268 de 2003, il existe toujours des difficultés pour la recevoir.
Les conclusions du bureau du CICR en Colombie sont à ce propos édifiants :
« Généralement, ces déplacements deviennent imperceptibles et
dans beaucoup de cas ils ne sont pas enregistrés et, le droit d'
accéder
à de nouvelles assistances matérielles est refusé, dans la mesure où ils
sont considérés comme des « kangourous qui allaitent ». Nous avons
vu que beaucoup de personnes qui ont été déjà enregistrées dans les
ordinateurs comme des bénéficiaires des aides postérieurement sont
rejetées de nouvelles aides parce que le nouveau déplacement n’est
pas qualifié comme une pratique de déplacement. Au contraire, les
demandes de nouvelles aides se sont retournées contre les
demandeurs qui sont stigmatisés comme des personnes qui recyclent
les ressources humanitaires » (CICR. s.d. (b), p. 3).356
Dans le même sens, la Cour Constitutionnelle signale qu’elle a été
informée des refus réitérés de la part de la Red de Solidaridad Social
d'
enregistrer des seconds déplacements, déplacements intra-urbains et les
déplacements en relation avec les opérations de police ou militaires (Corte
Constitucional 2006a, p. 10).
356
Traduit par nous de : « Generalmente esos desplazamientos se vuelven
imperceptibles y, en muchos casos no son registrados o a los desplazados se les niega
el derecho a acceder a nuevas asistencias materiales por cuanto se les considera
“canguros lactantes”. Hemos visto que muchas personas que ya han sido registradas en
los computadores como beneficiarias de las ayudas son posteriormente rechazadas de
nuevas ayudas porque el nuevo desplazamiento al que se ven sometidas no alcanza a
calificar como una práctica de desplazamiento. Por el contrario, las solicitudes de nuevas
ayudas se han convertido en una prueba en contra suya y los solicitantes son
estigmatizados como personas recicladoras de los recursos humanitarios ».
280
D’autre part, selon l’IPC, il n'
existe pas à Medellín des pensions spéciales
pour prêter de l'
aide immédiate à cette population. Contrairement à ce qui est
assumé, en général, les déplacés intra-urbains ne disposent pas de personnes
ou familiers pour les loger. La ville dispose actuellement de deux pensions pour
s'
occuper de déplacés provenant des zones rurales et des déplacés intraurbains.357 De ce fait il existe une manque d’espaces privés, des mauvaises
conditions d'
hygiène, et des conflit entres les personnes qui y habitent. En outre,
quelques familles touchées par le déplacement forcé intra-urbain se sont logées
de manière temporaire dans ces pensions, ce qui a produit de graves problèmes
de sécurité, étant donné que le responsable de leur déplacement peut facilement
trouver leur refuge (IPC 2006b, p. 58).
Étant donnés les éléments mentionnés ci-dessus, quelques participants
de la table ronde effectuée à Medellín sur le déplacement intra-urbain ont insisté
sur le fait que le déplacement intra-urbain emporte les mêmes effets qu'
un
déplacement depuis les zones rurales.358 La mobilité forcée à l’intérieur d’une
même ville oblige les personnes à un changement total dans leur projet de vie.
En outre, ils ont constamment une sensation de peur et d’angoisse pour le fait de
rester dans la même ville des responsables de leur fuite. En perdant leur lieu de
résidence, ils perdent généralement leurs sources de revenus, parce qu’en
plusieurs occasions l’espace de logement est en même temps l’espace de
travail, où ils développent leurs activités et ont leurs instruments de travail. À cet
égard, le témoignage de la Corporación por la Vida : Mujeres que Crean est
édifiant :
357
On ne doit pas confondre les pensions avec les emplacements des déplacés dans la
ville qui sont calculés entre 54 et 56. La majeure partie d’entre eux est située dans la
zone du nord-est, la zone du centre-ouest et à la périphérie de la ville (Personería de
Medellín 2005, p. 21).
358
En revanche, le représentant de la Red de Solidaridad Social dans la table ronde,
Rodolfo Zapata, a indiqué que si bien le déplacement intra-urbain a des implications très
graves, il ne peut pas être comparé à ce provenant des zones rurales dont les aides et
l’assistance requis est majeure. Il souligne que les déplacés intra-urbains ont une plus
fort possibilité de retour et que dans quelques cas ces personnes conservent leurs
travails, ce qui permettrait leur stabilisation économique (Table ronde Medellín, 27 juin
2003).
281
« Psychologiquement, nous pouvons dire que le déplacement
intra-urbain cause un plus petit impact dans les identités des personnes
[par rapport aux déplacements des zones rurales vers la ville]. Toutefois,
cette affirmation n'
est pas du tout certaine, puisque l'
identité est une
construction qui devient possible dans le cadre des liens sociaux qui
permettent à chaque sujet d’établir ses repères, d’être placé dans un lieu
déterminé et singulier dans un groupe ou dans une communauté. De
cette manière, si ces repères disparaissent brutalement, on doit attendre,
donc, une affectation sur l'
identité des personnes » (Bedoya 2003, p.
12).359
D’autre part, la Secretaría de Gobierno a essayé d'
établir la propriété sur
les maisons délogées en raison du conflit armé et de la guerre entre bandes
entre 2002 et 2003, notamment dans la Comuna 13. Pour le faire, ils ont
appliqué un modèle d'
intervention sociale qui consiste à réunir les personnes
touchées, pour développer des ateliers psycho- sociaux et chercher des
solutions qui permettent de récupérer leur maison (IPC 2006b, p. 34-35). Les
fonctionnaires du Secrétariat essayent de parler avec les locataires qui occupent
actuellement les maisons. Les locataires affirment qu’ils payent une location à un
homme qu'
ils disent ne pas connaître et qui leur a dit de prendre ces maisons
parce qu'
elles étaient abandonnées. Selon Alonso Salazar, Secrétaire du
Gouvernement à l’époque : « C'
est un phénomène étrange parce que nous
n’arrivons pas de manière claire aux informations. Il y a des personnes qui
viennent nous indiquer des maisons prises par les paramilitaires, mais quand
nous commençons à poser des questions, les gens n'
approfondissent pas
beaucoup » (Restrepo 2005a).360 En général, les nouveaux habitants des
maisons ne payent ni les impôts, ni les services et donnent peu d'
information qui
permette d'
établir un responsable ou un lien direct avec les acteurs du conflit
(Restrepo 2005a). Finalement, entre 2002 et 2003 la Secretaría de Gobierno a
identifié 160 cas de maisons délogées par le conflit. Quelques maisons du
quartier Popular de la Comuna 1 et des quartiers de la Comuna 13 ont été
359
Traduit par nous de : « Desde la psicología se podría decir que el desplazamiento
intraurbano causa un menor impacto en las identidades de las personas, sin embargo
esta afirmación no es del todo cierta, ya que la identidad es una construcción que se
hace posible en el marco de unos vínculos sociales que establecen referentes que van
permitiendo, a cada sujeto, ubicarse en un lugar determinado y único dentro de un grupo
o de una comunidad. De este modo, si abruptamente desaparecen dichos referentes, se
debe esperar una afectación sobre la identidad de las personas ».
360
Traduit par nous de : « Es un fenómeno extraño porque no logramos llegar de manera
clara a las informaciones. Vienen personas que nos señalan casas tomadas por los
paras`, pero empezamos a preguntar y no profundizan mucho ».
282
récupérées. Nonobstant, elles sont en général délabrées, les services publics ne
fonctionnent pas à cause de l’absence des paiements, et les dettes avec les
entreprises qui prêtent ces services se sont accumulées (IPC 2006b, p. 57).361
D’autre part, la majeure partie des propriétaires est fermée à toute discussion sur
leurs propriétés à cause de la pression et de l’intimidation encore exercées par
les acteurs armés (IPC 2006b, p. 34-35). En outre les démobilisés du BCN ont
indiqué, que beaucoup des maisons abandonnées dans la Comuna 13 et dans
d'
autres secteurs de la ville ont été récupérées par des guérilleros qui se font
passer comme déplacés intra-urbains pour réclamer la propriété sur elles
(Restrepo 2005a).
Malgré quelques efforts faits par l’administration municipale, comme ceux
que nous venons d’indiquer de la Secretaría de Gobierno, l’absence de politique
publique structurée pour l'
assistance aux déplacés intra-urbains est évidente. En
plusieurs occasions, ce sont les institutions de l’église et les ONG, les
organisations qui ont rendu un service permanent aux déplacés intra-urbains, et
non les organismes de l’État (Table ronde Medellín, 27 juin 2003). Actuellement,
il n’existe pas de rapports de la part de la Red de Solidaridad d’Antioquia sur le
phénomène, ni des chiffres officiels sur l’assistance donnée à cette population.362
En général, au niveau national, les chiffres sur le déplacement forcé excluent les
situations du déplacement intra-urbain, comme nous l’avons indiqué à plusieurs
reprises. En outre, quelques organismes de défense de droits de l’homme ont
souligné qu’en dépit de l’arrêt 268 de 2003, l'
Unité Territoriale d’Antioquia de la
RSS,
continue
de
rejeter
l'
inclusion
dans
le
SUR
(Système
Unique
d’Enregistrement de la Population Déplacée) des quelques déplacés intraurbains (IPC 2006b, p. 55).
361
Dans le cas de restitution des maisons du quartier El Salado de la Comuna 13, les
autorités de l’État se montrent très fières de ce processus de dévolution. En revanche,
les habitants se plaignent du mauvais état des maisons restituées et les dettes à payer
aux entreprises de services publiques. Voir l’article de l’IPC 2006f indiqué dans la
bibliographie.
362
En effet, chaque institution présente dans la table ronde a présenté des chiffres (non –
officiels) par rapport aux quelques secteurs ou quartiers dont elles ont leur influence.
Néanmoins ces données étaient tellement dispersées qu’elles n’ont pas permis d’établir
un tableau général du phénomène.
283
À ce propos, Rodolfo Zapata, représentant de la Red de Solidaridad
Social au moment de la table ronde effectuée à Medellín en 2003, indique que le
problème pour l'
inclusion des déplacés dans le SUR provient notamment des
défaillances dans le processus de prises de déclaration (effectué dans la plupart
des cas par les fonctionnaires du Ministère Public). 363 Selon Zapata, la RSS a
besoin d'
une déclaration détaillée sur les faits qui ont motivé le déplacement et
celle-ci est difficile à établir avec les déclarations. Beaucoup de déclarations
mentionnent la peur comme motif de la fuite, mais il n’y a pas d’arguments qui
permettent d'
établir la fidélité du récit, ce qui résulte souvent dans le rejet de
l’inclusion. Il indique que plusieurs cas de déplacement intra-urbain sont dus aux
conflits entre voisins ou de problèmes affectifs qui ne peuvent pas être
contemplés par la Loi 387 de 1997. Dans ce sens, le représentant de l'
Université
Pontifical Bolivarienne de Medellín a souligné que le conflit armé est utilisé
parfois comme excuse pour effectuer des vengeances entre voisins. De cette
manière il existe des fausses rumeurs face à des menaces d'
acteurs armés et
par conséquent quelques personnes finissent par se déplacer en raison des
rumeurs. Devant une rumeur, le doute n'
est pas admissible puisqu'
il est
préférable de partir, que de prendre le risque de confirmer la véracité de la
menace. Finalement, à propos de la déclaration, Sergio Mazo, représentant de la
Defensoría del Pueblo d'Antioquia dans la table ronde, a indiqué qu’il est difficile
d’obtenir une dénonciation claire et concrète face à l'
acteur qui a produit le
déplacement. Souvent, les personnes touchées évitent de mentionner un acteur
spécifique pour des conditions de sécurité (Table ronde Medellín, 27 juin 2003).
Selon un rapport récent de l'Asociación Campesina de Antioquia
(Association des Paysannes d'
Antioquia), le refus d’inscrire les déplacés intraurbains sur le registre officiel est fondé sur les mêmes motifs que ceux pour
lesquels elle est refusée aux déplacés en général : demande présentée hors du
temps indiqué dans la loi, déclaration contraire à la vérité ou déclaration dans
laquelle l'
acteur responsable du déplacement a été la délinquance commune. À
l’égard du dernier aspect, l'
association indique qu'
après les processus de
démobilisation des paramilitaires, leurs actions sont présentées comme des
363
Un des constats pendant le déroulement de la table ronde était que les différents
organismes étatiques culpabilisaient les autres institutions pour les défaillances dans
l’assistance à la population déplacée.
284
actions de la délinquance. De ce fait, ces actions ne sont pas associées à la
violence politique et généralisée que vit le pays (Asociación Campesina de
Antioquia 2006, p. 4-8).
En effet, il existe une énorme difficulté d’expliquer les raisons réelles qui
poussent une personne à s’enfuir de chez elle. Il existe des raisons en rapport
direct avec le conflit interne comme les menaces à la vie et l’intégrité personnelle
et les sentiments associés à cette menace comme la peur et la terreur. D’autre
part, les manifestations de la violence urbaine et la délinquance se mélangent
avec les expressions du conflit, ce qui rend les frontières entre violences
complexes et confuses. Cette ambiguïté a créé des tensions entre les différents
organismes à charge des déplacés. En effet, la Red de Solidaridad Social a
refusé l’inclusion dans le registre de plusieurs déplacés intra-urbains, parce qu’ils
soulignent la délinquance commune comme responsable de leur fuite. La RSS
s’accroche à la définition de déplacé donnée dans l’article 1 de la Loi 387 de
1997, laquelle indique que la fuite doit être encadrée dans le cas des situations
de conflits armés internes, désordres ou tensions intérieures, violence
généralisée, violations massives des droits de l’homme, infractions au droit
international humanitaire ou autres cas tels que ceux précités, qui peuvent altérer
ou altèrent drastiquement l’ordre public. En revanche, dans la définition de
déplacés intra-urbains donnée par la Personería de Medellín, on dénote une
conception plus large. Elle indique qu’il s’agit de personnes qui se déplacent d'
un
quartier à un autre, dans la même ville, ayant le seul objectif de sauver leur vie,
leur intégrité physique, leur sécurité ou liberté personnelle parce qu’elles ont été
atteintes ou sont menacées par l’action de groupes armés légaux ou illégaux.
Nous voyons dans cette définition de la Personería, une vision plus proche de
celle proposé par la Cour Constitutionnelle, laquelle considère que, pour
caractériser les déplacés internes, deux éléments suffisent : la contrainte qui
rend nécessaire le déplacement, et la permanence dans les frontières de la
propre nation. Pour la Cour, le déplacement, loin d'
être structuré avec des
paramètres rigides, doit être moulé aux circonstances très dissemblables dans
lesquelles l'
une ou l'
autre personne est déplacée dans le pays. Ce sont des
circonstances claires, fermes, voire subjectives, comme la crainte qui émerge
d'
une angoisse généralisée, qui expliquent objectivement le déplacement interne
(Corte Constitucional 2003a, p. 10)
285
Nonobstant, et malgré les différents arrêts de la Cour Constitutionnelle
indiquant ceci, beaucoup de déplacements intra-urbains ne sont pas enregistrés
par la RSS. Cette situation empêche de connaître le nombre exact de victimes et
la dimension réelle du phénomène. Ceci a des conséquences dans l'
efficacité de
la réponse étatique tant pour la prévention que pour l’assistance des personnes
touchées.
Nous avons présenté les caractéristiques les plus représentatives du
déplacement intra-urbain à Medellín. Nous avons utilisé notamment les
conclusions de la table ronde effectuée le 27 juin 2003, mais aussi une
bibliographie plus récente sur le sujet. Dans la section 8 de cette partie nous
allons montrer les caractéristiques de ce phénomène dans la ville de
Barrancabermeja.
4.3 Considérations sur les chiffres sur le déplacement intra-urbain à
Medellín
Plusieurs auteurs ont donné des chiffres dispersés sur le déplacement
intra-urbain à Medellín. Ils présentent des calculs approximatifs par année, dans
des quartiers déterminés, et des estimations sur les déplacements individuels et
massifs mais, en général, ces chiffres ne correspondent pas à un corps de
données cohérent et vérifiable. Plus encore, les chiffres sont contradictoires dans
plusieurs cas (Yarce 2002a ; Palacio 2006 ; Villa s.d. ; IPC 2006a et b). En outre,
nous avons mentionné que la RSS ne rend pas compte de manière spécifique de
ce phénomène dans son système de registre. Le SUR indique que Medellín n’est
pas seulement une ville réceptrice de population déplacée mais aussi une ville
d’expulsion. De ce fait, depuis 1995 jusqu'
au 31 octobre 2006, selon les
statistiques officielles, elle a expulsé 8.554 personnes (1.934 foyers) devenant le
13ème municipio expulseur dans le département d’Antioquia et le 55ème dans le
pays (parmi 1.098). Néanmoins, il n’y a pas de registres précis qui aident à
établir si ces personnes expulsées sont restées dans la ville ou si effectivement
elles sont parties ailleurs.
286
La seule organisation qui présente un corps de données organisé sur le
déplacement intra-urbain est la Personería de Medellín. Cette organisation base
ses chiffres dans les déclarations qu'
elle reçoit de personnes déplacées. Ainsi,
les chiffres présentés concernent seulement les personnes qui prennent la
décision de déclarer les faits aux autorités. Comme il a été dit, pour des raisons
de sécurité, plusieurs personnes ne déclarent pas leur situation. En outre, il ne
faut pas oublier que la Personería est l’organisme chargé de recevoir les
déclarations, mais l’évaluation et l’inscription au SUR de ces personnes relève de
la compétence de la RSS. De ce fait quelques personnes considérées comme
déplacés intra-urbains par la Personería (comme par exemple les personnes qui
fuient à cause des actions de la délinquance commune) peuvent ne pas acquérir
cette condition d’après les démarches de la RSS.
En même temps, les rapports de la Personería ne sont ni exhaustifs, ni
détaillés. Parfois, ils ne précisent pas les périodes exactes de prise de données,
ils présentent des résultats statistiques des enquêtes sans mentionner le total
des personnes interviewées et les tableaux omettent de préciser quelques
données. Nonobstant ces difficultés d’analyse de l’information consultée, nous
allons montrer les chiffres présentés par cet organisme.
D’après la Personería de Medellín, entre le 1er janvier 2000 et le 31 mai
2006, 5.380 personnes ont présenté une déclaration de déplacement intraurbain, d’un total de 100.140 déclarations reçues (c'
est-à-dire le 5.37%). Ces
personnes indiquent que les acteurs responsables de leur déplacement sont : les
paramilitaires pour 60%, les groupes armés non identifiés pour 15%, la
délinquance commune pour 10%, la guérilla pour 10% et finalement 5% ne le sait
pas ou n’a pas répondu à la question (Personería de Medellín 2006b, p. 2). Le
graphique suivant illustre ces données :
287
Responsables du déplacement intra-urbain à
Medellín
2002- 31 mai 2006
Paramilitaires
Groupes Armés non Identifiés
10%
5%
10%
Délinquance Commune
Guérilla
NS/NR
15%
60%
Graphique N° 7 : Responsables du déplacement intra-urbain à Medellín (200231mai 2006)
Source : PERSONERÍA DE MEDELLÍN. Desplazamiento forzado intraurbano en
Medellín : una realidad invisible. Medellín 2006. p.11 [réf. du 2006-12-24]. Disponible
sur Internet :
http://www.acantioquia.org/documentos/memorias_foro/INF_PERS_DESP_INTRAUR
B.ppt
Les principaux quartiers expulseurs entre l’année 2000 et mai 2006 sont :
Campo Valdez (Comuna 3), Villa Hermosa et El Pinal (Comuna 8), Santo
Domingo (Comuna 1), Veinte de Julio et San Javier (Comuna 13) et La Honda,
La Cruz et Bello Oriente qui correspondent aux secteurs d’installation des
communautés déplacées. Ces quartiers sont situés dans les zones nord et
centre de la ville. De ce fait, la Personería a déclaré que le déplacement forcé
intra-urbain affecte notamment les habitants des strates 1 et 2.
Les principaux quartiers récepteurs sont : El Jardín, Manrique (Comuna
3), Veinte de Julio (Comuna 13), Belén (Comuna 16), Robledo (Comuna 7),
Santo Domingo (Comuna 1). On peut observer que les quartiers de réception
sont distribués tout au long de la ville et que quelques quartiers sont en même
temps quartiers d’expulsion et de réception (Veinte de Julio et Santo Domingo).
De ces familles, 86.3% n'
a pas d'
intentions de retourner à leur quartier habituel
de résidence, contre 9.9% qui a l'
intention d’y retourner. 3,8% ne se prononce
pas sur cette question (Personería de Medellín 2006b, p. 24-30).
D’après la Personería entre le 1er janvier et le 31 août 2006, 524
personnes ont déposé une déclaration de déplacement intra-urbain (146 foyers).
288
De même, elle discrimine les acteurs responsables du déplacement intra-urbain
en 2006 ainsi que les comunas d’expulsion.
Responsables du déplacement intra-urbain à Medellín janvier -août 2006
6,2% 0,7%
10,3%
Paramilitaires
Groupes Armés non Identifiés
44,5%
Délinquance Commune
Guérilla
15,8%
NS/NR
Forces Militaires
22,6%
Graphique N° 8 : Responsables du déplacement intra-urbain à Medellín (janvier août 2006).
Source : PERSONERÍA DE MEDELLÍN. 2006. Informe de gestión. Medellín. p. 42
[réf. du 2006-07-24]. Disponible sur Internet :
http://www.personeriamedellin.gov.co/home.php
Comunas d'expulsion des déplacés intraurbains à Medellín janvier - août 2006
140
125
120
100
85
80
58
55
60
33
40
27
16
18
22
26
12
20
4
1
0
1
5
5
0
1
2
3
Zone nord-est
4
5
6
7
Zone nord-ouest
8
9
10
Zone centro-est
11
12
13
Zone centro-ouest
14
15
Zone
sudest
Zone sudouest
16
sans
inf.
Graphique N° 9 : Comunas d’expulsion des déplacés intra-urbains à Medellín janvier -août 2006.
Source : PERSONERÍA DE MEDELLÍN. 2006. Informe de gestión. Medellín. p. 44 [réf. du 200607-24]. Disponible sur Internet : http://www.personeriamedellin.gov.co/home.php
Note : L’information présentée par la Personería parle d’un total de 524 déplacés intra-urbains
entre janvier et le 31 août 2006. Néanmoins quand elle fait référence aux comunas d’expulsion elle
situe 408 personnes et souligne qu’elle na pas d’information sur 85 personnes. Néanmoins, si on
289
considère le total de 524 personnes, il manque aussi des informations à propos de 31 personnes.
La Personería ne précise rien à ce sujet.
D’après ces informations, nous pouvons dire que ce sont les
paramilitaires le groupe qui continue à exercer le contrôle sur la ville de Medellín.
Ils sont les principaux responsables du déplacement intra-urbain, suivis par les
groupes armés non identifiés. En revanche la guérilla n’est responsable que de
10.3% des déplacements, ce qui dénote un niveau d’influence et de contrôle sur
la ville inférieur qu’auparavant, même si elles continuent à surveiller certains
quartiers. La délinquance commune est présentée comme la responsable de
15.8% des déplacements. Néanmoins, comme il a déjà été dit, la RSS a nié la
condition des déplacés aux personnes qui déclarent les délinquants comme
responsables. Ce sujet mérite être étudié en détail parce que la vulnération des
droits de l’homme et les conséquences du déplacement peuvent être les mêmes,
sans importer l’auteur du déplacement. En outre, comme il a été remarqué à
plusieurs reprises, les violences des acteurs politiques et des acteurs moins
organisés s’entrecroisent, et se réalimentent. De ce fait la distinction entre les
actions des uns et des autres est difficile à établir.
Finalement, le graphique N° 9 souligne que le déplacement intra-urbain
se concentre dans les zones du nord et du centre de la ville. Il y a des
déplacements dans toutes les comunas de la zone nord-est (comunas 1 à 4) et
centre-est (comunas 8, 9 et 10) ainsi que dans la zone du nord-ouest (comunas
5 à 7) même si, dans la Comuna 6, il n’y a qu’un seul cas rapporté. Dans la zone
centre-ouest (comuna 11 à 13), nous trouvons une situation variable. Tandis que
dans les comunas 11 et 12, il y a eu très peu de cas rapportés, la Comuna 13
continue à être le lieu plus conflictuel de Medellín. Elle a expulsé 125 personnes
(le 23.8% par rapport au total), sans compter qu’on ne connaît pas le lieu
d’expulsion de 85 personnes (16.2 %) et nous avons un vide d’information sur 31
personnes (5.9%). Dans la zone sud-est (Comuna 14) il n’y a aucun cas reporté
et dans la zone sud-ouest (comunas 15 et 16) il n’y a que 10 cas, 5 pour chaque
comuna.
290
5. La ville de Barrancabermeja : port pétrolier du Magdalena Medio
Carte N° 9 : Barrancabermeja et Santander
en Colombie.
La superficie du département de Santander
2
est de 30.537 km et compte 1.916.336
habitants. Le département est délimité au
nord par les départements du Cesar et
Nord de Santander ; à l’est et au sud par le
département de Boyacá et à l’ouest par le
fleuve Magdalena, qui le sépare des
départements d’Antioquia et Bolívar (Censo
General 2005c).
Barrancabermeja est un important centre industriel du département de
Santander, situé à 403 kilomètres de Bogotá au nord-est de la Colombie. La ville
s’élève à environ 75 mètres au-dessus du niveau de la mer avec une
température moyenne de 27 degrés centigrades. Selon le recensement de 2005,
la ville compte 187.311 habitants dont 168.307 dans le chef lieu (cabecera), soit
89.85% de la population habitant la zone urbaine (Censo General 2005c).364
Avec une extension de 1.347,8 km², Barrancabermeja est limitrophe avec les
municipios de Puerto Wilches, Sabana de Torres et Giron au nord, de Puerto
Parra, Simacota et San Vicente de Chucurí, au sud, de San Vicente de Chucurí
et Betulia à l’est, et à l’ouest avec le fleuve Magdalena, la plus importante voie
fluviale du pays qui le sépare de la ville de Yondó (Antioquia). Voir dans l’annexe
K le profil de la ville de Barrancabermeja selon le recensement général de 2005.
364
Néanmoins selon les données du Site Internet de la Mairie de Barrancabermeja, la
ville compte environ 300.000 habitants, ce qui montre un écart énorme par rapport aux
données du recensement de 2005.
291
Photo N° 5 : Port de Barrancabermeja.
Source : Carlos Cargonher. Puertos
Colombianos 2. [réf. du 2007-06-14].
Disponible sur Internet:
http://img482.imageshack.us/img482/5803/bbar
ranca5vo.jpg
Photo N° 6 : Le centre-ville de
Barrancabermeja.
Source : The Center for International
Policy’s. Colombia Program. [réf. du 200706-14]. Disponible sur Internet:
http://www.ciponline.org/colombia/barranca
panorama.jpg
La ville est donc un important port fluvial. Mais Barrancabermeja est
surtout reconnue pour l’exploitation du pétrole, ce qui lui a valu le surnom de
« capitale pétrolière de Colombie ». De nombreux témoignages de l’époque de la
colonie espagnole montrent la présence du combustible dans la région, et son
utilisation par les indigènes. Néanmoins, l’importance de « Barranca », comme
on l’appelle couramment, date du XXe siècle, quand les premières concessions
pour l’exploitation du brut furent octroyées aux entreprises étrangères (1916).
Par la suite, la Loi 5 de 1922 autorisa l’Assemblée du département de
Santander
à
ériger
en
municipio
l’ancien
hameau
(corregimiento)
de
Barrancabermeja, changement qui eut lieu avec l’ordonnance départementale N°
13 du 17 avril 1922. L’importance économique était incontestable pour l’époque,
encore aujourd’hui, Barrancabermeja est le siège de la plus importante raffinerie
du pays, et du complexe industriel de l’entreprise étatique du pétrole,
ECOPETROL (Empresa Colombiana de Petróleos). En outre, le syndicat de cette
entreprise (USO - Unión Sindical de Obreros) est l’un des plus puissants du
pays, devenu symbole de la gauche (Alcaldía de Barrancabermeja 2004a).
En effet, Barrancabermeja a été le siège des plus grands conflits de
travail de la Colombie, accompagnés de luttes campagnardes et de vastes
protestations urbaines. À côté des syndicats, il y a eu le développement de partis
politiques de gauche et de plusieurs organisations politiques, sociales et
populaires ayant un impact direct sur le développement du port pétrolier et de
292
toute la région du Magdalena Medio (Defensoría del Pueblo 2001, p. 125). Selon
l’OPI (Observatorio de Paz Integral del Magdalena Medio) les premiers conflits
suscités dans la région se sont présentés entre la classe ouvrière et les
entreprises pétrolières étrangères, d'
une part, par les conditions de travail
imposées par celles-ci et les conditions exigées par les travailleurs ; et, d'
autre
part, entre les petits paysans et les entreprises multinationales, par la possession
et l'
utilisation de la terre. De cette manière les luttes campagnardes, syndicales
et des populations urbaines s’entrecroisent constamment dans le but d'
élever les
conditions de vie. Ainsi, la première grève pétrolière à Barrancabermeja date
d’octobre 1924. Plus tard, en 1963, nous assistons à la première grève civique
de la ville dont l'
objectif était la lutte pour l'
eau potable. À partir de ce moment, les
grèves se sont transformées en armes efficaces pour atteindre les objectifs de la
population face à l'
administration publique. Dans les années quatre-vingt, le
nombre de mobilisations sociales a augmenté face à des questions comme le
développement social et économique de toute la région du Magdalena Medio. À
la même période, les mobilisations contre les actions violentes débutèrent. Nous
y reviendrons plus loin (OPI 2006c, p. 59-60).
Par ailleurs, Barrancabermeja est considérée comme la capitale de la
région du Magdalena Medio, qui, définie par le Programme de Paix et
Développement (PDPMM), est un espace de 30.000 km² situé au nord-est de la
Colombie, traversé par le fleuve Magdalena du sud au nord. C’est le point de
confluence entre le centre du pays et la côte atlantique, et entre la région
pacifique et le Venezuela (second associé commercial du pays). Sa situation
géographique
est
stratégique
pour
le
développement
national
et
la
communication entre le nord, le centre et le sud de la Colombie. La région
comprend actuellement trente municipios des départements d’Antioquia, Bolívar,
César et Santander (Katz 2004, p. 1).365 Les critères partagés par ces municipios
sont : l'
exploitation pétrolière ; les similitudes de population ; la présence étatique
365
Nous pouvons considérer la région du Magdalena Medio dans un sens plus large et
inclure quelques zones des départements de Boyacá, Cundinarmarca et Caldas.
Néanmoins dans cette étude on gardera la proposition du PDPMM. Les trente municipios
qui composent la zone sont : Aguachica, Arenal, Barrancabermeja, Betulia, Bolívar,
Cantagallo, Cimitarra, El Carmen, El Peñón, Gamarra, La Gloria, Landázuri, Morales,
Puerto Berrio, Puerto Nare, Puerto Parra, Puerto Wilches, Regidor, Río Negro, Riejo
Viejo, Sabana de Torres, San Alberto, San Martín, San Pablo, San Vicente del Chucurí,
Santa Rosa del Sur, Simacota, Simiti, Tiquisio et Yondó.
293
précaire ; les hauts indices de pauvreté ; les formes de violence et de luttes
armées, et le partage de la culture (Fundación Ideas para la Paz et PNUD 2002,
p. 25).
Carte N° 10 : Division administrative de
Barrancabermeja
Source : ALCALDÍA DE BARRANCABERMEJA.
2004a. Barrancabermeja en cifras : 2001 2003. Barrancabermeja. 148 p. [réf. du 200610-14]. Disponible sur Internet :
http://www.barrancabermeja.gov.co/
Administrativement,
comunas,
366
la
ville
de
Barrancabermeja
qui regroupent 140 quartiers (barrios)
367
comprend
sept
et la partie rural comprend
6 hameaux : Llanito, La Fortuna, Meseta San Rafael, San Rafael del Chucurí,
Ciénaga del Opón et El Centro (Alcaldía de Barrancabermeja 2004a, p. 29). Voir
dans
l’annexe
L,
le tableau sur la
division
de la zone
urbaine de
Barrancabermeja par comunas et quartiers.
L’importance du port pétrolier et de la navigation par le fleuve Magdalena
a fait de Barrancabermeja un important pôle d’attraction de population. D’après
Flórez et Castañeda, depuis le début du XXe siècle, Barrancabermeja acquit une
366
La comuna c'
est la plus grande division dans la zone urbaine, conformée par deux ou
plus quartiers qui réunissent les conditions démographiques déterminées dans l'
article
117 de la Loi 136 de 1994. En outre, les comunas se constituent par des secteurs de, au
moins, trente pâtés de maisons, conformés par population socio économiquement
homogène et dotés d'
une indépendance relative entre eux (Consejo Municipal de
Barrancabermeja 2002, article 86).
367
Le quartier est la plus petite division territoriale de la zone urbaine, intégrée par une
population socio-économique homogène, dépendant des services collectifs de la
communauté et dans laquelle l'
utilisation résidentielle est prédominante mais qui admet
autres utilisations connexes complémentaires. Le quartier, en tant que produit de la
dynamique urbaine, correspond à des conglomérats de développement naturel ou à des
urbanisations successives (Consejo Municipal de Barrancabermeja 2002, article 88).
294
triple fonctionnalité comme campement, port et centre régional : « La ville a eu
un rythme de croissance accéléré, parce qu’elle était fortifiée comme une “Ville
Ouverte”, conformée par trois rôles : une ville campement qui logeait des
travailleurs pétroliers fixes et temporaires, une ville comme port fluvial qui
centralisait le transport de cargo et de passagers dans la zone, enfin, une ville
commerciale qui contrôlait son secteur d'
influence » (Flórez y Castañeda 1997
cité en Noche y Niebla 2004, p. 90-91).368
Pendant l’époque de « La Violencia » dans les années cinquante,
Barrancabermeja a été centre d’accueil de population déplacée. En outre, selon
la Vice-présidence de la République, la croissance du port entre 1980 et 2000
est associée à l'
arrivée de déplacés du Magdalena Medio et d'
autres zones
touchées par les violences du pays. À partir de 1996, elle a notamment reçu les
déplacés venus du sud de Bolívar suite à l’offensive paramilitaire du département
(Vicepresidencia de la República 2001, p. 12). Selon le SUR (Système Unique
d’Enregistrement de la Population Déplacée de la RSS), entre 2000 et 2005
Santander a reçu 63.902 personnes, soit 3.79% du total des personnes
déplacées dans le pays selon les statistiques officielles (RSS 1995 – 2006c).
Barrancabermeja est le 17ème municipio d’accueil de déplacés (parmi 1.098).369
Elle est aussi la principale ville d’accueil parmi les trente municipios du
Magdalena Medio (RSS 1995 – 2006d).
À l’égard de la population déplacée de Barrancabermeja, Ramírez
remarque que, même si une grande partie a été incluse dans le SUR, quelques
familles n'
ont jamais reçu l’aide humanitaire d'
urgence et, en conséquence, elles
ne font pas partie des processus de rétablissement. Par ailleurs, l’auteur signale
que quelques familles ont été retirées du registre sans qu'
elles aient été notifiées,
et sans qu'
ait cessé leur condition de déplacés d’après la loi (Ramírez 2005, p.
38). En outre, un rapport de l'
Université Nationale de la Colombie et de la Red de
Solidaridad Social (RSS) signale que, bien que la population déplacée située à
368
Traduit par nous de : « La ciudad mantuvo un ritmo de crecimiento acelerado, porque
se fortalecía como una Ciudad Abierta, conformada por tres roles : una ciudad
campamento que albergaba trabajadores petroleros fijos y temporales, una ciudad como
puerto fluvial que centralizaba el transporte de carga y pasajeros en la zona, y una
ciudad centro comercial que controlaba su área de influencia ».
369
Le chiffre peut être plus large si on prend les données de la CODHES.
295
Barrancabermeja soit organisée en associations comme ASODESAMUBA,
ASODEPACOL,
FUNMUDEMBA,
APROCOB,
COREDMAG,
ACVC,
CORDEBAN y ASODEV,370 peu d’entre d'
elles ont une représentation dans les
Comités d’Assistance à la Population Déplacée par la Violence.371 Finalement, ce
rapport indique que dû à l’absence de possibilités de travail et d'
appui étatique
aux déplacés, ils sont poussés à s’insérer dans les groupes armés, la
délinquance commune et les activités concernant le vol du combustible (RSS ;
Universidad Nacional 2002a, p. 11-20).
6. La violence à Barrancabermeja : une population soumise au
silence
La violence dans la ville de Barrancabermeja a été directement associée
aux acteurs armés du conflit national. En 2000 Barrancabermeja a eu l’un des
taux d'
homicides les plus élevés du pays : 203.8 pour chaque 100.000 habitants
(la moyenne du pays en 2000 était de 62.71). Selon une analyse faite par
l'Observatorio Presidencial de Derechos Humanos y Derecho Internacional
Humanitario aux actes de soulèvement de cadavres de médecine légale, 851
homicides ont été enregistrés entre le mois de janvier de l’année 2000 et le mois
de septembre 2001, 89% ont été associés directement au conflit armé et 72%
ont eu pour scène le casque urbain de la ville (Vicepresidencia de la República
2001, p. 8).
La présence des acteurs armés dans la ville a été évidente dès la décennie
des années 1960 avec la consolidation des premières structures urbaines de la
guérilla de l’ELN. Par la suite, la ville a eu des cellules des FARC-EP, et
quelques noyaux de l’EPL. Plus loin, notamment à partir de 1998, la ville a vécu
370
Voir l’étude de l’ILSA 2006, sur les origines, caractéristiques, missions et activités de
ces organisations de déplacées.
371
Les Comités des municipios et de département pour l'
assistance de la population
déplacée par la violence sont les instances territoriales créées par la Loi 387 de 1997 et
réglementées dans le Décret 2569 de 2000 afin de soutenir la mise en oeuvre locale de
la politique d'
assistance au déplacement. Ils doivent être convoqués par les maires ou les
gouverneurs selon le cas. Ils ont des fonctions de prévention et d’assistance. Les
Comités doivent garantir que les programmes et les projets réalisés par les autorités et
les organismes publics soient conçus de manière articulée. La Loi 387 de 1997 indique le
droit des personnes déplacées à faire partie de ces Comités.
296
l’offensive paramilitaire qui a eu pour but l’expulsion des guérillas. Depuis l’année
2001, les paramilitaires ont gagné un plus grand contrôle sur le port pétrolier et
les guérillas se sont repliées dans les zones rurales. Selon Pécaut, une telle
transition s’est réalisée à travers le départ forcé d’une partie des habitants et le
soutien d’une autre partie, exaspérée par les exactions de la guérilla (Pécaut
1996a, p. 260). Dans le même sens Romero souligne « [...] sur les erreurs ou les
excès des guérillas, les paramilitaires ont réussi à créer un public qui coïncide
avec leur proposition ou avec quelques parties de celle-ci, même s’il n’est pas
d'
accord avec la terreur de leurs méthodes » (Romero 1999, p. 67).372 Les
confrontations entre guérillas et paramilitaires ont laissé de nombreuses victimes.
En outre, plusieurs des homicides ont été effectués dans la voie publique et ont
été accompagnés de pratiques de torture, ce qui a propagé la terreur parmi la
population civile. Ainsi, les habitants de la ville, notamment ceux des quartiers
populaires, ont été quotidiennement soumis à la vigilance des protagonistes
armés et placés entre plusieurs feux. La ville était en effet divisée par des
frontières invisibles séparant les quartiers tenus par les divers groupes armés.
En effet, la présence des guérillas, et par la suite la dispute avec les
paramilitaires, a engendré une dynamique de violence à Barrancabermeja
marqué par les meurtres sélectifs, les disparitions forcées, les menaces, la
destruction
de
l’infrastructure
pétrolière,373
l’incendie
de
véhicules,
les
kidnappings, les attaques à la Force Publique et aussi le déplacement forcé de
population.374
Dans ce contexte, la population est soumise au silence, marquée par le
manque de confiance envers les autorités. Nombreuses sont les remarques
faites par les organisations des droits de l’homme, sur les liens et affinités entre
372
Traduit par nous de : « [...] sobre los errores o excesos de las guerrillas los
paramilitares han logrado crear un público que coincide con su propuesta o con puntos
de ella, así no esté de acuerdo con el terror de sus métodos ».
373
Selon la Vice-présidence de la République la violence contre l'
infrastructure a
différents buts : d’une part elle est associée à l'
extorsion aux pétrolières et leurs associés,
dans d'
autres cas elle est mis en rapport avec la présence de grèves civiques et de
travail. Parfois elle est liée aux protestations par les meurtres, les massacres et les
déplacements forcés dans la région (Vicepresidencia de la República s.d.).
374
Eu égard ces violations des droits de l’homme voir la Resolución Defensorial N° 7 sur
la situation des défenseurs de droits de l’homme à Barrancabermeja, du 7 mars 2001.
297
les objectifs paramilitaires et ceux des forces de l’ordre. De ce fait, selon l’IPC
(Instituto Popular de Capacitación), la présence de la Police et de l'
Armée
Nationale dans le secteur urbain de la ville et dans la région du Magdalena
Medio n'
a pas signifié le rétablissement de l'
ordre public et la cessation de
violations des Droits de l’Homme et au Droit International Humanitaire (IPC
2006a p. 146). En effet, il existe toujours une divergence entre les versions des
autorités armées de la région et celles des organisations des droits de l’homme
par rapport aux faits de violence. Il existe une grande méfiance des habitants
face à l’autorité et à leur relation avec les paramilitaires, et, en conséquence, les
revendications officielles sont peu nombreuses. Le silence est donc l‘option des
habitants pour survivre (Romero 2002a, p. 15-16).375 En effet, selon maints
rapports, la prise du port pétrolier par les paramilitaires a été possible grâce à la
complicité et la coopération des Forces de Sécurité Colombiennes avec le
groupe armé illégal (Isacson 2001).
6.1 Le port pétrolier comme bastion des guérillas
Barrancabermeja reçoit de population migrante depuis des années grâce
au développement de l'
économie pétrolière et à la navigation par le fleuve
Magdalena. Depuis 1950, elle a reçu aussi des importants flux migrateurs
provenant des différentes zones sensibles du pays et du Magdalena Medio.
Parallèlement à ce processus, de nombreuses guérillas ont profité de la
présence de mouvements de la gauche légale dans la ville pour gagner le
soutien et la légitimité de la population (Vicepresidencia de la República 2001, p.
2-3). De ce fait, la première organisation guérillera à arriver à Barrancabermeja
fut l’ELN. Cette organisation a reçu l'
appui logistique des combattants recrutés
parmi les jeunes issus de clase moyenne de la ville. Les mouvements de gauche
ont effectivement facilité les activités des fronts ruraux de l’ELN et ont permis la
consolidation des structures urbaines qui ont survécu à l'
opération Anorí au
début des années 1970. Barrancabermeja a donc été l’une des premières
localités où l'
ELN a attiré des dirigeants des mouvements de masses pour faire
partie de son projet politique (Medina 2001, p. 228).
375
Un des fonctionnaires de l'
Armée chargée de la sécurité dans le quartier La Paz
(Comuna 3 de Barrancabermeja) souligne que la responsabilité de l'
impunité est de la
citoyenneté qui ne fait pas des dénonciations officielles (Romero 2002a, p. 15-16).
298
En effet, comme il a été mentionné dans la section 2.2 de la deuxième
partie de cette étude, depuis 1964 les membres de l’ELN ont choisi le municipio
de San Vicente du Chucurí (voisin de Barrancabermeja par le sud et par l’est)
pour fonder leur organisation guérillera. La zone était le lieu des activités des
guérillas libérales de Rafael Rangel dans les années cinquante, ce qui a permis
la formation des premiers noyaux armés. Elle était aussi un terrain favorable au
contrôle de la région pétrolière (à proximité du port de Barrancabermeja et de la
principale raffinerie du pays) et du chemin de fer du Magdalena. Mais surtout,
elle réunissait les organisations qui avaient dirigé les luttes sociales et politiques
depuis les années 1920 et un syndicalisme représentatif du mouvement ouvrier
colombien. À tout cela s’ajoutaient les conditions révolutionnaires particulières
aux étudiants de l’Université Industrielle de Santander (UIS) (Arenas 1972, p.
23).
Entre 1983 et 1986, période de la résurgence de l'
ELN grâce à l’extorsion
des compagnies pétrolières étrangères, le front Cristóbal Uribe est né à
Bucaramanga et à Barrancabermeja, financé par les revenus provenant des
extorsions perpétrées dans le Magdalena Medio, notamment auprès des
éleveurs de bétail. Par la suite, entre 1989 et 1991, le front Manuel Gustavo
Chacón s’est consolidé aux alentours de Barranca. Plus tard, entre 1992 et 1995
le front urbain de Resistencia Yariguíes est apparu dans le port pétrolier et dans
la ville de Sabana de Torres, en perpétrant des attentats contre les organismes
de l'
État. Tous ces fronts ont été initialement articulés au front de guerre oriental,
également présents dans les départements d’Arauca, au nord de Santander, au
nord de Boyacá, et au sud de Cesar. Après la désintégration du front de guerre
oriental, les fronts de Resistencia Yariguíes, Capitán Parmenio, Manuel Gustavo
Chacón et Guillermo Antonio Vásquez ont pris le pouvoir sur la région du
Magdalena Medio, ayant comme siège général la ville de Barrancabermeja
(Vicepresidencia de la República 2001, p. 4). Selon un rapport plus récent de la
Vice- présidence de la République (2005), le front Resistencia Yariguies et le
front urbain Manuel Gustavo Chacón continuent à opérer dans la ville
(Vicepresidencia de la República 2005, p. 4).376
376
Le rapport de la Vice-présidence de la République de l’année 2003 sur les droits de
l’homme à Santander souligne les activités du front urbain Diego Cristóbal Uribe Escobar
299
D’autre part, en ce qui concerne les FARC-EP, leur présence et activités
étaient moins significatives dans le casque urbain de Barrancabermeja que
celles de l’ELN. D’après les rapports de la Vice-présidence de la République,
depuis les années 1960, le quatrième front des FARC-EP est né dans le sud du
Magdalena Medio, mais il n’a pas eu d’impact sur Barrancabermeja. Dans le
port, la plus grande croissance de cette organisation s'
est produite entre 1980 et
1983, quand sont apparus les fronts 12, 20 et 23 à Santander et le front 24 dans
le sud de Bolívar. Par la suite, dans la première moitié des années 1990, les
fronts 37 dans le sud de Bolívar et le 46 dans les limites entre Santander et
Bolívar sont apparus, lesquels ont eu une influence sur Barrancabermeja
(Vicepresidencia de la República 2001, p. 5). Selon un rapport plus récent de la
Vice-présidente de la République sur la situation des droits de l’homme dans le
département de Santander (2003), le front 24 (Héroes de Santa Rosa) et les
Milicias Bolivarianas des FARC-EP continuent à opérer dans la ville
(Vicepresidencia de la República 2003, p. 5).
Finalement, l'
EPL s’est également installé dans le casque urbain de la
ville. En effet, le 17 décembre 1997, cette organisation a incendié plusieurs
véhicules et a posé des bombes à Barrancabermeja pour commémorer
l'
anniversaire de sa fondation comme mouvement politique (Human Rights
Watch 1998). Elle était active par le biais du front Ramón Gilberto Barbosa
Zambrano. Elle fut néanmoins expulsée de la ville par les FARC-EP en juin 1999,
après l’assassinat de 12 de ses militants (Roux 1999, p. 14). Selon Loingsigh
cela a provoqué les premières désertions de la guérilla vers les AUC (Loingsigh
2002, p. 10). En outre, il faut souligner qu’une dispute territoriale entre guérillas a
eu lieu entre les FARC-EP et l’ELN, dans les quartiers sud-est et nord-est de la
ville.
En définitive, le Magdalena Medio et la ville de Barrancabermeja ont été
des zones stratégiques pour les guérillas par l’économie pétrolière, la proximité
avec le fleuve Magdalena, l’autoroute Troncal de la Paz qui traverse plusieurs
secteurs du Magdalena Medio, et par l’importance de l’agro-industrie et l’élevage
à Barrancabermeja. Cependant, pour l’année 2005, il ne le reporte plus (Vicepresidencia
de la República 2003, p. 5).
300
du bétail, activités desquelles elles extraient leurs revenus. Selon les rapports de
la Vice-présidence de la République entre janvier 1990 et septembre 2001, il y a
eu un total de 550 actions armées377 à Barrancabermeja dont 378 ont été
attribuées à l'
ELN (69%), 89 aux FARC-EP (16%), 18 à l'
EPL (3,3%) et le reste à
d'
autres organisations non identifiées (Vicepresidencia de la República 2001, p.
5).
En mai 1999 un rapport d'
Amnistie Internationale présente une carte de la
présence des guérillas dans la ville :
« La ville est considérée comme un bastion tant des FARC-EP que
de l’ELN et, dans une moindre mesure de l'
EPL. La ville a éprouvé une
importante croissance ces dix dernières années avec l'
afflux massif de
travailleurs migrants et de communautés campagnardes déplacées.
Par la suite, les quartiers marginaux ont proliféré et ont été dispersés
vers les zones environnantes. C’est tout spécialement dans ces
quartiers pauvres où les organisations partisanes ont établi une forte
présence. Il existe une tendance à identifier ces quartiers par les
mouvements insurgés. Les quartiers du sud-est et du nord-est de la
ville sont aussi des bastions des milices urbaines liées aux groupes
partisans. Parmi ces milices figurent : le front urbain de Resistencia
Yariguíes-Fury, et le Capitan Parmenio, tous deux liés à l'
ELN ; une
unité des FARC-EP en rapport avec le Bloque del Magdalena Medio, et
une unité urbaine du front Ramón Gilberto Barbosa de l'
EPL »
(Amnistie Internationale 1999, p. 5).378
377
La Vice-présidence considère comme actions armées, les contacts armés à l'
initiative
de la Force Publique, les attaques qui, à l'
initiative de la guérilla, sont retombées sur la
Force Publique (les embuscades, les harcèlements, les attaques à des installations
militaires et de police et la prise des peuplements), les actes orientés à la destruction
d'
infrastructure et, finalement, les actions de piraterie terrestre et les assauts
d’organismes bancaires et de propriétés privées (Vicepresidencia de la República 2001,
p. 5).
378
Traduit par nous de : « La ciudad se considera un baluarte tanto de las FARC-EP
como del ELN y, en menor medida del EPL. La ciudad experimentó un importante
crecimiento la década pasada con la afluencia masiva de trabajadores migratorios y de
comunidades campesinas desplazadas, y los barrios marginales han proliferado y se han
esparcido por las zonas circundantes. Es especialmente en estos barrios pobres donde
las organizaciones guerrilleras han establecido una presencia fuerte. A los barrios se los
tiende a identificar con alguno de los movimientos insurgentes. Los barrios suroriental y
nororiental de la ciudad también son bastiones de las milicias urbanas vinculadas a los
grupos guerrilleros. Entre estas milicias figuran : el Frente Urbano de Resistencia
Yariguíes-Fury, y el Capitán Parmenio ambos vinculados al ELN ; una unidad de las
FARC-EP relacionada con su Bloque del Magdalena Medio, y una unidad urbana del
Frente Ramón Gilberto Barbosa del EPL ».
301
Dans cette section nous avons vu que Barrancabermeja a été une zone
stratégique tant au niveau géographique que politique pour la consolidation des
guérillas. Néanmoins, à partir de 1998 leur pouvoir commence à être contesté
par les paramilitaires. La confrontation entamée entre ces deux groupes opposés
a conduit la population à de hauts niveaux de risque pour leur vie et leur intégrité
personnelle. En effet, à la fin de l’année 2001, les paramilitaires ont réussi à
déloger les guérillas, et ils ont recruté des hommes parmi les combattants
ennemis (Vicepresidencia de la República 2001, p. 14).379
6.2 L’offensive paramilitaire : guerre frontale contre la subversion
En réponse à l’emprise de la guérilla sur Barrancabermeja, dans la
décennie des années 1980, cette ville a été la scène du mouvement des
autodéfenses MAS (Muerte a Secuestradores). L'
objectif de ce mouvement était
d'
éliminer les délinquants et guérilleros responsables des extorsions et des
enlèvements. En même temps, quelques structures paramilitaires qui opéraient
dans le sud de la région du Magdalena Medio ont aussi commencé à avoir des
attachés dans le port pétrolier. Par la suite, dans les années 1990, il y eut
présence des autodéfenses qui opéraient dans le bajo Simacota, dans les
municipios de San Vicente et le Carmen de Chucurí (Vicepresidencia de la
República 2001, p. 7).
Depuis 1995, les organisations de droits de l’homme ont dénoncé
l'
intention des paramilitaires « d'
entourer Barrancabermeja ». Selon un rapport de
CREDHOS (Corporación Regional para la Defensa de los Derechos Humanos) le
réseau paramilitaire a commencé d’abord par l'
occupation de territoires
limitrophes à Barrancabermeja : El Carmen, Cimitarra, Puerto Parra, San Vicente
de Chucurí et Simacota. En 1996 la corporation a enregistré la présence des
groupes paramilitaires dans le municipio de Yondó (Antioquia), dans la rive
gauche de la fleuve Magdalena, dans le sud de Bolívar et dans la zone rurale et
379
En général les paramilitaires leur proposaient un salaire pour les attirer. Toutefois,
selon les recherches de Loingsigh, les paramilitaires ont cessé de payer les salaires
après quelques mois, quand les jeunes ont déjà été signalés comme paramilitaires.
Même dans quelques cas, ils les ont tués pour ne pas leur payer le salaire ou pour éviter
les dénonciations. Une autre modalité pour se défaire de ces jeunes était de les envoyer
combattre dans le Sud de Bolívar (Loingsigh 2002, p. 22).
302
le chef lieu de Barrancabermeja, malgré la militarisation de ces zones
(CREDHOS 1996, cité par Romero 2003, p. 105-106). Les effets de cette
avancée territoriale par les paramilitaires se sont donc reflétés dans une
croissance soutenue, depuis 1998, de l'
indice d'
homicides pour cent mille
habitants (Romero 2002a, p. 14).380 (Voir graphique N° 10)
En effet, c’était en 1998 que la stratégie pour la prise du port pétrolier été
élaborée par les paramilitaires avec l'
appui des autodéfenses qui opéraient à
Sabana de Torres, Yondó, Puerto Wilches, le sud du Cesar et Bolívar
(Vicepresidencia de la República 2001, p. 7).381 De cette manière, bien qu'
ils
aient été présents dans la zone depuis plusieurs années, ce n’est qu’à partir de
1998 que les autodéfenses ont commencé à contester clairement le contrôle de
la région aux guérillas. Cette entrée est marquée par l'
incursion du 16 mai 1998 à
Barrancabermeja. D’après le rapport d'
Amnistie Internationale sur cette
offensive : « Barrancabermeja, una ciudad sitiada » un groupe de plusieurs
paramilitaires est entré dans la ville dans des camions et a circulé librement par
les quartiers défavorisés (zones sud-est et nord-est). Pendant le parcours, il a
tué 7 habitants accusés d’être auxiliateurs des milices urbaines de l’EPL et de
l’ELN, et a forcé 25 personnes à partir dans les camions, lesquelles ont
disparu.382 Les enlèvements ont eu lieu notamment dans les quartiers María
Eugenia, El Campín, Divino Niño et Nueve de Abril dans la Comuna 7. Selon le
rapport d’Amnistie, quelques jours avant l’offensive, le DAS (Departamento
Administrativo de Seguridad) avait envoyé un communiqué aux commandants
militaires et de police de Barrancabermeja dans lequel il signalait que les forces
paramilitaires projetaient un massacre dans la ville. Malgré l’avertissement, les
Forces de Sécurité de l'
État n'
ont pas pris de mesures pour empêcher l'
attaque ni
380
D’après Romero, depuis 1999 jusqu’en 2002 ont été assassinées dans la ville environ
800 personnes accusées par les paramilitaires d'
appartenir ou d'
aider la guérilla. Parmi
les victimes on trouve : chefs communautaires, syndicalistes, campagnards et activistes
sociaux et de droits de l’homme (Romero 2002a, p. 15).
381
D’après Romero le fait que des 414 organisations Convivir reportées dans le pays par
la Surintendance de Surveillance et Sécurité Privée en 1997, 106 soient situés dans le
département de Santander, constitue (possiblement) un antécédent de l'
offensive
paramilitaire, entamée en 1998 contre les guérillas et la population civile du Magdalena
Medio (Romero 2002a, p. 12).
382
Selon les rapports de Isacson (2001) et ASFADDES (2003) les morts ont été 11 au
lieu de 7.
303
faire face au groupe paramilitaire pendant l'
incursion. Finalement, les AUSAC
(Autodefensas Unidas de Santander y el sur del Cesar) ont été tenues pour
responsables de cette incursion. Leur commandant a même admis face aux
médias leur responsabilité. Il a affirmé que toutes les victimes avaient des liens
avec les milices populaires de Barrancabermeja et que, de ce fait, ils méritaient
ce qui leur était survenu (Amnistie Internationale 1999).383 En outre, selon
Loingsigh, entre les années 2000 et 2001, les autodéfenses ont menacé
plusieurs familiers des victimes du massacre du 16 mai 1998, pour leurs
dénonciations à ce sujet. Quatre familiers des disparus ont été tués. De ce fait,
l’organisation ASFADDES (ONG de familiers de personnes disparues que nous
allons présenter plus loin) a été obligée de fermer son bureau à Barrancabermeja
(Loingsigh 2002, p. 17).384
Selon la Police National, en 1998, il y eut à Barrancabermeja 5
massacres (27 victimes) ; en 1999, 3 massacres (26 victimes) ; en 2000, 5
massacres (29 victimes) et en 2001, 2 massacres (9 victimes). Il n’y a pas de
massacres registrées par la Police pour les années 2002, 2003 et les premiers 8
mois de 2004 (Vicepresidencia de la República. s.d. (b)). Loingsigh fait une
description de ces événements dans son livre sur les paramilitaires dans le
Magdalena Medio. Il précise aussi que, c’est au cours de l’année 2001 que les
paramilitaires prennent le contrôle définitif de la ville (Loingsigh 2002, p. 9-19).
Ainsi, à la fin de l’année 2000 et pendant le premier semestre du 2001,
les paramilitaires ont continué leur offensive contre les guérillas et contre les
dirigeants populaires et syndicaux, laquelle a eu comme scène les quartiers
populaires de la ville, placés notamment dans les zones du nord-est et sud-est.
Cette escalade obéissait à l’intérêt des AUC de transférer une partie de ses
effectifs du sud de Bolívar à Barrancabermeja. Depuis le 22 décembre de 2000
383
Voir la Revista Semana N° 851. Bogotá : août 1998. « La confesión de Morantes. El
jefe de las Autodefenses de Santander y Sur del Cesar acepta que fue el autor de la
masacre de Barrancabermeja en mayo de este año ».
384
D’après Noche y Niebla, le 11 juillet 2000, les paramilitaires ont assassiné, Elizabeth
Cañas Cano à Barrancabermeja. Elle appartenait à l’organisation ASFADDES de
Barrancabermeja et avait été fondateur de l'
Association de Familiers de Disparues du
Magdalena Medio. Elle avait identifié et avait dénoncé un membre de la Force Publique
qui avait participé au massacre du 16 mai 1998 (Noche y Niebla 2004, p. 52).
304
plus de 100 combattants sont arrivés par la rivière Magdalena ayant pour but de
fermer les routes d'
approvisionnement des militants de l’ELN dans le Magdalena
Medio (Romero 2002a, p. 16). Cette offensive leur a permis de réduire
ostensiblement le pouvoir et l'
influence des guérillas, particulièrement de l'
ELN. À
la suite de cette attaque paramilitaire, la guérilla a dû se replier dans les
montagnes de San Lucas et du Perijá (Vicepresidencia de la República 2001, p.
3). En effet, la stratégie des paramilitaires a été de couper le lien partisan entre
les secteurs urbains et ruraux et ils l'
ont obtenu en encerclant Barrancabermeja.
Les guérillas ont été obligées de se replier dans les zones montagneuses
comme effet de la pression dans les quartiers populaires du port. Néanmoins,
l’offensive paramilitaire n’a pas seulement affecté la base des guérillas ; elle a
profondément affecté d’importants secteurs de la population civile et, en
particulier, les membres du syndicalisme et les organisations politiques et
sociales (Vicepresidencia de la República 2001, p. 3).
Les événements du 22 et 23 décembre 2000 ont marqué profondément la
société civile du port. Les paramilitaires ont réalisé des piquets dans le secteur
nord-est de la ville et ils ont fait des incursions dans le quartier Primero de Mayo
(Comuna 5) : ils ont assassiné un jeune, et ils ont pris par la force les logements
de plusieurs civils où ils ont kidnappé de manière transitoire plusieurs personnes.
En outre, ils ont pris quelques logements dans les quartiers Miraflorez et Simón
Bolívar (Comuna 5) depuis lesquels ils ont commencé à dévoiler leurs stratégies
et activités (Defensoría del Pueblo de Colombia, Expediente - Quejas N°
Q0001494 CMC). Selon un article du journal El Tiempo du 27 décembre de
2000, les Autodefensas Unidas del Sur de Bolívar y Santander ont confirmé leur
présence à Barrancabermeja et ont annoncé qu’ « [...] elles maintiendront une
guerre frontale contre la subversion et déclarent comme objectif militaire la
délinquance, la classe politique corrompue et tous ceux-là qui ont un certain lien
avec les groupes partisans » (El Tiempo, 27 décembre 2000).385 Le graphique
suivant montre le taux d’homicides à Barrancabermeja à partir de l’année
d’initiation de l’offensive paramilitaire.
385
Traduit par nous de : « [...] mantendrán una guerra frontal contra la subversión y
declaran objetivo militar a la delincuencia común, la clase política corrupta y todo los que
tengan algún nexo con los grupos guerrilleros ».
305
Taux d'
homicides à Barrancabermeja 1998-2004*
250
203, 8
200
184
150
133
100
67, 2
56, 7
50
0
51, 5
14, 5
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
Graphique N° 10 : Taux d’homicides à Barrancabermeja 1998-2004* (100.000
habitants)
* Chiffres projetés sur les chiffres enregistrés dans les huit premiers mois de
2004.
Source : Police National. Consulté en VICEPRESIDENCIA DE LA
REPÚBLICA. OBSERVATORIO DEL PROGRAMA PRESIDENCIAL DE
DERECHOS HUMANOS Y DIH. Algunos indicadores sobre la situación de los
derechos humanos en Barrancabermeja y su zona de influencia. p. 3 [réf. du
2006-12-06]
Disponible
sur
Internet :
http://www.reliefweb.int/library/documents/2004/govcol-col-21oct8.pdf
Le graphique souligne, qu’à partir de l’entrée paramilitaire en ville, les
homicides ont une tendance croissante jusqu’à arriver à son maximum en 2000
avec un taux de 203.8 homicides par 100.000 habitants. À partir de l’année 2002,
il y a une chute dans le taux d’homicides, qui a sûrement une relation directe
avec le processus de démobilisation des paramilitaires entamé cette année-là.
Néanmoins, les démobilisations des paramilitaires du Magdalena Medio ont eu
lieu notamment en 2006 comme nous le verrons dans la section suivante.
Par ailleurs, les paramilitaires contrôlent le marché du vol de l'
essence
grâce à la perforation directe du gazoduc, et parfois, par le biais des extorsions
aux bandes organisées qui ont traditionnellement développé cette activité. De ce
fait, ils cherchent le contrôle des lieux stratégiques pour effectuer la
commercialisation de ce produit aux revendeurs (par exemple les quartiers de la
Comuna 7). D’autre part, ils reçoivent l'
appui des organisations paramilitaires du
Magdalena Medio, lesquelles dérivent leurs ressources des économies de la
coca et de l'
or (Vicepresidencia de la República 2001, p. 8). De ce fait, ils ont
assez de ressources pour survivre, ce qui leur permet de ne pas demander
306
régulièrement des impôts ou extorsions à la population civile, ce qui, par la suite,
leur garantit une certaine légitimité parmi les habitants de la ville. En outre, selon
une version contestée de Loingsigh, les paramilitaires contrôlent les ressources
internationales du Plan Colombie386, soit par le biais de leurs propres ONG qui
ont acquis les contrats, soit par les impôts qu’ils demandent aux travailleurs de
différentes coopératives qui gèrent les fonds du composant social de ce projet
(Loingsigh 2002, p. 104).
Selon les conclusions de la table ronde effectuée à Barrancabermeja le
15 juillet 2003, même si le contrôle de la ville par les paramilitaires se situe
notamment dans les quartiers des comunas 1, 5, 6 et 7, ceux-ci ont une stratégie
globale de couverture de toute la ville avec des hommes qui montent la garde
dans tous les secteurs. Ces hommes doivent changer souvent leur lieu de
surveillance (chaque 15 ou 30 jours) pour éviter la création de liens avec la
communauté. De ce fait, les paramilitaires sont arrivés à maintenir la population
intimidée et soumise à leurs demandes. Dans quelques secteurs, ils sont
chargés de l'
administration de la justice et de la résolution de conflits, et ils sont
arrivés à imposer des normes de coexistence (lesquelles ont été consignées
dans un manuel de conduite). En outre, ils ont pris la place des quelques
institutions légales comme par exemple les commissariats de famille (Table
ronde Barrancabermeja, 15 juillet 2003).387
Le manuel de conduite des autodéfenses dicte des normes tant pour les
propres autodéfenses que pour la population civile. Chaque norme est
accompagnée de sa sanction respective. On consigne ainsi des horaires d’entrée
et de sortie pour les enfants et les horaires d'
ouverture des établissements
publics. On légifère sur la vente de liqueurs, les jeux d’hasard, les nuisances sur
la voie publique, les relations avec la population civile, le port d'
armes et
386
Le Plan Colombie est un projet pour diminuer le trafic de drogues et résoudre l'
actuel
conflit armé en Colombie par le biais de l'
aide des États-Unis. Le plan, conçu en 1999, a
des projets sociaux et économiques et cherche, notamment, à créer une stratégie
antinarcotique et le renforcement des forces militaires pour combattre les groupes armés
illégaux.
387
Selon Loingsigh, les paramilitaires ont pris le contrôle de la prison de
Barrancabermeja pour annihiler définitivement la guérilla. Soit ils assassinent les
prisonniers politiques quand ils sortent de la prison, soit ils les menacent de mort s'
ils ne
travaillaient pas pour eux (Loingsigh 2002, p. 25).
307
l’utilisation de véhicules officiels ou d'
organismes privés. En outre, il ordonne la
manutention de façades, la récolte d'
ordures, la propreté de fermes et pâturages,
le maintien d'
animaux, l’étude obligatoire et l’interdiction du vol. Les sanctions
comprennent la détention de personnes, des amendes, des travaux forcés, la
confiscation de propriétés et l'
expulsion de la zone (nous y reviendrons plus
loin).388 Néanmoins, selon les rapports de Noche y Niebla, les punitions
consistent aussi à ligoter les personnes, leur raser la tête et les sourcils, les
frapper, voire, violer les femmes et les enfants (Noche y Niebla 2004, p. 101).
En même temps, nombreuses ont été les plaintes qui ont été rassemblées
par la Defensoría del Pueblo à propos des activités des paramilitaires dans la
ville. Ils se sont emparés de nombreux logements et ont transformé la population
en otages et boucliers humains. Outre les meurtres et les disparitions, ils
profèrent des menaces constantes, ils font des piquets, des réunions obligatoires
de la communauté sous pression armée, ils coupent les lignes téléphoniques, ils
empêchent la libre réalisation des événements, ils obligent les femmes à porter
des panneaux qui les désignent comme prostituées et les hommes doivent
maintenir les cheveux courts. Les paramilitaires réalisent aussi une nouvelle
modalité de kidnapping qui consiste à retenir les personnes dans leur propre
logement. L'
agression des paramilitaires est arrivée même à obstruer l'
assistance
humanitaire qu'
offrent différentes organisations à la population déplacée par la
violence (Defensoría del Pueblo, Expediente Quejas N° Q0001494 CMC). De
même, la CREDHOS a dénoncé que les paramilitaires profitent de leur pouvoir
dans tout type de situations. Par exemple, si un membre des autodéfenses
tombe amoureux d'
une fille et elle ne lui répond pas sentimentalement, elle est
aussitôt menacée (Table ronde Barrancabermeja, 15 juillet 2003).
Néanmoins, les paramilitaires réalisent aussi des actions pour gagner
l’appui des habitants. De ce fait, ils offrent des postes de travail aux jeunes (dans
un ville dont le taux de chômage pour 2004 était de 26,2%), offrent de l’argent
pour la réalisation de projets de récupération des rues et investissent dans la
construction des parcs (Loingsigh 2002, p. 21). D’autre part, ils ont pris le
contrôle des Assemblés d’Action Communale, par la participation directe de leurs
388
Voir le manuel de conduite dans l’annexe M de cette étude.
308
agents en elles ou par le biais de la pression armée à leurs membres. Ainsi, ils
préparent plusieurs festivités et activités pour la communauté, ayant comme but
de gagner en légitimité auprès de la population (Noche y Niebla 2004, p. 106).
Il faut cependant bien reconnaître que les paramilitaires ont aussi
commencé à développer de réseaux politiques d’appui parmi la population civile.
Par exemple, entre 2000 et 2001, quand il y avait la possibilité concertée entre
l’ELN et le gouvernement d’Andrés Pastrana de retirer la Force Publique des
municipios de Cantagallo et San Pablo dans le sud de Bolívar pour réaliser une
convention entre cette organisation guérillera et la société civile, l’association
Asocipaz et le Mouvement « No al Despeje » ont été opposés à cette possibilité,
coïncidant avec la position des groupes paramilitaires (Vicepresidencia de la
República 2001, p. 7).389 Cependant, il est aussi évident que maintes personnes
faisant partie de cette opposition (manifestée au travers des mobilisations et
blocages des routes) ont été contraintes de le faire par les paramilitaires,
lesquels ont menacé de délogement les personnes ne faisant pas partie de la
mobilisation et ont donné des ordres précis sur la façon d’agir dans des réunions
obligatoires convoquées dans les chefs lieux des municipios de la région du
Magdalena Medio (Romero 2002a, p. 75).390
Par ailleurs, en septembre 2005, la Defensoría del Pueblo Régional del
Magdalena Medio a élaboré un Rapport de Risque sur les parcelles les Ñeques,
La Colorada et la Florida (appartenant au hameau de Ciénaga de l'
Opón de la
zone rurale de Barrancabermeja) du fait des violations systématiques des droits
de l’homme de la part des acteurs armés illégaux, notamment les paramilitaires
du Bloque Central Bolívar. Ce rapport a donné lieu à l'
émission d'
une « Alerte
389
D’après les recherches de Loingsigh, des ONG comme Asocipaz et d'
autres comme
Construpaz ont été créées par les propres paramilitaires. Cependant Asocipaz se
présente comme un représentant des communautés campagnardes et nie ses liens avec
ce groupe armé (Loingsigh 2002, p. 22 et 63).
390
La première mobilisation sociale contre la zone de connivence pour l'
ELN s'
est
produite en février 2000 avec le blocage de la route qui relie l'
intérieur du pays avec la
côte atlantique. Ces mobilisations sont représentatives de la thèse de Romero sur les
motivations de paramilitaires qu’on a développé dans la section 4.1 de la deuxième partie
de cette étude. Il s’agit d’une mobilisation pour éviter la réalisation d’un processus de
paix avec les groupes des guérillas lequel peut arriver à transformer le statu quo
(Romero 2002b, p. 75)
309
Précoce »391 émise dans la première semaine de décembre 2005. Selon
Ramírez, au premier semestre 2005, les zones d'
une plus grande expulsion de
population à Barrancabermeja, ont été précisément ces parcelles (Ramírez 2005,
p. 23).
Par rapport à la zone urbaine de Barrancabermeja, selon le Défenseur du
Peuple du Magdalena Medio, les comunas les plus affectées en 2005 par le
conflit étaient la 1, 4, 5, 6 et la 7. Selon un rapport de la Vice-présidence de la
République de l’année 2005 sur la situation de droits de l’homme dans le
département de Santander, ce sont notamment les paramilitaires des AUSAC
(Autodefensas Unidas de Santander y sur del Cesar) – lesquels ont été absorbés
par le BCB (Bloque Central Bolívar) - le groupe qui continue à avoir un certain
contrôle sur la ville. Il y a aussi présence des autodéfenses du front urbain Fidel
Castaño Gil et
des Autodefensas Campesinas del
Magdalena
Medio
(Vicepresidencia de la República 2005, p. 4).
Avant de finir cette brève exposition des actions paramilitaires dans la
ville de Barrancabermeja, il convient de préciser qu’une des plaintes des
organisations de droit de l’homme est que les paramilitaires se sont renforcés
dans les zones hautement militarisées de la ville. Selon les organisations, à
Barranca, il règne une impunité absolue malgré « [...] l’impressionnant coup de
force dans la région : des Forces Spéciales désignées pour Barrancabermeja, la
Brigade Mobile N° 2 assignée à la Cinquième Brigade, avec siège à
Bucaramanga, et l'
augmentation énorme dans les frais publics pour le
renforcement du système judiciaire, y compris la Police » (Romero 2003, p.
106).392 Selon le rapport Noche y Niebla pour 2004, le Magdalena Medio comptait
sur les organismes de sécurité de l’État suivants: Comando Especial del
Magdalena
Medio
;
Bataillon
60
d'
Infanterie
de
Marine
;
Sijín
de
391
Le Sistema de Alertas Tempranas (Système d'
Alertes Précoces) est un service de la
Defensoría del Pueblo pour contrôler et signaler les situations de risque à la population
civile, dérivées du conflit armé. Le système informe préalablement les autorités
compétentes sur les possibles violations massives aux droits fondamentaux. L’intention
est de promouvoir l'
action de prévention humanitaire.
392
Traduit par nous de : « [...] del impresionante pie de fuerza de la región : las Fuerzas
Especiales designadas a Barrancabermeja, La Brigada Móvil N° 2 asignada a la V
Brigada, con sede en Bucaramanga, y el enorme aumento en el gasto público para el
fortalecimiento del sistema judicial, incluída la Policía ».
310
Barrancabermeja ; Bataillon d'
Artillerie Antiaérienne Nueva Granada ; bases
militaire et policier situés dans les municipios de Yondó, Puerto Wilches, San
Pablo et Cantagallo et les hameaux du El Centro et El Llanito et le DAS de
Barrancabermeja (Departamento Administrativo de Seguridad) (Noche y Niebla
2004, p. 30) De ce fait, les accusations constantes sur les relations de
connivence entre la Force Publique et les paramilitaires, ou, à la limite, l’inaction
des forces de sécurité face aux actions des paramilitaires deviennent plus
vraisemblables.
6.2.1 La démobilisation des paramilitaires : processus de paix
inachevé
Le 31 janvier 2006, 2.523 membres du BCB (Bloque Central Bolívar) y
compris les AUSAC (Autodefensas Unidas de Santander y sur del Cesar) qui
avaient opéré à Barrancabermeja se sont démobilisés.393 Par la suite, en février
2006, 990 personnes appartenant aux Autodefensas Campesinas del Magdalena
Medio se sont démobilisées. Elles avaient aussi réalisé quelques actions dans la
ville de Barrancabermeja et dans la région du Magdalena Medio (Alto
Comisionado para la Paz 2006).
Selon les estimations de l'
OPI (Observatorio de Paz Integral du
Magdalena Medio) il existe à Barrancabermeja autour de 600 démobilisés. Dans
cette ville, les démobilisés se sont regroupés dans une organisation appelée la
Fundación Semillas de Paz, laquelle effectue un processus de resocialisation
avec les victimes, à partir de projets productifs qui disposent de l'
appui du
Bureau du Haut Commissariat pour La Paix, du Ministère de l'
Intérieur, du SENA
(Servicio Nacional de Aprendizaje) et de la Mairie de Barrancabermeja. Environ
135 personnes démobilisées, quelques personnes déplacées et des groupes de
jeunes font partie de ce projet (OPI 2006c, p. 51-52).
Néanmoins il existe maintes dénonciations des actions illégales de ces
démobilisés dans la ville. Selon la revue Mohana,394 après les démobilisations
393
Les AUSAC on fait partie des AUC et, par la suite, ont été absorbées par le BCB
(Bloque Central Bolívar) (Vicepresidencia de la República 2006, p. 59).
394
Mohana est une revue de publication semestrielle et distribution gratuite, dont sa
311
plusieurs activités violentes des paramilitaires ont été dénoncées devant la
Defensoría del Pueblo Regional : homicides, disparitions, menaces, contrôle sur
la population et les finances publiques, vol de combustible, entre autres (Mohana
2004). D’autre part, quelques uns participent à une coopérative de sécurité
privée. Le Défenseur du Peuple Régional a estimé que les personnes
appartenant à ces coopératives ont effectué des piquets et portent des armes
sans avoir aucun type d’autorisation pour l'
effectuer (OPI 2006c, p. 52). L'
OEA a
aussi exprimé sa préoccupation sur :
« [...] le regroupement de démobilisés dans des bandes de
délinquance qui exercent contrôle sur les communautés spécifiques et
les économies illicites [...]. Dans des régions où les activités de la
guérilla ont été réduites et l'
entrée de la Force Publique n'
a pas encore
été effective, les conditions pour le contrôle naissant de différents
groupes armés illégaux se sont créées. Quelques commandos
effectuent des actions délictueuses qui étaient traditionnellement
exécutées par le bloc ou le front qui y opérait (extorsions,
encaissements au grammage, nettoyage sociale, alliances avec des
administrations locales) » (OEA 2006 cité par l’OPI 2006c, p. 55).395
Ainsi, au premier semestre 2006, selon l'
OPI, plusieurs habitants et
organisations de Barrancabermeja ont été des victimes de groupes qui ont agi
sous les noms Mano Negra, Aguilas Negras et Colombia Libre 2006-2010, ceux
qui ont fait connaître leurs menaces et intimidations au travers des pamphlets
distribués parmi la population. De ce fait, la population de plusieurs municipios
du Magdalena Medio a accusé les groupes paramilitaires en processus de
démobilisation de conformer de nouveaux groupes de paramilitaires (OPI 2006c,
p. 24-36).
Par ailleurs, dans les six premiers mois de l'
année 2006, deux
démobilisés ont été assassinés à Barrancabermeja. Selon l’OPI, ces morts ont
thématique sont les violations de droits de l’homme en Colombie notamment dans la
région du Magdalena Medio. La revue est dirigée par l’OFP (Organización Femenina
Popular). Site Internet : www.ofp.org.co/boletin_electronico.asp
395
Traduit par nous de : « [...] el reagrupamiento de desmovilizados en bandas
delincuenciales que ejercen control sobre comunidades específicas y economías ilícitas
[...]. En regiones en donde el accionar de la guerrilla es reducido y la entrada de la
Fuerza Pública aún no ha sido efectiva, se crean las condiciones para el incipiente
control de diferentes grupos armados ilegales. Algunos mandos realizan las acciones
delictivas que tradicionalmente ejecutaba el bloque o frente que allí operaba (extorsión,
cobros al gramaje, limpieza social, alianzas con administraciones locales) ».
312
un lien avec le conflit territorial entre les structures « démobilisées » du Bloque
Central Bolívar et les Autodefensas Campesinas del Magdalena Medio. Ces
derniers veulent l’emprise sur le territoire où opérait le Bloque Central Bolívar
avant la démobilisation (OPI 2006c, p. 22). En outre dans le premier semestre
2006
quatre
démobilisés
insérés
dans
des
extorsions
aux
employés
d'
ECOPETROL ont été capturés et le DAS (Departamento Administrativo de
Seguridad) a informé la capture de deux commandants des autodéfenses qui
opéraient à Barrancabermeja et Yondó (OPI 2006c, p. 54). Il convient aussi de
préciser que la population craint que la guérilla prenne des représailles dans les
lieux abandonnés par les paramilitaires.
Dans cette section, on a repéré quelques actions illégales des
paramilitaires démobilisés à Barrancabermeja et ses alentours. On constate de
nouveau comment le processus de paix avec les paramilitaires reste toujours
inachevé. Les doutes sur leurs vraies motivations de paix sont encore nombreux
et la formation de nouvelles structures criminelles a été signalée à plusieurs
reprises.
7. Les organismes de défense de droit de l’homme : résistance face
au conflit armé
Malgré la violation constante
des droits de l’homme dans la ville
de Barrancabermeja, maintes sont
les organisations sociales qui ont
continué leurs activités en faveur
des habitants de la ville et qui ont
contribué avec des mobilisations et
activités à la recherche de la paix.
De ce fait, elles se sont érigées en
Photo N° 7 : Manifestation contre la guerre à
Barrancabermeja.
Source : E- Leusis Net. [réf. du 2007-06-14].
Disponible sur Internet : http://sanpablobolivar.gov.co/apc-aafiles/38633033383433363562343031383031
/clip_image001_thumb.jpg
313
exemples de résistance pacifique
face au conflit : OFP (Organización
Femenina
Popular),
ASFADDES
(Asociación de Familiares de
Detenidos y Desaparecidos), CREDHOS (Corporación Regional para la Defensa
de los Derechos Humanos), l'Asociación de Campesinos del Valle del Rio
Cimitarra, le PDPMM (Programa de Paz y Desarrollo del Magdalena Medio) pour
n’en mentionner que quelques unes. Nous allons exposer les principales activités
de chacune de ces organisations pour essayer de comprendre leur rôle actif de
résistance face au conflit armé dans la région.396
L’OFP (Organización Femenina Popular) est une organisation d'
appui à la
femme fondée par l'
Église Catholique en 1972. En 1988, elle s’est séparée de
l’église. Actuellement l’organisation est présente dans la région du Magdalena
Medio dans les municipios de San Pablo, Cantagallo, Santa Rosa, Yondó,
Puerto Wilches, La India, Cimitarra, San Vicente et Barrancabermeja. Lors des
dernières années, le travail a été étendu à des secteurs populaires dans les villes
de Bogotá, Neiva et Cartagena. L'
OFP offre différents services aux femmes :
aide économique, éducation, services de santé, activités pour les jeunes,
assistance aux personnes déplacées et assistance légale pour les victimes de
violations de droits de l’homme. Depuis 1996, ils ont une proposition politique de
résistance civile et autonome de femmes contre la guerre. 397
L’ASFADDES (Asociación de familiares de detenidos y desaparecidos)
naît en 1982 afin d'
orienter et conseiller dans la recherche des familles des
victimes de disparitions forcées. L'
association offre de l'
assistance légale, de la
documentation, de la compagnie, de l'
éducation et de l'
assistance économique.
Son objectif est d'
obtenir un verdict contre les coupables des disparitions et la
compensation pour les familles des victimes. Actuellement ASFADDES, dispose
de bureaux à Bogota, Medellín, Bucaramanga et Neiva. L’organisation a été
affectée de manière directe par le conflit armé, situation qui a obligé à fermer six
bureaux régionaux à Urabá, Barranquilla, Ocaña, Río Sucio (Caldas), Cali et
Barrancabermeja. Le bureau de Barrancabermeja qui était né après la prise
paramilitaire du port le 16 mai 1998 et la disparition de 25 personnes, a dû
fermer ses portes en février 2001, étant données les menaces et l’harcèlement
396
Pour information sur les actions pour la paix (séminaires, rencontres, tables, marches)
effectuées dans le premier semestre de 2006 voir OPI 2006c, p. 60-71.
397
Site Internet : http://www.ofp.org.co/
314
des paramilitaires. Néanmoins l’association continue son travail dans la région
depuis le siège national à Bogotá. 398
La CREDHOS (Corporación Regional para la Defensa de los Derechos
Humanos) a été créée en 1987 comme instrument de sensibilisation et
d’ouverture d'
espaces sociaux pour le travail humanitaire et pour la défense des
droits de l’homme des habitants de Barrancabermeja et le Magdalena Medio. La
CREDHOS réalise des projets d'
éducation, reçoit et fait des recherches sur les
dénonciations et les abus contre les droits de l’homme et prête de l'
assistance
légale et technique aux victimes de ces violations (Defensoría del Pueblo 2001).
L’Asociación Campesina del Valle del Río Cimitarra est une organisation
non gouvernementale de paysans déplacés, née en 1996. Elle développe un
travail politique et social avec le secteur rural de huit municipios du Magdalena
Medio y compris l’hameau de Ciénaga de l'
Opón de Barrancabermeja.
L'
organisation développe des activités dans les domaines suivants : assistance
au déplacement interne, défense intégrale des droits de l’homme dans la région,
mise en oeuvre de projets productifs de sécurité alimentaire, planification du
développement local et régional, substitution de cultures de coca, qualification et
promotion aux processus organisationnels des paysans.399
Finalement on fera mention spéciale du PDPMM (Programa de Paz y
Desarrollo del Magdalena Medio) fondé en 1995, étant donné son ampleur et
l’attention qu’il a reçu de la part de la communauté internationale.400 Ce
programme est né comme une réponse à la lutte armée ayant comme objectif de
fortifier la communauté face au conflit. Sa devise est « La vie d’abord » (Primero
la Vida). Il s’agit d’un programme qui réalise des projets de développement et
résolution de conflits dans les trente municipios du Magdalena Medio y compris
la ville de Barrancabermeja. Selon un ex-dirigeant du programme, celui-ci
apparaît « [...] de la convergence d'
intérêts entre l'
Entreprise Étatique de Pétrole
(ECOPETROL) et son syndicat, l'
Union Syndicale Ouvrière (USO), autour de
398
Site Internet : http://www.asfaddes.org.co/
399
Site Internet : http://www.prensarural.org/
400
Site Internet : http://www.pdpmm.org.co/
315
sujets comme la défense des droits de l’homme et l'
utilisation adéquate des
revenus étatiques du pétrole ; l'
existence d'
un mouvement social fort et actif et la
présence de l'
Église Catholique locale comme acteur qui a de la crédibilité et de
la capacité opérationnelle » (Kats, 2004 p. 1).401
Ainsi, la première action effectuée pour commencer le programme a été
l'
élaboration d'
un diagnostic participatif de la zone du Magdalena Medio fait par la
SEAP (Sociedad Económica de Amigos del País), le CINEP (Centro de
Investigación para la Educación Popular), ECOPETROL et la USO. Le PDPMM
alors est né avec deux objectifs : la promotion de processus d’organisation de la
communauté, et la mise en marche de processus productifs dans la région
(Fundación Ideas para la Paz et PNUD 2002, p. 23).402
En 1998, le Programme de Nations Unies pour le Développement
(PNUD) et le gouvernement du Japon ont soutenu le projet, ce qui a servi de
base pour un prêt postérieur de la Banque Mondiale gérée à travers le DNP
(Departamento
Nacional
de
Planeación)
avec
cofinancement
national
d'
ECOPETROL. L'
ampleur qu’a atteint ce projet a contribué à la création d’une
instance chargée de la direction et de l'
administration. Ainsi, la CDPMM
(Corporación de Desarrollo y Paz del Magdalena Medio) est née, conformée par
le Diocèse de Barrancabermeja et le CINEP (PDPMM s.d., p. 6). En 2002, grâce
à l'
aide de l'
Union Européenne au Programme du Développement et Paix du
Magdalena Medio, le Laboratoire de Paix a été créé à travers une convention
signée avec le gouvernement colombien. L'
exécution du laboratoire a été confiée
à la Corporación Desarrollo y Paz del Magdalena Medio. L'
objectif général du
laboratoire est : « Établir, dans le Magdalena Medio, un Laboratoire de Paix qui,
à travers la défense des droits de l’homme de base de tous les habitants et la
promotion du développement humain soutenable, contribue significativement à la
coexistence des citoyens, fortifie le dialogue de paix et montre des chemins
401
Traduit par nous de : « [...] de la convergencia de intereses entre la Empresa Estatal
de Petróleos (ECOPETROL) y su sindicato, la Unión Sindical Obrera (USO), alrededor
de temas como la defensa de los derechos humanos y el uso adecuado de las rentas
estatales del petróleo ; la existencia de un fuerte y activo movimiento social y la
presencia de la Iglesia Católica local como actor con credibilidad y capacidad
operativa ».
402
Pour plus d’information à propos des premières actions de ce programme voir la revue
Controversia N° 174 de 1999 du CINEP dédiée dans sa totalité au PDPMM.
316
efficaces et viables dans le dépassement du conflit qui peuvent être appliqués
dans d'
autres régions de la Colombie » (PDPMM s.d., p. 7).403 Dans la ville de
Barrancabermeja, depuis le mois d’août 2002, le laboratoire réalise le projet
« Comunas : Territorio de No Violencia » comme un espace d'
expression contre
la guerre et la violence (PDPMM s.d., p. 16). Selon Romero le PDPMM a montré
une synergie positive entre l’État et la société civile (Romero 1999, p. 65).404
Les organisations mentionnées, dû à leur rôle de résistance face au
conflit armé, ont obtenu le soutien et la reconnaissance au niveau national et
international. Deux importants exemples sont le Prix National de Paix 2001
accordé au Programa de Paz y Desarrollo del Magdalena Medio et le prix
concédé à l'Organización Femenina Popular par le Fonds de Développement des
Nations Unies pour la Femme, UNIFEM (GTD 2002b, p. 9).
Dans ce contexte, la ville reçoit un appui important et l'
accompagnement
politique de la communauté internationale. Plusieurs organisations européennes
et américaines font acte de présence dans la ville soit par leur accompagnement
direct, soit par leur appui économique : les Brigades Internationales de Paix,405 le
MSD/USAID (Agence des États Unies pour le Développement International),406
403
Traduit par nous de : « Establecer, en el Magdalena Medio, un Laboratorio de Paz
que a través de la defensa de los derechos humanos básicos de todos los habitantes y el
impulso del desarrollo humano sostenible, contribuya significativamente a la convivencia
ciudadana, fortalezca el diálogo de paz y muestre caminos eficaces y viables en la
superación del conflicto que puedan aplicarse en otras regiones de Colombia ».
404
Le PDPMM a été vu par beaucoup de personnes comme un plan de contrainsurgence dans le Magdalena Medio, spécialement par quelques organisations
guérilleras qui agissent dans le secteur. Ils voient les projets productifs proposés par le
programme comme une avant-garde du capitalisme dans la région. Concrètement l'
article
de Romero publié dans la revue Controversia N° 174 est consacré à réfuter cette position
(Romero 1999, p. 65).
405
Depuis 1994, ils ont un programme en Colombie pour protéger les défenseurs des
droits de l’homme et les communautés de personnes déplacées. Les travailleurs des
Brigades de Paix (PBI) accompagnent physiquement les personnes et les organisations,
effectuent des visites périodiques aux zones de conflit et ils se réunissent régulièrement
avec les autorités locales, ainsi qu'
avec les organisations non-gouvernementales.
Actuellement, les volontaires de PBI viennent de 12 pays de l'
Amérique Nord et de
l'
Europe. L'
organisation opère à Bogota, le Magdalena Medio, Medellín et dans la région
de l'
Urabá dans le nord-ouest colombien. Dans le Magdalena Medio ils accompagnent
les fonctionnaires de l’OFP et de la CREDHOS (Defensoría del Pueblo 2001).
406
Site Internet: http://www.usaid.gov/espanol/
317
l'
Union Européenne, le Système de Protection des Nations Unies, le Système
Interaméricain de Droits de l’Homme, le Comité International de la Croix Rouge,
Secours Catholique - Caritas France, le Service Jésuite pour Réfugiés, les
équipes Chrétiennes d'
Action pour la Paix et le bureau des Nations Unies pour
les Droits de l’Homme dans la région du Magdalena Medio et le nord-est
colombien. Ces organisations ont contribué à l'
établissement des espaces
humanitaires et le renforcement du mouvement par la défense des droits de
l’homme (IPC 2006a, p. 149).407
Nonobstant, dues aux accusations de violations massives de droit de
l’homme, les organisations locales sont devenues des cibles militaires pour les
autodéfenses. La Defensoría del Pueblo a connu les menaces de déplacement
et mort proférés par les autodéfenses contre les organisations de défense de
droits de l’homme : les Brigades Internationales de Paix, l'Organización
Femenina Popular (OFP), L’ASFADDES, et le CREDHOS, entre les plus
courants. Elle a aussi connu les menaces contre l'
Union Syndicale Ouvrière
(USO),408 le syndicat de chômeurs, le syndicat de chauffeurs de taxi (Unimotor),
le Syndicat d'
Employés de l'
Assurance Sociale et d’autres organisations qui ont
été obligées de fermer leurs sièges ou d'
agir sous l'
intimidation des groupes
armés (Table ronde Barrancabermeja, 15 juillet 2003). Selon Cohen et Sánchez,
la Colombie est probablement le pays le plus dangereux pour les dirigeants des
organisations de déplacés et pour les ONG locaux qui les aident. De même, les
fonctionnaires de l’État ont été persécutés en raison de leurs activités
d’assistance vers la population déplacée (Cohen Sánchez 2001, p. 59-60).
En outre, les organisations sociales et de droits de l’homme qui opèrent dans
la zone ont attiré l’attention sur l'
attitude permissive de quelques autorités
publiques avec les groupes d'
autodéfense. En communiqué du 30 mars 2002,
407
Voir la liste complète des organisations humanitaires internationales à
Barrancabermeja dans le site Internet Sala Humanitaria :
http://www.colombiassh.org/dase/resultados.php?psearch=Barrancabermeja&psearchtyp
e=OR&Submit=Buscar
408
Voir le témoignage de Olgher Santo Domingo dirigeant syndical de la USO, dans
l’article d’Eugenia García de 1998 indiqué dans la bibliographie. Santo Domingo a été
obligé de quitter la ville de Barrancabermeja pour sauvegarder sa vie.
318
l'Organización Femenina Popular affirme qu'
il y a une omission par les Forces
Militaires à résister et neutraliser les activités illégales des autodéfenses. D’après
Noche y Niebla :
« La majorité des personnes capturées qui sont initialement
présentées comme paramilitaires finalement sont libérées, en faisant
valoir qu'
il n'
y avait pas de raisons pour leur réclusion, ou accusées
d'
infractions mineures. Presque jamais on ne les accuse d’avoir commis
des tortures, des meurtres, des disparitions forcées. Il y a un abîme
géant entre ce qui est présenté à travers les médias et la pratique
judiciaire effective des personnes accusées de commettre des crimes
de lèse humanité, d'
appartenir à la structure paramilitaire ou d'
être lié à
la structure économique du paramilitarisme » (Noche y Niebla 2004, p.
69-70).409
L’outil Noche y Niebla a recueilli aussi de nombreuses dénonciations des
menaces proférées par les paramilitaires contre les organisations sociales. Nous
ferons mention de l’une d’entre elles qui nous a paru représentative. Le 7 février
2003, les membres de l'Asociación de Campesinos del Valle del Rio Cimitarra et
les habitants des comunas populaires ont été menacés par les paramilitaires du
Bloque Central Bolívar des AUC. La dénonciation mentionne : « L'
ordre donné
aux chefs paramilitaires de Yondó et de Barrancabermeja est d'
exterminer ce
qu'
ils appellent les réduits de la guérilla camouflés dans les ONG et aussi
d’incorporer à la liste des menacés de mort les personnes qui habitent dans les
comunas populaires de Barrancabermeja et qui, dans le passé, ont réalisé des
activités dans le mouvement populaire » (Noche y Niebla 2004).410 Ensuite, la
dénonciation indique qu’un chef paramilitaire a signalé devant un groupe de
personnes « [...] nous n’allons plus tolérer aux guérilleros d'
une telle Association
de Paysans qui, avec l'
excuse du travail de droits de l’homme font du
409
Traduit par nous de : « La mayoría de los capturados que son presentados
inicialmente como paramilitares finalmente son liberados, argumentando que no había
razones para su reclusión o son acusados de delitos menores. Casi nunca se los acusa
por haber cometido torturas, asesinatos, desapariciones forzadas. Hay un abismo
gigante entre lo que presentan a través de los medios de comunicación y la
judicialización efectiva de personas acusadas de cometer crímenes de lesa humanidad,
pertenecer a la estructura paramilitar o de estar vinculadas a la estructura económica del
paramilitarismo ».
410
Traduit par nous de : « La orden a los jefes paramilitares de Yondó y
Barrancabermeja, es exterminar lo que ellos llaman los reductos de la insurgencia
camuflados en las ONG y también incorporar a la lista de amenazados de muerte a
aquellas personas que habiten en las comunas populares de Barrancabermeja y que en
el pasado se les halla conocido actividades en el movimiento popular ».
319
prosélytisme à la guérilla, principalement un tel Andrés Gíl qui est un idéologue
et Miguel Cifuentes qui est un agronome associé à la guérilla. Barrancabermeja
n'
est pas encore libre de guérillas, elles sont encore infiltrées dans les syndicats
et ONG. Pour garantir que la guérilla ne reprendra pas Barrancabermeja il faut
les annihiler de même que les traites qui restent encore dans les quartiers »
Noche y Niebla 2004).411
De même, selon Loingsigh, les paramilitaires ont intérêt à contrôler
l’infrastructure des organisations sociales, et ainsi, avoir plus de légitimité et de
contrôle sur la population, en offrant les mêmes services que celles-ci (Loingsigh
2002, p. 19).
La situation de conflit et de violation des droits de l’homme des
représentants de ces organisations a donné lieu à la Résolution 07 du 7 mars
2001 de la Defensoría del Pueblo. Cette résolution recommande au
gouvernement national d'
adopter une instance permanente de dialogue avec la
participation de représentants des organisations non gouvernementales de droits
de l’homme, la création d'
un mécanisme spécial pour le suivi et le contrôle des
mesures de protection accordées aux membres de ces organisations, et la
promotion du développement efficace et opportun des recherches pénales et
disciplinaires par les faits de violence contre les membres de ces organisations
(Defensoría del Pueblo 2001). De ce fait, en août 2002, par le biais du Décret
1747,
la
Commission
Intersectorielle
pour
la
Défense
de
la
Vie
à
Barrancabermeja a été crée. Elle a pour but la concertation pour la promotion, la
protection et la défense des droits de l’homme et la promotion du Droit
International Humanitaire dans la ville. La Commission est composée par le Viceprésident de la République, le Ministre de l'
Intérieur, le Ministre de Défense, le
Directeur National de la Police, le commandant Général des Forces Militaires, le
directeur de La Red de Solidaridad Social et le Président d'
ECOPETROL (ou leur
délégués). D'
autres invités permanents aux réunions de la Commission seraient
411
Traduit par nous de : « [...] no vamos a tolerar más a los guerrilleros de la tal
Asociación de Campesinos, que con la excusa del trabajo de derechos humanos le
hacen proselitismo a la guerrilla, principalmente a ese tal Andrés Gíl que es un ideólogo
de ellos y Miguel Cifuentes que es un agrónomo vendido a la guerrilla. Barrancabermeja
aun no está libre de guerrilleros, todavía quedan infiltrados en los sindicatos, ONG y para
garantizar que la guerrilla no se retome Barrancabermeja hay que aniquilarlos lo mismo
que a los sapos que todavía quedan en los barrios ».
320
les membres du Ministère Public, le gouverneur de Santander, le maire de
Barrancabermeja et membres de l'
Armée et de la Police. La société civile est
représentée par l'
Évêque de Barrancabermeja, représentants de l'
Espace de
Travailleurs de Droits de l’Homme du Magdalena Medio, représentants d'
ONG de
droits de l’homme nationaux, représentants d'
organisations humanitaires ou de
coopération internationales, un représentant du Programa de Desarrollo y Paz
del Magdalena Medio, un représentant des groupes économiques de
Barrancabermeja,
un
représentant
de
la
Chambre
de
Commerce
de
Barrancabermeja et un délégué de l'
Union Syndicale Ouvrière (Presidencia de la
República 2002).
En 2006, malgré la démobilisation des paramilitaires, les menaces aux
membres des organisations de droits de l’homme ont continué. Au mois de juin,
la corporation CREDHOS a signalé les communiqués qui circulent dans la ville
dans lesquelles les paramilitaires indiquent qu’ils vont commencer à faire des
campagnes de « nettoyage social » pour éliminer les guérilleros. La corporation
souligne que quelques paramilitaires continuent à effectuer des rondes pour
avoir le contrôle des quartiers de la zone nord-est (CREDHOS 2006, p. 1-2).
En définitive, nous avons remarqué dans cette section la forte présence
des organisations de promotion sociale et de défense de droits de l’homme à
Barrancabermeja et leur rôle de résistance face au conflit armé. La consolidation
et la légitimation de ces organisations parmi la population civile, et la méfiance
envers les autorités officielles a fait que la plupart des accusations de violations
de droits de l’homme soient connues par ces organisations et non par les
organismes de l’État. À plusieurs reprises, ce sont ces organisations qui ont
porté secours à la population en danger. En outre, ces organisations on attiré
l’attention internationale sur les phénomènes de violence qui touchent
quotidiennement les habitants de la ville.
8. Le déplacement intra-urbain à Barrancabermeja : nomades à
l’intérieur de la ville
Étant donnée la dynamique de violence que nous venons de décrire à
Barrancabermeja, la ville n’est pas seulement centre de réception de déplacés
321
du Magdalena Medio, mais aussi lieu d’expulsion de population. Selon le SUR,
depuis 1995 jusqu'
au 31 octobre 2006, la ville a expulsé 14.939 personnes
(3.486 foyers) occupant la 19ème place comme municipio expulseur du pays et
la première dans le département de Santander.412 En outre, elle occupe la
première place comme municipio expulseur parmi les trente municipios du
Magdalena Medio (RSS 1995 – 2006d).
Les combats entre les groupes armés (guérillas, autodéfenses et Force
Publique), la consolidation des paramilitaires dans la ville à partir de l'
année 2001
et les constantes pratiques de « nettoyage social » des différents acteurs, ont
produit des exodes entre les différents quartiers de Barrancabermeja. Le plus
grand nombre de déplacements intra-urbains s'
est présenté pendant l’année
2001, quand le pouvoir des paramilitaires s’est consolidé. Néanmoins, selon les
participants à la table ronde de Barrancabermeja, il y eut aussi des
déplacements au cours des années précédentes causés par les guérillas, mais
ils sont beaucoup moins documentés (Table ronde Barrancabermeja, 15 juillet
2003).
Les rapports qui parlent du délogement de maisons à partir de l’entrée du
paramilitarisme en ville sont nombreux (Amnistie Internationale 1999, Isacson
2001, Loingsigh 2002, Noche y Niebla 2004, Defensoría del Pueblo et UNHCR
2004) D’après Loingsigh :
« Les paramilitaires, comme une partie de leur offensive, ont
occupé plusieurs maisons dans des points stratégiques de la ville, dans
la majorité des cas après avoir inévitablement délogé leurs habitants.
Par exemple, les maisons qui étaient placées dans des coins de sorte
qu'
il était très facile de contrôler les mouvements des gens, ou maisons
situées dans l'
entrée des quartiers, ce qui facilitait l'
accomplissement de
deux objectifs : d'
abord, fournir le contrôle militaire, prévoyant une
attaque de la guérilla ou, même de la Force Publique ; et, en deuxième
lieu, permettre le contrôle social. Beaucoup de dirigeants ont dû
412
Toutefois en ce qui concerne le chiffre d'
expulsion pour l'
année 2006 l'
OPI
(Observatorio de Paz Integral du Magdalena Medio) a déclaré que les chiffres présentés
par le SUR dans la page web nationale ne coïncident pas avec ceux de l'
Unité
Territoriale du Magdalena Medio de la RSS. D'
une part, il y a eu un retard dans le rapport
de données au bureau central, mais aussi un retard dans l'
évaluation des déclarations et
l’inclusion des déplacés dans le Système. Ceci démontre une fois de plus l'
inefficacité
des mécanismes d'
assistance à la population déplacée par la violence, dont nous avions
parlé dans la première partie de cette étude (OPI 2006c, p. 40).
322
abandonner leurs quartiers et se déplacer en d'
autres lieux pour
survivre au contrôle imposé par les AUC dans la ville » (Loingsigh 2002,
p. 20). 413
La Defensoría del Pueblo a connu des cas de personnes touchées par ce
phénomène, entre lesquelles se trouvent notamment les dirigeants politiques, les
travailleurs de droits de l’homme et les syndicalistes qui ont reçu des menaces
constantes contre leur vie et intégrité personnelle. Ce type de déplacement s’est
présenté notamment dans les comunas 1, 5, 6 et 7 et, quelques cas dispersés
dans la Comuna 3 (Table ronde Barrancabermeja, 15 juillet 2003). D’après
l'
Espace de Travailleurs et Travailleurs de Droits de l’Homme en 2005, les
déplacements ont eu lieu dans les comunas 4, 5, 6 et 7 (Ramírez 2005, p. 24).
De ce fait on dénote que cette pratique couvre presque la totalité de la ville, à
l’exception de la Comuna 2.
La menace à la population civile s'
est transformée en un mécanisme pour
produire terreur et beaucoup d’habitants urbains ont été dans la nécessité de
changer de résidence et d'
être déplacés silencieusement dans la ville afin de
sauvegarder leurs vies. Les paramilitaires sont placés dans des lieux
stratégiques pour contrôler l'
entrée à certains quartiers. Par la suite, ils expulsent
les personnes suspectées, pour pouvoir effectuer leurs activités. Dans ce
contexte, le déplacement est pensé comme une stratégie de repeuplement afin
de placer des personnes qui garantissent un haut niveau de confiance à
l'
organisation paramilitaire (Table ronde Barrancabermeja, 15 juillet 2003).
À propos de ces délogements nous pouvons indiquer deux cas
représentatifs, connus par la Defensoría del Pueblo, entant donnée la grande
quantité des personnes concernées par les menaces :
413
Traduit par nous de : « Los paramilitares como parte de la ofensiva ocuparon varias
casas en puntos estratégicos de la ciudad, en la mayoría de los casos después de haber
desalojado forzosamente a quienes en ellas vivían. Por ejemplo, casas que hacían
esquina de modo que es muy fácil controlar los movimientos de la gente o casas
ubicadas en la entrada a los barrios, facilitaba el cumplimiento de dos objetivos : primero,
facilitar el control militar, previniendo un ataque de parte de la guerrilla o, incluso de la
Fuerza Pública; y segundo, posibilitar el control social. Muchos dirigentes tuvieron que
abandonar sus barrios y trasladarse a otros lugares para sobrevivir al control impuesto
por las AUC en la ciudad ».
323
L'Organización Femenina Popular (OFP) dans le communiqué « Voix de
Femmes » du 11 juin 2001, a indiqué qu'
entre le 9 et le 10 juin, environ quatrevingt familles ont été menacées par « un acteur armé » dans les secteurs du
nord-est et sud-est de la ville. Elles ont dû abandonner leurs maisons dans un
délai de 24 heures. Le deuxième cas concerne vingt familles du secteur Alpes
qui, en mars 2002, se sont déplacées à cause des menaces de groupes
d'
autodéfense.
Elles
étaient
suspectées,
par
les
paramilitaires,
d’être
collaboratrices des guérillas. De même, selon la Defensoría del Pueblo plusieurs
personnes se sont enfuies des quartiers Pablo Acuña, San Silvestre, Kennedy, el
Progreso, Boston, La Independencia, La Libertad, Villarelys, Primero de Mayo,
Danubio, Rafael Rangel, Puerta del Sol, 20 de Agosto, San Pedro, Comuneros et
San Martín sous la pression et les menaces des groupes armés (Defensoría del
Pueblo, Expediente - Quejas N° Q0001494 CMC).
Dans les situations signalées, on ne connaît pas le lieu de relogement
des personnes menacées. Néanmoins, d’après les participants de la table ronde
de Barrancabermeja, face aux menaces, les personnes quittent leurs quartiers
de résidence mais non la ville. De ce fait, quelques personnes se sont situées
dans les zones centrales de Barrancabermeja, où le risque est mineur, car les
activités et le contrôle des paramilitaires est limité. Toutefois, ceci les a poussé à
assumer de hauts coûts économiques. Par la suite, si les menaces continuent,
elles sont obligées de partir dans d’autres municipios de la région, voire dans
une autre ville plus lointaine (Table ronde Barrancabermeja, 15 juillet 2003).
En effet, le seul cas de déplacement massif, dont nous connaissons le
lieu de refuge est celui du 26 janvier 2001, quand 22 familles, menacées par les
paramilitaires, ont été déplacées du quartier Pablo Acuña (Comuna 7). D’abord,
elles ont cherché refuge dans la Maison de la Femme de l'
OFP située dans le
quartier Campestre de la même comuna. Elles y sont restées pendant un mois
et, de ce fait, ce lieu s'
est transformé en le premier espace de résistance civile
face au déplacement dans la ville. Par la suite, elles se sont situées dans le
quartier Primero de Mayo (Comuna 5) (Table ronde Barrancabermeja, 15 juillet
2003).
324
Ainsi, les déplacements à Barrancabermeja se sont caractérisés par une
mobilité continue, à travers les différents secteurs de la ville : les personnes
s’installent dans un lieu, par la suite cherchent l’aide des organisations sociales,
plus tard elles s’établissent dans un quartier appartenant à une comuna
différente de celle de la fuite, elles se déplacent vers une autre et, dans
beaucoup de cas, elles finissent par sortir de la ville. En effet, la petite taille de
celle-ci et le vaste contrôle des paramilitaires, rendent facilement identifiable
l'
emplacement où elles se sont situées, donc, la ville ne constitue plus un refuge.
En effet, la situation de déplacement a été aggravée parce que les familles qui
ont reçu des personnes déplacées se sont aussi transformées en objectif
militaire.
Par ailleurs, les déplacements de membres des organisations sociales de
Barrancabermeja, qui après avoir reçu des menaces, ont été obligées de laisser
leurs travaux, de fermer les sièges de leurs organisations et d'
entreprendre la
fuite sont connus. Un des cas représentatifs de ce déplacement reporté par la
Defensoría del Pueblo est celui des membres de la CREDHOS. Entre le mois de
septembre de l’année 2000 et le mois de mai 2001, 12 directeurs de cette
corporation ont été déplacés. En effet, un des mécanismes utilisés par les
groupes armés pour garantir le contrôle des territoires est celui de déplacer ou
de menacer les chefs communautaires. Avec cette menace individuelle, ils
poussent plusieurs familles qui sortent avec les leaders (Table ronde
Barrancabermeja, 15 juillet 2003).
Il faut cependant bien reconnaître que le déplacement à Barrancabermeja
est en rapport direct avec la situation des municipios voisins, notamment la
confrontation armée dans toute la région du Magdalena Medio. De même, du
point de vue des lieux de refuge de la population menacée, les liens familiaux et
d’amitié qui existent entre des personnes de Barrancabermeja et les habitants de
San Pablo, Yondó, Cantagallo, Puerto Wilches, Puerto Berrío et Remedios, entre
autres municipios de la région, expliquent en partie la mobilité interne qu'
il y a
dans
le
Magdalena
Medio.
De
ce
fait,
une
personne
menacée
à
Barrancabermeja peut chercher refuge dans un municipio voisin, de même que
cette personne peut recevoir chez elle un membre de sa famille ou un ami qui ait
été menacé dans la région (Table ronde Barrancabermeja, 15 juillet 2003).
325
Pendant la fin de l’année 2002 et la première moitié de l’année 2003, le
déplacement s'
est présenté par la pression des paramilitaires dans la ville mais
aussi par le rejet de la population à l'
imposition de leurs « normes de
coexistence ». Comme on l’avait indiqué, le non respect de ces normes a été
accompagné d’amendes, détentions, punitions corporelles, délogements, voire,
la mort. Concrètement la norme 5 du manuel de conduite indique que le manque
de respect ou mauvais traitement par la population civile envers les personnel
des AUC ou l'
abus d'
autorité ou mauvais traitement par ceux-ci vers la population
civile sera sanctionné avec l'
expulsion de la zone. De ce fait beaucoup des
habitants préfèrent s'
enfuir que de rester sous l’intimidation paramilitaire.
D’autre part, tout comme à Medellín, le repeuplement de beaucoup des
logements abandonnés s’est présenté. Le 8 mai 2001, le journal Vanguardia
Liberal414 a reporté l'
information suivante :
« Les Autodefensas Unidas de Colombia (AUC) offrent à ceux
qu'
ils considèrent, les maisons qui ont été abandonnées en Arenal, un
secteur populaire de la Comuna 1 de Barrancabermeja. Au moins trente
propriétés, les mêmes qui avaient été abandonnées par leurs
propriétaires face aux pressions des AUC, peu à peu sont livrées à
leurs nouveaux habitants » (Vanguardia Liberal 2001 cité par Loingsigh
2002, p. 20).415
En outre, dans le cas où il y a eu des actions pour la récupération de ces
maisons par les autorités, la recherche a été très difficile à cause de l'
absence
d’écritures publiques et de registres qui constatent qui est le propriétaire de la
maison. Dans plusieurs cas il s’agit des quartiers d'
invasion dont la propriété
officielle n’a jamais été établie (Table ronde Barrancabermeja, 15 juillet 2003).
414
Journal de la ville de Bucaramanga. Il est le journal local le plus étendu dans le
département de Santander.
415
Traduit par nous de : « Las Autodefensas Unidas de Colombia, AUC están regalando
a quienes ellos consideran, las casas que están abandonadas en Arenal un popular
sector de la Comuna 1 de Barrancabermeja. Por los menos 30 predios, los mismos que
habían sido desalojados por sus propios dueños ante las presiones de las AUC poco a
poco están siendo entregados a sus nuevos moradores ».
326
D’autre part, comme il a déjà été dit, il existe une grande crainte à
dénoncer les situations de violence. Dans plusieurs cas les dénonciations ont été
rapidement connues par les groupes armés illégaux, ce qui a produit le
déplacement des dénonciateurs. Les dénonciations soumettent donc les
personnes à un plus grand degré de risque. En revanche, la non dénonciation
garantit, parfois, la permanence dans les quartiers de résidence habituels. Les
témoignages suivants sont à cet égard édifiants :
« On les voit emmener et il y a la Force Publique à 50 mètres.
C’est-à-dire que si on est témoin d’un acte grave, on ne le dénonce pas
parce que, ici, ils savent très rapidement qui a fait les dénonciations. Il y
a des gens qui ont dû partir à cause de la dénonciation qu’ils ont faite.
Moi, ça me fait mal quand je vois passer une personne ligotée, parce
qu’on sait déjà où elle va, mais qu’on ne peut rien faire. Comment peuton informer? On pourrait au moins appeler la Police, mais, quand on les
appelle, ils connaissent immédiatement le numéro d’où on appelle et
qui on est, et cela signifie un risque. Ça nous est déjà arrivé. Alors, face
à cela, que peut-on faire ?. Commettre un délit parce qu'
on sait qu'
ils
vont tuer une personne et qu’on ne peut rien faire. Cela est grave. En
tant que chef communautaire, j’ai dû vivre plus d’une fois cette
situation » (témoignage du membre d’ASODESAMUBA dans la table
ronde de Barrancabermeja, 15 juillet 2003).416
« Toutes les semaines il y a des déplacements de ce type [elle fait
référence aux déplacement intra-urbains], qui ne se sont pas
enregistrés à cause d’une situation de crise. On travaille avec les gens
pour qu'
ils dénoncent, pour avoir à la limite le registre de ces cas là,
mais il arrive toujours un truc … : la dénonciation, au lieu de freiner un
peu la problématique et d’être un mécanisme de sécurité pour la famille,
est devenue un instrument d’accélération du processus de
déplacement. Le fait de la dénonciation est connu rapidement par
l'
acteur paramilitaire, et, automatiquement, s'
ils ont la possibilité de se
déplacer chez une famille amie, ils doivent quitter Barranca »
(témoignage du membre de l’OFP dans la table ronde de
Barrancabermeja, 15 juillet 2003).417
416
Traduit par nous de : « Uno ve gente que se llevan y hay Fuerza Pública a 50 metros,
o sea uno incurre en un acto grave y es que no denuncia porque aquí las denuncias que
se hacen, al ratico saben quién las hace. Y hay gente que les ha tocado irse a través de
una denuncia que ha hecho. A mi me duele cuando yo veo entrar a una persona que la
llevan amarrada, que uno sabe ya para donde la llevan y uno no puede hacer nada.
¿Cómo avisa? Porque uno puede por lo menos llamar a la Policía, pero, cuando uno
llama, el número del que llaman están inmediatamente diciendo quién está llamando y
eso para uno es un riesgo. Nos ha pasado. Entonces frente a eso qué se puede hacer.
Incurrir en un delito porque uno sabe que van a matar a una persona y no puede hacer
nada. Eso es grave. Como líder comunitario me ha tocado vivir más de una vez eso ».
417
Traduit par nous de : « Se están dando todas las semanas desplazamientos de ese
tipo, que no se quedan registrados porque se da una cosa, uno le trabaja a la gente para
327
En outre, certaines personnes refusent de quitter leurs maisons, ce qui a
entraîné la désintégration de familles. De ce fait, elles envoient les jeunes
enfants chez des amis ou familiers et de cette façon, les liens familiers
commencent à se rompre (Table ronde Barrancabermeja, 15 juillet 2003).
D’autre part, en ce qui concerne la reconnaissance du phénomène par les
autorités et l’assistance donnée aux déplacés intra-urbains la situation à
Barrancabermeja a été tout à fait différente qu’à Medellín. Bien que la
caractéristique de ce phénomène ait été l'
absence des dénonciations, en 2001,
cinquante-deux familles ont été reconnues et registrées par la Red de
Solidaridad Social de Barrancabermeja (y compris les 22 familles du
déplacement massif du quartier Pablo Acuña dont nous avons déjà parlé). Ces
déplacés ont donc reçu l’assistance prévue dans la Loi 387 de 1997. En effet,
quand cet organisme a évalué les déclarations des ceux touchés il n'
a fait
aucune différenciation entre ceux qui se déplacent depuis les secteurs ruraux
vers la ville et ceux qui le font à l'
intérieur de la même ville. Le témoignage de la
RSS de Barrancabermeja est à cet égard édifiant :
« Ce qui est intéressant d'
analyser là est que le cas de Medellín
est très différent de celui-ci, en ce qui concerne la façon d'
agir de la
Red de Solidaridad Social. À ce moment là, un cas de déplacement
intra-urbain ne s'
était pas encore présenté dans le pays, il n'
avait pas
été l'
objet de la RSS. De forme presque d'
urgence institutionnelle et
formelle, nous avons communiqué avec la RSS à Bogotá et nous lui
avons demandé ce que nous devions faire face à cette problématique.
À ce moment là, elle nous a donné le feu vert pour les inclure comme
déplacés dans le registre. Donc, toutes ces familles qui se sont
déplacées à l’intérieur des quartiers de la ville ont été par la suite
enregistrées dans le SUR et en conséquence, ont reçu l’assistance.
Postérieurement, avec l'
évolution politique et concrètement face au cas
de Medellín qui s’est présenté l'
année passée, nous avons reçu un
concept juridique formel par la RSS en disant que les cas intra-urbains
ne pourraient pas être évalués comme incluses dans le registre. Mais
nous avions déjà inclus 52 familles de 2001. Toutefois, on n’a pas reçu
que logre denunciar, para que por lo menos quede el registro de estos casos, pero
automáticamente se da una cosa y es que ante la denuncia, antes de frenar un poco la
problemática y ser como un posible mecanismo de seguridad para la familia, lo que hace
es acelerar el proceso de desplazamiento porque se sabe lo de la denuncia, llega donde
el actor paramilitar, y, automáticamente, si tenían la posibilidad de moverse donde otra
familia, les toca es estar saliendo de Barranca ».
328
de réponse sur quoi faire avec les familles enregistrées ni si on devait
les sortir du registre. Heureusement, plus tard il y eut l’arrêt de la Cour
dans ce sens, que nous connaissons maintenant, et définitivement il n'
y
a pas de problème avec l’inclusion de ces familles » (témoignage du
fonctionnaire de la RSS dans la table ronde de Barrancabermeja, 15
juillet 2003).418
De cette manière, même s’il y a eu une tension face à la décision de
l'
inclusion ou non dans le registre des déplacés intra-urbains, dès le début, la
RSS de Barrancabermeja a reconnu le phénomène. De ce fait, les institutions du
Système d’Assistance à la Population Déplacée ont offert une assistance aux
déplacés dans le cadre de la normativité existante. Néanmoins, cette assistance
a présenté les mêmes défaillances à celle offerte aux déplacés provenant des
secteurs ruraux, particulièrement en ce qui concerne la stabilisation socioéconomique et le rétablissement de droits. Par exemple la RSS n’a pas fait un
accompagnement direct de familles victimes du déplacement intra-urbain et ne
connaît pas leur situation particulière face aux aides reçues ni leur lieu actuel de
résidence (Table ronde Barrancabermeja, 15 juillet 2003).
D'
autre part, le représentant de la Mairie de Barrancabermeja qui a
participé à la table ronde de juillet 2003, a souligné que, lors de l'
année 2001, les
phénomènes de déplacement forcé intra-urbain ont été connus, mais qu’il
n’existe pas des dénonciations formelles à ce sujet pour les années postérieures,
malgré les cas présentés par les organisations sociales tout au long de la table
ronde. Dans cette mesure, dit le fonctionnaire, l'
État ne peut répondre face à un
418
Traduit par nous de : « Lo que es interesante analizar acá es que el caso de Medellín
es muy distinto a éste con respecto a la forma de actuar de la Red de Solidaridad Social.
En ese momento no se había presentado en el país un caso de desplazamiento
intraurbano, no había sido objeto de la Red de Solidaridad Social. De forma casi de
emergencia institucional y formal, nos comunicamos con la Red en Bogotá y les
preguntamos qué hacíamos frente a esa problemática y nos dieron luz verde para incluir
como desplazados, en ese momento, en el registro. Entonces todas estas familias que
se desplazaron internamente de los barrios fueron incluidas en el Registro por la Red de
Solidaridad Social y en consecuencia fueron atendidas. Posteriormente, con la evolución
de la política y concretamente frente al caso de Medellín que se presenta el año pasado,
nosotros recibimos un concepto jurídico formal por parte de la Red de Solidaridad Social
diciendo que los casos intraurbanos no podrían valorarse como incluidos, y frente a eso
nosotros ya teníamos incluidas 52 familias de 2001. Sin embargo, no se nos dio ni
respuesta frente al hecho de decir bueno cómo hacemos, los sacamos del registro
aunque ya están incluidos, con la fortuna de que posteriormente está el fallo de la Corte,
que ahora conocemos y definitivamente no hay problema con esas inclusiones de esas
familias ».
329
phénomène qui n'
est pas dénoncé et qui n'
est pas connu. De ce fait on observe
que quelques situations de menaces et déplacements dans la ville ont été
dénoncées devant les autorités officielles, notamment dans l’année 2001, mais la
majorité d’entre elles ne sont connues que par les organisations de défense de
droits de l’homme non gouvernementales. L’absence de dénonciations officielles,
dérive, comme nous l’avons remarqué, de la peur à la dénonciation et des effets
de celle-ci sur la vie et l’intégrité des habitants de la ville.
Conclusion
Dans cette partie nous avons vu comment le conflit national provoque de
fortes répercussions dans les villes étudiées. Tant la ville de Medellín que celle
de Barrancabermeja ont été des témoins de la présence d'
acteurs armés
d'
envergure nationale dans leurs différents quartiers. Ceci s’est traduit par une
montée de la confrontation armée, où, en utilisant les termes de Daniel Pécaut,
les diverses violences entrent en résonance (violence politique, violence sociale,
délinquance commune etc.). En même temps, nous avons observé que les
frontières existantes entre les différents acteurs armés sont facilement
perméables. Ainsi, les groupes armés illégaux se situent dans les villes par le
transfert de leurs factions rurales, mais, également, par la cooptation des
organisations de la délinquance urbaine, par le recrutement de nouveaux
combattants parmi leurs adversaires ou parmi la population jeune des
métropoles. De cette manière, bandes, combos, galladas et délinquants de droit
commun contribuent à étendre le champ de la violence politique et organisée.
Dans les cas étudiés nous observons un intérêt des protagonistes du conflit
armé national pour gagner des espaces dans la ville. Ceci est exprimé par le
positionnement dans des lieux stratégiques tant au niveau géographique et
politique que par l'
influence et le contrôle qu'
ils exercent sur les habitants
urbains. Cette influence, comme nous l'
avons exposée, est acquise par le biais
de la peur et l'
intimidation. Toutefois, les acteurs armés ont aussi obtenu des
espaces de légitimation, puisqu'
ils se présentent dans les différents quartiers
comme les garants de la sécurité et de la protection, face à la pression exercée
par l'
acteur armé antagonique, et face à l'
absence de contrôle de l’insécurité par
l'
État. Ainsi, au lieu de recourir aux services de sécurité et médiation fournies par
330
les autorités officielles de l'
État (lesquels produisent une immense méfiance), les
habitants sollicitent ces services aux acteurs armés illégaux. Ces services
incluent l'
administration de la justice, ce qui rend plus difficile toute prétention
d’établir un d'
ordre fondé sur les lois colombiennes. En effet, selon Ortiz,
l'
expérience historique colombienne souligne que presque tous les groupes
violents qui se sont succédés depuis 1949, ont été initialement implantés comme
protecteurs de la sécurité des citoyens, comme « autodéfenses ». Toutefois,
dans cette prétention d'
offrir sécurité et protection ils ont affecté profondément la
société civile en nuisant les droits de leurs propres protégés et en produisant en
conséquence la création de groupes qui prennent les armes pour résister à leur
influence (Ortiz 1991, p. 81). Cette situation a accentué les besoins de sécurité
des habitants urbains et la recherche de solutions privées. On assiste donc à la
prolifération de groupes de surveillance, compagnies de vigilance et notamment
à la généralisation du port d'
armes parmi la société civile. Cela entraîne
également l’enfermement progressif de la population et en conséquence la
fragmentation de la communauté.
Finalement, les déplacements forcés dans les villes de Medellín et
Barrancabermeja sont une manifestation claire du conflit armé interne sur la
scène urbaine. Ainsi, la mobilité forcée n'
est pas un problème exclusif des zones
rurales et éloignées. Quand il se présent dans les métropoles, nous constatons
des implications sérieuses sur la sécurité des citoyens et en général sur la
stabilité économique, sociale et politique des villes. En outre nous avons souligné
que souvent celui qui est déplacé dans la ville avait déjà été victime de ce
phénomène. Ainsi, le déplacement n'
est plus une situation passagère, il devient
donc un fait récurrent pour certaines personnes. Néanmoins, malgré l’insécurité
des espaces urbains, quelques personnes menacées refusent de quitter la ville,
et se déplacent à l’intérieur des limites urbaines. Cela constitue le déplacement
intra-urbain.
Pour visualiser globalement les informations apportées par les études de
cas de Medellín et Barrancabermeja à l’égard du déplacement intra-urbain
individuelle nous avons élaboré le tableau suivant.
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Tableau N° 6.
333
Principaux aspects du déplacement intra-urbain individuel à Medellín et Barrancabermeja
-
334
CONCLUSION GÉNÉRALE
En Colombie, l’assistance aux déplacés forcés par violence a été l’objet
de plusieurs politiques publiques. Il s’agit notamment de la protection aux
personnes qui ont fuit des zones rurales à cause de l’action des groupes armés
dans leurs territoires. De fait, le déplacement forcé à l’intérieur de la ville est un
sujet qui a été relégué à l'
arrière plan. Sa reconnaissance et l’élaboration de
politiques précises pour sa prévention et pour l’assistance aux personnes
touchées, signifierait d’accepter que les villes, elles aussi, aient été atteintes par
le conflit interne et par les situations de violence généralisée. Il existe, dans
l’opinion publique colombienne, cette idée que les villes sont éloignées des
actions des protagonistes armés d’envergure nationale et que les combats se
déroulent exclusivement dans les zones rurales. Ainsi, les villes sont pensées
comme des lieux de refuge, non seulement par les habitants urbains mais aussi
par les populations déplacées provenant de la campagne. De ce fait, les études
existantes sur le déplacement décrivent les mouvements migratoires depuis les
zones rurales vers les villes et s'
intéressent en effet très rarement au
déplacement forcé produit à l’intérieur des métropoles.
Même s’il est évident que l’ampleur du conflit dans la ville est faible par
rapport à celui livré dans la campagne, nous avons remarqué comment le conflit
a touché la population urbaine. Quelques villes considérées comme réceptrices
de populations, sont actuellement aussi des points de départ, dû au contrôle et à
l’influence des acteurs armés illégaux sur certains quartiers. Néanmoins, la
violence dont nous avons parlé tout au long de cette étude, et qui a eu comme
conséquence le déplacement intra-urbain, est peu visible. Elle affecte les
personnes de manière individuelle, lesquelles préfèrent garder le silence et
l’anonymat afin de sauvegarder leurs vies. En conséquence de quoi, c’est une
violence qui ne fait pas l’objet de titres dans les journaux ni de grands
rapportages dans les médias. Nonobstant, elle oblige les habitants urbains à
entreprendre une mobilité résidentielle non souhaitée, avec tous les effets
négatifs que cela engendre.
335
En effet, la population civile est utilisée par les différents acteurs en
conflit. Les groupes armés se dissimulent parmi la population, ils l'
utilisent
comme bouclier pendant les combats et recrutent les jeunes et les enfants pour
augmenter le nombre de leurs combattants. Les acteurs armés encerclent les
quartiers et s’approprient des territoires semant la terreur parmi leurs habitants.
La population est obligée de manifester sa loyauté et obéissance à l’un ou l’autre
des acteurs en présence. Il est difficile d'
établir clairement celui qui est
collaborateur de celui qui ne l'
est pas, parce qu’il existe des alliances faibles,
oscillantes et transitoires. La plupart de ces alliances ne reposent pas sur des
adhérences idéologiques mais sur la peur et l'
intimidation. Néanmoins, la
conséquence inéluctable est que la population qui a collaboré avec un acteur
armé (ou est suspectée d’avoir collaboré) se transforme en objectif militaire pour
l'
adversaire. Ainsi, les habitants urbains doivent quitter leur lieu de résidence
pour sauvegarder leurs vies. Nous constatons donc que le déplacement forcé en
Colombie, n'
est plus un problème exclusif des zones rurales et éloignées.
Les raisons qui ont été signalées comme causes de cette mobilité sont
variées : les menaces à la vie et l'
intégrité personnelle, les meurtres, les tortures,
l’extorsion, le refus de payer des impôts exigés par les groupes armés et de se
plier à leurs règles de coexistence. En effet, il est très difficile de définir la cause
exacte de ce déplacement parce que c'
est un phénomène qui comprend un
croisement de causalités. Des actions des acteurs armés, comme celles que
nous venons de mentionner, sont mélangées avec des sensations comme la
peur, la terreur et la panique. À ceci on ajoute les combats militaires directs étant
donné le positionnement de différents groupes armés illégaux dans les mêmes
zones et quartiers et les affrontements avec la Force Publique.
À cette multiplicité des raisons de fuite, nous devons ajouter les
implications que le conflit comporte quand il se mélange avec d’autres
manifestations de la violence urbaine. Les troubles causés par des groupes de
jeunes, les pratiques de banditisme et délinquance dans des quartiers sensibles
alimentent la violence politique. Les frontières sont floues et poreuses, et
l'
ambiguïté entre types de violence est toujours existante. Les organisations
armées recourent aux pratiques propres à la délinquance comme l'
extorsion et le
kidnapping, la délinquance commune échange des kidnappés avec les guérillas
336
et les paramilitaires, les narcotrafiquants financent tous les acteurs du conflit, etc.
De ce fait, la difficulté d’expliquer les raisons réelles qui poussent une personne
à s’enfuir de chez elle. Cette ambiguïté a créé des tensions entre les différents
organismes chargés des déplacés. La Red de Solidaridad Social a refusé
l’inclusion dans le registre de plusieurs déplacés intra-urbains, parce qu’ils
dénoncent la délinquance commune comme responsable de leur fuite et non les
circonstances prévues dans l’article 1 de la Loi 387 de 1997. En revanche,
d’autres
institutions
comme
la
Personería
de
Medellín
et
la
Cour
Constitutionnelle ont une conception plus large face à la définition des déplacés.
D’après ces organismes, le déplacement, loin d'
être structuré avec des
indicateurs rigides, doit être moulé aux circonstances très dissemblables dans
lesquelles l'
une ou l'
autre personne est déplacée dans le pays.
Il est clair qu’il existe une difficulté énorme d’extraire la violence perpétrée
par les protagonistes du conflit interne des autres violences manifestes dans les
villes. Néanmoins, pou ce qui touche à la personne soumise au déplacement
forcé, nous sommes face à une réalité objective : l’abandon non souhaité du lieu
de résidence, et le relogement dans un autre emplacement. Tout ceci étant
donnée la contrainte injuste de groupes armés et l’incapacité de l’État de
préserver l’ordre et de dirimer les conflits entre les citoyens. Ainsi, plus qu’à une
étiquette administrative il faut penser à la situation objective de la personne qui a
vécu le déplacement et à la nécessité réelle de protection et d’assistance qu’elle
requiert.
Pour la compréhension du déplacement intra-urbain nous avons abordé
l’analyse en trois parties.
Dans la première partie, nous avons vu le développement de la catégorie
de déplacé dans les instruments juridiques et la place donnée au déplacement
intra-urbain du point de vue juridique. D’abord, nous observons comment en
Colombie le mot déplacé est directement lié aux notions normatives. C’est la
norme qui définit qui est un déplacé et les droits qui lui sont attachés. Nous
accordons aux déplacés une place singulière du point de vue juridique et un
énorme appareil étatique est mis en marche pour assurer leur assistance.
337
Néanmoins, les défaillances du système créé pour l’assistance à la
population déplacée par la violence sont évidentes. De ce fait la Cour
Constitutionnelle a déclaré « un état inconstitutionnel des faits ». Cet état se
réfère à l’existence d’une violation répétée des droits fondamentaux de beaucoup
de personnes qui recourent à l'
action de tutelle pour obtenir la défense de leurs
droits. Mais la cause de cette violation n’est pas imputable uniquement à
l'
autorité mise en cause par l’action de tutelle, mais repose sur des facteurs
structurels. Cette situation a rendu évidente une tension entre l’État et la société,
et la distance entre les normes juridiques et la capacité institutionnelle et
budgétaire pour faire face à la situation.
Il est clair que l’arrivée massive des déplacés dans les grandes villes a
bousculé la population urbaine et a engendré de multiples tensions avec les
gouvernements locaux chargés de la réception de ces personnes. Les pouvoirs
publics concernés les considèrent comme un problème sécuritaire plutôt que
comme des personnes nécessitant protection et assistance. Nous repérons que,
plus qu’une préoccupation humanitaire, les migrants représentent une charge
additionnelle et une menace pour les régions d’accueil. Ainsi, les migrants forcés
sont l’objet d’un regard ambivalent. D’un côté, ils sont victimes du conflit et de la
violence et méritent la solidarité sociale et l’aide étatique. Mais d’un autre, ils sont
objet de suspicion pour le fait de leur provenance des zones de conflit armé et
pour l’énorme déstabilisation que leur arrivée révèle dans les lieux de réception.
Par ailleurs, malgré les défaillances du système, les déplacés se sont
appropriés cette catégorie juridique pour se faire remarquer par l’État et pour
accéder aux bénéfices que cette notion suppose. Les déplacés cherchent
désespérément à se conformer aux normes de ceux qui les tiennent en leur
pouvoir, dans le but d’obtenir un statut, une lettre officielle qui caractérise leur
situation. Ceci, dans les termes de Gérard Noiriel, leur permet d’acquérir une
nouvelle identité civile et collective qui leur ouvre les portes d’une nouvelle
existence (Noiriel 2005, p. 420).
En deuxième lieu, nous avons analysé l’apparition du concept du
déplacement intra-urbain. Nous avons précisé que ces déplacements, dans le
contexte de violence contemporaine, ont existé depuis les années 1980, mais ils
338
ne représentaient alors que des cas isolés. Il a fallu un déplacement massif de
grande envergure, comme celui du quartier El Salado de la Comuna 13 de
Medellín en 2002, pour sonner l’alarme sur le phénomène. À partir de la
reconnaissance de cet événement par la Cour Constitutionnelle dans l’arrêt T268 de 2003, nous assistons à la création de la catégorie de déplacement intraurbain. Ainsi, les personnes qui, en raison du conflit armé et de la violence
généralisée à l’intérieur de la ville, sont obligées d’abandonner leur résidence et
de chercher refuge dans un autre lieu situé dans la même ville, sont définies
comme des personnes déplacées. Les personnes touchées acquièrent donc
l'
étiquette de déplacés par la violence dans le cadre de la Loi 387 de 1997.
Dans la deuxième partie, nous nous sommes attachés à décrire les
principaux aspects de la violence contemporaine en Colombie. Nous avons décrit
l’apparition et la consolidation des différents acteurs armés illégaux depuis les
années soixante pour se retourner sur leur impact et leur influence dans les
métropoles. Nous avons décrit les principales caractéristiques de ces acteurs
étant donné qu’ils sont les principaux responsables des déplacements forcés de
population.
Nous avons souligné que dans le pays le monopole de la force n'
est
absolument pas détenu par l'
État. Les acteurs armés illégaux sont divers et ont
des idéologies et des projets politiques opposés. En même temps, il n’est pas
possible de parler d’une guérilla unique ou d’un acteur paramilitaire en singulier
parce qu’ils sont à la fois très fragmentés. À ceci, nous devons ajouter le
fractionnement, la participation et la polarisation de la société civile face aux
différents acteurs du conflit. De ce fait, la prolongation du conflit interne et les
difficultés trouvées dans la négociation de la paix. Même si actuellement on est
face à un processus de démobilisation de groupes paramilitaires, on constate
que la disparition du phénomène avec toutes ses implications paraît encore
éloignée. Ce processus inachevé et douteux a rendu évidentes les difficultés de
faire une négociation au milieu du conflit. D’autre part, la prolongation du conflit
interne est due aussi au fait de l’autonomie acquise par les différents acteurs
armés dans le domaine financier (notamment au travers des profits tirés du
narcotrafic). Cette autonomie fait amoindrir la nécessité d’appui social et
politique. En revanche, la violence est la forme pour imposer le contrôle sur les
339
territoires et leurs habitants. Ainsi, les acteurs armés violent quotidiennement les
principes qu'
ils veulent défendre, notamment la sécurité des citoyens.
En même temps, la Force Publique a utilisé les méthodes violentes
utilisées par les groupes armés illégaux qu’elle essaie de combattre et par
conséquent, elle prend partie de la confrontation en se servant des mêmes
règles du jeu que l'
ennemi. En outre, il a été indiqué à plusieurs reprises la
connivence de quelques membres des organismes de sécurité officiels avec les
forces paramilitaires.
Dans ce contexte de prolifération des acteurs armés et pour autant de
violences, nous avons donné une place singulière au trafic de drogue dans le
débordement de celles-ci. Bien que le trafic de drogues n’ait pas les implications
ni la force qu’il avait dans la décennie des 1980, il n’a pas disparu. Au contraire, il
continue à conformer et financer différents acteurs armés illégaux et continue à
élever les niveaux de corruption et de violence dans le pays.
Tout au long de l’analyse nous avons confirmé que les acteurs armés
illégaux ont leurs principales activités figées dans les zones rurales. Cependant,
nous pouvons souligner quelques caractéristiques de la ville comme scénario du
conflit interne. La ville a été toujours le lieu d’approvisionnement et d’accès aux
services. De ce fait, les groupes armés ont toujours eu besoin de réseaux d'
appui
dans les métropoles. La ville a aussi été conçue comme le lieu de réalisation des
opérations ponctuelles à caractère tactique ou logistique tels que l’explosion des
bombes, les kidnappings et le vol d'
armes. Cependant, plus récemment, la ville
commence à être pensée comme la scène politique et militaire du conflit. De ce
fait, les acteurs armés ont l’emprise sur quelques zones et quartiers où ils
établissent un certain pouvoir. Ce pouvoir s’est traduit par une présence politique
et militaire, par l'
extension des réseaux d'
appui parmi la population urbaine et par
l’appropriation de fonctions d’ordre et de justice propres à l’État.
Dans la troisième partie nous nous sommes consacrés aux études de cas
de déplacement intra-urbain dans les villes de Medellín et Barrancabermeja.
340
Pour le cas de Medellín, nous avons analysé la naissance et la
consolidation des acteurs armés illégaux et les actions de contrôle entamés par
l’État pour les combattre. En effet, depuis les années 1980, la prolifération et
consolidation d’acteurs armés illégaux à Medellín ont été nourries par le flux
d'
argent et d'
armes provenant du trafic de drogues. La ville est inondée par tout
type d'
organisations criminelles : les galladas, les oficinas, les bandes de
délinquance, les bandes de tueurs à gages, les combos et aussi différents
groupes qui prêtent des services de vigilance dans les quartiers. En même
temps, dès les années 1980, on connaît la présence des milices et guérillas
lesquelles ont gagné en légitimité dans des secteurs abattus par la délinquance.
Les guérillas (FARC-EP, ELN et EPL) percevaient la ville comme un espace
stratégique dans la prolongation de leur lutte militaire et politique contre l’État. En
1997, les paramilitaires apparaissent pour contester le pouvoir acquis par les
guérillas dans la ville. Néanmoins, les différentes conceptions sur la façon de
gérer la confrontation et leurs rapports au trafic de drogues ont mené à la division
de la structure paramilitaire. On a donc deux blocs paramilitaires opposés : le
Bloque Metro et le Bloque Cacique Nutibara. Ainsi, la confrontation entre les
paramilitaires et les guérillas, mais aussi entre les même paramilitaires a marqué
une période notamment violente dans la ville de Medellín.
En général, les groupes armés illégaux se situent dans les villes par le
transfert de leurs factions rurales, mais, également, par l’absorption des
organisations de la délinquance urbaine, par le recrutement de nouveaux
combattants parmi leurs adversaires ou parmi la population jeune des
métropoles. Les frontières existantes entre les différents acteurs armés sont
facilement perméables. De cette manière, comme l’avait indiqué Pécaut,
bandes, combos, galladas et délinquants de droit commun contribuent à étendre
le champ de la violence politique et organisée.
Une caractéristique commune aux différents acteurs armés est qu'
ils se
présentent dans les quartiers comme les garants de la sécurité face à la pression
exercée par l'
acteur armé antagonique, et face à l'
absence de contrôle de
l’insécurité par l'
État. Ils ont gagné certaine légitimité parce qu’ils sont reconnus
par le fait d’assurer une protection matérielle. Par la suite, ils ont élargi leurs
activités de défense à des actions de régulation sociale. Ainsi, au lieu de recourir
341
aux services de sécurité et de médiation fournies par les autorités officielles de
l'
État, les habitants sollicitent ces services aux acteurs armés illégaux. L’impératif
sécuritaire s’est donc largement diffusé. En effet, la violence urbaine amalgamée
à la violence politique, au sentiment et à la perception d’insécurité a mené à la
prévention de celle-ci par le biais de la protection et de la sécurisation des zones
et quartiers. Toutefois, dans cette prétention d'
offrir protection, les groupes armés
ont affecté profondément la société civile en nuisant les droits de leurs propres
protégés. On assiste donc à la création d’autres groupes qui prennent les armes
pour les confronter. Ainsi, la spirale de la violence est chaque fois plus difficile à
arrêter.
En conséquence, la ville a souffert un processus croissant de violence
associé, non seulement, à la violence urbaine mais au conflit national. Même si
l’administration municipale et le gouvernement national ont proposé différentes
alternatives pour une pacification de la ville à travers le dialogue, plusieurs
mécanismes répressifs ont aussi été renforcés pour combattre les groupes
armés illégaux. Face à l’échec de ces mécanismes, on assiste à l’affaiblissement
de la légitimité de l’État et à la détérioration des niveaux de crédibilité et de
confiance des citoyens envers la Force Publique.
Pour le cas de Barrancabermeja, la violence a été directement associée
aux acteurs armés du conflit national. La présence des acteurs armés dans la
ville a été évidente dès la décennie des années 1960 avec la consolidation des
premières structures urbaines de la guérilla de l’ELN. Par la suite, la ville a reçu
des cellules des FARC-EP, et quelques noyaux de l’EPL. Plus loin, notamment à
partir de 1998, la ville a vécu l’offensive paramilitaire qui a eu pour but l’expulsion
des guérillas. La ville était en effet divisée par des frontières séparant les
quartiers tenus par les divers groupes armés. Les paramilitaires ont entamé une
offensive contre les guérillas et contre les dirigeants populaires et syndicaux, elle
a eu comme scène les zones du nord-est et du sud-est de la ville. Depuis l’année
2001, les paramilitaires ont gagné un plus grand contrôle sur le port pétrolier et
les guérillas se sont repliées dans les zones rurales.
Les paramilitaires sont arrivés à maintenir la population intimidée et
soumise à leurs demandes. Voire, dans quelques secteurs, ils se sont chargés
342
de l'
administration de justice et de la résolution de conflits. Ils ont même réussi à
imposer des normes de coexistence très précises. Il est clair qu’une telle
influence sur le territoire et sur ses habitants, ne s’explique pas sans la
connivence de la Force Publique. Les remarques faites par les organisations des
droits de l’homme sur les liens et affinités entre les objectifs paramilitaires et ceux
des forces de l’ordre sont nombreuses. Ainsi, au lieu de combattre leurs activités
illégales, la Force Publique renforce le pouvoir des paramilitaires. De ce fait,
marquée par le manque de confiance envers les autorités, la population est
soumise au silence.
Dans ce contexte de violence, nous avons remarqué le rôle de résistance
des organisations sociales face au conflit armé. La consolidation et la légitimation
de ces organisations parmi la population civile, et la méfiance envers les
autorités officielles a fait que la plupart des accusations de violations de droits de
l’homme soient connus par ces organisations et non par les organismes
étatiques. À plusieurs reprises, ce sont ces organisations qui ont porté secours à
la population en danger. Nonobstant, dû à leurs accusations et leurs actions de
résistance, les organisations locales sont devenues des cibles militaires pour les
paramilitaires. En 2006, malgré la démobilisation des structures paramilitaires,
les menaces ont continué. Nous avons repéré quelques actions illégales des
paramilitaires démobilisés à Barrancabermeja et ses alentours et sur la
consolidation de bandes qui ont repris le contrôle exercé précédemment par ces
structures.
C’est dans le contexte de violence de ces deux villes que le déplacement
intra-urbain a eu lieu. Le cas du déplacement massif des habitants du quartier El
Salado de la Comuna 13 de Medellín a sonné l’alarme sur le phénomène. Ce cas
a donné lieu à la reconnaissance par l'
État de cette modalité de déplacement,
depuis la promulgation de l’arrêt T-268 de 2003 de la Cour Constitutionnelle. Cet
arrêt rend évident un phénomène qui touche la ville de Medellín depuis la guerre
du trafic de drogues entamé dans les années quatre-vingt et qui n’a été reconnue
officiellement qu’à présent. Néanmoins, les cas les plus courants du
déplacement intra-urbain tant à Medellín qu’à Barrancabermeja sont les cas
individuels.
343
Les acteurs armés dans les villes étudiées contrôlent les flux
démographiques en décidant quel type de population peut habiter dans leurs
secteurs d'
influence. Dans ce contexte, le déplacement est pensé comme une
stratégie de repeuplement afin de placer dans les maisons abandonnées des
personnes qui garantissent un haut niveau de confiance aux différentes
organisations. Même si le déplacement n’a pas seulement été une stratégie des
groupes paramilitaires, de nos jours ce sont eux qui ont eu recours plus
fréquemment à cette pratique.
Les déplacements se déroulent de manière silencieuse et anonyme,
étant donné que tant victimes comme victimaires continuent à habiter la même
ville. Les personnes déplacées entreprennent une mobilité constante. Une fois
expulsés d’un quartier, elles ont des difficultés pour trouver un lieu tranquille où
s’installer, ce qui les oblige à se mouvoir dans différents quartiers avant leur
réinstallation définitive. Ils deviennent donc des nomades à l’intérieur de la ville.
Néanmoins, nous avons remarqué qu’à Medellín, la possibilité de rester en ville,
est plus forte que dans le cas de Barrancabermeja. En effet, la petite taille de
Barranca et le vaste contrôle des paramilitaires, rendent facilement identifiable
l'
endroit où les déplacés se situent. En même temps, cette situation a été
aggravée parce que les familles qui ont reçu des personnes déplacées se sont
aussi transformées en objectif militaire. Ainsi, la dynamique de déplacement
intra-urbain se transforme dans une dynamique de déplacement depuis la ville
vers d’autres villes ou zones du pays.
Or, l’une des caractéristiques les plus significatives du déplacement intraurbain est que beaucoup de personnes qui se déplacent à l’intérieur de la ville
avaient été déplacées précédemment. Ainsi, pour certaines personnes, le
déplacement n’est plus une situation transitoire sinon une condition permanente
et réitérée. En même temps, les déplacements de membres des organisations
sociales et de défense de droit de l’homme qui, après avoir reçu des menaces,
ont été obligés de laisser leurs travaux et, dans certaines ocassions, de fermer
les sièges de leurs organisations et d'
entreprendre la fuite sont connus.
Néanmoins, nous avons remarqué que certaines personnes déplacées
refusent de quitter la ville. En effet, les coûts économiques et sociaux que produit
344
un déplacement vers d'
autres régions du pays stimulent le choix de rester en
ville. Les personnes qui fuient en raison du conflit armé cherchent d’abord refuge
dans d'
autres quartiers, ce qui favorise le maintien des liens sociaux et la
continuité de certaines activités. La ville propose des conditions de travail plus
bénéfiques que les zones rurales et pour certaines personnes, elle offre une
possibilité plus claire pour la reconstruction du projet de vie. Néanmoins, on a
repéré que le déplacement implique une mobilité descendante en termes socioéconomiques. Les personnes déplacées perdent leur maisons et propriétés, et le
changement de résidence produit une augmentation des frais qui affecte leur
qualité de vie. Dans plusieurs cas, le déplacement vient accompagné de la perte
du travail, ce qui oblige les gens à se loger dans d'
autres quartiers dans des
conditions de pauvreté et de marginalité extrêmes. En outre, le déplacement est
souvent accompagné d'
une rupture familiale et de la perte d’identité et
d’appartenance à la communauté d’origine. De même, la forte stigmatisation qui
accompagne les déplacés les empêche de trouver des lieux de refuge et
alternatives stables pour refaire leurs vies. L'
attitude de rejet de la communauté
d'
accueil est fréquente, puisqu'
en provenant de zones de violence, la population
déplacée entre dans une dynamique caractérisée par le soupçon et la
marginalisation sociale.
Par ailleurs, cette mobilité constante et silencieuse empêche la
canalisation des aides sociales et des programmes d’assistance. L’absence des
dénonciations officielles dérive des effets de celle-ci sur la vie et l’intégrité des
habitants de la ville. Dans plusieurs cas, les dénonciations ont été rapidement
connues par les groupes armés illégaux, ce qui a produit le déplacement des
dénonciateurs. Ainsi, au lieu de produire des effets positifs, les dénonciations
soumettent les personnes à un plus grand degré de risque.
À présent, l’absence de politique publique structurée pour la protection et
l'
assistance aux déplacés intra-urbains est évidente, même si cette obligation a
été établie dans l’arrêt T-268 de 2003 de la Cour Constitutionnelle. En plusieurs
ocassions, ce sont les institutions de l’église et les ONG les organisations qui ont
rendu un service permanent aux déplacés intra-urbains, et non les organismes
de l’État.
345
Au travers de l’étude d’une réalité comme le déplacement intra-urbain,
nous sommes arrivé à montrer l’ampleur du conflit interne dans les villes
colombiennes. En 2006, la CODHES a dénoncé que ce phénomène continue à
se présenter dans les villes de notre étude mais il se présente aussi à
Barranquilla, Cartagena, Cucuta et Buenaventura. Il serait intéressant d’aborder
l’étude approfondie de ces villes pour pouvoir caractériser d’une manière plus
précise ce phénomène. En même temps, comme il s’agit d’un sujet d’actualité,
nous pouvons continuer à approfondir et relever de nouvelles informations sur
les cas déjà présentés, notamment au travers des études de terrain et de
l’accompagnement aux déplacés intra-urbains. Il est évident qu’une mobilité
résidentielle comme celle que nous venons de décrire a des effets nocifs sur les
personnes touchées mais aussi sur la planification et le développement des
villes. De ce fait, une recherche future pourrait se concentrer sur les impacts du
conflit interne sur la structure urbaine et sur les programmes de développement
des villes. Évidemment, une telle démarche passe d’abord par la reconnaissance
du conflit interne dans les métropoles.
Finalement, même si cette étude s’en tient au cas proprement colombien,
le sujet des migrations forcées par la violence concerne une problématique plus
ample qui touche plusieurs cas contemporains dans le monde entier. De ce fait,
malgré la diversité des contextes et l’histoire propre aux migrations dans les
différents pays, nous pouvons trouver dans cette recherche plusieurs points de
rencontre et caractéristiques similaires qui peuvent aider à mieux comprendre la
situation générale du déplacement forcé.
346
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386
LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS
ACCU :
ACVC :
AD M-19 :
ANAPO :
ANDESCOL :
APROCOB:
ASODEPACOL :
ASODESAMUBA :
ASODEV:
AUC :
AUSAC :
BCB :
BCN :
CAP :
CGSB :
CICR :
CINEP :
CIREFCA :
CODHES :
COLCIENCIAS :
CONPES :
COOSERCOM :
CORDEBAN:
COREDMAG:
CORVIDE :
387
Autodefensas Unidas de Córdoba y Urabá (Autodéfenses Unies
de Córdoba et Urabá)
Asociación Campesina del Valle de Río Cimitarra (Association de
Paysans de la Vallée de la Rivière Cimitarra)
Alianza Democrática M-19 (Alliance Démocratique M-19)
Alianza Nacional Popular (Alliance Nationale Populaire)
Asociación Nacional de Desplazados de Colombia (Association
Nationale de Déplacés de la Colombie)
Asociación de Desplazados Proyectos en Contrucción de
Barrancabermeja (Association de Déplacés - Projets en
Construction de Barrancabermeja)
Asociación de Desplazados Pacifica Colombiana (Association de
Déplacés Pacifique Colombienne)
Asociación de desplazados asentados en el municipio de
Barrancabermeja (Association de déplacés du municipio de
Barrancabermeja)
Asociación de Desplazados por el derecho a la vida (Association
de Déplacés pour le droit à la vie)
Autodefensas Unidas de Colombia (Autodéfenses Unies de la
Colombie)
Autodefensas Unidas de Santander y el sur del Cesar
(Autodéfenses Unies de Santander et le sud du Cesar)
Bloque Central Bolívar (Bloc Central Bolívar)
Bloque Cacique Nutibara (Bloc Cacique Nutibara)
Comandos Armados del Pueblo (Commandes Armés du Peuple)
Coordinadora Guerrillera Simón Bolívar (Coordinatrice Guérrillera
Simón Bolívar)
Comité International de la Croix Rouge
Centro de Investigación y Educación Popular (Centre de
Recherche et Education Populaire)
Conferencia Internacional sobre Refugiados en Centroamérica
(Conférence Internationale sur les Réfugiés Centre-américains)
Consultoría para los Derechos Humanos y el Desplazamiento
(Bureau de Consultants pour les Droits Humains et le
Déplacement)
Instituto Colombiano para el Desarrollo de la Ciencia y la
Tecnología (Institut Colombien pour le Développement de la
Science et la Technologie).
Consejo Nacional de Política Económica y Social (Conseil
National de Politique Économique et Sociale)
Cooperativa de Vigilancia y Servicios Comunitarios (Coopérative
de Surveillance et de Services Communautaires)
Corporación de Organizaciones de Desplazados por la Violencia
de Barrancabermeja y el Magdalena Medio (Corporation
d'
Organisations de Déplacés par la Violence de
Barrancabermeja et du Magdalena Medio)
Corporación Regional de Desplazados del Magdalena Medio
(Corporation Régionale de Déplacés du Magdalena Medio)
Corporación de Vivienda y Desarrollo Social (Corporation de
Logement et de Développement Social)
CPDIA :
CREDHOS :
CRS :
CTI :
DANE :
DAS :
DIH :
DIJIN:
DNP :
ECOPETROL:
ELN :
EPL :
FAC :
FARC-EP :
FUNMUDEMBA:
GTD :
HCR :
IDMC :
ILSA :
INCORA :
IPC :
M-19 :
MAQL :
MAS :
MINGA :
MOSDA :
MRL :
OACNUDH :
OCDE :
OCHA :
OEA :
OFP :
OIM :
Consulta Permanente para los Desplazados Internos en las
Américas (Conseil Permanent pour les Déplacés Internes en
Amérique)
Corporación Regional para la Defensa de los Derechos
Humanos (Corporation Régionale pour la Défense des Droits de
l'
Homme)
Corriente de Renovación Socialista (Courant de Rénovation
Socialiste) CTC : Confederación de Trabajadores de Colombia
(Confédération de Travailleurs de la Colombie)
Cuerpo Técnico de Investigación (Unité d’enquêtes techniques
de la police judiciaire)
Departamento Administrativo Nacional de Estadística (Institut
Administratif National de Statistique)
Departamento Administrativo de Seguridad (Institut Administratif
de Sécurité)
Droit International Humanitaire
Dirección de Policía Judicial (Direction de Police Judiciaire)
Departamento Nacional de Planeación (Institut National de
Planification)
Empresa Colombiana de Petróleos (Entreprise Colombienne de
Pétrole)
Ejército de Liberación Nacional (Armée de Libération Nationale)
Ejército Popular de Liberación (Armée Populaire de Libération)
Fuerza Aérea Colombiana (Armée de l’air colombienne)
Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia - Ejército del
Pueblo (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie - Armée
du Peuple)
Fundación de Mujeres Desplazadas del Magdalena Medio
(Fondation de Femmes Déplacées du Magdalena Medio)
Grupo Temático sobre Desplazamiento (Groupe Thématique sur
le Déplacement)
Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés.
The Internal Displacement Monitoring Center (Centre de
monitorat sur le déplacement interne)
Instituto Latino-americano de Servicios Jurídicos Alternativos
(Institut latino-americain de Services Juridiques Alternatifs)
Instituto Colombiano de Reforma Agraria
Instituto Popular de Capacitación (Institut Populaire de
Qualification)
Movimiento 19 de Abril (Mouvement 19 Avril)
Movimiento Armado Quintín Lame (Mouvement Armé Quintin
Lame)
Muerte a Secuestradores (Mort aux Kidnappeurs)
Asociación para la Promoción Social Alternativa (Association
pour la Promotion Sociale Alternative)
Movimiento Social de Desplazados (Mouvement Social des
Déplacés)
Movimiento Revolucionario Liberal (Mouvement Révolutionnaire
Libéral)
Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Droits
Humains
Organisation de Coopération et de Développement Économiques
Bureau de Nations Unies pour la Coordination d'
Affaires
Humanitaires
Organisation d'
États Américains
Organización Femenina Popular (Organisation Féminine
Populaire)
Organisation Internationale pour les Migrations
388
ONG :
OPI :
PC3 :
PCC :
PC-ML :
PDPMM :
PNUD :
PRODERE :
PRT :
RSS :
RUAN :
RUT :
s.d. :
SEFC :
SENA :
SISDHES :
s.l. :
SNAIPDV :
SUR :
UCC-URI :
UC - ELN :
UNHCR :
USO :
UTC :
389
Organisation Non Gouvernementale
Observatorio de Paz Integral del Magdalena Medio (Observatoire
de Paix Intégrale du Magdalena Medio)
Partido Comunista Clandestino Colombiano (Parti Communiste
Clandestine Colombien)
Partido Comunista Colombiano (Parti Communiste Colombien)
Partido Comunista de Colombia - Marxista Leninista (Parti Communiste
de la Colombie - Marxiste Leniniste)
Programa de Desarrollo y Paz del Magdalena Medio (Programme de
Développement et Paix du Magdalena Medio)
Programme des Nations Unies pour le Développement
Programa de Desarrollo para Desplazados, Refugiados y Retornados en
Centroamérica (Programme de Développement pour Déplacés, Réfugiés
et Retournés en Amérique Centrale)
Partido Revolucionario de los Trabajadores (Parti Révolutionnaire des
Travailleurs)
Red de Solidaridad Social (Réseau de Solidarité Sociale)
Red Urbana Antonio Nariño (Réseau Urbain Antonio Nariño)
Système d'
Information sur la Population Déplacée par la Violence de
l’Église Catholique
sans date de publication
Sistema de Estimación de Desplazamiento Forzado por Fuentes
Contrastadas (Système d’Estimation du Déplacement Forcé par
Contraste de Sources)
Servicio Nacional de Aprendizaje (Service National d’Apprentissage)
Sistema de Información sobre Desplazamiento Forzado y Derechos
Humanos de CODHES (Système d'
Information sur les Droits Humains et
le Déplacement de la CODHES)
sans lieu d’édition
Sistema Nacional de Atención Integral a la Población Desplazada por la
Violencia (Système National d'
Assistance Intégrale à la Population
Déplacée par la Violence)
Sistema Único de Registro de la Población Desplazada (Système Unique
d’Enregistrement de Population Déplacée)
Unidad de Convivencia Ciudadana - Unidad de Reaccion Inmediata
(Unité de Convivialité des Citoyens - Unité de Réaction Immédiate)
Unión Camilista - Ejército de Liberación Nacional (Union Camilista Armée
de Libération Nationale)
Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés
Unión Sindical de Obreros (Union Syndicale de Travailleurs)
Unidad Técnica Conjunta (Unité Technique Conjointe)
390
LISTE DES GRAPHIQUES, TABLEAUX, CARTES ET PHOTOS
Graphiques :
1. Tendances du déplacement national de 1985 au troisième trimestre de
2005.
70
2. Comparaison de données du déplacement entre le SISDHES
(CODHES) et le SUR (RSS).
72
3. Comparaison de données accumulées du déplacement entre le
SISDHES (CODHES) et le SUR.
73
4. Homicides à Medellín par zone depuis 1992 jusqu’au 31 octobre 2003.
227
5. Taux d’homicides Comuna 13 pour chaque 100.000 habitants.
261
6. Homicides annuels à Medellín 1981-2005.
267
7. Responsables du déplacement intra-urbain à Medellín (2002- 31mai
2006).
288
8. Responsables du déplacement intra-urbain à Medellín (janvier -août
2006).
289
9. Comunas d’expulsion des déplacés intra-urbains à Medellín janvieraoût 2006.
10. Taux d’homicides à Barrancabermeja 1998-2004 (100.000 habitants).
289
306
Tableaux :
1. Comparaison des données du déplacement entre le SUR (RSS) et le
SISDHES (CODHES).
72
2. Estimation du nombre des personnes déplacées à l’intérieur de leur
propre pays 1995 et 1996.
75
3. Homicides à Medellín par zone depuis 1992 jusqu’au 31
octobre 2003.
227
4. L’emplacement des acteurs armés à Medellín.
264
5. Homicides annuels à Medellín 1981-2005.
267
6. Principaux aspects du déplacement intra-urbain individuel à Medellín et
Barrancabermeja.
391
332
Cartes :
1. Distribution spatiale d'
actions violentes effectuées par les Farc,
pendant la période 1995-2002.
145
2. Distribution spatiale d'
actions violentes effectuées par l'
ELN, pendant la
période 1995-2002.
156
3. Distribution spatiale d'
actions violentes effectuées par les
autodefenses, pendant la période 1995-2002.
192
4. Présence paramilitaire 2002.
193
5. Medellín et Antioquia en Colombia.
216
6. Division administrative de Medellin.
218
7. La Comuna 13 de Medellín.
257
8. Présence des groupes armés illégaux à Medellín par zone (2002).
266
9. Barrancabermeja et Santander en Colombie.
291
10. Division administrative de Barrancabermeja
294
Photos :
1. Vue panoramique de Medellín.
2. Vue panoramique Comuna 13.
3. La Esperanza 1 (Medellín). Lieu d’emplacement des déplacés
provenant d'
Urrao (Antioquia).
4. La Esperanza 2 (Medellín).
5. Port de Barrancabermeja.
6. Le centre-ville de Barrancabermeja.
7. Manifestation contre la guerre à Barrancabermeja.
217
255
278
278
292
292
313
392
ANNEXES
393
394
Annexe A – Normes sur le déplacement forcé en Colombie
Normas sobre desplazamiento forzado en Colombia
Tema
NORMAS
GENERALES
Norma
Ley 387 de
1997
Ley 418 de
1997
Ley 548 de
1999
Ley 589 de
2000
Ley 599 de
2000
Decreto 976
de 1997
Decreto 173
de 1998
Decreto 501
de 1998
DERECHO A
LA SALUD
Decreto 2569
de 2000
Resolución
02045 de 2000
Resolución
001591 de
1995
Resolución
001602 de
1995
Circular 014 de
1997
Circular 025 de
1997
Acuerdo 59 de
1997
Acuerdo 185
de 2000
DERECHO A
LA
EDUCACIÓN
Circular
Conjunta RSS
001 de 2001
Circular 042 de
2002
Decreto 2231
de 1989
Decreto 48 de
1990
Decreto 2562
395
Definición
Por la cual se adoptan medidas para la prevención del
desplazamiento; la atención, protección, consolidación y
estabilización socio-económica de los desplazados internos por la
violencia en la República de Colombia.
Por la cual se consagran unos instrumentos para la búsqueda de la
convivencia, la eficacia de la justicia y se dictan otras disposiciones.
Por medio de la cual se prorroga la vigencia de la Ley 418 del 26 de
diciembre de 1997 y se dictan otras disposiciones.
Por medio de la cual se tipifica el genocidio, la desaparición forzada,
el desplazamiento forzado y la tortura; y se dictan otras
disposiciones.
Por la cual se expide el Código Penal.
Por el cual se reglamenta el artículo 70 del Decreto-Ley 919 de 1989,
estableciendo que para los efectos de la aplicación de este artículo,
se entiende de naturaleza similar a desastres y calamidades, el
fenómeno social de desplazamiento masivo de población civil, por
causas de violencia en sus distintas manifestaciones.
Por el cual se adopta el Plan Nacional para la Atención Integral a la
Población Desplazada por la Violencia.
Por el cual se establece la organización y funcionamiento del Fondo
Nacional para la Atención Integral a la Población Desplazada por la
Violencia y se dictan otras disposiciones.
Por el cual se reglamenta parcialmente la Ley 387 de 1997 y se
dictan otras disposiciones.
Por la cual se delegan facultades constitucionales y legales y en
especial, de las conferidas por el artículo 14 de la Ley 489 de 1998.
Por la cual se fijan normas y procedimientos y se adoptan los
modelos de reclamación uniforme para el reconocimiento y pagos a
las instituciones prestadoras de servicios de salud, por concepto
gastos médicos, quirúrgicos, farmacéuticos y hospitalarios
presentados a las víctimas de eventos catastróficos.
Por la cual se fijan normas y procedimientos y se adoptan los
modelos de reclamación uniforme para el reconocimiento y pagos de
las indemnizaciones a personas naturales víctimas de eventos
catastróficos.
Establece la administración de recursos del Fondo de Solidaridad y
Garantía.
Cobertura subcuenta de seguro de riesgos catastróficos y accidentes
de tránsito del Fondo de Solidaridad y Garantía.
Por el cual se declara como evento catastrófico el desplazamiento
masivo de población por causa de la violencia y se adoptan otras
medidas relacionadas.
Por el cual se define el procedimiento aplicable a las reclamaciones
para el pago de los servicios de salud prestados a la población
desplazada.
Instrucción para la atención en salud de la población desplazada por
la violencia y cobro de atención.
Fuentes de financiamiento de la atención en salud a la población
desplazada.
Por el cual se crean unos beneficios en el sector educativo para
apoyar a los familiares de las víctimas de la violencia.
Por el cual se modifica el Decreto 2231 de 1989 reconociendo
beneficios también a las víctimas de la violencia política que sean
menores de edad.
Por el cual se reglamenta la ley 387 del 18 de julio de 1997, en
de 2001
Resolución
1400 de 2001
DERECHO A
LA VIVIENDA
Decreto 2620
de 2000
Decreto 951
de 2001
Acuerdo 13 de
2001
DERECHO A
LA TIERRA
Acuerdo 18 de
1995
Acuerdo 8 de
1996
Decreto 2217
de 1996
Decreto 1458
de 1997
Decreto 2007
de 2001
cuanto a la prestación del servicio público educativo a la población
desplazada por la violencia y se dictan otras disposiciones.
Por el cual se modifica la Resolución 3272 del 6 de diciembre de
2000, autorizando el desarrollo del Programa Especial de Educación
Básica y Media para la Convivencia Pacífica en los establecimientos
educativos estatales y privados del país, por un término de 5 años a
partir de la fecha de expedición de esta resolución, dirigido a la
población desplazada por lo violencia y por el conflicto armado,
ubicada en el territorio nacional o en zonas de distensión o en
aquellas que sean autorizadas por el Gobierno Nacional.
Por el cual se reglamenta parcialmente la ley 3ª de 1991 en relación
con el subsidio familiar de vivienda en dinero y en especie para
áreas urbanas; Ley 49 de 1990 en cuanto a su asignación por parte
de las cajas de compensación familiar; y Ley 546 de 1999, en
relación con la vivienda de interés social.
Por el cual se reglamentan parcialmente las leyes 3ª de 1991 y 387
de 1997, en lo relacionado con la vivienda y el subsidio de vivienda
para la población desplazada.
Por el cual se dictan disposiciones sobre el otorgamiento y
administración de subsidio familiar de vivienda aplicable a hogares
desplazados por la violencia.
Por el cual se establece el reglamento especial de dotación de tierras
para las personas que tengan condición de desplazados forzados
por causa de la violencia.
Por el cual se modifica parcialmente el Acuerdo 18 del 17 de octubre
de 1995, por el cual se establece el reglamento especial de dotación
de tierras para personas que tengan la condición de desplazados
forzosos por causa de la violencia.
Programa especial de adquisición de tierras en beneficio de la
población campesina desplazada por la violencia.
Por el cual se reglamenta el funcionamiento del Fondo para la
Rehabilitación, Inversión Social y Lucha contra el Crimen
Organizado, y se dictan disposiciones en materia de destinación de
bienes.
Por el cual se reglamentan parcialmente los artículos 7ª, 17 y 19 de
la Ley 387 de 1997, en lo relativo a la oportuna atención a la
población rural desplazada por la violencia, en el marco del retorno
voluntario a su lugar de origen o de su reasentamiento en otro lugar,
y se adoptan medidas tendientes a prevenir esta situación.
Source : DEFENSORÍA DEL PUEBLO ; UNHCR. 2002. Compendio de documentos relacionados con
la atención del desplazamiento forzado. Bogotá.
396
Annexe B - États signataires de la Convention de l'
ONU pour les
Réfugiés de 1951, et du Protocole de 1967 (situation au 31 décembre
1999)
États
Convention
Protocole
membres des
sur les
de
Nations
Réfugiés
1967 (b)
Unies
(a)
Afghanistan
Afrique du
1996
1996
Sud
Albanie
1992
1992
Algérie
1963
1967
Allemagne
1969
1969
Andorre
Angola
1981
1981
Antigua-etBarbuda
Arabie
saoudite
Argentine
Arménie
Australie
Autriche
Azerbaïdjan
Bahamas
Bahreïn
Bangladesh
Barbade
Bélarus
1995
1995
États membres des
Nations Unies
Lesotho
Lettonie
1997
1997
Liban
Libéria
Liechtenstein
Lituanie
Luxembourg
Macédoine, exRépublique
yougoslave de
1963
1964
1957
1997
1953
1980
1968
1997
1971
1994
1994
Madagascar
Belgique
1953
1969
Belize
1990
1990
Bénin
Bhoutan
Bolivie
BosnieHerzégovine
Botswana
Brésil
Brunéi
Darussalam
Bulgarie
Burkina Faso
Burundi
Cambodge
Cameroun
Canada
1962
1970
1982
1982
Malaisie
Malawi
Maldives
Mali
Malte
Maroc
Marshall, Îles
Maurice, Île
Mauritanie
Mexique (d)
Micronésie, États
fédérés de
Moldova, République
de
Monaco
Mongolie
Mozambique
1993
1993
Myanmar
1969
1960
1969
1972
Namibie
Nauru
397
1961
1993
1973
1954
1993
1993
1967
1993
1973
1973
1993
1993
Convention
Protocole
sur les
de
Réfugiés
1967 (b)
(a)
1981
1981
1967
1987
1987
1973
1971
1956
1973
1971
1971
1987
1987
1954
1983
1989
1995
Népal
1993
1980
1963
1992
1961
1969
1993
1980
1971
1992
1967
1969
Nicaragua
Niger
Nigeria
Norvège
Nouvelle-Zélande
Oman
1980
1961
1967
1953
1960
1980
1970
1968
1967
1973
Cap-Vert
Centrafricaine,
République
Chilie
Chine,
République
populaire de
Chypre
Colombie
Comores
Congo
Congo,
République
démocratique
du
Corée,
République
dee (Sud)
Corée,
République
populaire
démocratique
de (Nord)
Costa Rica
Côte d’Ivoiree
Croatie
1987
Ouganda
1962
1967
Ouzbékistan
1972
1972
Pakistan
1982
1982
Palaos
1963
1968
1961
1980
1962
1970
Panama
Papouasie-NouvelleGuinée
Paraguay
Pays-Bas
1965
1975
1992
1992
1978
1961
1978
1970
1992
1992
Cuba
1968
1977
1994
1981
1976
1976
1978
1978
1986
1986
1970
1968
1970
1968
Pérou
1964
1983
Philippines
1981
1981
Pologne
1991
1991
Portugal
Qatar
République arabe
syrienne
République
dominicaine
République tchèque
Roumanie
Royaume-Uni
Rwanda
1976
1976
1978
1978
1993
1991
1968
1980
1993
1991
1968
1980
1956
1967
Danemark
Djibouti
Dominique
Égypte
Émirats
arabes unis
Équateur
Érythrée
1952
1977
1994
1981
Espagne
1978
1978
Estonie
États-Unis
Éthiopie
Fédération de
Russie
Fidji
Finlande
France
Gabon
Gambie
Géorgie
Ghana
Grèce
1997
1969
1997
1968
1969
Saint-Marin
Saint-Siège (c)
Saint-Vincent-et-lesGrenadines
Sainte-Lucie
Salomon, Îles
Salvador
1993
1993
1972
1968
1954
1964
1966
1999
1963
1960
1972
1968
1971
1973
1967
1999
1968
1968
Saint-Kitts-et-Nevis
1955
1969
1993
1995
1983
1995
1983
Samoa
1988
1994
Sao-Tomé-et-Principe
Sénégal
Seychelles
Sierra Leone
Singapour
Slovaquie
Slovénie
Somalie
1978
1963
1980
1981
1978
1967
1980
1981
1993
1992
1978
1993
1992
1978
398
Grenade
Guatemala
Guinée
Guinée-Bissau
Guinée
équatoriale
Guyane
Haïti
1974
1983
1968
1976
Soudan
Sri Lanka
Suède
Suisse (c)
1974
1983
1965
1976
1954
1955
1967
1968
1986
1986
Suriname
1978
1978
1984
1984
1993
1969
1993
Honduras
1992
1992
1964
1968
Hongrie
Inde
Indonésie
Iran,
République
islamique d’
Iraq
Irlande
Islande
Israël
Italie
Jamahiriya
arabe libyenne
Jamaïque
Japon
Jordanie
Kazakhstan
Kenya
1989
1989
1981
1981
1962
1969
1957
1998
1962
1986
1968
1998
1968
1986
1970
1970
Kirghizistan
Kiribati
Koweït
Lao,
République
démocratique
populaire
Swaziland
Tadjikistan
Tanzanie, RépubliqueUnie de
Tchad
Thaïlande
Togo
1976
1976
Tonga
1956
1955
1954
1954
1968
1968
1968
1972
Trinité et Tobago
Tunisie
Turkménistan
Turquie
Tuvalu (c)
Ukraine
1964
1981
1980
1982
1999
1966
1999
1981
1996
1996
Uruguay
Vanuatu
Venezuela
Viet Nam
Yémen
Yougoslavie,
République fédérale
de
Zambie
Zimbabwe
1986
1980
1980
1959
1968
1969
1981
1969
1981
Notes :
a. Année de ratification, adhésion et/ou succession à la Convention de l’ONU de 1951 sur les
réfugiés.
b. Année d’adhésion et/ou succession au Protocole de 1967.
c. États non membres des Nations Unies.
d. Le 31 décembre 1999, le Mexique n’était pas signataire de la Convention des Nations Unies de
1951 sur les réfugiés ni du Protocole de 1967. Cependant, en juin 2000, il signe les deux
instruments.
Source: UNHCR. 2000. Les réfugiés dans le monde : cinquante ans d’action humanitaire. Paris :
Editions Autrement. p. 302-305. [réf. du 2005-11-14]
Disponible sur Internet : http://www.unhcr.ch/pubs/sowr2000/french/tocfrench.htm
399
Annexe C - Résolutions et documents des Nations Unies relatifs aux
déplacés forcés.
Selected formal documents relating to IDPs.
1. Statute of the Office of the United Nations High Commissioner for Refugees:
Approved by the UN General Assembly resolution 428 (V) of 14 December 1950
Article 9: “The High Commissioner shall engage in such additional activities…as the
General Assembly may determine within the limits of the resources placed at his
disposal”.
2. UN General Assembly A/RES/2956 of 12 December 1972:
2. Requests the High Commissioner (for Refugees) to continue to participate, at the
invitation of the Secretary General, in those humanitarian endeavors of the United
Nations for which his office has particular expertise and experience.
3. UN General Assembly resolution 47/105 of 16 December 1992
Welcomes, in this context, efforts by the High Commissioner, on the basis of specific
requests from the Secretary-General or the competent principal organs of the United
Nations and with the consent of the concerned State, to undertake activities in favor of
internally displaced persons, taking into account the complementarities of the mandates
and expertise of other relevant organizations;
4. IOM/FOM/33/93: UNHCR’s Role with Internally Displaced Persons (28 April 1993)
5. UN General Assembly resolution 48/116 of 20 December 1993:
“12. Reaffirms [the General Assembly’s] support for the High Commissioner’s efforts, on
the basis of specific requests from the Secretary General or the competent principal
organs of the United Nations, and with the consent of the concerned State, and taking
into account the complementarities of the mandates and expertise of other relevant
organizations, to provide humanitarian assistance and protection to persons displaced
within their own country in specific situations calling for the Office’s particular expertise,
especially where such efforts could contribute to the prevention or solution of refugee
problems.”
6. UN General Assembly resolution 48/116 of 20 December 1993
14. Recognizes the need for the international community to explore methods and means
better to address within the United Nations system the protection and assistance needs
of internally displaced persons, and calls upon the High Commissioner to engage actively
in further consultations on this priority issue with the Department of Humanitarian Affairs
of the Secretariat and the Special Representative of the Secretary General on Internally
Displaced Persons, and with other appropriate international organizations and bodies,
including the International Committee of the Red Cross.
7. UNHCR’s Executive Committee Conclusion No. 75 of 1994:
“(j) Recognizes that resolution 48/116 adopted by the United Nations General Assembly
on 20 December 1993 … continues to provide an “appropriate framework for the
involvement of the High Commissioner in situations of internal displacement”
(k) Encourages the High Commissioner to continue the efforts of (his) Office to put into
action its internal criteria and guidelines for UNHCR involvement in situations of internal
400
displacement, as an important contribution towards a more concerted response by the
international community to the needs of the internally displaced.
(l) Emphasizes that activities on behalf of internally displaced persons must not
undermine the institution of asylum including the right to seek and enjoy in other countries
asylum from persecution.”
8. UNHCR’s Operational Experience with Internally Displaced Persons DIP (1
September 1994)
9. UN General Assembly resolution A/RES/49/169 of 23 December 1994
10. Calls for a more concerted response by the international community to the needs of
internally displaced persons and in accordance with its resolution 48/116, reaffirms its
support for the High Commissioners efforts, on the basis of specific requests from the
Secretary General or the complementarities of the mandates and expertise of other
relevant organizations to provide humanitarian assistance and protection to such
persons, emphasizing that activities on behalf of internally displaced persons must not
undermine the institution of asylum, including the right to seek and enjoy in other
countries asylum from persecution.
13. Acknowledges the continuing close cooperation between the High Commissioner and
the representative of the Secretary-General on internally displaced persons in the
exercise of his mandate, and recognizes the importance of their close cooperation, and of
cooperation with the International Committee of the Red Cross, with respect to
prevention, protection, humanitarian assistance and solutions;
9. UN General Assembly resolution 49/174 of 23 December 1994
9. Calls upon Member States and intergovernmental and non-governmental organizations
to continue to provide the necessary support and financial assistance to the High
Commissioner to enhance her capacities and abilities to implement emergency
operations, care and maintenance activities and repatriation and reintegration
programmes for the benefit of refugees, returnees and, as appropriate, certain groups of
internally displaced persons;
10. UN General Assembly resolution 15/75 of 12 December 1996
13…recalls that the Office of the High Commissioner may be called upon by the
appropriate organs of the United Nations and with the consent of the State concerned to
extend its assistance to other groups, such as internally displaced persons, recognizing
that such involvement may contribute to the prevention or mitigation of refugee situations,
yet emphasizing that activities on behalf of internally displaced persons must not
undermine the institution of asylum, including the right to seek and to enjoy in other
countries asylum from persecution;
11. IOM/FOM/87/97: UNHCR’s Role with Internally Displaced Persons (12 December
1997)
12. UN General Assembly resolution 53/125 of 9 December 1998
16. Notes the relevance of the Guiding Principles on the Internal displacement, reaffirms
its support for the role of the Office of the High Commissioner in providing humanitarian
assistance and protection to internally displaced persons, on the basis of specific
requests from the Secretary General or the competent organs of the United Nations and
with the consent of the State concerned, taking into account the complementarities of the
mandates and expertise of other relevant organizations, and emphasizes that activities
on behalf of internally displaced persons must not undermine the institution of asylum;
13. UNHCR’s Executive Committee Conclusion No. 87 of 1999:
401
“(t) Recalls Conclusions No 75 (XLV) on internally displaced persons; takes note of
resolution 53/ 125 adopted by the United Nations General Assembly in December 1998;
reiterates the relevance of the Guiding Principles on Internal Displacement, (1) and
reaffirms its support for UNHCR’s role with internally displaced persons on the basis of
criteria specified in the General Assembly.”
14. Introduction to International Protection: UNHCR Emergency Management
Training Program (1 July 1999)
15. IASC Policy Paper on Protection for IDPs (6 December 1999)
16. UN General Assembly resolution 54/146 of 17 December 1999
17. Reiterates its support for the role of the Office of the High Commissioner in providing
humanitarian assistance and protection to internally displaced persons on the basis of
criteria enumerated in paragraph 16 of its resolution 53/125, and underlines the
continuing relevance of the Guiding Principles on Internal Displacement;
17. Handbook for Applying the Guiding Principles on Internal Displacement (The
Brooking Institution Project on IDPs, 1999)
18. Field Practice in internal displacement. Examples from UN Agencies and
Partner Organizations of Field-based Initiatives Supporting Internally Displaced
Persons.
(IASC, 1999)
19. Internally Displaced Persons: The Role of the United Nations High
Commissioner for Refugees (6 March 2000)
20. UN General Assembly resolution 55/76 of 4 December 2000
3. Reaffirms its support for the activities of the Office of the High Commissioner, in
accordance with the relevant General Assembly resolutions, on behalf of returnees,
stateless persons and internally displaced persons;
21. UN General Assembly resolution 55/74 of 4 December 2000
20. Reiterates its support for the role of the Office of the High Commissioner in providing
humanitarian assistance and protection to internally displaced persons on the basis of
criteria enumerated in paragraph 16 of its resolution 53/125 of 9 December 1998, and
underlines the continuing relevance of the Guiding Principles on Internal Displacement;
22. High Commissioner’s Speaking notes from Oslo: UNHCR’s Policy on Internally
Displaced Persons (23 May 2001).
23. IOM/FOM/77/2001: Operational Guidelines for UNHCR's Involvement with
Internally Displaced Persons (IDPs) (24 September 2001).
24. IOM/046/2004/FOM 048/2004: Involvement with IDP situations: a process for
decision-making.
Source: UNHCR. 2005. Consistent and Predictable Responses to IDPs. A Review of UNHCR’s Decisionmaking Processes. Geneva. p. 55-58. [réf. du 2006-03-05]. Disponible sur Internet :
http://www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/research/opendoc.pdf?tbl=RESEARCH&id=423551522
402
Annexe D - Charte des droits basiques de la population déplacée.
Carta de derechos básicos de toda persona que ha sido
víctima de desplazamiento forzado interno.
1. Tiene derecho a ser registrado como desplazado, solo o con su núcleo
familiar.
2. Conserva todos sus derechos fundamentales y por el hecho del
desplazamiento no ha perdido ninguno de sus derechos constitucionales
sino que por el contrario es sujeto de especial protección por el Estado.
3. Tiene derecho a recibir ayuda humanitaria inmediatamente se produzca
el desplazamiento y por el término de 3 meses, prorrogables por 3 meses
más y que tal ayuda comprende, como mínimo, a) alimentos esenciales y
agua potable, b) alojamiento y vivienda básicos, c) vestido adecuado, y
(d) servicios médicos y sanitarios esenciales.
4. Tiene derecho a que se le entregue el documento que lo acredita en una
entidad promotora de salud, a fin de garantizar su acceso efectivo a los
servicios de atención en salud.
5. Tiene derecho a retornar en condiciones de seguridad a su lugar de
origen y sin que se le pueda obligar a regresar o a reubicarse en alguna
parte específica del territorio nacional.
6. Tiene derecho a que se identifiquen, con su plena participación, las
circunstancias específicas de su situación personal y familiar para definir,
mientras no retorne a su lugar de origen, cómo puede trabajar con miras
a generar ingresos que le permita vivir digna y autónomamente.
7. Tiene derecho, si es menor de 15 años, a acceder a un cupo en un
establecimiento educativo.
8. Estos derechos deben ser inmediatamente respetados por las
autoridades administrativas competentes, sin que éstas puedan
establecer como condición para otorgarle dichos beneficios que
interponga acciones de tutela, aunque está en libertad para hacerlo.
9. Como víctima de un delito, tiene todos los derechos que la Constitución y
las leyes le reconocen por esa condición para asegurar que se haga
justicia, se revele la verdad de los hechos y obtenga de los autores del
delito una reparación.
Source : RSS - Red de Solidaridad Social. 2004. Bogotá. [réf. du 2005-02-05]. Disponible sur
Internet :
http://www.minagricultura.gov.co/18_descargas/desplazados/Carta_Derechos_Basicos.pdf
403
Annexe E - Carte de la Colombie
Source : Atlas en Cartes. 2006. Fiche Colombie. Paris : Editions Atlas.
404
Annexe F - Accord pour la discrétion sur la diffusion
de faits violents en Colombie.
Acuerdo por la discreción sobre la difusión de hechos violentos
Conscientes de la responsabilidad social de nuestro oficio, los profesionales
de los Medios de Comunicación de Colombia nos comprometemos con este
Acuerdo por la Discreción, porque queremos contribuir al logro de la paz, al
respeto de la vida y a la búsqueda del bien común.
1. El cubrimiento informativo de actos violentos - ataques contra las
poblaciones, masacres, secuestros y combates entre los bandos- será
veraz, responsable y equilibrado. Para cumplir con este propósito, cada
medio definirá normas de actuación profesional que fomenten el
periodismo de calidad y beneficien a su público.
2. No presentaremos rumores como si fueran hechos. La exactitud, que
implica ponerlos en contexto, debe primar sobre la rapidez.
3. Fijaremos criterios claros sobre las transmisiones en directo, con el fin de
mejorar la calidad de esa información y evitar que el medio sea
manipulado por los violentos.
4. Por razones éticas y de responsabilidad social no presionaremos
periodísticamente a los familiares de las víctimas de hechos violentos.
5. Estableceremos criterios de difusión y publicación de imágenes y
fotografías que puedan generar repulsión en el público, contagio con la
violencia o indiferencia ante ésta.
6. Respetaremos y fomentaremos el pluralismo ideológico, doctrinario y
político. Utilizaremos expresiones que contribuyan a la convivencia entre
los colombianos.
Preferimos perder una noticia antes que una vida.
(Fue firmado en su momento por 35 directores de medios de todo el país,
en Santafé de Bogotá, noviembre 4 de 1999.)
Source : ORTIZ, Germán. 2001. ¿Por qué un Observatorio de Medios para Colombia? In Sala de
Prensa N°37. Año III, Vol. 2. [réf. du 2007-01-15]. Disponible sur Internet :
http://www.saladeprensa.org/art293.htm
405
Annexe G - Recommandations de politique publique face au
déplacement intra-urbain.
Recomendaciones de política pública frente al desplazamiento intraurbano.
Al Consejo Nacional de Atención Integral a la Población Desplazada por la
Violencia, en el marco de la formulación de la política pública de atención al
desplazamiento forzado: establecer un enfoque de atención diferencial para
las víctimas del desplazamiento intraurbano, teniendo en cuenta
particularidades tales como la concurrencia en la misma ciudad del victimario
y la víctima, que le impone al Estado una responsabilidad primordial de
protección a los afectados.
A los Comités Municipales de Atención Integral a la Población Desplazada de
Medellín y Barrancabermeja, en coordinación con los Comités
Departamentales de Atención Integral a la Población Desplazada de
Antioquia y Santander, y al Consejo Distrital de Atención a la Población
Desplazada de Bogotá, en coordinación con las demás entidades del
SNAIPD: atender de forma urgente, en materia de ayuda humanitaria de
emergencia y de estabilización socioeconómica, a las víctimas de
desplazamiento forzado intraurbano asentadas en sus respectivas
jurisdicciones, teniendo en cuenta un esquema diferencial frente a las
particularidades que presenta este fenómeno.
Al Gobierno Nacional y a las alcaldías de Medellín, Barrancabermeja y
Bogotá: adoptar las medidas necesarias y oportunas para proteger a la
población civil que en estas ciudades se encuentra en riesgo de
desplazamiento forzado por el accionar de los grupos armados ilegales, los
cuales, a pesar de los esfuerzos de la Fuerza Pública por neutralizarlos y
desarticularlos, actúan en algunas áreas de dichas ciudades.
A las alcaldías de Medellín, Barrancabermeja y Bogotá, en el marco de los
Comités Territoriales de Atención Integral a la Población Desplazada, en
coordinación con las demás entidades del SNAIDP: diseñar y ejecutar
políticas integrales de prevención, encaminadas, entre otros fines, a evitar el
reclutamiento de jóvenes por parte de los grupos armados ilegales. Dichas
políticas deben incluir programas y proyectos de carácter educativo y laboral.
Al Ministerio del Interior, a los Comités Municipales de Atención Integral a la
Población Desplazada de Medellín y Barrancabermeja y al Consejo Distrital
de Atención a la Población Desplazada de Bogotá, en coordinación con las
demás entidades del SNAIDP: adoptar las medidas necesarias para proteger
la vida de los líderes sociales y los jóvenes que han sido amenazados y/o
que se han visto forzados a desplazarse al interior de las ciudades
mencionadas.
A los Comités Municipales de Atención Integral a la Población Desplazada de
Medellín y Barrancabermeja, en coordinación con los Comités
Departamentales de Atención Integral a la Población Desplazada de
Antioquia y Santander, y al Consejo Distrital de Atención a la Población
406
Desplazada de Bogotá, en coordinación con las demás entidades del
SNAIPD: fortalecer los espacios de participación de las organizaciones de
población desplazada, con el fin de que puedan incidir en la formulación y
ejecución de las políticas para la atención del desplazamiento intraurbano.
En desarrollo de este trabajo, es necesario abordar, entre otras,
problemáticas como el bajo nivel de denuncias de la población desplazada
intraurbana, y adoptar las medidas necesarias para superarla.
A las entidades del SNAIPD, incluyendo las entidades territoriales: trabajar
integralmente el aspecto psicosocial con la población en situación de
desplazamiento intraurbano, la cual se ve seriamente afectada por el terror
psicológico que provoca el accionar violento-terrorista en las ciudades.
A las entidades del SNAIPD: diseñar mecanismos legales de protección de
bienes urbanos abandonados por la población en situación de
desplazamiento intraurbano.
A la Fiscalía General de la Nación: examinar y evaluar los casos de
desplazamiento forzado intraurbano que se han presentado en Medellín,
Barrancabermeja y Bogotá y, de ser procedente, iniciar las investigaciones a
que haya lugar, con el fin de que los responsables de estos hechos sean
sancionados de acuerdo con la legislación penal colombiana.
Source: DEFENSORÍA DEL PUEBLO DE COLOMBIA ; UNHCR. 2004. Desplazamiento intraurbano
como consecuencia del conflicto armado en las ciudades. Bogotá. p. 72-74. [réf. du 2004-07-22].
Disponible sur Internet : http://www.acnur.org/pais/docs/785.pdf
407
Annexe H – La zone urbaine de Medellín. Les comunas, leurs
quartiers et le nombre d’habitantes selon le recensement général de
2005
La zone nord-est
Comuna 1 – Popular : Santo Domingo Sabio Nº 1, Santo Domingo Sabio Nº 2, Popular,
Granizal, Moscú Nº 2, Villa Guadalupe, San Pablo, Aldea Pablo VI, La Esperanza Nº 2,
El Compromiso, La Avanzada, Carpinelo (129.771 habitants).
Comuna 2 - Santa Cruz : La Isla, El Playón de Los Comuneros, Pablo VI, La Frontera,
La Francia, Andalucía, Villa del Socorro, Villa Niza, Moscú Nº 1, Santa Cruz, La Rosa
(104.693 habitants).
Comuna 3 – Manrique : La Salle, Las Granjas, Campo Valdes Nº 2, Santa Inés, El
Raizal, El Pomar, Manrique, Central Nº 2, Manrique Oriental, Versalles Nº 1, Versalles Nº
2, La Cruz, Oriente, Maria Cano – Carambolas, San José La Cima Nº 1, San José La
Cima Nº 2 (151.779 habitants).
Comuna 4 – Aranjuez : Berlín, San Isidro, Palermo, Bermejal - Los Álamos, Moravia,
Sevilla, San Pedro, Manrique Central Nº 1, Campo Valdes Nº 1, Las Esmeraldas, La
Piñuela, Aranjuez, Brasilia, Miranda (156.244 habitants).
La zone nord-ouest
Comuna 5 – Castilla : Toscaza, Las Brisas, Florencia, Tejelo, Boyacá, Héctor Abad
Gómez, Belalcázar, Girardot, Tricentenario, Castilla, Francisco Antonio Zea, Alfonso
López, Caribe (145.137 habitants).
Comuna 6 - Doce de Octubre : Santander, Doce de Octubre Nº 1, Doce de Octubre Nº
2, Pedregal, La Esperanza, San Martín de Porres, Kennedy, Picacho, Picachito, Mirador
del Doce, Progreso Nº 2, El Triunfo (188.236 habitants).
Comuna 7 – Robledo : Cerro El Volador, San Germán, Barrio Facultad de Minas, La
Pilarica, Bosques de San Pablo, Altamira, Córdoba, López de Mesa, El Diamante, Aures
Nº 1, Aures Nº 2, Bello Horizonte, Villa Flora, Palenque, Robledo, Cucaracho, Fuente
Clara, Santa Margarita, Olaya Herrera, Pajarito, Monteclaro, Nueva Villa de La Iguaná
(170.860 habitants).
La zone centro-est
Comuna 8 - Villa Hermosa : Villa Hermosa, La Mansión, San Miguel, La Ladera,
Batallón Girardot, Llanaditas, Los Mangos, Enciso, Sucre, El Pinal, Trece de Noviembre,
La Libertad, Villa Tina, San Antonio, Las Estancias, Villa Turbay, La Sierra (Santa Lucía Las Estancias), Villa Lilliam (138.677 habitants)
Comuna 9 - Buenos Aires : Juan Pablo II, Barrios de Jesús, Bombona Nº 2, Los Cerros
El Vergel, Alejandro Echavarría, Caicedo, Buenos Aires, Miraflores, Cataluña, La
Milagrosa, Gerona, El Salvador, Loreto, Asomadera Nº 1, Asomadera Nº 2, Asomadera
Nº 3, Ocho de Marzo (132.794 habitants).
Comuna 10 - La Candelaria : Prado, Jesús Nazareno, El Chagualo, Estación Villa, San
Benito, Guayaquil, Corazón de Jesús, Calle Nueva, Perpetuo Socorro, Barrio Colón, Las
Palmas, Bombona Nº 1, Boston, Los Ángeles, Villa Nueva, La Candelaria, San Diego
(82.102 habitants).
La zone centro-ouest
Comuna 11 - Laureles – Estadio : Carlos E. Restrepo, Suramericana, Naranjal, San
Joaquín, Los Conquistadores, Bolivariana, Laureles, Las Acacias, La Castellana, Lorena,
El Velódromo, Estadio, Los Colores, Cuarta Brigada, Florida Nueva (115.218 habitants).
Comuna 12 - La América : Ferrini, Calasanz, Los Pinos, La América, La Floresta, Santa
Lucia, El Danubio, Campo Alegre, Santa Mónica, Barrio Cristóbal, Simón Bolívar, Santa
Teresita, Calasanz Parte Alta (87.045 habitants).
Comuna 13 - San Javier : El Pesebre, Blanquizal, Santa Rosa de Lima, Los Alcázares,
Metropolitano, La Pradera, Juan XIII - La Quiebra, San Javier Nº 2, San Javier Nº 1,
Veinte de Julio, Belencito, Betania, El Corazón, Las Independencias, Nuevos
Conquistadores, El Salado, Eduardo Santos, Antonio Nariño, El Socorro, La Gabriela
(137.779 habitants).
408
La zone sud-est
Comuna 14 - El Poblado : Barrio Colombia, Simesa, Villa Carlota, Castropol, Lalinde,
Las Lomas Nº 1, Las Lomas Nº 2, Altos del Poblado, El Tesoro, Los Naranjos, Los
Balsos Nº 1, San Lucas, El Diamante Nº 2, El Castillo, Los Balsos Nº 2, Alejandría, La
Florida, El Poblado, Manila, Astorga, Patio Bonito, La Aguacatala, Santa Maria de Los
Ángeles (103.961 habitants).
La zone sud-ouest
Comuna 15 - Guayabal: Tenche, Trinidad, Santa Fé, Shellmar, Parque Juan Pablo II,
Campo Amor, Noel, Cristo Rey, Guayabal, La Colina (87.466 habitants).
Comuna 16 - Belén: Fátima, Rosales, Belén, Granada, San Bernardo, Las Playas,
Diego Echevarría, La Mota, La Hondonada, El Rincón, La Loma de Los Bernal, La Gloria,
Altavista, La Palma, Los Alpes, Las Violetas, Las Mercedes, Nueva Villa de Aburrá,
Miravalle, El Nogal - Los Almendros, Cerro Nutibara. (191.861 habitants).
Source : DANE - DEPARTAMENTO ADMINISTRATIVO NACIONAL DE ESTADÍSTICA. 2005.
Censo General 2005. [réf. du 2006-11-22]. Disponible sur Internet :
http://www.dane.gov.co/index.php?option=com_content&task=category&sectionid=16&id=269&Ite
mid=750
409
Annexe I – Profil de la ville de Medellín selon le recensement général
de 2005.
410
411
412
413
Annexe J – Considérations sur les statistiques officielles
colombiennes
Nota sobre estadísticas
1. Los indicadores estadísticos son un poderoso instrumento para la protección de los
derechos humanos y el derecho internacional humanitario. Se pueden usar como
instrumento para formular mejores políticas; vigilar los progresos realizados; determinar
los efectos no deseados de leyes, políticas y prácticas; determinar qué actores están
influyendo en la realización de los derechos, poner de relieve si ellos están cumpliendo
sus obligaciones; advertir de antemano posibles violaciones y poder adoptar medidas
preventivas; fortalecer el consenso social respecto de decisiones difíciles que deban
adoptarse frente a la limitación de recursos; sacar a la luz cuestiones que han sido
desatendidas o silenciadas.
2. Colombia carece de un sistema estadístico que recoja adecuadamente la realidad en
cuanto a las violaciones de los derechos humanos e infracciones del derecho
internacional humanitario.
3. Las estadísticas oficiales actuales sobre violaciones de los derechos humanos e
infracciones del derecho internacional humanitario adolecen de errores sistemáticos y
accidentales. Esto puede ser, entre otros, producto de una deficiente definición de los
indicadores, por no ajustarse a los instrumentos internacionales, y del empleo de una
metodología menos apropiada en la recolección de los datos.
4. Las breves consideraciones que siguen buscan motivar el establecimiento en
Colombia de un sistema de estadísticas oficiales que recojan más adecuadamente las
violaciones de los derechos humanos y las infracciones del derecho internacional
humanitario. Ello permitirá tener mejores elementos para la formulación y puesta en
práctica de políticas públicas integrales en la materia.
5. En cuanto a los derechos humanos, la oficina ha observado que las estadísticas
oficiales del ejecutivo son limitadas y con pocas excepciones no incluyen indicadores
relevantes de violaciones de los derechos civiles y políticos, ni de los derechos
económicos, sociales y culturales.
6.
Por ejemplo, no se registran las desapariciones forzadas, las ejecuciones
extrajudiciales, las torturas y los tratos crueles, inhumanos o degradantes, las
detenciones arbitrarias, y las violaciones al debido proceso de acuerdo con los
estándares internacionales establecidos. De igual forma ocurre con las estadísticas
sobre homicidios, las mismas no discriminan adecuadamente si el autor ha sido un
agente del Estado o un particular actuando con el consentimiento o aquiescencia de
éste.
7. Ejemplo de lo anterior es la estadística sobre tortura, registrada por el Centro de
Investigaciones Criminológicas (CIC) de la Dirección Central de Policía Judicial, en el
período comprendido entre los años 1993 al 30 de septiembre 2004. Esta revela que
entre los años 1993 y 2001 a nivel nacional, se registró un promedio anual de 1.230
casos de tortura. De 2002 a septiembre de 2004, el registro bajó a un promedio de seis
casos anuales. La oficina ha registrado en 2004, 20 casos de hechos que pueden
calificarse, a la luz de la normativa internacional como tortura o tratos o penas crueles,
inhumanos o degradantes. Para la Policía Nacional la tortura, siguiendo la normativa
interna, puede ser cometida por particulares que no tiene nexo alguno con el Estado.
Para el derecho internacional de los derechos humanos la tortura y los tratos o penas
414
crueles, inhumanos o degradantes, deben tener por autores a funcionarios públicos o a
personas particulares que actúen con la aquiescencia o tolerancia de aquellos.
8. Otro ejemplo se refiere a la desaparición forzada. El CIC no registra los casos de
desaparición forzada, a pesar de que la conducta ha sido tipificada como delito en el
Código Penal vigente. Según la legislación colombiana, los autores pueden ser tanto
funcionarios públicos como particulares que actúan sin vínculos con aquellos. Por el
contrario, para el derecho internacional de los derechos humanos la desaparición
forzada sólo puede ser cometida por funcionarios públicos o por particulares que actúen
con la aquiescencia o tolerancia de aquellos. Es posible que los casos de desaparición
forzada se sigan incluyendo incorrectamente en el renglón estadístico de los secuestros.
Según informaciones recogidas por la oficina en lo que va del año 2004 hay registrados
más de 200 casos que pueden ser calificados como desaparición forzada.
9. Las estadísticas del ejército registran incorrectamente como "violaciones de derechos
humanos por los grupos ilegales" los actos de terrorismo, las masacres, la utilización de
armas no convencionales, el secuestro, la utilización de los niños en la guerra, y los
ataques a bienes protegidos por parte de grupos armados ilegales. Debe anotarse que
esas conductas son infracciones al derecho internacional humanitario y solamente son
violaciones de los derechos humanos cuando tienen por autores a funcionarios públicos
o a particulares que actúan bajo su determinación o con su complicidad.
10. La oficina registró durante 2004 un alto número de denuncias de casos de personas
que fueron ejecutadas por los paramilitares y presentadas posteriormente por las
autoridades como muertas en combate. La falta de una investigación independiente e
imparcial de estas denuncias tiende a generar una distorsión estadística, al incluir esos
homicidios como parte de los logros operacionales de la fuerza pública.
11. Las estadísticas del Observatorio del Programa Presidencial de Derechos Humanos y
Derecho Internacional Humanitario, basadas en diversas fuentes, usan definiciones que
no son compatibles con los instrumentos internacionales de derechos humanos. Así por
ejemplo, la ejecución extrajudicial de tres líderes sindicales, ocurrida el 5 de agosto de
2004 y atribuida a miembros de las fuerzas militares, no fue considerada como una
violación grave de los derechos humanos de los sindicalistas. El Ministerio de
Protección Social no considera esas muertes "vinculadas con la actividad sindical", por
estar "en curso una investigación penal que tiene como objetivo determinar las
circunstancias de modo y lugar en las cuales se desarrollaron los hechos". Con este
criterio ninguna violación de derechos humanos podría calificarse como tal mientras no
existiera una sentencia judicial.
12. El Observatorio registra homicidios, amenazas y secuestros de periodistas por grupos
armados al margen de la ley, pero no incluye casos sobre uso excesivo de la fuerza o de
otros ataques a la libertad de expresión atribuidos a miembros de la fuerza pública. En
2004 la oficina ha registrado 40 casos de hechos que pueden calificarse, a la luz de la
normativa internacional, como violación a la libertad de expresión y opinión.
13. Las estadísticas de la Defensoría del Pueblo en cambio muestran un mayor grado de
precisión y son más relevantes en relación con los derechos humanos y el derecho
internacional humanitario. Sin embargo, no parecen ser tomadas en cuenta en las
estadísticas del ejecutivo.
14. En cuanto a infracciones del derecho internacional humanitario existen más
estadísticas oficiales, pero en su mayoría se refieren a conductas atribuidas a miembros
de los grupos armados ilegales. Hay menos estadísticas sobre conductas cuya
responsabilidad se atribuye a agentes del Estado.
15. El Observatorio contabiliza, hasta agosto de 2004, nueve homicidios de indígenas
atribuidos a miembros de las fuerzas militares. Sin embargo, en los indicadores de
415
septiembre de 2004, disponibles en su página web, no se incluye a funcionarios del
Estado entre los presuntos responsables de homicidios de indígenas.
16. Las estadísticas oficiales sobre infracciones del derecho internacional humanitario
también contienen vacíos y lagunas. Por una parte no recogen las infracciones
cometidas por agentes del Estado, como puede apreciarse en los datos del Observatorio
del Programa Presidencial de Derechos Humanos y Derecho Internacional Humanitario.
Por la otra, la mayoría de las infracciones están atribuidas a desconocidos. También
estas estadísticas están afectadas por un manifiesto subregistro. En 2004 la oficina ha
registrado 248 casos que pueden calificarse, a la luz de la normativa internacional, como
infracciones del derecho internacional humanitario. De este total, 57 casos serían
imputables a miembros de la fuerza pública.
17. Las estadísticas oficiales también denotan imprecisiones y distorsiones. Un ejemplo
de ello es el parámetro "homicidio común" usado por el Centro de Investigación Criminal
(CIC) de la Policía Nacional y por el Observatorio de la Vicepresidencia. Esta
denominación incluye toda clase de muertes violentas, con excepción de las producidas
por los accidentes de tránsito. Tampoco el parámetro precisa el origen étnico de la
víctima, la condición del autor de la muerte (agente del Estado o particular), ni las
circunstancias de la misma.
18. Otro ejemplo de la falta de precisión en las estadísticas oficiales, es el empleo del
término actos de terrorismo. Por actos de terrorismo el Observatorio, de acuerdo con el
Ministerio de Defensa, entiende aquellos "hechos en los cuales son utilizados artefactos
explosivos de manera indiscriminada, atacando la vida de los no combatientes y sus
bienes". Según una resolución de las Naciones Unidas se entiende por actos de
terrorismo "los actos criminales con fines políticos concebidos o planeados para provocar
un estado de terror en la población en general, en un grupo de personas o en personas
determinadas son injustificables en todas las circunstancias, cualesquiera sean las
consideraciones políticas, filosóficas, ideológicas, raciales, étnicas, religiosas o de
cualquier otra índole que se hagan valer para justificarlos".
19. Un ejemplo de las contradicciones estadísticas es la discrepancia entre distintas
fuentes. Así el Programa Presidencial para los Derechos Humanos y el Derecho
Internacional Humanitario registra 1 ó 14 casos de ataque a población civil, según la
fuente que originó la información. Si la fuente es del Ministerio de Defensa, reflejaría una
disminución de los ataques a poblaciones en un 75%. Si esta información surge de los
boletines del DAS, representaría un incremento del 180%.
20. Finalmente, la ausencia de estadísticas desagregadas impide conocer cuál es el
impacto de las violaciones e infracciones sobre determinados sectores sociales. Por
ejemplo, la Red de Solidaridad Social al carecer de estadísticas desagregadas sobre
desplazamiento forzado de indígenas y afrocolombianos, no está en capacidad de
establecer lo suficientemente bien la situación de las comunidades y poblaciones más
vulnerables.
Source: ONU - ORGANIZACION DE NACIONES UNIDAS. 2005. Informe de la Alta Comisionada
de las Naciones Unidas para los Derechos Humanos sobre la situación de los derechos humanos
en Colombia. p. 68-71. [réf. du 2005-12-25]. Disponible sur Internet :
http://www.hchr.org.co/documentoseinformes/informes/altocomisionado/Informe2004_esp.doc
416
Annexe K – Profil de la ville de Barrancabermeja selon le
recensement général de 2005.
417
418
419
420
Annexe L – La zone urbaine de Barrancabermeja . Les comunas et
leurs quartiers selon la Mairie de la Ville
La Comuna 1
Arenal, Buenos Aires, Cardales, Dorado, Recreo, David Núñez, San Francisco, Las
Playas, Inscredial, Isla del Zapato, La Campana, San Luis, Las Cruces, La Victoria, Las
Margaritas, Palmira, Sector Comercial, Tres Unidos, Urb. Cincuentenario, San José,
Colombia.
La Comuna 2
Aguas Claras, Ciudad Bolívar, Los Lagos, El Rosario, Galán Gómez, Las Colinas, Olaya
Herrera, Parnaso, Pueblo Nuevo, Torcoroma, Uribe Uribe, 25 de Agosto, Villa Luz I y II,
Yariguies, Villa Olimpica.
La Comuna 3
Belén, Ciudadela Pipatón, Cortijillo, Coviba, Internacional, Jorge E. Gaitán, La Floresta,
La Libertad, La Paz, Los Ficus, Luis Eleazar, San Judas Tadeo, Santa Isabel, 20 de
Enero, Campo Hermoso, Jerusalén, Cristo Rey, Altos de los Ángeles, Altos del Rosario,
Altos de la Virgen, Colinas del Norte, Maria Lucia, Invasión Novalito.
La Comuna 4
Antonia Santos, Bella Vista, Buena Vista, El Bosque, El Castillo, Cincuentenario,
Limonar, Palmar, Refugio, José Antonio Galán, La Liga, Peninsula, Las Brisas, Las
Nieves, Los Pinos, Los Lagos, Villa de Leyva, Los Naranjos, Yarima, Planada Cerro,
Conjunto Cerrado el Refugio, Invasión Cincuentenario.
La Comuna 5
Alcazar, Barrancabermeja, Campo Alegre, Chicó, El Triunfo, Independencia, Candelaria,
Esperanza, Américas, Camelias, Malvinas, Rosales, Miraflores, Primero de Mayo,
Provivienda, Ramaral, San José Obrero, Santa Ana, Simón Bolívar, Tierradentro, La
Tora, Francisco Sarasti, Versalles, Villa Rosita, Chapinero, Invasión Ramaral.
La Comuna 6
Antonio Nariño, El Boston, Brisas San Martin, Brisas del Oriente, Corinto, Danubio,
Progreso, Kennedy, Granjas, Oro Negro, Rafael Rangel, San Pedro, 20 de Agosto.
La Comuna 7
Divino Niño, El Campin, Campestre, Paraiso, Prado, Maria Eugenia, Nueve de Abril,
Santa Bárbara, Vereda la Independencia, Pablo Acuña, Villarelys I, II y III, Invasión el
Poblado, Los Almendros, El Reten, Miradores del Sur, Minas del Paraiso, Invasión Sapo
Escondido.
Source: ALCALDÍA DE BARRANCABERMEJA. 2004a. Barrancabermeja en cifras : 2001 - 2003.
Barrancabermeja. 148 p. [réf. du 2006-10-14]. Disponible sur Internet :
http://www.barrancabermeja.gov.co/
421
Annexe M – Manuel de Conduite des AUC
(Autodefensas Unidas de Colombia)
Normas de convivencia
autodefensas y población civil
(El incumplimiento de cada uno de los puntos especificados acarreará la
respectiva sanción)
1. HORARIO PARA LOS MENORES DE
EDAD
DE 6 A.M. A 9 P.M. Lunes a Viernes
DE 6 A.M. A 10 P.M. Sábados y Domingos
SANCIÓN: Detención durante 12 horas de
menor que infrinja la norma, luego de las
cuales será entregado a sus padres y/o
familiares.
2. HORARIO PARA LOS
ESTABLECIMIENTOS
PÚBLICOS
DE 6 A.M. A 11 P.M. Lunes a Viernes
DE 6 A.M. A 2 A.M. Sábados y Domingos
SANCIÓN: Multa de Quinientos mil
pesos/Cierre temporal del
establecimiento/Cierre permanente del
establecimiento.
3. VENTA DE LICORES
Distribución y venta de bebidas alcohólicas
a personal en servicio de las AUC.
SANCIÓN: Multa de Quinientos mil
pesos/Cierre temporal del establecimiento/
Cierre permanente del establecimiento.
4. ESCÁNDALOS EN LA VÍA PÚBLICA
En el caso de riñas entre civiles se
procederá al decomiso de las armas. En el
caso de riñas entre miembros de las AUC,
entrará en rigor el estamento disciplinario
interno.
SANCIÓN: En el primero de los casos, los
civiles involucrados realizarán trabajos
asignados por las AUC.
5. RELACIONES CON LA POBLACIÓN
CIVIL
Falta de respeto o maltrato por parte de la
población civil hacia personal de las AUC.
Abuso de autoridad o maltrato por parte de
personal de las AUC hacia la población
9. MANTENIMIENTO DE FACHADAS
Hace referencia a la buena presentación de
las casas y sus alrededores.
SANCIÓN: Trabajos para el beneficio de la
comunidad, tales como limpieza de las vías
públicas, mantenimiento de las mismas,
arborización y otros.
10. RECOLECCIÓN DE BASURAS
Cada casa deberá tener su respectiva
caneca roja y hacer uso adecuado de las
mismas.
SANCIÓN: Multa de cien mil
pesos/Trabajos para el beneficio de la
comunidad
11. LIMPIEZA DE FINCAS Y POTREROS
Las fincas que tengan límites con vías de
comunicación deberán mantener sus orillas
limpias, de tal forma que faciliten la
visibilidad.
SANCIÓN: Multa de quinientos mil pesos/
Decomiso del terreno y su posterior
donación a los pobladores de la región de
escasos recursos.
12. MANUTENCIÓN DE ANIMALES
Todo animal doméstico deberá permanecer
en los predios de su propietario y bajo las
medidas de higiene apropiadas.
SANCIÓN: Multa de doscientos mil pesos/
Decomiso de los animales.
13. ESTUDIO OBLIGATORIO
Reglamentado para los menores cuyas
edades estén entre los 4 y 17 años. Este
control se llevará a cabo mediante la
exigencia del respectivo carné de
estudiante.
422
civil.
SANCIÓN: Se someterá a estudio
disciplinario por parte del comando central
y acarreará la expulsión de la
zona/Sanción ejemplar por parte del
comando central y destitución de la
organización.
6. JUEGOS DE AZAR
Participación de los miembros en servicio
de las AUC en cualquier tipo de juego o
espectáculo que desprestigie el buen
nombre de la organización.
SANCIÓN: Disciplinaria al infractor y multa
de quinientos mil pesos al estableciminto
implicado.
7. DESARME DE LA POBLACIÓN CIVIL
Se prohíbe el porte de cualquier tipo de
armas sin autorización previa de las AUC.
Aquellas personas que estén debidamente
autorizadas perderán ese derecho en el
caso de que ingieran bebidas alcohólicas.
SANCIÓN: Decomiso del arma y detención
del infractor/Expulsión de la zona.
8. PRENDAS DE USO PRIVATIVO
Se prohíbe el uso de prendas y/o
accesorios similares por parte de la
población civil.
SANCIÓN: Decomiso de las prendas y
detención del infractor/Expulsión de la
zona.
SANCIÓN: Llamado de atención a sus
padres y sanciones disciplinarias por parte
del comando central.
14. USO DE VEHÍCULOS OFICIALES O
DE ENTIDADES PRIVADAS
Se prohíbe rotundamente el uso de
vehículos con emblemas de entidades
oficiales o privadas por parte del personal
en servicio de las AUC.
SANCIÓN: Amonestación disciplinaria para
el comandante del personal infractor/
Amonestación disciplinaria para los
infractores.
15. HOSPEDAJE Y SITIOS DE VIVIENDA
PARA
LOS MIEMBROS DE LAS AUC
Este punto hace referencia a la utilización
de establecimientos civiles y/o privados,
para ser utilizados por miembros en
servicio de las AUC, como dormitorios o
sitios para acampar.
SANCIÓN: Amonestación disciplinaria para
el comandante del personal
infractor/Amonestación disciplinaria para
los infractores.
16. RESPETO DE LA PROPIEDAD
PRIVADA
Hace referencia al hurto en cualquiera de
sus modalidades, ya sea de animales o
enseres, por parte de miembros de las
AUC o civiles.
SANCIÓN: Amonestación disciplinaria para
los infractores/Amonestación disciplinaria
para el comandante del personal infractor.
Source : NOCHE Y NIEBLA. 2004. Barrancabermeja, la otra versión. Caso Tipo N°3. Bogotá. p. 199.
[réf. du 2003-02-05]. Disponible sur Internet : http://www.nocheyniebla.org/
423
Titre : Les nouvelles formes de violence urbaine en Colombie : les déplacements
forcés à Medellín et Barrancabermeja
Résumé : Le déplacement de population par la violence en Colombie est un
phénomène de longue date qui n’a attiré l’attention de l’État qu’à partir des
années 1990. Cependant, il existe dans l’opinion publique colombienne cette
idée que les villes sont éloignées des actions des protagonistes armés
d’envergure nationale et que les combats se déroulent exclusivement dans les
zones rurales. Toutefois, la dynamique actuelle du conflit interne nous appelle à
l’étude du déplacement à l’intérieur de la ville. La présence de groupes armés
illégaux dans des secteurs urbains, leurs relations de coopération et
d’antagonisme avec différents groupes de la délinquance ainsi que les
affrontements avec la Force Publique, ont produit des déplacements forcés de
population entre les différents quartiers d'
une même ville. Nous nous sommes
proposés de décrire et d’analyser le déplacement intra-urbain comme une
nouvelle forme de violence urbaine, conséquence directe du conflit armé interne.
Nous etudions le cas des villes de Medellín et Barrancabermeja.
Mots clefs : déplacement forcé, violence, violence urbaine, conflit armé,
migration, acteurs armés, intra-urbain, mobilité, déplacés, déplacés internes,
guérilla, paramilitaires, Force Publique, Colombie, Medellín, Barrancabermeja.
Title: New forms of urban violence in Colombia: forced displacement in the cities
of Medellin and Barrancabermeja
Summary: Forced displacement is an issue which has affected Colombia for a
long time, but which only drew the attention of the State in the 1990'
s. Although
Colombian public opinion considers that cities are secluded from the actions of
armed groups, both official and unofficial, and that combats between said groups
belong exclusively to rural areas, the current dynamic of the conflict calls for us to
study forced displacement inside urban areas. The presence of armed illegal
groups in urban areas, their cooperation and clashes with several delinquency
groups and their confrontations with the National Army and Police have produced
the involuntary displacement of people within diverse districts of a same city.
Taking into account the above, our research proposal is to describe and analyze
intra-urban displacement as a new form of urban violence, a direct consequence
of internal conflict. We have as case studies the cities of Medellín and
Barrancabermeja.
Key words: forced displacement, violence, urban violence, internal conflict,
migration, armed actors, intra-urban, mobility, internally displaced people, IDPs,
guerrilla groups, paramilitary groups, army, police, Colombia, Medellín,
Barrancabermeja.

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