Universit d`Angers - Nouvelles acquisitions juin 2015
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Universit d`Angers - Nouvelles acquisitions juin 2015
Université d'Angers Université Jaume I Castellón Année 2011 Réseaux migratoires roumains en Espagne Stratégies et territoires de vie à Castellón de la Plana (Comunidad Valenciana) Thèse de doctorat Spécialités : Géographie sociale et économie internationale Ecole doctorale DEGEST, PRES L’UNAM Université d’Angers Présentée et soutenue publiquement le 16 janvier 2012 à la Faculté des Lettres, Langues et Sciences humaines Université d’ANGERS par Elena Ramona BUCUR Devant le jury ci-dessous : Membres du jury M. le Professeur Dr. R.VIRUELA, Université de Valencia (rapporteur) M. le Professeur Dr. N.POPA, Université de l’Ouest de Timişoara (rapporteur) Mme le Professeur Dr. S.MARCU, Chercheur au CSIC, Madrid M. le Professeur Dr. C.PIHET, Université d’Angers Directeurs de thèse : M. le Professeur Dr. BERNAT Joan Serafi, Université Jaume I, Castellón M. le Professeur Dr. HUMEAU Jean Baptiste, Université d’Angers Laboratoire de géographie humaine et sociale de l’Université d’Angers U.M.R. C.N.R.S. E.S.O. Institut Interuniversitaire de Développement Local (IIDL) de l’Université Jaume I, Castellón de la Plana Remerciements Dans un tout premier temps je souhaite remercier mes directeurs de thèse : Monsieur le Professeur Dr. Jean-Baptiste HUMEAU, professeur de géographie de l’Université d’Angers et Monsieur le Professeur Dr. Joan Serafi BERNAT, professeur d’histoire et institutions économiques de l’Université Jaume I Castellón de la Plana. Le professeur HUMEAU a accompagné et encouragé tout au long de ma formation scientifique depuis le mémoire de maîtrise (2004) jusqu’à la thèse. Le professeur BERNAT a rendu possible et a suivi la réalisation de ma recherche à l’Université Jaume I Castellón de la Plana, Espagne. Je les remercie pour le temps précieux, la patience et la disponibilité qu’ils m’ont accordée et pour la manière encourageante avec laquelle ils ont dirigé ma recherche pour son meilleur aboutissement. Je tiens à remercier aussi les directeurs successifs du Laboratoire de géographie humaine et sociale CARTA de l’Université d’Angers qui m’ont accueillie et l’Institut IIDL de l’Université de Castellón qui ont soutenu ma recherche. Je tiens également à exprimer mes remerciements aux collègues de l’Institut de Géographie de l’Université de Lausanne qui m’ont bien accueillie et spécialement à Madame la Professeure Micheline Cosinschi qui m’a initiée à l’apprentissage de logiciels cartographiques. La partie pratique de ma recherche doctorale a bénéficié de l’expérience accumulée à travers une collaboration essentielle avec l’Association des Immigrants des Pays de l’Est (à Castellón). Mes remerciements s’adressent particulièrement vers la présidente de cette association, Madame Angela Placsintar. Toujours dans le contexte de l’expérience pratique pour une meilleure compréhension des logiques migratoires, le travail de médiatrice interculturelle exercé dans le cadre de la Commission Espagnole d’Aide aux Réfugiées (à Valencia), a été essentiel. J’exprime ma reconnaissance à tous mes collègues de cet organisme. La rédaction de ma thèse en langue française n’aurait pas été possible sans une relecture très attentive de Madame Christiane Humeau à qui j’exprime mes sincères remerciements. Je veux également remercier ma famille pour tout le soutien et la patience dont elle a fait preuve pendant tout ce temps de recherche. Je remercie aussi les personnes rencontrées à Castellón de la Plana qui ont accepté, lors des entretiens, de me confier des épisodes très personnels de leur vie. 2 Sommaire INTRODUCTION GENERALE........................................................................................ 4 L'APPROCHE METHODOLOGIQUE ......................................................................... 10 PREMIERE PARTIE ....................................................................................................... 28 1. LES MIGRATIONS ROUMAINES AU FIL DES DIRECTIVES EUROPEENNES ............................................................................................................................................. 28 DEUXIEME PARTIE ..................................................................................................... 131 2. NOUVELLES CONFIGURATIONS TERRITORIALES DES MIGRANTS ROUMAINS A CASTELLON DE LA PLANA ........................................................... 131 TROISIEME PARTIE .................................................................................................... 275 3. NOUVELLES INTERPRETATIONS DES TERRITOIRES ROUMAINS EN ESPAGNE ........................................................................................................................ 275 CONCLUSION GENERALE......................................................................................... 334 BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................... 342 ANNEXES ........................................................................................................................ 358 TABLE DES CARTES.................................................................................................... 375 TABLE DES FIGURES .................................................................................................. 376 TABLE DES GRAPHIQUES ......................................................................................... 377 TABLE DES PHOTOS ................................................................................................... 377 TABLE DES TABLEAUX.............................................................................................. 379 3 Introduction générale Depuis la fin des années 90 en Espagne, des familles roumaines s’installent pour subvenir à leurs besoins. Diverses régions espagnoles sont particulièrement concernées par l’arrivée progressive de ces familles. La région de Madrid et la côte espagnole méditerranéenne enregistrent les plus fortes concentrations. Le total de population roumaine enregistrée en Espagne lors des données publiées au 1er janvier 2011 est de 865 000 personnes. Dans la province de Castellón, sur la côte méditerranéenne entre Valencia et Barcelone, des concentrations spectaculaires peuvent être observées : 56 052 migrants roumains dans la Province de Castellón au 1er janvier 2011 pour une population totale de 604 000 habitants. Ainsi, dans la ville de Castellón de la Plana, actuellement la proportion de personnes d’origine roumaine est de l’ordre de 10 % de la population totale, ce qui est considérable. La plaine littorale de la Province de Castellón constitue un milieu géographique riche en activités agricoles (vergers d’orangers, entreprises agroalimentaires…) ainsi que d’activités industrielles (nombreuses PME orientées vers la production de céramique). L’urbanisation résultant de l’installation des populations rurales venues de la montagne a déterminé un mouvement de construction d’immeubles et finalement l’installation d’un ensemble des villes très dynamiques. Des besoins de main d’œuvre ont accompagné la mise en valeur économique de cette nouvelle petite région urbaine. C’est dans ce contexte de développement territorial plus ou moins bien maîtrisé que les migrants roumains ont trouvé une société d’accueil dont le besoin en main d’œuvre était considérable dés le début des années 90. Ces migrants roumains arrivés massivement, individuellement ou en famille, sont prêts à travailler dans tous les secteurs de l’économie quelque soit leur qualification. Pourtant ils ne proviennent pas de toutes les régions roumaines. Leur origine géographique suggère l’existence de réseaux de migration. Leur insertion dans l’espace et dans la société espagnole est sélective. Depuis vingt ans les formes d’insertion sociale et économique ont évolué et elles ont provoqué des changements importants chez les migrants et dans la société d’accueil. L’installation de ces familles s’est accompagné de nombreuses difficultés d’intégration dans la société espagnole. Le processus de migration depuis la Roumanie est complexe, mais il concerne essentiellement des familles à la recherche de nouvelles solutions économiques pour mieux vivre. L’arrivée de ces familles en Espagne est donc motivée par des stratégies individuelles et collectives de survie. 4 L’insertion dans la société espagnole pose la question des nouvelles relations à l’espace que ces familles roumaines doivent construire dans un contexte social et économique évolutif avec lequel elles doivent composer. La construction de nouveaux territoires de vie est un enjeu capital pour l’insertion réussie de ces migrants. Ces nouveaux territoires sont difficilement repérables. Ils sont mouvants dans l’espace et dans le temps. L’enjeu de cette recherche doctorale de géographie sociale et d’économie internationale porte sur la construction de ces nouveaux territoires le plus souvent organisés en réseaux. Dans cette recherche le terme « réseau » désigne l’ensemble des liens sociaux, familiaux, économiques, culturels qui sont indispensables au déclenchement de la migration au départ de la Roumanie et qui sont déterminants pour une installation progressive en Espagne. Ces réseaux sociaux s’inscrivent dans une véritable géographie européenne produite par les caractéristiques locales et aussi par les possibilités offertes par les réglementations internationales sur les déplacements des personnes. Les réseaux tels qu’on peut les repérer résultent d’une construction complexe de chaque migrant dans un contexte économique et réglementaire particulièrement évolutif et difficile à maîtriser. Comment les réseaux participent-ils à la construction de nouveaux territoires de vie des familles roumaines migrantes en Espagne ? Comment les déplacements migratoires se construisent-ils dans les réseaux ? Ce sont deux questions complexes, emboîtées l’une dans l’autre qui fondent le cadre de l’approche empirique et théorique de notre recherche. Ces idées clés sont omniprésentes dans la recherche sur les processus migratoires. Ils permettent la mise en scène scientifique des migrations roumaines en Espagne, notamment celle localisée de manière très concentrée dans la Province de Castellón et dans sa capitale Castellón de la Plana. Le rapport au nouveau territoire, la transformation et la transposition du vécu quotidien du migrant à une nouvelle réalité dans une société distincte sont des éléments pour l’analyse spatiale de cette mobilité. Le temps et l’espace cadre de ce processus déterminent les stratégies employées par les migrants roumains pour la construction et le renouvellement continu de leur champ migratoire. …« l’ensemble de l’espace transnational unissant, quelle que soit la distance, lieux d’origine, de transit et d’installation, c’est-à-dire l’espace parcouru et structuré par des flux stables et réguliers de migrations et par l’ensemble des flux( matériels, idéels)induits par la circulation des hommes » 1 constitue le champ migratoire tel que le défini Gildas Simon. 1 SIMON, Gildas. La planète migratoire dans la mondialisation. Armand Colin. Paris, 2008.229 p (citation p.15) 5 La problématique élaborée pour notre recherche est née de l’analyse des particularités de la migration roumaine en Espagne. La totale immersion dans le territoire espagnol et la quotidienneté vécue par les migrants roumains particulièrement dans la Province de Castellón, renvoie à la construction et à l’évolution des réseaux permettant l’émergence de nouvelles territorialités. Nous faisons référence à ces termes de quotidienneté et de territorialité, comme éléments constitutifs du cadre relationnel créé entre les migrants roumains et la société espagnole. « La quotidienneté « entropise » l’existence. (…) Toute quotidienneté est soustendue par un système de relations, relations précises aux êtres et aux choses. (…) Toute cette face relationnelle qui sous-tend la quotidienneté c’est la territorialité. La territorialité c'est la dimension latente de la quotidienneté, c'est la structure relationnelle, pas ou peu perçue, de la quotidienneté. Alors que la quotidienneté est une concaténation, la territorialité est un réseau ; la quotidienneté est concrète, on l'a dit, la territorialité est abstraite car elle est tissée de relations qu'on appréhende mal et difficilement » 2 . Nous nous appuyons sur ces concepts car ils comprennent l’originalité et l’actualité de cette recherche construite sur une réalité transformatrice des espaces et des hommes qu’ils l’habitent en fonction des conjonctures politiques et économiques. En fonction des échelles : européenne, étatiques, régionales et locales, quotidienneté et territorialités se refaçonnent et se transforment en permanence. Ce qui nous guide pour répondre aux questions primordiales posées par la présence roumaine sur le territoire espagnol, c’est la recherche des stratégies de mobilité internationale et des formes d’insertion locale des familles roumaines en Espagne. Le fil conducteur de cette recherche s’amorce avec l’analyse des mutations continues des stratégies de mobilité et de construction des réseaux dans un contexte européen qui évolue depuis une situation économique florissante jusqu’à la crise actuelle. Une première partie de cette recherche introduit au contexte politique européen des migrations roumaines. La dualité entre les pays membres est patente dans le contexte de la Roumanie nouveau membre de l’Union Européenne. Nous situons les trajectoires de la migration roumaine au sein du contexte européen en évolution rapide. Dès 1989, les processus migratoires roumains se développent dans une certaine proximité comme en témoigne alors le petit commerce transfrontalier. Au cours de la dernière décennie, le processus migratoire s’étend à l’Europe entière et jusque dans la péninsule ibérique. 2 RAFFESTIN, Claude et BRESSO, Mercedes. « Tradition, modernité, territorialité ». Cahiers de géographie du Québec.1982, Vol. 26, n°68, p.185-198 6 La transition politique et économique de la Roumanie et la croissance économique de l’Espagne expliquent la présence des migrants roumains qui se distribue à travers le territoire espagnol tout entier. A une échelle territoriale plus fine, notre recherche privilégie une région d’Espagne où la concentration roumaine constitue un noyau fondamental de la migration. Le Département de Castellón dont la capitale Castellón de la Plana est la ville qui accueille en Espagne le plus grand nombre de Roumains par rapport au total d’habitants, constitue l’exemple géographique le plus pertinent. La population roumaine installée à Castellón de la Plana est très visible. De nombreux lieux symboliques accueillent des initiatives privées ou associatives, des lieux du culte. Des représentations d’institutions roumaines parsèment la ville. Photographies, témoignages, cartographies rendent visible cette présence. La présence roumaine spéctaculaire dans la Province de Castellón justifie pleinement le choix de ce territoire à cette échelle d’observation. La question initiale de notre recherche est de saisir sur le terrain, l’existence des réseaux comme expression d’une stratégie migratoire des Roumains pour la construction de nouvelles territorialités. Ce point de vue représente une dimension nouvelle pour observer, analyser et interpréter une migration actuelle. La recherche de l’origine de la migration par la construction de réseaux de nature religieuse évoluant vers des réseaux familiaux et amicaux, constitue une démarche de base pour aborder cet univers des migrants. Nouvelles pratiques des lieux, nouvelles mentalités sont autant d’enjeux pour la réussite du projet migratoire. De nouvelles formes de vivre le territoire, d’habiter le territoire se développent. Elles mêlent des éléments identitaires roumains à une adaptation à la société et aux territoires espagnols. L’identification des nouvelles formes d’habiter, l’analyse des « espaces parcourus » 3 ne peuvent se décrypter qu’avec une connaissance intime des groupes d’acteurs : familles roumaines, associations et entrepreneurs autochtones ou roumains, autorités espagnoles locales, autorités roumaines déléguées en Espagne, … à différentes échelles locales ou transnationales. La nature des liens entre acteurs et migrants est très variée : sociale, culturelle, économique et juridique. La législation migratoire de la société d’accueil est évidemment déterminante, mais les pratiques sur le terrain le sont tout autant. L’influence et l’apport des migrants roumains dans la société d’accueil sont très visibles et sans doute essentiels pour un certain développement local dans tous les secteurs : social, économique, culturel. 3 HUMEAU, Jean Baptiste. TSIGANES EN FRANCE - De l'assignation au droit d'habiter. L'Harmattan. Paris, 1995.410 p (citation p.255) 7 En approfondissant cette particularité territoriale, « l’espace parcouru » on constate que les familles roumaines installées en Espagne ont réussi à construire des réseaux solides et de nouvelles territorialités. Les stratégies d’insertion dans la réalité de la société d’accueil composent donc des éléments importants pour le développement de nouvelles formes d’habiter au fil de plus d’une décennie de migration roumaine en Espagne et particulièrement à Castellón. Il y a une grande diversité de situations familiales roumaines dans ces espaces de vie insérés dans la société espagnole. Des cas représentatifs pour chaque catégorie de migrant (le statut civil du ménage, l’âge des personnes impliquées…) méritent l’analyse. Des situations d’échec de projets migratoires doivent compléter cette approche des migrations roumaines. Le « savoir-migrer » et les stratégies d’insertion sur le marché du travail en conformité ou non avec les lois de migration, constituent des éléments clés pour l’insertion des migrants roumains en Espagne. Entre le moment de l’arrivée sur le territoire espagnol (travail sur le marché parallèle, sans permis de résidence et de travail) et l’obtention d’un emploi régulier salarié ou comme travailleur indépendant, de multiples étapes sont imposées. Une part des ressources des migrants tirées de leur travail, se dirige le plus souvent vers les familles restées en Roumanie. Ce sujet très délicat de la quantité d’argent envoyé constitue un indicateur primordial de l’insertion des migrants dans l’économie locale. Les destinations de ces envois d’argent constituent un défi pour le chercheur. Elles révèlent l’ampleur concrète du champ migratoire qui s’établit entre l’Espagne et la Roumanie 4 . Cet éventail de situations diverses existe à Castellón de la Plana. La crise économique qui touche gravement l’Espagne et surtout Castellón amplifie la complexité du rapport au travail pour la majorité des migrants roumains. Dans ce contexte, les situations familiales, individuelles ou entrepreneuriales doivent être décryptées avec soin. Devant la crise toutes les solutions alternatives méritent l’analyse. La notion controversée de « la politique du retour au pays d’origine » ajoute à la complexité de la situation des migrants roumains en Espagne : retour officiel et subventionné pour certains ou retour « clandestin » pour d’autres. Les nouvelles restrictions de l’intégration sur le marché de travail espagnol aggravent encore plus la situation des migrants roumains. 4 SIMON, Gildas. L’espace des travailleurs tunisiens en France. Structures et fonctionnement d’un champ migratoire international. Université de Poitiers, 1979.426 p 8 La question de la réinterprétation conceptuelle de cette migration roumaine en Espagne est dès lors posée. Comment interpréter la migration roumaine en Espagne dans le contexte des études actuelles sur les migrations ? Il s’agit du passage d’une migration de travail à une circulation imposée par le contexte espagnol et les différents enjeux européens. La construction d’un simple champ migratoire se double de l’élaboration de territoires circulatoires complexes et évolutifs. Des notions conceptuelles comme la « simultanéité », « le transnationalisme » ou « la glocalisation », sont utiles à l’interprétation des espaces parcourus identifiés. Les enquêtes et les nombreux entretiens personnels ont pour objectif, de contribuer non seulement à l’observation fine de réalités mouvantes mais aussi à une nouvelle interprétation de cette migration roumaine. Les nouveaux concepts utilisés pour une vision globale des mobilités internationales contribuent à une compréhension de l’installation des familles roumaines à Castellón. Les nombreux éléments constitutifs d’un projet migratoire (information, réseaux, stratégies migratoires) et la construction d’un nouveau projet de vie pour les migrants installés en Espagne, s’apparentent aux mécanismes de l’initiative entrepreneuriale. C’està- dire que de la conception d’un projet individuel à sa réalisation dans un cadre collectif et familial, le migrant se transforme en un entrepreneur social et souvent économique. Le débat crucial de l’évolution du statut officiel des Roumains en Espagne accroit encore la nécessité d’une initiative entrepreneuriale. Dans ce contexte de la migration provoquant le vide avant la conception et la réalisation du projet migratoire, la charge émotionnelle des familles roumaines est immense. Le lien affectif entre les territoires d’accueil et les territoires d’origine amplifie le besoin d’une véritable connexion émotionnelle entre les familles restées au pays d’origine et les migrants. Ce drame personnel et familial jamais résolu pour les migrants, éclaire la manière de vivre et de percevoir le vécu quotidien. L’identité du migrant se trouve réinventée par les nouveaux réseaux et dans la rude réalité de la société d’accueil. Le changement de la mentalité des Roumains établis en Espagne, l’image qu’ils projettent dans la société espagnole ne sont-ils-pas les clés d’une réalité migratoire à revisiter ? 9 L'approche méthodologique La méthodologie de cette recherche expose le travail exploratoire et d’analyse de la réalité territoriale de la migration roumaine à Castellón de la Plana depuis 1995. La méthode d’immersion dans le territoire des Roumains et l’utilisation d’une observation continue ont constitué les outils majeurs et les plus originaux de cette recherche. L’objectif était d’observer les caractéristiques internationales de cette population dans ses nouveaux territoires. Les stratégies de mobilité et les formes d’insertion des familles roumaines dans la société espagnole constituent le cœur de nos hypothèses. Nous cherchons à mettre en évidence la construction des espaces parcourus 5 , le décalage entre les perspectives espérées et la réalité des projets migratoires. Comment répondre à ces hypothèses ? Quels outils sont nécessaires pour faire un diagnostic de cette présence roumaine dans la ville de Castellón ? Quelles sont les approches possibles pour nouer un lien entre le chercheur académique et ces nouveaux habitants roumains à Castellón ? Comment identifier les acteurs à relations multiples qui interviennent dans la réalité migratoire des Roumains installés à Castellón de la Plana ? Quelles typologies des migrants peut-on y rencontrer ? Quelles territorialités s’établissent entre le lieu d’accueil et celui d’origine ? Une stratégie d’immersion dans les familles roumaines à Castellón de la Plana Doctorante à l’Université d’Angers, de nationalité roumaine, il m’a semblé nécessaire de m’installer à Castellón. Il m’était indispensable, pour approcher la vie des migrants, d’approfondir la pratique de la langue espagnole et de développer des liens académiques avec l’Université de Castellón. J’ai donc recherché une immersion dans les milieux migrants par la participation à des organismes et des associations favorisant l’insertion des migrants dans la Comunidad Valenciana 6 . Ma connaissance intime de la vie roumaine m’a facilité le contact avec les populations migrantes (asiatiques, africaines etc.). 5 HUMEAU, Jean Baptiste. TSIGANES EN FRANCE - De l'assignation au droit d'habiter. L'Harmattan. Paris, 1995.410 p 6 Emploi salarié du 2006-2009 et participation régulière aux activités d’une association des immigrés 10 Ces opportunités de rencontres, cette expérience humaine a enrichi notre regard sur le migrant, l’exilé. L’abord de la question des migrants roumains a donc été enrichi par cette expérience voulue de l’immersion 7 . Il n’est pas étonnant que pendant le déroulement de la recherche, la « cueillette » des informations, beaucoup de facteurs favorables à la collecte des données se soient présentés. Mon premier contact avec la migration roumaine à Castellón de la Plana a été la visite à l’Association des Immigrants des Pays de l’Est 8 . Cette association travaille essentiellement avec la population roumaine. En fait l’orientation des responsables de cette association vers les populations de migrants m’a encouragée à approfondir cette recherche. La participation aux activités de l’association et le contact permanent avec celle-ci ont constitué pour moi une grande richesse pour la compréhension du phénomène des migrations internationales. Grâce à l’association, j’ai pris connaissance des normes juridiques indispensables à l’interprétation des stratégies suivies par les migrants roumains dans leurs itinéraires d’insertion dans la société espagnole. Cette ouverture vers les dimensions de la migration m’a orientée vers les questions du marché du travail espagnol auxquelles sont confrontés les migrants. Personnellement je me suis confrontée aux difficultés d’un emploi de médiatrice interculturelle ayant pour fonction de favoriser les liens entre les cultures et de faciliter le contact entre la population migrante et la population autochtone. Pendant cette période d’immersion absolue ma compréhension du monde de la migration a été développée à plusieurs échelles : locale, nationale ou internationale. Les situations des populations migrantes sont variées : différents niveaux individuels, familiaux, institutionnels doivent être pris en compte. La présence roumaine dans ce territoire produit des groupes de personnes qui nécessitent des services adaptés à une meilleure insertion dans la société d’accueil. Le travail direct avec les migrants roumains pendant trois ans, m’a permis de développer une meilleure connaissance des conditions de réussites ou d’échec. C’est ainsi que j’ai observé et analysé une image réelle de la vie quotidienne des migrants. Cette réalité est trop souvent déformée dans l’imaginaire de tous ceux qui ne font pas l’expérience de l’émigration. Ces étapes d’observation et d’immersion dans l’espace laboratoire choisi, ont été complétées avec rigueur par de nombreuses recherches documentaires. 7 GUTH, Suzie. Chicago 1920 aux origines de la sociologie qualitative. Tétraèdre. Paris, 2004.160 p Voir l’annexe 1: Les activités et les événements en relation avec l’itinéraire scientifique et pratique de la thèse 8 11 Une recherche bibliographique sur les ouvrages traitant le thème des migrations internationales et roumaines en particulier, a été nécessaire pour lancer cette recherche. La consultation de la presse espagnole et roumaine s’est avérée d’une grande importance. Les différents organismes publics espagnols comme les services sociaux, l’Observatoire du Ministère de Travail etc. produisent une information de base essentielle. L’analyse des données quantitative des institutions officielles comme l’Institut National de Statistique, le Ministère de Travail, le Ministère des Affaires Intérieures ou Extérieures et d’autres organismes publics de l’Espagne et de la Roumanie en relation avec les migrations est nécessaire pour une confrontation avec des faits empiriques. L’accueil de divers laboratoires de recherche 9 : CARTA (Laboratoire de géographie humaine et sociale à Angers), IIDL (Institut Interuniversitaire de Développement Local à Castellón) et IGUL (Institut de Géographie de l’Université de Lausanne) a constitué une vraie richesse pour l’apprentissage des outils cartographiques et la collecte de documentation de recherche. Le travail dans ces laboratoires a constitué une très grande contribution méthodologique et bibliographique pour la réalisation de cette étude. La participation à des séminaires internationaux avec la présentation des exemples extraits de la réalité étudiée ont complété l’approche méthodologique de cette recherche. L’étape de l’observation du processus de migration s’est prolongée par l’étape d’analyse détaillée des situations de la présence roumaine dans la capitale de la province de Castellón. Pour la construction de cette phase de recherche nous avons utilisé des méthodes de sondage qualitatif et quantitatif. La partie qualitative du travail a impliqué une enquête sur les différents types de migrants roumains installés à Castellón de la Plana. L’aire géographique de l’étude a été limitée à la capitale de la province. L’ensemble de la ville de Castellón de la Plana a été traité. Ce choix territorial repose sur les données statistiques d’une présence très concentrée des migrants roumains dans cette ville. Selon un diagnostic statistique 10 de la répartition des Roumains dans l’ensemble de la ville nous n’avons pas identifié des quartiers avec une concentration roumaine. 9 Voir le Tableau 1: « Les étapes chronologiques de la recherche depuis 2005 » INSTITUTO NACIONAL DE ESTADISTICA. Datos por secciones censales a 1 de enero de 2009.Disponible sur: http://www.ine.es/jaxi/menu.do?type=pcaxis&file=pcaxis&path=%2Ft20%2Fe245%2Fp07%2F%2Fa2009, (consulté le 3 Juin, 2010) 10 12 Dans une analyse plus détaillée nous observons la partie l’est de la ville avec un nombre des Roumains supérieur au reste de la ville.Cette situation est sans doute liée à l’expansion de la ville et, en particulier, vers le littoral selon les nouveaux Plans d’Urbanisme 11 . Après l’année 2000, cette partie de la ville a connu un développement important de nouvelles constructions. Par conséquent, beaucoup de migrants roumains ont loué ou ont acheté des appartements dans cette partie de la ville. Une autre raison du choix de la capitale provinciale comme espace laboratoire est la localisation de nombreuses institutions et associations qui interviennent dans la quotidienneté des migrants roumains. Une partie importante des enquêtes de cette recherche c’est déroulé dans ces lieux et dans ces quartiers. Ces lieux de référence pour les personnes roumaines ont permis d’établir plus facilement un climat de confiance pour la réalisation des entretiens et enquêtes par questionnaires. Pour développer un peu plus cette confiance, dans un premier temps nous avons proposé une aide à l’information sur les conditions administratives et juridiques (permis de séjour, permis de travail etc.). Les arrivants ont besoin de ce type d’aide. Donner les informations nécessaires crée la confiance et encourage l’échange lors de l’enquête. En fonction de la typologie des migrants interrogés et du degré de confiance accordé, les entretiens se sont effectués dans des environnements différents : au siège de l’institution ou de l’association, au domicile de l’interviewé, ou dans l’environnement de leur loisir, ou de leur travail. La question de la disponibilité est un élément très important lors de la réalisation des entretiens. Les associations ont des horaires adaptés aux possibilités des migrants roumains. Dans ce cas là, la réalisation des entretiens est possible plutôt dans la soirée ou le dimanche et dans les endroits de loisirs des interviewés. 11 AYUNTAMIENTO DE CASTELLÓN. MODIFICACIONES, PLANEAMIENTO Y PROGRAMAS DE ACTUACION INTEGRADA APROBADOS (datos actualizados a 08/05/10) [En ligne]. Castellón de la Plana: Ayuntamiento, 2010. Disponible sur : < http://www.castello.es/archivos/102/Resumen_Planes_Programas_Aprobados.pdf > (consulté le 3 Juin, 2010) 13 Le traitement des données issues des sondages et enquêtes Le travail minutieux de construction des entretiens nécessite une réflexion continue sur les différents types d’acteurs. A la suite de l’itinéraire empirique de la recherche nous avons rencontré et enquêté plusieurs catégories d’acteurs. Des liens sociaux, économiques, culturels à différents niveaux réunissent les types d’acteurs. Six grandes catégories d’acteurs ont été construites: les ménages roumains, les personnes dont le projet migratoire a échoué, les institutions espagnoles, les institutions et les associations roumaines, les particuliers et les entrepreneurs espagnoles, les entrepreneurs roumains. Pour chaque groupe des problématiques différentes se développent. On ne peut pas adresser les mêmes questions et suivre les mêmes objectifs d’enquête entre un ménage roumain et une entreprise roumaine. Il faut toujours adapter les enquêtes à chaque catégorie d’acteurs. Mais il faut aussi chercher à saisir l’intersection permanente entre leurs relations. Selon la méthode utilisée, de l’entretien compréhensif, « chaque enquête produit une construction particulière de l’objet scientifique et une utilisation adaptée des instruments: l’entretien ne devrait jamais être employé exactement de la même manière » 12 . Par exemple dans le cas des entrepreneurs roumains c’est l’idée entrepreneuriale qui mérite l’analyse. L’identification du parcours de l’entreprise (cafétéria, entreprise de construction, agence immobilière, salon de coiffure, cabinet de stomatologie etc.) est déterminant. Les témoignages des représentants des institutions espagnoles (exemple : la Chambre de commerce) jouent un rôle surtout en relation avec les autres catégories d’acteurs : les entrepreneurs roumains ou les institutions roumaines (ex : Le Bureau du Département Dâmboviţa, Roumanie). Les institutions roumaines dévoilent aussi des informations intéressantes en corrélation avec les catégories citées antérieurement (le rôle des associations ou du consulat dans la vie des Roumains de Castellón). Il faut aussi ajouter la catégorie de personnes avec des projets de vie échoués. Dans notre recherche cette catégorie représente les personnes qui ont exigé l’intervention des autorités roumaines ou espagnoles pour remédier à des situations difficiles. 12 KAUFMANN, Jean-Claude. L'entretien compréhensif. Armand Colin. Paris, 2008.127 p (citation p.17) 14 La rencontre de ces cas et la confiance établie pour fournir l’aide à ces personnes est le fruit des expériences de médiatrice interculturelle que j’ai réalisées. Une autre tâche est d’établir des relations avec les autorités compétentes qu’y peuvent intervenir. Les situations les plus délicates du processus migratoire des personnes roumaines ont donné lieu à une analyse. Par exemple le cas d’une de victimes du trafic de personnes a été analysé. Le retour en Roumanie de cette personne a nécessité l’intervention des autorités espagnoles et roumaines en lien avec les actions de médiation interculturelle. Tous ces acteurs sont intervenus dans la résolution de cas finalement positifs. En accord avec l’opinion de Kauffmann 13 « il faut cependant privilégier systématiquement le scénario de la découverte, et donner tout leur chance aux « cas négatifs » (ceux qui ne rentrent pas dans le modèle) » et dans la présente recherche, ces cas ont une place privilégiée. Dans la figure suivante (Figure 1) les relations entre les grandes catégories sont mises en évidence. Les migrants roumains construisent une relation singulière avec l’espace où ils vivent. Des espaces vécus construits par des migrants roumains installés à Castellón de la Plana sont mis en évidence. Tous les types d’acteurs interfèrent dans une certaine mesure aux différentes échelles : individuelles, familiales, des entreprises, des institutions ou d’associations. On observe aussi les différents niveaux d’action de ces réseaux juridique, économique, social, culturel ou politique. Chaque niveau peut avoir des interactions directes ou indirectes avec les autres niveaux en fonction de la catégorie d’acteurs. Par exemple un ménage roumain peut avoir des relations juridiques avec les institutions espagnoles, des relations économiques avec un particulier espagnol pour lequel un de ses membres travaille. En même temps un autre membre du ménage peut avoir des relations sociales avec les entrepreneurs roumains pour les services qu’ils offrent (l’utilisation des services d’un roumain salon de coiffure). Dans le même contexte, au moins quelqu’un de ce ménage peut disposer des relations culturelles à travers d’une association roumaine. 13 KAUFMANN, Jean-Claude. L'entretien compréhensif. Armand Colin. Paris, 2008.127 p (citation p.87) 15 Figure 1. Les liens entre les acteurs de la migration roumaine à Castellón de la Plana Dans cette enquête qualitative générale, un grand poids est occupé par les entretiens sur les parcours migratoires de plus d’une vingtaine des ménages roumains. Ces unités de sondage ont été groupées aussi en plusieurs types. 16 Dans ces cas là, la même grille de questions a été utilisée pour diriger l’entretien. Cependant la liberté et la flexibilité des réponses ont toujours été respectées. Il ne faut pas sous estimer les difficultés rencontrées dans la collecte de ces récits de vie. Les personnes sont plus ou moins favorables à l’exposé de leurs trajectoires migratoires. Il faut prendre en compte les sentiments de tristesse, de peur, de honte, de déception ou d’incertitude que chaque migrant doit revivre pendant le déroulement de l’entretien. Tous ces aspects ont été repérés et rappelés antérieurement: « bien conduire l’entretien compréhensif est un exercice passionnant, riche d’informations, d’humanité, et d’émotions, mais qui peut laisser l’enquêteur épuisé » 14 . Nous avons souvent remarqué la tristesse de l’enquêté lorsqu’il commence à raconter un épisode difficile de son itinéraire migratoire: « il est devenu très triste quand il parlait de sa famille restée en Roumanie » 15 . Une analyse repose sur des profils de migration, des personnes dont le niveau d’études est moyen 16 . Elles ont renoncé à leur pays d’origine sans un minimum de garantie ou de réussite dans le pays d’accueil. C’est un de traits qui distinguent la migration roumaine vers l’Espagne. Cet aspect s’est ressenti dans la difficulté de trouver des personnes qui peuvent raconter son trajectoire migratoire. Une certaine méfiance, même face aux compatriotes représente un obstacle pour la réalisation de toutes les enquêtes. On peut illustrer par l’enquête 17 réalisée par l’Université Jaume I Castellón sur la confiance entre migrants. Sur un échantillon de 400 personnes, 48,9% des roumains interrogés ont dit n’avoir aucune confiance ni dans une personne proche, 36% ont confiance dans une ou deux personnes de leur réseau social très proche. Ce contexte de méfiance a impliqué la recherche de lieux et de moments appropriés pour la réalisation des entretiens. Méthodologiquement, la grille a été construite avec des questions clés en laissant beaucoup de liberté à la personne interrogée pour raconter son histoire de vie. 14 KAUFMANN, Jean-Claude. L'entretien compréhensif. Armand Colin. Paris, 2008.127 p (citation p.49) Témoignage d’une amie de la personne interviewé présente à l’entretien avec l’accord de l’interrogé 16 En France, par exemple, les migrants roumains appartiennent majoritairement à une certaine élite cherchant à se perfectionner (contrat de travail ou de recherche, accords universitaires etc.) 17 BERNAT MARTÍ, Joan Serafí (Dir.). Estudio del capital social a partir de las redes sociales y su contribución al desarrollo socioeconómico: el colectivo de inmigrantes rumanos en la provincia de Castellón [En ligne]. Fundación Ceimigra. Valencia, 2010.168 p (Cuadernos de investigación, 13) Disponible sur : < http://www.ceimigra.net/observatorio/images/stories/Cuadernos_N_13_vfbl.pdf > (citation p.96) 15 17 À travers de cette technique « la grille de questions est un guide très souple (…) pour faire parler les informateurs » 18 « chaque cas est particulier, chaque histoire a une structure qui lui est propre » 19 . Les entretiens ont été réalisés pendant quelques mois entre mai et octobre 2009. Le choix de cette période explique la richesse des informations. La variété des événements économiques et politiques européens (l’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne) puis la crise du marché immobilier en Espagne ont été des moments clés justifiant l’attendre l’année 2009 dans la réalisation des enquêtes. Comme on peut observer dans la figure 2, plusieurs paramètres principaux ont été choisis pour classer les ménages rencontrés. L’élément le plus important est le statut civil de la personne interrogée. Cette référence a permis d’identifier et de confirmer l’hypothèse d’une grande présence de familles parmi les migrants roumains de Castellón. Un autre point important est aussi la complexité des situations familiales. Un autre critère d’intérêt pour la présente recherche constitue les stratégies des mobilités adoptées depuis leur arrivée et jusqu’à la date de l’enquête. La catégorie d’âge nous offre des réponses pour les trajectoires d’insertion sur le marché de travail avant et pendant la crise économique. Il est très important de mettre en évidence la correspondance entre la répartition des enquêtes et les groupes d’âge les plus nombreux parmi les travailleurs roumains installés à Castellón de la Plana. La localisation géographique d’origine est de nature à confirmer les hypothèses sur la provenance des migrants roumains et la construction de réseaux. Des ouvrages attestent d’une présence roumaine originaire du sud de la Roumanie en Espagne. Mais il reste à croiser ces données avec les témoignages des personnes interrogées. C’est pour cette raison que nous avons insisté sur l’indicateur géographique qui sera utilisé plus tard dans les enquêtes quantitatives. Il faut noter que l’entretien a concerné une personne de l’unité familiale (le mari ou la femme) mais que la personne a fourni des informations sur l’ensemble du ménage selon le cas. 18 19 KAUFMANN, Jean-Claude. L'entretien compréhensif. Armand Colin. Paris, 2008.127 p (citation p.44) Idem, ibidem (citation p.86) 18 Figure 2. Ménages roumains interviewés à Castellón de la Plana entre mai et octobre 2009 19 Les entretiens se sont déroulés en langue roumaine 20 . La durée a varié entre une et deux heures et demie en fonction de la disponibilité de la personne interrogée. La conduite de l’entretien a cherché à identifier la trajectoire migratoire de la catégorie du ménage interrogé pour établir le scénario de la mise en œuvre du projet de vie. L’autre objectif a été de visualiser les territorialités entre le lieu d’installation et le lieu d’origine. Figure 3. Modèle d’entretien utilisé auprès des ménages roumains à Castellón de la Plana Création et réalisation : R. Bucur, 2009 L’aspect économique de cette migration est souvent à l’origine d’autres questionnaires. L’envoi des fonds financiers dans le pays d’origine a provoqué des difficultés pour l’enquête. Il a fallu surmonter ces obstacles pour trouver des informations sur ce thème en respectant la confidentialité des données. La nécessité de connaître cet aspect dans le cadre de la présente recherche, nous a conduit à mobiliser d’autres sources. 20 Voir l’annexe 2: le corpus de l’entretien 20 Il nous fallait rendre visible géographiquement les envois des fonds en Roumanie. Toutes ces enquêtes délicates ont été réalisées personnellement durant deux périodes et dans deux lieux différents. La première moitié des questionnaires a été remplie entre juillet et septembre 2007 au siège de l’Association de Immigrants des Pays de l’Est à Castellón. L’autre moitié a été réalisée en avril 2008 au siège d’un événement organisé par des autorités roumaines. Il s’agit de la Bourse d’emplois créée par le Ministère Roumain de Travail pour favoriser le retour de ses citoyens au pays d’origine. Les stratégies adoptées pour la réalisation de ces questionnaires reposent sur la possibilité de rencontrer des migrants roumains dans des situations différentes. Le choix de la période de la réalisation des enquêtes est en accord avec le contexte économique espagnol. Nous formulons l’hypothèse que cet aspect conjoncturel peut avoir des conséquences sur la quantité des fonds envoyés. La période avant et pendant l’année 2007 est encore très prospère économiquement, tant que l’arrivée de la crise économique en 2008 réduit les envois d’argents dans le pays d’origine. Pour la méthode de ces enquêtes on a choisi le type d’échantillon stratifié: « On parle d'échantillon stratifié lorsque la fraction de sélection diffère en fonction de certaines caractéristiques de la population (sexe, région, statut, âge, etc.). On stratifie pour permettre que toutes les catégories de la population qui nous intéressent soient représentées en nombre suffisant » 21 . L’échantillon des enquêtés a été choisi aléatoirement. L’échantillon stratifié se distribue selon les catégories suivantes : période de résidence, migration en famille ou individuelle, groupe d’âge, genre. Pour la catégorie de groupe d’âge les personnes de moins de 20 ans on été exclus. Les catégories présentées sont croisées avec les autres éléments qui nous intéressent, en l’occurrence le thème des envois de fonds. Par exemple, pour 95 questionnaires dont 80 personnes envoient de l’argent ce qui représente 85% du total, 14 personnes n’envoient pas ce qui représente 14.9%, alors qu’un questionnaire reste sans réponse. Ces réponses sont croisées avec l’âge des personnes interrogées ou le temps de résidence à Castellón. 21 DURAND, Claire. L'échantillonnage. La gestion du terrain. Notes de cours, deuxième partie [En ligne]. 2002, p. 6, Disponible sur : < http://www.mapageweb.umontreal.ca/durandc/Enseignement/MethodesDeSondage/Echantillon.pdf > (consulté le 7 Juin, 2010) 21 Figure 4. Modèle du questionnaire sur les envois des fonds en Roumanie par les Roumains installés à Castellón de la Plana. Création et réalisation R. Bucur, 2007 22 Selon la figure 4 (modèle de questionnaire) on peut observer une grande diversité des questions qui ouvrent à d’autres problématiques. Les informations intéressantes obtenues ont été utilisées pour l’analyse d’autres paramètres juridiques, économiques par croisement avec les données statistiques, les événements du contexte politique etc. Un autre objectif a été atteint aussi par la cartographie des informations. De cette manière il a été possible de construire une carte des lieux où arrive l’argent envoyé par les personnes interrogées. Un panorama détaillé de ce processus à l’échelle de la commune ou du village où arrivent les fonds a pu être dressé. La cartographie: une approche indispensable pour la dimension géographique des problématiques sociales L’utilisation des outils cartographiques donne une représentation visuelle aux divers aspects étudiés. Les logiciels cartographiques expérimentés pendant le stage de recherche à l’Institut de Géographie de l’Université de Lausanne ont été utilisés pour rendre visibles les résultats des méthodes qualitatives, quantitatives et la gestion des données statistiques. Pour une étude en profondeur des données sur la population roumaine on a choisi une méthode cartographique de visualisation interactive. Le logiciel employé, Géoclip, est « un outil pour développer des applications de WebMapping, la cartographie interactive sur l’Internet » 22 . L’objectif de choix de cet outil a été la nécessité de mettre à jour des processus à une échelle détaillée (communes). La difficulté rencontrée a été de trouver la cohérence pour superposer les données statistiques à traiter au fond de carte géoréférencé. Les difficultés ont été provoquées par les communes dépeuplées, celles qui se sont regroupées ou celles qui ont changé leur code de référence. Une autre difficulté est née du décalage entre la géoréférenciation et les données statistiques de population. 22 COSINSCHI, Micheline. Aide-mémoire Géoclip 2009.Géovisualisation et traitement de l'information. Master de géographie. Institut de Géographie. Faculté des Géosciences et de l’environnement UNIL, 21 Octobre 2009 23 Le traitement d’une information et le croisement des données statistiques à l’échelle des 8250 communes propres au territoire espagnol confère une grande précision de la visualisation de l’information recherchée. En plus, cette méthode confère une navigation précise et interactive 23 des indicateurs qui nous intéressent tant à l’échelle spatiale des différents niveaux géographiques (la commune, la province etc.) qu’à l’échelle temporelle des phénomènes étudiés. D’autres types de cartes ont été crées dans un premier temps avec le programme Google dans le format html 24 . Ensuite elles ont été transposées et reconstruites avec le logiciel Adobe Illustrator. A coté des outils cartographiques cette recherche a été complétée par d’autres types d’éléments visuels comme les tableaux, les schémas, les graphiques et les photos. Pour les tableaux, les schémas et les graphiques l’esprit créatif suffit à rendre visible un phénomène théorique. Dans le cas des clichés photographiques révélateurs de la présence roumaine à Castellón un temps d’observation est nécessaire et une participation sensible et régulière aux divers événements ou activités s’impose. 23 Il est possible « naviguer » sur les cartes de la présence roumaine en Espagne dans la page web : http://mesoscaphe.unil.ch/geovis/geoclip/migresro/ 24 Il est possible de regarder la carte des acteurs de la présence roumaine à Castellón de la Plana sur le site: <http://maps.google.com/maps/ms?client=firefoxa&hl=es&ie=UTF8&t=h&msa=0&msid=115756771200825916621.00047a4eafa67886ef2e4&ll=39.982974, -0.019967&spn=0.03091,0.075531&z=14> 24 Conclusion Le travail méthodologique est la clé du déroulement rigoureux de cette recherche 25 . Le choix de pouvoir observer une présence continue dans l’espace laboratoire représente l’élément primordial pour comprendre le processus étudié. Les contacts réalisés dans les lieux d’accueil des Roumains ont un rôle essentiel dans la réalisation du travail qualitatif et quantitatif de la recherche. Les actions de médiation interculturelle ont participé à la compréhension de différentes situations des migrants roumains. Le choix d’une palette d’acteurs intervenant dans la migration roumaine de Castellón de la Plana offre un panorama de la complexité des relations qui existent. Comme l’indique A. Da Cunha, sur la méthode de la recherche « la première étape consiste alors en une précompréhension en profondeur du thème de recherche conduisant à l’élaboration d’une problématique de recherche» 26 . Dans notre étude, on peut donner un nom à la méthodologie employée. Il s’agit de « l’exploration abductive » qui résulte de l’harmonie établie entre la démarche empirique et la démarche hypothético-conceptuelle. 25 Voir l’annexe 1 DA CUNHA, Antonio. Objet, démarche et méthodes: les paradigmes de la géographie. Institut de Géographie- Université de Lausanne. Lausanne : Institut de Géographie- Université de Lausanne, 2006.213 p (citation p.13) 26 25 26 Tableau 1. Croquis sur le parcours de la recherche depuis le 2005 jusqu’à présent. R. Bucur, Castellón de la Plana 27 Première partie 1. Les migrations roumaines au fil des directives européennes 28 Introduction La place des migrations, roumaines en fonction de la transformation continue du contexte européen en matière des politiques migratoires, nécessite une réflexion approfondie pour en souligner les aspects essentiels. Pour notre étude il s’agit de repérer cette variation des politiques migratoires en Roumanie et l’adaptation des Roumains à ce contexte européen si variable. Quelles sont les stratégies d’adaptation des migrants roumains aux normes européennes et, simultanément, comment suivre leurs trajectoires migratoires ? Quelle est la position de la Roumanie par rapport aux politiques migratoires européennes et en même temps avec les Roumains qui émigrent ? Le fil conducteur de cette partie est l’analyse des transformations continues du contexte européen qui ont conduit les Roumains à la recherche permanente de stratégies dans leurs itinéraires migratoires. Ainsi, nous remarquons plusieurs échelles dans l’analyse de ces parallélismes entre les migrants roumains, la Roumanie et les normes migratoires européennes. L’évolution du statut de la Roumanie : pays ex-communiste devenu membre de l’Union Européenne a impliqué la prise de mesures très strictes en termes de politiques migratoires. Dans une première phase, cette trajectoire a connu des restrictions législatives importantes pour la libre circulation des Roumains par l’obligation du visa Schengen, par la migration sélective des personnes hautement qualifiées ou par une migration de travail contrôlée liée aux accords avec d’autres pays membres. A l’échelle des migrants roumains, cette période a entraîné la recherche de tactiques pour vaincre les contraintes réglementaires et pour engager leurs trajets migratoires. Nous pouvons parler d’un emboîtement d’échelles temporelles et spatiales dans le développement de ces itinéraires pour les migrants roumains qui se déplacent en Europe. Ils commencent leur mobilité en 1990, après la chute du régime communiste par des tâtonnements simples autour des frontières. L’évolution dans le temps et dans les distances de ces premiers mouvements est caractéristique. Ainsi, en parallèle avec l’évolution des mesures européennes favorables à la Roumanie, les migrants roumains multiplient leurs itinéraires migratoires partant de destinations anciennes comme l’Allemagne ou la France pour gagner l’Italie et l’Espagne. 29 Pourquoi l’Espagne ? Quelles sont les stratégies employées pour s’y installer ? Ce dernier territoire de migration connaît des concentrations significatives de population roumaine. Nous analyserons avec précision le département de Castellón, un pôle important de cette migration et nous définirons la particularité du développement de cette présence roumaine à Castellón. Quelles caractéristiques du « savoir migrer » les Roumains révèlent-ils au fil des politiques migratoires existantes entre la chute du communisme et la période actuelle, entre la Roumanie et les autres territoires jusqu’à Castellón ? 30 1.1. Les politiques actuelles de migrations européennes et la situation des Roumains migrants Le contexte des politiques européennes constitue un point d’analyse indispensable à la compréhension des migrations roumaines vers l’Espagne. L’actualité européenne, entre la crise économique et les politiques restrictives pour la migration, représente un enjeu important pour la Roumanie, nouveau membre de l’Union européenne. Dans un premier temps, nous analysons les contraintes pour le nouveau membre communautaire sur les politiques de migration actuelles : les normes européennes, les restrictions sur le marché du travail des autres pays de l’Europe mais aussi les stratégies appliquées par les migrants roumains à la recherche d’une meilleure qualité de vie. Par ailleurs nous devons prendre en compte la situation de la Roumanie à la frontière de l’Union Européenne. Elle doit respecter ses engagements vis-à-vis des populations noncommunautaires voisines. En particulier les transformations juridico-économiques de la vie de la population moldave augmentent la pression aux frontières roumaines. Dans un deuxième temps, nous faisons l’analyse rétrospective du contexte législatif de la migration roumaine en Europe jusqu’à la chute du communisme en Roumanie. Les conditions de la libre circulation des Roumains en Europe en conformité avec la législation européenne sont en rupture totale avec celles de la période communiste. Les normes et les stratégies issues des accords avec d’autres pays européens conditionnent strictement les migrations roumaines. 31 1.1.1. Le contexte européen actuel La communauté européenne continue à chercher des solutions pour sortir de la récession économique dans laquelle elle est entrée depuis 2008. L’une des plus importantes mesures qui constitue une priorité est celle du renforcement de la mobilité des travailleurs 27 dans l’Union Européenne. Mais, dans ce panorama migratoire « quand les instances européennes et les pays d’accueil ont progressivement pris conscience de leur déclin démographique annoncé pour l’horizon 2030» 28 les effets directs de la crise limitent paradoxalement les flux migratoires. Chaque pays essaie de protéger son marché du travail 29 avec des restrictions accrues pour le recrutement des travailleurs étrangers. Dans cette situation de crise les migrants sont les premières victimes, perdant leurs emplois au profit des populations autochtones. En 2009, l’Union Européenne met en place la Carte Bleue européenne 30 , il s’agit d’« un permis spécial de séjour et de travail pour les ressortissants de pays tiers qui demandent leur admission sur le territoire d'un État membre afin d'y occuper un emploi hautement qualifié ». Ce dispositif encourage la migration de chercheurs et de personnes hautement qualifiées. Même si elle permet à ses possesseurs un accès au marché du travail et qu’elle accorde différents droits socio-économiques, de circulation à l’intérieur de l’U.E. et de regroupement familial, elle impose ses limites administratives car elle ne donne pas le droit de résider en permanence. De plus, il y a « des quotas pour limiter le nombre de cartes émises » 31 . Selon le rapport mondial sur le développement humain 2009, les migrants souffrent d’un degré de vulnérabilité très accentué à cause de cette de récession économique. 27 ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES. Réformes économiques : objectif croissance 2010 [En ligne]. 2010. Disponible sur : < http://www.oecd.org/dataoecd/8/46/44757351.pdf > (consulté le 15 Mars, 2010) 28 WIHTOL DE WENDEN, Catherine. « Préface.L’Europe, un continent d’immigration qui s’ignore ». In : WEBER, Serge. Nouvelle Europe, nouvelles migrations Frontières, intégration, mondialisation. Paris : Editions du Félin, 2007. p. 7 29 ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES. Synthèses : Migrations internationales : quelle ligne de conduite adopter suite à la crise ? [En ligne]. OCDE, 2009. Disponible sur : < http://www.oecd.org/dataoecd/0/6/43201738.pdf > (consulté le 15 Mars, 2010) 30 PARLEMENT EUROPEEN. L'observatoire législatif. Politique d'immigration: emploi hautement qualifié [En ligne], 2009. Disponible sur : < http://www.europarl.europa.eu/oeil/FindByProcnum.do?lang=1&procnum=CNS/2007/0228 > (consulté le 21 Février, 2011) 31 ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES. Synthèses : Etude économique de l’Union Européenne [En ligne].OCDE, 2009. Disponible sur : < http://www.oecd.org/dataoecd/16/56/43738288.pdf > (consulté le 16 Mars, 2010) 32 Dans la plupart des cas leurs droits restent très limités aux lois migratoires de plus en plus restrictives qui imposent des « barrières» 32 physiques et juridiques. L’existence d’un Livre Vert 33 européen dont le thème central est la migration économique dans l’Union Européenne, cherche à développer des solutions pour la création d’une politique communautaire d’immigration cohérente dont les mesures sont adoptées au niveau communautaire européen c’est-à-dire en dépassant les limites nationales. 32 PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR LE DEVELOPPEMENT. RAPPORT MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT HUMAIN 2009, Lever les barrières : Mobilité et développement humains [En ligne]. PNUD, 2009. Disponible sur : < http://hdr.undp.org/en/media/HDR_2009_FR_Complete.pdf > (consulté le 15 Mars, 2010) 33 COMISION DE LAS COMUNIDADES EUROPEAS. LIBRO VERDE. El planteamiento de la UE sobre la gestión de la inmigración económica [En ligne].Bruselas, 2005. Disponible sur : < http://ec.europa.eu/justice_home/doc_centre/immigration/work/doc/com_2004_811_es.pdf > (consulté le 15 Mars, 2010) 33 Carte 1. Le panorama des mouvements migratoires roumains dans le contexte politique et économique actuel 34 L’existence des conjonctures économiques, démographiques et politiques parfois contradictoires d’un état européen à l’autre et d’un contrôle sur l’admission à long terme des étrangers dans l’Union Européenne, limite la construction d’une politique d’immigration communautaire pour arriver au « vivre ensemble» 34 dans l’espace européen. Dans ce contexte, il faut ajouter la construction de l’espace Schengen de libre circulation sans frontières internes. Cet espace connaît cependant des fractures territoriales en fonction des modes de fonctionnement différents d’un état à l’autre pour la délivrance des visas. En matière de contrôle plus complexe sous l’égide européenne, les états ont créé l’acquis Schengen 35 qui fait partie de la législation communautaire. La suppression des frontières internes, la libre circulation dans cette espace peut donner à certains l’impression d’un territoire comparable à « une passoire» 36 et les mesures pour la garde des frontières externes offrent en même temps la vision de l’espace Schengen comme une « Europe forteresse» 37 contre la migration illégale. « Le ralentissement de l’activité économique mondiale et la diminution des postes de travail » entraînent un renforcement « des contrôles sur les flux d’immigration » et une adaptation « des politiques de migration et d’intégration pendant la crise », confirme la Synthèse de l’OCDE 38 . L’élargissement de l’Union Européenne déplace les frontières extérieures à l’Est de l’Europe et donne l’aspect d’un espace circulatoire avec un contrôle plus sévère à cause de la disparition des frontières internes. Les derniers états entrés comme membres communautaires et qui vont adhérer à l’espace Schengen, deviennent des périphéries sécurisées pour les migrants des pays tiers. Le système informatique Schengen de plus en plus vigilant sur la migration irrégulière oblige la Roumanie et la Bulgarie à mieux surveiller leurs frontières. 34 SIMON, Gildas. La planète migratoire dans la mondialisation. Armand Colin. Paris : Armand Colin, 2008. 229 p 35 PRAT-ERKERT, Cécile. « Les politiques d’immigration en Europe depuis 1970 ». In : LESTRADE, Brigitte. Emploi et Immigration. Vers une convergence des pratiques en Europe ? Paris : L'Harmattan, 2009. p. 53 36 SANGUIN, André-Louis. « Les nouvelles perspectives frontalières de l’union européenne après l’élargissement de 2004 ». L’Espace Politique [En ligne]. 16 Janvier 2007, Vol. 1, n°1/ 2007-1, Disponible sur : < http://espacepolitique.revues.org/index437.html > (consulté le 14 Mai, 2010) 37 WEBER, Serge. Nouvelle Europe, nouvelles migrations. Frontières, intégration, mondialisation. Editions du Félin. Paris : Editions du Félin, 2007.118 p (citation p.23) 38 ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES. Synthèses : Migrations internationales : quelle ligne de conduite adopter suite à la crise ? [En ligne]. OCDE, 2009. Disponible sur : < http://www.oecd.org/dataoecd/0/6/43201738.pdf > (consulté le 15 Mars, 2010) 35 Ceci exige une grande coopération sur les thèmes de la sécurité des frontières et de l’harmonisation entre l’acquis communautaire et la législation roumaine. 1.1.2. Le contexte de la Roumanie après son entrée dans l’Union Européenne Le contexte de la Roumanie comme membre de l’Union Européenne, engendre des transformations importantes d’ordre politique avec les pays voisins. La principale exigence pendant le processus d’adhésion et après l’entrée, est représentée par l’application des lois européennes en matière de justice, de sécurité des frontières et du contrôle de la migration. La coopération avec l’Union Européenne à travers le Système Informatique Schengen et le Code des frontières Schengen sur les règles communes de circulation des personnes et la consultation permanente sur le régime de délivrance des visas aux citoyens des pays extracommunautaires, sont les principales stratégies adoptées par les Roumains pour la future adhésion à l’espace Schengen. Mais, dans ce panorama fragilisé par la crise économique qui couvre l’Europe entière, la Roumanie doit faire de grands efforts pour remplir les conditions de tous ces accords. En janvier 2009, la Roumanie finit sa période transitoire imposée par certains pays sur le libre accès des travailleurs roumains aux marchés européens. La décision de supprimer les restrictions pour travailler à tout citoyen européen appartient aux états suivants: l’Espagne, la Grèce, le Portugal, l’Estonie, la Finlande, la Pologne, la Slovaquie, la République Chèque, Chypre, la Suède, la Slovénie, la Lettonie, la Lituanie, la Bulgarie. Le Danemark n’a pas imposé de restrictions et la Hongrie ouvre son marché à toutes les qualifications. Les autres états membres européens maintiennent les restrictions sur leur marché de l’emploi sans annoncer de date pour leur suppression. 36 Il y a quelques exceptions comme : l’Allemagne qui accepte des travailleurs roumains selon des accords bilatéraux, l’Italie qui déclare une ouverture graduelle de son marché du travail au grand nombre de Roumains résidents sur son territoire, l’Angleterre et la Belgique qui envisagent d’enlever les restrictions pour les travailleurs roumains à partir de 2011 39 . L’Espagne qui a imposé une période transitoire de deux ans aux Roumains, comme aux autres membres européens incorporés à l’Union Européenne en 2004, a décidé d’enlever ces restrictions de travail en janvier 2009 dans un contexte délicat alors que la crise du bâtiment affecte considérablement son territoire. Pourquoi ce pays qui a beaucoup de difficultés économiques prend-il cette décision ? Le grand nombre des Roumains présents sur son territoire joue-t-il un rôle dans cette prise de décision ? Une réponse est donnée par les représentants des institutions diplomatiques roumaines, selon laquelle 20% des Roumains travaillent déjà en Espagne comme travailleurs indépendants. Beaucoup d’autres ont été employés avec un contrat. Nombreux sont les travailleurs qui demandent des informations pour retourner en Roumanie. Toutes ces situations et les campagnes gouvernementales roumaines pour attirer ses citoyens actifs émigrés en Europe, expliquent sans doute cette prise de décision du côté espagnol. Dans ce contexte, la vice-présidente Maria Teresa Fernández de la Vega affirme: « atendiendo a la situación en que se encuentra Rumanía y Bulgaría, los flujos migratorios es probable que a medio plazo se den un poco al revés» 40 . (Étant donné la situation dans laquelle se trouvent la Roumanie et la Bulgarie (A ce moment les deux pays n’étaient pas encore touchés par la crise économique et en Roumanie, les salaires avaient commencé à augmenter), il est possible qu’à moyen terme les flux migratoires s’inversent.) Pour mieux comprendre cette situation et surtout les stratégies employées par les travailleurs roumains arrivés en Espagne après le 1 janvier 2007 ou ceux qui n’avaient pas de permis de résidence et de travail sur le territoire espagnol avant cette date, il faut rappeler les conditions imposées quand la Roumanie est devenue membre communautaire. Les Roumains voulant résider sur le territoire espagnol en avaient le droit s’ils possédaient un certificat de citoyen communautaire. 39 « MUNCA IN STRAINATATE ». In : AGENTIA NATIONALA PENTRU OCUPAREA FORTELOR DE MUNCA [En ligne]. Disponible sur : < www.muncainstrainatate.anofm.ro > (consulté le 13 Mars, 2010) 40 « Fin de la moratoria para búlgaros y rumanos ». In : INMIGRACION EXTRANJERIA "Derechos sin fronteras, derechos para todos" [En ligne], 2009. Disponible sur : < http://www.intermigra.info/extranjeria/modules.php?name=News&file=article&sid=1973 > (consulté le 17 Mars, 2010) 37 Ils pouvaient travailler comme travailleurs indépendants, « por cuenta propia » (personne qui paye lui-même les charges sociales en fonction du secteur d’activité) ou comme salarié seulement s’ils trouvaient un employeur acceptant le contrat. Cet employeur devait présenter lui-même les documents nécessaires dans les institutions pour les étrangers 41 afin d’obtenir l’autorisation de travail pour son employé roumain. Cette condition était très difficile parce qu’elle supposait l’implication personnelle de l’employeur et un certain temps d’attente pour obtenir l’autorisation. Ainsi, en général, la stratégie adoptée par les travailleurs roumains était le travail indépendant, ils payaient les charges sociales pour un secteur d’activité pendant une période limitée. Parfois, à la fin d’un chantier, ils renonçaient à l’affiliation et ensuite ils retravaillaient sans être affiliés. Pourquoi cette démarche ? Parce qu’au début ils pensaient pouvoir travailler et payer cette cotisation. Chaque secteur d’activité avait sa taxe. A cause de la précarité du travail il devint très difficile de payer ou de changer de type de cotisation en fonction du domaine d’activité. Parfois la période de travail était si courte qu’elle faisait prendre le risque de travailler dans le marché parallèle. À cause de la désinformation, les difficultés à trouver des personnes ou des entreprises à qui proposer leurs services, ont conduit beaucoup de Roumains à ne pas payer la sécurité sociale. Ils ont accumulé des dettes, ils ont renoncé à l’affiliation et ils ont attendu la fin de la période de transition en travaillant comme avant 2007 en bénéficiant seulement du droit de résider légalement puisqu’ils avaient le certificat communautaire. L’année 2007 a rendu très visible la migration roumaine en Espagne surtout pour ceux qui se trouvaient en condition irrégulière parce qu’ils ont pu se faire enregistrer et demander facilement un certificat de citoyen communautaire. On observe une grande différence dans les statistiques concernant les travailleurs indépendants dont le nombre a augmenté dans la première année de l’entrée de la Roumanie comme membre européen. 41 GABINETE DE COMUNICACION. « Incorporación de Rumania y Bulgaria a la Unión Europea, ». In : MINISTERIO DE TRABAJO E INMIGRACION [En ligne], 2007. Disponible sur : < http://www.tt.mtas.es/periodico/inmigracion/200701/INM20070110.htm > (consulté le 17 Mars, 2010) 38 Il y a eu une augmentation de 5 044 affiliés à la Sécurité Sociale en 2007 à 45 222 en 2008 42 la majorité dans les secteurs de la construction et des services. Ce changement de statut a facilité l’insertion mais la crise économique en Espagne a conduit les travailleurs roumains à penser au retour ce qui a amené à la fin des restrictions sur le marché du travail espagnol. L’année 2009 continue avec des fluctuations et une augmentation des allers-retours et des tâtonnements entre le pays de destination et celui d’origine parmi les travailleurs roumains désorientés effectivement par les difficultés économiques européennes. 1.1.3. La situation de la Roumanie : nouveau membre de l’UE et ses voisins extracommunautaires L’élargissement de l’Union Européenne à l’Est implique des transformations que la Roumanie doit imposer aux extracommunautaires, ce qui crée certaines tensions diplomatiques avec la Moldavie. L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne a conduit à une politique nouvelle de migration, à plusieurs réformes concernant les types de permis de travail pour les étrangers, même si l’augmentation des flux migratoires reste assez modeste en comparaison avec l’émigration des Roumains en Europe. Dans ce contexte, en 2006 le nombre total des étrangers installés en Roumanie avec un permis de travail avait augmenté de 8% 43 par rapport à l’année antérieure. L’année 2007 est marquée par la création d’un Office roumain pour l’immigration dont le rôle est de prendre en compte toutes les démarches administratives concernant les migrations en Roumanie. Selon les données 2009 de cette institution, les principaux pays d’origine des résidents réguliers sont : la Moldavie (28%), la Turquie (17%) et la Chine (14%) et les départements qui ont délivré les permis de travail sont Bucarest, Iaşi, Cluj et Constanţa. 42 PAJARES ALONSO, Miguel. Inmigración y Mercado de trabajo. Informe 2008 [En ligne]. 2008. Disponible sur : < http://extranjeros.mtas.es/es/ObservatorioPermanenteInmigracion/Publicaciones/archivos/Inmigracixn_y_ Mercado_de_trabajo._Informe_2008.pdf > (consulté le 24 Février, 2010) 43 ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES. Perspectives des migrations internationales: SOPEMI [En ligne].OCDE, 2008. Disponible sur : < http://www.oecd.org/dataoecd/59/40/41257938.pdf > (consulté le 19 Mars, 2010) 39 Au département d’Iaşi correspond la proximité de la Moldavie tandis que Constanţa avoisine la Turquie. Les secteurs d’activité où ont été accordés la plupart des permis de travail sont les constructions suivies par celui du sport de compétition44 . Le processus d’adhésion et d’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne a compliqué la situation avec la Moldavie surtout que « la fabrication de la frontière externe roumano-moldave divisant un territoire roumanophone gêne la circulation transfrontalière » 45 . La frontière moldave-roumaine s’est ouverte après la chute du communisme plus précisément en 1991, ce qui a entraîné beaucoup de mobilités vers la Roumanie sous la forme d’immigration pour le travail mais surtout pour le commerce transfrontalier. Avant la suppression des visas pour les Roumains en janvier 2002, les Moldaves pouvaient entrer en Roumanie seulement avec leur carte d’identité. Depuis cette date ils ont besoin d’un passeport qui est très difficile à obtenir (coût et temps d’acquisition) et à partir de janvier 2007 ils ont besoin d’un visa ce qui complique encore davantage leur passage en Roumanie. Face à ces difficultés, les personnes nécessiteuses cherchent d’autres stratégies « venues d’en bas » 46 pour continuer leur mobilités entre les deux pays, comme le montre Bénédicte Michalon dans ses travaux. La situation économique très difficile de la Moldavie oblige ses citoyens à chercher des solutions pour survivre même s’ils ont déjà un emploi régulier dans leur pays. Ils ajoutent à leurs salaires le commerce transfrontalier qu’ils peuvent entreprendre avec la Roumanie. 44 INFOSTAT.OFICIUL ROMAN PENTRU IMIGRARI. « Imigraţie legală. Cetateni din state terte posesori ai unui drept de sedere valabil la 30.06.2009, dupa tara de origine ». In : Oficiul Român pentru Imigrări [En ligne], 2009. Disponible sur : < http://ori.mai.gov.ro/api/media/userfiles/InfoStat_Octombrie_2009_text.pdf > (consulté le 19 Mars, 2010) 45 WEBER, Serge. Nouvelle Europe, nouvelles migrations. Frontières, intégration, mondialisation. Editions du Félin. Paris : Editions du Félin, 2007.118 p (citation p.52) 46 MICHALON, Bénédicte. « La périphérie négociée. Pratiques quotidiennes et jeux d’acteurs autour des mobilités transfrontalières entre la Roumanie et la Moldavie ». L’Espace Politique [En ligne]. 11 Mai 2009, Vol. 2, n°2 (2007-2), Disponible sur : < http://espacepolitique.revues.org/index902.html > (consulté le 3 Mars, 2010) 40 Carte 2. Localisation des points de vente transfrontaliers 41 Les commerçants moldaves sont très présents le long de la frontière et sur les marchés roumains des principales villes voisines comme Iaşi, Brăila, Galaţi. Ce commerce s’étend petit-à-petit vers la Munténie. Leurs trajectoires migratoires s’intensifient et elles se développent avec la mise en place des relations et la création des réseaux. Ils trouvent d’autres stratégies face aux nouvelles lois. Ils remplacent les initiatives commerciales individuelles par des entreprises de produits agricoles vendus en gros sur les marchés roumains, ou encore ils vendent, à proximité de la frontière, les produits aux Roumains qui les revendent sur le marché. Pour maintenir les relations et les échanges sociaux, économiques et culturels entre les deux pays et les harmoniser en fonction des nouvelles normes européennes et de l’acquis Schengen, beaucoup de réformes ont été menées sur les moyens d’obtenir la citoyenneté roumaine par les citoyens moldaves, sur les conditions d’entrée sur le territoire roumain et sur la continuité du commerce transfrontalier. Pour ce dernier aspect les deux pays ont signé un accord (entré en vigueur le 26 février 2010) 47 qui favorise le petit trafic de frontière pour les résidents à proximité. Ils peuvent circuler entre les deux pays sans visa mais avec le passeport et avec le permis de trafic de frontière valable entre 2 et 5 ans. Cette modification exceptionnelle du trafic normal de la frontière et surtout du régime d’entrée sur un territoire d’un pays membre favorise 361 communes situées le long du Prut, la rivière qui sépare les deux états. Devenue membre de l’Union européenne, la Roumanie doit accomplir ses obligations en matière de sécurité des frontières et de contrôle de la migration. Dans cette situation, « les visas ne sont plus délivrés à la frontière et la liste des pays soumis au régime de visa est allongée de 86 à 156 états»48 ce qui transforme un pays récepteur d’immigration. 47 OFICIUL ROMAN PENTRU IMIGRARI. « Acordul de mic trafic la frontiera cu Republica Moldova ». In : Oficiul Român pentru Imigrări [En ligne], 2010. Disponible sur : < http://ori.mai.gov.ro/stiri/citeste/ro/12/26-februarie-2010 > (consulté le 19 Mars, 2010) 48 WEBER, Serge. Nouvelle Europe, nouvelles migrations. Frontières, intégration, mondialisation. Editions du Félin. Paris : Editions du Félin, 2007.118 p (citation p.54) 42 1.1.4. Les étapes des politiques roumaines dans la migration contrôlée pour ses citoyens Pour comprendre les politiques étatiques roumaines sur l’émigration de travail, un panorama rétrospectif s’impose pour marquer les étapes de ces politiques. Comment ontelles influencé l’émigration de la main d’œuvre dans les deux décennies qui ont suivi la chute du communisme en Roumanie ? Il est intéressant de prendre des épisodes clés pour mieux suivre le parcours de la Roumanie vers le statut de membre de l’Union Européenne et ses implications dans les migrations roumaines de travail. La Roumanie représente l’un des pays membres qui a la plus nombreuse population émigrée même s’il est difficile de l’estimer par la statistique du pays d’origine. La raison essentielle de ce déficit d’information s’explique par le fait que la majorité des personnes actuellement engagées dans un projet migratoire privé n’ont pas déclaré leur changement de domicile à l’Etranger et figurent donc encore comme résidentes dans la statistique roumaine. Voici un exemple concret qui montre la grande différence entre plusieurs sources statistiques : l’Institut National de la Statistique de la Roumanie avait pour l’année 2006 comptabilisé 14 197 émigrés roumains alors que l’Institut National de Statistique espagnol en avait enregistré 393 152 pour la même année. Selon les données de Sopemi 49 en 2006, « 68 000 personnes ont émigré de Roumanie avec un contrat d’emploi, 53 000 par l’intermédiaire de l’Office des migrations des travailleurs et 15 000 par celui de bureaux de placement privés ». Du point de vue statistique, il est donc assez difficile de dénombrer les migrations roumaines de travail. Le plus intéressant est de voir comment l’Etat Roumain a aidé ses citoyens dans cette migration. Quelles stratégies de régularisation, d’organisation et de contrôle de ses émigrations a-t-il adoptées ? Dans les politiques d’émigration imposées par l’Etat roumain, on observe deux lignes d’action qui à certains moments vont de pair. Tout d’abord, il s’agit des mesures prises en ce qui concerne la circulation des Roumains dans l’espace Schengen et les itinéraires privés ou personnels. 49 ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES. Perspectives des migrations internationales: SOPEMI [En ligne].OCDE, 2008. Disponible sur : < http://www.oecd.org/dataoecd/59/40/41257938.pdf > (consulté le 19 Mars, 2010) 43 Ensuite, l’Etat roumain intervient dans la migration légale pour le travail par contingent et avec un contrat de travail obtenu par l’intermédiaire du Ministère Roumain du Travail et les accords bilatéraux avec différents pays membres. 1.1.4.1. Panorama récapitulatif sur la libre circulation des Roumains dans l’espace Schengen Le regard rétrospectif sur le droit de circulation des Roumains dans les pays membres de l’espace Schengen souligne les étapes progressives concernant les libertés et les restrictions pour y accéder. Actuellement les Roumains peuvent bénéficier de ce droit depuis le 1er janvier 2002 ; même si l’on rappelle cette date clé, il faut aussi ajouter que la vraie libre circulation commence le 1er janvier 2007 quand la Roumanie devient membre de l’Union Européenne. Les cinq années qui ont suivi la suppression des visas Schengen et jusqu’en 2007, ont connu une série de mesures visant à surveiller les frontières contre « la migration individuelle pour le travail, le passage clandestin de la frontière (l’organisation des réseaux) et contre d’autres formes d’infraction transfrontalière » 50 . Il y eut plusieurs conditions imposées aux ressortissants roumains après la suppression du visa Schengen : le temps de séjour ne pouvait pas excéder trois mois dans un délai de six mois 51 . Une exception était accordée aux personnes en possession du permis de résidence et de travail d’un pays membre ou à celles qui avaient la possibilité d’accéder à la législation du pays d’accueil et d’acquérir un titre de séjour. Une autre condition était de voyager avec un billet aller-retour en ayant une assurance médicale pour la durée du séjour. Une somme d’argent pour la période du voyage était exigée (un montant de 100 euros/jour pour l’Union Européenne) dont la valeur totale devait au minimum correspondre à cinq jours de voyage. Divers moyens permettaient de remplacer l’argent par exemple: une carte de garantie de la personne qui résidait à l’étranger ou des réservations à l’hôtel. 50 SERBAN, Monica et STOICA, Melinda. Politici si institutii in migratia internationala :migratie pentru munca din Romania.1990-2006 [En ligne]. 2007, citation p.17. Disponible sur : < http://www.osf.ro/ro/program_articol.php?articol=37# > (consulté le 23 Mars, 2010) 51 POLITIA DE FRONTIERA ROMANA. « Conditii generale de calatorie in strainatate pentru cetatenii romani, care calatoresc in statele apartinand Spatiului Schengen». In : POLITIA DE FRONTIERA ROMANA [En ligne]. Disponible sur : < http://www.politiadefrontiera.ro/conditii_romani_schengen.php > (consulté le 23 Mars, 2010) 44 Les documents étaient vérifiés à la douane, ce qui rendait assez difficile une sortie même sans visa. Toutes ces mesures avaient pour but de différencier les « vrais touristes » des personnes qui sortaient comme touristes mais avec l’intention de travailler dans un pays de l’Union Européenne et qui devenaient immigrants irréguliers une fois passés les trois mois. Ces conditions étaient appliquées en fonction de plusieurs normes et modifications prises en compte entre 2001-2002 et 2007. Dans la première étape, entre 2000 et 2002 ont été signés les accords de réadmission des Roumains qui se trouvaient dans les pays de l’Union Européenne en situation irrégulière. Ces accords étaient « des instruments bilatéraux » 52 et on peut rappeler ceux passés avec l’Espagne en 1996 53 (même si la présence roumaine n’était pas trop nombreuse) et le deuxième en 2002 pour la réadmission des travailleurs en situation irrégulière et aussi pour le retour volontaire 54 de ceux qui n’avaient pas pu s’insérer dans le marché du travail. En dépassant les trois mois comme touristes et dans l’impossibilité de respecter les lois de régularisation administrative du pays d’accueil, le migrant roumain vivait dans une situation instable avec le risque d’être expulsé. Avant 2002, les Roumains avaient besoin d’un visa Schengen demandé et délivré par certains pays membres. Ensuite, quand ils étaient entrés dans l’Espace Schengen, les émigrés allaient vers le pays qui les intéressait et pas nécessairement dans celui qui leur avait accordé le visa. Une autre étape rétrospective à rappeler, est celle d’avant l’existence des visas Schengen, particulièrement entre 1990 et 1992 quand les Roumains pouvaient sortir légalement du pays sans aucune restriction ni visa mais seulement avec un passeport en cours de validité. C’est le premier épisode de la migration roumaine nourrie avec le mythe de l’Occident après une dictature oppressante. Il sera le point de départ de l’étude des différentes trajectoires migratoires. 52 SERBAN, Monica et STOICA, Melinda. Politici si institutii in migratia internationala :migratie pentru munca din Romania.1990-2006 [En ligne]. 2007, citation p.23. Disponible sur : < http://www.osf.ro/ro/program_articol.php?articol=37# > (consulté le 23 Mars, 2010) 53 MINISTERIO DE ASUNTOS EXTERIORES. ACUERDO ENTRE ESPAÑA Y RUMANIA RELATIVO A LA READMISION DE PERSONAS EN SITUACION IRREGULAR [En ligne].Disponible sur : < http://extranjeros.mtas.es/es/NormativaJurisprudencia/Internacional/ConveniosBilaterales/ConveniosRead mision/documentos/Readmision_Rumania.pdf > (consulté le 24 Mars, 2010) 54 MARCU, Silvia. « España y la geopolítica de la inmigración en los albores del siglo XXI ». Cuadernos geograficos. 14 Mai 2007, Vol. 1(2007-1), n°40, p.31-51(citation p.41) 45 1.1.4.2. Retour sur la migration roumaine de travail contrôlée Actuellement c'est-à-dire depuis le 1er janvier 2009, les Roumains ont libre accès au marché du travail (s’ils possèdent un certificat communautaire délivré par le pays membre de destination) dans différents pays de l’Union Européenne (l’Espagne, Portugal etc.). Cependant certains pays imposent encore des restrictions. D’autres pays acceptent des travailleurs roumains en signant des d’accords bilatéraux. C’est le cas de l’Allemagne qui a signé plusieurs accords bilatéraux avec la Roumanie entre 1991 et 2005 pour fixer les conditions de travail et les contingents de travailleurs saisonniers sur son territoire. Le Ministère Roumain du Travail était chargé de la mise en œuvre de cette politique contrôlée et légale d’émigration vers l’Allemagne. L’Etat Roumain s’est impliqué dans d’autres actions importantes. Par exemple, il a organisé des bourses de travail avec offres d’emploi, notamment dans le secteur de la construction, pour faire revenir ses citoyens vers la Roumanie à la veille de la crise économique en Europe et particulièrement en Espagne. Ces actions organisées par le gouvernement roumain ont eu lieu en Espagne et en Italie où réside un grand nombre de Roumains émigrés. L’Italie a signé en 2006 un accord avec la Roumanie orienté surtout vers la coopération et le contrôle des flux migratoires et moins sur la fixation des contingents de travailleurs. La France, a signé avec la Roumanie en 2004 un accord sur l’échange de stagiaires mais ce pays mais ce pays n’est plus une destination privilégiée par les migrants roumains. La grande prédilection pour l’Espagne chez les travailleurs roumains et la suppression des visas Schengen entraînent la signature en 2002 d’un accord bilatéral très complexe sur la migration de travail avec l’obtention du contrat d’emploi dans le pays d’origine, réalisé à plusieurs niveaux : travailleurs saisonniers, travailleurs permanents (avec un contrat d’une année) et stagiaires. L’accord prévoit aussi une coopération sur le contrôle de la circulation des personnes entre les deux pays. À la même période, la Roumanie signe un accord avec le Portugal sur la résidence légale temporelle pour l’embauche de Roumains. 46 L’année qui a précédé la suppression des visas, la Hongrie qui se préparait pour son entrée dans l’Union Européenne en 2004, a signé un accord bilatéral avec la Roumanie sur l’embauche de travailleurs saisonniers et l’échange de stagiaires roumains. D’autres pays : la Suisse et ensuite le Luxembourg ont signé des accords avec la Roumanie dans la période 2000 et 2001. Les accords concernent seulement les échanges de stagiaires, ce qui n’attire pas les travailleurs roumains qui émigrent pour un objectif économique. A propos de l’importance de la politique de migration de travail surveillé par l’Etat dans les années 1990, il convient de rappeler l’année 1995 quand a été signé un accord avec la République Libanaise sur l’utilisation de la main d’œuvre roumaine sur son territoire. Il faut ajouter aussi le fait qu’il y a eu beaucoup de travailleurs roumains en Israël mais qu’il n’y a pas eu la possibilité d’un accord entre les deux pays parce que les intermédiaires des contrats d’emplois étaient des entreprises privées. Heureusement pour les travailleurs roumains, dans ce pays, l’Etat roumain a réussi à imposer un règlement d’utilisation de la main d’œuvre et de respect des droits des travailleurs. Ce regard rétrospectif sur les accords bilatéraux entre la Roumanie et les différents pays où des Roumains ont émigré, a pour but de rendre visible le rôle de l’Etat Roumain dans ces processus de migration contrôlée depuis la chute du communisme. Nous avons choisi de faire une rétrospective des politiques migratoires roumaines pour mettre en évidence les implications récentes de l’Etat Roumain dans l’organisation et le contrôle de la main d’œuvre roumaine émigrante. Cette rétrospective atteste de la prise de conscience de l’importance de cette migration en termes économiques. Cette migration devient encore plus active avec la mise en œuvre du nouveau dispositif de l’U.E. Une autre raison justifiant cette vision rétrospective est de montrer le début de la migration roumaine soutenue par le gouvernement roumain. Il est nécessaire de connaître les deux niveaux du processus migratoire : niveau étatique et niveau individuel, pour mieux comprendre cette migration et ses destinations. 47 Conclusion Cette première approche de la migration roumaine dans le contexte européen envisagé entre la chute du communisme en Roumanie, suivie de l’entrée de celle-ci dans l’Union Européenne et enfin dans le contexte de la crise économique, situe notre recherche au carrefour de l’évolution des mesures réglementaires obligatoires pour migrer. Les différentes stratégies, en conformité avec les lois des pays d’accueil ainsi que les restrictions imposées aux travailleurs roumains, constituent les cadres de construction des réseaux migratoires roumains en Europe. La libre circulation dans l’Espace Schengen et le processus d’adhésion de la Roumanie à celui-ci ont induit des conditions délicates entre ce pays et ses voisins de l’Est surtout la Moldavie. D’une manière modeste, la Roumanie devient un pays d’immigration par son statut de membre communautaire. L’analyse rétrospective des politiques migratoires roumaines pour ses citoyens installés en Europe montre une décroissance. L’évolution vers des itinéraires privés et individualistes l’emporte. 48 1.2. Trajectoires des migrations roumaines après la chute du régime communiste Quel était le contexte des migrations pour les populations de l’Est européen avant la chute du Mur de Berlin ? Quelle était l’image des frontières et quelles stratégies les familles mettaient-elles en œuvre pour les franchir ? Pourquoi les Roumains manifestaientils une aspiration à migrer plus forte que les autres populations de l’Europe de l’Est ? Quelle était la situation concernant les sorties du pays pour les Roumains pendant la dictature ? Quelles trajectoires migratoires les Roumains ont-ils mis en place à partir de 1989 ? Pour plus de compréhension, dans un premier temps, nous proposons un bref panorama de la situation de cette partie de l’Europe avant la chute du Mur avec les accords existants et les stratégies employées par les populations de ce territoire pour franchir les frontières. Le petit commerce transfrontalier était une pratique commune pour les populations de l’Est européen. Dans le cas particulier des Roumains, le régime dictatorial entraînait un type de migration politique possible par des fuites clandestines mais toujours très risquées. Les politiques d’émigration presque inexistantes fonctionnaient selon des conditions spéciales et seulement dans le cas des Aussiedlers 55 et des Juifs ou encore grâce à des accords avec des pays arabes ou avec l’URSS pour y envoyer des travailleurs roumains. Après la chute du régime communiste en Roumanie, les conditions de la migration évolue. Au début la curiosité pour le mythe de l’Occident l’emporte puis la migration devient une solution de survie dans le contexte d’une économie roumaine très fragile. Les premiers trajets migratoires sont réalisés à proximité des frontières comme en Turquie ou dans les pays de l’ex-Yougoslavie. 55 « Les Aussiedlers », terme utilisé pour « désigner les seuls migrants venus de l’ex-URSS : parce qu’ils sont à l’heure actuelle les plus nombreux, ces derniers sont alors considérés comme les représentants de l’ensemble des migrants accueillis en Allemagne dans le cadre du dispositif institué pour l’accueil des migrants issus de minorités allemandes » : MICHALON, Bénédicte. « De la politique des Aussiedler à la circulation. Diversification des pratiques migratoires des Saxons de Transylvanie ». In : DIMINESCU, Dana. Visibles mais peu nombreux. Les circulations migratoires roumaines. Paris : Maison des sciences de l’homme, 2003, p. 65-97 49 L’attraction ethnique amplifie les migrations vers l’Allemagne. Les élites roumaines partent vers d’autres destinations plus exigeantes comme le Canada ou la France. Dans la dernière décennie, les migrations roumaines s’amplifient encore avec des réseaux de travail en Italie et en Espagne. 1.2.1. Une brève présentation des tendances migratoires de l’Europe Centrale et de l’Est avant et après la chute du Mur de Berlin La situation de l’Europe Centrale et de l’Europe de l’Est après la deuxième Guerre Mondiale avec la construction du Mur de Berlin crée une frontière impossible à traverser. Le cloisonnement des citoyens des différents Pays de l’Est est total jusqu’à 1989. Les seules migrations susceptibles d’être développées sont d’ordre interne entre les pays du bloc communiste. Les mobilités à l’étranger sont réduites au minimum. Pour remarquer les faibles tendances migratoires de ces territoires dans cette période il faut rappeler les différentes étapes par lesquelles sont passés leurs peuples. En accord avec les recherches de Marek Okolski 56 il est possible de définir quelques caractéristiques des régimes totalitaires des pays de cette partie de l’Europe. Avec la séparation de l’Europe en deux, les pays des parties centrale et orientales ont souffert la mise en place d’économies planifiées, les cloisonnements des frontières et les interdictions de sorties à l’étranger, surtout vers l’Europe de l’Ouest. La situation économique basée sur un système protectionniste avait pour principe d’offrir un emploi à tous les citoyens en état de travailler et un salaire stable. À l’heure de la chute du communisme et de l’ouverture des frontières, les économies de ces pays se sont déstabilisées et elles sont entrées dans une période de transition donnant aux habitants la possibilité d’émigrer comme une grande ressource à la survie. Concernant les possibilités de mobilité, on peut noter quelques différences entre les peuples du centre de l’Europe et ceux de l’est. Le degré de restrictions s’accentue en allant vers l’est. L’exemple des Polonais ou des Hongrois est significatif. 56 OKOLSKI, Marek. « Europa en movimiento. La migración desde y hacia Europa Central y del Este ». CIDOB D'Afers Internacionals. Diciembre 2008, n°84, p.11-32 (citation p.12) 50 Dans les années soixante « dès que les obstacles majeurs à la mobilité entre les pays du Pacte de Varsovie ont été surmontés » 57 les habitants ont pu organiser un petit commerce transfrontalier avec l’Allemagne de l’Est (RDA). Dans ce contexte, les frontières prennent un aspect dual, à la fois obstacle et ressource. Se développe alors « un tourisme » d’achats réservés surtout aux produits de consommation courante, revendus parfois aux ressortissants des autres pays socialistes plus à l’est. C’est aussi le cas de la Roumanie autour de la frontière avec la Hongrie et l’actuelle Serbie. Cette « libre circulation est-européenne» 58 peut être considérée comme la seule possibilité de mobilité développée dans un territoire dirigé par des régimes restrictifs. Elle prend la forme d’une petite économie de bazar 59 la vente des marchandises se faisant sur les trottoirs proches des gares ou devant des magasins fermés. Après la chute du Mur de Berlin, quand les frontières ont été ouvertes, le panorama des migrations est-ouest s’est amplifié et les modalités de mobilités se sont diversifiées : des circulations transfrontalières à but commercial, des voyages touristiques organisés vers l’occident si attractif, des migrations temporaires de travail etc. Les craintes des pays occidentaux d’une migration massive de l’est européen n’étaient pas justifiées: « déjà dans les années 1992-1993 la migration a commencé à diminuer » 60 et la migration définitive s’est transformée en migration temporaire grâce aux facilités de circulation. En fonction de l’adaptation et de l’adoption de la politique de transition, des changements économiques et sociaux pour chaque pays situé à l’est du Mur de Berlin on observe des situations différentes dans le domaine des migrations. Dans l’ensemble les mouvements de populations de l’est vers l’ouest se diversifient. Par exemple, les Polonais émigraient en Autriche, Allemagne, Belgique, Italie et dans le même temps, leur pays recevait des immigrants d’Ukraine, de Russie. Pendant la période de transition entre 1988 et 1998 61 , les pays changent de profil migratoire. C’est le cas de la République Tchèque et de la Hongrie qui deviennent des pays d’immigration, par contre, la Slovaquie garde un équilibre entre les arrivées et les sorties. 57 ALLAN, William et BALA, Vladimir. « Mobilité internationale en Europe centrale touristes, commerçants et migrants ». Revue Européenne des Migrations Internationales. 2002, Vol. 18, n°1, p. 37-65 58 MOROKVASIC-MULLER, Mirijana. « La mobilité transnationale comme ressource: le cas des migrants de l'Europe de l'Est ». Cultures et Conflits. 1999, n°33-34, p.1-13 59 Idem, ibidem 60 OKOLSKI, Marek. « Ultimas tendencias y principales temas de las migraciones internacionales: perspectivas de Europa Central y del Este ». Revista Internacional de Ciencias Sociales. Septiembre 2000, n°165, p.78-92 61 OKOLSKI, Marek. « Europa en movimiento. La migración desde y hacia Europa Central y del Este ». CIDOB D'Afers Internacionals. Diciembre 2008, n°84, p.11-32 (citation p.18) 51 La Roumanie devient nettement un pays d’émigration, le premier sur la liste des pays émetteurs selon le rapport de l’OCDE 62 . Le régime totalitaire de Ceauşescu a suivi le modèle staliniste du socialisme 63 qui, au fur et à mesure, s’est transformé en dictature. Parmi les mesures prises pour limiter l’émigration: la fermeture des frontières et l’impossibilité d’avoir un passeport furent déterminantes. De plus, la disparition de la propriété privée, la création des coopératives agricoles par le regroupement des terres agricoles confisquées aux paysans, l’interdiction d’une économie de marché et la forte industrialisation impliquaient une puissante migration interne de main d’œuvre des villages aux villes. Tout était surveillé par la présence de la police politique (Securitate) qui développait un contrôle absolu sur les citoyens. La situation économique très dure surtout dans les années quatre-vingt avec un niveau de vie peu élevé, des salaires très bas, des produits de consommation rationnés et beaucoup d’exportation enfermaient la population dans la misère et l’immobilité. La situation des mobilités au sein du régime de Ceauşescu était très compliquée et très limitative. Des contingents assez réduits de migration de travail et dans des conditions institutionnelles, très rigides étaient déterminés en accord avec les états récepteurs. Les formes de migration en dehors de ces cas étaient considérées comme antigouvernementales. C’était une « migration politique » 64 et les personnes entraînées dans ces mobilités risquaient leur vie en franchissant clandestinement la frontière. Elles demandaient l’asile politique dès qu’elles arrivaient dans un territoire occidental. La mobilité des étudiants qui voulaient perfectionner leurs études, s’orientait vers la France. À l’époque du communisme, les étudiants étaient plutôt envoyés en URSS. Notons que les migrations de travail à l’époque de Ceauşescu étaient très contrôlées par l’Etat. Il y avait des accords signés avec les pays recevant des travailleurs roumains ainsi avec les pays d’Afrique, du Moyen Orient 65 et évidemment de Russie 66 . Une autre curiosité dans le régime de mobilités pendant cette période apparaît dans les migrations des communautés ethniques : les Juifs et les Allemands. 62 ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES. International Migration Outlook. Annual Report 2006. Paris : OECD, 2006, p.328 in OKOLSKI, Marek. « Europa en movimiento. La migración desde y hacia Europa Central y del Este ». CIDOB D'Afers Internacionals. Diciembre 2008, n°84, p. 17 63 MARCU, Silvia. « El proceso de transición política en Rumania: herencias y realidades postcomunistas ». Revista Electrónica de Estudios Internacionales. 2003, n°7, p.1-41 64 NEDELCU, Mihaela. Le migrant online : Nouveaux modèles migratoires à l'ère du numérique. Paris: L'Harmattan, 2009.323 p (citation p.88) 65 Idem, ibidem 66 VIRUELA-MARTINEZ, Rafael. « El recurso de la emigración. Balance durante la transición en Rumania ». Papeles del Este. 2004, n°9, p.1-29 (citation p.9) 52 Le cas de la communauté juive roumaine, « l’Aliya roumaine » 67 terme religieux qui désigné la montée, l’ascension 68 faisait référence à l’immigration juive en Israël. Dans l’année 1930, elle comptait 756 930 personnes et arrivait en troisième rang après la Pologne et l’URSS. Les Juifs provenant des territoires d’ex-URSS comptant plus de 900 000 personnes représentent une des vagues migratoires les plus significatives pour la consolidation de l’Etat d’Israël. Entre 1970 et 1974, en arrivant à Vienne comme ville de triage, une partie des Juifs a choisi d’émigrer vers les Etats-Unis et le Canada. Les Juifs traditionalistes provenant de la Géorgie et des territoires de Caucase ont suivi la route vers Jérusalem. En 1988 69 les autorités soviétiques leur accordaient des visas seulement pour Bucarest. Avant même cet évènement, la Roumanie a constitué un point important d’émigration juive. À la fin de 1977, il ne reste que 24 667 Juifs 70 , car les autres ont poursuivi leur migration vers Israël. La présence juive en Roumanie s’étendait dans tout le pays mais avec des communautés plus concentrées au sud et à l’est. La politique de Ceausescu encourageait la migration de la communauté juive par un échange financier (entre 2000 et 50 000) dollars. Le paiement assuré par Israël variait « en fonction de l’âge, l’éducation et la profession de la personne autorisée à émigrer » 71 . Les Aussiedlers, nommés ainsi par l’Allemagne dans la « Loi sur les réfugiés et les personnes déplacées » 72 sont les immigrés d’origine allemande issus de Pologne, d’URSS et de la Roumanie s’installant en Allemagne. Ils ont réussi à retourner dans leur pays pendant les années 60 grâce à un accord de regroupement familial et par l’intermédiaire de la Croix Rouge. Vers les années soixante-dix, la politique de migration de Ceauşescu commence à prendre la même tournure que dans le cas de la communauté juive. 67 DIMINESCU, Dana, OHLIGER, Rainer et REY, Violette. « Les circulations migratoires roumaines : une intégration européenne par le bas ? » Cahiers de recherches de la MIRE. Avril 2003, n°15, p.61-69 (citation p.64) 68 BERTHOMIERE, William et CHIVALLON, Christine. « Les enjeux du retour en Israël ». Les diasporas dans le monde contemporain, 2006, p. 317-336,url : http://halshs.archivesouvertes.fr/docs/00/18/57/74/PDF/WILLIAM_BERTHOMIERE_Les_enjeux_du_retou r_en_Israel_pour_HAL_SHS.pdf, consulté le 02.04.2010 69 BERTHOMIERE, William et CHIVALLON, Christine. « Les enjeux du retour en Israël ». Les diasporas dans le monde contemporain, 2006, p.317-336 (citation p.325) url : http://halshs.archivesouvertes.fr/docs/00/18/57/74/PDF/WILLIAM_BERTHOMIERE_Les_enjeux_du_retou r_en_Israel_pour_HAL_SHS.pdf, consulté le 02.04.2010 70 CAZACU, Matei. « La disparition des Juifs de Roumanie ». In: Matériaux pour l'histoire de notre temps. 2003, N. 71.p.49-61 (citation p.60) url : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mat_07693206_2003_num_71_1_920, Consulté le 01 avril 2010 71 Idem, ibidem 72 POTOT, Swanie. Vivre à l'est, travailler à l'ouest: les routes roumaines de l'Europe. Paris: L'Harmattan, 2007.226 p (citation p.22) 53 L’accord Ceauşescu-Schmidt 73 entre la Roumanie et la République Fédérale d’Allemagne fixe une indemnité payée par l’état allemand pour chaque citoyen autorisé à sortir de Roumanie. Par cet accord « il a été convenu le départ vers l’Allemagne de 12 000 Roumains d’origine allemande contre une prime de 10 000 DM» 74 . A partir de cette période les migrations des Allemands qui habitent en Roumanie s’intensifient et continuent après 1989. En fonction de la région historique roumaine où ils habitaient, les membres de la communauté allemande roumaine portaient des noms différents: les Souabes du Banat et des Maramures et les Saxons de Transylvanie. Au moment de leur retour en Allemagne ils ont aidé à établir des réseaux migratoires entre les deux pays. Pendant la dictature en Roumanie ces liaisons fonctionnaient essentiellement pour les informations administratives, « des stratégies de sorties » et comme support financier pour ceux qui se risquaient à retourner en Allemagne grâce aux accords bilatéraux. Après 1989 les relations se sont intensifiées et ces accords ont servi de support pour les migrations roumaines vers l’Allemagne. Les Saxons de Transylvanie ont développé, après la chute de la dictature communiste, des mobilités qui font dire à Bénédicte Michalon que: « La circulation est l'occasion d'une ouverture de la migration saxonne à des migrants autres que saxons» 75 . Ils ouvrent la voie et les orientations des migrations roumaines après 1989. Le peuple roumain ayant vécu dans l’impossibilité de sortir de son pays pendant la dictature et plongé dans une situation économique très précaire s’est orienté vers la solution qui semblait la plus efficace pour sa sauvegarde : la migration. Même si au début, les Roumains étaient motivés par la curiosité de découvrir un monde interdit jusque-là, les difficultés économiques de la Roumanie ont transformé cette curiosité initiale en nécessité vitale. 73 DIMINESCU, Dana, OHLIGER, Rainer et REY, Violette. « Les circulations migratoires roumaines : une intégration européenne par le bas ? » Cahiers de recherches de la MIRE. Avril 2003, n°15, p.61-69 (citation p.67) 74 Idem, Ibidem 75 MICHALON, Bénédicte, « Circuler entre Roumanie et Allemagne », Balkanologie, Vol. VII, n° 1 | juin 2003, [En ligne], mis en ligne le 18 février 2009. URL : http://balkanologie.revues.org/index466.html. Consulté le 01 avril 2010 54 1.2.2. Quelques itinéraires de mobilités roumaines après 1989 La complexité des trajectoires migratoires roumaines après la chute du communisme encourage de nombreuses recherches sur les orientations migratoires d’un peuple privé pendant si longtemps du droit de circuler. L’aspiration à connaître ce qu’il y a hors de ses frontières est forte. Le mythe d’un Occident riche attire les Roumains depuis 1990. La complexité de mouvements: les voyages effectivement touristiques, le petit commerce transfrontalier, les migrations saisonnières et une circulation établie par un objectif économique nécessite l’analyse. Les éléments importants et communs de ces trajectoires roumaines sont constitués de réseaux, de différente nature, qui construisent des champs migratoires entre le pays d’origine et celui de destination. On remarque une grande richesse de stratégies adoptées en fonction des lois pour circuler et pour travailler dans les pays récepteurs. En fait, ces stratégies sont liées à un esprit entrepreneurial au niveau individuel ou collectif pour acquérir le savoir-circuler nécessaire à la réalisation d’un projet migratoire. 1.2.2.1. De « Gast Arbeiter » au réfugié ou travailleur saisonnier : un cliché des Roumains en Allemagne En rappelant brièvement le cas des Roumains qui se sont dirigés après 1989 vers l’Allemagne, on peut constater que les Saxons de Transylvanie, émigrés déjà pendant le régime de Ceauşescu, ont joué un rôle très important dans les orientations migratoires roumaines vers ce pays. Pendant les années consécutives à la chute du communisme en Roumanie, les relations des « Aussiedlers » avec la famille, les amis, les voisins restés en Roumanie (qui pouvaient maintenant retourner en Allemagne pendant les vacances) incitaient ces derniers à partir vers l’Allemagne: 55 « chaque séjour en Roumanie provoque à leur retour en Allemagne une série d’invitations à l’adresse de leurs amis roumains, leurs voisins, leurs obligés, etc.» 76 . Grâce à ces invitations les Roumains pouvaient entrer en possession des visas Schengen. Dans la plupart des cas les destinations finales n’étaient même pas l’Allemagne. Le nombre de visas de court séjour (en général pour rendre des visites seulement) délivrés par les consulats allemands augmente. Si, au début des années 1990, les Roumains arrivés en Allemagne demandaient l’asile politique, à partir de 1994, quand l’Etat roumain a signé la Convention de Genève, les possesseurs d’un visa allemand se sont réorientés vers des destinations plus accessibles. D’un autre point de vue, le profil des migrants roumains en Allemagne se modifie. Il s’agit alors de personnes non-allemandes qui ont acheté un visa pour ce pays afin de transiter dans l’espace Schengen vers un autre pays. Dans d’autres cas, ils ont pu accéder au marché du travail allemand comme travailleurs saisonniers grâce à un contrat correspondant à l’accord bilatéral entre les deux pays. Par contre, on observe une évolution dans le champ migratoire entre la Roumanie et l’Allemagne. Au début, le principal motif pour sortir était le tourisme (le rêve de l’Occident) à travers des réseaux ethniques. Ensuite, les connexions se développent dans une migration circulatoire à but économique, comme une rampe d’accès aux autres pays occidentaux. Les « Aussiedlers » ont joué un rôle fondamental dans la construction du capital de mobilité pour les Roumains émigrés mais aussi dans l’adoption des différentes stratégies de migration pour leurs proches en conformité avec les lois communautaires. 1.2.2.2. La Turquie : itinéraires de proximité éphémères La chute du communisme, avec l’ouverture des frontières et l’acquisition d’un passeport, représente le premier élément qui favorise la mobilité des Roumains. La diffusion des informations sur la possibilité de partir provoque la construction de stratégies migratoires parallèles à celles déjà existantes en Allemagne. 76 DIMINESCU, Dana. « Stratégies roumaines ». Plein Droit [En ligne]. 2002, n°55, Disponible sur : < http://www.gisti.org/plein-droit/55/strategies.html > (consulté le 6 Avril, 2010) 56 Ainsi, dans une première période après 1989 se multiplient des mouvements de « tâtonnement » 77 en particulier à proximité des frontières. Il s’agit d’un petit commerce transfrontalier à destination de la Hongrie, la Yougoslavie, la Pologne ou la Turquie. Ces circulations migratoires s’expliquent plutôt par le négoce des produits achetés à l’étranger et revendus au pays. Si la partie occidentale de la Roumanie était déjà habituée, de manière très discrète depuis la dictature communiste, à ce petit trafic transfrontalier avec les pays limitrophes, la nouvelle orientation vers la Turquie, représente une action pionnière. Ce mouvement est entrepris par les habitants du sud et du sud-est de la Roumanie à cause de la proximité géographique. Il débute sous forme de troc entre les produits roumains anciens considérés comme appartenant au folklore et des produits nouveaux d’origine turque (vêtements en cuir, savons, sucreries). La période 1992-1994 connaît l’apogée de ce « commerce à la valise » 78 réalisé en grande partie par les femmes roumaines qui possédaient déjà assez d’informations et qui les complétaient pendant le voyage en bus ou en train. Ces femmes développaient des réseaux de commerce en partageant des informations sur les marchandises les plus recherchées, sur les bazars les moins chers etc. Le moyen de transport majoritairement utilisé était le bus, plus rentable du point de vue économique et relationnel même si la difficulté à passer les douanes était plus grande que par le train. Ce moyen de transport était une source d’information importante pour la mise en œuvre des stratégies de mobilité. Ce type de circulation était l’apanage des femmes qui participaient aux excursions à Istanbul dans un but commercial. Elles voyageaient en groupe de deux ou trois amies. Une fois arrivées à destination, elles se dirigeaient vers les bazars connus, se procuraient la marchandise souhaitée et retournaient le même jour en Roumanie. Parfois les candidates à ces mobilités avaient en plus, dans le pays, un autre travail qu’elles devaient rendre compatible avec le commerce en Turquie. Cet emploi représentait aussi une sorte de « marché » où elles pouvaient vendre les marchandises. 77 DIMINESCU, Dana. « Stratégies roumaines ». Plein Droit [En ligne]. 2002, n°55, Disponible sur : < http://www.gisti.org/plein-droit/55/strategies.html > (consulté le 6 Avril, 2010) 78 GANGLOFF Sylvie et PEROUSSE Jean-François. « La présence roumaine à Istanbul. Une chronique de l'éphémère et de l'invisible ». Les dossiers de l'IFEA. 2001, n°8, p.1-47 (citation p.1).Disponible sur : http://www.ifea-istanbul.net/website/dossiers_ifea/Bulten%208.pdf (consulté le 30.03.2010) 57 À cette période, des relations se développent entre les deux pays : une offre abondante des compagnies de transport, la présence d’employés roumains dans les bazars turcs qui facilite la communication avec la clientèle roumaine et même avec certains Turcs qui apprennent le roumain. Notons que la Banque Turco-Roumaine, dans la période de prospérité économique, ouvre une vingtaine de filiales 79 en Roumanie. Quand le commerce « à la valise » commence à diminuer, la Turquie devient une destination intéressante pour un autre type de mobilité : la migration temporaire pour le travail. Les participants à ces migrations sont des pères de familles au chômage en Roumanie ou des couples : « ces épouses sont appelées à rejoindre leur mari, uniquement pour additionner un deuxième salaire » 80 . Les Roumains ont alors le droit de séjourner en Turquie deux mois avec un visa de touriste. Une fois arrivés ils trouvent un travail sans contrat par l’intermédiaire des réseaux amicaux et vivent relativement isolés au sein des zones industrielles où ils travaillent dans le secteur du bâtiment et les fabriques de textiles. La migration est encouragée par les réseaux de proches et d’amis qui diffusent les stratégies pour trouver un emploi, un logement etc. Les motivations, malgré le risque d’un travail illégal en Turquie sont diverses : possibilité d’un revenu supplémentaire pour financer des études en Roumanie dans le cas des jeunes qui travaillent pendant les vacances, la meilleure façon d’obtenir de l’argent nécessaire à l’achat d’un visa Schengen afin d’émigrer dans un pays occidental. Dans ce type de migration, la connaissance de la langue du pays de destination ne joue pas un rôle important car les relations avec la société réceptrice se limitent seulement au travail. Cet élément indique clairement le côté éphémère de la migration roumaine dans ce pays. La seule organisation d’accueil pour les migrants roumains consiste en une église orthodoxe ouverte par le consulat en 2001, un événement assez tardif et peu utilisé jusqu’à maintenant, étant donné que la suppression des visas en 2002 produit une réorientation des mobilités roumaines vers l’ouest. 79 GANGLOFF Sylvie et PEROUSSE Jean-François. « La présence roumaine à Istanbul. Une chronique de l'éphémère et de l'invisible ». Les dossiers de l'IFEA. 2001, n°8, p.1-47(citation p.34). Disponible sur : http://www.ifea-istanbul.net/website/dossiers_ifea/Bulten%208.pdf (consulté le 30.03.2010) 80 GANGLOFF, Sylvie et PEROUSSE, Jean-François. « Les travailleurs roumains à Istanbul: flux et reflux ». In : DIMINESCU, Dana. Visibles mais peu nombreux. Les circulations migratoires roumaines. Dijon : Maison des Sciences de l'Homme, 2003 (citation p.153) 58 1.2.2.3. Une migration très contrôlée : le cas d’Israël Une autre trajectoire migratoire roumaine similaire à celle vers la Turquie concerne cette fois des hommes cherchant du travail en Israël après 1989. L’absence totale de relations de ces migrants avec la société réceptrice est d’autant plus paradoxale que 20% 81 de Juifs roumains se sont installés en Israël au temps du communisme. La politique migratoire conduite par les Israéliens sans cohérence avec les périodes d’acceptation des travailleurs étrangers est influencée par les conflits avec les Palestiniens et cette raison la fait qualifier de politique en « zigzag» 82 . En fonction du contexte des relations entre les deux peuples on connaît plusieurs périodes de présence roumaine sur le territoire israélien : 1993, 1997 et l 2000. Cette migration se différencie de l’exemple précédent par le fait que cette migration s’appuie sur des réseaux mais cette fois-ci, de nature institutionnelle, construits par l’intermédiaire des compagnies israéliennes qui recrutent la main d’œuvre en Roumanie. Il n’existe pas d’accord bilatéral entre les deux pays comme dans le cas de l’Allemagne. Les travailleurs roumains sont employés par des compagnies privées dans un cadre très restrictif. Les réseaux se multiplient par la circulation de l’information autant dans le cas des travailleurs qui cherchent une opportunité de travail que dans celui des entreprises qui recrutent. Ils partent avec un contrat de six mois à un an pour lequel ils payent entre 30 dollars en 1990 jusqu’à 2000 dollars en 2001 83 . C’est une politique d’immigration par rotation avec un visa et une autorisation de travail limités à la période du contrat sans possibilité de devenir résident temporaire ou permanent. La migration de travail temporaire à prédominance masculine s’effectue avec l’obligation de retourner au pays d’origine à la fin du contrat. Les patrons doivent déposer une garantie pour chaque travailleur. Elle est récupérée au retour de celui-ci en Roumanie. 81 DIMINESCU, Dana, OHLIGER, Rainer et REY, Violette. « Les circulations migratoires roumaines : une intégration européenne par le bas ? » Cahiers de recherches de la MIRE. Avril 2003, n°15, p.61-69 82 Idem, Ibidem, p.61 83 DIMINESCU, Dana et BERTHOMIERE, William. « La saison prochaine à Jérusalem ». In : DIMINESCU, Dana. Visibles mais peu nombreux. Les circulations migratoires roumaines. Paris : Maison des Sciences de l'Homme, 2003 (citation p.125) 59 L’insertion de ces travailleurs prend la forme d’ « une force de travail en captivité » 84 car, dans la plupart des cas, leurs documents sont retenus par les patrons et la communication avec les familles n’est possible que par téléphone. Il y a des cas ponctuels de migrants semi-légaux 85 c’est-à-dire munis d’une autorisation de travail et d’un visa de séjour. A cause de la faiblesse des salaires ces migrants quittent leur contrat après un petite période d’adaptation. Les revenus offerts sur le marché souterrain israélien sont plus attractifs. Parmi les travailleurs qui finissent leur contrat il y a des personnes qui réussissent à échapper au retour obligatoire. Ils deviennent alors des travailleurs irréguliers avec le risque de rapatriement et l’interdiction de revenir en Israël. La migration en couple est presque inexistante car le regroupement familial est interdit. Les ressortissants roumains sont hébergés sur le chantier même où ils travaillent dans le secteur du bâtiment et sont très isolés de la population locale. Le fait qu’il y ait majoritairement une migration masculine, un isolement de la vie associative et une impossibilité de prolonger les contrats, font du travail l’unique objectif de cette migration. Il s’agit de gagner de l’argent et puis de retourner au pays d’origine. La situation de début de 2002 avec la suppression des visas Schengen pour les Roumains, a réorienté les migrations de travail et les stratégies des mobilités vers l’Europe Occidentale de la même façon que pour la Turquie. Même si ce type de migration vers Israël est plus restrictif on observe des éléments communs. La construction d’un champ migratoire entre les deux pays, Roumanie et Israël, à un moment différent, à travers des réseaux organisés à des niveaux distincts et la motivation de nature économique constituent toujours la base de cette mobilité. 84 ROSENHEK, Zeev. « Régimes de migration et prospectives pour la création d'associations de migrants. Le cas des travailleurs roumains en Israël ». In : DIMINESCU, Dana. Visibles mais peu nombreux. Les circulations migratoires roumaines. Paris: Maison des Sciences de l'Homme, 2003 (citation p.142) 85 DIMINESCU, Dana et BERTHOMIERE, William. « La saison prochaine à Jérusalem ». In : DIMINESCU, Dana.Visibles mais peu nombreux. Les circulations migratoires roumaines. Paris : Maison des Sciences de l'Homme, 2003(citation p.125) 60 1.2.2.4. migratoire « e-spécialisé » Les migrations roumaines vers le Canada : un champ La période des années 90 est marquée par une autre migration très spécifique mais de grande importance pour ses modalités d’élaboration. Les personnes concernées par cette trajectoire dirigée vers le Canada, sont des ingénieurs, des techniciens et des professionnels plutôt spécialisés dans le domaine informatique. La chercheuse spécialiste 86 dans l’analyse de cette migration a identifié deux étapes importantes de cet itinéraire : une migration pionnière entre 1990-1995 et une autre, très importante, qui a atteint son apogée en 2000. Ce type de mobilité très organisée concerne des personnes hautement qualifiées Les spécialistes sont recrutés directement par le consulat du Canada. C’est un épisode très intéressant de la migration roumaine postcommuniste surtout pour la construction des réseaux. On doit souligner le fait que les stratégies de migration pour cette destination sont connues à l’avance à travers un site Internet (thebans.com) construit par les résidents roumains au Canada. Dans ce contexte, avant d’émigrer vers le Canada, les éventuels migrants connaissent déjà toutes les démarches administratives nécessaires, les facilités de la ville etc. Ils peuvent même contacter la communauté roumaine installée là-bas avant de sortir du pays d’origine. Tous ces éléments rendent plus facile leur intégration dans la société réceptrice dès leur arrivée. La construction d’une école roumaine pour les enfants des Roumains résidents représente une marque de renforcement des réseaux. Ce bon contact avec la société d’accueil n’est pas un élément négligeable comme dans les autres exemples. En 2002 les résidents roumains s’organisent en association « Alliance des Roumains du Canada » ayant pour but de développer des collaborations entre les deux pays et d’intensifier les échanges et les réseaux avec leurs co-nationaux. 86 NEDELCU, Mihaela. Le migrant online. Nouveaux modèles migratoires à l'ère du numérique. L'Harmattan. Paris, 2009.323 p 61 On peut remarquer la coprésence « être ici et là »87 grâce à la connexion permanente à travers les nouvelles technologies. La spécificité de cette mobilité est l’échange permanent d’information et la construction d’un champ migratoire grâce à des réseaux virtuels. Ces liens dépassent la dimension spatio-temporelle et ils permettent de préparer à l’avance une adaptation dans la société d’accueil. D’un point de vue pratique, devenir citoyen canadien devenait une étape intermédiaire vers l’Europe Occidentale. Le passeport canadien ouvrait des portes pour la circulation et le travail dans l’Union Européenne tant que la Roumanie était soumise aux restrictions migratoires (avant 2002). La migration au Canada devint donc très importante pour une certaine catégorie de personnes. Cependant, il faut en distinguer les éléments spécifiques. La création de réseaux avec une coprésence dans le quotidien, la motivation économique qui s’ajoute à celle du prestige technologique et la construction de ce capital de mobilité sont les piliers d’une véritable économie de la connaissance. 1.2.2.5. La France : entre les élites roumaines de l’époque et les trajectoires roumaines après 1989 En analysant la diversité des itinéraires européens suivis par les migrants roumains on observe des mouvements vers une autre destination : la France. Cet état connu à l’époque (avant 1989) seulement par les élites roumaines. La diversité des migrants s’est accentuée depuis. Ce sujet a été très étudié par de nombreux chercheurs. Plusieurs réseaux ont été identifiés: les roumains Tsiganes de Craiova 88 , Timiş 89 , Cluj et dans la même période 1993-1995 les paysans d’Oaş 90 , enfin le réseau de Târgovişte 91 . 87 NEDELCU, Mihaela. Le migrant online. Nouveaux modèles migratoires à l'ère du numérique. L'Harmattan. Paris, 2009.323 p 88 BENATTIG, Rachid et BRACHET, Olivier. « Les dynamiques migratoires roumaines : le cas des demandeurs d’asile en France », rapport de recherche, CRESI/CRARDDA, Ministère de l’ Emploi et de la Solidarité, Direction de la population et des migrations, 1998, in DIMINESCU, Dana, OHLIGER, Rainer, REY, Violette. « Les circulations migratoires roumaines : une intégration européenne par le bas ? » Cahiers de recherches de la MIRE. Avril 2003, n°15, (citation p.69) 89 REYNIERS, A. Les populations Tziganes et leurs mouvements dans les pays d’Europe centrale et orientale et vers quelques pays de l’OCDE, OECD, Paris, 1995, p.14 in Idem, Ibidem 90 DIMINESCU, Dana. Faire une saison. «Pour une anthropologie des migrations roumaines en France. Le cas de Pays d’Oas », Migration Etudes. Synthèse des travaux sur l’immigration et la présence étrangère en France, Paris, Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, 1999, n° 91 in Idem, Ibidem 91 POTOT, Swanie. Vivre à l'est, travailler à l'ouest: les routes roumaines de l'Europe. L'Harmattan. Paris, 2007.226 p 62 On peut dire que ce dernier réseau de migration a une caractéristique pendulaire entre la Roumanie et la France qui s’accentue entre 1993 et 1998. Le choix de cette destination française représentait aussi une manière d’améliorer le niveau de vie et d’augmenter les revenus économiques. Pour entrer en France il fallait posséder un visa Schengen de touriste obtenu dans des conditions difficiles soit grâce à une invitation d’un citoyen communautaire soit grâce à de grands efforts financiers pour l’acheter. Une fois le « touriste roumain » arrivé, sa première voie d’accès régulier sur le marché du travail français était la demande d’asile politique comme ressortissant d’un pays dictatorial. La signature de la Convention de Genève par la Roumanie en 1994, détermine la recherche d’autres stratégies pour venir et travailler sur le territoire français. La motivation économique implique pour le ressortissant roumain les risques de rester irrégulièrement sur le territoire français en travaillant par exemple comme vendeur de journaux dans la rue. Parfois, ces migrants sont retournés dans leur pays d’origine selon l’accord de réadmission existant entre la France et la Roumanie. Suite aux conséquences réglementaires, dans l’impossibilité d’avoir un nouveau visa, renvoyés chez eux, ils développent d’autres stratagèmes pour s’installer en France. Ils adoptent la méthode des « passeurs » grâce aux informations sur les services des douanes afin d’échapper au contrôle informatique Schengen des frontières. Une fois arrivés à destination ils survivent en pratiquant la mendicité 92 . Le profil de ces ressortissants roumains vivant en France est très divers. On trouve des roumains tsiganes, des paysans du Pays d’Oaş installés plutôt à Paris et enfin des jeunes, arrivés à Nice en possession d’un diplôme de lycée ou de l’université de Târgovişte. A partir de 1998 l’aggravation des restrictions administratives engendre des difficultés. La survie par la vente de journaux est plus aléatoire et plus difficile. Actuellement ces réseaux se réorientent vers d’autres destinations : l’Italie, l’Espagne et, la plus souhaitée, l’Angleterre. Dans tout ce processus de développement de réseaux, les migrants roumains ont réussi à « s’accrocher dans la société française ». Ils sont aidés dans la vente des journaux par les habitants français qui regardent plus le statut du vendeur que la qualité du journal: 92 DIMINESCU, Dana. « "La marginalité bon marché", le cas des mobilités roumaines en Europe. »”In : PERALDI, Michel. La fin des norias? Réseaux migrants dans les économies marchandes en Méditerranée. Paris : Maisonneuve § Larose Maison méditerranéenne de science de l'homme, 2002.495 p 63 « Au bout de sept années, chaque vendeur a trouvé son nid qui se traduit en quelque sorte par son Français, l’homme source qui conforte car il protège, garantit la circulation et ouvre la voie au marché du travail »93 . Le champ migratoire construit entre la France et la Roumanie sur la base de réseaux qui combinent « la marginalité, la circulation et une coprésence très active entre les deux pays » 94 met en évidence le capital de mobilité acquis par les migrants circulants roumains. 1.2.2.6. La réorientation de réseaux vers les pays du Sud de l’Europe : l’exemple de l’Italie Une autre trajectoire migratoire roumaine assez récente ayant une destination proche géographiquement des autres pays occidentaux devenus restrictifs, est celle qui a lieu en Italie. Un certain degré d’acceptation des migrants et des rumeurs comme: « l’Italie donne des papiers » 95 ont été suffisants pour entraîner une réorientation des réseaux roumains cette tant pour des raisons économiques que juridiques. En conséquence, il y a une augmentation de migrants roumains entre 1993 (9 756 résidents roumains) et 1998 (33 777) rendus visibles à travers le Décret DINI 96 de 1995 (Lamberto Dini, le Ministre des Affaires Etrangères à cette date). Actuellement les Roumains forment la communauté étrangère de l’Union Européenne la plus nombreuse sur le territoire italien (environ un million de personnes). Selon les données de l’Institut Italien de Statistique : en 2009, il y a 953 000 97 résidents roumains. 93 DIMINESCU, Dana, OHLIGER, Rainer et REY, Violette. « Les circulations migratoires roumaines : une intégration européenne par le bas ? » Cahiers de recherches de la MIRE. Avril 2003, n°15, p.61-69 94 DIMINESCU, Dana. « "La marginalité bon marché", le cas des mobilités roumaines en Europe ». In : PERALDI, Michel. La fin des norias? Réseaux migrants dans les économies marchandes en Méditerranée. Paris : Maisonneuve § Larose Maison méditerranéenne de science de l'homme, 2002.495 p 95 DIMINESCU, Dana, OHLIGER, Rainer et REY, Violette. « Les circulations migratoires roumaines : une intégration européenne par le bas ? » Cahiers de recherches de la MIRE. Avril 2003, n°15, p.61-69 96 II Congreso sobre la Inmigración en España. España y las migraciones internacionales en el cambio de siglo [En ligne]. 5 Octobre 2000, (citation p.6). Disponible sur : < http://mayores.pre.cti.csic.es/documentos/documentos/huber-migracion-01.pdf > (consulté le 9 Avril, 2010) 97 Caritas Italiana e Confederatia Caritas Romania. I romeni in Italia tra rifiuto e accoglienza [En ligne]. Mars 2010, (citation p.2). Disponible sur : < http://www.caritasitaliana.it/materiali/Pubblicazioni/Libri_2010/romania/scheda_romania.pdf?rifi=&rifp= > (consulté le 9 Avril, 2010) 64 Les migrants roumains conservent de puissants liens avec les lieux d’origine. On remarque des effectifs importants provenant des campagnes moldaves et dans une moindre mesure, de Bucarest 98 et de Transylvanie. Ce pays devient très attractif pour les Roumains intégrés déjà dans le processus migratoire mais aussi pour ceux qui se trouvent encore dans le pays d’origine. L’apprentissage facile de la langue, la possibilité de trouver très vite un emploi et ensuite de régulariser la situation administrative sont des éléments importants pour les migrants roumains récemment arrivés en Italie. Les pratiques linguistiques et culturelles très proches favorisent une bonne insertion dans la société d’accueil, surtout dans la première phase de cette migration. La visibilité de la communauté roumaine est bien réelle : églises et différentes associations sont nombreuses. Nous devons noter aussi la grande proportion de femmes roumaines, surtout à partir de 2002 : « Les statistiques le confirment : presque 50% du contingent des travailleurs roumains en Italie est féminin(…) »99 . Les explications les plus plausibles sont le regroupement familial et la demande de travail dans le secteur domestique plutôt réservé aux femmes. La suppression des visas Schengen pour les Roumains facilite les stratégies de circulation, jusque-là très difficiles, risquées et coûteuses (achats de visas pour l’Allemagne pour atteindre l’Italie). L’origine urbaine ou rurale de la femme migrante n’est pas importante pour le choix de la destination mais elle a une signification psychologique. Le fait de gagner de l’argent grâce à cette mobilité à l’étranger, en exécutant un travail que la femme roumaine faisait à la maison sans être payée, constitue pour elle un grand changement. En particulier, dans le milieu rural, le fait d’acquérir un certain pouvoir économique représente « un empowerment » 100 et produit un regard différent sur la villageoise roumaine. La composante féminine de ces réseaux, comme dans l’exemple déjà observé du « commerce à la valise » à Istanbul, met en évidence le capital de mobilité accumulé par les femmes. 98 WEBER, Serge. « Les immigrés originaires des pays de l'est dans l'agglomération romaine ». Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée. 2000, p.431-439 (citation p.436) 99 DIMINESCU, Dana. « "La marginalité bon marché", le cas des mobilités roumaines en Europe ». In : PERALDI, Michel. La fin des norias? Réseaux migrants dans les économies marchandes en Méditerranée. Paris : Maisonneuve § Larose Maison méditerranéenne de science de l'homme, 2002.495 p (citation p.422) 100 VLASE, Ionela. « Insertion des femmes roumaines sur le marché du travail à Rome: un moyen de développement personnel et collectif ». In : Femmes en mouvement. Genre, migrations et nouvelle division du travail. IUED Genève, 2004, p.115-126 (citation p.125. Disponible sur : < http://129.194.160.51/webdav/site/genre/shared/Genre_docs/2865_Actes2004/13-i.vlase.pdf > (consulté le 5 Avril, 2010) 65 Leur esprit entrepreneurial envisagé dans le cadre d’un projet migratoire et les stratégies de circulation, font évoluer la mentalité collective du village traditionnel. En conclusion, on a pu observer l’existence d’un champ migratoire très bien consolidé sur des réseaux familiaux et amicaux qui a évolué, constituant ainsi la première communauté d’étrangers communautaires dans les statistiques italiennes actuelles. Pour mieux analyser les trajectoires migratoires brièvement exposées dans ce chapitre, le tableau suivant offre un panorama d’ensemble avec les éléments les plus importants qui sont à la base de chaque champ migratoire créé. 66 Eléments du champ migratoire Les stratégies de la mobilité Les motivations de la migration Le profil migrants Allemagne -invitation pour le visa -la demande d’asile à l’arrivée -utilisation du visa pour autres pays occidentaux -travail saisonnier à travers d’un contrat obtenu à la suite d’un accord bilatéral -mobilités transfrontalières : « le commerce à la valise » -visa touristique de deux mois utilisé pour le travail irrégulier - visites familiales tourisme : « le mythe de l’Occident » motifs économiques - proches, amis et voisins des Aussiedlers partageant la même origine allemande -personnes nonallemandes --Transylvanie -Banat -Maramures motifs économiques : revenus supplémentaires pour le ménage, moyen de paiement des études et épargne pour payer un visa Schengen -prédominance féminine pour le commerce -jeunes, quelques couples et prédominance masculine pour le travail saisonnier Israël -contrat de travail par des compagnies intermédiaires privées motifs économiques -migration masculine Canada anglophone -sélection très organisée par le consulat canadien -facilité d’information à travers les nouvelles technologies -contacts préalables à la migration -possibilité d’acquérir la citoyenneté canadienne -passeport canadien une stratégie pour la circulation en motifs économiques -la possibilité de travailler dans sa spécialité -prestige offert -migration des personnes hautement qualifiées dans les domaines d’ingénierie, de l’informatique et spécialistes TIC Turquie 67 des Le capital relationnel avec la société de destination - relations avec les Aussiedlers facilitent un bon contact avec la société réceptrice - relations avec la population locale se limitent au travail - connaissance de la langue est nécessaire seulement pour l’emploi -église orthodoxe roumaine seule forme d’organisation de la communauté roumaine -aucune relation entre travailleurs roumains et société israélienne sachant que 20% d’Israéliens provenaient de Roumanie très bonne relation avec la société canadienne - relation continue avec le pays d’origine à travers les TIC - construction de l’école roumaine -création de l’Alliance des Roumains Canadiens Europe et l’insertion sur le marché de travail pour les Roumains avant 2002. France Italie - sortie du pays d’origine avec un visa Schengen (pour ce pays ou Allemagne) -sortie irrégulière avec des passeurs -demande d’asile en France et travail de collecte (vente de journaux ou mendicité) -visas Schengen de l’Allemagne à la suite d’invitation ou achetées -réorientation depuis la France -trajectoires irrégulières à l’aide des passeurs de frontières motifs économiques -migrants roumains tsiganes -les paysans du Pays d’Oaş -jeunes en possession d’un diplôme (bac ou universitaire) -motifs économiques -migrants roumains avec une prédominance du milieu rural - construction des relations avec la population locale -relations avec la population locale, la création des amitiés - langue facile à apprendre pour un roumain - grande présence des formes associatives roumaines : églises, associations etc. Tableau 2. Les trajectoires migratoires roumaines après 1989 et d’intérêt pour cette étude. Source : selon les recherches des auteurs rappelés dans les références bibliographiques de ce chapitre, R. Bucur, 2010 68 Conclusion Le contexte européen avant la chute du Mur a imposé une politique migratoire très limitative. Le petit commerce transfrontalier qui permettait de rendre duales les frontières (barrière et ressource) était la seule pratique qui facilitait un petit déplacement de ces personnes. Pendant cette période en Roumanie, le régime dictatorial possédait une politique migratoire soumise à des conditions très précises pour des populations particulières (les Allemands et les Juifs) en fonction des accords avec leur pays. Pour les Roumains il y avait deux possibilités pour émigrer. La première, très risquée, supposait une migration de type politique, clandestine. La deuxième était une migration de travail contrôlée en fonction des accords existants entre la Roumanie et d’autres pays socialistes ou arabes. Les mobilités roumaines en Europe, interdites pendant la dictature de Ceausescu, prennent différentes formes à partir de 1989. On observe une évolution dans les destinations et les stratégies migratoires adoptées par les migrants roumains. Au début les mouvements se limitent à la proximité des frontières, puis ensuite, ils s’élargissent à tout le territoire européen et même jusqu’au Canada. Les formes de ces mobilités se diversifient entre le commerce transfrontalier et les migrations de travail. Le profil des migrants est aussi très varié: adultes (femmes ou hommes seuls), familles ou jeunes célibataires. Les candidats aux migrations sont des salariés sans qualification ou des professionnels hautement qualifiés. Les points communs dans toutes les typologies de trajectoires présentées sont la construction des réseaux et le but économique. Les champs migratoires entre le pays d’origine et les pays d’accueil se développent grâce à des stratégies mises en place par les migrants roumains parallèlement aux normes européennes. Ces éléments constituent le support d’une analyse plus détaillée dans le chapitre suivant sur la migration roumaine en Espagne. 69 1.3. Une décennie de migration roumaine en Espagne Un autre itinéraire de migrations roumaines après la chute du communisme en Roumanie est organisé vers les pays méditerranéens et particulièrement vers l’Espagne. Pour mieux analyser ce type de mobilités il est nécessaire de connaître les raisons qui les ont déterminées, depuis la situation au pays d’origine jusqu’aux perspectives dans le pays de destination. Comme on a pu l’observer dans les autres trajectoires migratoires, les Roumains ont toujours trouvé des stratégies pour circuler, émigrer et améliorer leur vie. Au début ils ont employé des itinéraires courts faisant seulement du « commerce à la valise », une ressource supplémentaire à leur emploi. Ensuite, ils diversifient leurs mobilités, en passant aux migrations temporaires de travail. C’est le cas aussi vers Espagne. Avant d’arriver à la situation d’émigration actuelle, il faut connaître le contexte qui a conduit au départ de la Roumanie. Nous connaissons le contexte économique roumain mais quelle est la position espagnole devant la migration roumaine ? D’autres aspects nous intéressent pour l’analyse de la migration roumaine en Espagne, ce sont les voies et les stratégies d’accès au territoire espagnol, les modalités d’insertion dans la société espagnole, la distribution territoriale de cette migration. Quelle est la place respective des femmes et des hommes dans la migration roumaine en Espagne ? A quelle échelle territoriale analysons-nous la migration roumaine en Espagne ? Quels sont les flux de cette migration ? Quel est le rôle et l’évolution des réseaux roumains dans le processus migratoire en Espagne ? 1.3.1. La transition politico-économique de la Roumanie, principale cause de la migration roumaine en Espagne Beaucoup d’ouvrages ont rappelé la conjoncture politique et économique de la Roumanie en soulignant les conditions très dures de survie des populations à la fin des années quatre vingt. C’était effectivement un contexte de pauvreté avec des salaires très faibles. La chute du système communiste a précipité les licenciements liés à la vente des fabriques étatiques à des prix symboliques. 70 L’augmentation du chômage a été considérable alors même que les produits occidentaux désormais disponibles se vendaient à des prix élevés. La corruption économique et politique s’est accentuée. L’économie informelle parallèle était très présente durant la période communiste et « plus de la moitié des ménages roumains » 101 continuaient encore cette pratique quotidienne après 1989. Pendant le régime communiste très austère, avec des possibilités très limitées d’avoir accès aux produits de consommation, les relations interpersonnelles jouaient un rôle très important pour accéder aux différents produits et services. Les emplois étaient mal payés, particulièrement dans le domaine administratif surtout et les fonctionnaires développaient des moyens illicites de survie (pourboires pour les services rendus). Après 1989 les lieux d’emploi les plus ouverts, surtout pour les femmes qui s’occupaient du commerce transfrontalier relevaient de l’économie parallèle et informelle. Progressivement, dans le contexte d’une économie de marché très instable « l’activité dans l’économie informelle compense, dans une certaine mesure, la perte d’emplois dans les activités salariées de l’économie formelle » 102 . La situation des emplois reste très difficile. Entre 1990 et 1994, 1716000 103 postes de travail ont été perdus par licenciement dans les nombreuses entreprises industrielles. Pour réduire les coûts sociaux : les retraites anticipées mais très faibles et le choix du chômage volontaire avec obtention des compensations salariales avant le départ sont devenus très courants. Dans ces conditions, la diminution du nombre des emplois produit des taux de chômage très hauts avec « une population active inférieure à la population de retraités » 104 . La proportion des travailleurs actifs a diminué de 82% en 1990 à 64,6% en 2000. Cette réduction de l’emploi et la fragilité de la situation économique durant toute cette période (1990-1999) a provoqué une baisse du PIB roumain qui n’atteignait en 2000 que 75 à 77% 105 de son niveau de 1989. 101 POTOT, Swanie. Vivre à l'est, travailler à l'ouest: les routes roumaines de l'Europe. L'Harmattan. Paris : L'Harmattan, 2007.226 p (citation p.17) 102 DUMA, Viorica et al. « Roumanie : une agriculture de survie, après l'industrialisation forcée ». Economie et statistique, N°383-385, 2005. p.193-217 (citation p.201).Url : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_2005_num_383_1_7200 , consulté le 13 avril 2010 103 NEDELCU, Mihaela. « Les migrations internationales des professionnels hautement qualifiés ». Ad Astra. 2001, Vol. 1, n°1, p.1-20 (citation p.1). Url : http://www.ad-astra.ro/journal/1/nedelcu_migrations_fr.pdf, consulté le 13 avril 2010 104 Idem, Ibidem 105 DUMA, Viorica et al. « Roumanie : une agriculture de survie, après l'industrialisation forcée ». Economie et statistique, N°383-385, 2005. p.193-217 (citation p.198).Url : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_2005_num_383_1_7200, consulté le 13 avril 2010 71 14 12 10 8 6 4 01 20 00 20 99 19 98 19 97 19 96 19 95 19 94 19 93 19 19 19 92 2 0 91 % de chômeurs Taux de chômage en Roumanie 1991-2001 Année Graphique 1. Taux de chômage en Roumanie 1991-2001, R. Bucur, 2010. Source: Selon les données de l’Agence Nationale de l’Emploi de la Roumanie trouvées en DUMA, Viorica et al. « Roumanie : une agriculture de survie, après l'industrialisation forcée ». Economie et statistique, N°383-385,2005.p.193-217 (citation p.201).Url :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_03361454_2005_num_383_1_7200 . Consulté le 13 avril 2010 A partir de 1996, la situation économique empire à cause de la diminution des salaires et de la privatisation en masse de l’industrie restante dans un contexte de corruption généralisée. La crise du logement et le coût des services conduisent à la cohabitation de plusieurs générations dans le même domicile et provoque, dans un premier temps, une mobilité de la ville vers la campagne. L’agriculture de survie représente alors le principal moyen d’assurer les ressources nécessaires à la subsistance. Cette première phase de migration intra-roumaine participe au capital de mobilité des personnes des villages et petites villes vers des destinations plus lointaines. Des recherches 106 montrent une corrélation entre la migration de type urbainrural et celle rurale-internationale pour les villages émetteurs de migrants roumains en Europe. Les villages-centres de certaines communes possèdent un grand nombre d’habitants venus surtout du milieu urbain avec une proportion importante de jeunes. Ces villages sont caractérisés par des infrastructures de transport et une proximité aux villes qui encouragent la mobilité plus intensément que les villages périphériques. 106 SANDU, Dumitru. « Migratia transnationala a romanilor din perspectiva unui recensamant comunitar ». Sociologie Romaneasca. 2000, Vol. 3, n°4, p.5-52 (citation p.30) 72 Même si cette hypothèse est assez logique et valable pour la complexité et l’amplitude de la migration vers l’Europe Occidentale et particulièrement l’Espagne, on trouve aussi des exceptions. C’est le cas du village Dobroteşti 107 . Ce village est très riche, situé dans une zone agricole pauvre du Sud de la Roumanie, à 22 km de la ville la plus proche. Dobroteşti totalise un nombre important de migrants vers l’Espagne. A Dobroteşti, le capital de mobilité s’est déjà construit au temps du communisme grâce aux accords de contrats de travail passés avec la Libye ou l’Egypte. Dans ce type de mobilité les réseaux religieux (adventistes) et familiaux ont joué un rôle fondamental. 1.3.2. La situation économique florissante de l’Espagne : un facteur décisif pour la migration roumaine dans ce pays La situation de l’Espagne comme pays d’immigration est «un phénomène nouveau » 108 . Dans un premier temps, pour mieux expliquer ses effets, il faut faire référence à l’âge des personnes immigrées en Espagne. Elles sont jeunes, actives pour répondre à l’offre d’emploi. Cette structure démographique a des conséquences positives pour la croissance du groupe. L’Espagne est passée de la position de pays émetteur à celle de récepteur d’immigrants: « En, efecto, la conversión de España en una sociedad de inmigración apenas se había iniciado antes de la penúltima década del siglo XX, y no se afirmo decisivamente hasta la de los años noventa » 109 . L’Espagne était l’un des pays de destination préféré par les « touristes résidentiels » provenant des pays riches de l’Europe et installés sur la côte espagnole. Ultérieurement, dans les années quatre vingt en développant son économie, l’Espagne attire d’autres types de mobilités et surtout des immigrés pour des raisons économiques. On trouve une grande diversité de profils parmi les migrants qui proviennent d’Amérique Latine, d’Asie, d’Afrique, d’Europe Centrale et de l’Est. 107 Objet d’étude pour Potot S., Constantinescu M., Serban M., Grigoras V. ARANGO, Joaquin. « La fisionomia de la inmigracion en Espana ». Red Internacional de Migracion y Desarrollo. 2000, p.1-16(citation p.14). Url : http://www.migracionydesarrollo.org/, consulté le 14.04.2010 109 Idem, Ibidem, (citation p. 3) Traduction: En fait, la transformation de l’Espagne dans une société d’immigration a commencé à l’avant- dernière décennie de XXème siècle et elle s’est affirmée jusqu’aux années quatre-vingt-dix. 108 73 Les groupes nationaux se différencient par leurs niveaux d’éducation et de qualification et aussi en fonction des stratégies employées et des réseaux construits. Dans le contexte du vieillissement démographique espagnol, le développement économique de l’Espagne nécessite un appel à la main d’œuvre étrangère. La demande espagnole constitue une motivation importante dans le choix de cette destination pour les immigrants en général pour les Roumains en particulier. Selon une étude 110 du Bureau Economique du Président du Gouvernement espagnol, dans la décennie 1996-2006 le pourcentage des travailleurs étrangers est passé de 1,2% à 12,1%. Dans le contexte de cette croissance économique, des secteurs d’activité ont un déficit de travailleurs plus grand que d’autres. Les constructions, les services, l’agriculture et le tourisme qui nécessitent une main d’œuvre nombreuse, ils ont donc dû recourir à une force de travail extérieure pour assurer leur développement. Les transformations économiques récentes et le refus des travailleurs espagnols pour les emplois non-qualifiés 111 ont accru les besoins en main d’œuvre extérieure. L’incorporation des femmes espagnoles dans le marché du travail a permis de répondre à certaines demandes d’emplois. En même temps, ce salariat féminin espagnol a induit d’autres formes d’emploi dans les services du ménage, du soin des enfants et des personnes âgées. Tous ces critères sont observés chez les travailleurs roumains à Castellón de la Plana et sont à l’origine d’opinions telles que: « l’Espagne est un pays favorable pour la migration féminine » 112 . Les processus pour couvrir les demandes d’emplois à travers plusieurs méthodes comme les accords bilatéraux, ont été insuffisants. Ils ont laissé quand même une petite « porte ouverte » aux diverses « niches d’emplois » 113 accessibles pour les immigrants en général et pour les Roumains en particulier. 110 Inmigración y economía española: 1996-2006 [En ligne]. 15 Novembre 2006, Disponible sur : < http://www.la-moncloa.es/NR/rdonlyres/62B6B50E-AE7B-455A-85A5600EF4EA9281/80515/InmigracionYEconomiaEspaniola12Nov.pdf > (consulté le 14 Avril, 2010) 111 VIRUELA MARTINEZ, Rafael. « La nueva corriente inmigratoria de Europa del Este ». Cuadernos de Geografia. 2002, Vol. 72, p.231-258 (citation p.240). Url: http://dialnet.unirioja.es/servlet/articulo?codigo=857967, consulté le 14.04.2010 112 Entretien réalisé en 2005 avec un travailleur roumain, 38 ans installé à Castellón de la Plana 113 ARANGO, Joaquin. « La fisionomia de la inmigracion en Espana ». Red Internacional de Migracion y Desarrollo. 2000, p.1-16 (citation p.7). Url : http://www.migracionydesarrollo.org/, consulté le 14.04.2010 74 La phrase : « Aqui hay trabajo » 114 , en traduction « Ici il y a du travail » circulait très vite en Roumanie et la destination pour l’Espagne était déjà une « mode » dans ce pays. À travers la multitude des processus de régularisation tous les cinq ans (1986, 1991, 1996, 2001 et 2005) après son entrée dans l’Union Européenne et dans l’Espace Schengen (1991), l’Espagne a dû faire des modifications dans le domaine des politiques migratoires. Elle a réussi, dans une certaine mesure, à limiter la proportion de travailleurs irréguliers présents à ces moments-là, mais en même temps, elle a connu aussi une plus forte intensification des réseaux migratoires: « l’Espagne, l’Italie, la Grèce, voire le Portugal ont appliqué (…) des politiques volontaristes de régulations. Leur philosophie consistait à régulariser dans l’intérêt national : celui de valoriser un potentiel économique et démographique » 115 . 1.3.3. La carte des migrations roumaines en Espagne En analysant les causes de la migration roumaine en Espagne, tant du point de vue du pays d’origine que de celui du pays récepteur, on repère une date clé à partir de laquelle cet itinéraire migratoire est rendu « visible ». L’année 1996 est considérée comme la date où le niveau de vie en Roumanie devient impossible à supporter. En Espagne, il y a une expansion économique florissante qui nécessite et attire de la main d’œuvre. C’est aussi la période où les migrations roumaines en Europe Occidentale connaissent des restrictions importantes et des refus aux sollicitations d’asile. La solution envisagée est de se réorienter vers d’autres marchés de travail européens plus accessibles, non déclarés. Il y a des différences entre l’économie informelle et l’économie souterraine 116 . 114 PAJARES ALONSO, Miguel. « Comunidades inmigradas de la Europa del Este: El caso del colectivo rumano en Espana ». Revista Cidob d'Afers Internacionals. Diciembre 2008, Vol. 84, p.65-79. Url: http://www.cidob.org/es/publicaciones/revistas/revista_cidob_d_afers_internacionals/num_84_migraciones_ y_redes_transnacionales_comunidades_inmigradas_de_europa_central_y_del_este_en_espana, consulté le 14.04.2010 115 TANDONNET, Maxime. Le grand bazar ou l'Europe face à l'immigration. L'Harmattan. Paris : L’Harmattan, 2001.260 p (citation p.47) 116 IBANEZ ANGULO, Monica. « Estatus juridico, identidad social e insercion laboral ». Revista Cidob d'Afers Internacionals. Diciembre 2008, n°84, p.105-152 (citation p.119) Url :http://www.cidob.org/es/publicaciones/revistas/revista_cidob_d_afers_internacionals/num_84_migracio nes_y_redes_transnacionales_comunidades_inmigradas_de_europa_central_y_del_este_en_espana, consulté le 14.04.2010 75 L’économie informelle n’apparaît pas dans les registres officiels et n’est pas comptabilisée dans le PIB. Elle se crée entre les personnes du même statut, des amis. L’économie souterraine se réfère à l’activité économique liée à un compromis entre l’employeur et le travailleur sans enregistrement dans l’économie officielle. La migration roumaine commence à apparaître dans les statistiques espagnoles depuis cette date 1996. Elle effectue une rapide ascension à partir de 2002 qui s’amplifie après 2007. Les services de statistiques espagnoles et beaucoup de chercheurs espagnols, français et roumains 117 qui se sont chargés d’analyser ce type de migration ont découvert des éléments intéressants. Ils ont cherché à identifier les voies d’accès des Roumains en Espagne, leurs modalités d’insertion dans la société espagnole, la distribution territoriale, les perspectives de ces migrants. Les données statistiques utilisées pour estimer le nombre de Roumains en Espagne proviennent de l’Institut National de Statistique. Cet organisme compte toutes les personnes enregistrées dans le Bureau du Contrôle des Habitants. Une autre source, le Ministère du Travail, compte les personnes en possession d’autorisations de séjour et d’emploi. Il y a donc toujours une différence sensible entre les deux services et éléments comptabilisés pour établir le nombre de personnes en situation administrative irrégulière. Les conjonctures européennes, avec la suppression des visas Schengen pour les Roumains en 2002 et l’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne en 2007, sont des éléments qui favorisent cette migration devenue circulation en Espagne. Avant 2002, la trajectoire migratoire vers l’Espagne impliquait une sortie du pays d’origine de manière clandestine avec des passeurs ou avec un visa Schengen. Les personnes qui émigraient obtenaient le visa sur le marché informel ou à travers des agences de tourisme pour une excursion. Les témoignages de Roumains installés à Castellón de la Plana abondent: « j’ai acheté une invitation pour l’Allemagne avec 800 marks et puis j’ai demandé le visa », « j’ai acheté un visa pour l’Allemagne et j’ai payé 1400 dollars », « je suis arrivé pour la première fois en Espagne en 2000 avec un visa pour l’Allemagne », « j’ai acheté un visa pour l’Allemagne mais ma destination était l’Espagne » 118 . Ils sont révélateurs des moyens utilisés pour entreprendre leur migration vers ce territoire. En fonction du stratagème pris pour quitter leur pays d’origine, ils optaient pour la solution de passer la frontière entre le territoire français et espagnol comme des touristes. 117 ARANGO Joaquin, CONSTANTINESCU Monica, LAZAROIU Sebastian, GRIGORAS Vlad, PAJARES Miguel, POTOT Swanie, SANDU Dumitru, SERBAN Monica, TAMAMES Ramon, VIRUELA Rafael, 118 Témoignages pendant l’observation du terrain 2004-2010, Castellón de la Plana 76 Ou bien ils accédaient à des trajets peu utilisés, en passant par les villages de la zone montagneuse entre les deux pays : « c'est-à-dire que la frontière franco-espagnole peut simultanément se présenter comme une barrière (logique de l’Etat-nation), comme une longue percée dans la profondeur territoriale des deux Etats (logique de Schengen) ou encore disparaître (logique des réseaux) » 119 . Une fois arrivés en Espagne ils se dirigeaient vers les régions où des Roumains s’étaient déjà installés. L’entrée en Espagne de manière touristique et sans contrat préalable est prédominante. Alors, la seule possibilité d’insertion dans le marché de l’emploi pour la majorité des migrants roumains est la voie irrégulière120 . La même idée est soutenue par un auteur espagnol qui a observé aussi que « beaucoup de travailleurs ont vécu en situation irrégulière et dans l’économie souterraine pendant des années » 121 . Pour visualiser cette évolution de la migration roumaine sur le territoire espagnol nous présentons par des cartes à l’échelle des provinces, les différents moments d’installation des roumains émigrants : l’année 1998 alors que ces derniers se trouvent déjà depuis deux années dans les statistiques espagnoles, l’année 2003 comprend les données après la suppression des visas Schengen pour les Roumains, l’année 2006 présente les données après la dernière régularisation de 2005 et l’année 2008 après l’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne. Les données utilisées proviennent de l’Institut National Espagnol de Statistique et comprennent les personnes d’origine roumaines déclarées et enregistrées dans les Registres des Habitants sans être nécessairement en possession de permis de résidence ou de permis de résidence et travail. 119 TARRIUS, Alain. La mondialisation par le bas. Les nouveaux nomades de l'économie souterraine. Balland. Paris, 2002.159 p (citation p.122) 120 PAJARES ALONSO, Miguel. « Comunidades inmigradas de la Europa del Este: El caso del colectivo rumano en Espana ». Revista Cidob d'Afers Internacionals. Diciembre 2008, Vol. 84, p.65-79 (citation p.73). Url: http://www.cidob.org/es/publicaciones/revistas/revista_cidob_d_afers_internacionals/num_84_migraciones_ y_redes_transnacionales_comunidades_inmigradas_de_europa_central_y_del_este_en_espana, consulté le 14.04.2010 121 VIRUELA MARTINEZ, Rafael. « Europeos del Este en el mercado de trabajo español. Un enfoque geográfico ». Revista Cidob d'Afers Internacionals. Diciembre 2008, Vol. 84, p.81-103 Url:http://www.cidob.org/es/publicaciones/revistas/revista_cidob_d_afers_internacionals/num_84_migracion es_y_redes_transnacionales_comunidades_inmigradas_de_europa_central_y_del_este_en_espana, consulté le 15.04.2010 77 Carte 3. La migration roumaine en Espagne, 1998 78 Carte 4. La migration roumaine en Espagne, 2003 Sur ces deux cartes on peut observer la grande évolution du nombre de Roumains enregistrés dans les Services du Contrôle des Habitants avec un total de 906 personnes d’origine roumaine à Madrid pour une présence roumaine totale de 2260. 79 Cette présence roumaine évolue jusqu’à 47 442 à Madrid pour 137 347 Roumains au total en 2003. En comparant les deux figures, on remarque en 1998 une accentuation de la présence roumaine sur la côte (les provinces de Castellón, Valencia et Barcelona) et dans la capitale. Au fur et à mesure, on observe une expansion de cette migration autant sur le littoral méditerranéen que vers les provinces limitrophes à cette zone. La répartition vers le nord n’est pas négligeable et l’apparition d’un couloir au sud de la capitale non plus. On peut observer un déséquilibre entre la moitié est et la moitié ouest du pays, conforme à la répartition de la population roumaine. Ces zonages de la présence roumaine sont dûs aux opportunités d’emplois qui existent sur la côte orientale dans les secteurs du tourisme, des services, de l’agriculture saisonnière et surtout de la construction. L’attraction de la capitale espagnole est très forte pour un grand nombre de Roumains grâce à la diversité de l’emploi. L’extension vers le sud de la capitale par exemple Alcala de Henares ou Arganda del Rey fait penser que les travailleurs roumains résident dans ces petites villes et qu’ils se déplacent quotidiennement pour l’emploi vers la grande ville. Pendant les années suivantes (les cartes 5 et 6) on note une évolution des effectifs de plus en plus nombreux de population roumaine : on passe de 394 078 Roumains en 2006 à 702 954 en 2008. La ville de Madrid connaît une croissance gigantesque de 47 442 (2003) à 114 556 (2006). On peut se référer au dernier processus de régularisation quand beaucoup de gens se sont fait enregistrer pour accéder à obtenir un permis de séjour et de travail. Il y a aussi les conséquences de ce processus administratif qui provoque un « effet d’appel » à d’autres migrants possibles et un encouragement à l’enregistrement des gens qui, jusque-là, n’osaient pas se rendre visibles. L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne augmente cette visibilité de la présence roumaine sur le territoire espagnol ; ceci est la conséquence de nouvelles arrivées mais aussi de la volonté des personnes déjà installées de sortir de la clandestinité. La distribution de la population roumaine s’étend dans tout le pays avec des concentrations variables en fonction des paramètres rappelés antérieurement : possibilités d’emploi et développement des réseaux. 80 Carte 5. La population roumaine en Espagne, 2006 81 Carte 6. La migration roumaine en Espagne, 2008 82 Dans le cas de la population roumaine, selon les données du Ministère de Travail qui comptabilise les personnes en situation administrative régulière, on observe une distribution conforme à celle offerte par les données de l’Institut National Espagnol de Statistique. Les données exprimées par la représentation cartographique sont renforcées par les explications données par les événements politiques et juridiques importants des années 2002, 2005, 2007. Dans ce contexte il est intéressant de voir cette évolution sur une décennie de migration roumaine régulière dans le territoire espagnol. Evolution de la population d'origine roumaine en situation administrative régulière 1998-2008 en Espagne Nombre 800000 700000 600000 500000 400000 300000 200000 100000 0 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Année Graphique 2. Evolution de la situation administrative régulière de la population roumaine en Espagne entre 1998 et 2008. Source : Selon les données du Ministère de Travail et Immigration de l’Espagne : « Anuario estadístico de Inmigración, 2008 », R. Bucur, 2010 Pour analyser la distribution territoriale de cette migration, nous avons choisi les cinq premières provinces espagnoles qui accueillent le plus de Roumains en possession d’un permis de séjour ou permis de séjour et de travail, y compris les étudiants et les travailleurs qui ont le nouveau statut de communautaire identifié administrativement par le Numéro d’Identification de l’Etranger. Provinces Madrid Castellón 1998 Provinces 2003 Provinces 2006 Provinces 1 649 Madrid 18 722 Madrid 51 100 Madrid 361 Castellón 4 153 Castellón 19 257 Zaragoza 2008 153 210 49 890 Barcelona 248 Almería 3 289 Zaragoza 13 806 Castellón 46 676 Zaragoza 187 Zaragoza 3 090 Valencia 10 244 Valencia 41 099 Valencia 146 Barcelona 3 050 Toledo 9 366 Almería 31 951 Tableau 3. Les provinces avec une population roumaine nombreuse 1998- 2008. Source : Selon les données du Ministère de Travail et d’Immigration de l’Espagne, R. Bucur, 2010 83 En analysant le tableau 2 pendant une période de dix ans, on observe une évolution assez rapide dans la régularisation de la situation administrative pour les Roumains installés dans la Province de Madrid et la Province de Castellón. Même si le nombre de travailleurs roumains dans ces régions n’est pas négligeable, dernièrement on remarque une évolution rapide dans la Province de Zaragoza. Cela peut être interprété comme un mouvement interne qui donne à Zaragoza une bonne place dans la classification de cette migration régulière. On peut expliquer cette situation par le fait que depuis 2006 cette province s’est bien développée. La préparation de l’accueil d’un événement de taille mondiale Expo Zaragoza, sur le thème de l’Eau et du développement durable en est aussi une raison. Pour cet évènement de grande ampleur, on a créé beaucoup d’emplois entraînant une orientation de la migration vers ce territoire. Selon une étude 122 sur l’impact de ce fait, en 2007, 9000 emplois se sont concrétisés qui ont rapporté presque 1,5% du PIB de la Région d’Aragon dont fait partie la Province de Zaragoza. Secteurs de création d'emplois: Zaragoza 2006-2008 12000 10000 8000 Constructions 6000 Industrie 4000 Services 2000 0 2006 2007 2008 Graphique 3. Les secteurs d’emplois à Zaragoza 2006-2008. Source: Selon les données de l’étude “EL MERCADO DE TRABAJO ARAGONÉS DESPUÉS DE LA EXPO 2008”, Instituto Aragonés de Empleo, R. Bucur, 2010 Comme on peut l’observer sur cette figure il y a une grande proportion de travailleurs dans le secteur de la construction qui est dépassée logiquement dans la dernière période par celui des services. 122 INSTITUTO ARAGONÉS DE EMPLEO Y EL SERVICIO PÚBLICO DE EMPLEO ESTATAL. El mercado laboral aragónes después de la Expo 2008 [En ligne]. Zaragoza: Instituto Aragonés de Empleo y el Servicio Público de Empleo Estatal, 2008. Disponible sur : < http://www.cai.es/sestudios/paginas/paginafinal.asp?idNodo=1782 > (consulté le 2 Février, 2010) 84 Parmi les ouvriers un grand nombre d’hommes dont une partie importante d’étrangers résident dans la capitale de la province (61,4%) et 25,4% proviennent d’autres régions voisines ce qui peut expliquer l’hypothèse des mouvements internes. Par contre, d’autres territoires de concentration de la population roumaine comme Barcelona ou Almeria souffrent de modifications liées aux opportunités d’emplois qu’ils peuvent offrir. La présence plus ou moins forte des réseaux roumains dans ces provinces est également déterminante. Par une image d’ensemble sur cette évolution de la présence roumaine en Espagne analysée à une échelle très fine, celle des municipios 123 , la carte suivante peut offrir une visualisation du taux de croissance de cette migration entre 2004 et 2008. Dans un premier temps, on observe une croissance modérée condensée autour de la capitale et sur la côte de l’est avec des pics de concentration positive seulement dans 72 communes. Un grand nombre de municipios n’ont personne d’origine roumaine. Presque 400 communes ont souffert d’un taux négatif principalement à cause des migrations internes vers d’autres régions plus favorables à l’emploi. La majorité des communes, environ 2700, ont connu une croissance modérée de population roumaine, qui s’explique par le développement des réseaux en fonction de la demande de forces de travail. 123 Le terme espagnol « municipio » corresponde à l’unité administrative-territoriale française, de « commune » ou de « canton » 85 Carte 7. Taux de croissance de la présence roumaine en Espagne à l’échelle municipale 2004-2008 L’année 2008 est très importante pour constater la présence roumaine en Espagne. Dans ce contexte, nous pensons qu’il est très intéressant d’élaborer une analyse détaillée sur la situation de cette population à une échelle très fine du territoire espagnol, celle des « municipios ». Nous allons utiliser les données concernant les migrants roumains par rapport à la population totale et à la population étrangère. 86 1.3.4. Présence roumaine en 2008 : faits marquants En 2008, l’Espagne accueille 731 806 personnes d’origine roumaine, soit 1,6% de sa population totale et 13,9% de ses 5 268 762 étrangers. Lorsqu’on analyse la répartition de cette population immigrante d’origine roumaine dans le maillage communal cette fois, on note, dans un premier temps, qu’il y a 3 061 communes, soit 37% de l‘ensemble, qui n’ont aucune population immigrante roumaine et 532 communes (6,4%) qui n’enregistre qu’une seule personne d’origine roumaine. C’est la ville de Madrid qui accueille le maximum de migrants roumains, c’est-àdire 54 674, soit 1,7% de sa population totale de 3 213 271 habitants et 10,1% de l’ensemble de sa population d’origine étrangère. Géocode Commune TOTAL 28079 28005 ESPAGNE Madrid Alcalá de Henares Coslada Arganda del Rey Zaragoza Castellón de la Plana 28049 28014 50297 12040 Population totale 46157822 3213271 203645 Population Etrangère 5268762 539624 40656 Population roumaine 731806 54674 18828 % Roumains/total 1,6% 1,7% 9,2% % Roumains/étrangers 13,9% 10,1% 46,3% 89918 50309 18690 13499 15515 10485 17,3% 20,8% 83% 77,7% 666129 177924 79313 35895 27267 23421 4,1% 13,2% 34,4% 65,2% Tableau 4. Noyaux importants de la population roumaine par rapport à la population totale et étrangère. Source: Selon les données de Instituto Nacional de Estadística, Revisión del Padrón municipal 2008. Datos por municipio, R. Bucur, 2010 87 Carte 8. Pourcentage de la population roumaine par rapport à la population totale en 2008 88 Carte 9. Pourcentage de la population roumaine par rapport à la population étrangère en 2008 Dans la province de Madrid, trois localités méritent l’attention. La petite ville d’Alcalá de Henares compte 9,2% de roumains par rapport à sa population totale, mais cette population roumaine représente une concentration de 46,3% par rapport à la population étrangère totale sur son territoire. 89 Coslada possède la plus grande concentration de population d’origine roumaine par rapport à la population étrangère (83,0%) et 17,3% du total des habitants de cette ville (89 918 personnes). La troisième localité, Arganda del Rey, enregistre 20,8% de roumains sur une population totale de 50 309 habitants et 77,7% de roumains par rapport aux étrangers qui y sont déclarés. Après Madrid, c’est la capitale de la province de Zaragoza qui arrive en seconde place. Elle compte, toujours en 2008, 27 267 personnes d’origine roumaine (4,1% du total de sa population et 34,4% de sa population d’origine étrangère déclarée). On peut poser l’hypothèse déjà évoquée plus haut, que cette concentration est liée à la préparation et à l’organisation de l’Exposition Internationale (ExpoZaragoza) en 2008 sur la thématique : « L’eau et le développement durable ». Cet évènement a entraîné la construction massive d’infrastructures avec une demande de services multiples conduisant à la création d’un grand nombre d’emplois dans les secteurs de la construction, des services et de l’industrie et donc à l’accroissement de la main-d’œuvre. Les travailleurs proviennent de la même province, mais aussi des provinces limitrophes, et le rapport entre les travailleurs espagnols et les travailleurs étrangers est de 60% pour les premiers et 40% 124 pour les autres. La troisième ville d’Espagne pour le pourcentage de population roumaine par rapport à sa population étrangère est la ville de Castellón de la Plana (65,2%). Cette ville compte une population totale de 177 924 habitants dont 13,2% est d’origine roumaine. La concentration de cette population migrante est due à la construction de réseaux sociaux dans un contexte économique favorable qui nécessitait une main-d’œuvre abondante dans les secteurs des services, du bâtiment et de l’agriculture. L’emplacement de la ville sur la côte méditerranéenne représente également un réel atout pour la demande de travailleurs dans le secteur touristique. 124 INSTITUTO ARAGONÉSDE EMPLEO Y EL SERVICIO PÚBLICO DE EMPLEO ESTATAL. El mercado laboral aragónes después de la Expo 2008 [En ligne]. Zaragoza: Instituto Aragonés de Empleo y el Servicio Público de Empleo Estatal, 2008. Disponible sur : < http://www.cai.es/sestudios/paginas/paginafinal.asp?idNodo=1782 > (consulté le 2 Février, 2010) 90 1.3.5. La dynamique des réseaux migratoires roumains sur le territoire espagnol Les études faites dans le pays d’origine comme dans le pays d’accueil sur la migration roumaine en Espagne ont dévoilé un point commun. C’est le fait que ce type de mobilité est apparu et s’est développé grâce à la dynamique des réseaux migratoires : « la migration transnationale circulatoire est un phénomène des réseaux » 125 . Ces réseaux se sont formés au niveau des individus et évoluent au niveau des communautés tant du côté du pays d’origine que de celui de destination. Ils sont construits sur la base d’un élément commun qui joue un rôle fondamental, par exemple, l’appartenance à un certain culte à laquelle s’ajoutent les relations familiales. L’origine des premières trajectoires migratoires en Espagne est liée à l’arrivée des Roumains adventistes qui avaient des contacts avec les Espagnols de même confession 126 , comme c’est le cas, au début de la migration roumaine à Castellón. Selon un entretien avec une dame roumaine, pionnière dans cette migration à Castellón de la Plana, il apparaît qu’au début, les Espagnols pensent que « les immigrants roumains ne travaillent pas le samedi et ne mangent pas de viande de porc » 127 , caractéristiques du culte adventiste. La solidarité des fidèles des cultes néo-protestants comme les adventistes, les pentecôtistes, les baptistes a constitué la base de la construction de ces réseaux de population roumaine. Selon des études 128 faites dans la région de Madrid on observe une présence roumaine avec une majorité de fidèles adventistes à Coslada et Torrejon de Ardoz. Les pentecôtistes, les baptistes, les adventistes prédominent aussi à Arganda del Rey et les orthodoxes à Alcala de Henares. On note une forte liaison entre ces petites villes espagnoles et les régions roumaines de départ de cette population. Au début l’influence religieuse est importante avec des connexions territoriales au sud de la Roumanie et plus précisément dans le département Teleorman pour les adventistes, l’ouest et nord-ouest pour les autres cultes néo-protestants. 125 SANDU,Dumitru. « Migratia transnationala a romanilor din perspectiva unui recensamant comunitar ». Sociologie Romaneasca. 2000, Vol. 3, n°4, p.5-52 (citation p.32) 126 VIRUELA MARTINEZ, Rafael. « La nueva corriente inmigratoria de Europa del Este ». Cuadernos de Geografia. 2002, Vol. 72, p.231-258 (citation p.243) 127 Entretien réalisé en 2004 avec la présidente de l’Association des Immigrants des Pays de l’Est, Castellón de la Plana 128 SANDU, Dumitru (Coord.). Comunitati romanesti in Spania [En ligne]. Fundatia Soros. Romania : Fundatia Soros, 2009. 142 p. Disponible sur : < http://www.osf.ro/ro/publicatii.php?pag=3# > 91 Les adventistes du sud de la Roumanie ont formé le groupe pionnier dans l’initiative de ces mobilités vers l’Espagne, notamment à Madrid 129 et à Castellón 130 . L’église adventiste roumaine par ses normes dogmatiques a joué un rôle fondamental dans la création et l’augmentation de ces réseaux. Le support relationnel entre les personnes du même culte et le support financier (les fidèles donnaient 10% de leurs revenus à l’église pour les besoins) 131 ont déterminé une extension des réseaux même chez beaucoup d’orthodoxes qui se sont convertis. A l’échelle spatiale, il y a des relations particulièrement les mariages (permis seulement entre adventistes) qui ont constitué des noyaux dans l’ensemble de plusieurs villages : Crângeni, Rădoieşti, Călmăţuiu, Balta Sărată, Peretu etc. 129 SERBAN, Monica et GRIGORAS, Vlad. « Dogenii din Teleorman in tara si in strainatate. Un studiu asupra migratiei circulatorii in Spania ». Sociologie Romaneasca. 2000, n°2, p.30-54 130 PAJARES ALONSO, Miguel. « Comunidades inmigradas de la Europa del Este: El caso del colectivo rumano en Espana ». Revista Cidob d'Afers Internacionals. Diciembre 2008, Vol. 84, p.65-79 (citation p.71) 131 RADU, Cosmin. « De la Crangeni-Teleorman spre Spania: antreprenoriat, adventism si migratie circulatorie ». Sociologie Romaneasca. 2001, Vol. 1, n°4, p.1-17 92 Carte 10. Localisation des villages roumains dont on trouve des adventistes qui ont émigré en Espagne Les métiers connus par les adventistes (plus flexibles en accord avec leurs normes religieuses) en majorité dans le secteur des constructions répondaient à la demande de main d’ouvre en Espagne. Tous ces éléments ont conduit à l’élaboration d’un champ circulatoire entre les deux pays à travers des réseaux familiaux, amicaux et religieux. 93 Les orthodoxes, population majoritaire en Roumanie, ont suivi vers l’Espagne les routes déjà ouvertes par les adventistes. Les migrants roumains orthodoxes connaissent une répartition dispersée dans toutes les villes de la région de Madrid. Ils se distribuent sur le territoire espagnol tout entier à la base de simples relations familiales et amicales expliquent ces migrations. La circulation des informations sur les stratégies pour sortir de la Roumanie et arriver en Espagne, les possibilités de trouver un logement et un emploi, sont des éléments clés pour la dynamique de ces réseaux. Une fois installés sur le territoire espagnol, les Roumains provenant d’un village particulier font circuler des informations très utiles pour favoriser les nouvelles sorties de leurs co-villageois augmentant ainsi le groupe des nouveaux arrivants. Des phrases comme: «ici habitaient mes parents, j’étais resté tout seul en Roumanie » 132 ou « je suis venu chez ma sœur », « j’avais ici de la famille » « je suis venu chez des amis de mon village » se retrouvent dans la majorité des conversations avec les Roumains installés à Castellón de la Plana. Les premiers ressortissants ont accumulé un capital de mobilité, un savoir-faire du processus migratoire. Ils ont engrangé des ressources matérielles qu’ils ont envoyées dans leurs familles pour les aider à les rejoindre dans une meilleure vie. Ensuite les réseaux se sont élargis aux voisins, villageois en général et enfin au niveau de toute une communauté comme dans le village roumain de Scrioastea. C’est une commune qui fait partie du département de Teleorman, située dans une zone très pauvre et dans laquelle « plus de trente familles circulaient entre le village et l’Espagne » 133 . Ici le processus migratoire était vu à l’échelle de la commune et soutenu par les représentants de celle-ci. Ils connaissaient les bénéfices matériels que ces départs à l’étranger apportaient et ils pensèrent même à organiser des cours d’espagnol pour les futurs migrants. Les profils des migrants entraînés dans ces réseaux, avec ou sans caractère religieux, sont majoritairement des hommes d’âge mûr ou des hommes jeunes ayant un niveau d’études moyen et qui seront rejoints ensuite par leurs femmes dans le cas des familles. La participation des femmes dans ces réseaux est conditionnée par la présence en Espagne d’un membre de leur famille proche (mari, frère, père, cousin) qui peut les accueillir et les intégrer dans le marché du travail. 132 Entretiens réalisés au cours d’une observation continue 2004-2010 à Castellón de la Plana. SANDU, Dumitru. « Les enjeux des réseaux migratoires dans l'espace social de la transition. Le cas roumain ». Maison des Sciences de l'Homme, 2001.20 p (citation p.14). Disponible sur : < http://dumitru.sandu.googlepages.com/Migration_comme_phenomene_de_reseau_.pdf > (consulté le 20 Avril, 2010) 133 94 À Almeria (El Ejido) où le parcours migratoire était « plus ouvert que celui orienté vers Coslada » 134 sans référence religieuse, « un nombre important de Roumains et Roumaines » 135 travaillent comme saisonniers dans les serres de fruits et légumes. Quand les migrants roumains n’ont pas de métier (contrairement aux adventistes), le choix de la région d’accueil est conditionné au type d’emploi qu’ils trouvent et qu’ils peuvent développer, le plus souvent dans l’agriculture. La proportion de femmes qui se rendent en Espagne pour rejoindre les hommes donne un caractère particulier à cette migration qui est différente de celle des autres collectifs d’immigrants dans ce pays : « las asimetrías más acusadas se dan entre los inmigrantes procedentes de África, donde el número de hombres duplica con creces al de mujeres; y, en sentido contrario, entre los de América Latina, donde las mujeres predominan en una proporción de 1,7 a 1» 136 (« les asymétries les plus grandes sont entre les immigrants venus d’Afrique dont le nombre d’hommes est le double de celui des femmes, et les immigrant d’Amérique Latine, où contrairement les femmes prédominent en proportion de 1,7 pour 1»). Dans le cas de la population roumaine, ce regroupement familial, réalisé par les diverses stratégies d’immigration et pas nécessairement par la voie administrative, est caractéristique de la migration roumaine en Espagne. Cette particularité produit une tendance à l’équilibre. Pour mieux se rendre compte de la situation on peut observer les cartes suivantes qui présentent les rapports entre les nombre d’hommes et de femmes d’origine roumaine entre 2004 et 2008 à l’échelle des municipios, selon les données de l’Institut National de Statistique de l’Espagne. Le choix des années 2004 et 2008 est réalisé en fonction de la complexité des données à une échelle très fine. Cette analyse peut donner une vision très détaillée de la réalité migratoire roumaine dispersée dans toute l’Espagne. Au premier abord, on observe une croissance de la population roumaine féminine entre 2004 et 2008 qui tend vers l’équilibre entre nombre d’hommes et nombre de femmes. Le point commun pour les deux années est la répartition assez similaire de la concentration roumaine, selon les données du Ministère du Travail et de l’Immigration. 134 POTOT, Swanie. Vivre à l'est, travailler à l'ouest: les routes roumaines de l'Europe. L'Harmattan. Paris : L'Harmattan, 2007.226 p (citation p.92) 135 POTOT, Swanie. « La place des femmes dans les réseaux migrants roumains », Revue européenne des migrations internationales, vol. 21 - n°1 | 2005, [En ligne], mis en ligne le 08 septembre 2008. URL : http://remi.revues.org/index2335.html. Consulté le 20 avril 2010 136 ARANGO, Joaquin. « La fisionomia de la inmigracion en Espana ». Red Internacional de Migracion y Desarrollo. 2000, p.1-16 (citation p.7). Url : http://www.migracionydesarrollo.org/, consulté le 14.04.2010 95 Cette situation est présente dans la capitale et son corridor méridional et sur la côte méditerranéenne avec les provinces: Castellón, Zaragoza, Barcelona, Valencia, Almeria. Les différences apparaissent entre les deux années par la tendance à l’équilibre des pôles en 2008 alors que la prédominance masculine s’affirmait en 2004 ainsi à Zaragoza et dans le corridor de Madrid. Une explication à la concentration masculine dans ces régions en 2004 est donnée par les opportunités d’emploi dans le secteur de la construction, ce qui renforce le nombre des réseaux de travailleurs roumains. Dans le cas du corridor de Madrid, le développement des infrastructures de transports qui assurent la liaison entre les petites villes méridionales et la capitale, favorise l’emploi. Ces facilités de déplacement peuvent expliquer la grande concentration de population roumaine féminine dans la ville de Madrid. Évidemment, ces personnes travaillent dans les secteurs de services : domestiques et personnel d’hôtellerie et habitent parfois dans les villes d’alentour : « les femmes trouvent plus facilement du travail que les hommes » 137 . Ces situations amplifient les regroupements des familles roumaines entre 2004 et 2008. L’événement international très important (ExpoZaragoza) organisé en 2008 à Zaragoza explique aussi la présence de la population roumaine féminine et masculine dans cette ville et province. Cette disposition est dûe à la grande demande de main d’œuvre dans les secteurs de construction et des services qui a impliqué une réorientation des réseaux roumains dans cette région. L’année 2008 connaît une intensification de migration féminine d’origine roumaine à Huelva, une région agricole prédominante pour la culture des fraises qui nécessite abondante main d’œuvre féminine. Les accords bilatéraux signés entre l’Espagne et la Roumanie ont eu une grande importance pour les travailleuses roumaines qui arrivaient ainsi avec un contrat de travail. L’apogée des arrivées avec un contrat de travail signé en Roumanie a été atteint en 2007 avec 61,26% de travailleurs roumains, en majorité des femmes pour 63,64% 138 des emplois offerts. On observe 803 municipios (en 2004) et 1457 (en 2008) comptant une égale proportion d’hommes et de femmes ce qui soutient l’hypothèse des réseaux familiaux. 137 Entretien réalisé en 2005 avec un travailleur roumain, 51ans, installé à Castellón de la Plana GORDO MARQUEZ, Mercedes. « La contratación en origen de rumanos para actividades agrícolas de temporada en España ». Cuadernos de Geografía. 2008, n°84, p. 237-262 (citation p.249) 138 96 Carte 11. Les rapports H /F d’origine roumaine en Espagne en 2004 97 Carte 12. Les rapports H /F d’origine roumaine en Espagne en 2008 Actuellement, dix ans de migration roumaine en Espagne sont écoulés. La situation économique, dans le contexte de la crise du secteur immobilier et implicitement de la construction, affecte beaucoup ce type de mobilité. 98 Le nouveau contexte européen induit des conséquences très importantes pour les Roumains dans l’évolution de leur présence sur le territoire espagnol. Dans ce contexte, l’analyse de l’année 2008 est une référence dans l’apogée de la migration en Espagne. Le développement des réseaux migratoires de types familiaux (ayant au début une base religieuse) constitue le moyen primordial dans la construction des nouvelles territorialités entre les deux pays. 99 Conclusion La migration roumaine en Espagne est une conséquence des conditions économiques très difficiles du pays d’origine et d’un contexte favorable pour couvrir l’offre d’emploi existante en Espagne. L’économie roumaine caractérisée par un déclin de l’industrie, des nombreux licenciements et une aggravation de la pauvreté, détermine l’amplification des déplacements de population vers d’autres pays européens. La situation restrictive des politiques migratoires en Europe, vers la fin des années quatre-vingt dix, réoriente le flux des mobilités roumaines vers le territoire espagnol. Dans un premier temps, la création des réseaux migratoires par l’appartenance religieuse a constitué la voie principale de la migration roumaine en Espagne. Ensuite ces liens ont évolué avec la multiplication d’autres réseaux de type familial et amical. Ils ont favorisé le développement d’une présence roumaine importante dans ce pays. La proportion équilibrée entre les femmes et les hommes d’origine roumaine sur le territoire espagnol s’explique par la dimension familiale de la migration. Il s’agit principalement d’une migration en famille alors que d’autres migrations sont entièrement féminines ou entièrement masculines. Les stratégies de migration, l’existence des réseaux et l’accumulation d’un capital de mobilité constituent les éléments principaux pour continuer la recherche sur l’importance de la présence roumaine à Castellón. 100 1.4. Une surprenante visibilité de la population roumaine à Castellón de la Plana Pourquoi Castellón ? C’est la première question que peut se poser le lecteur en abordant ce chapitre. D’autres questions comme : quelle est la particularité de cette province espagnole pour attirer autant la migration roumaine ? Quels éléments révélant la présence roumaine trouvons-nous à Castellón ? Au cours de cette partie nous ferons d’abord une petite analyse de la conjoncture économique attractive de la province. Ensuite, à travers des éléments de visualisation cartographique et photographique nous décrirons les lieux emblématiques de la présence roumaine dans la ville de Castellón. Nous présenterons les entreprises, les associations et les institutions roumaines qui sont fréquentées quotidiennement par les Roumains installés à Castellón. 1.4.1. Le contexte favorable de la Province de Castellón La Province de Castellón est située sur la côte méditerranéenne entre Barcelone et Valence, elle a comme capitale la ville de Castellón de la Plana. Cette province constituée de 136 communes comptait en 2008 une population totale de 594 915 dont 9% de Roumains. Du point de vue géographique, c’est une province de contrastes : elle a une position très favorable pour le tourisme sur la côte méditerranéenne. Sa partie intérieure au relief plus accidenté et aux villages traditionnels vide de sa population à l’avantage de la côte qui concentre le plus d’habitants. Le contexte économique de cette province dans l’ensemble de la Communauté Valencienne a joué un rôle essentiel dans le choix des migrants roumains. Même si, dans un premier temps, les installations se font par des réseaux religieux, les liens migratoires s’intensifient. Les autres piliers comme la famille et les amis ont une étroite relation et dépendance avec l’économie locale et régionale puisque le travail est la principale raison de cette migration. Cette migration économique s’est développée en corrélation avec le développement économique de la province. 101 Entre les années 1996 et 2007 la Communauté Valencienne a connu une grande croissance économique avec un PIB (3,9%) 139 supérieur à celui du pays. Dans ce contexte, la Province de Castellón se trouve dans un processus de réindustrialisation qui la transforme en « province la plus industrialisée de la Communauté Valencienne et l’une des plus industrialisées de l’Etat» 140 . Cette dynamique industrielle détermine l’avenir de l’économie régionale. Elle est caractérisée par des activités intenses avec une forte demande de main d’œuvre. Toutes ces activités se développent dans les districts industriels spécialisés avec un fort pourcentage de PMI-PME. Les principales spécialisations sont la fabrication de produits textiles, de meubles en bois, de chaussures et de produits en cuir, d’automobiles et de pièces détachées, d’alimentation, de boissons et de tabac. La branche industrielle la plus importante reste le secteur de la faïence et des céramiques. Celle-ci jouit d’un poids considérable pour la Province de Castellón et la place comme l’un des plus importants secteurs industriels de la région. 139 INSTITUTO DE CREDITO OFICIAL. Situación económica de la Comunidad Valenciana [En ligne]. 28 Janvier 2009, Disponible sur : < http://www.ico.es/web/descargas/paginas/8537053_Situacion%20%20Economica%20Com.%20Valencian a%2028-01-09.pdf > (consulté le 22 Avril, 2010) 140 BERNAT, Joan Serafi et GIMENO, Celesti. « Iguals pero menys: la colonia romanesa a Castello ». In: Migracion e interculturalidad. De lo global a lo local. Castello de la Plana: Universitat Jaume I, 2006. p.169219 (citation p.208) 102 Carte 13. Localisation de la Province de Castellón dans le territoire espagnol A un niveau micro-économique, directement lié au secteur des céramiques, se trouve le secteur de la construction. Il se développe traditionnellement dans le contexte de l’augmentation du marché immobilier, des travaux publics, des infrastructures en même temps que la demande en matériaux de construction. Depuis 1994, le secteur de la construction s’est intensifié par la construction de résidences principales ou secondaires très nombreuses. Une autre raison est donnée par les tendances migratoires actuelles qui génèrent un besoin constant de logements. 103 Dans ces situations, le marché immobilier a gagné du terrain en dépassant les autres domaines économiques. L’arrivée de nombreux immigrants, en particulier d’un large contingent de populations des pays de l’Est – essentiellement de Roumanie – a fortement stimulé l’expansion de la province : « Castellón est une province unique où la collectivité roumaine est la plus nombreuse, elle est située juste après Madrid en chiffres absolus mais elle est la première en chiffres proportionnels » 141 . Du point de vue économique, la Province de Castellón est considérée comme un pôle d’attraction pour la population allogène dans le contexte de sa spécificité de « district industriel ». Pour mieux comprendre cette caractérisation, il faut bien voir la définition concrète de cette entité économique. La dénomination de district industriel se réfère à : « un système productif limité géographiquement, caractérisé par un nombre élevé de petites et moyennes entreprises établies majoritairement en un nombre réduit de phases du processus productif » 142 .Tout ce district industriel bénéficie d’une collaboration étroite entre les autorités territoriales, les entreprises et le tissu social. Cette coopération favorise le développement des relations socio-économiques de la Province de Castellón. Dans ce contexte, on remarque un fort taux d’activité -70-80 % - qui peut constituer la principale attraction pour la population étrangère qui s’y installe. De ce fait, cette province enregistre un taux de chômage très bas : 3,3% en 2001 143 . L’effet « d’appel et la construction des réseaux » reste à la base de la migration roumaine de la Province de Castellón qui couvre la demande de main d’œuvre dans un contexte amplifié par les transformations de la société d’accueil. Alors qu’initialement, la province connaissait un très fort développement de l’industrie des céramiques, on observe par la suite un meilleur développement des autres secteurs dérivés de la céramique. Ce sont les secteurs de la construction et des services, en particulier dans le domaine immobilier. La province de Castellón devient également très attractive pour les Roumains à cause du vieillissement de la population espagnole et l’accès des femmes sur le marché du travail. Le déséquilibre que pouvait produire l’entrée de la femme espagnole sur le champ de l’emploi est compensé par l’arrivée des nouvelles travailleuses qui occupent les emplois ménagers. La même situation se retrouve pour les soins aux personnes âgées et aux petits enfants. 141 FUERTES EUGENIO, Ana María et al. El distrito industrial de la cerámica. Claves de la competitividad de la economía de Castelló. Fundación Dávalos -Fletcher. Castellón de la Plana: Fundación DávalosFletcher, 2005. 342 p (citation p.265) 142 Idem, Ibidem, (citation p.30) 143 Idem,Ibidem (citation p.272) 104 C’est dans ce contexte de la demande de main d’œuvre extérieure dans les secteurs des services domestiques et de la construction que se développent les réseaux migratoires roumains. D’autre part, la recherche d’une meilleure vie dans un pays et un lieu précis plus ouvert à la présence d’immigrés constitue un argument supplémentaire pour entreprendre un projet migratoire à Castellón. 1.4.2. Lieux symboliques de la présence roumaine à Castellón de la Plana Nous nous proposons d’observer sur le terrain la présence roumaine à Castellón. Pour accéder à cette approche nous présentons des endroits fréquentés par les migrants roumains. Imaginons un itinéraire dans cette ville ayant pour objectif de surprendre tous les aspects d’organisation, de modélisation des espaces de vie et de construction des réseaux des Roumains à Castellón. La figure suivante nous offre une image des principaux points de présence roumaine. Nous pouvons observer la multiplication des initiatives entrepreneuriales roumaines de tous les types : magasins alimentaires, cafétérias et restaurants, agences de voyage. Le facteur religieux est visible par les églises roumaines. Le monde associatif roumain est présent lui aussi. L’installation de différentes institutions roumaines a été favorisée. La plus importante, le Consulat roumain et le bureau représentant la Préfecture du Département roumain Dâmboviţa aident à la consolidation des relations entre la province de Castellón et celle de Dâmboviţa. Enfin une filiale de la Poste roumaine joue ici un rôle déterminant. Dans la dispersion des signes de la présence roumaine à Castellón, roumaines, nous pouvons observer une délimitation claire entre le centre historique et le reste de la ville. La présence commerciale et associative roumaine se trouve à l’extérieur du centre historique de Castellón. Cela s’explique par le prix très élevé de l’immobilier et la faible disponibilité en location au centre ville. 105 Carte 14. Une visualisation des initiatives associatives et entrepreneuriales des Roumains à Castellón de la Plana 106 1.4.2.1. Le lieu du « premier pas » à Castellón de la Plana pour la majorité des Roumains Le premier endroit où l’on aperçoit les Roumains à Castellón est la Gare Routière au moment de leur arrivée. La multitude des autobus et la diversité des compagnies plus ou moins connues transitent tous les jours pour y amener des Roumains et assurer un service régulier entre l’Espagne et la Roumanie. Les grands titres de journaux espagnols locaux mentionnent une multitude de bus roumains arrivant à Castellón chaque jour et desquels descendent une centaine de personnes 144 . Ces circulations sont devenues très visibles. Toutes les arrivées sont concentrées au même endroit, la gare routière aménagée récemment en 2000. Avant cette date, les bus arrivaient dans les parkings publics dispersés ou dans les aires de repos, ils étaient donc moins repérables. L’amplification des trajets entre les deux pays à partir de 2002 à la suite de la suppression des visas Schengen pour les Roumains jusqu’à 2006 est manifeste. Puis l’apparition des compagnies aériennes à prix réduits détermine une concurrence accrue pour les compagnies de bus. On trouve des filiales des compagnies de bus installées à Castellón avec leurs propres agences de voyages. Elles font des offres substantielles. Certaines agences se sont spécialisées vers certaines zones géographiques en Roumanie. On peut donner l’exemple de l’agence Filadelfia 145 qui offre ses services à la partie nord et ouest de la Roumanie tandis que d’autres comme Eurolines, Alsa, Atlassib, Saiz-Tour, Lucky Tour les offraient pour l’ensemble du pays. Actuellement, la concurrence est rude entre les compagnies aériennes à bas coût : Blue Air (née en 2006), Wizz Air (2007), Click Air (2009), même Tarom. Cette dernière a commencé à baisser ses prix à la suite de la menace des autres compagnies aériennes, ce qui a entraîné une diminution de l’utilisation des bus pour les allers-retours. Le rapprochement de l’aéroport de Valencia favorise Castellón. Initialement les trajets en avion ne se faisaient qu’au départ de Barcelone ou Madrid, puis de Reus-Tarragona. Maintenant Valencia et bientôt Cabanes près de Castellón (à environ à 30 km) offrent des aéroports plus proches. 144 « Seis autobuses conectan a diario Castellón y Rumania ». El Periodico Mediterraneo [En ligne]. 24 Septembre 2004, Disponible sur : < http://www.elperiodicomediterraneo.com/noticias/noticia.asp?pkid=124776 > (consulté le 14 Décembre, 2009) 145 Toutes ces informations sur les compagnies de transports résultent de l’observation directe personnelle à la gare routière et aux sièges des différentes agences de transport au cours des années 2005-2009 107 Le voyage en bus existe encore mais il concerne surtout ceux dont le projet migratoire a échoué. Ces migrants rentrent pour un long ou même définitif séjour en Roumanie et ils ont besoin d’un moyen de transport à prix réduit et permettant une grande quantité de bagages. Dans le même contexte, on observe aussi une diminution de la diversité de ces compagnies de transport : par exemple Filadelfia dont on a parlé antérieurement, a fermé ses portes moins d’un an après son ouverture et Lucky Tour a fermé la filiale de Castellón en gardant seulement celle de Valencia. Dans cet enjeu des nouveaux moyens de transport sur le marché et de la crise économique de plus en plus grande, apparaissent d’autres stratégies en étroite liaison avec les compagnies de bus dont les trafics chutent. Ces dernières commencent à lancer des offres de transport dans l’autre sens : de Castellón à la Roumanie. Deux catégories de migrants roumains sont intéressés : ceux dont le projet migratoire s’est fracassé et qui veulent rentrer en négociant le prix du billet « aller » seulement et ceux qui envisagent leur retour sans date préétablie. Les sièges des compagnies de transport témoignent de l’échec ou de la réussite de la circulation migratoire. Depuis quelques mois, de gros chargements à destination de la Roumanie avec parfois des meubles ou des matelas se multiplient. 1.4.2.2. Stratégies circulatoires dans un contexte instable Le choix du bus comme moyen de transport est directement lié au coût de la migration. Pendant les années 1999-2000 le billet d’avion coûtait le double du prix du bus et la nécessité de voyager d’un aéroport à l’autre rendait les voyages plus difficiles surtout dans la méconnaissance d’une langue internationale. Les trajectoires suivies par les migrants roumains à Castellón résultent de stratégies circulatoires, déterminées dans un premier temps par les transporteurs. En particulier, les chauffeurs avaient tout intérêt à bien organiser le trajet. Ils choisissaient la route la plus convenable, les heures de passage à la douane les plus favorables et aussi les routes les moins fréquentées pour entrer en Espagne. A travers l’Europe la route vers l’Espagne empruntait un itinéraire par la Roumanie, la Hongrie, L’Autriche l’Allemagne ou l’Italie, la France et enfin l’Espagne. Un total de 3500 km approximativement étaient parcourus en trois jours si tout allait bien, en changeant de chauffeurs deux ou trois fois. 108 Compte tenu du coût et du temps du voyage, deux itinéraires différents sont proposés: le passage par l’Allemagne qui coûte moins cher car l’autoroute est gratuite mais qui est plus long et la route par l’Italie qui est plus chère mais plus courte. Le choix était lié à chaque compagnie de transport. Nous pouvons en témoigner grâce aux entretiens avec des personnes ayant suivi les différentes routes : « j’ai transité par la Hongrie, l’Autriche, la France et finalement je suis arrivé en Espagne sans aucun problème aux douanes » ou « on est arrivé tous les trois (avec ma femme et mon enfant) en passant par l’Italie en mettant deux jours » 146 . Les stratégies de transport se sont enrichies avec l’apparition d’entreprises de transport artisanales qui rendaient le même service que les compagnies de bus mais au moyen de fourgonnettes 147 pouvant transporter personnes et plus de bagages. Ainsi, on pouvait voir dans la gare routière de Castellón 148 un grand nombre de fourgons et de gens qui venaient ou qui rentraient, qui attendaient un colis ou qui en envoyaient à leurs familles. Parfois ils amenaient des personnes en Espagne et repartaient en Roumanie seulement avec des colis. Toutes ces transactions se faisaient en lien direct avec la région de provenance du chauffeur et de ses clients. Les réseaux entre les Roumains de Castellón et les proches restés en Roumanie soutenaient une personne qui assurait le transport. Le chauffeur pouvait être un migrant à Castellón ou un habitant de Roumanie qui se spécialisait dans cette fonction. Le bouche à oreille entre ses voisins en Roumanie ou à Castellón assurait le succès de l’expédition. 146 Témoignages pendant l’observation du terrain 2004-2010, Castellón de la Plana On distingue le mot « fourgonnette » dans la terminologie française et celle espagnole. En français, la fourgonnette est une petite camionnette conforme à la définition du Dictionnaire Hachette Encyclopédique illustré. En Espagne, c’est un minibus de neuf places qui peut arriver à destination dans un temps inférieur à celui d’un bus, avec un temps de pause plus court pour le chauffeur, parfois elle transporte en même temps des paquets et des courriers et en général, la fourgonnette appartient aux particuliers et non pas à une grande compagnie de transport. 148 Observation directe personnelle, dans le travail de relevés, en passant régulièrement par la gare routière au cours de 2005-2009 147 109 Figure 5. Exemple d’offre de transport de personnes et/ou des colis en fourgonnette entre les deux pays Source: www. Romaninlume.ro, R. Bucur, 2010 Toutes ces stratégies on bien fonctionné de 2002 à 2007 même si elles existent encore mais en moindre mesure. Leur déclin s’explique aussi par un meilleur niveau de vie des Roumains de Castellón. Depuis 2006, l’économie plus favorable a encouragé beaucoup d’entre eux à s’acheter une voiture pour assurer leur propre voyage en Roumanie. Ils recourent alors aux services du transport des colis seulement à l’occasion des fêtes lorsque la famille est éclatée entre l’Espagne et la Roumanie. 1.4.3. Le premier contact à Castellón de la Plana Le moment du premier contact avec ceux qui habitent sur place est essentiel. Ce sont eux qui permettent d’envoyer des nouvelles et surtout de rassurer les proches restés en Roumanie. Comment répondre aux besoins des Roumains tout juste arrivés dans cette ville ? A côté de la gare routière mais aussi au centre de Castellón des commerces appelés « locutorios » proposent des solutions. Les « locutorios » sont des négoces avec cabines téléphoniques ou les prix d’appels sont faibles et spécialisés principalement vers les pays d’où viennent les migrants. En fonction de l’ampleur de la migration roumaine, les locutorios se multiplient à Castellón. 110 Même s’ils sont ouverts par des Marocains ou des populations d’Amérique latine, on y trouve des employés roumains qui améliorent l’accessibilité des services aux arrivants roumains. L’activité des ces commerces se diversifie avec l’offre de services d’envoi d’argent grâce à des compagnies comme Smith-Smith, MoneyGramm et Western Union qui sont très utilisées par les Roumains. A la suite d’une observation directe et régulière de ces espaces à fréquentation roumaine importante on constate, comme dans le cas des transports, une évolution des services de locutorios jusqu’à 2006-2007. Puis les banques ont commencé à offrir d’autres moyens d’envoyer de l’argent en Roumanie. En fonction de leurs besoins les Roumains ont pu utiliser plusieurs services pour leurs transferts. La banque (en fonction du type de banque) offrait l’avantage de la gratuité pour l’envoi d’argent d’un compte en Espagne à un autre compte en Roumanie mais cette transaction pouvait tarder quelques jours. Dans l’autre cas, le transfert prévoyait une taxe en fonction de la quantité d’argent envoyé mais par contre la transaction se faisait immédiatement. Photo1. Locutorio avec service d’envoi d’argent en Roumanie Source: R.Bucur, Castellón de la Plana, 2006 1.4.3.1. Savoir gérer ses ressources et utiliser le meilleur service La migration impose d’apprendre à gérer au mieux ses ressources pour une meilleure insertion dans la société réceptrice. Le degré de connaissance de la langue et la compréhension des mécanismes bancaires peu connus en Roumanie jouaient un rôle très important pour choisir le meilleur service. Le succès des locutorios est lié à leur grande accessibilité en langue roumaine ainsi qu’aux petits avantages donnés aux clients fidèles. 111 Dans ce contexte de difficultés de compréhension de la langue, les banques espagnoles ont pris le parti d’embaucher des Roumains pour rendre plus accessibles leurs produits bancaires. Ainsi le migrant roumain pouvait mieux évaluer et choisir les services adaptés à ses besoins. L’éclatement de l’offre des compagnies téléphoniques espagnoles a fortement menacé les locutorios et imposé une adaptation. Ces compagnies adoptent la même tactique que les banques, en employant des opérateurs roumains afin d’attirer plus de clients et de leur présenter des offres moins coûteuses pour téléphoner en Roumanie. Ces offres de service ont rencontré un grand succès parmi les Roumains. Chaque migrant a acquis au moins un téléphone mobile. Actuellement dans la situation de crise économique, beaucoup d’entre eux ont résilié leurs contrats ou ont « perdu » leur appareil pour ne pas payer leurs factures. D’autres ont renoncé à recharger et à appeler en Roumanie, ce qui coûte plus cher avec le portable. Alors les locutorios redeviennent accessibles à toutes les catégories socio-économiques. On ne doit pas négliger non plus les autres moyens de communication comme l’Internet avec les compagnies comme Digi Mobile ou Espantel 149 . Dans tous ces cas le migrant doit répondre à des conditions qui impliquent des ressources économiques suffisantes et des connaissances dans le domaine. « La variable communicationnelle devient un critère explicatif déterminant de l’évolution des pratiques d’installation dans la mobilité à la fois urbaines et transnationales» 150 . Le succès de la migration est à ce prix. L’efficacité est une nécessité pour la présence continue ou variable de Roumains. Des journaux édités en langue roumaine proposent une grande diversité des annonces très pratiques et indispensables à la vie des migrants: logements, transport, travail etc. Pour conclure, les locutorios, ces petits offices de poste, représentent un élément clé de la présence roumaine à Castellón. Ils survivent, malgré la grande diversité des services offerts par les institutions espagnoles, grâce à des services facilitant la recherche d’un emploi sur le marché du travail et cela, quelle que soit la nationalité du patron. Un autre atout des locutorios est l’horaire d’ouverture (y compris le dimanche) alors que personne ne travaille. Les communications téléphoniques et les moyens de transports représentent deux paramètres-clé pour étudier les trajectoires roumaines vers Castellón. 149 Espantel est « une formule » de la compagnie de téléphonie espagnole avec laquelle il est possible appeler d’un poste fixe plutôt privé aux prix raisonnables dans tous le pays du monde 150 DIMINESCU, Dana. « "La marginalité bon marché", le cas des mobilités roumaines en Europe ». In : PERALDI, Michel. La fin des norias? Réseaux migrants dans les économies marchandes en Méditerranée. Paris : Maisonneuve § Larose Maison méditerranéenne de science de l'homme, 2002. p.411-431 112 1.4.4. Espaces publics de Castellón de la Plana : sources d’informations pour les Roumains Les migrants roumains fréquentent d’autres lieux. Ils sont très visibles dans les espaces publics, par exemple dans la rue mais aussi sur les places, et dans les parcs de la ville. Comment peut-on les identifier dans les espaces publics? Différents éléments aident à leur identification : la langue (on les entend parler dans leur langue), l’heure régulière de rencontre quand ils ne travaillent pas, le choix habituel de la place ou du parc comme lieux propices aux rencontres avec des co-nationaux qui passent par ces espaces ou qui sortent un moment pour accompagner la personne âgée dont ils ont la charge. Ce sont les lieux idéaux pour recevoir et échanger des informations précieuses comme celle d’une offre d’emploi. L’espace public des Roumains de Castellón constitue des lieux propices à la création des réseaux et au développement des meilleures stratégies d’insertion sur le marché du travail. Tout au début de la migration roumaine à Castellón, la Place Maria Augustina bien connue et appelée Place du ficus à cause du grand arbre qui la domine constituait un lieu clé pour les nouveaux migrants. Pourquoi cette place ? Située près du centre-ville, elle est assez grande, très aérée en forme de cercle. Ainsi, toutes les personnes peuvent se voir facilement. Cette forme donne plus de visibilité et de possibilité pour repérer des personnes connues. C’était donc le point de rencontre des Roumains qui occupaient les bancs de la place. Là se développait un vrai « trafic » d’informations : comment obtenir le permis de résidence et de travail ? Comment se loger ? Comment travailler ? Comment se déplacer ? La place était aussi un espace de rencontre avec des amis et de renforcement des réseaux sociaux. Paradoxalement la façade de l’immeuble du gouvernement civil espagnol ouvre sur cette place. Mais cet aspect n’était pas trop connu au début de la migration roumaine. La gestion des informations entre les personnes d’origine roumaine présentes dont une majorité était dans une situation administrative irrégulière, se poursuivait sous les fenêtres mêmes de l’administration de contrôle! 113 À partir des années 2004-2005 la présence roumaine diminue dans cet endroit à cause de l’augmentation de la présence policière dans le bâtiment voisin de la place… L’acquisition des informations sur la ville et sur le fonctionnement de la société ainsi que l’emplacement des différentes institutions administratives facilitait progressivement la connaissance locale. Du coup, les Roumains développèrent plus de vigilance et de précaution dans leur choix d’occupation des divers espaces publics. Cependant, les parcs n’offraient pas une configuration aussi favorable que la place ronde du «Ficus ». Leur usage étant plutôt familial. Le parc Ribalta, par exemple très connu par chaque Roumain installé à Castellón est devenu un espace propice pour les familles migrantes avec des enfants. 1.4.4.1. L’esprit entrepreneurial des enfants dans l’espace public de la ville de Castellón Il est nécessaire d’aborder la migration roumaine à une « micro échelle » celle des enfants roumains. Des aspects très originaux peuvent être analysés .Ces enfants ont trouvé de nouveaux espaces pour les loisirs, dans les cours de leurs écoles. Cette observation nouvelle mérite d’être développée car la migration roumaine a donné du sens et de l’utilité à des lieux qui n’étaient pas fréquentés jusque-alors. Ainsi la cour de l’école n’était jamais utilisée après l’activité scolaire. Actuellement, pendant les fins de semaines ou les vacances, elle est investie par les enfants roumains et de plus en plus avec leurs camarades de classe, espagnols ou étrangers. On peut penser que l’enfant transpose sa pratique de jeu d’enfant roumain en Roumanie à l’endroit de sa nouvelle résidence à Castellón. Cet enfant a emporté une petite partie de son enfance, sacrifiée à un futur meilleur, dans un nouvel espace de vie. Là, il trouve des nouvelles stratégies pour recréer une ambiance familière. Peut-on parler de « logiques affectives » 151 dans un champ migratoire à petite échelle ? Les liens affectifs avec certains lieux fréquentés au pays d’origine à différentes périodes de la vie sont gardés en mémoire et se reproduisent dans d’autres espaces. 151 SIMON, Gildas. La planète migratoire dans la mondialisation. Armand Colin. Paris: Armand Colin, 2008. 229 p (citation p.149) 114 Les enfants roumains sont totalement scolarisés152 et pendant l’année 2007-2008 il y avait 75 599 enfants roumains dans l’enseignement obligatoire pré-universitaire en Espagne. Les écoliers arrivent en général avec un bon niveau d’études. Ils s’adaptent très vite à l’école et apprennent très rapidement la langue espagnole. Selon les opinions des professeurs, le problème rencontré par les enfants n’est pas la langue mais la nostalgie du pays d’origine où ils ont laissé leurs amis ou une partie de la famille. Leur tristesse et leur regret d’avoir quitté le pays s’exprime délicatement ainsi chez cet écolier: « Normalement les gens de l’Espagne sont sympas et aimables mais la Roumanie me manque, ma famille et particulièrement mes grands-parents. Mes parents ont dû venir en Espagne pour travailler parce qu’on n’avait pas d’argent 153 ». La question de la mémoire de l’enfant, l’initiative de débrouillardise de l’enfant roumain, au niveau le plus élémentaire de la migration, ne laisse pas indifférentes les autorités locales. Les représentants locaux installent de plus en plus d’aires de jeux pour les enfants dans les espaces publics, dans les parcs ou sur les petites placettes entre les immeubles. En conclusion, on peut dire que les Roumains de Castellón donnent des nouvelles fonctions à l’espace public. Symboliquement l’exemple du « transfert » des habitudes banales par les enfants roumains dans cette ville, entraîne la mise en place de nouvelles initiatives des autorités locales pour répondre à leurs besoins. On peut noter une bonne adéquation entre les besoins des enfants, les réponses des pouvoirs locaux et la culture espagnole ouverte qui développe ainsi beaucoup d’actions dans l’espace public. 152 TAMAMES, Ramon. Estudio sobre la migración rumana en España [En ligne]. Universidad Rey Juan Carlos. Madrid: Universidad Rey Juan Carlos, 2008. 126 p (citation p.84). Disponible sur : < http://www.slideshare.net/guest6d630c/estudio-inmigracion-rumana > (consulté le 13 Mai, 2010) 153 « Inmersión lingüística, pero también afectiva. La puesta en marcha de un aula de enlace y los desafíos ». In: Interculturalidad y escuela. Experiencias de trabajo en los centros [En ligne], 2009. Disponible sur : < http://www.aulaintercultural.org/experiencias/3alonsoquijano-relato.htm > (consulté le 13 Mai, 2010) 115 1.4.5. Les associations roumaines à Castellón de la Plana: un pont entre les cultures Dans notre observation des lieux de présence roumaine, nous pouvons prendre l’exemple des associations roumaines à Castellón qui occupent une place importante dans cette migration. Il faut considérer ces associations comme des agents médiateurs parce qu’elles font le lien entre les co-nationaux et les autorités espagnoles ou roumaines. L’activité de ces services remonte aux années 2000 et nous remarquons, comme dans les autres exemples pré-cités, une abondance d’associations roumaines en 2006-2007. Le principal motif de leur apparition a été l’amplification de la demande de renseignements administratifs et juridiques, d’accompagnements dans les processus de régularisation des permis de résidence et de travail, mais aussi d’attentes d’ordre culturel. Une autre raison de l’augmentation du nombre de ces associations roumaines en 2006 se trouve dans le mode de fonctionnement de celles-ci par projets plus ou moins intéressants pour les Roumains de Castellón. Ces projets étaient subventionnés par les pouvoirs locaux ce qui encourageait leur création et leur développement. Curieusement on trouve plusieurs associations roumaines avec des noms différents mais logées à la même adresse et les membres de l’une appartient aux autres et ainsi de suite. Chacune a son président qui est membre de l’autre association du siège comme l’indique l’exemple de la figure. Cet exemple concret peut donner l’explication de leur apparition dans un contexte économique très favorable. On peut observer de nouveau, les stratégies des migrants roumains pour une meilleure insertion économique, sociale, politique dans la société de Castellón. 116 Photo 2. Le siège du Centre Civique Roumain et de l’Association Roumaine de Castellón, Valencia et Alicante. Source : R. Bucur, Castellón de la Plana, 2009 La création de l’association des entrepreneurs roumains peut être l’exemple de cette insertion économique. Elle est fondée pour réunir les entrepreneurs roumains et espagnols, pour échanger des renseignements dans le domaine des affaires, pour partager des expériences en tant que patrons. Pour sa création en 2006 le domaine du bâtiment qui était très prospère a joué un rôle très important. L’association abrite cent entrepreneurs roumains mais elle est en étroite relation avec la Chambre de Commerce de Castellón avec laquelle elle a signé des accords de collaboration dans l’investissement des compagnies espagnoles en Roumanie : « Il y a beaucoup de personnes qui demandent des conseils commerciaux dont 70% sur les investissements en Roumanie. Nous sommes déjà dans une collaboration avec la Roumanie pour un projet européen INTERREG qui se développe à Oradea et Dâmboviţa dans les secteurs du bâtiment, de l’immobilier, du tourisme et de la logistique » 154 . 154 Entretien avec la responsable du Département de Commerce Extérieur de la Chambre de Commerce Castellón, le 4 aout 2008 117 1.4.5.1. Espace de rencontre et source de renseignements Il est intéressant d’avoir un lieu de rencontre pour la population roumaine qui peut bénéficier de renseignements en roumain et ainsi mieux comprendre le fonctionnement de la société où elle habite. Une autre raison de venir à ce lieu c’est l’espace de réunion avec d’autres Roumains pour évoquer les soucis, pour prendre des nouvelles ou informations utiles mais aussi pour participer aux événements culturels. La création du groupe « Almas Rumanas 155 » avec des activités de danse populaire et participation aux événements culturels à l’échelle de l’Espagne et même parfois en Roumanie assure aux enfants roumains de Castellón un lien continu avec les coutumes et la langue roumaine. Photo 3. L’Association des Immigrants des Pays de l’Est et son groupe folklorique. Source : R. Bucur, Castellón de la Plana, 2009 Ces endroits représentent des points de repère pour les Roumains résidant à Castellón mais surtout pour ceux qui viennent d’arriver. L’esprit associatif dans le contexte économique actuel qui implique la plupart du temps du travail bénévole, se développe petit à petit avec les jeunes et les enfants. Cette mobilisation de bénévoles représente un vrai progrès dans la mentalité roumaine. 155 « Ames Roumaines » appartient à l’Association des Immigrants des Pays de l’Est (AIPE), une association avec une activité remarquable et reconnue au niveau de l’Espagne et même de la Roumanie. Elle s’est spécialisée depuis 2000 dans l’information des Roumains dans tous les domaines de la société d’accueil, elle intervient dans la résolution de difficultés des personnes nécessiteuses, elle construit un lien permanent entre la population roumaine et les autorités locales, elle organise des activités culturelles roumaines et participe aux événements culturels espagnols etc. 118 Le migrant roumain qui est venu en Espagne pour gagner sa vie n’est pas toujours prêt pour le bénévolat. L’explication de ce phénomène remonte au communisme quand les Roumains étaient obligés de faire des activités « bénévoles » surtout dans l’agriculture. Aussi est-il difficile de trouver parmi les migrants des personnes soucieuses du groupe roumain, ayant déjà une stabilité matérielle et du temps libre à consacrer dans une association de bénévoles. Il faut témoigner aussi d’une grande volonté ou passion pour se dévouer au travail dans les associations. Selon une enquête personnelle auprès de soixante personnes en 2004 au siège de l’Association des Immigrants des Pays de l’Est, j’ai détecté plus de la moitié des personnes qui ne peuvent pas participer aux manifestations culturelles par manque de temps, ou manque d’information sur l’existence de ces programmes artistiques. Une autre forte proportion a répondu préférer passer les loisirs en famille. Les célibataires passent plutôt leur temps libre à voyager ou à organiser des petites excursions à la plage ou à la montagne avec des amis. En conclusion le rôle des associations roumaines à Castellón s’explique à plusieurs échelles. Les présidents de ces associations ont des stratégies d’ordre sociopolitique et culturel qui leur permettent une reconnaissance dans la vie publique. Du point de vue des autorités locales, espagnoles ou roumaines ces organismes sont des acteurs considérables face aux enjeux politiques actuels mais aussi des indicateurs d’inter-culturalité par leur présence aux événements culturels. A l’échelle du migrant roumain ce sont des lieux de référence pour recevoir des renseignements, conseils et pour exposer ses soucis. Pour les enfants, ce sont des endroits de contact et de lien avec la culture roumaine à travers les danses, les événements traditionnels comme le mărţişor 156 , les fêtes gastronomiques etc. 1.4.6. Les lieux de culte : autres espaces de rencontre L’esprit associatif et les activités des associations sont en relation avec d’autres institutions roumaines à Castellón où l’on rencontre un grand nombre de Roumains de manière habituelle. Il s’agit des églises roumaines de différents cultes créées dans cette ville. 156 Mărţişor c’est une coutume roumaine célébré le 1 Mars et qui symbolise l’arrivée du printemps. 119 Une présentation générale de la situation à Castellón s’impose malgré la difficulté d’accès à l’information dans les églises néo-protestantes. Dans un travail de récapitulation, les hypothèses d’auteurs sur le début de la migration roumaine en Espagne à travers l’église adventiste se vérifient. Ce fait semble étonnant parce que cette communauté religieuse n’enregistrait que 97 041 fidèles 157 déclarés adventistes, au dernier recensement (2002) sur le total de la population de la Roumanie. Le culte adventiste a commencé en Roumanie au début de la seconde moitié du XIXe siècle. Il a survécu pendant le régime de Ceauşescu et s’est ensuite développé rapidement tant dans le territoire roumain qu’au delà des frontières du pays. L’exemple du village roumain Crângeni, situé au sud du pays est révélateur car il illustre la migration en Espagne d’un jeune adventiste originaire de ce village. Ce jeune a aidé d’autres personnes adventistes ou qui sont devenues adventistes, à s’établir sur le territoire espagnol. La solidarité religieuse s’est transformée en réseaux d’immigration. Ces communautés mixtes du point de vue religieux ont développé des modèles de cohabitation et ont contribué au processus migratoire. Le principal lieu de rencontre est l’église dont le pasteur est une référence. Le comité de fidèles prend les décisions d’organisation 158 . A l’église, le pratiquant trouve une source importante d’informations sur le logement, le travail, les lois d’immigration. Chaque personne adventiste donne à l’église 10% 159 de son revenu par mois. Les fonds récoltés servent à aider les nouveaux venus qui n’ont pas encore d’emploi ou les personnes en difficulté. En 2005, à Castellón on trouvait trois églises adventistes et dans toute la province un total de 1 300 fidèles dont 95% de Roumains 160 . Si les adventistes ont initié le flux migratoire roumain vers l’Espagne, ils ont été rapidement suivis par d’autres cultes néo-protestants : les pentecôtistes, les baptistes, les témoins de Jehova mais aussi par un grand nombre d’orthodoxes. 157 POPA, Nicolae. « Structures et mentalités religieuses dans l’espace confessionnel actuel de la Roumanie ». Analele Universitatii de Vest din Timisoara, 1996, Vol.VI 158 PLACSINTAR, Angela et BUCUR, Ramona. « El mercado laboral de grupos de inmigrantes marginalizados en Provincia de Castellón ». In: Políticas Migratorias: la interacción del Estado, el Mercado y la Ciudadanía. Actas del Seminario Internacional de Políticas Migratorias [En ligne]. A Coruña: Universidad de A Coruña, 2007, p.173-183. Disponible sur : < http://esomi.es/inmigracion-migracion/libropoliticas-migratorias-la-interaccion-del-estado-el-mercado-y-la-ciudadania/gmx-niv23-con240.htm > (consulté le 12 Mai, 2010) 159 RADU,Cosmin. « De la Crangeni-Teleorman spre Spania: antreprenoriat, adventism si migratie circulatorie ». Sociologie Romaneasca. Vol. 1, n°4, 2001, p.1-17 160 « La inmigración multiplica los cultos no católicos en Castellón ». El Periódico Mediterráneo [En ligne]. 16 de enero del 2005, Disponible sur : < www.elperiodicomediterraneo.com > (consulté le 15 Décembre, 2009) 120 L’église pentecôtiste est installée principalement à l’ouest de la Roumanie : « A Timişoara, l’église pentecôtiste a évolué entre 1992-1996 de 6 223 à 10 000 fidèles » 161 . Elle correspond au total à 1,5% de la population déclarée y compris les personnes qui ont initié le flux migratoire. On peut lancer, comme dans l’autre cas, cette hypothèse de réseaux migratoires à base religieuse et notamment à Castellón. Cette affirmation peut être soutenue par le fait qu’au début de la migration roumaine on avait identifié un fort noyau qui venait de l’ouest roumain particulièrement d’Arad162 tout près de Timişoara où l’on remarque des pentecôtistes, des baptistes et d’autres cultes néo-protestants. D’autres opinions sur le terrain s’expriment aussi : « Les immigrants roumains viennent de tout le pays, car la situation économique est partout la même, mais il est évident qu’il y a des noyaux provenant du sud (la ville de Targoviste) et de l’ouest de la Roumanie (le département d’Arad) 163 .Concernant l’accès au travail, les familles ou les amitiés constituaient une des voies les plus simples, car le travail était aussi lié à une chaîne de références ». Dans le cas des baptistes on découvre la même croissance avec 20 475 fidèles de plus entre 1992 et 2002 164 . Dans cet exemple on trouve des églises baptistes et pentecôtistes roumaines à Castellón. A côté de la gare routière, endroit important et accessible pour les nouveaux venus, on observe un autre endroit sans enseigne où beaucoup de gens s’agglutinent à la porte chaque dimanche et qui s’avère être une église pentecôtiste. Elle réunit environ 700 fidèles chaque dimanche 165 . Son nom en roumain Biserica Penticostală Română Eben-Ezer la rend très facile à identifier dans les statistiques parce qu’elle est enregistrée dans la Fédération des Entités Religieuses Evangéliques de l’Espagne. Par contre, l’église baptiste roumaine est plus visible car elle s’identifie par son nom dans l’adresse de son siège à Castellón de la Plana. Les filières religieuses protestantes ont favorisé les contacts internationaux et ont initié leurs flux migratoires. Elles ont été suivies peu après par les orthodoxes. Ils ont fondé aussi des réseaux mais plutôt des réseaux sociaux et non pas sur la base religieuse. 161 POPA, Nicolae. « Structures et mentalités religieuses dans l’espace confessionnel actuel de la Roumanie ». Analele Universitatii de Vest din Timisoara, 1996, Vol. VI 162 VIRUELA MARTINEZ, Rafael. « La nueva corriente inmigratoria de Europa del Este ». Cuadernos de Geografia. Vol. 72, 2002, p.231-258 163 Témoignage de la présidente de l’Association des Immigrants des Pays de l’Est, Castellón de la Plana, avril 2004 164 CONFESIUNILE RELIGIOASE LA RECESĂMÂNTUL DIN 1992 ŞI 2002 [En ligne]. 2002, Disponible sur : < http://www.insse.ro/cms/files/RPL2002INS/vol4/titluriv4.htm > (consulté le 18 Juin, 2008) 165 « La inmigración multiplica los cultos no católicos en Castellón ». El Periódico Mediterráneo [En ligne]. 16 de enero del 2005, Disponible sur : < www.elperiodicomediterraneo.com > (consulté le 15 Décembre, 2009) 121 Les roumains orthodoxes ont aidé leurs amis, leurs proches, pour trouver un logement, un emploi, régler les documents de résidence et de travail etc. Ils se réunissent dans les espaces publics, à l’église aussi mais on observe un modèle de cohabitation plus individualiste 166 que dans les autres cas. En relation avec le recensement de la population en 2002 mais aussi avec la situation actuelle d’expansion des cultes néo-protestants, on peut observer ces confessions religieuses dans les départements roumains d’où viennent les Roumains installés à Castellón. Distribution de principaux cultes en Roumanie 2009 450 Nombre d'églises 400 Orthodoxe 350 Baptiste 300 250 Adventiste 200 Penticotiste 150 Tém Jehova 100 Evangélique 50 0 ARAD DAMBOVITA MURES PRAHOVA TELEORMAN TIMIS Graphique 4. Distribution des principaux cultes en Roumanie (2009). Source : Selon les données du site www.biserici.org, consulté le 15 décembre 2009, R. Bucur, 2009 En observant le graphique sur les départements d’origine des principaux noyaux de migrants roumains à Castellón, on peut comprendre et essayer de vérifier les hypothèses de départ sur les initiateurs des flux migratoire en fonction de la religion, vers l’Espagne en général et à Castellón en particulier. 166 PLACSINTAR, Angela et BUCUR, Ramona. « El mercado laboral de grupos de inmigrantes marginalizados en Provincia de Castellón ». In: Políticas Migratorias: la interacción del Estado, el Mercado y la Ciudadanía. Actas del Seminario Internacional de Políticas Migratorias [En ligne]. A Coruña: Universidad de A Coruña, 2007, p.173-183. Disponible sur : < http://esomi.es/inmigracion-migracion/libropoliticas-migratorias-la-interaccion-del-estado-el-mercado-y-la-ciudadania/gmx-niv23-con240.htm > (consulté le 12 Mai, 2010) 122 Même si les orthodoxes prédominent numériquement, l’influence des autres cultes dans la migration est très présente surtout dans les stratégies circulatoires. Un autre fait explique leur modèle d’organisation : la multitude des églises présentes. Par exemple à Castellón on compte plusieurs églises néo-protestantes et seulement une orthodoxe même si, actuellement, la majorité des Roumains qui habitent à Castellón sont orthodoxes. Photo 4. L’église Baptiste roumaine de Castellón de la Plana. Source : R. Bucur, Castellón de la Plana, 2009 Photo 5. L’église Orthodoxe roumaine de Castellón de la Plana. Source : R. Bucur, Castellón de la Plana, 2009 En analysant tous ces aspects, on peut comprendre que, dans le cas des Roumains orthodoxes, l’église représente plus qu’un espace spirituel. Les Roumains de Castellón s’y réunissent les dimanches et surtout pour les grandes fêtes de Noël et Pâques, l’établissement devient alors trop petit pour y abriter tous les fidèles. Cet espace est propice à la circulation d’informations à l’échelle individuelle mais il n’existe pas de modèle communautaire d’organisation au niveau de l’église avec des règles accommodées par le pasteur. Dans le cas de l’église orthodoxe, le prêtre a seulement un rôle spirituel pendant les messes. En dehors de son église, il est un simple migrant qui, après avoir travaillé dans le domaine du bâtiment a actuellement un emploi social dans une maison de retraite. Il a un statut très différent des prêtres orthodoxes du pays d’origine qui sont sous la protection de la Patriarchie Orthodoxe. Il était donc intéressant d’observer de nouveau les stratégies circulatoires roumaines à travers les réseaux religieux ou sociaux qui ont réussi à s’installer en Espagne. 123 Les migrants ont su construire et adapter leurs propres modèles d’organisation au sein de chaque église. On remarque l’esprit entrepreneurial du migrant roumain qui a trouvé le moyen de créer un espace spirituel pour célébrer les fêtes comme dans le pays d’origine. Il suit les coutumes ancestrales avec le support de l’église pour rendre plus facile son projet migratoire. 1.4.7. Les indispensables commerces roumains La visibilité de ces noyaux de présence roumaine à Castellón est assez complexe et fait partie d’une catégorie qui mérite une observation détaillée. Pour cette raison, on s’arrêtera sur l’aspect d’un simple panorama des initiatives entrepreneuriales créées pour répondre aux besoins des Roumains vivant là. Ces initiatives rendent visible cette migration. Si on parcourt un itinéraire dans la ville de Castellón, on observe une offre abondante de magasins alimentaires, de boucheries et de charcuteries, de cafeterias et de pâtisseries, de bars et de restaurants tous d’origine roumaine. Les premiers commerces roumains ont commencé leur activité vers 2001 et, au fur à mesure, ils se sont multipliés malgré la crise économique qui touche durement l’Espagne. On est tenté de se poser la question logique : pourquoi ? Même si il y a une grande offre de produits espagnols et si les Roumains se familiarisent avec la cuisine méditerranéenne ils ne renoncent pas aux produits roumains. On ne peut pas expliquer cela seulement par la nostalgie mais plutôt par l’habitude qu’ils ont de continuer à pratiquer leurs coutumes gastronomiques car ils en ont les moyens. C’est l’affirmation aussi d’un travailleur roumain installé à Castellón de la Plana : « Pour les Roumains d’ici l’existence des magasins roumains est très utile, comme ça on peut se rappeler le pays et célébrer les fêtes comme à la maison avec nos plats traditionnels » 167 . Ainsi, on encourage l’existence des commerces roumains. La population autochtone s’est habituée aussi à l’offre roumaine et des clients espagnols ou d’autres nationalités achètent dans les négoces roumains. 167 Témoignage pendant l’observation de terrain 2004-2010, Castellón de la Plana 124 Photo 6. Magasins roumains à Castellón de la Plana. Source : R. Bucur, Castellón de la Plana, 2009 La libre circulation des personnes et marchandises dans l’espace Schengen, l’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne, le développement des nouvelles technologies et des transports favorisent beaucoup l’expansion des commerces roumains à Castellón et en Espagne en général. Certains magasins se fournissent en produits venant directement de la Roumanie par avion, grâce à l’ouverture de la ligne aérienne de bas coût Blue Air. Ils seront encore plus favorisés quand l’aéroport Costa de Azahar s’ouvrira dans la province de Castellón. D’autres magasins s’approvisionnent dans les grands dépôts spéciaux de Madrid. Dans le cas des boucheries, charcuteries et pâtisseries les produits sont préparés sur place selon des recettes roumaines. Un autre fait étonnant mais en même temps très utile pour les clients, ce sont les secteurs de marchandise étrangère et donc roumaine dans les grandes surfaces comme Carrefour ou Auchan. Tous ces aspects nous montrent le lien fort et omniprésent avec la Roumanie. On ne peut pas parler d’une rupture ou d’une nostalgie irrémédiable du pays d’origine. Les Roumains de Castellón possèdent tous les moyens pour rendre possible un modèle de cohabitation « ici et là-bas » au même instant. Cette continuité en termes de consommation des repas spécifiques roumains transmet aux jeunes générations et aussi à la population autochtone les valeurs de la tradition culinaire roumaine, surtout à l’occasion des fêtes interculturelles. 125 1.4.8. Les institutions roumaines de Castellón de la Plana: indispensables aux besoins immédiats Une conséquence de cette présence nombreuse des Roumains à Castellón est rendue très visible par l’emplacement de quelques institutions roumaines en étroite relation avec les migrants roumains de cette ville et des institutions de la Roumanie. Les exemples du consulat roumain, de l’office de la poste roumaine et du bureau de représentation de la préfecture du Département Dâmboviţa en sont la démonstration. En analysant cas par cas on peut tirer l’idée que l’apparition de ces institutions est dûe à la grande concentration de Roumains à Castellón en tant que ville et province et implicitement très liée aux besoins de cette population. Le consulat roumain fondé à Castellón de la Plana fin janvier 2008, répond aux demandes de beaucoup de citoyens roumains qui devaient aller à Barcelone pour gérer toutes les gestions administratives. Maintenant, l’installation, à cet endroit, de cette institution peut satisfaire les besoins des Roumains qui habitent dans toute la Communauté Valencienne. Le rôle du consulat est aussi de servir de délégué officiel pour la population roumaine qui habite sur ce territoire. Il a la mission de répondre à ses besoins mais il est aussi un point de référence pour les autorités espagnoles ou pour les entrepreneurs qui veulent investir en Roumanie. Dans le même objectif de servir de repère pour les Roumains et les Espagnols, le Bureau de représentation du Département Dâmboviţa a été créé à Castellón. Il a été fondé à cause du besoin des Roumains d’avoir accès à un certain nombre d’informations et de réaliser leurs démarches et gestions administratives. La présence de cette institution roumaine est une curiosité institutionnelle. Elle existe seulement ici et sa création est liée à la grande concentration de Roumains provenant du département Dâmboviţa avec les principaux noyaux de population en provenance de Târgovişte, le chef lieu de ce département. Un autre rôle de ce bureau est d’offrir des renseignements pour les Roumains et aussi pour les Espagnols sur les offres d’emploi ainsi que les moyens d’investissement dans ce département roumain. 126 Entre septembre 2007 et août 2008 on a comptabilisé un total de 380 roumains qui étaient passés par ce bureau pour des renseignements administratifs ou pour des investissements 168 . Dans le domaine culturel les représentants de ce bureau ont organisé des fêtes et des évènements culturels spécifiques de cette zone roumaine tant pour les Roumains de Castellón que pour les autochtones. L’année 2008 est remarquable par une autre installation institutionnelle roumaine dans la ville de Castellón. Cette fois-ci cela concerne six succursales sur le territoire espagnol. Il s’agit du bureau de la poste roumaine. L’emplacement de cet office à Castellón facilite beaucoup de services comme l’envoi de cartes, de colis169 et d’argent dans les plus lointains villages. Ce bureau offre les mêmes services que dans le pays d’origine. Le service national de la poste roumaine « occupe la troisième place pour la confiance des citoyens roumains, selon les dernières enquêtes » 170 . En analysant cet exemple et celui déjà évoqué antérieurement des locutorios, on trouve des similitudes de services concernant l’envoi de colis et d’argent. Il reste intéressant de remarquer les différentes manières de fonctionnement. Les deux sont fondés sur une conséquence de la grande concentration des Roumains dans ce territoire espagnol. Ils ont le rôle de couvrir les nécessités de cette population. Par contre, on trouve aussi des différences comme les heures et jours d’ouverture mais aussi d’autres plus spécifiques. Le premier cas, celui du « locutorio » est un type de commerce créé par une initiative entrepreneuriale individuelle comme stratégie d’insertion sur le marché du travail. Elle représente une source de revenus pour l’entrepreneur et une utilité par les services offerts aux clients. Dans le cas de la poste roumaine on trouve une initiative de caractère transnational très propice dans le nouveau contexte européen. L’ouverture d’une succursale d’une institution roumaine authentique à Castellón pour rendre les mêmes services qu’au pays d’origine à la population demandeuse représente une vraie opportunité pour les Roumains installés dans cette ville. 168 Entretien avec la responsable du Bureau de représentation de département Dâmboviţa, Castellón, le 5 août 2008 169 Informations recueillies par l’utilisation personnelle de ce service à Castellón, en janvier 2009 170 « Rumania abre oficinas de Correos en España ». ADN.ES [En ligne]. 2 Septembre 2008, Disponible sur : < http://www.adn.es/ciudadanos/20080902/NWS-1467-rumania-correos-servicio-postal-madrid.html > (consulté le 15 Décembre, 2009) 127 Conclusion La Province de Castellón par son contexte géographique et économique représente un territoire de forte demande en main d’œuvre extérieure. Cette situation favorise l’installation des populations roumaines à la recherche d’une vie meilleure. Au début on observe une migration masculine liée aux secteurs de la construction mais elle est complétée assez rapidement par la composante féminine se substituant dans certaines tâches aux femmes espagnoles récemment embauchées. La principale caractéristique de cette migration est la présence de familles. Les enfants, dans la plupart des cas, se sont bien intégrés au système d’enseignement sur place. Le développement des initiatives entrepreneuriales rend plus visible cette migration roumaine sur le territoire de la province espagnole et particulièrement dans sa capitale. Tous ces témoins de la présence roumaine à Castellón de la Plana, autant les espaces publics que les commerces, les associations ou les églises roumaines représentent des formes et des modèles de cohabitation. Toutes ces initiatives associatives et entrepreneuriales démontrent l’adaptation stratégique pour savoir migrer et gérer ses projets de vie au niveau individuel, familial et communautaire. L’implication des institutions roumaines prouve l’importance de cette population roumaine à Castellón en donnant des points de références sur ce territoire espagnol. Tous ces aspects de la présence roumaine à Castellón de la Plana constituent des éléments clés qui seront analysé plus en détail dans la suite de cette étude. 128 Conclusion De la Roumanie vers Castellón de la Plana Pour conclure, nous pouvons considérer cette première approche sur la migration roumaine, développée dans le contexte européen variable des politiques migratoires, comme le principal point d’analyse des migrations roumaines vers l’Espagne. La position de la Roumanie, entre la chute de communisme et son entrée dans l’Union Européenne, suit la trajectoire d’évolution de ces politiques européennes. La libre circulation des Roumains dans l’espace Schengen et la future adhésion de la Roumanie à celui-ci prévue en 2011 impliquent des mutations importantes dans les politiques roumaines de migration et le contrôle des frontières. D’une manière modeste, la Roumanie se dirige vers la situation de pays d’immigration favorisé par son statut de membre communautaire. Selon un autre point de vue, dans cette évolution vers le statut de pays de l’UE, la Roumanie a imposé une politique migratoire contrôlée en fonction des accords avec d’autres pays européens, pour les Roumains qui voulaient émigrer. Mais comme nous l’avons remarqué il y a deux plans parallèles entre les politiques migratoires officielles européennes et roumaines et l’échelle des migrants roumains. Par contre, il y a des points de contact entre ces deux échelles engendrées par les stratégies adoptées par les migrants roumains entre les normes imposées et leur projet migratoire. Les déplacements des Roumains en dehors des frontières roumaines ont connu des restrictions absolues pendant la dictature communiste. Mais, après 1989 et jusqu’à maintenant, ces migration roumaines prennent différentes formes en évoluant vers une grande diversification des destinations et des stratégies migratoires adoptées. A l’échelle territoriale, nous observons une amplification des mouvements migratoires depuis le voisinage des frontières et dans tout le territoire européen jusqu’au Canada. Les configurations des ces mobilités varient entre le commerce transfrontalier et les migrations de travail ayant comme points communs la construction des réseaux et le but économique. Le profil des migrants est aussi très différent selon les destinations: ce sont des femmes, des hommes, des familles ou des jeunes célibataires, des simples travailleurs ou des professionnels hautement qualifiés. 129 Dans l’exemple espagnol des migrations roumaines, nous découvrons de nombreuses stratégies d’entrées, d’installation et d’insertion sur le marché du travail. Mais l’essentiel de ces déplacements est lié à l’amplification des réseaux migratoires. Ces éléments migratoires de nature religieuse au début puis familiaux et amicaux par la suite, représentent la voie d’entrée principale de la migration roumaine en Espagne. Les causes de cette réorientation des migrants roumains vers cette destination se combinent dans le contexte d’une économie roumaine caractérisée par un déclin de l’industrie, de nombreux licenciements une aggravation de la pauvreté correspondant simultanément à une demande de main d’œuvre en Espagne. Ce même contexte économique favorable à l’installation des migrants roumains est présent à Castellón qui devient un pôle d’attraction des familles roumaines. La particularité de ce territoire est qu’il concentre le plus grand nombre de personnes d’origine roumaine rapportée aux nombre total d’habitants. Ce fait est dû principalement au développement accru des réseaux migratoires en réponse aux demandes d’emploi locales pour les femmes et les hommes. Nous insistons sur cet aspect parce qu’il favorise la migration en famille, la forme la plus importante pour une meilleure insertion dans la nouvelle société. Cette extension de la migration roumaine est très visible à l’échelle territoriale depuis la capitale provinciale vers toute la province de Castellón. A une autre échelle nous remarquons une insertion sur le marché de l’emploi autant à un niveau individuel que par la création d’entreprises et d’associations roumaines. L’emplacement à Castellón de la Plana d’institutions roumaines (le Consulat, le Bureau de Représentation du Département de Dâmboviţa, le Bureau de la Poste) amplifie l’importance de cette présence roumaine sur ce territoire espagnol. 130 Deuxième partie 2. Nouvelles configurations territoriales des migrants roumains à Castellón de la Plana 131 Introduction Notre regard sur les migrants roumains se précise vers une échelle familiale et individuelle. Les entretiens approfondis et les enquêtes quantitatives sont le support indispensable pour la recherche des déterminants familiaux dans le processus migratoire roumain à Castellón. Quelle a été l’origine familiale des réseaux vers Castellón ? Quel rôle jouent ces réseaux à l’échelle locale dans la vie des Roumains et à l’échelle des localités d’origine ? Quelles hypothèses sur le début de l’apparition de ces réseaux, peut-on formuler ? L’accès aux informations sur le territoire d’accueil depuis le pays d’origine grâce à l’église adventiste roumaine et la solidarité religieuse des adventistes espagnols constitue une hypothèse majeure pour interpréter l’origine des réseaux migrants vers Castellón. L’amplification de ces réseaux par des liens familiaux et amicaux, a complété la construction d’un véritable pôle de migrants roumains en Espagne. La complexité des situations dans la construction des espaces de vie s’est accrue au fil des années. Pour classer ces formes d’habiter nous introduisons une nouvelle notion, celle d’«espace parcouru ». Cette configuration spatiale est construite sur la base de réseaux qui maintiennent des contacts « local-local » ou transnationaux entre les familles migrantes. La nature des contacts est très diverse : sociale, culturelle, économique et juridique. Leur développement suppose une adaptation à la législation migratoire de la société d’accueil. L’influence et l’apport des migrants roumains dans la société d’accueil sont très visibles pour le développement local dans tous les secteurs : social, économique, culturel etc. Pour comprendre la diversité des situations familiales roumaines insérées dans la société réceptrice, nous analyserons les cas de diverses catégories ayant comme principale variable de sélection le statut civil du ménage et l’âge des personnes impliquées. Nous observerons aussi des situations d’échec de projets migratoires pour affiner cette analyse de la migration roumaine. 132 Sur un plan économique, les espaces de vie matérialisent les liens entre les familles et leurs lieux d’origine grâce à des envois de fonds. C’est toute une « économie affective » 171 qui se met en scène pour compenser les distances physiques et l’absence du migrant au sein de sa famille restée au pays. Les envois des fonds se réalisent dans les contextes où la situation juridique administrative et de travail des migrants roumains sont les plus favorables. Grâce à différentes stratégies pour remplir les conditions imposées par les processus de régularisation ou par les lois de migration espagnoles, les migrants roumains construisent des conditions favorables. Même si, dans un premier temps, le travail irrégulier est une phase du parcours migratoire, ensuite la régularisation de la situation juridique fait partie du projet de vie des migrants pour donner une stabilité à leur installation dans cette société. Les conditions de travail des migrants roumains évoluent aux différentes échelles, d’une situation de travail clandestin jusqu’à un emploi régularisé. L’employé salarié (surtout pour les femmes roumaines) à cause des restrictions de travail sur le marché espagnol entre 2007 et 2009, évolue vers le travail indépendant et même la création d’une entreprise. Le contexte actuel de la crise économique très forte dans ce département de Castellón bouleverse cette donne. Les solutions anticrises se déclinent à l’échelle individuelle comme à l’échelle des entreprises roumaines et espagnoles. Quelles sont les conséquences des mesures prises par les gouvernements espagnol et roumain pour les migrants roumains ? 171 SIMON, Gildas. La planète migratoire dans la mondialisation. Armand Colin. Paris : Armand Colin, 2008. 229 p. 133 2.1. Les réseaux comme stratégies de mobilité En apportant une vision spécifique « le géographe étudie les rapports verticaux entre les hommes et les milieux et les relations horizontales entre les territoires qu’ils constituent » 172 . Pour analyser la complexité des processus migratoires entre Roumanie et Espagne, il faut développer une échelle d’observation suffisamment fine. Les récits de vie et les analyses quantitatives des personnes impliquées directement dans ce processus migratoire permettent d’avancer dans cette recherche. De nombreuses questions se posent pour comprendre ce pôle de migration roumaine de 50 000 personnes au sein d’une ville de 180 005 habitants 173 . Quel rôle ont joué les réseaux roumains dans ce type de migration ? Quelle est l’évolution des migrants roumains déjà installés ? Quelles stratégies de mobilité et d’insertion dans la société d’accueil ont-ils employées ? Quelles sont les territorialités qui existent dans la construction du champ migratoire entre le territoire de provenance et celui d’installation? A quelles échelles ? Dans la dernière partie de ce chapitre, nous traiterons de l’importance économique de cette migration en comptabilisant les bénéfices matériels envoyés dans le pays d’origine : thème très sensible à dévoiler surtout à cause du peu de données statistiques, ce qui nous amènera à utiliser les enquêtes directes. Nous pensons répondre aux diverses questions parmi lesquelles la destination des fonds. Les destinations roumaines des envois reflètent-elles la réalité trouvée à Castellón ? Quelle est la représentativité de ces envois dans les villages roumains ? Quels sont les moyens d’envois utilisés ? Quelle est la fréquence des envois ? Dans quelle quantité ? Quel est l’utilisation des fonds dans le lieu de destination ? 172 DA CUNHA, Antonio. Objet, démarche et méthodes: les paradigmes de la géographie. Institut de Géographie- Université de Lausanne, Lausanne, 2006.213 p (citation p.28) 173 Instituto Nacional de Estadistica, Revision del Padron municipal 2009. Datos por municipios, Castellón , http://www.ine.es/jaxi/tabla.do, consulté le 12.08.2010 134 2.1.1. Les réseaux religieux : à l’origine de l’arrivée des Roumains Les liens religieux fonctionnent à différentes échelles : du local-local entre les adventistes espagnols et les adventistes roumains déjà installés mais aussi du localtransnational entre les adventistes roumains de Castellón et ceux du pays d’origine. Au début de la migration roumaine à Castellón, la présence des adventistes espagnols et sudaméricains était très réduite, seulement cent fidèles en 1996 mais elle a augmenté en dix ans passant à 1200 fidèles dont 90% sont roumains174 . Leur présence à Castellón est visible par l’existence d’églises adventistes dont deux sont roumaines 175 . Il est étonnant de voir comment cette petite communauté religieuse a réussi à évoluer si rapidement alors qu’en Roumanie la religion majoritaire est orthodoxe. Selon les données du dernier recensement en Roumanie : « En 2002 ont été recensés 97 041 fidèles qui déclarent appartenir à cette confession » 176 . Une question logique se pose à propos de la construction de ces territorialités entre les adventistes de deux pays si lointains. Comment a-t-il été possible d’établir le contact entre les fidèles adventistes roumains et ceux de Castellón? Quel est le fil conducteur entre ces deux lieux ? En analysant l’articulation entre local et transnational, on constate que ces réseaux religieux diffusent dans le pays d’origine de multiples informations. « Ce n’est plus la situation économique qui, par sa seule puissance intrinsèque, provoque les migrations : celles-ci ne se déclenchent que sous l’effet d’une médiation concrète, à savoir une transmission d’information par des proches. 174 BUADES FUSTER, Josep et VIDAL FERNANDEZ, Fernando. Minorias de lo mayor.Minorias religiosas en la Comunidad Valenciana. Barcelona : Icaria Editorial, 2007.397 p (citation p.242) 175 TOMAS, M.C. « Justicia solo ha registrado 12 entes religiosos no catolicos ». El Periodico Mediterraneo [En ligne]. 13 Mai 2004, Disponible sur : < http://www.elperiodicomediterraneo.com/noticias/noticia.asp?pkid=104914 > (consulté le 11 Juin, 2010) 176 VLAICU, Patriciu. « Les cultes de Roumanie ». In : Représentation de l'Eglise Orthodoxe Roumaine auprès des Institutions Européennes [En ligne], Disponible sur : < http://www.orthodoxero.eu/pages/home/documents/les-cultes-de-roumanie.php > (consulté le 16 Juin, 2010) 135 Laquelle information ne porte pas sur un indicateur macro-économique abstrait, mais sur la disponibilité effective d’ « occasions » au niveau local dont les indicateurs macroscopiques ne font qu’enregistrer qu’elles sont plus nombreuses à certaines périodes qu’à d’autres » 177 . C’est ainsi que les personnes adventistes construisent plus facilement des projets migratoires. La solidarité religieuse avec ses dimensions spatiales transnationales constitue un autre point important pour la construction de ces liens. L’organisation très internationale de l’Eglise Adventiste favorise l’ouverture planétaire des fidèles et contribue à la construction de ces réseaux migratoires. Une étude de la Communauté Valencienne, portant sur les migrants, témoigne de la mentalité « internationaliste » des adventistes : « Dan razón de esta mentalidad debido a que, dada su relativa pequeña presencia en España, sus referencias están mucho más mundializadas que en otras confesiones. También facilita dicha internacionalización la estandarización que hay de las liturgias y de los modos de proceder entre todas las comunidades del mundo » 178 . (« Ils font preuve de cette mentalité malgré leur présence relative en Espagne, leurs références sont beaucoup plus mondialisées que dans le cas d’autres confessions. Cette internationalisation facilite la standardisation de leurs messes et des rituels dans toutes les communautés du monde »). Parallèlement à celles qui circulent entre les fidèles dans leurs lieux de culte, des informations sont diffusées par d’autres moyens de communication. La radio « Adventist World Radio » qui émet dans 55 langues et la télévision par satellite peuvent constituer d’importantes sources d’informations pour les fidèles roumains. En 1994 pour une meilleure communication avec les églises locales du territoire roumain, a été fondé le Réseau Adventiste de Communication au moyen de la télévision par satellite. « Cette technologie a été utilisée la première fois en 1995 à l’occasion d’un programme d’évangélisation par satellite de cette église. Il a été reçu par 100 000 personnes dans 676 locaux et en 1998 le programme Net’98 a été reçu dans 7 600 locaux dans plus de 100 pays avec une traduction simultanée dans 40 langues. Selon les statistiques, chaque émission a été entendue au niveau mondial par approximativement 400 000 personnes » 179 . 177 ROSENTAL, Paul-André. Les sentiers invisibles. Espace, familles et migrations dans la France du 19e siècle. Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Paris, 1999. p. 106 178 BUADES FUSTER, Josep et VIDAL FERNANDEZ, Fernando. Minorias de lo mayor.Minorias religiosas en la Comunidad Valenciana. Barcelona : Icaria Editorial, 2007. p. 242 179 « Biserica Mondiala ». In : Biserica Adventista de Ziua a Saptea [En ligne], Disponible sur : < http://adventist.ro/index/despre-noi/biserica-mondiala.html > (consulté le 15 Juin, 2010) 136 Les compagnies spécialisées dans les installations d’antennes paraboliques se sont multipliées sur tout le territoire roumain à partir de 1993-1994. Nous pouvons introduire, dans ce cas l’hypothèse de la circulation de l’information dans le milieu adventiste roumain qui participe au développement des réseaux religieux vers l’Espagne. Cette circulation d’informations a lieu à travers des moyens techniques modernes de communication et aussi par le bouche-à-oreille dans le cadre de la communauté adventiste roumaine sur le territoire roumain. Pour consolider cette idée nous trouvons le témoignage de Monsieur Alfonso le fondateur de la première Association des Roumains de Castellón: « En 1990 fue cuando vinieron aquí los primeros rumanos. Yo estaba recién retirado y me encontraba así... desocupado y fue cuando me puse a colaborar con Cruz Roja. Al poco, me entero que había unos chicos jóvenes que estaban viviendo cerca de... Había dos chicos y dos chicas extranjeras y estaban en muy malas condiciones. Hace unos... doce años hace ya. Entonces, yo y otra colaboradora de Cruz Roja fuimos a visitarles para ofrecerles ayuda y nos enteramos de que eran rumanos. Algunos eran de la iglesia que soy yo, la iglesia Adventista del Séptimo Día, y empezamos a darles alimentos y a colaborar. Les facilitamos alojamiento en la casa de una “hermana” de la iglesia, un chalet muy viejo, cerca de... y allí llegué a traer, pues, hasta siete u ocho familias. Después alquilamos otra vivienda y así empezaron a venir... Cuando más han venido es hace cinco años» 180 . (« Ce fut en 1990 qu’arrivèrent les premiers Roumains. J’étais récemment retraité et je me trouvais comme ça…inoccupé alors j’ai commencé à collaborer avec la Croix Rouge. Tout de suite je me suis aperçu qu’il y avait des jeunes qui habitaient près de…Il y avait deux garçons et deux filles étrangers qui vivaient dans de mauvaises conditions. Il y a…douze ans déjà. Alors, une autre collaboratrice de la Croix Rouge et moi nous sommes allés les voir et leur offrir notre aide ; c’est là qu’on s’est rendu compte qu’ils étaient Roumains. Les uns appartenaient à la même église que moi, l’église Adventiste du Septième Jour et nous avons commencé à leur donner des aliments et à collaborer. On les a aidés en les logeant dans la maison d’une « sœur »de l’église, un chalet très vieux près de…et là ils ont commencé à amener leurs proches jusqu’à sept ou huit familles. Ensuite nous avons loué un autre logement et ils ont commencé à arriver…Il y a cinq ans ils sont arrivés en plus grand nombre»). 180 VIRUELA MARTINEZ, Rafael. « La nueva corriente inmigratoria de Europa del Este ». Cuadernos de Geografía. 2002, Vol. 72, p.231-258 (citation p.242) 137 Pour renforcer cette opinion nous apportons le témoignage 181 du président du Centre Civique de Castellón qui a été logé à son arrivée dans cette maison et qui raconte que M Alfonso Pérez leur a proposé un travail dans une poissonnerie. Les informations sur les adventistes d’Espagne ou les adventistes roumains peuvent être aussi confirmées par la construction en 1995 de la première église roumaine adventiste à Madrid 182 liée à la présence des Roumains dans cette ville. Dans ce contexte, les informations sur les possibilités de travail circulent encore plus facilement dans les églises adventistes roumaines. Par des études réalisées dans le pays d’origine on a identifié des réseaux adventistes au sud de la Roumanie avec une prépondérance migratoire vers l’Espagne. Il s’agit de personnes provenant du Département de Teleorman 183 qui se sont dirigées vers la région d’Almería et celle de Madrid depuis 1990 et surtout autour des années 1995. Dans les territoires d’accueil, ces migrants trouvaient des aides importantes dans la communauté roumaine adventiste : le logement et surtout les premières possibilités de travail. En fonction de la région d’installation, ils travaillaient dans l’agriculture ou dans le secteur du bâtiment. Il est nécessaire de rappeler le fait que les adventistes roumains étaient très doués pour les métiers du bâtiment. Cette caractéristique remonte au temps de la dictature communiste. En général, en Roumanie à cette époque, la semaine de travail était comprise entre le lundi et le samedi. Les adventistes considérant le samedi comme jour de repos, ne pouvaient pas être employés comme les orthodoxes. Pour cette raison ils se vouaient à d’autres métiers qui n’imposaient pas d’horaire strict ainsi les constructions, l’agriculture, l’apiculture etc. Cet apprentissage d’un métier très recherché en Espagne leur a ouvert des voies d’accès sur le marché de l’emploi espagnol. Comme l’Espagne était dans une phase d’ascension économique la période était propice à cette migration. Le contexte économique de la Province de Castellón présente les mêmes caractéristiques. L’offre d’emplois très forte dans les secteurs de services et du bâtiment a favorisé l’arrivée des Roumains adventistes dès le début de la période migratoire. 181 OBSERVATORI VALENCIA D'IMMIGRACIO. Los rostros de la integracion I [En ligne]. 2008, Disponible sur :< http://www.observatorioinmigracion.gva.es/images/stories/Documentos/ROSTROS_DE_LA_INTEGR ACION_I.pdf > 182 PIRCALABESCU, Nelia. « 10 ani de la infiintarea primei Biserici Romane Adventiste de Ziua a Saptea din Spania, Madrid ». Roman in lume. Décembre 2005 (citation p.10) 183 SERBAN, Monica et GRIGORAS, Vlad. « Dogenii din Teleorman in tara si in strainatate. Un studiu asupra migratiei circulatorii in Spania ». Sociologie Romaneasca. 2000, n°2, p.30-54 138 Les premières études 184 faites en Espagne ont démontré que les immigrants roumains de Castellón étaient originaires des départements Dâmboviţa, Prahova, Arad et Târgu-Mureş. Les lieux de provenance de la population roumaine installée à Castellón se sont étendus ensuite à tout le territoire roumain. Comment expliquer le grand nombre de migrants originaires du Dâmboviţa et particulièrement de la ville et des alentours de Târgovişte le chef-lieu de ce département. À travers des enquêtes récentes réalisées à Castellón de la Plana, dans le cadre de cette recherche on constate qu’un grand nombre de ressortissants du département Dâmboviţa ont répondu aux enquêtes (Graphique 5). La proportion de personnes provenant de Dâmboviţa par rapport au total des personnes interrogées (211) 140 120 100 80 60 40 20 0 Dâmboviţa Total réponses Graphique 5. La proportion de personnes interrogées qui proviennent du Département Dâmboviţa par rapport au total des personnes qui ont répondu aux enquêtes. R. Bucur, 2010 Se pose donc la question : comment s’établit le lien entre ce département et Castellón ? Qu’a-t-il de particulier ? Après beaucoup de recherches en amont, une hypothèse peut expliquer le début de cette présence roumaine originaire de Dâmboviţa en général et de Târgovişte en particulier, à travers des réseaux religieux. 184 VIRUELA MARTINEZ, Rafael. « La nueva corriente inmigratoria de Europa del Este ». Cuadernos de Geografía. 2002, Vol. 72, p.231-258 (citation p.245) 139 En effet, Târgovişte est la plus ancienne communauté adventiste dans ce département roumain : « L’église adventiste du 7ème jour a été fondée en Roumanie en 1920, mais la première communauté s’est installée à Târgovişte en 1870. Elle est reconnue comme culte depuis 1948 » 185 . On peut donc confirmer la vitalité de cette communauté adventiste dans cette région roumaine, ce qui a pu conduire, grâce aux informations reçues de la communauté adventiste internationale, à la construction des réseaux vers l’Espagne et implicitement vers Castellón où vivaient aussi des fidèles espagnols du même culte. Le mouvement migratoire s’est organisé et a pu se développer. Ensuite des fidèles d’autres cultes ont suivi, ainsi les baptistes et les pentecôtistes qui, désormais, arrivent en Espagne et construisent leurs églises. 2.1.2. Les familles et les amis sur le chemin des réseaux religieux Si les réseaux adventistes ont ouvert la voie aux Roumains de Castellón, le facteur religieux a perdu de son importance quantitative en évoluant vers la construction de réseaux par la famille. Les relations familiales sont devenues des éléments clés pour l’extension de la présence roumaine dans cette ville. La population vient de toute la Roumanie mais avec une prédominance du département pionnier, Dâmboviţa et elle est majoritairement orthodoxe. La situation économique de Târgovişte, ville industrielle en déclin, provoquant beaucoup de licenciements, contribue à la décision des familles de migrer vers Castellón. L’esprit pionnier dans la migration vers la France à Nice 186 , des jeunes de Târgovişte peut constituer un indicateur de leur esprit ouvert à la construction des champs migratoires. Il s’agit des migrants roumains provenant de cette ville qui ont entrepris leur projet migratoire en France dans la région de Nice. Selon les recherches de Swanie Potot, une partie de ces migrants sont retournés en Roumanie et d’autres ont émigré vers l’Angleterre ou vers l’Espagne, quand les conditions de survie sont devenues plus difficiles. 185 VLAICU, Patriciu. « Les cultes de Roumanie ». In : Représentation de l'Eglise Orthodoxe Roumaine auprès des Institutions Européennes [En ligne], Disponible sur : < http://www.orthodoxero.eu/pages/home/documents/les-cultes-de-roumanie.php > (consulté le 16 Juin, 2010) 186 POTOT, Swanie. Vivre à l'est, travailler à l'ouest: les routes roumaines de l'Europe. L'Harmattan. Paris, 2007.226 p (citation p.27) 140 Ainsi, à cause de la situation économique mauvaise et grâce aux réseaux construits sur une base religieuse et/ou familiale les populations roumaines en général et de Dâmboviţa en particulier se sont dirigées vers Castellón. Les enquêtes révèlent un nombre important de personnes mariées qui ont emmené leur famille à Castellón de la Plana. Célibataires Mariés Séparés Divorcés En couple Graphique 6. Les situations des ménages installés à Castellón de la Plana. Source : Enquêtes 2008-2009. R. Bucur, 2010 Les types de ménages seront analysés par la suite mais l’essentiel de ce graphique représente le nombre (majoritaire) des personnes mariées qui se sont installées à Castellón de la Plana, avec leurs familles. Parmi les personnes mariées on trouve un effectif de 47 couples sur 53 mariés qui ont des enfants et qui les ont emmenés avec eux pour vivre dans cette ville. Il y a aussi des familles qui ont des enfants en Roumanie et d’autres vivant alternativement dans les deux pays. Pour mieux comprendre la construction du champ migratoire entre les deux pays il est intéressant de savoir comment ces familles sont arrivées à Castellón. Etant donné la structure familiale de chaque enquête, il est intéressant de savoir les stratégies adoptées pour arriver en Espagne en fonction de la législation et aussi de reconnaître les routes et les moyens de transports choisis. Grâce à des entretiens prolongés nous avons découvert qu’une majorité de personnes sont arrivées avant la suppression du visa Schengen pour les Roumains. Nous observons que la présence roumaine à Castellón s’est amplifiée à partir de 2002. 141 La facilité pour entrer dans l’espace Schengen après le 1 janvier 2002 est offerte à la majorité des personnes de classe moyenne de Roumanie. Par contre, les personnes plus pauvres ne peuvent même pas avoir cette opportunité. Mais l’aspect temporel avant cet événement est important par l’originalité des stratégies utilisées. Divers cas se présentent sur les stratégies employées pour recevoir le visa grâce à des intermédiaires connaissant des personnes dans les institutions spécialisées dans les visas Schengen. Il est étonnant mais en même temps logique, d’observer une diminution du prix des visas à l’approche de l’année 2002. Les personnes qui négociaient les transactions des visas étaient conscientes des rumeurs sur leur suppression prochaine et de la disparition de ce marché. Un autre fait très particulier est la destination pour laquelle le visa était délivré et la destination réelle de la trajectoire migratoire. L’autre aspect très important dans le cas de la migration des familles est le déroulement du regroupement familial qui entraîne beaucoup de dépenses. Il y a des différences notables entre le coût de l’arrivée de la première personne du ménage et le coût du reste de la famille regroupée. Celui qui arrive le premier à Castellón a des contacts par ses voisins ou par la famille plus lointaine, comme des cousins. Il y a toujours quelqu’un pour loger le premier venu : « Ce qui comptait au début c’est que je connaissais quelqu’un qui pouvait m’héberger. Après c’était le souci de trouver du travail, je suis parti à l’aventure, comme beaucoup d’autres. Je suis venu la première fois en 1999 chez un cousin qui était venu chez un ami qui nous a hébergés tous » 187 . Après « être installés » ils font venir les membres de leur famille directe : conjoint, parents, enfants. Les personnes pionnières installées et interrogées sont logées chez des amis ou collègues de travail ou voisins. Ensuite ils forment leurs propres réseaux en amenant des membres de la famille. Le plus difficile est de regrouper les enfants : « pour les enfants il fallait payer plus cher car le voyage d’un mineur non-accompagné comportait plus de risques par rapport aux douaniers. Pour mon fils qui est arrivé tout seul à 14 ans en 2001, j’ai dû payer 1500 dollars pour un visa vers l’Autriche valable une semaine. Le visa était celui des sportifs qui avaient une compétition, c’est ainsi qu’il a réussi à nous rejoindre » 188 . 187 Témoignage d’une personne (le mari) de la typologie « Famille avec les deux conjoints et les enfants installés à Castellón de la Plana » provenant de la Munténie 188 Témoignage d’une personne (la femme) de la typologie « Famille avec les deux conjoints et les enfants installés à Castellón de la Plana » provenant de la Munténie 142 La trajectoire familiale est d’abord masculine et puis les femmes et les enfants viennent quand la situation du père est stabilisée mais le mode de regroupement familial est d’ordre plutôt territorial. Cet aspect veut expliquer qu’il ne s’agit par d’un regroupement d’ordre juridicoadministratif, les épouses et les enfants entrent avec un visa acheté pour l’espace Schengen avec la destination de Castellón où ils retrouvent leurs maris ou leurs pères. Voici un autre témoignage d’une femme dont la fille est venue pour quelques années vivre avec ses parents. Cette fille a décidé ensuite de retourner en Roumanie avec son mari (elle s’est mariée en Espagne avec un jeune roumain): « premièrement mon mari est arrivé en Italie parce qu’il avait acheté un visa pour l’Italie ; il a payé 1000 dollars. Nous nous sommes procuré l’argent pour le visa par la vente d’une vieille maison. Il a reçu son visa directement dans le passeport de la personne qu’il a payée. Il a voyagé en Italie par le bus ; comme là-bas il n’a pas trouvé de travail il s’est dirigé vers l’Espagne avec un ami rencontré en Italie. Ce dernier connaissait quelqu’un à Castellón et c’est pourquoi il a choisi cette destination. Après quelques mois je suis arrivée à mon tour à Castellón, il m’avait envoyé de l’argent pour acheter aussi un visa pour l’Italie et je suis venue en bus. L’année suivante en 2001 nous avons réussi à faire venir notre fille en payant encore 1500 dollars pour son visa. C’était beaucoup plus difficile que pour ceux qui arrivent maintenant avec 100 euros ». Ce qui est étonnant est aussi le fait que beaucoup de personnes se dirigent à Castellón alors que très peu peuvent avoir un visa Schengen pour l’Espagne. Parmi les entretiens approfondis réalisés avec les familles, nous avons rencontré seulement deux personnes qui sont entrées avec le visa espagnol. Une de ces personnes a témoigné : « je suis venu en 1999 avec un visa pour l’Espagne pour lequel j’ai payé 1000 dollars. Je l’ai obtenu par une personne qui connaissait quelqu’un à l’Ambassade » 189 . Il y a d’autres cas intéressants de personnes qui sont venues avec des visas Schengen pour des pays plus ou moins proches de l’Espagne comme la Belgique, la Grèce ou la France. « Je suis venu la première fois en 1999 avec un visa pour la France (d’un mois) pour lequel j’ai payé 1200 dollars ; c’était une personne de la région qui avait sa femme en France. Celle-ci m’a envoyé une invitation pour obtenir le visa. Je suis parti avec d’autres amis en bus pour la France, et de Paris nous sommes arrivés en train à Barcelone et de là-bas, en bus à Castellón de la Plana. Après un mois, je suis retourné car je n’avais pas trouvé de travail. 189 Témoignage d’une personne de la typologie « Famille installée à Castellón de la Plana avec le conjoint et les enfants en Roumanie » provenant de la Munténie 143 Ma femme est partie en 2000 avec un visa français aussi, par l’intermédiaire de la même personne au même prix. Elle est partie avec un ami chez le beau-frère de cet ami. Nous avions confiance en lui, nous le connaissions bien. Après avoir trouvé du travail elle m’a envoyé de l’argent pour que je revienne. Cette fois-ci j’ai réussi à partir grâce à une excursion comme membre de la compagnie d’assurance de Roumanie : l’Automobile Club Roumain et j’ai payé seulement 400 dollars pour le voyage » 190 . 190 Témoignage d’une personne (le mari) de la typologie « Famille avec les deux conjoints et les enfants installée à Castellón de la Plana » provenant de la Munténie 144 Carte 15. Les stratégies des familles interrogées pour arriver à Castellón de la Plana avant 2002. Source : Les entretiens 2008-2009, R. Bucur, 2010 Les modes d’acquisition du visa Schengen varient considérablement d’une région à l’autre en Roumanie. Par exemple, les tactiques et le marché des visas fonctionnent plutôt dans les départements du sud de la Roumanie. 145 À partir des entretiens avec des familles provenant du nord nous avons saisi l’utilité des relations transnationales qui ont participé à la construction de leur champ migratoire vers l’Espagne et ensuite Castellón : « mon mari est venu en Espagne en 2000 avec un visa d’Allemagne. Il a reçu le visa car on a de la famille qui habite en Allemagne et qui nous a fait une invitation. D’abord mon mari est allé à Madrid chez son frère, il a travaillé très dur dans une carrière de pierre, puis à la cueillette des raisins grâce à l’aide du frère d’un collègue de travail roumain. Après trois mois de séjour en Espagne, moi aussi je me suis décidée à partir. J’avais entendu que le gouvernement voulait faire une loi de fermeture des frontières. Alors, j’ai demandé à mes proches d’Allemagne de m’aider car il devenait difficile de partir même avec l’invitation. Comme ils sont venus passer les vacances en Roumanie, ils m’ont apporté l’invitation, j’ai réussi à avoir le visa et je suis sortie du pays avec eux. On est allé en Allemagne d’abord et ensuite ils m’ont emmenée en voiture jusqu’à Barcelone. Je suis montée dans un bus et je suis partie à Madrid rejoindre mon mari. Après deux mois de travail dans le vignoble on est partis tous les deux à Castellón grâce à l’argent qu’on avait gagné. A Castellón on avait entendu dire qu’il y avait du travail et on avait de la famille qui pouvait nous héberger. Notre fils est venu en 2002 sans visa, je suis allée en Roumanie et je l’ai ramené » 191 . Les trajectoires migratoires des personnes interrogées sont révélatrices de la construction du champ migratoire entre la Roumanie et directement à Castellón de la Plana dans la plupart des cas. Ces itinéraires étaient réalisés au moyen des transports terrestres. Le plus utilisé était l’autobus qui prenait la route par l’Allemagne ou par l’Italie. Les deux routes comprenaient des différences en fonction du temps ou du coût. Le trajet par l’Italie était plus court mais plus cher, tandis que par l’Allemagne, l’autoroute était gratuite. L’avion était un moyen de transport très cher et incertain à cause des contrôles et des enregistrements dans les aéroports. Pour conclure nous pouvons faire un récapitulatif sur les stratégies d’arrivée à Castellón de la Plana à partir des réseaux adventistes dans un premier temps et la construction d’un véritable champ migratoire des familles roumaines par la suite. L’avantage de connaître quelqu’un dans la société d’installation est la première raison pour choisir cette ville. La circulation des informations facilite la consolidation des itinéraires migratoires qui évoluent très vite après 2002. 191 Témoignage d’une personne de la typologie « Famille avec les deux conjoints et les enfants installés à Castellón de la Plana » provenant du Maramureş 146 2.1.3. L’évolution territoriale de la migration roumaine Au début, la présence roumaine sur ce territoire s’observe principalement dans la capitale de la Province de Castellón. Selon les premiers témoignages à propos des réseaux migratoires sur une base religieuse ou familiale, les personnes d’origine roumaine commencent à arriver au début des années 90. Dans cette analyse spatio-temporelle il faut prendre en compte aussi la conjoncture européenne du territoire espagnol. Même si l’Espagne était membre de l’Union Européenne depuis 1986 elle n’a adhéré à l’Espace Schengen qu’en 1991. Cet aspect est très important pour expliquer le retard de la trajectoire migratoire fréquentée par les Roumains après la chute du mur (1989). Enfin, il ne faut pas négliger l’aspect géographique, la distance entre la Roumanie et l’Espagne étant plus grande qu’avec d’autres pays européens. 2.1.3.1. Chronologie de la présence roumaine dans la Province de Castellón La présence roumaine devient visible dans les statistiques espagnoles, à l’échelle des régions et des provinces à partir de 1996. Ceci ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de roumains dans les années immédiatement antérieures. Il faut penser aussi au processus d’adaptation, d’apprentissage de la langue, d’information et de la connaissance de la législation. Ces aspects ne conduisent à la visibilité des personnes d’origine roumaine sur le territoire espagnol qu’à travers l’attestation de domicile 192 , document indispensable pour tout le parcours réglementaire. La province de Castellón située sur la côte méditerranéenne a connu une augmentation remarquable de la population roumaine sur son territoire de 106 personnes d’origine roumaine en 1996 jusqu’à 54 517 en 2009. On peut faire référence à l’importance jouée par les réseaux des migrants roumains développés à la suite de la demande de main d’œuvre dans les secteurs de construction, des services et partiellement dans l’agriculture. 192 En Espagne ce document s’appelle « empadronamiento » et constitue le pilier pour comptabiliser les données de l’Institut National de Statistique de la Espagne (INE) 147 Il faut souligner l’existence du cluster de la céramique qui est en étroite relation avec le secteur du bâtiment ainsi que la production des agrumes qui a donné le nom à la côte d’Azahar 193 . La position littorale de la province implique une grande offre de travail dans les secteurs de services. La présence de nombreuses femmes espagnoles sur le marché du travail est un bon indicateur de la forte demande en salariés dans cette province. Le climat assez doux est aussi un facteur qui influence le choix des migrants roumains. La figure suivante montre cette ascension de la présence roumaine dans la province de Castellón entre 1996 et 2009. 60000 50000 40000 30000 20000 10000 19 98 19 99 20 00 20 01 20 02 20 03 20 04 20 05 20 06 20 07 20 08 20 09 0 19 96 Nombre de personnes d'origine roumaine Evolution de la présence roumaine à l'échelle de la Province de Castellón (01.01.1996-01.01.2009) Graphique 7. Evolution de la présence roumaine dans la province de Castellón durant les 13 dernières années. Source : Selon les données de l’Institut National de Statistique de l’Espagne (INE). R. Bucur, 2010 Selon le graphique 7, on peut observer une croissance significative à partir de 2001 et une relative stabilité entre 2008 et 2009. Toute cette ascension est en relation avec les changements de législation de la migration à l’échelle espagnole mais aussi européenne. Les années 2001 et 2005 sont sous le signe des régularisations des personnes qui n’avaient pas la carte de séjour et de travail. Ces moments ont entraîné une arrivée plus intense des personnes ayant cette information et aussi une plus grande visibilité de la population roumaine grâce à l’enregistrement de l’attestation de domicile. 193 Azahar signifie la fleur d’oranger 148 Cette attestation de domicile représente le document essentiel pris en compte pour prouver son séjour sur le territoire espagnol. Au début de la migration roumaine, le manque d’information, le sentiment de peur provoqué par cet enregistrement et les difficultés à trouver une personne pouvant fournir ce document, rendent invisibles beaucoup de personnes. En ce qui concerne l’aspect chronologique, il faut prendre en compte le fait que ces statistiques reflètent l’image de la présence roumaine sur l’année antérieure à celle écrite. Ainsi pour visualiser les conséquences de ces régularisations il faut regarder les années 2002 et 2006. Dans le cas de l’année 2002 reflétée par les statistiques de 2003 on peut observer les conséquences de la suppression du visa Schengen pour les roumains, ce qui amplifié les réseaux roumains vers Castellón. L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne est un autre évènement qui favorise les arrivées en Espagne: 41 860 Roumains recensés au 1 janvier 2007 et 51 999 au 1 janvier 2008. La différence entre ces deux valeurs représente essentiellement la croissance de la présence roumaine dans la Province de Castellón pendant l’année 2007. L’arrivée de la crise en 2008 limite cette croissance et provoque plutôt une stabilisation des flux. 2.1.3.2. Évolution territoriale de la présence roumaine dans la Province de Castellón Dans la répartition territoriale des Roumains entre la capitale de la province et le reste de ce territoire nous observons une prédominance de la présence roumaine dans la capitale. Au fur et à mesure de l’augmentation du nombre des familles roumaines il y a eu cependant une redistribution des flux vers les autres villes de la province avec une accentuation sur le littoral méditerranéen. 149 Nombre de personnes d'origine roumaine Evolution de la migration roumaine dans la Province de Castellón et sa capitale 60000 50000 40000 Castellón de la Plana 30000 Province Castellón 20000 10000 0 2004 2005 2006 2007 2008 2009 Graphique 8. Evolution de la migration roumaine dans la Province de Castellón et sa capitale. Source : Institut National de Statistique (Espagne). R. Bucur, 2010 Dans le graphique 8 nous observons l’évolution de la population roumaine avec une forte croissance autant dans la capitale que dans l’ensemble de la province. Pour mieux concrétiser le parallélisme entre ces deux courbes nous avons utilisé les données sur six ans. Avant 2004 les données sur les Roumains installés dans la Province de Castellón n’étaient pas calculées à l’échelle des communes. Mais en considérant la période 20042008 à l’échelle municipale il est possible de construire une analyse plus détaillée des disparités territoriales de la présence roumaine entre la zone de la côte et les villages de l’intérieur de Castellón de la Plana. 150 Carte 16. Taux de croissance de la présence roumaine dans la province de Castellón entre 2004 et 2008 151 Dans une vue d’ensemble nous remarquons une évolution positive de la migration roumaine avec une certaine stabilité donnée par la couleur verte. « De la même façon que les autochtones, les personnes arrivées se distribuent de manière irrégulière dans la province et elles montrent une forte concentration dans la région de la Plana et les communes de la côte (…) par contre leur présence à l’intérieur montagneux est faible » 194 . Comme nous pouvons l’observer, à l’échelle de la province de Castellón, il y a des lieux de croissance de la population roumaine tout au long de la côte. Cette situation est en étroite relation avec les opportunités d’emploi dans les secteurs des services et de la culture des agrumes. Par contre il y des lieux signalés par des petits cercles coloriés en vert foncé qui montrent une croissance plus forte. Ces situations sont dues spécialement au pourcentage des Roumains qui semble important dans des villages peu peuplés par des Espagnols. Les cercles coloriés en rouge, même s’ils ne sont pas très visibles sur la carte, représentent des valeurs négatives en révélant une perte ou plutôt une absence de population roumaine. En général les villages de la zone montagneuse ont une population très faible et les migrants n’y viennent pas. Pour compléter l’argumentation de la croissance des Roumains sur la zone côtière nous ajoutons le tableau n°5. Dans ce cas, nous avons choisi les premières destinations de la population roumaine dont le nombre dépasse 900 personnes déclarées au niveau des communes de la province de Castellón. Trois communes enregistrent un nombre important de migrants. La ville de Castellón de la Plana totalise la populattion la plus importante. En 2004 les trois communes comptaient une population supérieure à 900 Roumains. En 2009 se sont onze communes qui comptent plus de 900 Roumains. Ce qui peut donner une idée de la répartition territoriale de la présence roumaine. Dans la ville d’Onda, qui n’est pas littorale, cette présence s’explique par le rôle important d’entreprise de céramique à la recherche de main d’œuvre. 194 BERNAT, Joan Serafi et GIMENO, Celesti. « Iguals pero menys: la colonia romanesa a Castello ». In : Migracion e interculturalidad. De lo global a lo local. Castelló de la Plana: Universitat Jaume I, 2006. p.169219 (citation p.189) 152 2004 2005 2006 2007 2008 2009 Castellón de la Castellón de la Castellón de la Castellón de la Castellón de la Castellón de la Plana Plana Plana Plana Plana Plana Burriana Burriana Vila-real Vila-real Burriana Burriana Burriana Burriana Benicasim Almazora Almazora Almazora Almazora Almazora Benicasim Onda Onda Onda Onda Vila-real Vila-real Vila-real Vila-real Onda Benicasim Benicasim Benicasim Torreblanca Oropesa del Mar Oropesa del Mar Oropesa del Mar Torreblanca Torreblanca Vall d'Uixó (la) Vall d'Uixó (la) Vall d'Uixó (la) Torreblanca Vinaròs Vinaròs Vinaròs Benicarló Benicarló Tableau 5. Les principales communes qui dépassent un nombre de 900 personnes d’origine roumaine installées. Source : Institut National de Statistique (Espagne). R. Bucur, 2010 Nous observons très facilement la répartition roumaine autour de la capitale (carte 16) avec un étalement de plus en plus important vers d’autres villes en fonction des opportunités d’emploi et d’installation. Cette situation est dûe principalement à la grande concentration des familles roumaines dans la capitale provinciale. Dans ce contexte il y a une mobilité quotidienne mais aussi une extension de l’installation de la population roumaine vers d’autres communes de proximité sur la côte comme les localités limitrophes de la capitale: Almazora, Vila-Real, Burriana, Benicasim, Oropesa del Mar. Selon les figures présentées (carte 16 et tableau 5), nous remarquons cette croissance et constance de la présence roumaine à l’échelle de la capitale de Castellón mais que représente cette présence roumaine par rapport à la population totale de la Province ? Quelle est la représentativité des migrants roumains par rapport à la population d’origine étrangère installée là ? Quelle place occupe la capitale provinciale dans cette répartition ? 153 2.1.4. La population roumaine installée dans la Province de Castellón en fonction de la population totale et de la population étrangère Les cartes réalisées à l’échelle municipale peuvent fournir les réponses attendues entre 2004 et 2008. Ces dates reflètent les réalités territoriales de la croissance de la population roumaine dans un contexte européen favorable aux migrations. L’année 2003 est un pivot de la réalité migratoire des populations roumaines après la suppression des visas Schengen. L’année 2007 enregistre les changements impliqués pour la Roumanie comme membre communautaire et implicitement les nouveaux statuts des Roumains en Espagne. En analysant les deux cartes suivantes (17 et 18) nous observons une grande concentration de population roumaine dans la capitale Castellón de la Plana par rapport à la population totale. Cette concentration augmente entre 2004 et 2008 comme nous pouvons observer selon la couleur des cercles de l’orange vers le rouge foncé. Dans un premier temps, en 2004, il y a une concentration de la population roumaine dans la capitale avec 12 386 personnes qui signifient 7,6% sur la population municipale totale. Les autres villes comme Vila-Real avec 999 Roumains et Burriana avec 1 006 ont respectivement un rapport de 2,2% et 3, 3% sur la population totale de chacune des communes. Il y a des disparités à l’échelle des autres communes de la côte où nous trouvons des pourcentages plus élevés de présence roumaine par comparaison avec les autres villes mais cependant avec un nombre réduit de Roumains. C’est le cas de Benicassim, ville de petite taille avec peu d’habitants dont les Roumains représentent 5,7% (864 personnes) ou de Torreblanca avec 10,5% (569 personnes). L’effet polarisateur de la ville de Castellón est donc très important. 154 Carte 17. Rapport entre la population roumaine et la population totale dans la Province de Castellón en 2004 155 En comparant les cartes 17 et 18, nous observons encore une accentuation de la présence roumaine dans la ville de Castellón de la Plana qui double presque entre 2004 et 2008. Le rapport entre les Roumains et la population totale augmente de 13,2% (23 421) personnes d’origine roumaine).Cette croissance est proportionnelle aussi pour les autres villes. Nous trouvons des pourcentages intéressants dans les villes d’Almazora (10,7%) avec 2 561 personnes d’origine roumaine, alors que Vila-Real et Burriana enregistrent un nombre plus important de Roumains respectivement 3 396 et 3 106 mais avec des pourcentages plus réduits. Les disparités enregistrées en 2004 se maintiennent en 2008. Nous observons le cas d’Oropesa del Mar avec 9,3% correspondant à 1 402 personnes d’origine roumaine. La petite ville de Torreblanca enregistre une concentration plus grande que celle de la capitale provinciale, 20,6% (1 276 Roumains installés). 156 Carte 18. Rapport entre la population roumaine et la population totale dans la Province de Castellón en 2008 157 Dans une analyse générale, nous pouvons conclure à une distribution territoriale des Roumains à l’ensemble de toute la province excepté certains villages de la zone intérieure. Nous observons des petits cercles coloriés en rouge foncé ce qui signifie de concentrations forts des Roumains mais sur des chiffres très faibles de population totale. Pour répondre à la question sur les rapports de la population roumaine vis-à-vis de la population d’origine étrangère à l’échelle municipale nous allons suivre la même méthode de comparaison entre 2004 et 2008, sachant que le nombre des roumains est croissant. 158 Carte 19. Rapport entre la population roumaine et la population étrangère dans la Province de Castellón en 2004 159 Sur la carte 20 nous pouvons observer un pourcentage important de la population roumaine par rapport à la population d’origine étrangère installée. Le pourcentage de la présence roumaine par rapport à la population étrangère est plus élevé en 2008 qu’en 2004. Carte 20. Rapport entre la population roumaine et la population étrangère dans la Province de Castellón en 2008 160 À l’échelle de la province nous calculons une croissance de 7,72% de Roumains par rapport aux étrangers entre 2004 et 2008. La capitale reste représentative autant pour les proportions que pour les valeurs absolues, en enregistrant pour l’année 2008 une augmentation de la population roumaine par rapport à la population étrangère de 6,3% depuis 2004. Nous observons une augmentation en chiffres absolus de la population roumaine (de 21 569 en 2004 à 51 999 en 2008) mais en même temps, une croissance de la population d’origine étrangère à l’échelle de toute la province se poursuit de 52 247 en 2004 à 106 125 en 2008. Cette situation peut être expliquée comme la conséquence directe du développement économique gigantesque connu dernièrement sur le littoral. L’apogée du secteur immobilier en relation avec celui de la construction et donc des fabrications de la céramique a attiré un grand nombre de personnes espagnoles et étrangères vers ce territoire. Rapport Roumains/Etrangers 2004 % Nombre de Roumains 2008 % Nombre de Roumains Municipe Castellón de la Plana Torreblanca Onda Almazora Benicassim Burriana Vila-Real Vall d'Uixo Oropesa del Mar 58,9% 57,3% 45,2% 39,7% 38,8% 33,4% 31,9% 31,3% 23,8% 12386 569 691 630 864 1006 999 441 360 65,2% 70,5% 51,1% 60% 46,5% 47,9% 45,4% 37,3% 25,8% 23421 1276 2306 2561 1662 3106 3396 1190 1402 Vinaros 10,3% 261 22,8% 1182 Tableau 6. La situation de la représentativité roumaine sur le total de la population étrangère dans la Province de Castellón en 2004 et 2008. Source : Institut National de Statistique (Espagne). R. Bucur, 2010 Nous avons réalisé une analyse détaillée des communes de la côte. Sur le tableau 6 nous observons cette croissance de la proportion de la présence roumaine par rapport aux étrangers de 2004 à 2008. Du côté des nombres absolus nous observons pour les mêmes villes qu’en 2004 des valeurs qui dépassent 1000 personnes d’origine roumaine en 2008. Nous remarquons aussi des différences entre les villes avec des pourcentages assez réduits en 2004 alors qu’en 2008 ces nombres ont connu une grande ascension. C’est le cas de Torreblanca, Almazora ou Vinaros. 161 Même si on trouve de forts pourcentages de population roumaine par rapport à la population étrangère, ils correspondent à un total de Roumains plus réduit que dans les autres villes, comme c’est l’exemple de Burriana et de Torreblanca. La ville de Castellón de la Plana se maintient tant en 2004 qu’en 2008, en chiffres absolus, comme la destination la plus importante pour les Roumains. En 2008, on enregistre toujours le plus grand nombre de Roumains et le pourcentage par rapport à la population étrangère reste assez important. 2.1.5. Hommes et de femmes d’origine roumaine dans la province de Castellón Quelle est l’évolution des femmes et des hommes d’origine roumaine à l’échelle provinciale ? Quel est le rapport entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes d’origine roumaine à l’échelle municipale ? Pour répondre à cette question nous allons procéder à une comparaison entre 2004 et 2008. Nombre de personnes d'origine roumaine Evolution par sexe de la présence roumaine à l'échelle de la Province de Castellón 30000 25000 20000 Hommes 15000 Femmes 10000 5000 0 1996 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 Graphique 9. Evolution par sexe de la population roumaine de la Province de Castellón. Source : Institut National de Statistique. R. Bucur, 2010 À l’échelle de la Province de Castellón nous observons une évolution importante de la population roumaine à partir de 2002. Dans le graphique 9 nous remarquons une présence masculine un peu plus importante que la population féminine. 162 Cette inégalité peut être la conséquence de l’offre de main d’œuvre masculine pour les secteurs de la construction et de l’agriculture. En tout cas, la petite différence est rapidement rattrapée par le nombre de femmes lié au regroupement familial mais aussi aux opportunités d’emplois féminins. Carte 21. Rapport entre la présence roumaine masculine et féminine à l’échelle municipale de la Province de Castellón en 2004 163 Sur la carte 21 nous apercevons des aires bleues de présence prédominante des hommes roumains ou rouges qui représentent la proportion de femmes. Au long de la zone littorale nous observons, sauf pour quelques petites communes, une tendance vers l’équilibre entre la présence masculine et féminine roumaine surtout dans la zone limitrophe de la capitale provinciale. Cette situation renvoie à l’hypothèse de l’existence d’une migration familiale dans la province de Castellón. Comme dans beaucoup de processus migratoires quand « une partie des couples sont déjà formés en Roumanie »195 , les hommes arrivent les premiers suivis après un certain temps par les femmes. Grâce aux enquêtes réalisées à Castellón de la Plana nous avons identifié des catégories de ménages roumains installés dans cette ville dont les membres étaient : mariés, divorcés, séparés, célibataires, concubins etc. 57% des cas sont des familles roumaines que nous avons interrogées. 195 TAMAMES,Ramon. Estudio sobre la migracion rumana en Espana [En ligne]. Universidad Rey Juan Carlos. Madrid : Universidad Rey Juan Carlos, 2008.p 28. Disponible sur : < http://www.slideshare.net/guest6d630c/estudio-inmigracion-rumana > (consulté le 13 Mai, 2010) 164 Carte 22. Rapport entre la présence roumaine masculine et féminine à l’échelle municipale de la Province de Castellón en 2008 165 Sur la carte 22 nous pouvons considérer une homogénéisation de cette tendance à l’équilibre entre les hommes et les femmes roumaines dans la plupart des « municipios » de la province. La situation d’équilibre présente en 2004 surtout sur la côte se répand vers le reste de la province en 2008. La ville de Castellón de la Plana maintient un état équilibré de la population roumaine où prédominent les familles. Nous pouvons observer que dans toutes les villes à présence roumaine importante, nous trouvons la même situation d’équilibre entre les hommes et les femmes. Il y a des communes où le nombre d’hommes roumains est plus grand que celui des femmes et d’autres où c’est l’inverse. Ces lieux représentent des villages plutôt situés à l’intérieur de la province, dans une région montagneuse. Les villages ont très peu d’habitants et alors la présence des Roumains est insignifiante comparativement avec les villes de la côte. Les espaces gris ou rouges foncés marquent l’absence de population roumaine dans ces villages. Mais la situation de ces villages est plus complexe. Au long de cette période il y a eu des oscillations dans le nombre exact des communes sans population roumaine. Par une attentive fréquentation de ces villages nous avons pu dénombrer un total de 13 communes n’ayant aucune personne d’origine roumaine. Municipes de la Province de Castellón sans populations roumaines 2004 Arañuel Castell de Cabres Chóvar Espadilla Fuente la Reina Herbé‚s Higueras Matet Pavías Sacañet Sot de Ferrer Torralba del Pinar Villamalur 2005 Arañuel Castell de Cabres Chóvar Espadilla Fuente la Reina Herb‚és Higueras Matet Pavías Sacañet Sot de Ferrer Torralba del Pinar Villamalur 2006 Arañuel Castell de Cabres Chóvar Espadilla Fuente la Reina Herbés Higueras Matet Pavías Sacañet Sot de Ferrer Torralba del Pinar Villamalur 2007 Arañuel Castell de Cabres Chóvar Espadilla Fuente la Reina Herbés Higueras Matet Pavías Sacañet Sot de Ferrer Torralba del Pinar Villamalur 2008 Arañuel Castell de Cabres Chóvar Espadilla Fuente la Reina Herbés Higueras Matet Pavías Sacañet Sot de Ferrer Torralba del Pinar Villamalur 2009 Arañuel Castell de Cabres Chóvar Espadilla Fuente la Reina Herbés Higueras Matet Pavías Sacañet Sot de Ferrer Torralba del Pinar Villamalur Tableau 7. Les communes de la Province de Castellón sans population roumaine entre 2004 et 2009. Source : Institut National de Statistique (Espagne). R. Bucur, 2010 166 Nous pouvons affirmer que la présence roumaine de la Province de Castellón a connu une grande croissance en relation avec les événements européens comme : la suppression des visas et l’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne. En matière territoriale, nous observons une concentration de Roumains sur la côte, liée aux possibilités d’emploi et en étroite relation avec des conditions climatiques favorables. La capitale provinciale abrite le plus grand nombre de Roumains mais, au fur et à mesure, les nouveaux arrivants se répandent aux alentours à la recherche de conditions de travail plus favorables. La différence entre le nombre d’hommes et le nombre de femmes d’origine roumaine est évolutive. Ainsi, nous trouvons une tendance à l’équilibre, avec l’accroissement du nombre de migrants. Les possibilités d’emploi tant pour les hommes (le secteur de la construction) que pour les femmes (le secteur de services, plutôt domestiques) favorisent ce rééquilibrage rapide. 2.1.6. Le miroir économique roumain: les envois de fonds des Roumains installés à Castellón Les réseaux des migrants roumains dans la province de Castellón ont une importance matérielle du point de vue économique vers les régions d’origine. Nous avons mis en évidence la dispersion croissante de la population roumaine dans la province de Castellón. Selon les analyses territoriales précédentes nous avons observé une répartition concentrique de la population roumaine. La capitale de la province, la ville de Castellón de la Plana comprend une population roumaine très nombreuse qui se diffuse ensuite tout au long de la côte. Comme nous l’avons établi antérieurement, le nombre de migrants provenant de la région du sud de la Roumanie et particulièrement du département Dâmboviţa est important. La question se pose de savoir où va l’argent que les migrants ont gagné en Espagne? Les destinations des envois des Roumains reflètent-ils la diversité géographique de leurs origines ? Les fonds vont-ils seulement dans les villes ? Que représentent ces envois dans les villages roumains ? 167 Il est nécessaire de savoir ce que signifie une arrivée de fonds pour les familles du territoire d’origine même s’il est très difficile de connaître la quantité d’argent envoyé par les migrants roumains. Quels moyens utilise-t-on ? Quelle est la fréquence des envois ? 2.1.6.1. De Castellón en Roumanie…où ? La difficulté d’obtenir des données précises des envois de fonds, nous a conduit à réaliser une enquête auprès de Roumains installés à Castellón de la Plana. La confidentialité sur les données financières et la diversité des stratégies adoptées pour la circulation des fonds empêchent le traitement d’une source publique qui pourrait offrir toutes ces informations. Dans le pays d’origine comme dans celui de réception il est difficile d’évaluer la quantité exacte de ces fonds : « Des estimations récentes évaluent les transferts d’argent à environ 1,5- 2 milliards d’Euros par an. Les transferts illégaux sont comparables aux transferts légaux » 196 . Pour notre étude, nous avons réussi à établir, selon les enquêtes locales réalisées à Castellón, une carte (n°23) qui montre les lieux de destination des fonds, envoyés par les migrants. 196 CONSTANTIN, Daniela-Luminita (Coord.). Fenomenul migrationist din perspectiva aderarii Romaniei la Uniunea Europeana [En ligne]. Bucuresti : Institutul European din Romania, 2004.104 p(citation p.89).Disponible sur : < http://www.ier.ro/documente/studiideimpactPaisII_ro/Pais2_studiu_5_ro.pdf > (consulté le 5 Juillet, 2010) (traduit du roumain) 168 Carte 23. Représentation de la destination des fonds à partir d’un échantillon de Roumains installés à Castellón de la Plana. Source : Données de l’enquête personnelle réalisée en 2007 et 2008 à Castellón de la Plana Sur la carte des envois d’argent en Roumanie nous pouvons observer la prépondérance de leur destination à l’échelle de commune, dans la partie du sud de la Roumanie ainsi que dans la région historique de la Munténie et à Bucarest. Destinations des envois de fonds en Roumanie Questionnaires Migrants qui Migrants qui Provinces validés sur le total envoient de envoient des historiques (95) % l'argent % colis % Munténie 57 60% 49 85% 34 59% Transylvanie 20 21% 17 85% 10 50% Moldavie 9 9,40% 8 88,80% 6 66,60% Dobroudja 1 1,05% 1 100% 0 0 Bucarest 5 5,26% 3 60% 3 60% Tableau 8. La distribution géographique des envois en Roumanie selon les enquêtes 2007- 2008. R. Bucur, 2010 169 Carte 24. Les provinces historiques roumaines Sur la carte 24 nous pouvons observer que parmi les personnes qui ont répondu à l’enquête, un grand nombre envoie de l’argent et des colis dans leur région d’origine. En observant la carte n° 24 et le tableau n° 8 nous pouvons constater que la grande proportion des envois de fonds vont à la province historique de la Munténie (qui confirme l’hypothèse sur la prédominance des personnes des cette région à Castellón) suivi par la Transylvanie. A une échelle plus détaillée nous remarquons que le département de Dâmboviţa, situé dans la Munténie, (carte 25) bénéficie de nombreuses arrivées de fonds avec 37 cas sur 94 de cette région. Nous notons une grande quantité d’envois pour la ville de Târgovişte, le chef-lieu de ce département (12 enquêtes) et Pucioasa(6) une petite ville voisine. Le reste des envois de fonds sont très répartis entre quatre petites villes : Fieni, Moreni, Găeşti, Titu et d’autres villages du même département. Les envois à Timişoara, Bucureşti et dans le département d’Olt sont importants aussi. 170 Carte 25. Les principales destinations des fonds dans le Département Dâmboviţa 171 Pour avoir une image à l’échelle urbaine ou rurale il faut dire que seulement une petite quantité de ces envois sont dirigés vers les villes, surtout les chefs-lieux de départements avec 26,6% du total d’envois. Un grand pourcentage de fonds va au milieu rural 73,4% avec une prépondérance dans la région historique de la Munténie. Toutes ces constatations spatiales renforcent l’hypothèse de la présence roumaine provenant du département de Dâmboviţa, à Castellón de la Plana. La majorité des personnes présentes à Castellón de la Plana répondent qu’elles proviennent de Târgovişte. Le résultat de ces enquêtes montre donc la prépondérance familiale rurale des Roumains de ce département dans la capitale provinciale de Castellón. La question se pose alors sur les difficultés d’envoi de ces fonds jusqu’aux villages. Quels mécanismes d’envoi (individuels, familiaux, en réseaux) les Roumains installés à Castellón de la Plana utilisentils pour que l’argent arrive à la bonne destination? 2.1.6.2. Quelles sont les modalités d’envoi des fonds ? Selon des études sur les mécanismes d’envois, on trouve une abondante palette de solutions. Premièrement on donne une simple définition à la notion de «remesas » ou envois des fonds : « l’argent que les immigrés envoient dans leur pays d’origine, normalement dans leurs familles est toujours sans contrepartie. C’est-à-dire, des cadeaux sont envoyés sans rien attendre en échange » 197 (traduit de l’espagnol). Il y a les envois d’argent formel à travers des banques et des services spécialisés dans ces transferts comme : MoneyGramm, Western Union, Smith&Smith etc. Les autres stratégies d’envois de type informel ressortent de compagnies de transports et de particuliers qui voyagent vers le pays d’origine, les lettres ou les colis occupent une grande importance ce qui implique un grand risque pour les expéditeurs. 197 MORE, Iñigo. Inmigración y remesas informales en España. Observatorio Permanente de la Inmigración. Madrid. 2009.170 p (citation p.31) (Documentos del Observatorio Permanente de la Inmigración, 22) 172 Par exemple « les affiches indiquant la possibilité d’envoi en Roumanie de colis, d’enveloppes avec documents, de lettres, de valeurs, etc. par les compagnies de bus ou par les personnes qui attendent avec des enveloppes ouvertes, les chauffeurs faisant des trajets réguliers en Roumanie » 198 donnent la preuve de l’existence de ces mécanismes informels d’envoi de fonds. Le coût d’envoi, moins cher, demandé par le chauffeur est la principale raison de choisir cette modalité de transfert : « Par exemple, Western Union demande 15,5 euros pour 200 euros d’envoi, c’est-à-dire 7,7%, presque quatre fois plus que le chauffeur d’autobus » 199 . (Traduit de l’espagnol). Nous avons détecté aussi au long des entretiens, des personnes qui ont envoyé de l’argent via des amis de confiance du même village qui faisaient des transports de marchandise. Les Roumains de Castellón qui ont témoigné, ont choisi cette méthode pour la proximité et la confiance. Le tarif de 100 euros pour le transfert de 2000 euros est coûteux mais il permet d’échapper à un éventuel contrôle fiscal et une taxation supplémentaire. Pour les migrants récemment arrivés et au début de l’immigration en Espagne une grande partie de l’envoi de fonds a justifié la présence des « locutorios ». Qu’est-ce qu’un « locutorio » ? Il représente un local aménagé avec des installations d’accueil et de nouvelles technologies : téléphonie, internet, fax. Les locutorios sont fréquentés par des personnes de nationalités très différentes. Les tarifs très accessibles conduisent à l’utilisation des TICS pour maintenir un contact régulier avec leurs proches restés au pays d’origine. Nous apportons aussi la définition d’une chercheuse espagnole 200 qui a traité avec beaucoup d’intérêt le rôle de cette installation. Les locutorios représentent aussi les lieux de références des personnes arrivées récemment. Elles y rencontrent leurs compatriotes qui leur donnent des informations utiles pour une adaptation rapide à la société d’accueil. 198 MORE, Iñigo. Inmigración y remesas informales en España. Observatorio Permanente de la Inmigración. Madrid. 2009. 170 p(citation p.110) (Documentos del Observatorio Permanente de la Inmigración, 22) 199 Idem, ibídem 200 « (...) un climat chargé d’hétérogénéité, des personnes de provenance différente et avec des systèmes culturels distincts qui produisent des interactions quand ils manifestent un objectif ou nécessité en commun (travail, activité sportive etc.) (…) Concernant l’orographie (la distribution de l’espace et la structure du mobilier), tous les locutorios ont une structure similaire (sans prendre en compte la taille de celui-ci), des tables avec des ordinateurs et leurs chaises ; des cabines fermées dont l’intérieur possède des tables et des tabourets ; et le tableau des annonces toujours plein de papiers imprimés ou écrits à la main » PEREZ ALONSO, Yaiza. El locutorio, cotidianeidad de la inmigración [En ligne]. 2004.27 p (citation p.22). Disponible sur : < http://www.unavarra.es/migraciones/papers3/yaizacom25nav8000.doc. > (Consulté le 5 Juillet, 2010) 173 Ces lieux offrent une grande gamme de services : « les appels très bon marché ; la vente des cartes téléphoniques ; la recharge des téléphones mobiles ; la vente des produits régionaux depuis les produits alimentaires jusqu’aux vêtements ou des produits décoratifs ; l’usage public du fax et de la photocopieuse ; l’usage public de l’internet et l’envoi d’argent » 201 (traduit de l’espagnol). Les appels réalisés du locutorio sont à des tarifs très convenables pour communiquer avec les pays d’origine Photo 7. Locutorio à Castellón de la Plana, R. Bucur, 2011 La fonction très importante, celle d’envoi d’argent est réalisée à travers des services spécialisés comme Smith&Smith, MoneyGram etc. Le réseau MoneyGram a été fondé aux Etats-Unis à la fin des années 80 et comptait en 2002, 130.000 agents 202 dans le monde. Actuellement, le réseau totalise 190.000 agents locaux dans 190 pays. Les services de MoneyGram peuvent être utilisés sur le territoire espagnol dans les banques (Banque de Développement Local, Banco Cooperativo Español, la Caja Navarra, Caja Laboral y Cajamar), dans les grandes surfaces commerciales comme Carrefour, dans les locutorios et dans tous les lieux où est indiqué le sigle de MoneyGram 203 . Une autre grande entreprise qui travaille avec la poste dans le même but d’envoi d’argent, mais plus ancienne est Western Union. 201 ALONSO, Yaiza. El locutorio, cotidianeidad de la inmigración [En ligne]. 2004.27 p (citation p.14). Disponible sur : < http://www.unavarra.es/migraciones/papers3/yaizacom25nav8000.doc. > (Consulté le 5 Juillet, 2010) 202 ROQUERO, Esperanza. « Las remesas de los inmigrantes en España: factores y estrategias . Política y Sociedad. 2008, Vol. 45, n°2, p.131-149 203 « Información sobre la empresa ». In : MoneyGram [En ligne].Disponible sur : < https://www.moneygram.com/MGI/ES/ES/Market/Market.htm?CC=ES&LC=ES > (consulté le 5 Juillet, 2010) 174 Celle-ci a été fondée « il y a 150 ans aux Etats-Unis comme la Compagnie de Télégraphes et son réseau mondial compte 117 000 agents dans 187 pays, qui peut permettre la gestion des mouvements de 2 billions de dollars par an » 204 (traduit de l’espagnol). Les études sur la transparence des services de ces agences d’envois indiquent, pour l’année 2010, une augmentation de la concentration du marché financier dans cinq entreprises. En 2010 elles dominaient à 59,6% 205 du marché par rapport à 2008 à 58%. Le classement de ces cinq entreprises présentes tant en 2008 206 qu’en 2010 s’effectue ainsi : d’abord Western Union Retails Spain, puis Envia Telecomunicaciones, Change Center, Small World Financial Services et enfin Cambitur International. L’entreprise Western Union Retails Spain est un agent de Western Union comme Change Center de MoneyGram. Leurs agents gèrent ensemble 47,5 % du marché financier. Même si ces entreprises exigent une commission assez élevée en comparaison avec d’autres modalités de transfert, la sûreté et la rapidité d’envoi assurent la continuité de leurs services. La figure suivante donne un exemple de l’efficacité et de la rapidité de ces services et le prix des intérêts perçus. 204 ROQUERO, Esperanza. « Las remesas de los inmigrantes en España: factores y estrategias ». Política y Sociedad. 2008, Vol. 45, n°2, p.131-149 205 « Los cinco primeros operadores dominan el 59,6% del mercado español de remesas ». In : REMESAS.ORG, 2010. Disponible sur : < http://www.remesas.org/ranking10.html > (consulté le 7 Juillet, 2010) 206 « El mercado español de remesas se comprime ». In : REMESAS.ORG, 2008. Disponible sur : < http://www.remesas.org/ranking08.html > (consulté le 7 Juillet, 2010) 175 Costul rezultat (Résultat du coût) Ţara expeditorului(Pays de l’expéditeur) : Ţara destinatarului(Pays de destination) : Serviciul (Service utilisé): Suma de trimis (Somme envoyée): Valoarea taxelor (Valeur des taxes): Suma totală (Somme totale d’envoi) : Suma de primit (Somme reçue) : SPAIN ROMANIA 10 Minute Service 92.10 EUROS 7.90 EUROS 100.00 EUROS 92.10 EUROS Acesta este numai pentru transferurile de bani efectuate de la locaţiile agenţilor MoneyGram. Preţurile reale pot diferi în anumite locaţii. Ces résultats sont pour les transferts d’argent réalisés dans les sièges des agences MoneyGram. Les prix réels peuvent être différents d’un siège à l’autre. Figure 6. Estimation du coût d’envoi de l’argent en Roumanie à l’aide du programme de simulation des prix de la page : https://www.moneygram.com. R. Bucur, 2011 Les banques ont subi une grande concurrence par ces entreprises de transferts de fonds. Alors, elles ont adapté leurs programmes et rendu attractifs leurs services par des conventions et des accords réalisant des offres favorables pour les expéditeurs. Un exemple très intéressant est l’apparition d’un système rapide d’envois d’argent qui s’appelle Santander Envios (sous l’égide de la banque Santander) et qui travaille avec l’entreprise Smith&Smith. Le service est plus convenable pour les clients de la banque qui, ayant un compte actif, peuvent envoyer de l’argent dans leur pays, sans payer de commission. Le reglement prévoit un maximum de trois transactions par mois pour une somme totale ne dépassant pas 2000 euros/mois. Ce service rapide d’envois a ouvert 34 filiales Smith&Smith 207 en Roumanie mais on le trouve aussi dans les 493 sièges de la Banque Commerciale Roumaine. Comme nous l’avons observé il y a beaucoup de possibilités pour envoyer des fonds au pays d’origine. Mais, quelles stratégies les Roumains de Castellón de la Plana interrogés utilisent-ils ? Sur la figure 10 nous remarquons une grande préférence pour les entreprises spécialisées dans l’envoi d’argent. Elles sont choisies pour la rapidité des services et pour le nombre de filiales ouvertes en Roumanie. 207 « Cum sa trimiti bani in Romania fara sa platesti comision sau la cel mai mic cost? ». Romanul [En ligne]. 31 Mai 2010, Disponible sur : < http://www.romanul.eu/index.php?option=com_content&view=article&id=12421:cum-s-trimii-bani-inromania-fr-s-plteti-comision-sau-la-cel-mai-mic-cost-&catid=179:informaii-utile&Itemid=697 > 176 Les offres des banques travaillant en collaboration avec les entités bancaires comme Smith&Smith et Latino Envios gagnent une bonne place par rapport aux moyens informels et dangereux des compagnies de transport. Choix de modalités d'envois des fonds en Roumanie parmi les Roumains interviewés à Castellón de la Plana Aútobus Personas conocidas Transferencias bancarias Western Union MoneyGram 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Graphique 10. Les modalités d’envois pratiquée par les Roumains interrogés à Castellón de la Plana. Source : Données des enquêtes 2007-2008. R. Bucur, 2010 Une autre stratégie d’envoi utilisée par les personnes interrogées est représentée par les voyages personnels ou par des personnes connues dans le pays d’origine qui peuvent emporter l’argent en Roumanie sans faire payer d’intérêts. Comme les envois de fonds sont plus complexes il y a beaucoup de personnes qui ont répondu sur l’envoi des colis vers leurs familles. Ainsi, pour 80 cas ayant répondu qu’ils envoient de l’argent, 55 envoient aussi des colis. Dans une analyse plus approfondie il résulte que parmi les expéditeurs des colis nous avons 33% qui sont des familles dont presque la moitié avec des enfants en Roumanie. 2.1.6.3. Qui envoie de l’argent ? Avec quelle fréquence ? Une autre question très intéressante est celle de savoir avec quelle fréquence sont envoyés des fonds en Roumanie. Selon les données de la même enquête, nous identifions parmi les 74 réponses une variété de situations en étroite relation avec l’ancienneté de leur envoi d’argent. 177 La moitié des personnes envoient l’argent une fois par mois tandis que l’autre moitié se distribue diversement. Par exemple, 10 cas envoient une fois tous les deux mois tandis que sept personnes, n’envoient qu’une seule fois par an. En analysant de plus près, on découvre que les personnes habitant ici depuis deux à cinq ans représentent 70% des réponses. C’est dans cette catégorie que se trouvent, les personnes envoyant de l’argent tous les mois. Cette fréquence diminue pour ceux qui habitent là depuis plus de cinq ans. Cette situation peut être mise en corrélation avec le fait que ces personnes sont déjà bien installées et qu’alors dans la plupart des cas, toute la famille habite également ici. Selon les données de l’enquête (92 réponses) il y a 85% de Roumains en âge de travailler c’est-à-dire entre 20 et 50 ans. Cet élément est très important pour l’explication de la fréquence de ces envois d’argent dans le pays d’origine. Dans les différentes enquêtes nous avons constaté des comportements hommes/femmes très différents pour les envois de l’argent en comparant les données de l’enquête pour les cas dont l’argent envoyé provient des revenus individuels. Comparaison par genre sur le pourcentage d'envois des fonds en Roumanie Total Total femmes Femmes qui envoient hommes Hommes qui interrogées des fonds interrogées envoient des fonds Nombre 40 35 52 40 % total des personnes interrogées 43.47% 56.52% % femmes qui envoient 87.50% % hommes qui envoient 76.90% Tableau 9. Comparaison entre le pourcentage de présence féminine et masculine et celui d’envois des fonds selon les données de l’enquête. R.Bucur, 2010 Dans cette analyse nous observons que le pourcentage de la présence féminine est plus petit que celui de la présence masculine. Mais, dans le même temps, les femmes envoient plus souvent de l’argent même si l’argent provient des revenus familiaux. Selon une étude dans la Communauté de Madrid, les chercheurs ont obtenu les mêmes résultats avec un pourcentage plus grand d’envois par les femmes que par les hommes mais avec des résultats inverses pour les sommes moyennes d’envoi. 178 Comparaison entre les envois des fonds en Roumanie par genre % Femmes qui % Hommes qui Envoi moyen envoient envoient femme Enquêtes Castellón de la Plana 87,5% 76,90% 279,28 € Envoi moyen homme 325,62 € 45,40% 273 € 305 € Etude 208 Communauté 54,6% de Madrid Tableau 10. Analyse comparative des études sur les envois d’argents en Roumanie La situation d’envois plus nombreux parmi les femmes peut être expliquée par le fait qu’elles ont davantage tendance à s’occuper des gestions administratives et à envoyer de l’argent aux membres de la famille restée au pays d’origine que les hommes. La nature et l’horaire du travail qui permet plus de flexibilité, peuvent intervenir. La valeur de l’envoi est différente car elles gagnent moins d’argent que les hommes et par conséquent elles n’envoient pas de grandes sommes. Cette situation est due aux secteurs d’emploi différents entre les femmes et les hommes : le secteur de service domestique est moins payé 209 que le secteur de la construction. En comparant la situation dans les deux provinces espagnoles sans tenir compte de la grandeur de l’échantillon nous observons une certaine augmentation de la somme moyenne d’envoi à Castellón de la Plana. Une hypothèse pour expliquer ce phénomène est le contexte économique très prospère de cette province dans la période de la réalisation de ces études. 2.1.6.4. Les quantités de fonds en transit vers la Roumanie Les fréquences d’envois sont très importantes pour connaître une petite partie du total des envois en Roumanie depuis Castellón de la Plana dans cet intervalle de temps. Mais nous voulons savoir quelle quantité de fonds financiers arrive en Roumanie depuis Castellón? Est-il possible d’extrapoler ces données à l’échelle de l’Espagne ? 208 MORE, Inigo ( Dir.). Cuantificacion de las remesas enviadas por mujeres inmigrantes desde Espana [En ligne], juin 2008, Disponible sur : < www.remesas.org > 209 Idem, ibidem 179 Dans un premier temps nous pouvons observer sur la carte suivante une distribution, selon les enquêtes réalisées à Castellón de la Plana, de différentes quantités d’argent envoyées dans chaque département d’origine. Nous constatons la prédominance des transactions des fonds vers le sud du pays. Le département Dâmboviţa enregistre une grande variété des sommes d’argent: de 100 € à 1000 €. La majorité des départements roumains reçoivent 100-250 € par transaction avec quelques rares exceptions 250-500 € ou 500-1000 €. Il y a aussi des départements qui ne reçoivent pas des fonds. Mais cette observation est très relative, car la carte montre une situation particulière à un moment et dans un contexte donné. Mais, l’objectif de cette figure est de visualiser la répartition des différents seuils des transactions de fonds à l’échelle des départements roumains. Carte 26. Distribution des quantités des fonds par départements roumains 180 Dans une analyse plus approfondie des données de l’enquête, nous calculons la somme d’argent envoyée dans une seule transaction par tous ceux qui ont répondu affirmativement, 170 personnes. Le résultat global est de 19 575 €. Mais comme nous l’avons observé auparavant, il y a une diversité de situations et une grande partie des personnes interrogées envoient mensuellement. En se basant sur la fréquence moyenne des envois de 8,2 transactions par an réalisées par chaque personne, la somme globale envoyée par an est de 160 515 €. Dans l’enquête nous rencontrons des familles et des personnes seules (célibataires, divorcées, séparées). Dans ce cas, nous considérons en moyenne, des familles avec trois membres qui envoient de l’argent. Nous calculons un total de 211 adultes (170 envoient des fonds), ce qui donne une moyenne de 760 € /an/personne. Si nous comptabilisons les autres fonds comme la valeur des colis et des voyages, on obtient un total de 206 440 € /an envoyés par l’ensemble des personnes enquêtées, soit une moyenne de 978 € /an/personne. Analyse sur les envois des fonds des Roumains enquêtés Total personnes interrogées 211 Revenus individuels/an 442 500 € Revenus familiaux/an 2 749 500 € Total revenus des personnes interrogés/an 3 192 000 € Argent envoyé 160 515 € Valeur colis envoyés 20 300 € Valeur cadeaux des voyages au pays d'origine 25 625 € Total envois des fonds 206 440 € % Envois/revenu 6,46% Tableau 11. Croquis des calculs sur la quantité des fonds envoyés en Roumanie par les personnes interviewées à Castellón de la Plana, selon les données de l’enquête 2007-2008. R. Bucur, 2010 Sachant que dans l’année 2008, dans la province de Castellón il y a 40 606 roumains adultes (20-64ans) et que selon notre enquête nous avons trouvé un total de 160 515 € envoyés (pour 211 personnes) nous essayons d’extrapoler nos données à l’échelle de la province. 181 Estimation des fonds envoyés par les Roumains dans leur pays en 2008 Envois d'argent Total personnes interrogées à Castellón de la Plana 211 160 515 € Total Roumains province de Castellón (20-64 ans) 40 606 30 890 389,05 € 583 100 443 584 343,57 € Total Roumains en Espagne (20-64ans) Tableau 12. Estimation de la quantité d’argent envoyé en Roumanie (calculée à différentes échelles territoriales). R. Bucur, 2010 Selon les calculs de la figure 12 nous obtenons un total de 30 890 389,05 € envoyés par an par les roumains de la province de Castellón en Roumanie. En extrapolant le résultat selon les mêmes proportions à l’échelle de l’Espagne nous obtenons un total de 443 584 343,57 € qui seraient envoyés en 2008 par les Roumains installés en Espagne. Si on introduit les valeurs des autres envois (colis, voyages etc.) le total augmentera. Il est possible de faire une comparaison entre les chiffres obtenus par les études empiriques et celles des organismes officiels et de présenter le tableau suivant. Comparaison entre les données officielles et celles obtenues par les enquêtes Total d'argent envoyé en Roumanie 443 584 343,57 € Montants obtenus à l'échelle de l'Espagne (extrapolarisation R.Bucur) Montants officiels 210 à l'échelle de l'Espagne (fournies par la Banque d’Espagne) 399 000 000,80 € Tableau 13. Comparaison des données officielles fournies par la Banque d’Espagne à travers www.remesas.org et données obtenues par l’extrapolation des résultats des enquêtes réalisées à Castellón de la Plana à l’échelle nationale. R.Bucur, 2010 Selon le tableau 13 nous observons une différence entre les deux types des données. Cette différence peut être due à plusieurs facteurs. Le chiffre obtenu à travers les résultats d’enquêtes réalisées sur un petit échantillon peut produire certaines erreurs à l’heure d’une transposition à une grande échelle territoriale. 210 « La crisis de las remesas se ceba en Ecuador, República Dominicana y Rumanía; pero crecen los envíos a Paraguay, Pakistán y Perú ». In : REMESAS.ORG [En ligne], 2009. Disponible sur : < http://www.remesas.org/donde08.html > (consulté le 7 Juillet, 2010) 182 Deuxièmement, le territoire des enquêtes, la province de Castellón a connu des caractéristiques économiques très favorables à la migration roumaine et implicitement aux envois d’argent vers le pays d’origine surtout dans la période de croissance économique 2007-2008. Une autre explication peut être fournie par l’erreur humaine dans les réponses sur un thème aussi sensible. Parfois les personnes interrogées exagèrent volontairement la quantité des revenus ou des envois pour montrer le fruit de leur projet migratoire. D’autre part, cette différence peut se comprendre aussi par le fait que les données officielles reprennent les chiffres enregistrés par les organismes spécialisés dans les envois de fonds. Mais nous savons bien qu’il y a une multitude de modalités d’envois de fonds d’une manière informelle, il y a beaucoup de données qui échappent à la comptabilité des organismes. Dans le cas des enquêtes, les personnes ont reconnu avoir d’autres moyens d’envois: les voyages personnels ou des personnes connues, les compagnies d’autobus etc. Une autre question très importante est l’utilisation de ces fonds. Le bénéfice qu’ils rapportent est un élément étudié par tous les chercheurs travaillant sur ce thème. Dans un premier temps, les ressources des travailleurs étrangers sont investies sur le marché du pays d’accueil dans les produits de consommation courante, le logement etc. Deuxièmement l’argent envoyé dans le pays d’origine est utilisé à différentes échelles en fonction de la modalité d’envoi. A un niveau macro-économique, les fonds envoyés par transferts bancaires sont les seuls comptabilisés. De cette manière, il est possible de constater l’impact de ces entrées d’argent sur différents indicateurs comme : le PIB, les investissements étrangers, la réserve en monnaie étrangère 211 etc. À l’échelle de l’individu, l’argent provenant des résidents roumains à l’étranger est utilisé dans différents domaines : soutien à la famille, besoins du ménage et éducation des enfants, petites épargnes ou achats de propriétés et petites entreprises. Les situations énumérées antérieurement se retrouvent aussi dans les enquêtes réalisées à Castellón de la Plana. D’abord, toutes les personnes qui envoient des fonds dans la commune roumaine d’origine, indépendamment de leur statut civil, marié ou célibataire envoient l’argent pour les frais ménagers. 211 CONSTANTIN, Daniela-Luminita (Coord.). Fenomenul migrationist din perspectiva aderarii Romaniei la Uniunea Europeana [En ligne]. Bucuresti : Institutul European din Romania, 2004.108 p (citation p.87).Disponible sur : < http://www.ier.ro/documente/studiideimpactPaisII_ro/Pais2_studiu_5_ro.pdf > (consulté le 5 Juillet, 2010) 183 Dans le cas des familles qui ont des enfants en Roumanie s’ajoute l’utilisation de l’argent pour l’éducation. Aux personnes seules : célibataires, séparées ou divorcées s’ajoutent aux frais du ménage l’option de l’éducation des enfants (s’il y en a) ou de l’achat de propriétés, ou l’épargne ou la construction d’une maison. Nous pouvons conclure que les liens affectifs maintenus à distance à travers les réseaux familiaux ne connaissent par de frontières physiques. Les fonds : l’argent, les colis, les cadeaux envoyés fréquemment dans les communes d’origine essaient de compenser d’une certaine manière l’absence des personnes. Les modalités formelles et informelles de ces envois ont un seul but: aider les familles, vaincre les difficultés économiques du ménage. La création de services plus efficaces et bon marché pour l’envoi d’argent facilite d’une manière plus sûre et plus performante les transferts. Dans ce contexte, nous espérons une plus grande transparence à l’heure de comptabiliser cet argent. Alors nous pourrons donner une vision plus réelle, de l’importance de cette présence roumaine dans la province de Castellón et sa capitale. 184 Conclusion En résumé, nous pouvons affirmer que les stratégies adoptées par les Roumains pour arriver à Castellón de la Plana ont à l’origine des réseaux adventistes. . Ensuite ces réseaux se sont diversifiés avec la composante familiale et amicale renvoyant à la construction d’un véritable champ migratoire des familles roumaines. On peut établir des correspondances très significatives entre la ville de Castellón de la Plana et le Département roumain Dâmboviţa. La ville de Târgovişte, en particulier, envoie un grand nombre de ses citoyens dans la ville espagnole. La circulation des informations et la présence d’une personne connue à Castellón de la Plana (indice important pour le choix de cette ville) facilite la consolidation des itinéraires migratoires vers ce territoire. La présence roumaine de la Province de Castellón a connu une grande croissance surtout en relation avec des événements européens comme : la suppression des visas (janvier 2002) et l’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne (janvier 2007). Concernant l’aspect territorial nous observons une concentration des familles roumaines sur la côte résultant des possibilités d’emploi liées aux conditions climatiques favorables. La capitale provinciale abrite le plus grand nombre de Roumains mais, dans la durée du processus migratoire certains se répandent aux alentours à la recherche d’autres conditions de travail plus favorables et sans concentration roumaine. Il n’y a pas de disproportions notables entre le nombre d’hommes et de femmes d’origine roumaine installées dans cette province espagnole. Ainsi, nous observons une tendance à l’équilibre. Ce qui s’explique par l’installation progressive d’un grand nombre de familles roumaines complètes et bien sûr aussi par les possibilités d’emploi tant pour les hommes (le secteur de la construction) que pour les femmes (le secteur de services, plutôt domestique). Par rapport à la population totale, les Roumains constituent une forte concentration (13,2%) selon les données de 2008. C’est l’une des raisons qui a motivé notre choix d’étudier cette migration dans cette province en particulier. 185 En comparant le nombre des Roumains par rapport aux autres populations d’origine étrangère installées dans ce territoire nous remarquons qu’ils occupent une place essentielle. Le rapport entre la population d’origine roumaine et les autres populations d’origine étrangère maintient sa tendance ascendante entre 2004 et 2008 et les Roumains continuent à former la plus grande concentration en nombre absolu. La création d’une « économie affective » 212 , est valable aussi dans le cas des migrants roumains installés à Castellón de la Plana. Ces relations affectives maintenues à distance dans les réseaux familiaux qui ne connaissent par de frontières physiques sont marquées par l’envoi des fonds. L’argent, les colis, les cadeaux envoyés fréquemment dans les communes d’origine essaient d’une certaine manière de compenser l’absence. A la suite des enquêtes et de la création d’une carte représentant des envois en Roumanie nous découvrons une correspondance entre la provenance des noyaux des Roumains installés à Castellón et les points territoriaux de la destination des fonds. Nous découvrons qu’il y a une grande proportion d’envois destinés au milieu rural. Les opérations informelles sont de plus en plus remplacées par des services plus efficaces d’envoi d’argent qui facilitent d’une manière plus sûre et performante les transferts vers le pays d’origine. Dans ce contexte nous espérons une plus grande transparence à l’heure de comptabiliser cet argent. Même si nous avons obtenu des chiffres approximatifs, nous souhaitons que les services spécialisés puissent donner une vision plus réelle à l’aide de moyens plus performants pour comptabiliser ces fonds. En tout cas, les modalités formelles et informelles de ces envois ont un seul but : aider la famille restée au pays à vaincre les difficultés économiques. Dans une autre perspective, ces envois de fonds témoignent de l’importance de cette présence roumaine dans la province de Castellón et sa capitale. 212 SIMON, Gildas. La planète migratoire dans la mondialisation. Armand Colin. Paris, 2008.229 p 186 Typologie des situations à Castellón de la Plana La migration roumaine dans la province de Castellón construite à travers des réseaux connaît des situations complexes, dans les formes d’habiter. Pour mieux caractériser cette complexité, nous introduisons une nouvelle notion, celle d’ « espace parcouru ». Que signifie cette notion? Quel type d’espaces de vie roumains trouvons-nous à Castellón de la Plana ? Pour répondre à toutes ces questions il faudra prendre en compte la diversité des situations familiales rencontrées et penser aux espaces de vies des migrants roumains insérés dans l’espace urbain récepteur. Dans ce contexte, à partir d’entretiens approfondis, nous analysons des cas emblématiques pour chaque catégorie. Notre analyse recourra à des échelles individuelles mais aussi collectives pour faciliter les interactions entre les individus entre eux et les individus avec la société locale. Dans une deuxième partie du classement des espaces parcourus nous rencontrerons aussi des cas particuliers dont le projet migratoire a connu une fin inattendue négative. Quels sont les facteurs qui ont mené à ces échecs? Quelle interaction avec la société locale ? Avec les institutions roumaines ? Dans un dernier temps nous étudions le profil des migrants roumains installés à Castellón selon ces deux paramètres très importants pour expliquer le caractère économique de cette migration : l’âge et le genre. Comment identifier le profil de formation et professionnel ? Quel est le capital professionnel apporté par les Roumains à Castellón ? 2.2.1. Les espaces parcourus par les Roumains arrivant à Castellón de la Plana La notion « d’espace parcouru » fut utilisée originellement pour les familles tsiganes qui installent leurs caravanes dans les différentes régions urbaines ou rurales françaises et y construisent leur propre espace de vie. « L’espace parcouru est ainsi le siège de multiples lieux de séjour plus ou moins durables qui sont autant de pôles de vie de la famille. 187 Chaque pôle de vie constitue une forme d’insertion spécifique (par la durée du séjour, le lieu d’implantation du groupe, la forme du groupe, ses activités du moment…) dans la géographie locale» 213 . Mais nous pouvons penser à une autre forme de déplacement de populations, celle de la migration roumaine à Castellón en essayant d’identifier les modes d’habitation construits dans les nouveaux territoires. Selon la diversité des situations familiales rencontrées, on peut penser à la construction de vrais pôles de vie insérés dans la société réceptrice. La question du temps est essentielle dans l’analyse de cette notion. Dans le contexte des espaces parcourus par les Roumains, leur construction implique des périodes majeures à plusieurs échelles. Individuellement, la construction du parcours s’échelonne en fonction des stratégies de migrations adaptées aux politiques européennes ou étatiques. Après l’arrivée du premier migrant, la famille se regroupe géographiquement graduellement grâce aux réseaux. A une échelle territoriale plus grande il y a une interaction de ce projet migratoire avec la société d’accueil qui marque l’espace de sa propre organisation et souvent de fait, impose la diffusion des familles migrantes. Enfin, à l’échelle collective des groupes migrants, l’organisation de la société roumaine déjà installée impose ses logiques spatiales : associations, négoces, administrations roumaines déléguées dans le territoire. En fonction de la situation familiale nous identifions donc à travers des entretiens une grande variété d’espaces parcourus pour arriver à Castellón de la Plana. Nous avons défini des catégories pour mettre en évidence la diversité des conditions familiales des personnes qui se sont installées dans ce territoire. 213 HUMEAU, Jean Baptiste. TSIGANES EN FRANCE - De l'assignation au droit d'habiter. L'Harmattan. Paris, 1995.410 p (citation p.220) 188 Figure 7. Typologie en fonction du statut civil des 20 ménages roumains interrogés L’originalité de la notion d’espace parcouru laisse la place à « des formes de symbiose » 214 entre les populations tsiganes et les sociétés d’installation : « L'espace parcouru peut donc se définir comme le domaine géographique offrant les possibilités suffisantes à l'épanouissement de cette forme d'économie de subsistance. 214 HUMEAU, Jean Baptiste. TSIGANES EN FRANCE - De l'assignation au droit d'habiter. L'Harmattan. Paris, 1995.410 p (citation p.254) 189 Il s'agit donc d'un espace dont les dimensions résultent de la combinaison de paramètres à la fois naturels (ressources locales), économiques (activités économiques des sociétés locales) et sociaux (régulation entre les groupes familiaux tsiganes au regard des ressources virtuelles). L'espace parcouru d'une famille ou d'un groupe familial constitue donc son territoire de vie, fondé sur un équilibre temporaire entre les capacités du groupe et les ressources virtuelles » 215 . La transposition du concept à la situation des familles roumaines permet de mettre en évidence des éléments relationnels avec la société d’accueil en fonction de chaque modèle d’espaces parcourus. A partir des entretiens avec différents types de ménages rencontrés à Castellón de la Plana nous découvrons des paramètres déterminants à la base de ces espaces de vie. Evidemment, nous analysons seulement les cas les plus caractéristiques sachant qu’il y en a d’autres avec des paramètres parfois variables. La typologie des familles roumaines arrivées et installées à Castellón de la Plana est très diversifiée: cas de conjoints ici et les enfants en Roumanie, conjoints sans enfants, conjoints et les enfants avec eux, divorcés seuls ou impliqués dans un nouveau couple etc. Nous pouvons analyser les différents types de foyers, rencontrés pour les entretiens et ainsi, nous approcher davantage de la réalité de l’installation des populations roumaines dans la capitale de la province de Castellón. La figure 8 présente le parcours d’un ménage installé à Castellón de la Plana à l’aide de la famille présente dans ce territoire. « Je suis arrivé à Madrid en 2002 après la suppression du visa. J’ai travaillé un peu dans les vendanges et ensuite je suis retourné en Roumanie. En 2004 je suis revenu en Espagne, cette fois-ci à Castellón de la Plana chez mes oncles. En 2006 j’ai fait venir mon amie de Roumanie et nous avons habité dans la maison de mes oncles pendant deux ans et même après le mariage. Car en 2007 nous nous sommes mariés en Roumanie. Nous avons eu beaucoup de chance. Quand j’étais seul je ne payais pas. Quand mon amie est arrivée nous payions seulement 100€/ mois et la nourriture. A partir de 2008, comme nous avons gagné de l’argent nous avons loué un logement pour nous deux. Nous travaillons tous les deux » 216 . 215 HUMEAU, Jean Baptiste. TSIGANES EN FRANCE - De l'assignation au droit d'habiter. L'Harmattan. Paris, 1995.410 p (citation p.220) 216 Entretien avec le mari du couple, figure 8 190 Figure 8. Espaces parcourus et espaces de vie d’un ménage sans enfant La figure 9 illustre l’exemple d’une personne célibataire qui arrive à Castellón de la Plana mais dont le séjour connaît beaucoup de variations et qui décide finalement de retourner au pays d’origine sans avoir fondé un ménage comme dans le cas précédent (figure 8). 191 Figure 9. Célibataire avec une trajectoire migratoire fluctuante Dans cet exemple nous rencontrons le cas typique d’une personne qui a tâtonné sur le marché du travail européen. Cet homme est parti après la suppression du visa et est arrivé à Roquetas del Mar chez des amis. Là il a travaillé dans les serres maraîchères. Après deux ans, profitant d’une opportunité de travail, il décide d’aller à Castellón chez son oncle. A cette période, la Province de Castellón connaissait une grande expansion dans le secteur de la construction. 192 « J’ai habité chez mon oncle pendant une année avec six autres personnes dans le même appartement. J’ai travaillé dans le secteur de la construction, sans papiers, car mon permis de travail appartenait à la Province d’Andalousie et n’était pas valable ici. Après, je suis allé en Allemagne chez mon frère pour y chercher du travail. Comme je ne connaissais pas la langue je suis resté le temps légal de trois mois, et après je suis rentré en Roumanie. Je me suis occupé de rénover ma maison avec l’argent que j’avais gagné en Espagne et j’ai commencé à étudier l’allemand. J’avais épuisé toute mon épargne alors. J’ai voulu essayer de nouveau en Espagne car je connaissais déjà la langue, j’avais des papiers et j’avais quelqu’un aussi pour me loger. J’ai appelé un autre oncle installé à Valencia et je suis allé chez lui. J’ai travaillé dans plusieurs domaines de services : restauration, magasin de meubles, charcuterie. La crise est venue, je n’ai plus de travail et je pense retourner en Roumanie» 217 . Un mois après l’entretien cette personne m’a donné de ses nouvelles de Roumanie. Dans un autre cas nous avons rencontré un jeune homme qui a eu aussi un itinéraire très variable pendant une période de six ans. Comme ses parents habitaient à Castellón de la Plana il passait toutes les vacances d’été avec sa famille de 2002 à 2008. 217 Entretien avec une personne célibataire avec une trajectoire fluctuante, figure 9 193 Figure 10. Personne divorcée entre circulation saisonnière et installation à Castellón L’année 2002 marque la possibilité de venir à Castellón grâce à la suppression des visas Schengen ce qui facilite la libre circulation touristique. L’année 2008 est la période où il décide de se marier avec une jeune fille d’un village voisin. Pourquoi a-t-il cessé d’aller à Castellón ? 194 « Depuis 2008 jusqu’à 2009 je suis resté en Roumanie avec la famille de ma femme. Elle ne voulait pas se séparer de sa famille et venir en Espagne, malgré l’aide de mes parents. Les problèmes se sont accumulés, surtout d’ordre financier. A la fin de l’année 2009 nous avons divorcé et moi je suis retourné chez mes parents à Castellón de la Plana » 218 . A première vue nous pouvons nous rendre compte de l’importance des liens familiaux qui persistent, ancrés dans la mentalité des personnes du même territoire. Pour chacune d’entre elles la famille d’origine a plus d’importance que la nouvelle famille qu’elles viennent de construire. Donc, chacun suit son propre chemin à côté de ses parents. Ensuite, nous présentons l’exemple d’une personne cette fois célibataire qui arrive à Castellón de la Plana et qui fonde sur place un nouveau foyer. Nous avons comme point commun aux exemples précédents la présence des proches représentant le support qui permet la nouvelle construction d’un pôle de vie. La figure suivante montre cet exemple assez courant d’un jeune homme qui vient chez son oncle à Castellón de la Plana pour préparer son avenir. Ses proches l’aident beaucoup surtout pour son logement. Il rencontre une amie roumaine et avec elle il organise son propre ménage. Ce cas est significatif car cette personne a connu une grande évolution au sein de ses proches et a pu suivre une bonne trajectoire de vie. « Mon oncle m’a beaucoup aidé, il m’a envoyé la lettre d’invitation et l’argent pour l’autobus. J’ai habité chez lui pendant deux ans. Je lui ai obéi comme à mes parents car je n’aime pas aller dormir dans les plantations d’orangers. Je sens un changement très grand dans ma mentalité et quand je voyage dans mon pays je ne peux plus penser comme mes compatriotes » 219 . 218 219 Entretien avec un jeune homme divorcé avec une trajectoire entre circulation et installation, figure 10 Entretien avec une personne célibataire qui a fondé un nouveau couple, figure 11 195 Figure 11. Célibataire en couple à Castellón de la Plana Comme nous l’avons remarqué il y a une majorité de jeunes hommes qui se sont installés pour un court ou pour un long séjour à Castellón de la Plana, mais il est intéressant de voir aussi un exemple de parcours féminin. Quelles particularités peut-on y trouver ? 196 Dans la figure 12 nous étudierons le contexte social et spatial de la création d’un ménage mixte : roumain-espagnol. Figure 12. Espaces parcourus d’un ménage mixte roumain-espagnol Selon son témoignage, elle est venue en voiture avec sa tante en 2004 pendant les vacances d’été pour chercher un petit travail. « J’ai été hébergée chez elle environ deux mois, après je suis allée chez une autre tante à Vall d’Uixo, une commune de la même province de Castellón. Ici j’ai trouvé un emploi dans une pizzeria et j’ai donc décidé de rester pour y travailler. 197 En 2005 j’ai connu un Espagnol et une année plus tard nous avons décidé de nous marier. Nous avons célébré le mariage en Roumanie et après nous sommes rentrés à Castellón de la Plana où nous nous sommes installés ». C’est un exemple qui caractérise en général des personnes jeunes qui, arrivant à Castellón de la Plana, ont décidé d’y organiser leur vie familiale. Mais il n’y a pas que des personnes jeunes et célibataires qui peuvent donner une nouvelle orientation à leur vie. Nous avons rencontré beaucoup de cas de personnes divorcées qui ont décidé de refaire leur vie. L’exemple choisi illustre, cette fois-ci, une femme divorcée (en Roumanie) avec des enfants majeurs qui sont restés dans le pays d’origine pour finir leurs études universitaires. Comme on l’observe dans la figure 13 cette dame est arrivée à Castellón de la Plana, chez une tante en 2002 grâce à la libre circulation. La motivation de cette migrante est d’assurer un bon avenir à ses trois enfants qui étudient en Roumanie. Au début, elle s’est débrouillée grâce à l’aide de ses proches et de ses amis. Ensuite, elle a connu un homme dans la même situation qu’elle et tous deux ont décidé d’habiter ensemble. « J’ai connu un homme roumain divorcé qui était tout seul ici et comme nous nous entendions bien alors nous avons décidé de louer un appartement ensemble. Notre relation a duré six ans et s’est terminée parce qu’il est retourné en Roumanie pour des motifs économiques. Il travaillait dans le secteur de la construction et à cause de la crise immobilière il est resté sans travail. Avec mon seul salaire nous ne pouvions par survivre tous les deux et entretenir aussi mes fils. Quelques mois après son départ j’ai rencontré un homme espagnol, divorcé aussi, avec qui je m’entends très bien. Alors, j’ai déménagé chez lui et nous sommes très bien. Je ne pouvais pas vivre toute seule, j’ai besoin de compagnie mais aussi de quelqu’un pour partager les frais de consommation » 220 . 220 Femme roumaine divorcée en Roumanie et impliquée dans un nouveau couple à Castellón, figure 13 198 Figure 13. Personne divorcée en Roumanie et impliquée dans un nouveau couple à Castellón de la Plana Ce qui est frappant c’est la facilité de rencontre entre ces personnes. Selon son témoignage : « pour mon premier conjoint, c’est une amie qui me l’a présenté et dans le deuxième cas, c’est grâce à une autre amie aussi ». Les relations faibles jouent un rôle très important pour la connaissance des autres personnes et des ressources. 199 Dans la plupart des cas, « ce sont les liens faibles(…) qui font passer l’information entre les différents cercles sociaux » 221 . Alors, les gens sont entraînés dans une diversité de réseaux qui ont bien plus accès à la connaissance de personnes et de ressources que dans le cas des relations fortes, familiales, plutôt fermées. Dans la même logique de construction de relations extra-familiales, nous présentons le cas suivant. Le capital relationnel accumulé à travers des amis du pays d’origine et installés à Castellón de la Plana a constitué la clé du succès pour la matérialisation de son projet migratoire. De nouveau c’est une mère de famille, cette foisci mariée, avec son mari et ses enfants en Roumanie. Elle décide d’émigrer pour assurer un avenir à ses fils et aménager sa maison. « Je suis arrivée en 1999 avec un visa Schengen, très cher et difficilement obtenu. J’ai choisi Castellón parce qu’ici je connaissais des personnes qui travaillaient dans la même fabrique que moi en Roumanie. Heureusement qu’ils étaient là, qu’ils m’ont logée et aussi aidée à trouver un emploi. Après j’ai appris la langue et j’ai connu davantage de personnes avec lesquelles j’ai échangé des informations. Chaque fois que je restais sans travail c’est par les autres personnes connues que j’en ai trouvé. Parfois par les proches des personnes chez qui j’avais travaillé, car j’ai travaillé comme « interne » 222 . Ainsi, je suis arrivée à Paterna, à côté de Valencia, à la suite d’une information sur un emploi que j’ai finalement obtenu. A Castellón il y a beaucoup de Roumains et le marché est un peu saturé et le travail moins bien payé aussi » 223 . Ce cas est un peu différent mais très habituel parmi les femmes qui entreprennent une migration. Dans cet exemple il est remarquable de constater la capacité d’adaptation à un nouveau style de vie, immergé totalement dans la culture de la société d’accueil. Le capital relationnel, cette fois-ci, se fait à l’échelle des liens faibles construits avec des familles espagnoles dans le cadre du travail. La motivation pour l’emploi entraîne le déplacement d’un territoire connu avec des personnes de même origine vers un autre lieu qui offre d’autres opportunités. 221 FORSÉ, Michel. « Granovetter, M.S (1973), « The strength of weak ties ». American Journal of Sociology, vol. 78, p. 1360-1380. in Définir et analyser les réseaux sociaux ». Informations sociales. 2008, Vol. 3, n°147, p. 10-19. 222 Travailler comme « interne », signifie qu’elle passe tout le temps à travailler pour une famille : faire du ménage et soigner des personnes. D’habitude elle n’a pas de contrat, elle est sous-payée car elle n’a pas besoin de payer le loyer ou la nourriture chaque semaine. Elle a une journée libre par semaine entre le petitdéjeuner et le dîner du même jour. 223 Entretien avec une mère de famille arrivée à Castellón et réinstallée à Paterna, Valencia, figure 14 200 Ce cas est très intéressant pour saisir les efforts fournis pour atteindre le but du projet migratoire mais aussi la construction d’un parcours complexe en symbiose avec des personnes différentes des personnes de son pays d’origine. Figure 14. Mère de famille arrivée à Castellón et ensuite réinstallée à Paterna, selon les opportunités d’emplois 201 Les modèles présentés jusqu’à maintenant représentent des exemples de situations familiales diverses mais les cas les plus fréquents sont ceux de familles complètes installées à Castellón ou de familles avec les enfants en Roumanie. Figure 15. Une famille partagée entre l’Espagne et la Roumanie Dans la figure 15 nous présentons le cas d’une famille dont la trajectoire migratoire très intéressante est complexe. C’est un modèle qui caractérise des familles dont les membres n’arrivent pas tous ensemble en Espagne. 202 Israël était une destination recherchée par les hommes dans le secteur de la construction (avant de fermer ses portes à la migration) et il y avait des compagnies intermédiaires locales qui orientaient les femmes vers le secteur domestique. Quand la situation est devenue difficile, beaucoup de roumains qui travaillaient en Israël se sont dirigés vers l’Espagne. Dans notre exemple, nous trouvons une famille très active du point de vue migratoire dont la femme est partie en Israël pendant que son mari est resté avec leur fille en Roumanie. Au bout d’un an, ayant fini son contrat elle revient dans le pays d’origine mais son mari cherche alors une opportunité pour améliorer leur situation économique en Espagne. Leur fille reste avec sa grand-mère en Roumanie quand sa mère décide de suivre son mari. Leur fille ne veut pas émigrer car elle veut suivre des études de droit en Roumanie. Le père arrive chez des amis qui sont installés à Castellón de la Plana. Sa femme est logée chez eux aussi dans un premier temps mais quand elle trouve un « emploi d’interne » elle déménage au sein de la famille pour laquelle elle travaille. C’est une situation très difficile parce qu’il y a de nouveau une rupture dans la famille. Le mari reste dans la maison des amis et le couple se rencontre seulement pendant le jour de repos de la femme. Comme il travaille dans le secteur de la construction quand la crise arrive il trouve, grâce à des amis, un emploi en Allemagne. Il s’associe à une équipe de plusieurs travailleurs de ce secteur et ensemble ils vont en Allemagne, sollicités par un roumain qu’ils connaissent. La situation présentée est très complexe et montre la diversité des lieux qui interviennent dans la trajectoire migratoire d’une simple famille. Dans le cas suivant, la situation familiale ne subit pas tant de modifications. Elle est représentative de la majorité des ménages roumains installés à Castellón de la Plana. 203 Figure 16. Ménage roumain complet installé à Castellón de la Plana C’est un exemple typique de regroupement familial. D’abord arrivent les parents : le père puis la mère et dans un premier temps, les enfants restent en Roumanie chez les grands-parents. Cette situation est la plus fréquente. 204 Selon la période de cette migration, les parents attendent d’avoir légalisé la situation juridique et d’avoir atteint une certaine stabilité économique avant de faire venir leurs enfants. Dans notre exemple, la date de la migration entre 2002 et 2007, facilite un regroupement de la famille dans un temps moins long. Il n’est pas nécessaire d’avoir un visa, le statut communautaire facilite l’obtention du droit de résidence. La stabilité économique qui permet à la famille de louer un logement est la seule condition qui s’impose alors pour l’arrivée des enfants. « Je suis venu chez mes beaux-frères. Après un mois et demi ma femme est arrivée aussi. Nous étions logés d’abord chez son frère puis chez sa sœur pendant deux mois. Ensuite, j’ai travaillé dans le bâtiment et ma femme dans le service domestique. Nous avons sousloué une chambre dans un appartement où nous étions neuf personnes au total. C’était très difficile, mais nous avons résisté six mois. Après avoir épargné de l’argent, parce que c’était moins cher de partager les frais du loyer à neuf, nous avons trouvé un autre appartement assez convenable. Nous l’avons loué pour notre famille et en janvier 2007 nous avons réussi à emmener nos enfants. Ils avaient recherches réalisées en Roumanie sur les alors 13 et 10 ans et ils se sont adaptés très vite » 224 . A travers cet exemple et grâce aux enfants de la migration, nous constatons l’importance de leur âge dans l’organisation de ces processus migratoires. Le regroupement familial est plus fréquent avec des enfants plus jeunes car il dépend de la décision des parents. « Les enfants roumains s’intègrent facilement surtout dans l’enseignement primaire. Ils apprennent rapidement la langue espagnole et ils obtiennent en général des bons résultats. Mais il semble que le processus inverse soit plus compliqué. Un enfant qui a suivi quelques années d’école en Espagne se réintègre plus difficilement dans l’enseignement roumain » 225 (Traduit du roumain). Tous ces aspects dépendent de plusieurs facteurs. La décision des parents se prend en fonction de leur situation économique et de leur possibilité de migration dans la durée. Il faut noter aussi le cas d’enfants plus grands très persévérants qui veulent continuer leurs études universitaires en Roumanie. Une situation inattendue comme celle de la crise économique aggrave la difficulté de la vie familiale des ménages qui ont déjà emmené leurs enfants à Castellón. 224 Entretien avec le père d’une famille complète installée à Castellón de la Plana, figure 16 SERBAN, Monica et MIHAI, Ioana-Alexandra. « Ai cui sunt copiii? ». In : Efectele migratiei:copiii ramasi acasa. Riscuri si solutii [En ligne].Fundatia pentru o Societate Deschisa, Bucurest, 2008.p.45-64 (citation p.59). Disponible sur : < http://www.osf.ro/ro/publicatii.php?pag=5# > (consulté le 27 Juillet, 2010) 225 205 Pour les écoliers, le retour dans le pays d’origine est très difficile. Sur le plan scolaire, le décalage est grand entre les disciplines étudiées dans chaque pays. Au niveau de l’enfant, l’adaptation est presque impossible surtout pour ceux qui ne savent ni écrire ni lire en roumain. Dans tous ces modèles présentés, la construction des parcours implique des stratégies de circulation et d’adaptation aux nouveaux territoires. La notion temporelle joue un rôle essentiel dans la création de ces espaces à différentes échelles. Nous avons la situation de personnes (cas étudiés) dont le processus de regroupement familial se développe pendant un certain temps. Elle est déterminée à la fois par la situation juridique des migrants en étroite relation avec la situation de l’emploi et celle du logement. Ce qui est étonnant à distinguer est la construction des parcours en fonction des réseaux forts ou des réseaux faibles. Dans la plupart des cas analysés, les proches ont joué un grand rôle dans l’arrivée et l’installation des migrants roumains à Castellón de la Plana. Les « ponts » de contact ainsi nommés par Granovetter, ont contribué à la construction des liens faibles qui se sont développés jusqu’à la création d’une multitude de réseaux qui aident à construire à leur tour d’autres trajectoires. « (…) les familles autocentrées constituent des sous-groupes où les liens forts (…) sont nombreux et les liens faibles rares, ce sont précisément ces derniers qui fondent les possibilités d’échanges entre sous-groupes sociaux, puisqu’ils unissent dans chacun d’entre eux un individu et un seul avec un représentant, lui aussi unique, d’un autre sous-groupe. C’est par ces points de contact que se transmettent toute information et toute ressource d’un sous-groupe vers un autre, et du même coup toute possibilité de transformation en leur sein » 226 . En conclusion nous avons une grande diversité de modèles de parcours construits par les personnes d’origine roumaine installées à Castellón de la Plana. Les éléments qui différencient la création de ces nouveaux petits territoires sont les statuts civils des personnes interrogées. En fonction de chaque situation familiale particulière, le ménage roumain peut subir des variations dans le pays d’origine ou dans la société de destination. Les réseaux familiaux comme ceux amicaux représentent les composants fondamentaux pour la construction de chaque parcours. L’exemple du ménage dont les enfants sont laissés à la maison gardés par les grands-parents, constitue le thème de recherche de sociologues roumains inquiets pour l’avenir de ces enfants. 226 ROSENTAL, Paul-André. Les sentiers invisibles. Espace, familles et migrations dans la France du 19e siècle. Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Paris, 1999.251 p (citation p.186) 206 2.2.2. Échecs migratoires parmi les Roumains installés à Castellón de la Plana La configuration de ces parcours est variable en fonction de plusieurs facteurs. L’un des éléments les plus importants est la date d’arrivée. Selon l’année d’installation à Castellón, la situation est différente. Nous avons rencontré beaucoup de Roumains arrivés à la suite d’une fausse promesse de logement et d’emploi. D’autres cas plus graves sont ceux qui arrivent avec un faux numéro de téléphone. Ces risques pour les personnes arrivées à Castellón avant 2002 par ces méthodes trompeuses sont moins graves que pour les migrants après 2002. De ce point de vue l’accès au marché du travail espagnol avec un visa Schengen impose « une certaine sélection » parmi les migrants. Mais, dans le cas de difficultés, la solidarité avec les autres roumains joue un rôle primordial dans l’accueil de ces migrants roumains laissés pour compte. « Je suis arrivée à Castellón avec le numéro de téléphone de ma marraine ; j’ai parlé avec elle avant de voyager et elle m’a assurée de son aide. Quand je suis arrivée à la gare routière de Castellón le numéro de téléphone n’existait plus. Heureusement, j’avais voyagé dans le bus, avec un ami de mon mari qui venait rejoindre sa femme. Quand il a vu que mon contact ne répondait pas, il a parlé avec sa femme et la famille de celle-ci, où ils étaient logés et ils ont accepté de m’héberger aussi. J’ai eu vraiment de la chance ! Par contre, le numéro de téléphone était toujours inexistant, je pense que ma marraine en avait changé, mais elle aurait pu me le dire avant, ainsi j’aurais cherché un autre contact » 227 . Cet exemple s’est bien terminé mais dans beaucoup d’autres situations les Roumains trompés par leurs propres familles ou amis ne rencontraient pas si facilement des personnes aussi solidaires. Ceux-là doivent dormir dans la rue ou dans les maisons abandonnées dans les plantations d’orangers. Ces situations critiques représentent le prix payé par beaucoup d’entre eux qui espéraient pourtant assurer un meilleur avenir à leurs familles laissées en Roumanie. L’augmentation du nombre de Roumains à Castellón est due à l’intensification des réseaux et aux informations que chacun a reçues en Roumanie: 227 Témoignage de la femme d’une famille dont tous les membres sont installés actuellement à Castellón de la Plana 207 « un ami m’a appelé et m’a dit qu’il y avait des possibilités de travail, que je pouvais travailler selon ma profession, que je pouvais essayer de venir en Espagne mais qu’il ne pouvait pas me donner de garantie. Je suis venu de ma propre décision en pensant que je pouvais travailler, qu’il y avait du travail pour tous. Je suis venu pour essayer, je le savais, mais je ne croyais pas qu’il y avait tant de problèmes pour un immigrant sans droit légal. Avec ce type d’appels, arrivent chaque jour des citoyens roumains trompés ou qui veulent se convaincre malgré tout que ça va marcher. Les personnes avec qui nous avons fait des recherches sur ce thème représentent un bon indicateur pour constater que “l’effet d’appel” et le réseau fonctionnent. La désinformation et la méfiance sont les principales causes de l’amplification et la concentration des immigrants roumains dans cette province espagnole» 228 . (Traduction de l’espagnol) Comme nous l’avons remarqué il y a beaucoup de personnes qui sont passées par des expériences similaires. Elles ont pu, ou non, atteindre leur objectif. Après avoir rencontré des situations plutôt habituelles qui s’ajoutent à ce processus migratoire, nous trouvons des phénomènes plus graves qui accompagnent des projets de vie. En fonction de la gravité des situations nous pouvons même réaliser une typologie des personnes arrivées à Castellón à la suite d’une fausse promesse. Dans la première catégorie, avant 2002, les personnes sont venues avec un faux contact mais elles ont réussi à se débrouiller. Après 2002, les conditions de la libre circulation ont déterminé un afflux de personnes qui sont parties dans des circonstances très différentes. Une catégorie de personnes sont venues à l’aventure, à la suite d’une simple information et ont assumé plus ou moins leurs risques. Dans la plupart des cas elles ont demandé de l’aide à d’autres Roumains ou aux autorités locales. On compte beaucoup de cas de migrants roumains qui, après avoir connu des expériences de nuits passées dans la rue et de nourriture mendiée, acceptent leur échec. Ils demandent alors de l’aide aux services sociaux pour retourner dans leur pays d’origine. Mais, les procédures de retour sont très difficiles et très lentes. Elles dépendent d’une évaluation rigoureuse de la situation, par le personnel social et de la possibilité de trouver des fonds pour le voyage de retour. L’obstacle réglementaire est réel. La majorité des personnes qui demandent le retour n’ont pas les documents de séjour et de travail. 228 PLACSINTAR, Angela et BUCUR, Ramona. « El mercado laboral de grupos de inmigrantes marginalizados en Provincia de Castellón ». In: Políticas Migratorias: la interacción del Estado, el Mercado y la Ciudadanía. Actas del Seminario Internacional de Políticas Migratorias [En ligne]. Universidad da Coruña, A Coruña, p.173-183(citation p.176). Disponible sur : < http://esomi.es/inmigracion-migracion/libropoliticas-migratorias-la-interaccion-del-estado-el-mercado-y-la-ciudadania/gmx-niv23-con240.htm 208 Alors, elles risquent une interdiction d’entrée dans l’UE pendant 5 ans si elles ont dépassé les 3 mois accordés comme touristes. Dans ce contexte, à Castellón en 2005, l’Association des Immigrants des Pays de l’Est a réussi l’opération de retour en collaboration avec la police de cette ville. Selon le témoignage de la présidente de cette association : « Nous avons réussi à aider une quinzaine de personnes à retourner chez elles. La police nous a fourni des documents pour le retour de ces personnes dans leur pays : sans les soumettre à l’interdiction d’entrée dans l’UE et leur donner la possibilité de revenir en Espagne mais cette fois, avec un contrat de travail. Nous avons traduit ce document dans la langue de chaque pays dont la frontière était franchie par les migrants. Les gens sont retournés en Roumanie sans problèmes. Je dois ajouter l’aide assurée par des compagnies de transport pour les billets car nous n’avions pas assez d’argent pour tout le monde. J’ai eu une très bonne surprise quand l’une de ces personnes retournée avec le document de la police est revenue après à Castellón avec un contrat de travail. J’ai eu ainsi la certitude que ce programme avait fonctionné » 229 . Une autre catégorie qui, dans la plupart des cas, dérive d’un projet de migration qui a échoué, est celle des personnes amenées et abandonnées dans les gares routières ou même dans les parkings des autoroutes. En fonction de leur capacité à se débrouiller elles arrivent à trouver un logement ou des contacts pour se rétablir et poursuivre leur projet initial. Dans d’autres cas, les chances d’atteindre le but initial sont très limitées. C’est l’exemple d’un homme de 38 ans qui est arrivé à Valencia, en 2009. Amené en voiture par une personne de sa ville, cette dernière l’a laissé seul à la gare routière. « Je suis venu pour travailler et gagner de l’argent espérant construire une maison pour ma famille. Je suis marié et j’ai deux enfants. Nous déménageons toujours entre les maisons de mes parents et de mes beaux-parents. Je suis arrivé à Valencia sans avoir de contact, c’est vrai, mais je ne m’imaginais pas que c’était si difficile. J’ai dormi dans la rue pendant un mois. Heureusement, j’ai fait la connaissance d’un roumain. Il était dans la même situation que moi mais il connaissait un peu la ville. Il parlait un peu l’espagnol et ainsi nous avons réussi à manger dans la cantine d’une association charitable. J’ai essayé de trouver un emploi mais sans résultats. Un jour, je me suis aperçu que j’avais des problèmes de digestion et cet ami m’a emmené à l’hôpital. 229 Témoignage de Mme Angela Placsintar, la Présidente de AIPE, Castellón de la Plana, 2009 209 Je suis hospitalisé depuis deux mois et comme ils m’ont détecté une tumeur, je dois encore suivre un traitement sévère et rester ici quatre ou cinq mois » 230 . Nous observons ici une situation très compliquée pour ce père de famille venu pour assurer un meilleur avenir à ses enfants et qui se retrouve avec une difficulté de santé, obstacle majeur pour continuer son projet. Quel avenir pour sa santé ? Quel avenir pour sa famille ? Retourner en Roumanie dans ces conditions est impossible pour deux raisons : le manque d’argent et l’absence d’un soin médical spécialisé équivalent en Roumanie. Jusque-là nous avons observé des cas de personnes connaissant le risque d’avoir une fausse information ou d’être abandonnées dans la gare routière. Mais que se passe-t-il avec les personnes qui n’ont aucune idée du risque auquel elles s’exposent ? Dans ces situations nous trouvons des femmes et des hommes venus avec une promesse d’emploi et qui seront exploités ensuite. Dans le cas des femmes, certaines connaissent bien la situation mais dans la plupart des cas elles arrivent par des réseaux spécialisés dans ce type de trafic « Las mujeres implicadas en este sector de actividad son atrapadas por las redes mafiosos o han venido por propia voluntad » 231 . (« Les femmes qui travaillent dans ce secteur d’activité sont trompées par les réseaux mafieux ou alors, elles sont venues volontairement »). Le pire vient de ce que les personnes qui leur promettent des emplois à Castellón surtout dans le secteur de l’hôtellerie, sont des personnes connues ou très proches (des copains ou même des fiancés) issues de la même ville ou village en qui elles ont confiance. Les conditions dans lesquelles elles vivent sont très dangereuses car elles sont soumises à tous les types d’agression d’autant plus qu’elles ont peur de dénoncer, car leurs familles sont menacées aussi. Leurs documents d’identité sont retenus par les réseaux qui les ont amenées ou les documents qu’ils leur ont donnés sont faux: 230 Témoignage d’un migrant dont le projet migratoire s’est transformé en mission de survie PLACSINTAR, Angela et BUCUR, Ramona. « El mercado laboral de grupos de inmigrantes marginalizados en Provincia de Castellón ». In: Políticas Migratorias: la interacción del Estado, el Mercado y la Ciudadanía. Actas del Seminario Internacional de Políticas Migratorias [En ligne]. Universidad da Coruña, A Coruña, (citation p.181). Disponible sur : < http://esomi.es/inmigracion-migracion/libro-politicasmigratorias-la-interaccion-del-estado-el-mercado-y-la-ciudadania/gmx-niv23-con240.htm > (consulté le 12 Mai, 2010) 231 210 « Por miedo o otros motivos no hay denuncias de su parte, son indocumentadas (a mayoría se le detienen el pasaporte de parte del proxeneta) o usan documentación falsa, en esta situación resulta muy difícil controlar la actividad y descubrir la redes mafiosos que son implicados» 232 . (« Elles ont peur de réclamer aux autorités, la majorité n’a pas des documents d’identité, (le passeport est retenu par le proxénète), ou alors, elles utilisent des faux documents. Dans cette dernière situation s’est très difficile de contrôler leur activité et de découvrir les réseaux mafieux qui existent derrière »). Selon une étude sur ce thème réalisé à Castellón de la Plana, un total de 50 clubs a été détecté au niveau provincial dont seulement 30% dans la capitale. Les clubs sont des locaux où ces jeunes femmes habitent et travaillent mais doivent payer pour leur logement. Dans la majorité des cas, elles doivent donner tout l’argent gagné à la personne qui les a amenées. Il y a aussi des cas où les femmes travaillent dans la rue. Elles prennent plus de risques même si elles ne doivent pas payer le logement mais finalement l’argent va quand même dans la poche du chef de réseau: « En la calle, los coches paran y requieren los servicios de las mujeres haciéndolas más vulnerables a sufrir cualquier tipo de agresión. Cabe señalar también que si bien las trabajadoras del sexo de calle, no tienen que pagar dinero por el alojamiento, en la mayoría de ocasiones éste se destina a la mafia o chulo que las lleva y trae al trabajo, por lo que el dinero tampoco es íntegro para ellas » 233 . (« Dans la rue, les voitures s’arrêtent et le chauffeur s’adresse à ces femmes. Elles sont vulnérables et susceptibles de subir n’importe quel type d’agression. Il faut souligner le fait que même si ces prostituées ne doivent pas payer de loyer, dans la majorité des cas l’argent revient au proxénète»). 232 PLACSINTAR, Angela et BUCUR, Ramona. « El mercado laboral de grupos de inmigrantes marginalizados en Provincia de Castellón ». In: Políticas Migratorias: la interacción del Estado, el Mercado y la Ciudadanía. Actas del Seminario Internacional de Políticas Migratorias [En ligne]. Universidad da Coruña, A Coruña, (citation p.181). Disponible sur : < http://esomi.es/inmigracion-migracion/libro-politicasmigratorias-la-interaccion-del-estado-el-mercado-y-la-ciudadania/gmx-niv23-con240.htm > (consulté le 12 Mai, 2010) 233 ORTI PORCAR, Maria José. « Estudio sobre la realidad de las mujeres invisibilizadas: trabajadoras del sexo en Castellón ». Mujeres: Las diferentes realidades. 2004, n°15, p.187-212 211 Dans les cas les plus chanceux, ces femmes s’échappent, grâce à l’aide d’une personne qui se rend compte de leur situation. Elles arrivent alors aux services sociaux et sont aidées pour retourner en Roumanie avec des programmes spéciaux. Il est difficile de connaître les conséquences lors de retour. Ces femmes sont intégrées temporairement dans des programmes spéciaux de protection des victimes, mais il y a des grands risques pour la famille restée au pays d’origine. Celle-ci est parfois menacée par les réseaux mafieux d’autant plus facilement que les intermediaires « de confiance » les connaissent. En observant ces cas de personnes escroquées et exploitées nous remarquons que les victimes ne sont pas seulement des femmes. Les réseaux agissent de la même façon mais la promesse de travail concerne l’agriculture. Il y a beaucoup de cas d’hommes amenés par des co-villageois et exploités sur les plantations d’orangers ou d’autres cultures agricoles. En voici un exemple: « J’ai travaillé deux mois sans que l’employeur ne me paye. A mon arrivée, il a retenu mon passeport et m’a menacé…nous étions sept personnes. Il nous a enfermés dans une maison sur la plantation d’orangers. Une nuit, nous nous sommes évadés et chacun a couru où il a pu. Je suis arrivé dans un village. Là j’ai demandé de l’argent à un Roumain et je suis monté dans le premier train. Je suis arrivé à Valencia où j’ai demandé de l’aide aux services sociaux » 234 . Citons un cas similaire concernant 11 personnes dont 8 hommes et 3 femmes, traitées de la même manière. Ils ont réussi aussi à s’échapper et 5 d’entre eux sont arrivés aux services sociaux. Ce qui est étonnant c’est le fait que ces événements se passent en 2007 alors que les gens ont déjà des informations sur le parcours migratoire. Mais la situation économique est très précaire en Roumanie. Les restrictions sur le marché du travail espagnol suscitent la création de cette « niche de travail » dans l’agriculture « sans papiers ». Ces raisons jointes à la désinformation totale et au faible degré d’éducation de ces personnes vivant dans des villages roumains, complètent un contexte favorable aux exploiteurs. 234 Témoignages de personnes exploitées pour lesquelles nous avons fait des interventions pour leur retour en Roumanie, dans le cadre de notre mission de médiatrice interculturelle auprès des autorités espagnoles et roumaines 212 L’implication des associations et des autorités espagnoles concernant l’assistance, les billets de retour et les « titres de voyage » 235 fournies par le consulat roumain a sauvé beaucoup de personnes qui ont déchanté de leur rêve migratoire. Dans le même contexte, nous avons rencontré des personnes emmenées, exploitées alors qu’elles étaient malades mentalement. Ces situations sont encore plus graves parce qu’elles souffrent d’une double exploitation. Comme la personne malade ne se rend pas compte de la situation réelle, elle est exploitée et escroquée encore plus facilement. Citons le cas de cet homme de 32 ans, handicapé mental qui arrive dans la Communauté Valencienne en 2007. Il a été amené par une personne de son village qui lui a promis du travail. « Il m’a dit qu’il y avait du travail pour la cueillette des fruits. Il m’a amené et j’ai travaillé avec lui mais il ne m’a jamais donné d’argent. Un jour, il m’a dit qu’avec les cinq cents euros que j’avais gagnés, il avait fait des papiers. En plus il avait pris mon document d’identité et il voulait que je lui donne encore de l’argent quand les papiers seraient prêts. Maintenant je lui ai échappé et j’ai très peur de le revoir. Je veux retourner en Roumanie. Je dors dans la rue et je n’ai pas de quoi manger ». Cette situation a été résolue grâce aux interventions de médiation auprès du Consulat Roumain de Castellón qui a transmis le cas aux autorités roumaines spécialisées dans la lutte contre les réseaux de trafic des personnes. La personne a été aidée aussi pour son retour dans le pays d’origine. Autre cas plus grave celui d’une jeune femme de 22 ans venue pour travailler dans un bar à Madrid. Après plusieurs mois sans contact avec sa famille et après avoir subi des sévices de la part de plusieurs individus, elle arrive à Valencia. A la suite d’autres événements du même type elle est emmenée par la police à l’hôpital. Le diagnostic avéré : schizophrénie. A l’aide d’interventions médiatrices avec les autorités espagnoles et la Croix Rouge de Roumanie nous avons réussi à localiser sa famille. Cette jeune fille était portée disparue. Après quelques mois de traitement, elle a pu retourner dans son pays d’origine. Tous ces exemples sont des situations réelles que nous avons rencontrées au cours de notre mission de médiation avec les personnes d’origine étrangère. Comme nous avons pu l’observer il y a une large palette de conditions subies par les migrants roumains à la recherche d’une meilleure vie. 235 Titre de voyage ou « titlu de călătorie » est un document libéré par les services consulaires roumains aux personnes qui n’ont pas un document d’identité valable et elles souhaitent retourner en Roumanie. Ce document muni d’une photographie de la personne est valable 30 jours et il sert pour voyager à Roumanie 213 Les « évènements constatés » se passent à tous les moments de la migration et s’intensifient actuellement. Le droit à la libre circulation des personnes permet de franchir les territoires européens sans difficultés. Mais les types de situations de migrants exploités par des profiteurs sans scrupules, passent parfois inaperçus. L’exploitation des malades mentaux est le degré extrême de détresse morale et physique, que nous ayons rencontré dans notre étude sur les mobilités roumaines à Castellón. 2.2.3. Les profils des populations roumaines installées à Castellón de la Plana Les modèles de parcours analysés antérieurement nous conduisent à nous intéresser à d’autres aspects concernant les migrants roumains installés à Castellón de la Plana. Notre regard se projette vers le profil de ces personnes en dehors des situations familiales déjà étudiées. Parmi quelques exemples, l’âge des personnes interrogées est un élément très important pour expliquer cette migration. Les migrants en âge de travailler sont nécessaires sur le marché de l’emploi espagnol, en opposition avec les étrangers de nationalités ouest-européennes qui viennent y passer leurs années de retraite. 214 Figure 17. L’importance de l’âge pour une meilleure insertion sur le marché de travail de Castellón de la Plana Les parcours de vie identifiés à travers les entretiens et les enquêtes à Castellón de la Plana sont suivis majoritairement par des personnes jeunes. Nous avons distingué deux catégories pour analyser les différences qui peuvent apparaître dans leur insertion d’emploi dans la société espagnole où l’on constate plus de personnes de moins de 35 ans. Selon les enquêtes réalisées sur les envois d’argent en Roumanie, le facteur de l’âge avec les possibilités de travail intervient directement dans les quantités envoyées. La plupart des personnes qui envoient de l’argent sont des personnes jeunes de moins de 35 ans comme on peut observer dans les figures suivantes. 215 L'âge des Roumains installés à Castellón de la Plana selon les enquêtes 2007-2008 40 35 30 25 20 15 10 5 0 Nombre personnes < 20 20-30 30-40 40-50 50-60 Age L'âge des Roumains installés à Castellón de la Plana qui envoient de l'argent, selon les enquêtes 2007-2008 35 30 25 Nombre personnes 20 15 10 5 0 <20 20-30 30-40 40-50 50-60 Age Graphique 11 et 12. Corrélation entre l’âge des personnes interrogées et celles qui envoient de l’argent Nous pouvons établir une corrélation entre l’âge des personnes immigrées et l’âge de celles qui ont déclaré envoyer de l’argent. La majorité des personnes qui envoient des fonds sont des personnes jeunes. Nous pouvons penser que leur famille est restée dans le pays d’origine. Pour avoir une image plus ample de cet aspect de l’âge nous pouvons étendre les recherches à l’échelle de toute la province de Castellón. Nous prenons pour l’étude, des années emblématiques: 1996 le début de cette migration, 2003 qui comprend le panorama de la migration roumaine de l’année 2002. Ensuite nous avons choisi l’année 2006 qui reflète les conséquences du dernier processus de régularisation de 2005, l’année 2008 qui donne l’image de l’entrée de la Roumanie dans l’UE en 2007 et finalement, l’avance des données de 2010 qui reprend l’année 2009. 216 Distribution de la population d'origine roumaine selon l'âge Province de Castellón 18000 16000 14000 12000 10000 8000 6000 4000 2000 0 1996 2003 2006 2008 2010 0-9 10--19 20-29 30-39 40-49 50-59 60-69 70-75 Graphique 13. Distribution selon l’âge de la population roumaine dans la Province de Castellón. Source : Instituto Nacional de Estadística, données recueillies le 1 janvier de chaque année. R. Bucur, 2010 Comme nous pouvons l’observer il y a une augmentation du nombre de personnes d’origine roumaine âgées de 20 à 29 ans jusqu’à 2008 et une petite diminution en 2010 alors que nous observons une petite croissance en 2010 pour ceux qui entrent dans la catégorie suivante 30-39 ans. On peut formuler l’hypothèse pour la variable positive de 2010 : qu’un nombre important de jeunes qui avaient 28 ou 29 ans en 2008 ont changé de catégorie et sont donc passés à la suivante en 2010. En tout cas la courbe de cette variable a toujours été plus haute que dans celle des catégories d’âge suivantes. Une autre explication de la différence qui existe entre 2008 et 2010 sur les deux catégories d’âge plus actives, (20-29 ans et 30-39 ans), corresponde à la crise économique dans cette région qui n’encourage pas les jeunes de moins de 30 ans (parfois bien qualifiés) pour arriver à Castellón en 2010. Pour l’autre catégorie, nous pouvons penser à un regroupement familial ou à la fin d’une permetant aux migrants de travailler « librement » sur le marchéespagnol. Pour conclure, les âges compris entre 20 et 39 ans comprennent la majorité de la population roumaine installée dans cette province espagnole. Mais quelle est la situation à l’échelle de tout le pays ? Trouvons-nous les mêmes proportions en fonction de l’âge de tous les migrants roumains ? 217 Selon la même source officielle avec des commentaires réalisés dans une étude sur la migration roumaine en Espagne nous découvrons des conclusions semblables: « Parmi les roumains immigrés en Espagne, il y a une forte concentration dans les âges plus productifs. (…) si nous prenons l’an 2008, la moitié de cette population (47,8%) se situe entre 25 et 39 ans » 236 (traduit de l’espagnol). Autre question intéressante Quelle est la différence entre le nombre des femmes et celui des hommes inclus dans ces catégories d’âge ? Distribution selon l'âge des hommes d'origine roumaine Province de Castellón 10000 8000 1996 6000 2003 2006 4000 2008 2000 0 2010 0-9 10--19 20-29 30-39 40-49 50-59 60-69 70-75 Distribution selon l'âge des femmes d'origine roumaine Province de Castellón 10000 8000 1996 6000 2003 4000 2006 2008 2000 2010 0 0-9 10--19 20-29 30-39 40-49 50-59 60-69 70-75 Graphique 14 et 15. Parallèle en fonction de genre des roumains installés à Castellón selon les catégories d’âge. Source : Instituto Nacional de Estadística, données recueillies le 1 janvier de chaque année. R. Bucur, 2010 En comparant les deux figures nous pouvons observer des nombres croissants autant des hommes que des femmes d’origine roumaine suivant les mêmes catégories d’âge. Nous observons aussi des chiffres importants pour la catégorie des femmes et des hommes jeunes en pleine force pour répondre aux nécessités du marché de travail. 236 TAMAMES, Ramón. Estudio sobre la migración rumana en España [En ligne]. Universidad Rey Juan Carlos. Madrid: Universidad Rey Juan Carlos, 2008.126 p (citation p.28). Disponible sur : < http://www.slideshare.net/guest6d630c/estudio-inmigracion-rumana > (consulté le 13 Mai, 2010) 218 Il y a des petites variations avec un peu plus de population masculine liée aux opportunités d’emploi dans le secteur de la construction, spécifique pour cette province, même si les effets de la crise économique deviennent très présents. La tendance à l’équilibre est très visible ce qui conforte dans le même temps l’hypothèse de la présence des couples roumains dans la majorité des cas. La présence des enfants n’est pas négligeable, presque dans la même mesure filles et garçons ce qui renforce la caractéristique familiale de cette migration. Nous observons une croissance relative du nombre de femmes entre 2008 et 2010 (30-39 ans). C’est une confirmation de l’hypothèse de regroupement familial dans un contexte où la crise économique touche gravement le secteur de la construction. Les femmes deviennent alors le pilier de la famille. En relation avec le nombre d’enfants nous pouvons remarquer aussi une croissance du nombre de femmes roumaines de plus de 50 ans. Ce fait s’explique par la présence des grands-mères qui arrivent à Castellón pour garder les petits-enfants pendant que les parents travaillent. Cette croissance des femmes âgées est plus remarquable dans les dernières années de notre analyse (2008 et 2010), sans doute grâce à la facilité de s’enregistrer comme citoyennes communautaires pour un séjour prolongé. D’autre part, la crise économique rend plus vulnérable au travail les mères avec des enfants en bas âge. C’est ce qui explique parfois l’arrivée de la grand-mère appelée pour garder les enfants. Dans ces conditions les deux parents peuvent garder leur emploi. La même situation est confirmée par une autre étude réalisée en Roumanie sur les situations des enfants impliqués dans le processus migratoire de leurs parents. « Il y a un nouveau type de migration des personnes de plus de 50 ans qui ne viennent pas en Espagne nécessairement pour travailler mais pour prendre soin de leurs petits-enfants. (…) Les grands-parents (surtout les grands-mères) restent seulement quelques mois, après elles repartent en Roumanie et ensuite elles reviennent en Espagne » 237 (traduit du roumain). 237 SERBAN, Monica et MIHAI, Ioana-Alexandra. « Ai cui sunt copiii? ». In : Efectele migratiei:copiii ramasi acasa. Riscuri si solutii [En ligne]. Romania : Fundatia pentru o Societate Deschisa, Bucurest, 2008. p.45-64 (citation p.58). Disponible sur : < http://www.osf.ro/ro/publicatii.php?pag=5# > (consulté le 27 Juillet, 2010) 219 Le grand taux de chômage en Roumanie, les différents types de retraites mis en place et le faible taux d’employabilité dans le milieu rural roumain, sont des facteurs qui favorisent cette migration des grands-mères pour s’occuper des enfants de leurs enfants. Quel capital éducationnel et professionnel apportent les roumains à Castellón ? 2.2.3.1. Le profil professionnel des Roumains installés à Castellón de la Plana Tout d’abord, il faut rappeler que la migration roumaine en Espagne n’est pas une migration des élites. Les Roumains installés en Espagne et particulièrement dans la province de Castellón ont généralement un niveau d’études moyen. Même si quelques personnes ont des diplômes universitaires, surtout pour la catégorie des jeunes de 20 à 29 ans qui n’ont pas trouvé d’emploi en Roumanie, la majorité des migrants ont le niveau du lycée ou d’une formation professionnelle. En accord avec l’auteur d’une étude sur la migration roumaine en Espagne qui note la bonne préparation professionnelle et académique des migrants roumains. « Ce niveau de formation moyenne des travailleurs roumains est demandé par les entreprises espagnoles, étant donné qu’en Roumanie la FP est bien valorisée et d’une certaine qualité » 238 (traduit de l’espagnol) ; on peut dire que les aptitudes professionnelles des Roumains sont appréciées. Donc, d’une certaine manière, ce type de migration correspond bien à la demande du pays d’accueil. Au début, le profil des travailleurs exigé par l’Espagne correspondait à une main d’œuvre expérimentée avec ou sans qualification spécialisée. Au fur et à mesure du développement des normes européennes favorables à la migration des personnes spécialisées, on observe un changement de profil des migrants en Espagne surtout à partir de 2002. C'est-à-dire, qu’à l’échelle de la migration contrôlée à travers des contingents, la demande et en même temps l’arrivée de Roumains spécialisés dans différents métiers surtout du secteur industriel : soudeurs, mécaniciens, électriciens 239 etc. concordent. 238 TAMAMES, Ramón. Estudio sobre la migración rumana en España [En ligne]. Universidad Rey Juan Carlos. Madrid: Universidad Rey Juan Carlos, 2008.126 p (citation p.54). Disponible sur : < http://www.slideshare.net/guest6d630c/estudio-inmigracion-rumana > (consulté le 13 Mai, 2010) 239 Idem, ibidem (citation p.54) 220 En 2004, un catalogue 240 des métiers difficiles à trouver en Espagne a été établi. Les offres sont classées par provinces et les entrepreneurs ont la possibilité de gérer le permis de séjour et de travail pour des travailleurs étrangers présentant un certain profil professionnel manquant dans leur province. Cependant, comme la plupart des travailleurs roumains sont arrivés par d’autres stratégies migratoires et comme souvent ils se trouvent dans une situation administrative irrégulière, il leur est très difficile d’accéder à un emploi correspondant à leur niveau professionnel. Ainsi, la majorité des personnes travaillent (au moins jusqu’en 2005 ou 2007) sans contrat de travail dans un emploi différent et au-dessous de leur expérience et qualification. En réduisant l’échelle territoriale de notre étude vers les situations concrètes des expériences vécues, analysées à Castellón de la Plana nous constatons des conditions de formation et de travail identiques. À la suite d’entretiens prolongés au sujet de la trajectoire migratoire et du travail dans le pays d’origine puis dans la société d’accueil nous obtenons des résultats majoritairement similaires pour les situations familiales analysées à une échelle nationale. C'est-à-dire que, indifféremment de l’âge, du genre ou de la complexité du ménage les personnes roumaines installées à Castellón de la Plana ont une formation de niveau moyen. Dans les familles interrogées nous n’avons trouvé qu’une seule personne qui avait fini ses études universitaires en Roumanie et deux autres qui les ont abandonnées pour émigrer en Espagne. Il y a autant de couples jeunes avec un ou pas d’enfant que de ménages d’âge mûr qui ont indiqué qu’ils avaient le diplôme du lycée ou d’une formation professionnelle. Ce que nous pouvons constater c’est la grande expérience de travail chez les personnes de plus de 40 ans. Ces travailleurs roumains ont acquis cette expérience dans les fabriques de ciment, métallurgiques, sidérurgiques, de textiles ou encore comme mécaniciens et électriciens. Les licenciements dans ces usines ou leur privatisation et les restructurations successives ont provoqué la migration du personnel. « En Roumanie j’ai travaillé comme mécanicien et chauffeur pendant dix ans. Après j’ai travaillé comme professeur de danse populaire pendant deux ans. Ensuite j’ai ouvert une petite affaire familiale qui a duré trois ans ; c’était un magasin de meubles. Mais à cause des impôts très lourds et la corruption qui voulait faire disparaître les petits entrepreneurs, j’ai dû fermer le négoce. 240 « Catalogo de ocupaciones de difícil cobertura ». In : MINISTERIO DE TRABAJO E INMIGRACION [En ligne], Disponible sur : < https://www.redtrabaja.es/es/redtrabaja/static/Redirect.do?page=af0401 > (consulté le 2 Août, 2010) 221 J’ai pensé, comme unique recours à émigrer en Espagne. Ici, j’ai fait de tout : un peu dans le secteur de la construction, comme mécanicien, comme peintre. Ma femme a travaillé plus de quinze ans dans l’usine de métallurgie de notre ville comme travailleuse qualifiée. Ici elle a trouvé un emploi de femme de ménage » 241 . Voici un exemple parmi les jeunes interrogés, arrivés à cause de l’impossibilité à trouver un emploi dans le pays d’origine après le lycée ou la formation professionnelle. « J’ai fini le lycée, j’ai mon bac mais je n’ai pas trouvé d’emploi. Comme ma mère était ici je suis venue chez elle en espérant trouver un travail. J’ai trouvé un emploi et aussi mon futur mari. Actuellement je travaille dans un magasin alimentaire, après avoir suivi des cours de spécialité bien sûr » 242 (traduit du roumain). Par contre, les adolescents qui arrivent à Castellón de la Plana et qui, contrairement à leurs parents, peuvent se former sur place, trouvent plus facilement un emploi en conformité avec leurs études. « En Roumanie j’ai travaillé dans une usine thermique mais ici j’ai fait de tout : dans l’agriculture, comme berger, dans les constructions, dans une fabrique de céramique. J’ai dû suivre des cours pour travailler ensuite comme gardien dans un parking d’hôtel. Ma femme, était comptable en Roumanie et ici elle travaille, depuis que nous sommes arrivés, comme femme de ménage. Notre fille a fini son lycée ici, elle a fait une licence en économie et elle travaille dans un magasin comme commerciale » 243 . Actuellement, il y a une offre pour les travailleurs roumains dans les services à la clientèle (les banques, les commerces) ou dans les institutions espagnoles (les services sociaux, la police, la justice). Il y a des possibilités de formation spécifique à travers des cours de spécialisation. De cette manière, apparaissent d’autres « niches d’emploi » surtout pour les jeunes roumains. En même temps, nous observons une amélioration dans la qualité des postes de travail qui contrastent un peu avec les profils de ménagères et de maçons. Un dernier aspect que souligne le sociologue roumain D. Sandu, il y a une fluctuation de la notion du prestige en fonction de l’âge, du genre et du niveau de qualification en étroite relation avec la notion temporelle et législative de la migration. 241 Témoignage d’un père de famille (40ans) qui fait partie de la catégorie du parcours de vie avec les deux conjoints et les enfants installés à Castellón de la Plana 242 Témoignage d’une jeune femme qui fait partie de la catégorie du parcours de vie : personne célibataire qui vit en couple sans enfant installée à Castellón de la Plana 243 Témoignage d’un père de famille qui fait partie de la catégorie du parcours de vie avec les deux conjoints et les enfants installés à Castellón de la Plana 222 Ainsi, les personnes plus âgées qui sont arrivées en Espagne avec une grande expérience de travail dans le pays d’origine souffrent d’une perte de prestige à l’heure de trouver le premier emploi. Dans le cas des jeunes et surtout ceux avec un bagage universitaire, ils travaillent parfois dans des emplois plus prestigieux que ceux qui n’ont pas fait d’études, « mais les différences ne sont pas significatives du point de vue statistique » 244 (traduit du roumain). La perte de qualification est ressentie différemment par les femmes roumaines et les hommes roumains. Ces derniers trouvent des emplois plus appropriés à leur qualification que les femmes qui souffrent d’une diminution de prestige du fait de leur emploi en Espagne. Pour conclure mais en laissant des possibilités complémentaires d’analyse dans les chapitres suivants, nous constatons que la trajectoire migratoire de chaque personne interrogée est unique et qu’elle dépend de multiples facteurs. La chronologie fonctionne en étroite relation avec les normes législatives de la migration. L’obtention des documents de résidence et de travail espagnols dépend de l’évolution dans l’amélioration de l’emploi. Ici nous ajoutons aussi la formation professionnelle ou le degré d’expérience qui accompagne le travailleur roumain. Le territoire est un autre élément qui influence le choix du type de travail. Chaque région correspond à une prédominance de secteurs d’emploi. Nous avons ici, l’exemple de la province de Castellón dont le fort développement du secteur du bâtiment et des services a favorisé l’installation des roumains sur ce territoire. 244 SANDU, Dumitru (Coord.). Comunitati romanesti in Spania [En ligne]. Fundatia Soros. Romania, 2009.142p (citation p.106). Disponible sur : < http://www.osf.ro/ro/publicatii.php?pag=3# > 223 Conclusion Pour conclure ce chapitre nous trouvons une bonne correspondance entre la notion d’« espace parcouru » au sens originel et à celui adapté à notre étude. Il y a une grande diversité des modèles d’espace de vie construits par les personnes d’origine roumaine installées à Castellón de la Plana. Les éléments qui différencient la création de ces nouveaux petits territoires sont les statuts civils des personnes interrogées. Selon la notion temporelle chaque situation familiale est particulière. Ainsi, le ménage roumain peut souffrir des variations dans le pays d’origine ou dans la société de destination. A l’échelle individuelle, les réseaux familiaux et amicaux représentent les composants fondamentaux pour la construction de chaque espace parcouru. Ces configurations territoriales ont des contacts aussi avec la société locale et les initiatives entrepreneuriales ou associatives roumaines. Quand des éléments comme le mensonge, l’exploitation, le trafic des personnes apparaissent dans le contexte de cette migration, nous trouvons des cas particuliers dont le projet de vie a échoué. Des personnes arrivées à la suite d’une fausse promesse d’embauche sont tombées, qu’il s’agisse d’une femme ou d’un homme, dans des situations impossibles à imaginer. Dans ces cas, le rôle des autorités espagnoles et roumaines a été essentiel pour les aider à retourner au pays d’origine. Concernant le profil des migrants roumains, nous identifions une prédominance de personnes jeunes, en âge de travailler. En fonction du territoire d’installation il y a plus ou moins d’offres d’emplois. Dans le cadre de notre étude, la province de Castellón, se développent très fortement les secteurs du bâtiment et des services qui ont favorisé l’installation de population masculine et féminine d’origine roumaine sur ce territoire. La situation législative de chaque personne influence les possibilités d’avoir un emploi et d’améliorer ensuite ce travail. Ici intervient la notion de prestige entre la situation d’emploi avant d’émigrer et la situation actuelle. L’expérience de travail ou les études sont des éléments insignifiants dans la première phase migratoire. Par la suite, le développement du processus migratoire et l’évolution du statut législatif et communautaire peuvent constituer des pistes pour une amélioration de la qualité des emplois pour les Roumains installés à Castellón en dépit de la situation de crise économique actuelle. 224 Le « savoir-migrer » Ce chapitre propose d’étudier différents aspects de l’insertion sur le marché de l’emploi espagnol en fonction de l’évolution des situations juridiques des migrants roumains installés à Castellón de la Plana. Dans un premier temps nous présenterons les processus de régularisations de la situation légale nécessaire pour trouver un emploi. Mais, nous ne ferons pas une approche purement juridique. Ce qui nous intéresse surtout, ce sont les stratégies utilisées par les migrants roumains pour bénéficier des opportunités offertes par ces processus de régularisation. Donc, la question à laquelle nous voulons répondre est : quelles stratégies adoptent les roumains de Castellón pour accomplir leur projet de vie en fonction de l’évolution de la législation en matière de migration? A cause des contraintes des mesures juridiques et européennes qui ont rendu parfois impossible d’avoir un travail digne ou adéquat à leur expérience, les Roumains ont cherché d’autres voies pour travailler. Alors, ils ont opté pour le travail indépendant. Quels types d’entreprises les Roumains de Castellón ont-ils créés ? Comment fonctionnent ces entreprises ? Quel rôle y jouent les femmes roumaines ? Comment montrent-elles leur esprit entrepreneurial à Castellón de la Plana ? La crise économique dans tout le territoire espagnol et particulièrement à Castellón a entraîné une augmentation des chômeurs dans tout le pays. Mais la nature immobilière de la crise et la prédominance de ce secteur à Castellón accroissent considérablement le nombre de chômeurs dans la population roumaine. Logiquement nous voulons savoir comment réagit la population roumaine de Castellón devant cette crise ? Quelles stratégies adopte-t-elle ? A quelles échelles : individuelles ? Collectives ? Quelles perspectives envisage-t-elle ? Quelle est la réaction des entrepreneurs roumains et celle des autochtones ? Quelle est la position des autorités roumaines devant la situation de leurs citoyens ? 225 2.3.1. Stratégies d’insertion sur le marché du travail des familles roumaines L’insertion sur le marché de l’emploi est la principale raison de la présence roumaine à Castellón de la Plana. Cette insertion évolue en étroite relation avec la situation juridique des personnes d’origine roumaine installées dans cette ville. Il est très intéressant de noter que la plupart des migrants roumains sont venus au moyen de différentes stratégies adaptées à chaque conjoncture de régularisation espagnole ou européenne. Nous pouvons dire que les situations des migrants roumains sont comme des « passerelles » qui relient les normes légales et les stratégies adoptées pour réaliser leur projet de vie. Ils cherchent toujours l’alternative entre la loi et la réalité pour améliorer leur trajectoire migratoire. En même temps la circulation d’informations fausses (surtout à la veille d’un processus de régularisation quand, dans le pays d’origine, les gens ne sont pas correctement avertis des conditions réelles à remplir pour accéder aux documents de séjour et de travail) a amplifié « l’effet d’appel » qui a fonctionné avec le renforcement des réseaux à base familiale ou amicale. 2.3.1.1. Les processus de régularisation: le moyen pour vivre et travailler légalement Dans la première phase du projet migratoire, pour chacun des travailleurs roumains installés à Castellón, il y a eu une période plus ou moins longue de travail dans le marché parallèle. Ils trouvaient un emploi à l’aide des recommandations de proches, amis ou covillageois. Dans la plupart des cas, les liens dits « faibles » jouaient un rôle plus important que les relations fortes pour trouver un emploi. Ceci s’explique par la richesse de l’information qui pouvait circuler dans les cercles de relations ouvertes alors que dans le cas des relations seulement familiales, l’information était connue dans la même mesure par tous ses membres : 226 « Pour celui qui cherche un emploi, les liens faibles doivent donc être plus efficaces que les liens forts, puisqu’ils lui permettent de sortir du milieu étroit dans lequel il se trouve et d’accéder à des informations, vraisemblablement moins redondantes, dont disposent d’autres milieux » 245 . Mais, au bout d’une certaine période, les travailleurs roumains informés qui remplissaient les conditions, essayaient de régulariser leur situation juridicoadministrative. Pendant les processus de réglementation juridique de l’année 2000 et 2001 très peu de gens avaient l’information ou remplissaient les conditions, mais cet aspect n’a pas empêché l’arrivée de Roumains, bien au contraire. À partir du 1er janvier 2002 avec la suppression du visa, la communauté roumaine connut une forte croissance : de nombreux Roumains venus comme touristes, restaient plus de 90 jours et leur statut changeait, devenant alors irrégulier. Ils travaillaient dans la clandestinité sans que leur niveau de formation ou d’instruction soit pris en compte. C’était la voie utilisée par toutes les personnes qui arrivaient sans contrat de travail. À Castellón de la Plana, il était exceptionnel qu’un entrepreneur obtienne ce droit au Ministère du travail et qu’alors le travailleur roumain aille en Roumanie et revienne avec un visa de travail pour obtenir enfin le permis de travail. C’était la méthode du contingent qui fixait les quotas des travailleurs étrangers. Des Conventions et des Accords bilatéraux ont été signés seulement à partir de 2000 quand la loi des contingents a été approuvée. Puis, cette loi a été complétée en 2002 par la décision D.G 823/ 31.07.2002 246 de l’Office National du Recrutement de Main d’œuvre, principal instrument d’application de ces accords. Les contrats établis prévoyaient le montant du salaire, le temps de travail et de repos, les conditions d’emploi, la protection sociale et l’assurance en cas d’accident du travail ou de maladies professionnelles. Mais, la possibilité d’arriver avec un contrat de Roumanie donné par le Ministère du Travail était minimum car la concurrence dans le pays d’origine était inimaginable. Une autre possibilité d’acquérir le permis de travail était de s’adresser aux avocats moyennant beaucoup d’argent. L’avantage était d’obtenir tous les documents sans voyage supplémentaire de la personne en Roumanie (ce qui supposait un grand risque surtout si elle avait dépassé le temps accordé par le visa Schengen ou les 90 jours dans la période d’après janvier 2002). 245 FORSÉ, Michel. « Définir et analyser les réseaux sociaux ». Informations sociales. 2008, Vol. 3, n°147, p. 10-19 (citation p.13) 246 Diminescu D.”El difícil ejercicio de la libre circulación .Una introducción a la historia reciente de la migración rumana “en Escriva A.y Ribas N “Migración y desarrollo”, p.274 227 « Je suis arrivée en 2000 et je pouvais faire des papiers avec la loi de 2001. J’en ai parlé à une roumaine que je connaissais et qui m’a mise en contact avec une avocate. Je l’ai payée deux milles euros pour qu’elle régularise les papiers de mon mari. Je me suis aperçue après, que la personne qui m’avait mise en contact avait gardé son pourcentage de l’argent destiné à l’avocate. Pour mes papiers j’ai dû travailler une année sans être payée avant que la dame que je soignais me donne le contrat. Il me fallait le contrat pour déposer le dossier et obtenir le permis de travail » 247 . Le processus de régularisation avait eu lieu en 2000 mais pour certaines personnes l’administration ne reconnaissait pas les documents. Alors une autre possibilité de régulariser la situation a été accordée en 2001 à condition d’avoir vécu en Espagne avant le 2 mars 2001. Comme nous l’avons déjà observé, pour avoir un contrat de travail les gens devaient donner beaucoup d’argent aux avocats, et aux roumains intermédiaires. Même dans ce secteur d’obtention des documents, les réseaux ont un grand rôle et tout service à son prix. Le processus de régularisation le plus important et le dernier a été organisé en 2005 pendant trois mois et alors beaucoup de Roumains ont réussi à obtenir un permis de résidence et de travail. Les conditions n’étaient pas accessibles à tout le monde. L’exigence principale consistait dans le fait d’avoir une attestation de domicile antérieure au 7 août 2004 248 . Comme beaucoup de personnes n’avaient pas ce document, les autorités ont donné d’autres possibilités pour justifier le séjour antérieur à cette date par la présentation d’une attestation de domicile par omission. Cet artifice de la législation a permis augmenter le nombre des permis. D’autres exigences comme un contrat de travail de six mois minimum et un certificat de casier judiciaire vierge compliquaient l’accession à ce processus de régularisation. Mais, pour les Roumains les solutions sont apparues très vite. Ils ont organisé un grand marché basé sur la vente des contrats de travail 249 et le transport des certificats de casier judiciaire provenant de Roumanie par des personnes qui géraient des compagnies de transport de colis et de personnes. En échange de 200-300 euros elles apportaient les certificats des casiers judiciaires légalisés. Il était possible aussi d’acheter des contrats de travail grâce aux réseaux des personnes connues. Le prix en était variable pouvant atteindre mille euros. 247 Témoignage d’une mère qui fait partie de la catégorie des familles roumaines avec les deux conjoints et les enfants installés à Castellón de la Plana 248 AGUILERA IZQUIERDO, Raquel. « El acceso de los inmigrantes irregulares al mercado de trabajo. Los procesos de regularización extraordinaria y el arraigo social y laboral ». Revista del Ministerio de Trabajo y Asuntos Sociales. 2006, Vol. 63, p.175-195 249 Faits observés pendant la période de relevés du terrain 228 La vente des contrats de travail dans le secteur de la construction liée à la multitude des entreprises était plus fréquente. C’était plus facile aussi parce que beaucoup de Roumains avaient crée eux-mêmes des entreprises et pouvaient ainsi faire des contrats à leurs compatriotes. Dans certains cas d’achat ou de contrats fictifs, la situation devenait très visible car le nombre des contrats dépassait le pouvoir d’embauche. Dans ces conditions, le permis de résidence et de travail n’était pas attribué et le sollicitant avait tout perdu : l’argent et la possibilité d’avoir ce permis qui aurait été valable une année, dans la province de résidence et dans l’activité demandée. D’autres motifs de rejet du dossier étaient liés au refus du patron d’affilier son employé à la sécurité sociale dans le mois suivant l’obtention de ce permis. Les dettes de l’entreprise pouvaient aussi expliquer le refus de permis. Les travailleurs adoptaient alors d’autres stratégies par exemple de payer eux-mêmes la moitié ou l’assurance sociale entière, pour obtenir les documents. Pour chaque secteur d’activité le taux est différent pour l’assurance sociale. Un aspect très important dans ce processus de régularisation est la possibilité d’obtention d’un permis de résidence et de travail pour les personnes qui travaillent dans le secteur du service domestique. C’est une opportunité pour elles de rendre visible leur emploi payé à l’heure, dans différents domiciles à condition qu’elles travaillent au moins 12 jours 250 par mois. Elles ont besoin d’un type de formulaire signé par leurs employeurs mais qui n’implique aucune contrepartie. C’est plutôt une formalité car les travailleuses payent elles-mêmes les assurances sociales. Le manque d’information et la méfiance ont conduit des employeurs à refuser de signer ce formulaire ce qui a empêché beaucoup de femmes roumaines d’obtenir un permis de travail alors qu’elles travaillaient continuellement dans ces maisons. D’autres stratégies adoptées pour habiter légalement étaient d’obtenir un permis de résidence et de travail par cette voie mais sans travailler dans le secteur du service domestique. La personne payait bien les assurances sociales mais s’occupait à étudier ou à travailler autrement, tout en étant en situation régulière. Selon les données de décembre 2005, à la suite de ce processus de régularisation du marché du travail espagnol, sur 688 419 demandes 83,27% (575 941) de réponses ont été favorables et 550 136 affiliations enregistrées à la Sécurité Sociale. 250 AGUILERA IZQUIERDO, Raquel. « El acceso de los inmigrantes irregulares al mercado de trabajo. Los procesos de regularización extraordinaria y el arraigo social y laboral ». Revista del Ministerio de Trabajo y Asuntos Sociales. 2006, Vol. 63, p.175-195 229 Par contre, 25 805 travailleurs ont perdu leur permis de résidence et de travail pour non affiliation. Selon les secteurs d’activité, la majorité des demandes ont été présentées pour le service domestique et les constructions, suivies par l’agriculture et l’hôtellerie. Les permis de résidence et de travail correspondent aux secteurs sollicités : 33,42% pour le service domestique, 21,19% pour le secteur de la construction, 14,16% pour l’agriculture et 10,77% pour l’hôtellerie. Dans le classement en fonction de la nationalité, les Roumains (95 993) arrivent au deuxième rang après les Equatoriens, comme communauté étrangère ayant réussi à régulariser sa situation. A l’échelle de la Communauté Valencienne, la Province de Castellón a connu la plus grande demande et le meilleur résultat dans l’obtention des permis de séjour et de travail par comparaison aux deux autres provinces de la même région. Roumains avec permis de séjour et de travail dans les provinces de la Comunidad Valenciana Alicante 18% Castellón 51% Valencia 31% Graphique 16. Roumains en situation régulière dans la Région Valencienne. Source: Les données du Ministère de Travail et Affaires Sociales, 31/12/2005. R. Bucur , 2010 Dans les entretiens réalisés à Castellón de la Plana nous rencontrons des Roumains qui sont arrivés entre 2002 et 2005 et qui ont réussi à obtenir leurs documents. Ils doivent ce succès à leurs réseaux qui ont obtenu plus facilement les contrats de travail : « j’avais un ami espagnol qui m’a fait le contrat de travail », avoue un jeune homme célibataire arrivé en 2004. D’autres témoignages : « ma tante a parlé avec le directeur de l’entreprise où travaillait son mari. 230 Elle a réussi à m’obtenir le contrat et aussi un emploi, car je travaille aujourd’hui dans la même fabrique », ajoute un chef de famille roumaine installé à Castellón de la Plana. Mais que s’est-t-il passé avec les nouveaux arrivants ? Le processus de régularisation comme tous les autres processus entraîne un « effet d’appel » normal qui encourage davantage de personnes à rechercher un séjour et un travail réguliers. Quelles possibilités avaient-elles ? Pour régulariser la situation une autre loi plus difficile encore à suivre, était celle de l’intégration dans la société d’accueil. La principale condition était de démontrer à partir de l’attestation de domicile que la durée du séjour sur le territoire espagnol datait d’au moins trois ans. Ensuite, il y a eu d’autres exigences : le contrat de travail d’une durée d’un an, le certificat de casier judiciaire vierge et encore d’autres preuves de séjour comme un certificat d’intégration fourni par le service social à la suite d’un entretien. Toutes ces exigences devaient démontrer que la personne étrangère s’intégrait bien dans la société espagnole. Nous avons rencontré pour nos entretiens un homme qui avait obtenu son permis de séjour et de travail par cette méthode. Il avouait que « le processus avait été très long, presque une année, avec beaucoup d’exigences. J’ai réussi, grâce au contact avec une association d’immigrants (Association des Immigrants des Pays de l’Est) qui m’a accompagné durant tout le processus. Les services sociaux m’ont demandé beaucoup de preuves de séjour et ils m’ont demandé aussi un entretien avec eux pour vérifier mon niveau d’espagnol. Avec le contrat j’ai eu des surprises. Je l’avais acheté à une entreprise pour 280 euros dans le secteur du bâtiment. Quand je l’ai présenté aux services sociaux, ils m’ont dit qu’il était faux, car cette entreprise était très connue, qu’elle allait mal et qu’elle était déjà recherchée par l’administration. J’ai dû alors chercher un autre contrat que j’ai eu finalement grâce à un proche qui connaissait une entreprise qui fonctionnait bien et où j’ai pu travailler après. » 251 . Comme nous l’observons il y avait beaucoup de risques dans chacune des étapes d’une trajectoire migratoire. 251 Témoignage d’un homme arrivé en 2003 qui fait partie de la catégorie « personne divorcée sans enfant installée à Castellón de la Plana » 231 2.3.1.2. L’année 2007: restrictions et stratégies pour les nouveaux communautaires Il est intéressant de noter que chaque obstacle administratif génère une solution de la part de la personne immigrée. Les stratégies qu’ils utilisent enrichissent les projets de vie des migrants toujours à la conquête d’initiatives originelles à toutes les échelles : personnelles, de travail, administratives etc. L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne donne plus de libertés pour réglementer la situation juridique et administrative. A partir du 1er janvier de 2007, les Roumains en condition irrégulière ont pu se faire enregistrer et demander facilement un certificat de citoyen communautaire. Comme la politique de migration n’est pas homogène à l’échelle européenne, chaque pays a adopté des conditions de travail pour les Roumains et les Bulgares en fonction de leurs offres économiques. L’Espagne a imposé une période de transition d’au minimum deux ans pour les nouveaux communautaires. Ainsi les nouveaux arrivés Roumains ou Bulgares peuvent y résider légalement, ils peuvent voter dans les élections locales et ils peuvent travailler mais seulement en adoptant le régime de travailleurs autonomes. Cette possibilité d’avoir un emploi consiste dans le fait de s’affilier à la Sécurité Sociale comme une entreprise (formée pour une personne) qui prête des services dans différents secteurs d’activités, surtout dans le domaine du bâtiment dans la Province de Castellón. Pour avoir une vision de l’influence des processus de régularisation ainsi que celle du passage au statut de communautaires, dans le cas des Roumains, nous pouvons observer les figures suivantes. 232 Espagne: Roumains enregistrés(INE) et Roumains en possession d'un permis de résidence et de travail ou certificat communautaire(MTAS) 1000000 Enregistrés 800000 Permis ou certificat communautaire 600000 400000 200000 0 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Graphique 17. Evolution du statut légal des Roumains à l’échelle de l’Espagne. Source : Donnée de l’Institut National de Statistique et Ministère de Travail et Affaires Sociales de l’Espagne. R. Bucur, 2010 Province de Castellón: Roumains enregistrés et Roumains avec permis de résidence et de travail ou certificat communautaire 60000 50000 40000 Enregistrés-Castellón 30000 Permis ou certificat communautaire-Castellón 20000 10000 0 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Graphique 18. Evolution du statut légal des Roumains à l’échelle de la Province de Castellón. Source : Donnée de l’Institut National de Statistique et Ministère de Travail et Affaires Sociales de l’Espagne. R. Bucur, 2010 D’après les deux figures (17 et 18) nous pouvons constater plusieurs aspects : l’évolution régulière de la migration roumaine en Espagne et particulièrement à Castellón. La différence entre le nombre de personnes enregistrées et le nombre de celles en possession d’un permis de résidence et de travail peut représenter en grande mesure le nombre de Roumains en situation irrégulière. Le nombre d’enregistrements de Roumains a augmenté tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle provinciale malgré la situation de crise économique. En ce qui concerne la situation administrative, nous pouvons remarquer à partir de 2005 un nombre croissant de Roumains ayant réussi à obtenir un permis de résidence et de travail. 233 Les conséquences positives du processus de 2005 se prolongent en 2006 quand ils ont réussi à renouveler leurs permis ou même à résoudre leurs problèmes de refus de permis. À partir de janvier 2007 comme ils ont la possibilité de travailler légalement seulement en travailleur indépendant on remarque un « saut » dans les statistiques parmi les Roumains qui se trouvaient jusqu’alors en situation irrégulière et qui à partir de cette date se sont inscrits comme citoyens communautaires autonomes dans les services d’emploi. Jusqu’au moment de l’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne on trouvait un nombre assez faible de Roumains affiliés au régime autonome. Il s’agissait de ceux qui avaient fondé leurs entreprises : des petits commerces, des entreprises de bâtiment, des restaurants, des entreprises de transport de personnes et de colis. Une catégorie spéciale d’autonomes était celle des femmes affiliées au régime spécial du service domestique payant elles-mêmes les cotisations de la sécurité sociale. Une analyse sur l’évolution des secteurs d’activités où les Roumains sont employés de manière régulière s’ajoute aux explications antérieures. Les secteurs de travail des migrants Roumains à l'échelle de l'Espagne en fonction des permis de travail obtenus 70 000 60 000 50 000 Agriculture 40 000 Industrie 30 000 Constructions 20 000 Services 10 000 Autres 0 1 999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Graphique 19. Les secteurs d’emploi des Roumains en Espagne. Source : Données du Ministère de Travail et Affaires Sociales de l’Espagne. R. Bucur, 2010 Comme nous l’avons affirmé antérieurement et comme la figure 19 le présente, en 2005 un nombre croissant de permis ont été obtenus dans le secteur des services suivi par celui de la construction. 234 La courbe devient ascendante vers 2007 avec l’apogée du secteur de construction et ensuite descendante en 2008 conséquence directe de la crise immobilière et de la chute du secteur de la construction. Mais la crise affecte tous les secteurs d’activité. Le seul qui connaît une croissance des permis de travail est le secteur agricole. À l’échelle de Castellón nous trouvons les mêmes secteurs d’activités avec quelques différences. Le pourcentage d’occupation dans l’industrie est assez significatif à cause de la présence du cluster céramique dans cette province liée directement au secteur de la construction. Il faut noter que 35.31% 252 sont des contrats réalisés pour les travailleurs roumains. Pourcentage des personnes occupées dans les principaux secteurs d'activités dans la Province de Castellón en 2007 24% Services Construction 4% 55% Agriculture Industrie 17% Graphique 20. Pourcentage des personnes occupées selon les principaux secteurs d’activités dans la Province de Castellón, 2007. Source: OBSERVATORIO DE LAS OCUPACIONES. Informe del mercado de trabajo 2008. Comunidad Valenciana. 2008. R. Bucur, 2010 Dans la première année qui a suivi l’entrée dans l’U.E., les Roumains se sont fait enregistrer dans les Services du Contrôle des Habitants pour pouvoir accéder plus facilement au certificat de citoyen communautaire (NIE, Numéro d’Identification d’Etranger). 252 OBSERVATORIO DE LAS OCUPACIONES. Informe del mercado de trabajo 2008. Comunidad Valenciana. 2008, (citation p.34) 235 Evolution du nombre de Roumains migrants enregistrés dans le Service aux Habitants Année 2010 2008 Espagne 2006 Castellón 2004 0 100000 200000 300000 400000 500000 600000 700000 800000 Nombre Graphique 21. L’évolution des enregistrements des populations roumaines à l’échelle nationale. Source : Institut National de Statistique. R. Bucur, 2010 Evolution du nombre de Roumains migrants enregistrés dans le Service aux Habitants de la Province de Castellón 60000 Nombre 50000 40000 30000 20000 10000 0 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Année Graphique 22. L’évolution des enregistrements des populations roumaines à l’échelle provinciale de Castellón. Source : Institut National de Statistique. R. Bucur, 2010 Comme nous pouvons l’observer dans les deux figures il y a beaucoup plus de Roumains enregistrés à partir de 2006. A l’échelle nationale, la situation devient plus visible que dans la Province de Castellón. Il est étonnant de constater que la courbe est toujours ascendante en dépit de la très forte crise économique en Espagne. 236 Dans le régime des travailleurs autonomes, le nombre de Roumains affiliés à ce secteur a augmenté de 5 044 personnes à 45 222 253 à l’échelle du territoire espagnol. Cette modalité de « régularisation » de la situation administrative des nouveaux communautaires a encouragé beaucoup de Roumains à s’affilier comme autonomes pour échapper à l’irrégularité. Ils étaient en fait, selon l’opinion de M. Pajares des « faux autonomes » car ils travaillaient en réalité comme salariés sans contrat. Les obstacles inconnus liés à la désinformation, aux difficultés à trouver des personnes ou des entreprises susceptibles d’utiliser leurs services, ont conduit beaucoup de Roumains à ne pas payer leurs cotisations. Pour chaque secteur d’activité il y avait un quota à payer. Certains ont accumulé des dettes et finalement ont renoncé à l’affiliation. Ils ont déclaré leurs entreprises fermées et attendu la fin de la période de transition jusqu’au 1er janvier 2009, pour pouvoir travailler comme vrais salariés. Dans cette période ils bénéficiaient seulement du droit de résider légalement grâce au certificat de communautaire et ils travaillaient dans le marché parallèle comme avant 2007. Dans ce chapitre nous avons présenté un panorama des stratégies d’insertion sur le marché du travail menées par des Roumains entre le début de leur migration jusqu’à maintenant. Chaque processus de régularisation avec des conditions de plus en plus difficiles a rendu possible une nouvelle tactique pour l’obtention du permis de séjour et travail. La différence entre le nombre des roumains enregistrés et le nombre de ceux en situation irrégulière a toujours été présente. Même avec le nouveau statut communautaire il reste encore un petit nombre de personnes en marge de la loi. La modalité de travail entre 2007 et 2009 pour les nouveaux communautaires roumains a provoqué une augmentation du nombre des « travailleurs autonomes ». Cette condition éphémère a été remplacée par celle de salarié à partir de janvier 2009. Mais cette situation a duré jusqu’au 22 juillet 2011 254 . Avec l’accentuation de la crise économique, le gouvernement espagnol a réactivé les restrictions sur le marché de travail pour les Roumains. 253 PAJARES, Miguel. Inmigración y Mercado de trabajo. Informe 2008 [En ligne]. Observatorio Permanente de la Inmigración. Madrid, 2008.170 p (citation p.38) Disponible sur : < http://www.tt.mtas.es/periodico/inmigracion/200807/merc_Trabajo_Inform_08.pdf > (consulté le 6 Août, 2010) 254 MINISTERIO DE TRABAJO E INMIGRACION. Instrucciones DGI/SGRJ/5/2011, sobre régimen de entrada, permanencia y trabajo en Espana de los trabajadores por cuenta ajena nacionales de Rumania y sus familiares [En ligne], 2011. Disponible sur : < http://extranjeros.mtin.es/es/NormativaJurisprudencia/Nacional/RegimenExtranjeria/InstruccionesDGI/doc umentos/2011/Instruccion-DGI-5-2011.pdf > (consulté le 28 août, 2011) 237 Cette mesure affecte les nouveaux arrivants roumains et ceux qui se trouvent sur le territoire espagnol sans être enregistrés à la Sécurité Sociale. Cette situation est prévue jusqu’à la fin de 2013. Selon la nouvelle loi, pour pouvoir travailler en Espagne comme salarié, il faut demander un permis de travail comme c’était antérieurement le cas avant l’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne. Les effets de cette reglementation sont déjà visibles. La désinformation de la population roumaine et des entrepreneurs espagnols et l’attitude de l’administration provinciale aggravent la situation. 2.3.2. Diversité des initiatives entrepreneuriales des Roumains à Castellón de la Plana Les nombreuses situations de travail analysées antérieurement, contraintes par des mesures juridiques et européennes, ont conduit les Roumains de Castellón lieu de notre étude à la recherche continue de stratégies d’embauche. Ainsi, dans l’impossibilité d’avoir un emploi digne ou correspondant à leur compétence, ils ont cherché d’autres voies pour travailler. Dans ce contexte, un grand nombre de travailleurs roumains, dans la Province de Castellón, ont pris des initiatives entrepreneuriales originales. On peut alors se poser les questions suivantes : Pourquoi les Roumains créent-t-ils leurs propres entreprises? Ne trouvent-ils donc pas de travail ailleurs ? 2.3.2.1. Le service domestique indépendant : une stratégie pour les femmes roumaines La première réponse donnée par les personnes interrogées qui ont fondé leur entreprise touche aux avantages qu’ils trouvent de travailler pour eux-mêmes. Tout d’abord nous devons rappeler la situation exceptionnelle des femmes roumaines qui se lancent dans le service domestique. Ce type d’initiative entrepreneuriale individuelle constitue en même temps une méthode de travail qui rend visible ce secteur d’emploi dans l’économie et un moyen de cotiser à des régimes spéciaux permettant ainsi d’accéder aux documents de séjour et d’emploi. 238 La particularité est que ces travailleuses « indépendantes » ou « autonomes » organisent elles-mêmes leur programme de travail. Elles peuvent travailler dans plusieurs maisons, elles payent leur cotisation à la sécurité sociale et elles s’accordent des congés en fonction de leur disponibilité. Mais il y a aussi des inconvénients car elles n’ont pas le droit au chômage ni aux congés payés. Certaines femmes travaillent en entreprise individuelle et d’autres emploient des personnes en créant une petite entreprise de nettoyage. Cette situation est l’une des plus avantageuses pour les femmes qui travaillent dans ce domaine, mises à part celles qui sont employées avec toutes les charges sociales couvertes. La pire situation est celle des femmes roumaines qui travaillent en régime « d’interne » et qui, malgré leur situation d’invisibilité, payent elles-mêmes leurs cotisations. C’est souvent leur choix et pas une obligation de l’employeur. Elles adoptent cette stratégie pour démontrer leur ancienneté dans le registre du travail et bénéficier ainsi de ces années travaillées pour leur pension. Sinon, ce type d’emploi comme « interne » 255 reste parmi les plus précaires. Ainsi en 2008 à l’échelle de l’Espagne : « 64% des employées dans le service domestique travaillent dans le marché parallèle » 256 (traduit de l’espagnol). Selon la même étude : « 80% des femmes roumaines qui travaillent en Espagne sont employées dans le service domestique dans le régime de travailleuses internes ou externes payées à l’heure » (traduit de l’espagnol). Dans nos entretiens nous avons rencontré beaucoup de familles roumaines dont la femme travaille dans le secteur domestique. Nous avons observé des situations diverses : des femmes qui travaillent dans ce secteur comme « externes » sans contrat et à un prix très bas (6 euros/ heure), d’autres qui gagnent la même chose mais en « autonomes », et qui paient donc les assurances. Une femme témoigne : « Je travaille comme interne depuis que je suis arrivée à Castellón en 1999. J’ai changé souvent de maisons parce que, comme les personnes que je soignais étaient malades et vieilles elles sont parties…. j’ai donc dû changer de travail. Heureusement que depuis le début elles m’avaient signé un contrat et que j’ai pu travailler légalement depuis 2000. Mais quand j’ai dû renouveler mon permis, la famille où je travaillais n’a pas voulu me faire un nouveau contrat alors j’en ai parlé avec un ami qui m’a donné un contrat dans le secteur de la construction. 255 Travailleuse interne : elle passe tout le temps à travailler pour une famille : faire du ménage et soigner des personnes. D’habitude elle n’a pas de contrat, elle est sous-payée car elle n’a pas besoin de payer le loyer et la nourriture. Elle a une journée de congé par semaine calculée depuis le petit-déjeuner jusqu’au dîner. 256 MARCU, Silvia. « Inmigrantes rumanas en el servicio doméstico y de cuidados de la Comunidad de Madrid: Estudio cualitativo ». Estudios Geográficos. Juillet 2009, Vol. LXX, n°267, p. 484 239 Je lui payais plus de 400 euros/mois, les cotisations sociales pour ce secteur d’activité. Il m’a fait cette proposition car sinon, je risquais de perdre mes papiers. Après, je me suis déclarée comme autonome et maintenant je paie moi-même les cotisations sociales mais je travaille toujours comme interne. Mes employeurs me versent mon salaire chaque mois, je le porte à la banque et je paie mes assurances. Je suis un peu fatiguée de ce type de travail, car j’ai seulement un jour de libre par semaine, je me sens comme dans une cage, c’est seulement pour l’argent que je reste » 257 . Comme nous avons pu le comprendre, cette femme a toujours cherché des solutions pour avoir un travail et un statut légal. Même si parfois elle a dû recourir à des stratagèmes pour garder son permis de travail, elle a démontré son esprit entrepreneurial et elle fait actuellement partie des personnes qui travaillent comme autonomes. Un autre exemple, cette fois-ci d’une personne arrivée récemment après janvier 2007, qui a trouvé une combinaison très intéressante pour travailler dans le secteur de soins des personnes âgées. « Je suis arrivée à Castellón en avril 2007 et comme j’avais de l’expérience dans le domaine gériatrique car j’avais travaillé dans ce secteur en Israël, j’ai trouvé un emploi à mi-temps à travers une compagnie d’intermédiation d’emploi. Pendant la nuit je travaille comme interne dans une famille pour 450 euros/mois où je soigne une vieille dame. J’ai aussi quelques heures de nettoyage à la semaine dans diverses maisons ». Elle ne parle pas de son statut mais il est en conformité avec les nouvelles normes communautaires, elle a probablement le certificat de communautaire et travaille comme autonome ou dans le marché parallèle. Une autre possibilité est celle d’être employée, plus difficile mais qui permet d’obtenir un permis de travail si la compagnie lui a présenté un contrat d’emploi approuvé au ministère. Mais ce qui compte dans ce cas précis, c’est que la personne a su se débrouiller et a réussi dans toutes les méthodes d’emploi offertes par le secteur domestique : employée d’une entreprise, interne, et externe à certaines heures. 257 Témoignage d’une mère de famille qui a son conjoint et ses enfants en Roumanie, elle a été installée à Castellón de la Plana puis elle a déménagé pour travailler à Paterna, un village de Valencia 240 2.3.2.2. Les entreprises roumaines de construction: une affaire prospère avant la crise immobilière Nous avons analysé des situations inhabituelles d’initiatives entrepreneuriales parmi les femmes roumaines, mais quels autres types d’entreprises pouvons-nous rencontrer ? En analysant les données du Régime Spécial de Travailleurs Autonomes, on remarque une croissance très forte dans la Province de Castellón du nombre d’étrangers autonomes: de 800 en 2001 ils sont 1 077 en 2005 et arrivent en juin 2010 258 à un total de 3 138 étrangers autonomes. La Province de Castellón possède un total de 2 233 travailleurs roumains qui ont opté pour créer leur propre entreprise selon les données du Ministère de Travail le 30/03/2008. Les syndicats expliquent ce phénomène par la difficulté de trouver un emploi et aussi par la restriction de travailler comme employé sur le marché espagnol entre 2007 et 2009. Ce passage du statut de salarié au statut d’entreprise individuelle est très réel parmi les immigrants qui « se créent leur propre poste de travail » 259 et surtout parmi les Roumains. Ils optent pour travailler individuellement ou fondent une petite ou moyenne entreprise pour laquelle il ne faut pas nécessairement avoir un capital de départ, sauf dans la forme juridique telle que Société Limitée S.L. qui, elle, impose une somme de 3 000 euros ou s’ils choisissent de créer une Société Anonyme S.A. où il faut investir 60 000 euros. Chaque modèle a ses avantages ou ses inconvénients surtout pour le calcul de l’impôt à payer. La Province de Castellón abrite un grand nombre d’entreprises petites et moyennes fondées par des Roumains. Comme l’attestent les propos de R. Tamames, les secteurs d’activités prédominants où les Roumains investissent sont: pour les homme, le secteur de la construction et pour les femmes, le service domestique 260 . 258 MINISTERIO DE TRABAJO E INMIGRACION. Afiliación media de extranjeros a la Seguridad Social. juin 2010 259 ARANGO, Joaquín. « La inmigración en España: demografía, sociología y economía ». In: Inmigración: un desafío para España. Madrid: Fundación Pablo Iglesias, 2005. p.247-273 260 TAMAMES, Ramon. Estudio sobre la migración rumana en España [En ligne]. Universidad Rey Juan Carlos. Madrid: Universidad Rey Juan Carlos, 2008.126 p (citation p.36). Disponible sur : < http://www.slideshare.net/guest6d630c/estudio-inmigracion-rumana > (consulté le 13 Mai, 2010) 241 Selon le témoignage d’un patron roumain 261 on compte 300 à 350 entreprises qui se sont créées à partir des années 1997-1998 dans le secteur du bâtiment. Un autre témoignage 262 plus récent, en 2008, affirme qu’il y a 500-600 entreprises roumaines du type Société Limitée et environ 1800 travailleurs roumains autonomes à Castellón. Mais il y a encore d’autres domaines d’entreprises roumaines : le transport des personnes ou des marchandises, la publicité, les restaurants, les bars, les salons de coiffure, les cafétérias, etc. Malheureusement, nous n’avons pas de statistiques pour connaître le nombre exact des entreprises roumaines. Cette situation s’explique de plusieurs façons parmi lesquelles : la difficulté de les identifier car parfois elles sont enregistrées sous un nom espagnol (quand elles sont mixtes), parfois elles sont enregistrées sous un autre nom que celui affiché au Siège, ou encore elles sont enregistrées dans différentes entités comme le Registre du Marché, la Chambre de Commerce, etc. En outre, certaines données sont confidentielles et beaucoup d’entre elles n’ont pas une grande longévité, d’autres se transforment ou changent de noms inopinément. Dans le contexte d’une croissance accrue du nombre des entreprises roumaines, une association des entrepreneurs roumains a été créée à Castellón de la Plana en 2006. Les objectifs de cette association étaient de collaborer et de s’aider mutuellement pour un meilleur fonctionnement des entreprises. En octobre 2007, l’Association des Entrepreneurs Roumains de Castellón a signé une convention avec la Chambre de Commerce de Castellón 263 dans le but d’intensifier les relations de collaboration économique entre les entreprises autochtones et celles de Roumanie (devenue alors nouveau membre européen). L’association comptait en 2008 plus de cent membres possédant des entreprises dans le secteur de la construction et seulement sept qui avaient des commerces, c’est ce que déclarait le président de cette association dans une page web de spécialité 264 . Mais comment fonctionnent ces entreprises de construction ? Combien de travailleurs peuventelles employer ? Comment les patrons roumains ont-ils accès aux chantiers de construction à Castellón ? 261 Entretien avec un patron d’entreprise de construction, Castellón de la Plana, juin 2006 Témoignage du président de l’Association des Entrepreneurs Roumains de Castellón, Castellón de la Plana, août 2008 263 « Convenio de cooperación Cámara de Comercio- Asociación de Empresarios Rumanos de Castellón ». In: CAMARA DE COMERCIO CASTELLÓN [En ligne], 2007. Disponible sur : < http://www.camaracs.es/apartados/prensa/noticia.asp?id=349 > (consulté le 8 Août, 2010) 264 « La crisis acaba con los empresarios rumanos en Castellón ». In : URBANISMO.com [En ligne], 2008. Disponible sur : < http://www.urbanismo.com/la-crisis-acaba-con-los-empresarios-rumanos-en-Castellón/ > (consulté le 7 Août, 2010) 262 242 Il est très intéressant d’étudier le fonctionnement de ces petites entreprises roumaines dans le secteur du bâtiment. Elles sont caractérisées par une structure d’entreprise fragmentée où les grandes entreprises possèdent le capital financier et où les moyennes entreprises prennent en charge l’élaboration des projets, la recherche des subventions et un collectif salarié réduit. Les modalités d’embauche de la main d’œuvre se font par ces petites entreprises de sous-traitance utilisées par les moyennes entreprises ou dans des cas particuliers par les grands entrepreneurs. Nous pouvons comparer cette situation à une toile d’araignée. La plupart des postes de travail sont temporaires (en fonction de la durée des travaux) et les salariés roumains, majoritairement, dépendent d’entreprises assez instables, et travaillent de manière irrégulière265 . La structure d’une entreprise est composée d’abord: d’un chef chargé de la gestion des travaux (cette personne possède en général une formation supérieure), puis d’employés spécialisés, avec une qualification polyvalente acquise par expérience et qui gagnent en général un bon salaire. Selon les modalités de paiement : à l’heure, ils peuvent gagner de 1 050 à 1 200 euros/mois ou au mètre construit de 2 500 à 3 000 euros/mois selon le témoignage du patron d’entreprise roumaine sur les tarifs qu’il offre à ses employés. Enfin, le segment inférieur est représenté par les travailleurs dits sans qualification, majoritairement étrangers parfois très formés professionnellement dans leur pays et qui gagnent 970 euros/mois - d’après la même source d’information. Un entretien avec un autre patron d’entreprise roumaine de construction confirme la même structure d’entreprise et de modalités de fonctionnement selon la taille de l’entreprise : « On trouve des entreprises à partir de 2-3 travailleurs jusqu’à 200-300 ouvriers ». Lui-même est arrivé en Espagne en 1994 et il possède une grande expérience dans ce domaine, similaire à celle qu’il occupait en Roumanie où il possédait aussi une entreprise de construction. Il décrit le même mécanisme que celui mentionné plus haut : « Il y a une très grande entreprise de construction comme Lubasa, Xiob, San Jose, Marina d’Or etc. qui me fait un contrat, par exemple pour faire un certain travail et mon entreprise, si elle ne peut pas faire tous les travaux, est obligée de sous-traiter avec d’autres petites entreprises ou des travailleurs autonomes. 265 COLECTIVO IOE. Inmigrantes, trabajadores, ciudadanos. Una visión de las migraciones desde España. Patronat Sud-Nord, Universitat de València. Valencia, 1999. 258 p (citation p.128) 243 Actuellement, mon entreprise a 65-70 travailleurs roumains (précédemment, j’embauchais aussi des travailleurs d’autres nationalités) et je sous-traite avec six petites entreprises et quelques personnes qui travaillent individuellement pour pouvoir finir dans les délais des travaux entrepris» 266 . Les entreprises sont obligées de payer une sécurité sociale pour chaque travailleur ce qui se reflète dans le développement économique local. Les cotisations pour les assurances sont assez consistantes et le témoignage de la personne interrogée faisait état d’un montant de 25 000 euros/mois pour tous les travailleurs employés, chez lui. Malgré la loi et les assurances obligatoires, nous rencontrons beaucoup de cas, dévoilés à la suite d’accidents du travail, de travailleurs roumains sans couverture sociale en raison du manque d’informations sur la législation. Dans ces cas, « les gens ne savent pas que chaque entreprise a une assurance et chaque outil qu’ils utilisent possède aussi une couverture d’assurance de la compagnie qui l’a fourni. Donc, même sans papiers avec des preuves la personne accidentée peut sortir gagnante de ses droits. Nous avons eu le cas d’un jeune de 18 ans qui a subi un grave accident sur un chantier de construction. Il travaillait sans permis de travail. Quand l’accident est arrivé personne de la compagnie ne voulait reconnaître qu’il travaillait là-bas. Sa chance a été d’avoir un bon avocat qui a trouvé des preuves. Le jeune avait été photographié dans la revue de publicité de la compagnie du bâtiment. Donc, avec cette preuve, le fait qu’il travaillait dans cette entreprise a été démontré et la compagnie d’assurance a dû lui donner beaucoup d’argent pour qu’il puisse se faire opérer et acheter une prothèse»267 . En relation avec les entreprises de construction nous ajoutons l’exemple d’une agence immobilière ouverte à Castellón en 2006. Le patron est un jeune homme de grande expérience acquise en Espagne dans le secteur de la construction. Cette entreprise268 a été ouverte à la suite d’une grande demande de conseils et de produits immobiliers pour les entreprises roumaines ou espagnoles. Dans le cas de Castellón, la présence très nombreuse de Roumains venant de Targoviste, capitale du département Dâmboviţa, (carte 25) a suscité une grande demande de construction de parcs résidentiels dans leur région d’origine. 266 Entretien avec un patron roumain, Castellón de la Plana, 2006 Entretien avec la présidente de l’Association des Immigrants des Pays de l’Est, Castellón de la Plana, 2010 268 Entretien avec la représentante légale de l’agence immobilière à Castellón, Castellón de la Plana, 2008 267 244 D’autres sollicitations pour cette entreprise ont été les gestions de comptes bancaires dans les banques roumaines et l’achat d’appartements, de maisons ou de terrains en Roumanie. Cette compagnie possède plusieurs succursales en Espagne : à Madrid, à Calatayud et Castellón et 25 collaborateurs dans d’autres régions avec un grand nombre d’employés. En Roumanie le jeune patron a ouvert plusieurs filiales à Sibiu et Bucarest mais avec des projets de constructions dans plusieurs zones: Sibiu, Bucarest, Cluj-Napoca, Târgu-Mureş, Satu Mare, Târgovişte, Constanţa, Costineşti. Il voyage souvent en Roumanie pour la surveillance des travaux de construction. L’entrée de la Roumanie dans l’UE intensifie la collaboration entre entreprises espagnoles et roumaines qui veulent y investir, construire des parcs résidentiels et utiliser les fonds européens. Carte 27. Filiales de l’agence immobilière roumaine étudiée à Castellón de la Plana Nous pouvons observer les stratégies roumaines non seulement à l’échelle individuelle mais aussi à une échelle plus large comme celle de l’entreprise ou même de l’entreprise transnationale. Les initiatives entrepreneuriales roumaines s’orientent aussi en fonction de la demande et des opportunités légales ou européennes. 245 Si dans un premier temps les entreprises de construction se développaient dans un territoire limité à l’échelle de Castellón, au fur et à mesure, les événements européens permettent une expansion à d’autres territoires, comme le pays d’origine. Les besoins des travailleurs roumains qui veulent investir dans les lieux d’origine, encouragent ce type d’entreprise. Il faut prendre en compte que beaucoup de Roumains arrivés en Espagne avant 2002, ont vendu leurs maisons, ou leurs terrains pour acheter les visas et donc ont besoin maintenant d’acheter de nouveaux logements. 2.3.2.3. Les entreprises roumaines installées à Castellón de la Plana Castellón abrite aussi d’autres types d’entreprises roumaines: des restaurants, des cafeterias, des salons de coiffure, des pâtisseries, des entreprises de transport et de parqueterie créées surtout pour avoir un emploi digne et pour répondre à certains besoins de leur co-nationaux. Citons l’exemple d’une initiative entrepreneuriale développée à Castellón de la Plana, la création d’une cafétéria avec des produits de pâtisserie et boulangerie spécifiquement roumains qui attirent une clientèle très variée culturellement. 246 Photo 8, 9 et 10. Chaîne de la pâtisserie roumaine Transilvania entre 2003-2011. R.Bucur, Castellón de la Plana, 2011 L’idée de cette affaire est survenue chez cette patronne roumaine comme une continuation de son emploi dans son pays d’origine et comme la possibilité d’avoir un emploi digne. Cette dame 269 avait fait une formation professionnelle post-lycée dans le domaine de la pâtisserie et elle avait aussi travaillé dans un laboratoire de préparation de ces produits en Roumanie. Elle est arrivée en 2000 pour rejoindre son mari qui avait émigré à Castellón de la Plana. Elle a obtenu très rapidement les documents de séjour et elle a travaillé dans le domaine de la restauration. 269 Entretien avec la patronne de Transilvania, Castellón de la Plana, juin 2006 247 Ensuite, elle a décidé d’ouvrir cette affaire avec la motivation de canaliser toute son énergie en travaillant pour elle et non pas pour d’autres personnes. Ainsi elle a fondé une petite entreprise avec 4 salariés de sa famille et amis spécialisés aussi dans ce domaine. Le nom de la cafétéria « Transilvania » a été choisi pour sa consonance et sa référence à la Roumanie. Surtout qu’en 2003 quand elle a été fondée, la migration roumaine devenait de plus en plus visible. A propos des stratégies de développement de cette entreprise nous pouvons ajouter le fait que tout le bénéfice financier était réinvesti sur place et créait des emplois pour d’autres roumains. Pour le moment elle ne pense pas revenir en Roumanie dans les prochaines années. Ce commerce est très visible dans le développement local de la ville car cette patronne a réussi à ouvrir d’autres filiales à Castellón et donc une petite chaîne de cafétérias « Transilvania ». Par ailleurs, les produits de pâtisserie traditionnels roumains constituent une marchandise très recherchée et sont à l’origine d’une autre initiative entrepreneuriale comme le « Four des grands-parents ». Cette structure économique est apparue comme l’initiative de l’Association des Immigrants des Pays de l’Est. Le capital reçu pour le soutien de l’association a été investi dans un petit négoce à des fins plus complexes. Le fonctionnement de l’association a comme support le four dont les bénéfices issus de la vente des produits traditionnels peuvent financer les différents projets culturels. Ce commerce s’ouvre en 2007 quand la Roumanie devient membre UE mais alors que les Roumains ne peuvent pas encore travailler librement en Espagne. Alors, son ouverture offre la possibilité de créer des postes de travail. « D’un côté : nous avons réuni quelques personnes sous la forme d’une petite « coopérative » et j’ai demandé des autorisations de travail. C’était le cas des maîtres amenés de Roumanie pour construire le four. De l’autre côté j’ai donné la possibilité à d’autres travailleurs pâtissiers de prêter leurs services comme autonomes. Les travailleurs ont été instruits sur les normes de protection du travail et ils ont pris des cours sur la manipulation des aliments. Depuis le début, ce four a été un succès. Après nous avons loué un autre espace comme laboratoire pour la préparation de gâteaux car la demande de la diversité des produits est devenue plus grande. Le bénéfice financier couvre les frais, les salaires des employés et par exemple en 2007 le profit réinvesti a été de 140 000 euros. Pendant les fêtes, la vente est immense. Nous vendons dans « le Four » mais aussi dans les fêtes et foires traditionnelles espagnoles où nous sommes invités à participer. 248 Nous avons des collaborateurs, d’autres magasins roumains ouverts dans des villages où sont installés des Roumains.Alors ils nous demandent des produits de pâtisserie pour leurs magasins» 270 . Les « covrigi » : produit de boulangerie en général salé avec la forme d’un anneau couvert de sel, sésame ou d’autres semences Photo 11, 12 et 13. Produits traditionnels et le processus de production du Four des grands-parents. R.Bucur, Castellón de la Plana 2009 Ce modèle pionnier de commerce à Castellón de la Plana offre une autre image sur les opportunités d’insertion de travail chez les Roumains installés. Le pouvoir de l’information sur les stratégies qui peuvent être appliquées, même dans une période de restrictions sur le marché de l’emploi, est la clé du bon fonctionnement de ce négoce. 270 Entretien avec la présidente de l’Association des Immigrants de Pays de l’Est, Castellón de la Plana, 2009 249 Dans l’exemple suivant nous découvrons une autre idée d’entreprise dont la première source pour la matérialisation de celle-ci constitue l’information qui arrive dans le pays d’origine. Il s’agit d’un cabinet dentaire installé à Castellón de la Plana en 2008 271 . L’idée de fonder cette entreprise correspond à la demande des clients. En effet, les clients roumains demandaient les services de ce médecin en Roumanie pendant les vacances. Le siège du cabinet était à Piteşti et Bucarest deux villes proches de Târgovişte. Carte 28. Filiales du cabinet dentaire étudié à Castellón de la Plana La majorité des patients qui sollicitaient les services du médecin provenaient de la région mais étaient alors installés à Castellón de la Plana. Ainsi est née l’idée de fonder un cabinet dans cette ville espagnole. Il pouvait couvrir les besoins directement à Castellón de la Plana. Du côté des clients, ils n’ont plus à se déplacer en Roumanie ou utiliser leurs vacances pour résoudre leurs problèmes médicaux. Les prix des consultations accessibles ont fourni rapidement une grande clientèle parmi les Roumains résidants à Castellón de la Plana, mais aussi dans les provinces proches (Tarragona, Aragon) et même des Espagnols. 271 Entretien avec la secrétaire du cabinet dentaire, Castellón de la Plana, 2008 250 Sur l’aspect économique cette conversion est importante pour le patron mais aussi pour d’autres médecins et infirmières qui ont été employés. C’est une grande opportunité de travail pour les employées sanitaires étant donné la grande difficulté de travailler dans leur domaine de compétence, en Espagne. Le médecin habite en Roumanie et se déplace régulièrement à Castellón. Ce modèle entrepreneurial différent des autres, tant sur le domaine d’activité que sur le mode de fonctionnement est un cas très intéressant pour notre recherche. Les stratégies de création de l’entreprise débutent depuis le pays d’origine vers celui de destination contrairement à l’exemple précédent. Les compagnies de transport, jouent un rôle essentiel pour assurer un bon déplacement régulier dans les deux cas et en même temps sont bénéficiaires du fonctionnement des ces entreprises (même pendant la crise en Espagne). Dans ce contexte nous nous dirigeons vers un autre type de négoce ouvert en pleine période de crise, début 2009. Il s’agit d’un salon de coiffure qui fonctionne très bien. L’idée entrepreneuriale apparaît cette fois-ci par la nécessité et l’option du coiffeur de travailler pour lui-même. « J’ai décidé d’ouvrir mon propre négoce parce que je travaillais beaucoup, que l’horaire était trop chargé et que je n’étais pas payé en conformité avec mon travail. J’ai beaucoup de clients : des Espagnols, des Roumains, des Allemands, des Anglais et une grande partie me connaissait par mon ancien travail. J’ai exercé mon métier. J’avais fait une formation en Roumanie et ici j’ai suivi des cours de spécialisation. Mon affaire va très bien Beaucoup se plaignent qu’il n’y a pas de travail mais moi, l’été dernier je n’avais plus de place dans mon agenda. J’ai eu seulement une semaine de vacances » 272 . Il travaille tout seul sans employés et il se débrouille bien. Faisant une récapitulation de ses clients il affirme qu’il a des clients de tous les âges : depuis un an et demi jusqu’à 90 ans et une majorité masculine 60%, ce qui est plus avantageux : « Pour la coiffure d’une dame j’ai besoin de deux heures tandis que dans le même temps je peux coiffer quatre ou cinq hommes. Dans le cas des enfants c’est un peu plus difficile parce qu’ils n’ont pas de patience. Mais j’ai trouvé une méthode : je leur mets des dessins animés dans mon ordinateur portable et alors ils restent très tranquilles. Ils pleurent quand j’ai fini car ils ne veulent plus partir. J’ai tout ce qu’ils demandent comme dessins animés, c’est comme un menu de restaurant» 273 . 272 273 Entretien avec le patron du salon de coiffure, Castellón de la Plana, 2010 Entretien avec le patron du salon de coiffure, Castellón de la Plana, 2010 251 Cet exemple nous offre une autre vision sur les idées entrepreneuriales des Roumains à Castellón de la Plana. Même dans ce cas banal de commerce ce qui reste intéressant à noter c’est le courage de ce jeune entrepreneur pour ouvrir une affaire dans une situation de crise économique. Un autre aspect important est la diversité de sa clientèle et la fidélité de celle-ci à le suivre ce qui reflète la qualité de ses services. Les stratégies pédagogiques appliquées aux enfants représentent un autre point original pour le fonctionnement de son entreprise et surtout pour l’augmentation de la clientèle chez les mères de famille: « Que invento ! Te lo has acertado, Cristian ! » 274 (« Quelle invention ! Tu l’as bien deviné, Cristian ! ») Un dernier modèle très éphémère du négoce vient d’une idée très originale sur le plan culturel avec la création en septembre 2005 de la première école maternelle roumaine en Espagne. La maternelle a été créée par deux professeures roumaines qui ont eu l’idée d’enseigner dans leur domaine de compétence, ce qui répondait aussi à une nécessité pour l’enfant de l’une d’entre elles. Comme l’ouverture était assez récente à la date de l’entretien 275 , il n’y avait pas encore eu de profit car tout ce qui était gagné, était utilisé pour l’acquisition de matériel didactique, l’aménagement et la gestion interne. Le capital investi provenait de l’argent de la famille sans le recours d’un crédit bancaire. Dans cet exemple l’un des aspects très intéressant était celui de l’apport linguistique, cette maternelle était multiculturelle, avec des enfants roumains, espagnols, marocains, africains qui parlaient leurs langues et apprenaient en plus l’anglais car une des enseignante était professeure d’anglais. Les parents étaient très contents que leurs enfants parlent plusieurs langues, apprennent à être plus sociables et à s’intégrer à des cultures différentes de la leur. Certains parents espagnols ont même transféré leurs enfants des maternelles espagnoles à celle-ci. Cette maternelle était complètement privée ne recevant pas de subventions de l’Etat espagnol et fonctionnait avec plusieurs types d’horaires en fonction de la demande des parents. Malheureusement, cette initiative s’est arrêtée très vite, en moins d’un an, à cause de sa faible rentabilité économique. En conclusion nous pouvons réfléchir sur les stratégies d’insertion sur le marché du travail, de manière innovatrice. Les initiatives entrepreneuriales individuelles dans le cas des autonomes et des femmes roumaines qui travaillent dans le secteur domestique évoluent vers le statut des PME. 274 Exclamation d’une mère qui est venue avec sa fille au salon le jour de l’entretien et qui a vu la méthode de Cristian, Castellón de la Plana, 2010 275 Entretien avec la patronne de la maternelle, Castellón de la Plana, 2006 252 Dans le même temps nous remarquons une implication des institutions comme la Chambre de Commerce pour consolider les relations avec la Roumanie dans un contexte européen favorable au développement des projets mutuels. La plupart des modèles d’initiatives entrepreneuriales présentés ont démarré dans la continuité de l’emploi au pays d’origine ou de la profession actuelle du patron. L’accès à l’information matérialisée dans la demande existante sur le marché de Castellón constitue la source de la présence des négoces plus spécialisés. Le développement des moyens de transport et de communication encourage le fonctionnement des entreprises à caractère transnational. Malgré la conjoncture économique de la province espagnole, les entrepreneurs roumains cherchent des solutions pour sortir de la crise en inventant d’autres types d’entreprises. 2.3.3. La crise économique et les perspectives des Roumains installés à Castellón de la Plana En 2009 le marché du travail espagnol et particulièrement celui de la Province de Castellón devient très fragile avec la crise du secteur de la construction. La situation du chômage connaît des chiffres gigantesque et affecte tous les travailleurs mais avec des conséquences plus graves dans le cas des étrangers. La collectivité roumaine présente à Castellón de la Plana est aussi très touchée par cette crise économique surtout que la majorité des hommes travaillent dans le secteur de bâtiment. 2.3.3.1. Le chômage un facteur décisif pour le retour Les Roumains qui travaillaient dans le secteur de la construction comme employés ou de façon autonome ont subi une grande récession pendant l’année 2008. Le nombre de demandeurs d’emploi s’est accru considérablement. Dans la même période, entre 2008 et 2009 nous remarquons une diminution des affiliations à la Sécurité Sociale (figure 23). Selon l’opinion du Délégué du Gouvernement Central, Antonio Lorenzo, à Castellón: 253 « de los cerca de 50000 ciudadanos rumanos empadronados en la provincia, el 12% carece de empleo, lo que supone más de 6000 personas » 276 , « de presque 50000 citoyens roumains enregistrés dans la province, 12% n’ont pas de travail ce qui représente plus de 6000 personnes ». Relation entre demandeurs d'emploi et affiliés roumains dans la Province de Castellón 2008-2009 20000 15000 10000 5000 0 2008 2009 Demanda de empleo Afiliados Graphique 23. Situation d’emploi des Roumains dans la Province de Castellón, 2008-2009. Selon les données de l’INEM (Institut National d’Emploi). R. Bucur, 2010 Dans la figure 24 nous pouvons observer le déclin des secteurs d’activité gravement affectés par la crise économique: le secteur du bâtiment enregistre la plus grave réduction (de presque la moitié) des affiliations suivi par le domaine immobilier logiquement très étroitement rattaché au premier. Le secteur agricole et celui du service domestique connaissent de très faibles variations. Le domaine de l’hôtellerie dispose d’une petite augmentation sur le nombre des contrats grâce au développement touristique favorisé par la localisation géographique de la province. 276 BURGOS, A. « El paro afecta ya al 12% de los 50.000 rumanos de Castellón, con casi 3.000 bajas en un año ». Las Provincias [En ligne]. 28 Mars 2009, Disponible sur < http://www.lasprovincias.es/valencia/20090328/Castellón/paro-afecta-rumanos-Castellón-20090328.html > (consulté le 15 Août, 2010) 254 Selon l’opinion du Délégué du Gouvernement Central, Antonio Lorenzo, à Castellón pendant la même période 2008-2009 dans le cas des travailleurs roumains : « en el caso de los autónomos se han dado de baja 513 ciudadanos de origen rumano y, en el régimen especial de empleados de hogar, han perdido el empleo otros 215 trabajadores » 277 , « dans le cas des autonomes, 513 citoyens d’origine roumaine ont renoncé à ce régime et dans le secteur spécial des employées du ménage, 215 travailleurs ont perdu leur emploi ». Dans le cas des employées roumaines dans le secteur du ménage il y a aussi une autre hypothèse pour les désaffiliations. Selon les témoignages des femmes qui travaillent dans ce secteur, elles doivent entretenir toute la famille dans la plupart des cas, alors elles prennent la décision de renoncer à l’affiliation pour limiter les frais. Elles continuent de travailler, mais sans payer les cotisations, donc dans le marché parallèle. Elles travaillent à l’heure et comme il n’existe pas de bulletin de salaires, elles peuvent utiliser tout l’argent pour leur famille. L’inconvénient consiste dans le fait qu’elles perdent de l’ancienneté pour le calcul d’une meilleure retraite. Graphique 24. Employés étrangers dans la Province de Castellón selon les secteurs d’activité Source : Données du Ministère de Travail et Immigration: “Afiliación en alta laboral extranjeros por secciones de actividad y provincias. Regimen general - enero 2008 y diciembre 2008”. R. Bucur, 2009 277 BURGOS, A. « El paro afecta ya al 12% de los 50.000 rumanos de Castellón, con casi 3.000 bajas en un año ». Las Provincias [En ligne]. 28 Mars 2009, Disponible sur : < http://www.lasprovincias.es/valencia/20090328/Castellón/paro-afecta-rumanos-Castellón-20090328.html > (consulté le 15 Août, 2010) 255 Les études réalisées sur la situation du marché du travail font constater que « le taux de chômage est plus grand dans la population étrangère que dans la population espagnole. Dans le cas de la population autochtone le taux de chômage a connu une diminution jusqu’en 2007 et puis une augmentation en 2008 et 2009. Dans le cas de la population étrangère on a observé une augmentation soutenue du chômage avec une forte accélération en 2008 et 2009 » 278 . Evolution du chômage des Roumains migrants en Espagne 2009 2008 2007 0 20000 40000 60000 80000 100000 120000 140000 Graphique 25. Situation des chômeurs roumains pendant la crise. Source: L’Enquête de la Population Active. L’Institut National de Statistique. R. Bucur, 2010 A la suite du dernier rapport 279 sur le marché du travail espagnol le nombre de roumains en chômage a plus que doublé depuis 2007 jusqu’à 2009, de 60 826 à 137 756 chômeurs roumains. A l’échelle de la Province de Castellón le taux de chômage a augmenté de 6,37% en 2006 jusqu’à 24,90% en 2010280 en dépassant la moyenne nationale de 20%.En relation très directe avec la situation économique se posent plusieurs questions : Comment réagit la population roumaine de Castellón devant la crise ? Quelles perspectives envisage-t-elle ? Quelle est la réaction des entrepreneurs roumains et des entrepreneurs autochtones ? Quelle est la position des autorités roumaines devant la situation de leurs compatriotes ? 278 LAZARO GUILLAMON, Carmen et CALVET MOJON, Marisa. Mercado de trabajo e inmigración. Impacto de la crisis económica. Universitat Jaume I, Oficina de Cooperació al Desenvolupament i Solidaritat. Castelló de la Plana, 2010.65 p (citation p.16) 279 PAJARES, Miguel. Inmigración y mercado de trabajo. Informe 2010. Madrid, Ministerio de Trabajo e Inmigración, Observatorio Permanente de la Inmigración, 2010.172 p (citation p.47) 280 Données de l’Enquête sur la Population Active, de l’Institut National de Statistique, 2-ème trimestre 2010 256 La situation des travailleurs roumains devenus actuellement chômeurs en Espagne est très difficile. La difficulté ne vient pas seulement de la perte de l’emploi mais aussi des dettes accumulées. La plupart des roumains de Castellón ont des emprunts dans les banques espagnoles pour l’achat d’une voiture, pour l’ouverture d’une petite entreprise ou une hypothèque. Ces raisons sont importantes et empêchent le retour de ceux qui ne voient pas d’amélioration de leur situation en Espagne. A la suite d’une enquête réalisée en 20072008, avant l’accentuation de la crise, 68% des personnes interrogées ont répondu qu’ils retourneront en Roumanie, mais n’ont pas mentionné le délai. Cette question clé est omniprésente dans toutes les recherches faites sur ce thème. Une autre étude réalisée à Castellón montre que les « espoirs de retour dans le pays d’origine sont très élevés, presque 75% de la population roumaine de la province soit 39000 Roumains » 281 . Mais la question du retour de la population roumaine reste encore en suspens. Selon les données statistiques 282 on a comptabilisé, en 2008, un total de 14 000 Roumains de retour au pays. Même si, d’après les données officielles le retour des Roumains est bien réel, il est assez difficile d’en faire l’évaluation exacte. Les difficultés sont accrues par le fait que les Roumains qui repartent ne déclarent pas leur retour et figurent donc encore dans les statistiques. Ainsi, on se demande si la situation communautaire des Roumains influence un retour au pays d’origine, une autre trajectoire migratoire ou une arrivée en Espagne. Ce statut communautaire peut-il rendre plus difficile la comptabilité des personnes reparties ? Le statut de citoyen communautaire rend les roumains plus mobiles. Ils peuvent essayer de trouver un emploi sur d’autres marchés de l’Union Européenne. A l’échelle de l’Espagne, en passant la période de transition, ils peuvent travailler sans restriction. Paradoxalement, dans une situation de crise, il y a des variations intéressantes sur les affiliations à la sécurité sociale avec des petites augmentations dans certains secteurs d’activité. 281 BERNAT MARTI, Joan Serafi (Dir.). Estudio del capital social a partir de las redes sociales y su contribución al desarrollo socioeconómico: el colectivo de inmigrantes rumanos en la provincia de Castellón [En ligne]. Fundación Ceimigra. Valencia, 2010.168 p.(Cuadernos de investigación, 13) Disponible sur : < http://www.ceimigra.net/observatorio/images/stories/Cuadernos_N_13_vfbl.pdf 282 PAJARES, Miguel. Inmigración y mercado de trabajo. Informe 2010. Madrid, Ministerio de Trabajo e Inmigración, Observatorio Permanente de la Inmigración, 2010.172 p (citation p.120) 257 Date Régime général Autonomes Secteur Agricole Secteur Total Domestique avr-10 162 024 22 972 84 504 15 543 285 192 mai-10 166 156 22 928 85 034 15 611 289 884 juin-10 170 175 22 774 81 543 15 635 290 289 Tableau 14. Les affiliations des roumains à la sécurité sociale à l’échelle de l’Espagne. Source : Données du Ministère de Travail et Immigration « Afiliacion media de los extranjeros a la Seguridad Social avril-junio 2010 ». R. Bucur, 2010 Nous pouvons analyser le tableau 14 et remarquer une augmentation d’affiliations de travailleurs roumains dans les trois mois consécutifs. Nous pouvons ainsi distinguer une petite croissance des salariés (régime général) et une diminution des autonomes. Cette situation est la conséquence de la décision espagnole de lever les restrictions concernant les Roumains, de travailler librement sur le marché espagnol. Alors, beaucoup de travailleurs roumains ont renoncé au régime autonome ou sont sortis du marché parallèle et ont trouvé un emploi salarié. Mais ce sont les cas les plus heureux, ceux qui ont survécu à la crise et les chiffres montrent un panorama à l’échelle nationale.Que font les Roumains de Castellón en situation de crise ? Retournent-ils en Roumanie ? Selon les témoignages des personnes qui demandent de l’aide et des informations à l’Association des Immigrants des Pays de l’Est 283 (AIPE) nous pouvons identifier plusieurs stratégies pour affronter la crise avant de quitter Castellón. 2.3.3.2. Les stratégies individuelles devant la crise Dans un premier temps, les Roumains qui se sont engagés dans une hypothèque ne pensent pas retourner au pays d’origine. Ils essaient de négocier avec la banque pour recalculer les taux d’intérêt de leurs dettes qui seront remboursées plus tard. Parfois la banque accepte un remboursement minimum en attendant que la famille trouve un emploi et reprenne les charges initiales. 283 Entretien avec Angela Placsintar, présidente de l’AIPE, Castellón de la Plana, 2010 258 Une autre stratégie très utilisée dans les familles roumaines qui ont acheté un appartement à Castellón est de louer cet appartement et de s’aménager dans un autre où ils n’occupent qu’une chambre. Certains louent des chambres de leur appartement. Ils reviennent donc à la situation du début de leur projet migratoire. Ils acceptent de vivre et de partager leur logement afin d’épargner de l’argent pour rembourser l’hypothèque. Comme la crise a touché plutôt le secteur de la construction, la majorité des familles survivent avec le salaire de la femme qui travaille dans le service domestique. Nous rencontrons des cas extrêmes par exemple des familles qui ont laissé les clés de leur appartement à la banque sans signer le dépôt de celles-ci ou d’autres qui ont fermé l’appartement et qui sont partis en Roumanie ou dans une autre province espagnole. Une situation dramatique est celle d’une famille qui est partie et qui a laissé la jeune fille mineure à Castellón pendant qu’elle était à l’école. Alors, l’étudiante de 17 ans s’est mise à chercher du travail pour pouvoir louer une chambre et survivre. « C’est un vrai danger surtout que cette fille aurait pu facilement entrer dans un réseau de prostitution. Les gens sont désespérés !», ajoute la présidente de l’AIPE. Dans certaines situations la banque accepte de recevoir les clés de l’appartement et les gens peuvent retourner en Roumanie. Par contre « les gens ne lisent pas attentivement le contrat d’achat. Il y est écrit en petits caractères que tous leurs gains constituent des garanties pour le remboursement des dettes, et sont inclues les propriétés de leur pays d’origine. Alors une personne qui ne respecte pas son contrat et ne paye pas les dettes, risque de tout perdre, même ses biens en Roumanie » 284 . Dans les situations les plus favorables, les familles contactent des agences immobilières, réussissent à louer leur appartement et repartent en Roumanie, surtout à la campagne où ils se mettent à travailler la terre et la petite agriculture de subsistance comme avant. Ils reviennent dans les maisons de leurs parents ou grands-parents et ils attendent que la crise passe pour revenir en Espagne. Pendant leur séjour en Roumanie le loyer que paient leurs nouveaux locataires représente en fait, leur hypothèque. 284 Entretien avec Angela Placsintar, présidente de l’AIPE, Castellón de la Plana, 2010 259 Les exemples les plus précaires sont les gens qui n’ont pas de travail ni d’argent pour louer une chambre. Alors ils commencent à occuper les maisons abandonnées de Castellón et surtout celles des plantations d’orangers 285 . Ils habitent dans des conditions très dures : sans eau ni électricité. Leur nourriture est fournie par les aides paroissiales ou les invendus des supermarchés et des restaurants. Certaines personnes se mettent à mendier ou à voler du cuivre pour le vendre ensuite. Les Roumains qui trouvent un petit emploi dans le marché clandestin risquent de ne pas être payés. Dans certains cas, des employés avec un travail régulier sous contrat étaient obligés de signer aussi un papier en blanc. C’était comme une assurance pour le patron dans le cas où le travailleur décidait de renoncer au travail, il partait sans aucune indemnisation ni surtout de droit au chômage. Les réclamations contre cette méthode injuste, auprès des services compétents n’ont pas encore abouti. Photo 14. Maison située dans les plantations d’orangers occupée par les Roumains sans ressources économiques. R.Bucur, Castellón de la Plana, 2011 285 « Desalojada en Castellón una alquería ocupada por rumanos ». El Pais [En ligne]. 15 Avril 2009, Disponible sur :< http://www.elpais.com/articulo/Comunidad/Valenciana/DESALOJADA/CASTELLÓN/ALQUERIA/ OCUPADA/RUMANOS/elpepiespval/20090415elpval_3/Tes > (consulté le 11 Août, 2010) 260 Dans la majorité des familles victimes du chômage, c’est en général l’homme qui est le plus affecté par la crise, car lui, il travaillait dans le secteur de la construction. Pour améliorer le revenu de la famille, comme la femme est la seule à travailler, elle fait venir de Roumanie d’autres femmes de la famille, comme sa mère ou sa belle-mère. A travers recommandations et réseaux elle essaie de leur trouver une place comme interne. De cette façon, la nouvelle venue contribue avec son salaire au revenu de la famille. Comme travailleuse interne elle habite dans la famille chez qui elle travaille de manière irrégulière. C’est la dure réalité de la migration qui s’accentue dans ce contexte de crise. 2.3.3.3. La position des entrepreneurs roumains et espagnols devant la crise Mais que se passe-t-il chez les entrepreneurs roumains ? Et chez les entrepreneurs espagnols ? Comme nous le décrivions plus haut, la plupart des petites et moyennes entreprises roumaines étaient dans le secteur de la construction et avec l’arrivée de la crise les deux tiers de celles-ci ont fermé: « La crise affecte spécialement les immigrants, de 200 à 300 entreprises 286 en relation avec la construction et dirigées par des Roumains à Castellón ont fermé leurs portes» (traduit de l’espagnol). Selon l’opinion du président du Centre Civique de Castellón, parlant des entreprises roumaines «des centaines sont tombées » 287 (traduction de l’espagnol). Dans un premier temps les travailleurs autonomes ont été les premiers à renoncer à leur statut. Cette situation est arrivée en raison de la crise du secteur de la construction surtout que la majorité des autonomes travaillaient dans ce domaine : « Pendant les onze mois de cette année (2009) on compte un total de 23 312 travailleurs autonomes de la Communauté Valencienne qui ont renoncé à ce type d’affiliation sociale » 288 (traduction de l’espagnol). 286 PEREZ, Laura. « 200 empresas de rumanos relacionadas con ma construccion cierran en un ano en Castellón ». Las Provincias [En ligne]. 8 Juillet 2008, Disponible sur : < http://www.lasprovincias.es/valencia/20080707/Castellón/empresas-rumanos-relacionadas-construccion20080707.html > (consulté le 11 Août, 2010) 287 « La crisis acaba con los empresarios rumanos en Castellón ». In : URBANISMO.com [En ligne], 2008. Disponible sur : < http://www.urbanismo.com/la-crisis-acaba-con-los-empresarios-rumanos-en-Castellón/ > (consulté le 7 Août, 2010) 288 « Autonomos, en crisis ». El Periodico Mediterraneo [En ligne]. 11 Décembre 2009, Disponible sur : < http://www.elperiodicomediterraneo.com/noticias/noticia.asp?pkid=514962 > (consulté le 11 Août, 2010) 261 Dans le cas des Roumains, les nouvelles conditions de travail sur le marché espagnol, à partir de janvier 2009, ont aggravé la diminution des travailleurs dans le régime autonome. Les autres entrepreneurs espagnols ou roumains des PME ont dû appliquer des mesures anticrise: la plupart a réduit le nombre de ses travailleurs ayant pour conséquence directe la montée en nombre des chômeurs roumains. D’autres entreprises « se sont solidarisées avec les travailleurs » 289 , c'est-à-dire qu’au lieu de réduire le nombre des travailleurs ils ont préféré réduire leurs salaires à 80 ou 60%. La mesure inévitable pour la plupart des PME de construction a été le licenciement. Le pire c’est que ces entreprises ont été contraintes de fermer. Mais comment s’est passé ce licenciement, et à quel prix ? Le processus de fermeture est très simple : la grande entreprise constructrice qui subordonne les PME entre en suspension de paiement. Alors, elle reporte les paiements aux petites entreprises pendant trois mois, c'est-à-dire, une forme de licenciement sans devoir payer les contrats aux petites entreprises sous traitantes. En passant ce délai, les petites entreprises reçoivent des chèques sans couverture dans les banques. Alors, elles ne peuvent pas payer leurs employés ni les autres frais. Dans la plupart des cas elles ont aussi des emprunts dans les banques pour assurer les salaires. Soit les petites entreprises restent avec des dettes bancaires soit avec des dettes bancaires mais aussi sans pouvoir payer les travailleurs alors elles licencient. Il y a des entreprises qui auraient dû encore recevoir beaucoup d’argent de l’entreprise constructrice. « J’ai un exemple concret, d’une entreprise roumaine de construction qui a dû être dissoute et qui garde une dette gigantesque pour payer dix voitures et les salaires des 120 travailleurs alors que la grande entreprise lui doit 130000 euros. Mais le pire est que cette grande entreprise fonctionne encore maintenant, qu’elle est en procès avec la petite entreprise mais qu’il n’y a pas d’espoir pour cette dernière de remboursement de la dette » selon le témoignage de la présidente de l’AIPE. D’autres entreprises roumaines se réorientent vers d’autres types de négoces en fonction de la demande sur le marché comme nous l’avons étudié dans le cas du salon de coiffure, du four ou d’autres magasins alimentaires. Ces négoces sont restés ouverts pendant la crise et leurs produits ont réussi à résister sur le marché espagnol. 289 Entretien avec Angela Placsintar, présidente AIPE, Castellón de la Plana, 2010 262 Dans ce contexte très difficile en Espagne, les grandes entreprises roumaines comme par exemple l’agence immobilière qui s’est orientée vers le pays d’origine ainsi que d’autres entreprises espagnoles se sont déjà installées en Roumanie. Les entrepreneurs commencent à imaginer d’autres stratégies d’affaires en prenant en compte les atouts fournis par l’entrée de la Roumanie dans l’U.E. À l’échelle de la Province de Castellón une convention a été signée depuis octobre de 2007 entre la Chambre de Commerce de Castellón 290 et l’Association des Entrepreneurs Roumains de Castellón dans le but d’intensifier les relations de collaboration économique entre les entreprises autochtones et celles de Roumanie. Selon le témoignage de la responsable du commerce extérieur de la Chambre de Commerce de Castellón ils collaborent déjà dans un projet Interreg qui se développe à Oradea et à Dâmboviţa dans quatre secteurs d’activité : la construction, le tourisme, l’immobilier et la logistique. Au moment de l’entretien, en 2008, il y avait déjà 135 entreprises espagnoles de Castellón transférées en Roumanie. La Chambre de commerce de Castellón reçoit beaucoup de personnes sollicitant des conseils commerciaux et 70% 291 des demandes touchent les conversions en Roumanie. Pour une meilleure consolidation des relations commerciales entre les deux pays, l’Institut Valencien d’Exportation a ouvert un siège à Bucarest pour couvrir les besoins de conseil aux entrepreneurs qui veulent investir, intensifier les exportations de matériels de construction, d’outillages, de machines qui avaient augmenté jusqu'à 125% 292 dans les derniers cinq ans. Le choix de la Roumanie pour l’amplification du réseau de l’Institut est motivé par le grand nombre de Roumains qui habitent en Espagne et qui pensent au retour ou à la réalisation d’une affaire dans le pays d’origine. Les avantages européens interviennent ici dans leurs collaborations commerciales. À une échelle privée les grandes entreprises constructrices sont déjà en Roumanie et « elles sont parties d’ici avec leurs chefs. Les travailleurs sont employés en Roumanie et si les promesses de salaires étaient au début de 700-800 euros, en réalité elles ont baissé de moitié » 293 . Cet aspect n’est pas unique, d’autres entreprises ont promis des places d’emploi et des bons salaires mais dans le pays d’origine n’ont pas tenu leurs promesses. 290 « Convenio de cooperación Cámara de Comercio- Asociación de Empresarios Rumanos de Castellón ». In: CAMARA DE COMERCIO CASTELLÓN [En ligne], 2007. Disponible sur : < http://www.camaracs.es/apartados/prensa/noticia.asp?id=349 > (consulté le 8 Août, 2010) 291 Entretien avec la responsable du Département du Commerce Extérieur, du Chambre de Commerce, Castellón de la Plana, 2008. 292 « Centro empresarial Bucarest.....Rumania ». In : Instituto Valenciano de la Exportación [En ligne], Disponible sur : < http://www.ivex.es/red_exterior/centrosempresariales/RO_bucarest/centroempresarial.html > (consulté le 11 Août, 2010) 293 Témoignage de Angela Placsintar, présidente de l’AIPE, Castellón de la Plana, 2010 263 Comment les autorités roumaines ont-elles répondu à cette situation de crise dans ce contexte très fragile pour la survie de ses citoyens à l’étranger ? 2.3.3.4. Les mesures anti-crise prises par les autorités roumaines pour ses citoyens en Espagne Les autorités roumaines ont utilisé plusieurs stratégies pour faciliter le retour des travailleurs roumains dans le pays d’origine. D’abord depuis le pays d’origine les migrants saisonniers ont plus de difficultés pour sortir avec un contrat de travail pour « les fraisiers » : « En la campaña fresera 2007/2008 querían contratar 11 598 trabajadoras nominativas (repetidoras) y 10 977 genéricas (personas que participan por primera vez en la campaña). El Subdelegado del Gobierno en Huelva tuvo que pedirles que redirigieran parte de estas últimas ofertas a otros países, ya que de ellas la Administración rumana sólo garantizaba la contratación de 4 000 personas (Huelva Información, 22 y 23 de octubre de 2007) » 294 . (« Dans la campagne de la cueillette des fraises 2007/2008 on voulait employer 11 598 travailleurs qui avaient participé antérieurement et 10 977 personnes qui participaient pour la première fois dans la campagne. Le responsable du gouvernement de Huelva a demandé de proposer une partie de ces offres à d’autres pays car l’Administration roumaine assurait l’embauche de 4 000 personnes seulement »). Le Gouvernement roumain a adopté aussi une autre stratégie celle de donner une certaine « impulsion » pour attirer la main d’œuvre qualifiée parmi les Roumains expatriés. Même si, à l’Etranger les Roumains qualifiés avaient des emplois au-dessous de leur réelle formation professionnelle, les compensations financières pouvaient « effacer » cette dévalorisation du degré de qualification. Après dix ans de forte immigration dans les pays européens, les gouvernants roumains organisent des bourses d’emploi dans les pays qui accueillent des Roumains. En avril 2008, le gouvernement roumain fait à Castellón, un appel à ses travailleurs. Il apporte des arguments en parlant de la croissance économique et du déficit de main d’œuvre que connaît actuellement la Roumanie. Il prétend offrir 11 000 postes de travail à différents niveaux professionnels et de formation. 294 GORDO MARQUEZ, Mercedes. « ¡Volved a Rumania, por favor! La política de retorno del gobierno rumano y sus implicaciones en los inmigrantes que se encuentran en España ». Cuadernos de Geografía. 2008, n°84, p.153-168 (citation p.160) 264 Citons le représentant de l’Ambassade de Roumanie en Espagne, Catalin Boicu: « Nuestra oferta de trabajo es para gente con carrera y para peones » 295 mais avec des salaires inférieurs, ce qui n’incite pas le retour de leurs co-nationaux. La majorité des Roumains qui ont répondu à cet appel du Ministère du Travail Roumain se sont informés surtout sur la situation économique actuelle de leur pays et sur les possibilités d’ouvrir une petite entreprise. Dans l’entretien avec la représentante roumaine nous remarquons qu’elle prône le retour des Roumains mais qu’elle ne comprend pas leur situation professionnelle à l’étranger ni leurs difficultés : « ici ils acceptent n’importe quel travail et quand ils veulent retourner en Roumanie, ils veulent être seulement des patrons » 296 . Les travailleurs roumains qui ont participé à cette bourse de travail ont exprimé leurs doutes sur les promesses des officiels roumains : "Pero aquí nos podemos aún ganar la vida mejor", explica Valer Dan, albañil, que vive en el pueblo Castellónense de Burriana. "No nos acabamos de fiar", añade, "porque tienes que irte allí, arriesgarte a hacer pruebas para que te cojan, y sin que te aseguren todo desde aquí". "Y los bancos rumanos no dan créditos alegremente", opina 297 . (« Mais ici nous pouvons mieux gagner notre vie, explique Valer Dan, qui est maçon et qui habite à Burriana, un village proche à Castellón. Nous n’avons pas confiance, ajoute-t-il, pourquoi aller là-bas, et prendre des risques, donner des preuves de travail pour qu’ils t’embauchent mais sans aucune assurance. Et les banques roumaines n’accordent pas de crédits très facilement»). À propos de la bourse d’emploi prônée à Castellón en avril 2008 beaucoup de personnes préfèrent encore le chômage en Espagne car leurs indemnités dépassent les salaires de Roumanie. 295 OLEAQUE, Joan. « Los rumanos aún no regresan ». El Pais [En ligne]. 14 Avril 2008, Disponible sur : < http://www.elpais.com/articulo/espana/rumanos/regresan/elpepiesp/20080414elpepinac_20/Tes > (consulté le 11 Août, 2010) 296 Entretien avec la Représentante roumaine du Bureau de la Préfecture de Département de Dâmboviţa, Castellón, août 2008 297 OLEAQUE, Joan. « Los rumanos aún no regresan ». El Pais [En ligne]. 14 Avril 2008, Disponible sur : < http://www.elpais.com/articulo/espana/rumanos/regresan/elpepiesp/20080414elpepinac_20/Tes > (consulté le 11 Août, 2010) 265 La solution de retour des Roumains connaît un autre aspect, moins intéressant pour l’économie roumaine, mais au moment d’une éphémère prospérité économique il n’est pas pris en compte par les autorités roumaines. Il s’agit des possibles pertes d’envois des fonds dans le cas du retour des travailleurs roumains: « Al mismo tiempo hay que valorar si la política de retorno compensa el dinero que Rumanía dejaría de percibir en concepto de remesas. Las autoridades de Rumanía deben plantearse si el papel que los rumanos retornados jugarán en la economía nacional, sus niveles de productividad y demanda de bienes y servicios, permitirá compensar los ingresos que el país dejaría de percibir en concepto de remesas» 298 (« Dans le même temps, il faudra évaluer si la politique de retour compense l’argent que la Roumanie reçoit. Les autorités roumaines doivent penser au rôle des Roumains retournés dans l’économie nationale, pour ses niveaux de productivité et dans la demande de besoins et de services, et si tous ces aspects permettront une bonne compensation pour le pays quand il ne recevra plus de l’argent »). Alors, comme la bourse d’emploi n’a pas le grand succès escompté, les autorités roumaines changent de stratégie. De plus, l’arrivée de la crise en Roumanie met en difficulté les possibilités d’emploi promises et une éventuelle augmentation des salaires. Le gouvernement commence alors une campagne publicitaire pour améliorer l’image des Roumains dans les mêmes pays où il avait organisé la bourse de travail: l’Italie et l’Espagne. Cette campagne produit des effets contraires à celle de l’appel aux travailleurs roumains parce qu’elle a le rôle d’améliorer les conditions de vie de ses citoyens dans le pays d’accueil: « En este sentido hay que destacar lo contradictorio que resulta que el propio Gobierno rumano haya puesto en marcha paralelamente una operación de cirugía estética de sus emigrantes. Es decir, han iniciado, tanto en España como en Italia, una campaña para mejorar la imagen de sus compatriotas en estos países» 299 . 298 GORDO MARQUEZ, Mercedes. « ¡Volved a Rumania, por favor! La política de retorno del gobierno rumano y sus implicaciones en los inmigrantes que se encuentran en España ». Cuadernos de Geografia. 2008, n°84, p. 153-168 (citation p.165) 299 Idem, ibidem 266 Les objectifs évoqués par les autorités roumaines sont: le soutien de l’image de ses citoyens dans un contexte de la crise en Espagne qui peut créer des difficultés à l’heure de maintenir ou trouver un emploi pour les citoyens roumains.Un autre rôle de cette campagne nait dans le contexte de l’incertitude sur l’amplification de la période de restrictions sur le marché de travail (prévue jusqu’au 1 janvier 2009) ce qui pourrait encore mettre en difficulté la vie des travailleurs roumains en Espagne. Dans ce contexte de meilleures conditions de vie, les Roumains ne retournent plus dans le pays d’origine, ils continuent d’envoyer de l’argent pour soutenir l’économie roumaine qui ressent déjà les effets de la crise économique. Toutes ces stratégies gouvernementales ont été critiquées d’une manière ou d’une autre par les personnalités du monde associatif roumain: « El hecho de que el plan de regreso se llevara a cabo en plena campaña electoral en Rumanía, unido a las recientes inconsistencias, hace pensar que se trató más bien de una decisión de cara a la galería, un gesto para captar votantes » 300 . (« Le fait que le plan de retour soit organisé en pleine campagne électorale en Roumanie, s’ajoute aux récentes erreurs, et donnent à penser qu’il s’agit plutôt d’une décision superficielle, d’un geste pour capter l’électorat »). Cette argumentation est valable étant donné que chaque processus électoral en Roumanie est suivi par la visite des politiciens roumains pour solliciter plus ou mois directement, les votes des Roumains installés à l’étranger. L’augmentation du taux de chômage parmi la population étrangère en Espagne et surtout chez les travailleurs roumains, encourage d’autres mesures intergouvernementales. Il s’agit d’un Plan de Retour Volontaire pour les travailleurs extracommunautaires dans un premier temps puis une mesure adaptée à la situation des roumains. Le programme donnait la possibilité de retour aux personnes chômeuses ou en fin de droits jusqu’au 31 août 2010. Ce plan accordait une aide de voyage et le payement du chômage en deux temps (un pourcentage de 40% 301 en Espagne et 60% en Roumanie entre 30 et 90 jours depuis la date du premier payement) mais avec en échange, l’obligation pour le travailleur de rester et de chercher un emploi dans son pays d’origine. Il devait renoncer à tous les documents acquis en Espagne et ne pas retourner pour chercher un emploi pendant trois ans. 300 GORDO MARQUEZ, Mercedes. « ¡Volved a Rumania, por favor! La política de retorno del gobierno rumano y sus implicaciones en los inmigrantes que se encuentran en España ». Cuadernos de Geografia. 2008, n°84, p. 153-168 (citation p.165) 301 « Plan de retorno voluntario ». In : Gobierno de España [En ligne], Disponible sur : < http://www.planderetornovoluntario.es/index_uno.html#dos > (consulté le 11 Août, 2010) 267 Le plan n’a pas encouragé beaucoup de travailleurs roumains à repartir. Avec la libre circulation et la possibilité de travailler sur le marché espagnol, beaucoup de travailleurs roumains en chômage ont adopté des stratégies de plus en plus intéressantes pour leur survie. D’une manière informelle, même au chômage, ils allaient en Roumanie pour des périodes allant jusqu’à trois mois puis retournaient en Espagne pour signer le renouvellement de la demande d’emploi. C’était la seule méthode pour contrôler la présence de la personne en Espagne même si elle avait la possibilité de faires ces démarches administratives par internet. Mais les Roumains préféraient être présents physiquement pour faire cette tractation. Ensuite ils revenaient au pays d’origine pour trouver du travail et vivre. Dans cette situation, recourir au « Plan de retour » initié par les autorités ne se justifiait pas surtout que celui-ci incluait certains compromis assez défavorables aux travailleurs roumains résidants en Espagne. Ces stratégies sont connues de toutes les personnes qui travaillent dans le domaine de la migration: « El Tesorero de la Federación, Esteban Tomás, declaró que los rumanos que están sin empleo en España se van a su país de origen “para ver como están las posibilidades de trabajo y poder estar con su familia” pero “vuelven cada tres meses para firmar el paro y seguir recibiendo esta prestación » 302 . (« Le trésorier de la fédération, (Fédération des Roumains de l’Espagne) Esteban Tomas précise que les Roumains sans emploi en Espagne retournent dans leur pays d’origine pour voir quelles possibilités d’emploi il y a et pouvoir être avec leur famille mais ils rentrent une fois tous les trois mois pour signer et recevoir l’indemnisation »). À l’échelle de la Province de Castellón la situation est la même que dans tout le pays et parfois pire, comme en témoigne la présidente d’AIPE, Angela Placsintar: « nous avons eu plusieurs cas de retour volontaire. Je me souviens que nous avons aidé conformément au « Plan de retour », deux femmes à retourner dans le pays d’origine. Elles étaient dans une situation extrême sans aucune possibilité de rester en Espagne. Le processus a été long et très laborieux au niveau des documents, car elles ont dû renoncer à tous les documents espagnols. Ces derniers ont été retournés aux autorités sous leur signature. Finalement, elles ont reçu les billets de retour et l’argent de poche pour le voyage et sont rentrées en Roumanie ». Ainsi, le « Plan de retour » ne s’est effectué que dans les cas très précaires quand les personnes restaient sans ressources ni pour rester à Castellón ni pour repartir chez elles. 302 « Relaciones hispano-rumanas. La visita del ministro de trabajo español ». Revista del Ministerio de Trabajo y Asuntos Sociales. 2009, n°124, p.112-116 (citation p.114) 268 Pour conclure ce chapitre, nous pouvons faire un état des lieux sur les stratégies adoptées par les roumains installés à Castellón, tant au niveau individuel qu’à l’échelle de l’entreprise. La situation de chômage et de crise qui se maintient en Espagne et à Castellón en particulier, influence les décisions de retour pour la majorité des Roumains. Les emprunts bancaires souscrits pour l’achat de maisons en Espagne interviennent souvent dans le choix de revenir en Roumanie. Les licenciements dans les entreprises roumaines et espagnoles aggravent la difficulté du marché de l’emploi. La répartition des tâches familiales avec l’emploi de la femme qui permet le maintien de la famille à Castellón est une pratique très courante. Les tentatives du gouvernement roumain sans base solide d’attraction des travailleurs roumains vers le pays d’origine ont abouti à un grand échec. L’adaptation exceptionnelle du Plan de Retour Volontaire pour les Roumains n’a pas connu le succès espéré. Les Roumains au chômage en Espagne ont trouvé des stratégies « par le bas » pour recevoir l’indemnisation et en même temps tâtonner sur le marché de l’emploi roumain sans s’engager dans les compromis imposés par le plan de retour. Les chiffres du retour des Roumains restent très incertains. Nous pouvons parler plutôt d’une circulation de travailleurs roumains à plusieurs échelles : à l’intérieur de l’Espagne, dans d’autres pays européens et en Roumanie, à la recherche des opportunités d’emploi. 269 Conclusion En conclusion, dans un premier temps nous avons remarqué une multitude de stratégies d’insertion sur le marché de travail par des Roumains entre le début de leur migration et le moment actuel. Les conditions de plus en plus difficiles imposées par chaque processus de régularisation n’ont pas vraiment constitué des obstacles devant les tactiques utilisées pour l’obtention d’un permis de séjour et travail. Par contre, la différence entre les roumains enregistrés et ceux en situation irrégulière existe toujours même avec le nouveau statut communautaire. Les restrictions sur le marché de travail espagnol entre 2007-2009 pour les nouveaux communautaires roumains ont imposé la possibilité de travailler seulement comme travailleur autonome ce qui a multiplié le nombre des travailleurs autonomes. Cette stratégie éphémère a été remplacée par celle de salarié à partir de janvier 2009. Nous observons une foison de stratégies innovatrices d’insertion sur le marché du travail, ainsi les initiatives entrepreneuriales individuelles dans le cas des travailleurs autonomes et des femmes roumaines. Celles-ci travaillent dans le secteur domestique comme travailleuses indépendantes et parfois leur condition évolue vers le statut de PME. A Castellón, nous observons une multitude d’entreprises roumaines dans différents secteurs d’activité. Il y en a autant dans le secteur du bâtiment que dans les secteurs des : boucheries, magasins alimentaires, restaurants, cafeterias, salons de coiffure, pâtisseries, entreprises du transport etc. La plupart des modèles d’initiatives entrepreneuriales présentés ont démarré dans la continuité de l’emploi du pays d’origine ou de la compétence actuelle du patron. Le développement des moyens de transport et communication encourage le fonctionnement des entreprises à caractère transnational. Dans le même temps nous remarquons une implication des institutions comme la Chambre de Commerce pour consolider les relations avec la Roumanie dans un contexte européen favorable au développement des projets partagés. La situation actuelle de la crise économique détermine la recherche de solutions parmi les migrants établis à Castellón tant à l’échelle individuelle qu’à l’échelle de l’entreprise. 270 Les situations personnelles très compliquées avec des propriétés hypothéquées en Espagne et des crédits bancaires sont les principales raisons qui interviennent dans le choix du retour en Roumanie. Les licenciements des entreprises roumaines et espagnoles accentuent la situation difficile du marché de l’emploi. La répartition des tâches familiales avec une prédominance féminine pour le support économique des familles roumaines à Castellón est une pratique très courante. Malgré la conjoncture économique de la province espagnole, les entrepreneurs roumains cherchent des solutions pour sortir du marasme ambiant en créant d’autres types d’entreprises, surtout d’alimentation. Concernant la réponse du gouvernement roumain, nous ajoutons différentes tentatives pour attirer les travailleurs roumains dans leur pays d’origine : la réduction du nombre des contrats signés en Roumanie pour la cueillette des fraises, l’organisation d’une bourse d’emploi avec des postes de travail au pays d’origine, ou une campagne publicitaire pour améliorer l’image des roumains en Espagne. Mais, toutes ces actions ont largement échoué. Même l’extension dans le cas des Roumains du Plan de Retour Volontaire créé initialement pour les citoyens extracommunautaires n’a pas réussi. Les Roumains recevant l’indemnisation du chômage en Espagne retournaient en Roumanie pour des petits délais qui leur permettaient de tester le marché de l’emploi roumain sans les compromis imposés par le plan de retour volontaire qui contredisent les normes européennes. Soutenus aussi par les droits communautaires, les travailleurs roumains circulent : à l’intérieur du territoire espagnol, vers d’autres provinces moins touchées par la crise économique, vers d’autres pays européens et même en Roumanie à la recherche d’emplois. Les chiffres du retour des Roumains au pays ne donnent pas une image encore très claire. 271 Conclusion Les nouvelles configurations territoriales des Roumains à Castellón de la Plana entre prospérité et crise économique Ainsi nous confirmons les hypothèses avancées au début de la construction des réseaux migratoires roumains à Castellón. Les informations reçues à travers les églises adventistes de Roumanie en lien continu avec les autres fidèles de la même religion à l’échelle internationale ont favorisé le département de Castellón comme destination de cette migration. La présence d’une communauté adventiste espagnole et la solidarité de certains de ses membres ont aidé dans une première phase cette arrivée des Roumains. Sur le chemin des réseaux religieux se sont développé les autres réseaux familiaux et amicaux. Ils ont contribué à la création d’un champ migratoire des familles roumaines ayant des noyaux correspondants entre la ville de Castellón de la Plana et la ville de Targoviste du Département roumain Dâmboviţa. Toujours à l’échelle territoriale, la carte réalisée à la suite de l’enquête quantitative sur les envois des fonds dans les lieux d’origine nous dévoile une correspondance entre la provenance des noyaux des Roumains installés à Castellón et les points territoriaux de la destination des envois des fonds. Ces envois des fonds : l’argent, les colis, les cadeaux, par des moyens formels ou informels confirment l’importance de cette présence roumaine dans la province de Castellón et sa capitale. Pour rendre visible la complexité des situations des ménages roumains installés à Castellón nous avons adopté la notion « d’espaces parcourus » pour analyser à l’aide des histoires de vie les parcours migratoires des familles roumaines. Ces espaces de vie sont construits par des réseaux familiaux et amicaux en contact avec la société locale et par des initiatives entrepreneuriales ou associatives roumaines. Chronologiquement chaque situation familiale est particulière tant à l’échelle juridique, de travail comme d’insertion dans la société d’accueil. 272 Quand des situations malheureuses, parfois impossibles à imaginer, interviennent -par exemple dans le cas de personnes arrivées à la suite de fausses promesses d’embauche, indifféremment pour une femme ou un homme - et quand le projet a donc échoué c’est seulement les autorités espagnoles et roumaines qui peuvent aider au retour, dans la plupart des cas. Dans une autre partie de l’étude, nous avons analysé les stratégies d’emploi sur le marché du travail espagnol, adoptées par les migrants roumains depuis leur itinéraire migratoire jusqu’à la situation actuelle de la crise économique. En parallèle aux processus de régularisation et aux normes européennes pour la Roumanie comme nouveau membre, la situation d’emploi pour les travailleurs roumains a subi des mutations importantes. Les personnes déjà installées, avec un permis de travail obtenu à la suite d’un processus législatif antérieur, bénéficiaient d’un emploi salarié ou de leur propre entreprise. Dans le contexte du développement économique de la province, nous observons jusqu’au moment de la crise, une abondance d’entreprises roumaines dans le secteur du bâtiment. D’autres, appartenant au secteur du petit commerce: magasins alimentaires, boucheries, pâtisseries, cafeterias restaurants, salons de coiffure, ou encore entreprises du transport des personnes et des colis etc…ont réussi survivre. Les motifs évoqués par la plupart des patrons de ces modèles d’initiatives entrepreneuriales, pour démarrer leurs négoces sont représentés par leur désir de pratiquer le même métier qu’au pays d’origine. Les nouveaux arrivants ou ceux qui ont attendu l’entrée de la Roumanie dans l’UE pour légaliser leur situation juridique ont dû supporter des restrictions importantes sur le marché du travail espagnol. Ils ont réussi à trouver des stratégies pour travailler officiellement comme autonomes mais « par le bas » suivant le même itinéraire que le travail clandestin. L’arrivée de la crise économique plus grave à Castellón à cause de la prédominance du secteur de la construction et implicitement l’immobilier, oblige une recherche de solutions à toutes les échelles. A une dimension individuelle et familiale les situations de perte de travail et d’hypothèques contractées en Espagne sont très fréquentes. Les personnes impliquées veulent retourner au pays mais elles se sentent prisonnières de leur situation financière. Alors, elles doivent prendre des décisions fermes liées à certaines conditions pour continuer ou abandonner leur projet migratoire. À l’échelle des entreprises roumaines ou espagnoles, les situations sont aussi difficiles avec des dettes impressionnantes qui peuvent mener à la faillite. 273 La position du gouvernement roumain en faveur de ses citoyens se caractérise par des alternatives sans le succès attendu. Aux solutions envisagées nous ajoutons dans un premier temps la diminution des places pour les émigrants roumains avec un contrat signé dans le pays d’origine. La période d’ascension économique roumaine nécessitant main d’œuvre surtout dans le secteur de la construction a redirigé le regard des autorités roumaines vers ces citoyens émigrés plutôt en Espagne et l’Italie. Ainsi, ils ont organisé une bourse d’emploi à Castellón de la Plana en offrant des possibilités d’emploi dans le pays d’origine. L’arrivée de la crise en Roumanie et le contexte très ambigu concernant la situation des Roumains en Espagne (l’accentuation des chiffres des chômeurs roumains et l’incertitude sur la suppression des restrictions sur le marché de l’emploi espagnol pour les roumains en 2009) a déterminé les autorités roumaines d’envisager une campagne publicitaire pour améliorer l’image des Roumains en Espagne. Dernièrement la décision des gouvernements d’inclure de manière exceptionnelle le cas de la population roumaine dans la Plan de Retour Volontaire n’est pas prise en compte parmi les roumains qui voulaient retourner. Les conditions imposées (de renoncer à tous les droits de résidence en Espagne et de percevoir le chômage en Roumanie avec la condition d’y rester et de chercher un emploi) ne pouvaient pas aller de pair avec les stratégies employées par les roumains qui recevaient le chômage en Espagne et commençaient déjà à rechercher du travail à l’intérieur de l’Espagne et en Roumanie. En définitive, nous constatons le passage d’une migration stabilisée, bien installée dans le territoire de Castellón à une circulation à différentes échelles territoriales, régionales et internationales en fonction des opportunités d’emploi. 274 Troisième partie 3. Nouvelles interprétations des territoires roumains en Espagne 275 Introduction Dans cette troisième partie, nous proposons la recherche de nouvelles interprétations du pôle migratoire roumain sur le territoire espagnol. En nous aidant des nouveaux concepts, issus d’études actuelles sur les migrations internationales, nous voulons porter un nouveau regard sur les Roumains installés en Espagne. Nos questions clés se posent sur la situation actuelle des Roumains sur le territoire espagnol : comment interpréter cette migration roumaine vers l’Espagne, cette circulation roumaine entre la Roumanie et l’Espagne? Les Roumains installés en Espagne se ressentent-ils comme : des immigrants ? Des étrangers ? Des citoyens européens ou communautaires ? Le fil conducteur de l’interprétation nous oriente vers une palette de définitions comme les notions du champ migratoire, du territoire de circulation, de l’action de migrer et de circuler etc. qui nous éclairent sur la réelle structure de ces mobilités. Le phénomène des réseaux s’ajoute à notre interprétation de cette nouvelle installation roumaine en Espagne. Les échelles de fonctionnalité de ces liens se multiplient et connaissent une grande ouverture transnationale. L’adaptation des nouveaux concepts comme la simultanéité ou la coprésence, l’habitus transnational, glocalisation 303 etc. aux différents exemples de ménages roumains étudiés à Castellón, permet de produire une nouvelle manière de voir cette présence roumaine sur le territoire espagnol. Nous pouvons même envisager la transposition d’échelle d’une vision globale des mobilités internationales à celle de l’échelle locale de la mobilité des Roumains installés à Castellón. À cette échelle locale, nous identifions la complexité des formes d’habiter rendues visibles par les roumains installés. Parmi les modèles d’espaces parcourus déjà étudiés dans les chapitres antérieurs nous nous sommes intéressés aux lieux que les Roumains de Castellón investissent ? 303 ROBERTSON, Roland. Glocalización: tiempo-espacio y homogeneidad heterogeneidad [En ligne]. 2000, Disponible sur : < http://www.cholonautas.edu.pe/biblioteca.php > (consulté le 2 Décembre, 2009). La notion de « glocalisation » résulte de la symbiose de « globalisation » et « localisation » et signifie rendre locale un élément chargé emotionnellement qui vient de chez soi (indépendamment de l’échelle de distance) 276 La transformation profonde du territoire, du vécu dans le territoire et dans la mobilité, le fait d’abandonner le passé ou de retourner au pays d’origine représentent un nouveau sens donné à la forme d’habiter. Il faut bien chercher et souligner tous ces composants importants pour une meilleure compréhension de la pratique des lieux. Mais, ce processus migratoire roumain peut être soumis à un autre type d’interprétation. Ainsi, nous pouvons définir cette initiative de migrer, de savoir se débrouiller à travers des informations et des réseaux pour mettre en place un projet migratoire comme une sorte d’initiative entrepreneuriale 304 . Même si la notion possède plutôt une connotation économique nous pensons pouvoir l’adapter en fonction de la réponse à quelques questions essentielles : dans son projet migratoire, l’immigré roumain est-il un bon entrepreneur ? A quelles échelles pouvons-nous lire cette capacité d’entreprendre? La deuxième question très importante pour débattre dans cette partie de l’étude se réfère à la position légale et surtout la manière de s’identifier vis-à-vis des appellations spécifiques pour les processus migratoires dans le cas de la population roumaine installée. Les Roumains en Espagne se sentent-ils citoyens européens ou communautaires ? Comment perçoivent-ils leur propre statut en Espagne ? Dans ce nouveau contexte européen où s’effectuent des changements de politiques migratoires pour les nouveaux pays membres, tout un débat s’ébauche à propos des nouveaux statuts des populations roumaines. Mais quel est le ressenti des résidents Roumains sur cette réalité. 304 Par initiative entrepreneuriale, nous désignons la capacité d’un individu ou d’un groupe d’individus à mettre en œuvre un objectif plus ou moins complexe, susceptible d’améliorer les conditions de vie du groupe 277 3.1. Approche théorique des notions dans l’étude des migrations internationales De nouveaux concepts et nouvelles logiques émergent pour expliquer les processus migratoires actuels et les adapter à notre sujet. Les nombreux apports de chercheurs connus qui se sont voués à ce domaine des migrations internationales, nous servent de support théorique pour une meilleure interprétation. Actuellement, nous trouvons une abondance de termes et concepts qui expliquent les processus migratoires existants. Sont-ils les plus appropriés à notre exemple des migrants roumains en Espagne. Dans un premier temps, nous avons formulé des hypothèses pour définir un champ migratoire de ces populations roumaines en Espagne et pour identifier les territoires de circulation ? Mais comment interpréter notre exemple après une analyse plus fine : une migration roumaine en Espagne ? Ou une circulation roumaine entre la Roumanie et l’Espagne ? Dans un deuxième temps la question mérite d’être formulée en termes de réseaux migratoires. Comme nous l’avons vu, ces derniers ont une grande importance pour la construction du champ migratoire de la population roumaine installée en Espagne. Mais, quelles sont les échelles de la fonctionnalité de ces réseaux ? Comment ces réseaux peuventils se pérenniser? De nouvelles notions apparaissent sur le champ migratoire et sur les territoires de la migration, la construction des réseaux socio-spatiaux-économiques à différentes échelles, Notre analyse doit aussi être confrontée à d’autres concepts comme la glocalisation, la simultanéité ou la coprésence, l’habitus transnational, etc. Notre but est de tester ces nouvelles notions face aux différents cas rencontrés parmi les populations roumaines étudiées. Il s’agit de renouveler la lecture de leur présence à Castellón. Cette réflexion nous conduit à un changement d’échelle d’une vision globale des mobilités internationales à l’échelle locale des migrants roumains installés à Castellón. Ainsi, nous pouvons formuler l’idée d’une translation du processus migratoire qui passe de la migration élémentaire à la circulation complexe. 278 3.1.1. De la migration à la circulation : la construction des champs migratoires Les migrations internationales deviennent de plus en plus difficiles à interpréter avec les théories et notions traditionnelles. Actuellement ces recherches sur les migrations internationales doivent être profondément revisitées. Les notions classiques ne sont plus adaptées à une réalité qui a beaucoup changé. « Les formes migratoires sont beaucoup plus complexes, combinant immigration de travail et familiale, mobilités circulatoires entre différents pays, immigration légale et clandestine, populations sédentarisées et circulants nomades » 305 . La conjoncture des politiques et situations économiques européennes et mondiales connaît une grande influence sur le développement des processus migratoires. Dans ce contexte, d’autres termes plus appropriés permettent la construction d’interprétations plus en phase avec la réalité actuelle des migrations dans le monde. De nouvelles dimensions transnationales ou des concepts innovateurs comme ceux de la glocalisation, le cosmopolitisme, le champ migratoire ou de circulation, le territoire de circulation, le transmigrant, l’habitus transnational etc. deviennent plus éclairants. Dans notre étude, la migration des familles roumaines vers l’Espagne et spécifiquement vers Castellón de la Plana, nous offre une riche palette des nouvelles représentations de cette migration. En fonction des conjonctures politiques et européennes, la migration roumaine en Espagne évolue vers la circulation des personnes entre les deux pays. Que signifient les mots « migrer » et « circuler » ? Les migrations caractérisées par un déplacement définitif avec une rupture entre le pays d’origine et le pays d’accueil se transforment. Le processus de circulation se caractérise par un déplacement temporaire entre deux territoires avec des liens entre « ici et là-bas » et par un retour possible. Cette notion de retour est valable dans chacun des deux pays et pour des périodes courtes, longues ou définitives. 305 Cartographie et description des phénomènes émergents qui construisent un nouveau tissu relationnel à l’échelle euro-méditerranéenne [En ligne]. Aix-en-Provence : Maison méditerranéenne des sciences de l’homme, 2005. Disponible sur : < http://periples.mmsh.univaix.fr/REMSH/Publication/rapports/REMSH_DL4.pdf > (consulté le 1 Avril, 2010) 279 Le « code géographique des mobilités » 306 présente des distinctions entre les éléments significatifs des mobilités en rapport avec le territoire et le temps ce qui aide à mieux comprendre les déplacements actuels. Ainsi, nous distinguons plusieurs catégories de pratiques des mobilités en fonction de la motivation, la distance, la durée : quotidien /hors quotidien, choix/obligation, familier/non familier, proche/lointain, exotique/non exotique. La typologie des mobilités comprend une autre variable à l’origine du déplacement. Il s’agit du projet migratoire: « La migration comme projet de vie, la circulation comme partie d’un projet de vie » 307 . Nous pouvons donc intégrer la circulation comme un élément constitutif de la migration. En considérant, dans le cadre de notre étude, le type des populations entraînées dans ce processus, en fonction des normes européennes actuelles, la migration des Roumains en Espagne évolue en circulation migratoire. Les contraintes des visas et des permis de séjour et de travail sont flexibles tant que ces populations sont dans une recherche continue d’opportunités de travail. Leur projet migratoire se maintient dans le contexte des stratégies des politiques migratoires actuelles et des allers-retours: « Dans ces démarches, la notion de projet migratoire devient centrale pour comprendre les logiques « d’être en relation » et « de nouer des relations » dans un espace de circulation où s’exerce le jeu entre territoires des ancrages et territoires des circulations » 308 . Mais comment cette notion de projet migratoire a-t-elle été définie? Ce concept attribue « aux migrants « une épaisseur » spatiale et temporelle plus large que les approches antérieures, en introduisant un décalage entre la genèse de la décision de partir et le moment où celle-ci se traduit en actes(…) »309 . En revenant à notre exemple de la migration roumaine en Espagne et particulièrement à Castellón, l’étroite relation entre la décision de migrer et le facteur économique qui l’a entraînée est caractéristique, elle s’accompagne d’une maîtrise des stratégies spatiales pour franchir les frontières géographiques et temporelles au moment favorable. Les notions de migration et de circulation ne sont peuvent pas être isolées des territoires et des relations qui se créent entre les différents espaces. Les processus de mobilités se développent en synergie avec les éléments qui les composent : les individus, les territoires et les liens entre ceux-ci. 306 LEVY, Jacques (Dir.). L'invention du monde. Une géographie de la mondialisation. Presses de Sciences Po. Paris, 2008.399p (citation p.142) 307 LEVY, Jacques (Dir.). L'invention du monde. Une géographie de la mondialisation. Presses de Sciences Po. Paris, 2008.399p (citation p.143) 308 BERTHOMIERE, William et HILLY, Marie-Antoinette. « Décrire les migrations internationales ». Revue Européenne des Migrations Internationales. 2006, Vol. 22, n°2, p. 67-82 (citation p.70) 309 ROSENTAL, Paul-André. Les sentiers invisibles. Espace, familles et migrations dans la France du 19e siècle. Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Paris, 1999.251 p (citation p.106) 280 Pour les deux termes migration et circulation, des chercheurs ont réfléchi à la création d’un nouveau concept afin de définir les situations des mobilités actuelles : « La notion de circulation migratoire correspond à une démarche qui tente de tenir compte à la fois des espaces concernés par les migrations, des déplacements accrus des personnes entre différents lieux et des flux matériels (biens, services, remises) et idées (normes, valeurs, représentations) induits par les migrations. Le migrant et le circulant, plutôt que l’immigré ou l’émigré, deviennent des figures centrales de l’activité de recherche et l’attention est portée sur les pratiques et sur les initiatives des personnes, sur les itinéraires et les espaces parcourus » 310 . L’utilisation des termes comme le migrant ou le circulant donne une nuance de présence ou de coprésence des personnes qui se déplacent en renforçant l’idée de lien existant entre les deux sociétés qui devient « ici et là-bas ». Les mouvements migratoires ne sont pas unidirectionnels dans un espace « bipolaire » mais ces mouvements sont « pluridirectionnels mettant en relation des espaces » 311 . Mais tous ces candidats à la mobilité sont organisés en groupes spécifiques qui relient des territoires et construisent d’autres entités géographiques comme des champs migratoires. Nous les nommons « entités » parce que les intensités des relations et des connexions entre les éléments constitutifs donnent naissance à des véritables tensions dans les territoires construits par les migrants. Toute une palette de concepts sert à nommer les supports des pratiques migratoires: « Les chercheurs disposent aujourd’hui de toutes sortes d’« espèces d’espaces », selon une formule empruntée à Georges Perec, pour penser les migrations et l’ensemble des mobilités : espaces migratoires proprement dits, champs migratoires (campos migratorios, migration fields), territoires migratoires, espaces circulatoires, territoires circulatoires, territoires de la mobilité, espaces transnationaux (transnational fields) » 312 . Comme dans la migration et la circulation il y a des réflexions intéressantes sur les différences qui peuvent exister entre les divers concepts. Les plus discutés sont la notion du champ migratoire et celle des territoires circulatoires. Sont-elles complémentaires et/ou interdépendantes ? 310 BERTHOMIERE, William et HILLY, Marie-Antoinette. « Décrire les migrations internationales ». Revue Européenne des Migrations Internationales. 2006, Vol. 22, n°2, p.67-82 (citation p.70) 311 Idem, ibidem, (citation p.77) 312 SIMON, Gildas. « Migrations, la spatialisation du regard ». Revue Européenne des Migrations Internationales. 2006, Vol. 22, n°2,p.9-21( citation p.11) 281 Les deux concepts sont plus complémentaires que concurrents « sur le plan de la spatialisation: universalisme, co-spatialisation de l’analyse migratoire, déclinaison et emboîtement des échelles, approche globale de la dynamique générale du champ et des éléments structurants » 313 . Le territoire circulatoire représente un espace où les migrants circulent, réalisent des allers-retours qui fournissent des liens donnant un sens aux espaces parcourus, mais en même temps il n’existe pas d’enjeu migratoire avec une charge 314 comme dans le cas du champ migratoire. Dans ce cas, « il s’agit d’une topique spatiotemporelle concernant l’ensemble des transactions et interactions, des rapports symboliques et matériels exprimant ces mobilisations internationales, et susceptibles de produire ou d’héberger des rapports sociaux originaux » 315 . Dans ce contexte, le caractère mobile des migrants s’impose : « Les territoires circulatoires et l’installation dans la mobilité montrent combien les migrants sont mobiles et s’approprient un vaste espace de vie qui dépasse le simple pays de résidence » 316 . Dans la définition du concept du champ migratoire nous observons qu’il se construit par les symboliques et les représentations des réseaux dans les territoires habités. Il est un espace sous tension dont les composants sont dans un mouvement continu. Le champ migratoire est en transformation permanente produite par les mobilités des personnes, les réseaux construits et les pratiques des lieux parcourus par les migrants. Les logiques affectives sont présentes dans la construction et le maintien des liens qui rendent possible l’accomplissement du projet de vie des migrants. Si nous pensons la circulation comme une partie du projet de vie et la migration comme projet de vie, dans la même proportion, nous pouvons réfléchir sur les notions de territoire circulatoire et de champ migratoire. Il nous semble possible d’intégrer et de rendre interdépendantes les notions rappelées antérieurement, de manière que les territoires circulatoires s’intègrent dans leur complexité et dans leur durée comme composantes des champs migratoires. 313 SIMON, Gildas. La planète migratoire dans la mondialisation. Armand Colin. Paris, 2008.229 p (citation p.19) 314 Idem, ibidem 315 TARRIUS, Alain et MISSAOUI, Lamia. « Villes et migrants, du lieu-monde au lieu-passage ». Revue Européenne des Migrations Internationales. 2006, Vol. 22, n°2, p.43-65 (citation p.64) 316 WEBER, Serge. Nouvelle Europe, nouvelles migrations. Frontières, intégration, mondialisation. Editions du Félin. Paris, 2007.118 p (citation p.16) 282 Comme les champs migratoires unissent les territoires de migration avec tous leurs composants : les migrants, les interactions, les émotions, la mémoire affective des migrants, les réseaux en franchissant les frontières physiques et en donnant une grande importance à tous les flux sociaux, humains, des idées, un nouveau concept peut être formulé, celui de « champ migratoire transnational » 317 . Dans le concept transnational « il s’agit que migrations et circulations s’effectuent à travers les frontières étatiques, et non plus comme translation d’un pays à l’autre » 318 . Les réseaux qui se développent à l’intérieur de ce champ migratoire franchissent les frontières physiques et ils connectent les migrants à différentes échelles. Il ne s’agit plus d’une rupture ou d’un abandon du pays d’origine mais d’une connexion entre les territoires et pratiques de ces territoires. Les liens individuels, familiaux, affectifs se maintiennent dans l’espace et le temps avec le territoire d’origine. 3.1.2. La logique des réseaux migratoires et leurs échelles de fonctionnalité Les réseaux migratoires ont des fonctions indispensables pour le développement du mouvement migratoire. Ils se développent à différentes échelles : individuelle, familiale, régionale, nationale, internationale ou transnationale. D’un point de vue économique, les réseaux peuvent se construire dans un processus d’initiative entrepreneuriale individuelle. Le rôle du marché du travail dans le pays de destination ou de manière transnationale est déterminant. Ainsi, les réseaux représentent les composants essentiels des champs migratoires : « Les réseaux sociaux sont la clé de voûte des champs migratoires : les migrants sont rarement isolés, la décision de partir dépend des interactions avec les proches (parents, voisins). Contrairement à leur assimilation péjorative aux filières migratoires, les réseaux sociaux exercent à la fois une solidarité (prêts finançant le départ, accueil à l’arrivée) et un contrôle social fort (respect des engagements) » 319 . 317 BERTHOMIERE, William et HILLY, Marie-Antoinette. « Décrire les migrations internationales ». Revue Européenne des Migrations Internationales. 2006, Vol. 22, n°2, p. 67-82 (citation p.72) 318 LEVY, Jacques (Dir.). L'invention du monde. Une géographie de la mondialisation. Presses de Sciences Po. Paris, 2008. 399 p (citation p.141) 319 WEBER, Serge. Nouvelle Europe, nouvelles migrations. Frontières, intégration, mondialisation. Editions du Félin. Paris, 2007.118p (citation p.17) 283 Nous pouvons faire référence aux migrations roumaines en Espagne et spécifiquement dans la Province de Castellón : l’existence de ces migrations liées aux réseaux. C’est le point de départ et d’intensification de cette migration qui évolue vers une circulation des familles roumaines entre les deux sociétés : d’origine et d’accueil. L’existence des réseaux roumains, d’abord religieux puis familiaux et amicaux représente la base de la construction du champ migratoire entre régions de Roumanie et régions d’Espagne. Les noyaux d’émigration particuliers au début, évoluent vers la multiplication des régions de départ et aussi d’installation dans l’autre pays. Ainsi, « des lieux de départ dans les pays d’origine aux lieux de travail dans les pays d’emploi s’établit, dans le cas des filières efficaces, une véritable chaîne migratoire où l’installation des uns prépare le déplacement ou le retour des autres » 320 . Les réseaux roumains de Castellón se sont développés et multipliés « par le bas » par des stratégies individuelles et familiales en fonction des opportunités à la limite de la politique migratoire. Les trajectoires migratoires ont fonctionné même à la marge de la légalité quand les migrants roumains entrés avec un visa Schengen et dépassant la période admise se transformaient en migrants irréguliers. Après la suppression des visas Schengen pour les Roumains, en janvier 2002, les « touristes » sont devenus migrants irréguliers aussi. Les réseaux fonctionnent à différents niveaux : pour le transport des migrants, pour les moyens de trouver les meilleures stratégies pour acheter ou pour recevoir un visa, pour choisir la meilleure route ou le meilleur moyen de transport. Ensuite, dans le pays d’installation, les réseaux fonctionnent pour couvrir les besoins basiques comme le logement et, plus important encore, pour trouver un emploi. Ce sont les réseaux qui, grâce aux connaissances et aux recommandations, aident à trouver un emploi, le plus souvent dans le marché parallèle et fournissent des informations autant dans le pays d’accueil pour l’itinéraire juridique à suivre pour avoir un statut légal que dans le pays d’origine pour assurer une bonne arrivée. Nous trouvons tous ces aspects aussi dans d’autres recherches sur des mouvements migratoires: « Savoir franchir les frontières nationales, celles des accords internationaux, en les effaçant par la juxtaposition de réseaux commerciaux d’économie souterraine c’est substituer à l’impersonnalité des traités officiels, la chaleur des rapports interpersonnels étendus de nations à nations, autour de liens de confiance, d’engagement de parole (…) » 321 . 320 SIMON, Gildas. La planète migratoire dans la mondialisation. Armand Colin. Paris, 2008.229 p (citation p.165) 321 TARRIUS, Alain. « La remontée des Sud : migrations en réseaux, villes et territoires transnationaux dans les Bassins Est et Ouest méditerranéens ». L'Année sociologique [En ligne]. 2007, Vol. 57, n°1, Disponible sur : < http://www.msh-m.fr/IMG/Taurrius_ArticleAnneeSociologique.pdf > (consulté le 16 Novembre, 2009) 284 Les réseaux familiaux sont à la base de la transplantation de familles dans la plupart des cas. Reprenons l’exemple des familles roumaines à Castellón, leur situation est complexe : ces familles sont déjà arrivées grâce à des réseaux familiaux. Dans un premier temps, les regroupements familiaux sont réalisés par cristallisation géographique et non pas à la suite de procédure administrative c’est-à-dire que dans un couple, l’homme ou la femme suit le même mécanisme d’arrivée que son conjoint. Les enfants ne sont appelés qu’après l’installation des parents, l’apprentissage du fonctionnement de la société d’accueil et la possession des documents de résidence et de travail. Dans une vision horizontale, les réseaux sont construits aussi à l’échelle individuelle et familiale mais, en changeant de dimension territoriale nous pouvons les classer du local au transnational. Ainsi, ces réseaux individuels, simples, sont réalisés à un niveau local (dans le pays d’accueil) avec une transposition de l’information ou des liens préétablis du pays d’origine. Nous pouvons même réfléchir sur une liaison « local-local » mais à l’intérieur d’un champ migratoire transnational. Les frontières physiques perdent leurs poids dans la fluidité des informations et des liens entre les Roumains installés à Castellón de la Plana et leurs proches et amis restés au pays d’origine. Dans le même contexte du local à local, mais à un niveau supérieur de relations nous pouvons faire référence à l’exemple du Bureau de Représentation du Département Dâmboviţa. Il représente une filiale de la Préfecture de ce département roumain à Castellón de la Plana, installé à cause de la grande concentration de personnes d’origine roumaine provenant de ce territoire roumain. Il a pour rôle de consolider la coopération locale entre les représentants de la communauté roumaine de Castellón et ceux de Dâmboviţa, de collaborer avec les autorités locales en termes sociaux, économiques, politiques mais aussi de résoudre les problèmes administratifs des familles roumaines installées. À une autre échelle, nous avons à Castellón aussi le Consulat Roumain et le Bureau de la Poste roumaine qui représentent des institutions roumaines implantées dans le local mais avec une transposition des services à l’échelle de tout le territoire roumain. Nous avons évoqué ces exemples de circulation des informations et fonctionnement des réseaux à l’échelle local-local et local-national pour rendre visible la fonctionnalité des réseaux et implicitement leur rôle dans la construction d’un vrai pôle de présence roumaine. Une autre dimension très présente dans le fonctionnement des réseaux migratoires surtout dans le contexte actuel du développement des moyens de communication, infrastructures et nouvelles technologies est l’échelle transnationale. 285 « La ampliación de las redes, más actividades que superan las distancias y las comunicaciones aceleradas reflejan por sí mismas importantes formas de transnacionalismo» 322 . (« L’amplification des réseaux et des activités qui dépassent les distances et les Communications elles-mêmes accélérées reflètent les importantes formes du transnationalisme »). Mais, comment les experts sont-ils arrivés à utiliser cette notion ? Quelle définition pensent-ils donner ? Les experts de la notion de « transnationalisme », ont porté leur réflexion sur une amplification de l’utilisation de ce terme très présent dans les recherches actuelles parce qu’il s’agit d’une réalité vécue par les migrants. Ceux-ci « sont encore très influencés par les liens continus avec leur pays d’origine ou avec les réseaux sociaux qui s’étendent en dehors des frontières nationales. Ils donnent une perspective transnationale de la migration 323 ». Tenant compte de la définition suivante, nous pouvons observer la fonctionnalité des réseaux manifestée par la création des liens transnationaux: « Par « transnationalisme », on entend la construction de champs sociaux dans lesquels les migrants créent un lien — imaginaire ou réel — entre leur pays d’origine et leur société d’accueil.(…) Dans ces espaces transnationaux, les migrants mettent en place des relations sociales et économiques, des activités et des identités politiques qui transcendent les frontières classiques et bénéficient de processus économiques globaux à l’intérieur d’un monde divisé en États-Nations » 324 . Dans le même ordre d’idée de la consolidation des réseaux entre les deux territoires d’origine et d’accueil qui favorisent les échanges: « Les réseaux sociaux d’immigrés présentent deux caractéristiques qui font généralement défaut aux réseaux des travailleurs nationaux. En premier lieu, ils sont à la fois denses et géographiquement très vastes. En second lieu, ils tendent à créer une solidarité en vertu de l’incertitude généralisée qui gouverne la condition immigrée. Les échanges dans un contexte d’incertitude génèrent des liens plus forts que ceux qui existent entre des partenaires pleinement informés et soumis à des lois équitablement appliquées » 325 . 322 VERTOVEC, Steven. « Transnacionalismo migrante y modos de transformación ». In: Repensando las migraciones. Nuevas perspectivas teóricas y empíricas [En ligne]. México, 2006. p.157-190 (citation p.159). Disponible sur : < http://www.estudiosdeldesarrollo.net/coleccion_america_latina/repensando/Repensando_6transnacionalismo.p df > (consulté le 11 Novembre, 2009) 323 LEVITT, Peggy et GLICK-SCHILLER, Nina. « Perspectivas internacionales sobre migración: conceptuar la simultaneidad ». Migracion y Desarrollo. 2004, n°3, p. 60-91. 324 FIBBI, Rosita et D’AMATO, Gianni. « Transnationalisme des migrants en Europe : une preuve par les faits ». Revue Européenne des Migrations Internationales. 2008, Vol. 24, n°2, p.7-22 325 PORTES, Alejandro. « La mondialisation par le bas ». Actes de la recherche en sciences sociales, 1999, Vol. 129, n°1, p.15-25 (citation p.18) 286 Ces réseaux sont très importants mais tous ces échanges et liens ne sont pas tous considérés comme des composants transnationaux. Même si nous savons bien que les flux d’informations circulent en permanence, que les migrants envoient occasionnellement de l’argent et voyagent pour les vacances dans leur pays d’origine et qu’ils apportent des cadeaux à la famille, toutes ces situations ne signifient pas transnationalisme. Pour particulariser la notion avec l’exemple des Roumains installés à Castellón, nous pouvons déceler un impact social et culturel du transnationalisme à la suite du contact permanent entre les composants familiaux des deux pays grâce aux alliances matrimoniales surtout quand les enfants restent dans le pays d’origine, mais aussi par « l’activité religieuse, les moyens et la consommation des biens » 326 . Pour parler des réseaux à cette échelle il faut prendre en compte une certaine assiduité des échanges qui se produisent entre les deux pays. Même si les migrants sont bilingues ou possèdent deux maisons (l’une dans le pays d’origine et l’autre dans le pays d’accueil), il faut être réservé sur l’utilisation de ce terme « transnationalisme » et donner priorité à certains domaines d’activités. Il est « préférable de réserver l’appellation « transnationalisme » aux activités de type économique, politique ou culturel nécessitant que les protagonistes y consacrent la majeure partie de leur temps de manière régulière » 327 . Dans la situation des Roumains qui habitent à l’étranger la manière transnationale de penser et de réagir fait partie de leur réalité quotidienne comme l’ont observée des chercheurs roumains qui ont étudié le comportement des populations roumaines installées en dehors de leur pays: « (…) românii emigranţi în străinătate încep să vadă lumea din ce în e mai mult din perspectivă transnaţională, în termeni de „nici aici în străinătate, nici acolo în ţară” sau „şi ca acasă şi ca în străinătate” » 328 . (« (…) les Roumains émigrés à l’étranger commencent à voir le monde de plus en plus dans une perspective transnationale, dans les termes « ni ici à l’étranger ni là-bas dans le pays » ou « et comme à la maison et comme à l’étranger »). Pour revenir à l’échelle de Castellón de la Plana nous trouvons une multitude d’exemples de travailleurs roumains qui voyagent chaque année en Roumanie ou qui envoient de l’argent ou des colis, qui ont une maison en Roumanie et une autre à Castellón, mais nous distinguons les situations à caractère transnational dans le cadre des initiatives entrepreneuriales roumaines. 326 VERTOVEC, Steven. « Desafíos transnacionales al «nuevo» multiculturalismo ». Migracion y Desarrollo. 2003, n°1, p.1-27 327 PORTES, Alejandro. « La mondialisation par le bas ». Actes de la recherche en sciences sociales, 1999, Vol. 129, n°1, p.15-25 (citation p.19) 328 SANDU, Dumitru (Coord.). Comunitati romanesti in Spania [En ligne]. Fundatia Soros. Romani, 2009.142 p (citation p.60).Disponible sur : < http://www.osf.ro/ro/publicatii.php?pag=3# > 287 Nous pouvons rappeler deux situations d’initiatives entrepreneuriales roumaines qui ont des activités transnationales avec des trajectoires de transactions économiques très intéressantes. Dans le premier exemple, une agence immobilière (carte 27), le propriétaire circule toutes les semaines entre les deux pays pour vérifier et assurer le bon fonctionnement des ses entreprises (agences immobilières et entreprises de construction) fondées à Madrid(le siège principal), Calatayud, Castellón de la Plana, Bucarest, Sibiu et pour contrôler d’autres points sur le territoire roumain où il construit des parcs résidentiels. Il doit donc veiller sur toutes les filiales de ses entreprises. Ses voyages sont possibles grâce aux compagnies aériennes roumaines assurant une grande régularité des vols entre les deux pays. Le contexte favorable pour fonder toutes ses entreprises est dû à l’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne ce qui lui donne la possibilité d’accéder aux fonds européens pour le meilleur fonctionnement des entreprises transnationales. Ces entreprises collaborent aussi avec des entreprises espagnoles qui veulent investir en Roumanie. Le deuxième exemple est celui d’un cabinet dentaire (carte 28) dont le propriétaire a son siège principal en Roumanie (Bucarest et Pitesti). Le patron qui est en même temps dentiste décide d’ouvrir une filiale à Castellón de la Plana., il voyage trois fois par semaine entre les deux pays pour rendre service aux patients. En fait, il a un emploi du temps transnational. Il ouvre cette filiale à Castellón pour la nombreuse clientèle de cette ville, qu’il soignait l’été dans son cabinet en Roumanie. Cette décision est très bien accueillie à Castellón et ses voyages sont possibles aussi grâce au développement des moyens de transports aériens. L’épargne de temps et d’argent ainsi offerte aux Roumains de Castellón, constitue une bonne raison pour des patrons roumains d’ouvrir ce types de négoces : entreprises pionnières au moment de leur création en Espagne et surtout a Castellón. L’emplacement des sièges de l’entreprise dans les deux pays, complète le caractère transnational des deux entreprises et leur localisation à Castellón dans les zones très fréquentées par des Roumains confère un très bon accès pour la clientèle roumaine et même espagnole. L’accès à beaucoup de services dans les deux pays pour les citoyens roumains et espagnols et l’impact socio-économique qui en découle par la création d’emplois peuvent compléter la caractéristique interculturelle des deux entreprises. L’existence de ces entreprises roumaines, « ….consiste à jouer sur les écarts de prix et d’information entre les pays de départ et d’accueil, par le biais de la création d’entreprises transnationales » 329 . 329 PORTES, Alejandro. « La mondialisation par le bas ». Actes de la recherche en sciences sociales, 1999, Vol. 129, n°1, p. 15-25 (citation p.18) 288 Nous avons choisi ces deux exemples représentatifs pour donner un éclairage sur les initiatives entrepreneuriales roumaines traitées à une échelle transnationale pour élargir une perception purement locale. Nous avons observé et traité l’importance des réseaux roumains de Castellón de la Plana à un niveau individuel, familial, institutionnel ou entrepreneurial à diverses échelles : locales, nationales et transnationales. Mais dans cette réinterprétation de la présence roumaine à Castellón nous pouvons ajouter d’autres notions intéressantes. L’apport de nouvelles images nous offre la possibilité de repenser ce processus migratoire actuel qui évolue dans une transformation profonde et continue. 3.1.3. Nouvelles notions du champ des migrations internationales appliquées à l’exemple des populations roumaines installées à Castellón De nouvelles notions sur le champ migratoire et les territoires de la migration, la construction des réseaux socio-spatiaux-économiques à différentes échelles : locales, étatiques, transnationales mais aussi d’autres concepts comme la simultanéité ou la coprésence, l’habitus transnational, la glocalisation etc. analysées autour des cas exposés antérieurement peuvent donner une nouvelle vision sur la présence roumaine de Castellón. La « spatialisation du regard 330 » est une notion très utile à la compréhension de la forme de migration actuelle des Roumains en Espagne et particulièrement à Castellón de la Plana. Cette manière de regarder les processus migratoires actuels dans l’espace, prenant en compte le développement des réseaux dans le contexte de l’emboîtement des échelles qui provoquent des mutations territoriales et la naissance d’autres formes d’habiter et penser le vécu quotidien, représentent des voies de recherche très intéressantes à suivre. Dans une transposition d’échelle d’une vision globale des mobilités internationales à celle locale de la mobilité des Roumains de Castellón, nous pouvons remarquer une évolution dans la forme du processus migratoire qui se transforme de migration en circulation: « Au-delà de la canalisation des allers-retours avec les lieux d’origine, les acteurs migrants développent des pratiques spatiales et sociales nouvelles et créent des territorialités inédites ; 330 SIMON, Gildas. « Migrations, la spatialisation du regard ». Revue Européenne des Migrations Internationales. 2006, Vol. 22, n°2, p. 9-21 289 c’est dans cet ordinaire de la migration et de la circulation que de nouvelles spatialités se donnent à voir, qui appellent à des représentations autres, rompant avec les modèles spatiaux en vigueur, car ce qui était au départ des migrations de travail ordinaires est désormais remplacé par de véritables systèmes relationnels et circulatoires transnationaux » 331 . Dans le contexte de la migration roumaine à Castellón, perçue comme un déplacement pour raisons économiques par le haut en accord avec les logiques politiques et économiques pendant les derniers quinze ans, par le bas comme un champ migratoire construit par les réseaux grâce aux stratégies de « savoir-circuler », « savoir-séjourner 332 » nous pouvons comprendre les nouvelles modalités de vivre le territoire. Ainsi, il y a toujours deux plans parallèles qui confèrent une analyse complexe des migrations internationales. Nous avons, d’une part le développement des réseaux et leur fonctionnalité dans un espace connecté par l’existence des nouvelles technologies de communication et des infrastructures, et d’autre part les contraintes des politiques de migrations qui renvoient sur la mise en scène des stratégies parmi les migrants. La connexion entre les lieux d’origine et ceux d’accueil est rendue possible par l’existence des réseaux, l’échange d’information et le développement des moyens de communication et de transport, la présence des institutions du pays d’origine. Tous ces éléments renvoient à un nouveau concept qui peut caractériser les situations des migrants en général et des Roumains installés à Castellón en particulier. Il s’agit de la simultanéité, une forme d’habiter les nouveaux territoires avec les mêmes pratiques que dans le pays d’origine, en présence des institutions, des négoces présents aussi dans le pays de destination, en étroite relation avec les familles restées dans le pays d’origine: « Un aspecto que necesita ser teorizado y explorado es el de la simultaneidad, el llevar una vida que incorpora las instituciones, las actividades y las rutinas diarias que se sitúan tanto en el país de destino como transnacionalmente. La incorporación de los migrantes a una nueva tierra y las conexiones transnacionales con un terruño o con redes dispersas de familiares, compatriotas o personas con las que se comparte una identidad religiosa o étnica, pueden darse al mismo tiempo y reforzarse entre sí» 333 . (« Un aspect qui a besoin d’être théorisé et exploité est celui de la simultanéité, celle de vivre une vie qui incorpore les institutions, les activités et les habitudes ordinaires dans le pays de destination comme dans celui d’origine. 331 SIMON, Gildas. La planète migratoire dans la mondialisation. Armand Colin. Paris, 2008. 229 p (citation p.78) 332 BERTHOMIERE, William et HILLY, Marie-Antoinette. « Décrire les migrations internationales ». Revue Européenne des Migrations Internationales. 2006, Vol. 22, n°2, p. 67-82 (citation p.68) 333 LEVITT, Peggy et GLICK-SCHILLER, Nina. « Perspectivas internacionales sobre migración: conceptuar la simultaneidad ». Migracion y Desarrollo. 2004, n°3, p.60-91 (citation p.63) 290 L’incorporation des migrants dans un nouveau territoire et les connexions transnationales avec une personne du pays d’origine ou avec les réseaux dispersés des proches, des compatriotes ou des personnes avec lesquelles ils partagent une identité religieuse ou ethnique peuvent exister dans le même temps et se renforcer entre elles »). Cet état de simultanéité se rencontre chez les Roumains installés dans la société espagnole de Castellón. Pour affirmer ceci, nous nous appuyons sur la variété des initiatives entrepreneuriales (magasins alimentaires, boucheries, restaurants, cafétérias, pâtisseries, salons de coiffure etc.), associatives (associations roumaines) et des institutions roumaines (les églises roumaines, Le Consulat, la Poste etc.). « Primul restaurant românesc din Spania a fost deschis acum nouă ani, în Castellón. „L-am numit Bucureşti. A fost primul loc în care românii se puteau întâlni la o cafea şi îşi puteau povesti peripeţiile prin care treceau » 334 . (« Le premier restaurant roumain d’Espagne a été ouvert à Castellón il y a neuf ans. « Nous l’avons nommé Bucuresti. Il était le premier lieu où les Roumains pouvaient se retrouver pour prendre un café et raconter leurs problèmes »). Les agences de tourisme roumaines qui promeuvent de nombreuses lignes de transport aérien et terrestre à bas coût entre les deux pays, auxquelles nous ajoutons les points de distribution des techniques pour visionner par satellite les programmes de la télévision roumaine (photos 20 et 21) contribuent à créer un climat et un mode de vie simultanés entre les deux sociétés : habiter à Castellón mais en même temps manger et continuer les pratiques sociales de la Roumanie, et aussi être connecté et informé sur la vie quotidienne du pays d’origine. Pour rester dans la même dimension transnationale, les personnes impliquées dans ce modèle du vécu quotidien ici et là-bas sont appelées des transmigrants : « C’est ce qu’on appelle (…) les transmigrants, car les liens familiaux, économiques, sociaux, organisationnels, religieux, identitaires, politiques s’établissent à travers les frontières nationales » 335 . 334 CHIVA, Laura. « Spania: Peste o sută de firme româneşti în Castellón ». Adevarul.ro [En ligne]. 13 Mai 2009, Disponible sur : < http://www.adevarul.ro/Castellón-Peste-romanesti-firme-suta_0_41996130.html# > (consulté le 13 Septembre, 2010) 335 LEVY, Jacques (Dir.). L'invention du monde. Une géographie de la mondialisation. Presses de Sciences Po. Paris , 2008.399 p (citation p.141) 291 Photo 15. Magasin de musique et films roumains, R.Bucur, Castellón de la Plana, 2009 Photo 16. Bureau des installations des antennes paraboliques et de Télévision Terrestre, R. Bucur, Castellón de la Plana, 2009 Dans ce contexte des champs migratoires transnationaux dont les réseaux migratoires construits par les transmigrants sont consolidés à travers des pratiques, des lieux, des échanges à différents niveaux, nous trouvons un processus de démythification du pays d’origine. La rupture que la migration provoquait à certaines époques est aujourd’hui remplacée par la connexion des réseaux et surtout par la charge affective qui complète l’organisation du champ migratoire. Comme nous le constatons lors des entretiens approfondis, la majorité des ménages roumains sont au courant des nouvelles de Roumanie par l’internet, la radio roumaine et ils possèdent au moins une antenne satellite avec des programmes roumains. Du côté du pays d’origine nous nous retrouvons avec la création de liens bien sûr mais en même temps avec la création d’une société imaginée ; les non-migrants imaginent à travers les informations reçues par leurs proches, amis ou personnes connues, la forme d’habiter à l’étranger. Les faits racontés par les migrants aux proches restés au pays d’origine créent des scénarios et font connaître, avant même d’arriver au pays d’accueil, beaucoup d’aspects de la vie quotidienne de cette nouvelle société. Les enfants des non-migrants sont éduqués aussi en liens avec les réseaux sociaux existants sans limite territoriale: « De igual forma, los hijos de no migrantes son criados en redes sociales y lugares que están permeados completamente por las personas, los recursos y las remesas sociales del país de destino. 292 Para estos individuos, la experiencia generacional no está limitada territorialmente. Se basa en experiencias reales e imaginadas que se comparten por encima de las fronteras independientemente de donde se nazca o se viva en un momento dado» 336 . (« De la même façon, les fils des non-migrants sont élevés dans les réseaux sociaux et lieux qui sont introduits complètement par les personnes, les ressources et les envois du pays de destination. Pour ces individus, l’expérience générationnelle n’est pas limitée par le territoire. Ils connaissent des expériences réelles et imaginées qui se partagent en dehors des frontières, indépendamment d’où ils naissent et où ils habitent à un moment donné »). Pour rester dans la perspective des connexions transnationales, nous pouvons rappeler une « double marque de référence » à travers laquelle les migrants comparent toujours la situation de la société d’origine avec celle d’accueil. Ainsi, nous essayons de trouver les formes de la réalité vécue et une définition pour ce type d’habitus transnational 337 : « il contient la position sociale du migrant et le contexte dans lequel a lieu la transmigration » (traduit de l’espagnol). Des travailleurs roumains de Castellón connaissent aussi des périodes de vie transnationale. D’un côté, nous avons les situations de contact permanent entre les réalités des deux sociétés et de l’autre, nous avons un contexte économique très incertain dominé par la crise économique très forte dans ce territoire espagnol. Cette situation implique beaucoup de circulations entre les deux pays face aux aléas des marchés du travail espagnol et roumain. Tous ces allers-retours, à l’intérieur d’un champ migratoire transnational, génère des formes de vivre ici et là-bas en fonction des opportunités d’emploi. Nous pouvons apporter le témoignage 338 d’une femme roumaine qui, arrivée en juin pour chercher du travail sur le marché espagnol est retournée fin juillet en Roumanie. Elle cherchait à Castellón un appartement moins cher parce qu’en octobre, elle devait revenir pour travailler à la récolte des agrumes. À une autre échelle, celle des initiatives entrepreneuriales nous apportons un exemple original qui peut être analysé sous le prisme de ce nouveau concept. Nous faisons référence au cas du Four des grands-parents qui vend de la pâtisserie roumaine. Ce qui le rend unique est l’idée même de sa création. 336 LEVITT, Peggy et GLICK-SCHILLER, Nina. « Perspectivas internacionales sobre migración: conceptuar la simultaneidad ». Migracion y Desarrollo. 2004, n°3, p.60-91 (citation p.74) 337 VERTOVEC, Steven. « Transnacionalismo migrante y modos de transformación ». In: Repensando las migraciones. Nuevas perspectivas teóricas y empíricas [En ligne]. México, 2006. p. 157-190. Disponible sur : < http://www.estudiosdeldesarrollo.net/coleccion_america_latina/repensando/Repensando_6transnacionalismo.p df > (consulté le 11 Novembre, 2009) 338 Témoignage d’une femme roumaine au siège de l’Association des Immigrants de Pays de l’Est, Castellón de la Plana, juillet 2010 293 L’idée de cette initiative est apparue par l’évocation des souvenirs d’enfance, des représentations des moments vécus par chacun des roumains pendant leur enfance, quand la grand-mère préparait le pain ou les gâteaux dans son four. C’est le souvenir des perceptions olfactives et gustatives des produits traditionnels roumains préparés autrefois. Cette idée matérialisée dans la création de ce négoce a connu un grand succès parmi les clients roumains mais aussi chez les autochtones ou d’autres nationalités attirées par le parfum des viennoiseries tout juste sorties du four. « Dans le centre de la ville de Castellón, l’Association des Immigrants des Pays l’Est (AIPE) a inauguré, le 1 Décembre 2007, la boulangerie roumaine Le Four des Grandsparents. « Nous voulons nous rappeler de notre enfance, de notre pays, de notre covrig (produit de panification, en forme d’anneau couvert de sel, sésame ou autres graines) que nous avons mangé aux portes de l’école. Nous ne devons pas perdre nos traditions, notre culture et nos coutumes et nous voulons récupérer les anciennes recettes pour les faire connaître, explique Angela Placsintar, la présidente d’AIPE » 339 (traduit du roumain). Le fait d’apporter une idée ou plutôt une pratique portant une forte charge identitaire héritée d’un territoire originel et la transférer localement dans une société étrangère peut-il s’approprier le concept de glocalisation ? Le concept qui se sert du mot japonais « dochakuka » 340 et qui se réfère à l’idée de « faire quelque chose qui vient de chez soi», nous pouvons interpréter cette initiative entrepreneuriale roumaine comme l’apport d’un élément traditionnel, originel du pays et adapté à la société locale de Castellón. Le concept même, glocalisation, naît du mélange des deux notions : globalisation et localisation et se réfère à première vue au sens d’adapter quelque chose du global à une échelle locale. En sortant de la dimension économique du concept et en passant par la subtilité de cette notion, inspirée de la culture japonaise, nous avons là un exemple de charge émotionnelle, familiale, nostalgique qui s’adapte à un nouveau local. L’interprétation et la compréhension de ce processus avec de nouveaux concepts nous offrent une autre image de la présence roumaine à Castellón de la Plana et nous révèlent une autre manière de penser le territoire et les mobilités. 339 CHIVA, Laura. « Spania: Peste o sută de firme româneşti în Castellón ». Adevarul.ro [En ligne]. 13 Mai 2009, Disponible sur : < http://www.adevarul.ro/Castellón-Peste-romanesti-firme-suta_0_41996130.html# > (consulté le 13 Septembre, 2010) 340 ROBERTSON, Roland. Glocalización: tiempo-espacio y homogeneidad heterogeneidad [En ligne]. 2000, Disponible sur : < http://www.cholonautas.edu.pe/biblioteca.php > (consulté le 2 Décembre, 2009) 294 Conclusion Ainsi, nous avons essayé de présenter les nouvelles dimensions et notions auxquelles nous pouvons adapter et interpréter la situation actuelle des mobilités internationales et particulièrement des mobilités roumaines à Castellón de la Plana. Le passage d’une forme de migration à celle de circulation de la population roumaine se produit à l’intérieur d’un champ migratoire construit à travers des réseaux et chargé des représentations, des émotions etc. Les réseaux roumains réunissent à différentes échelles : locale, nationale, transnationale, les sociétés d’origine et d’accueil. Les échanges permanents entre les deux lieux se matérialisent par les envois de fonds aux familles restées dans les territoires d’origine. Ces aspects s’ajoutent aux connexions existantes par le développement de nouvelles technologies de communications et de transports qui entretiennent les liens transnationaux. D’autres nouvelles notions comme la glocalisation, la simultanéité, complètent les situations d’interprétation de la mobilité roumaine actuelle sur ce territoire, de Castellón. La nouvelle vision d’une mobilité transformatrice, dans un contexte européen favorable pour la libre circulation des biens et des personnes, représente l’élément innovateur de cette approche théorique. 295 3.2. De nouvelles catégories pour mieux rendre compte de la relation au territoire espagnol dans le cas des populations roumaines La « naissance » des nouvelles catégories, pas seulement caractérisées par un changement de place et de passage de la frontière mais aussi par une transformation profonde du territoire, du vécu dans le territoire, dans la mobilité, l’abandon du passé, le retour au pays, par un nouveau sens donné au territoire, à la forme d’habiter, constitue l’idée principale de ce chapitre. Les catégories simples relatives aux migrants sont insuffisantes pour définir les populations roumaines installées en Espagne, en particulier à Castellón de la Plana. L’espace parcouru est un outil qui permet définir d’autres modèles d’habiter. Parmi les modèles d’espaces parcourus déjà étudiés dans les chapitres précédents nous nous sommes intéressés aux pratiques des Roumains à Castellón ? Gardent-ils les mêmes coutumes ? Y a-t-il des mutations profondes dans la manière actuelle d’habiter ? Comme chaque processus migratoire peut être considéré comme une initiative d’ordre entrepreneurial nous pensons adapter concrètement cette situation à notre sujet. Même si cette notion a d’abord un sens économique, nous présenterons des situations roumaines de ce territoire espagnol en concordance avec le sens réel du concept mais aussi adapté à l’échelle du migrant ou du circulant. Dans ce contexte, quelques questions logiques s’imposent : l’immigré roumain est-il un bon entrepreneur ? A quelles échelles ? Possède-t-il une grande capacité d’adaptation? Dans un troisième temps nous nous proposons de réfléchir à la dimension affective du champ migratoire. Cette vision fait référence à la mémoire affective et à la charge émotionnelle du champ migratoire construit à travers des réseaux affectifs. Les migrants se déplacent d’un lieu à l’autre mais ils portent avec eux les énergies des lieux d’origine, les valeurs propres, les coutumes, les sentiments, les souvenirs de lieux et des personnes laissées à la maison, les expériences personnelles etc. 296 3.2.1. L’invention de modèles d’espaces de vie comme forme d’habiter La présence roumaine dans le département de Castellón s’est établie à travers des réseaux. Cette présence nous montre une grande complexité dans les situations de construction des espaces de vie. Nous décidons d’utiliser ce concept pour classer les situations des ménages roumains installés à Castellón de la Plana mais en même temps pour rendre plus visibles les réseaux qui existent et se recomposent continuellement entre les acteurs de la société d’origine, d’accueil, les composants des ménages roumains etc. Ainsi, on s’est posé la question pour redéfinir les personnes impliquées dans les mobilités actuelles et qui construisent leur manière d’habiter de nouveaux territoires : « Enfin, il permet de s’interroger sur les ressorts de la mobilité géographique proposant de définir des « systèmes individuels de mobilité » qui expriment des modes d’habiter »341 . En ce qui concerne la migration roumaine à Castellón, nous essayons d’identifier les formes d’habitats construits dans les nouveaux territoires. Selon la diversité des situations familiales rencontrées nous pouvons établir une riche typologie des espaces vécus, insérés dans la société de réception. L’originalité de la notion d’« espaces parcourus » concerne les interactions entre les populations tsiganes et les lieux d’installation : « La définition du champ spatial de l'insertion des familles du voyage dans le milieu géographique (ce que nous dénommons espace parcouru) laisse la place à des formes de symbiose (d'ailleurs plus ou moins bien réalisée) avec les sociétés locales, très variables selon les lieux considérés et les périodes» 342 . Parallèlement à la situation des familles roumaines nous pouvons faire apparaître des éléments relationnels avec la société d’accueil en fonction de chaque modèle d’espaces de vie. Les questions temporelles et spatiales sont essentielles dans l’analyse de cette nouvelle forme des allers-retours des populations roumaines : « Or il conviendrait d’aborder ces circulations comme des réseaux, et ces réseaux comme des territoires » 343 . 341 STOCK, Mathis. L’habiter comme pratique des lieux géographiques [En ligne]. 18 Décembre 2004, Disponible sur : < http://espacestemps.net/document1138.html > (consulté le 1 Décembre, 2009) 342 HUMEAU, Jean Baptiste. TSIGANES EN FRANCE - De l'assignation au droit d'habiter. L'Harmattan. Paris, 1995.410 p (citation p.254) 343 TARRIUS, Alain. La mondialisation par le bas. Les nouveaux nomades de l'économie souterraine. Balland. Paris, 2002. 159 p (citation p.158) 297 Ainsi, nous pouvons distinguer dans la construction des espaces de vie un grand apport des réseaux forts et des réseaux faibles. Dans la plupart des cas analysés, les parentés, dans le sens large du terme, ont joué un grand rôle dans l’arrivée et l’installation des migrants roumains à Castellón de la Plana dans la première phase de migration. Les « ponts » 344 de contact ont contribué à établir des liens faibles qui se sont développés jusqu’à la création d’une multitude de réseaux qui construisent à leur tour de nouveaux espaces de vie. « (…) les familles autocentrées constituent des sous-groupes où les liens forts (…) sont nombreux et les liens faibles rares. » Or, comme le montre cet auteur, « ce sont précisément ces derniers qui fondent les possibilités d’échanges entre sous-groupes sociaux, puisqu’ils unissent dans chacun d’entre eux un individu et un seul avec un représentant, lui aussi unique, d’un autre sous-groupe. C’est par ces points de contact que se transmettent toute information et toute ressource d’un sous-groupe vers un autre, et du même coup toute possibilité de transformation en leur sein » 345 . Nous pouvons remarquer que la construction des espaces de vie roumains se réalise à plusieurs échelles. Au niveau des individus la construction se fait d’une façon échelonnée en fonction des stratégies de migrations adaptées aux politiques européennes ou étatiques de migration : « Ces réseaux déploient ainsi leur fluidité, leur savoir-traverser-les frontières et leur savoir-faire-continuité-humaine à travers les barrières instituées par les économies officielles » 346 . Dans la plupart des cas, dans la construction de l’espace de vie, nous remarquons un regroupement géographique familial de manière graduelle à la suite de la formation des réseaux. À une échelle plus grande il y a une interaction entre les espaces vécus, la société et d’autres formes d’organisation de la collectivité roumaine déjà installée sur place : des associations, des négoces, des administrations roumaines déléguées sur le territoire. Comme nous pouvons l’observer dans la figure suivante, il y a une connexion permanente entre les diverses catégories d’espaces de vie installés et les acteurs locaux de la société d’accueil. En même temps tous ces entrelacements connaissent des intensités différentes, des tensions diverses et dans l’ensemble ils construisent un régime d’habiter. 344 FORSÉ, Michel. « Granovetter, M.S (1973), « The strength of weak ties ». American Journal of Sociology, vol. 78, p.1360-1380. in Définir et analyser les réseaux sociaux ». Informations sociales. 2008,. Vol. 3, n°147, p. 10-19 345 ROSENTAL, Paul-André. Les sentiers invisibles. Espace, familles et migrations dans la France du 19e siècle. Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Paris, 1999. 251 p (citation p.186) 346 TARRIUS, Alain. La mondialisation par le bas. Les nouveaux nomades de l'économie souterraine. Balland. Paris, 2002.159 p (citation p.21) 298 Le concept du « régime d’habiter pourrait englober davantage d’éléments en jeu dans la construction de l’espace, notamment les pratiques des lieux des individus, les rapports changeants à la Nature, les qualités des lieux et de l’agencement spatial différencié des sociétés, un certain jeu de distances et d’accessibilités fondé sur le développement des modes de transports différenciés, mais aussi les conceptions, images, représentations de l’espace » 347 . Prenant en compte le critère du statut familial des Roumains interrogés à travers des entretiens approfondis nous découvrons une large variété d’espaces de vie formés à Castellón de la Plana. Ainsi, selon le statut civil des composants des ménages roumains nous avons délimité plusieurs situations : mariés, divorcés, séparés, célibataires ; avec ou sans enfants etc. En fonction du déroulement de leur trajectoire migratoire et le régime d’habiter le classement des espaces de vie impliquent des situations fructueuses mais aussi des situations de projets de vie échoués. En analysant les différentes situations familiales des membres de ces ménages roumains installés à Castellón de la Plana, nous avons l’objectif d’identifier le mode d’habiter de cette population dans la réalité de la ville d’accueil. Mais comment le concept d’ « habiter » a-t-il été défini ? « On propose ici une perspective particulière centrée sur les manières dont les individus pratiquent les lieux, bref l’habiter » 348 . L’exemple typique de la famille que nous rencontrons le plus souvent est issu d’un regroupement familial. D’abord ce sont les parents qui arrivent à Castellón : un des conjoints puis l’autre (d’habitude s’est le père et ensuite la mère, mais il y a des cas inverses, tout dépend de la personne de contact déjà installée qui facilite une recommandation de travail en fonction de la nécessité) tandis que dans un premier temps les enfants restent en Roumanie chez les grands-parents. Cette situation est normalement connue dans la plupart de migrations. Dans la migration roumaine vers l’Espagne elle est très fréquente. En fonction de la période dans laquelle se réalise la migration, les parents attendent légaliser la situation juridique et aboutir à une certaine stabilité économique avant de faire venir leurs enfants. La période entre 2002 et 2007 facilite un regroupement de la famille. Pendant cette période il n’était pas nécessaire avoir un visa et le statut « communautaire » facilitait l’obtention du droit de résidence. La stabilité économique pour louer un logement seulement pour la famille en cause, était la seule condition qui s’imposait au temps de l’arrivée des enfants. 347 STOCK, Mathis. L’habiter comme pratique des lieux géographiques [En ligne]. 18 Décembre 2004, Disponible sur : < http://espacestemps.net/document1138.html > (consulté le 1 Décembre, 2009) 348 Idem, ibidem 299 « Dans un premier temps c’est ma femme qui est arrivée en 2001, avec un visa de France, obtenu grâce à la lettre d’invitation écrite par sa sœur. Elle est venue à Castellón, ici elle pouvait trouver un travail plus facilement étant aidée par nos beaux-frères. Après 3 mois et demi je suis arrivé aussi avec un visa d’Allemagne que j’avais acheté. Nous étions logés d’abord chez ses frères, pui scomme ils ont changé de maison, ils nous ont laissés dans l’appartement avec d’autres personnes. Nous étions sept personnes au total. Après avoir travaillé dans l’agriculture et la construction, ma femme dans le service domestique, nous avons changé plusieurs fois d’appartements jusqu’au logement actuel où nous habitons seuls. Nous avons réussi à amener notre enfant en 2003. A ce moment- là elle était au lycée en Roumanie, après son bac passé à Castellón, elle a préparé une licence en économie. Elle s’est adaptée très vite » 349 . Dans cet exemple et aussi dans les autres modes d’habiter à Castellón de la Plana, les ménages roumains essayent de construire des espaces de vie avec les pratiques d’habiter de nouveaux territoires mais avec des éléments propres, identitaires. Du point de vue de l’organisation familiale dans la société d’accueil il est intéressant d’observer la forme de construction des territorialités intimes. Les pratiques d’habiter en Roumanie sont transférées même dans le cas des recompositions des ménages pour des personnes divorcées ou célibataires, vivant en couple: « Un mode d’habiter fondé sur la mobilité semble avoir pour corollaire la capacité des individus à affronter les lieux étrangers et à rendre ceux-ci familiers. Il s’agit d’une nouvelle manière d’habiter les lieux géographiques du Monde où le rapport à l’espace est défini par une recomposition des lieux d’ancrages et des lieux de l’ailleurs » 350 . Les entretiens nous révèlent une image très familière de la vie des Roumains à Castellón de la Plana. Chacun a construit dans sa maison un petit territoire proche de celui d’origine, ce que l’ont définit comme rendre familier un lieu qui est étranger : « Nous vivons très bien ici. Nous sommes comme en Roumanie, nous avons de la télévision roumaine, nous mangeons comme chez nous, nous avons des produits roumains, un Consulat, qu’est-ce que nous pouvons souhaiter encore ? En plus nous retournons souvent en Roumanie, presque chaque été, pour des vacances » 351 . 349 Entretien avec le père d’une famille complète (les deux conjoints et l’enfant) installée à Castellón de la Plana, 2009 350 STOCK, Mathis. L’habiter comme pratique des lieux géographiques [En ligne]. 18 Décembre 2004, Disponible sur : < http://espacestemps.net/document1138.html > (consulté le 1 Décembre, 2009) 351 Entretien avec le père d’une famille complète (les deux conjoints et les enfants) installée à Castellón de la Plana. Sa femme et lui, ils sont arrivés en 2000, leur fils en 2001 et leur fille en 2005. Entretien réalisé en 2009 300 Les familles roumaines qui se sont installées à Castellón savent rendre familier le vécu quotidien. Elles s’adaptent à la nouvelle société en apportant leurs manières d’habiter mais en pensant différemment le territoire d’accueil. Le changement dans la mentalité, affirmé aussi par les personnes interrogées, est intervenu dans la nouvelle forme duale d’habiter : en dehors du ménage on s’adapte aux habitudes de la société d’accueil et dans l’intimité on utilise des éléments identitaires. En même temps il existe aussi un degré d’inter culturalité qui persiste dans le territoire du projet manifesté par la manière de vivre en commun les événements socioculturels de la ville, les loisirs dans les espaces publics, etc. Les retours annuels pendant les vacances dans le territoire d’origine assurent le contact permanent entre les deux sociétés. Mais en même temps les personnes qui se déplacent acquièrent des aptitudes pour une meilleure pratique des lieux qui évolue vers le concept de « sociétés à individus mobiles » 352 construites par des habitants temporaires. Nous abordons cette notion car la question d’un retour définitif dans le pays d’origine est incertaine concernant la présence roumaine à Castellón de la Plana. En même temps, l’arrivée de la crise économique a produit une mobilité résidentielle des Roumains vers d’autres provinces espagnoles. 3.2.2. L’esprit entrepreneurial dans le vécu quotidien L’immigré roumain est-il un bon entrepreneur : au niveau individuel, dans son projet de vie, dans son comportement, possède-t-il la qualité de savoir s’adapter? Le choix de traiter cet aspect de l’esprit entrepreneurial adapté à la population roumaine installée à Castellón de la Plana représente un élément très important dans la construction des parcours. Nous pouvons présenter les situations roumaines dans ce territoire espagnol en concordance avec le sens réel du concept mais aussi adapté à l’échelle du migrant ou du circulant. Que signifie le mot entrepreneur ? Selon les nombreuses définitions des économistes que nous pouvons citer comme J. Schumpeter, l’entrepreneur représente une personne novatrice : « C'est un individu spécialisé dans la conception et le « lancement » des « affaires » nouvelles » 353 . 352 STOCK, Mathis. L’hypothèse de l’habiter poly-topique : pratiquer les lieux géographiques dans les sociétés à individus mobiles [En ligne]. 26 Février 2006, Disponible sur : < http://espacestemps.net/document1853.html > (consulté le 1 Décembre, 2009) 353 SCHUMPETER, Joseph. Théorie de l’évolution économique : Introduction [En ligne]. 1935, Disponible sur : < http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm > (consulté le 5 Septembre, 2010) 301 Cet esprit entrepreneurial est mis en œuvre par un « acte d’entreprendre : prise de risque, incertitude, opportunité, innovation, combinaisons nouvelles de ressources, développement économique » 354 . Tous ces traits d’une initiative entrepreneuriale peuvent être transposés de l’échelle économique à celle sociale et implicite des migrations. Nous exprimons cela pour faciliter une compréhension de l’action entrepreneuriale au sein des migrants et particulièrement des populations roumaines en Espagne. Les Roumains qui se sont déplacés vers ce territoire ont su prendre des risques et à l’aide d’idées novatrices matérialisées dans les stratégies migratoires ont réussi à s’installer en Espagne. Les opportunités offertes par la construction des réseaux dans le pays d’accueil en contact permanent avec les non-migrants, constituent la base des ressources pour le développement du projet migratoire. Ainsi, il faut prendre en compte les deux sociétés où des migrants construisent leur action entrepreneuriale en accord avec le comportement, les coutumes, la pratique des lieux et le vécu « (…) les entrepreneurs reflètent les caractéristiques du temps et du lieu où ils ont évolué. En ce sens, les cultures, les besoins, les habitudes d’une région façonnent les comportements » 355 . Nous étudions le processus de mobilité vers Castellón de la Plana impliquant une idée entrepreneuriale. C’est-à-dire que nous pouvons penser la trajectoire migratoire comme une action entrepreneuriale. Les migrants sont des acteurs capables de créer une entreprise tant à l’échelle sociale par leur vécu migratoire qu’à l’échelle économique sous la forme d’un négoce. Ainsi nous pouvons voir dans l’installation dans un pays étranger, une certaine initiative entrepreneuriale avec tous les éléments nécessaires. D’abord l’idée d’initier un projet migratoire correspond à une idée entrepreneuriale. L’entrepreneur c’est-à-dire en général le membre d’une famille qui veut émigrer imagine le projet migratoire. Son esprit aventurier et innovateur calcule les risques et sait aussi évaluer au maximum les informations qu’il possède. D’autres ressources comme l’accès aux différents réseaux qui lui confèrent des stratégies pour traverser les frontières sont prises en compte pour entreprendre l’émigration. Une fois arrivé dans le pays de destination ses compétences pour se maintenir dans les réseaux, pour trouver un travail, pour avoir un support pour le logement sont les premiers pas avant d’appeler les autres membres de la famille. 354 COSTER, Michel. « Entrepreneur et entrepreneuriat ». In : Cadres et entrepreneuriat. Mythes et Réalités [En ligne], 2003. p.9-20 (citation p.9). Disponible sur : < http://gdr-cadres.cnrs.fr/cahier/Cahier3.pdf#page=9 > (consulté le 4 Septembre, 2010) 355 Idem, ibidem, (citation p.11) 302 La facilité de s’adapter à la nouvelle société et l’imagination dans la recherche des stratégies pour accomplir leur projet migratoire sont des caractéristiques présentes chez la plupart des Roumains installés à Castellón. Dans ce cas, « Les lieux deviendraient ainsi des « lieux de projet », c’est-à-dire qui sont investis temporairement par les individus pour un projet » 356 . Dans le cas des échecs, une rupture s’est produite entre le projet de vie et l’action. Cette séparation est due à plusieurs facteurs : le migrant n’a pas pris en compte tous les risques et il a manqué de compétence ou de réseau ou simplement il n’a pas su s’adapter à la nouvelle société. Les éléments énumérés constituent une partie des raisons seulement d’un processus migratoire complexe qui peut échouer. À l’échelle de l’individu ou de la famille roumaine de Castellón, nous pouvons penser que cet esprit entrepreneurial se décèle dans la pratique des lieux ou plus précisément dans la manière de vivre le quotidien. Cette manière d’habiter les nouveaux lieux révèle des caractéristiques comportementales, des éléments identitaires apportés du pays d’origine qui doivent parfois se modeler en fonction des nouvelles normes. Les migrants arrivent avec leurs représentations de l’espace, leurs pratiques du quotidien et leurs valeurs dans une société et ils doivent donc utiliser leurs compétences pour savoir les adapter à un nouveau régime d’habiter. Ce qui mérite d’être souligné dans cette initiative entrepreneuriale des migrants en général et des roumains en particulier c’est la capacité « des individus à affronter les lieux étrangers et à rendre ceux-ci familiers » 357 . Actuellement, dans le contexte de crise économique plus forte dans ce département espagnol que dans le reste du pays, l’esprit entrepreneurial des travailleurs roumains est bien réel. Les Roumains utilisent des stratégies pour trouver un emploi ici ou dans un autre département espagnol ou même dans d’autre pays européens. Les allers-retours et les tâtonnements dans le pays d’origine sont des mécanismes générateurs d’idées et de solutions alternatives à la crise économique. 356 STOCK, Mathis. L’habiter comme pratique des lieux géographiques [En ligne]. 18 Décembre 2004, Disponible sur : < http://espacestemps.net/document1138.html > (consulté le 1 Décembre, 2009) 357 Idem, ibidem 303 À l’échelle de l’entrepreneuriat migrant nous considérons : « la floraison d’activités commerciales et productives qui accompagne la migration, que ce soit dans les niches économiques des pays d’accueil ou dans la structuration d’entreprises commerciales transnationales » 358 . À Castellón nous pouvons observer des différences entre les types de négoces roumains. L’esprit entrepreneurial très développé a connu son apogée avec les entreprises de construction pendant le boom immobilier. Dans la période de crise elles ont beaucoup décliné. Il est intéressant de noter que les plus anciens négoces et ceux qui vendent des produits alimentaires ont bien mieux résisté à la crise. Nous constatons une différence dans le processus entrepreneurial. Les entreprises de construction avec un objectif financier très grand et à court terme sont les premières à disparaître. Les petits négoces sans grand profit ont su malgré tout maîtriser leurs bénéfices pendant l’époque de croissance et peuvent résister dans le contexte économique dégradé. Entre l’entrepreneur comme migrant (ou famille) et l’entrepreneur comme homme ou femme d’affaires, nous rencontrons à Castellón de la Plana comme dans toute l’Espagne, une autre catégorie d’entrepreneur. Il s’agit du travailleur roumain autonome c'est-à-dire l’entrepreneur auto-employé. Cette stratégie de fonctionnement sur le marché du travail espagnol est adoptée pour pouvoir maîtriser son propre destin 359 à toutes les échelles. Nous devons souligner que cette méthode de travail indépendant a été une stratégie d’accès sur le marché de l’emploi espagnol très utilisée entre 2007 et 2009 en dépit des restrictions d’emploi pour les nouveaux membres de l’Union européenne, issus de Bulgarie et de Roumanie. Dans cette catégorie d’auto-entrepreneur nous remarquons beaucoup de femmes roumaines. Elles possèdent un grand esprit d’entreprise, elles savent organiser et trouver des opportunités d’emploi depuis leur arrivée et pas seulement en fonction des normes des politiques migratoires. Les travailleuses roumaines autonomes majoritairement dans le secteur des services aux personnes ont opté pour cette méthode en profitant de leur liberté pour établir leur horaire et concilier vie familiale et travail. D’autres avantages comme les possibilités de payer les charges sociales et, en même temps, d’avoir un emploi permanent représentent des initiatives entrepreneuriales pérennes dès le début de la migration. 358 WEBER, Serge. Nouvelle Europe, nouvelles migrations. Frontières, intégration, mondialisation. Editions du Félin. Paris, 2007. p.16 359 COSTER, Michel. « Entrepreneur et entrepreneuriat ». In : Cadres et entrepreneuriat. Mythes et Réalités [En ligne], 2003.p. 9-20 (citation p.13). Disponible sur : < http://gdr-cadres.cnrs.fr/cahier/Cahier3.pdf#page=9 > (consulté le 4 Septembre, 2010) 304 Actuellement, dans la situation de crise économique, nous rencontrons une inversion des rôles dans les familles roumaines. De plus en plus nombreuses sont les femmes roumaines majoritairement travailleuses autonomes, qui assurent les besoins de toute la famille. Nous avons donc analysé l’esprit entrepreneurial des migrants en général, et des roumains en particulier à différentes échelles. Nous pensons tout d’abord qu’il est important de désigner le processus migratoire comme une action entrepreneuriale des individus qui se déplacent. Ils se remarquent par leur capacité de créer un projet de vie qu’ils poursuivent à travers de nombreuses stratégies jusqu’à son aboutissement. A cette échelle nous soulignons le rôle des femmes qui participent aussi au projet de vie. Si, dans un premier temps elles sont venues dans le cadre du regroupement familial ou même dès le début du processus migratoire, dans un deuxième temps leur esprit entrepreneurial s’est manifesté par leur travail en autonomie. Ainsi, elles deviennent le pilier de leurs familles pendant la situation de crise économique. À une échelle plus large, nous constatons les initiatives entrepreneuriales des Roumains installés à Castellón sous forme de négoces et de petites entreprises. Ces exemples nous montrent le développement de cet esprit entrepreneurial qui va de l’installation individuelle à l’entreprise facteur d’économie, de bénéfice économique et de création de postes de travail. 305 3.2.3. Les logiques affectives: des liens forts entre territoire d’accueil et territoire d’origine Dans notre étude sur les migrations roumaines en Espagne avec la particularité de la grande présence roumaine à Castellón nous proposons une réflexion sur la dimension affective du champ migratoire. Nous adoptons cette vision pour faire référence à la mémoire intime et à la charge émotionnelle du champ migratoire qui est construit à travers des réseaux affectifs. Les migrants se déplacent d’un lieu à l’autre mais ils portent en eux-mêmes les énergies des lieux d’origine, les valeurs propres, les coutumes, les sentiments, les souvenirs des lieux et des personnes laissées à la maison, les expériences personnelles etc. Nous nous appuyons sur cette dimension des processus migratoires car elle nous paraît très importante. « L’affect ne connaît pas les frontières » 360 synthétise G.SIMON pour cerner cette situation des migrants. Surtout cette phrase dévoile un aspect jusque là assez dissimulé dans l’étude des processus migratoires. « Toutes sortes de sentiments et parfois de ressentiments brassent en permanence les champs migratoires et dans une certaine mesure les structurent : le sentiment de perte lié à l’abandon des lieux et des terres d’origine, la séparation des « affects consolidés », mais aussi le désir de liens, la volonté de se rapprocher des êtres et des lieux qui sont chers, ou au contraire, mais aussi à l’inverse, le désir d’individualisation, d’autonomie, d’indépendance, de mise à distance, d’éloignement et parfois de répulsion. L’expérience migratoire exige des ressources psychiques importantes et donc une forte mobilisation des affects » 361 . Cette charge affective que les migrants portent pendant leur processus de migration est alimentée par la mémoire de ces personnes mais aussi par les réseaux construits. Ces liens ont le rôle indispensable de garder vif le contact entre les migrants et leurs familles, leurs amis, co-villageois mais aussi avec les lieux d’origine. Nous pouvons considérer: l’affectivité liée aux personnes aimées et celle associée aux lieux chers. Cette perception psychologique du migrant est très prisée dans les recherches actuelles car elle constitue un élément inévitable pour comprendre la manière d’habiter les lieux: 360 SIMON, Gildas. La planète migratoire dans la mondialisation. Armand Colin. Paris, 2008. 229 p (citation p.150) 361 Idem, ibidem, (citation p.151) 306 « Il ne suffit pas, en effet, de posséder la maîtrise économique et temporelle des déplacements ; encore faut-il être psychiquement capable de franchir les limites des lieux du quotidien. Cette capacité psychique à se projeter dans d’autres lieux est le résultat d’un apprentissage individuel, mais également social » 362 . La composante psychologique est essentielle dans la réussite ou dans l’échec du processus migratoire de chaque individu. Il y a toutes sortes de sensations du vécu quotidien que le migrant ravive quand il sort de son milieu familier et quand il arrive sur un territoire nouveau. Il se sent abandonné et surtout déraciné car il perd ses points de référence et doit chercher d’autres supports, le plus souvent en compagnie de quelques compatriotes. Le manque de réseaux, de famille, la solitude amplifiée par le manque de logement et de travail dans le pays d’accueil peuvent conduire à une grave pathologie liée à l’échec du projet migratoire. Il s’agit du Syndrome d’Ulysse 363 . Ces manifestations pathologiques se situent à un niveau mental (solitude forcée par la séparation de la famille, douleur à cause de l’échec du projet migratoire, stress chronique, angoisse qui peut conduire à une dérive jusqu’au suicide etc.) mais aussi à un niveau physique (fatigue, céphalées, détérioration corporelle etc.). Il y a des situations où le désespoir devant l’impossibilité de trouver un travail au pays d’accueil après tous les efforts pour y arriver avec toute la famille (vente de tous les biens du pays d’origine), conduit à des gestes extrêmes comme celui qui a eu lieu à Castellón, il y a trois ans. « Marian, su esposa y sus dos hijos, Izabela de 17 años y Dragoş de tres, habían viajado a España hace tres meses con el objetivo de encontrar una vida mejor. Vendieron todas sus posesiones y compraron cuatro billetes para Castellón. Allí no encontraron lo que esperaban. Sin trabajo y sin dinero tuvieron que dormir varios días en la calle. La desesperación les hizo querer volver a su país, pero no tenían cómo. Recorrieron varias asociaciones buscando fondos para comprar cuatro pasajes de autobús. Cuatrocientos euros que no encontraron. Cansado, Marian se prendió fuego a lo bonzo a las puertas de la Subdelegación de Gobierno de Castellón, ante la mirada de su esposa y sus dos hijos. Días más tarde fallecía »364 . 362 STOCK, Mathis. L’hypothèse de l’habiter poly-topique : pratiquer les lieux géographiques dans les sociétés à individus mobiles [En ligne]. 26 Février 2006, Disponible sur : < http://espacestemps.net/document1853.html > (consulté le 1 Décembre, 2009) 363 ACHOTEGUI, Joseba. « Emigrar en situación extrema: el Síndrome del inmigrante con estrés crónico y múltiple (Síndrome de Ulises) ». Revista Norte de Salud Mental. 2004, n°21, p. 39-52. 364 SAHUQUILLO, María. « La familia del rumano fallecido en Castellón intenta agredir a su esposa ». El Pais [En ligne]. 4 Octobre 2007, Disponible sur : < http://www.elpais.com/articulo/internacional/familia/rumano/fallecido/Castellón/intenta/agredir/esposa/elpepui nt/20071004elpepuint_15/Tes > (consulté le 7 Septembre, 2010) 307 (« Marian, sa femme et leurs enfants, Izabela 17ans et Dragoş 3 ans sont venus en Espagne il y a trois mois avec l’objectif d’y trouver une meilleure vie. Ils ont tout vendu (en Roumanie) et ils ont acheté quatre billets pour Castellón. Ici, ils n’ont pas rencontré ce qu’ils cherchaient. Sans travail et sans argent ils ont dormi quelques jours dans la rue. Dans cette situation de désespoir ils ont décidé de retourner dans leur pays mais, ils n’avaient pas d’argent. Ils ont demandé de l’aide à plusieurs associations mais n’ont pas trouvé les 400 euros nécessaires. Fatigué de cette situation, Marian s’est immolé par le feu devant le siège du Gouvernement Central à Castellón devant sa femme et ses fils. Quelques jours plus tard il est décédé »). La situation présentée ci-dessus est dramatique mais en même temps elle montre toute la douleur, les sentiments, les énergies investies dans un processus migratoire. Le désespoir accumulé provoqué par un grand échec du projet migratoire peut dériver malheureusement vers des événements extrêmes. En se posant la question du choix du territoire, les migrants doivent prendre en compte les risques et les opportunités que peut leur offrir le nouveau lieu de résidence. En même temps ils doivent conserver et construire des liens comme support. L’autonomie pour choisir un lieu où construire sa manière d’habiter selon une conception de « polytopique » 365 se réalise en fonction de la qualité du lieu et du rapport à l’espace mais aussi du rapport à ses habitants. Ce mode d’habiter est caractérisé par le changement du lieu de résidence plusieurs fois à différents moments de la vie personnelle de chacun : la circulation migratoire, le changement de résidence en fonction du travail, pour la retraite, pour les vacances. Ainsi, les migrants arrivent à se familiariser avec les lieux : « Les processus de construction de cette familiarité sont divers et peuvent s’enclencher très rapidement : les pratiques quotidiennes et la régularité de la pratique du lieu transforment un lieu du horsquotidien, d’abord non-familier en un lieu familier » 366 . Les Roumains établis à Castellón de la Plana ont essayé d’approcher des lieux familiers ou même rendre familiers des lieux et des pratiques étrangères dans le territoire d’accueil. Les initiatives entrepreneuriales et associatives roumaines installées dans la ville espagnole constituent des petits coins familiers qui offrent des produits roumains. 365 STOCK, Mathis. L’hypothèse de l’habiter poly-topique : pratiquer les lieux géographiques dans les sociétés à individus mobiles [En ligne]. 26 Février 2006, Disponible sur : < http://espacestemps.net/document1853.html > (consulté le 1 Décembre, 2009) 366 Idem, ibidem 308 La présence des églises roumaines sont aussi des éléments qui rapprochent de la culture d’origine, des valeurs ancestrales et qui aide à la vie psychique et spirituelle de la personne nouvellement arrivée. La possibilité de parler dans la langue maternelle, la possibilité de faire de la cuisine roumaine, la présence des associations roumaines qui peuvent offrir des informations, des conseils ou qui organisent des événements culturels, sont des éléments très importants pour assurer cette familiarité des lieux et cette manière plus d’habiter les nouveaux territoires. Le développement des nouvelles technologies de communication et de transport assure un meilleur contact avec les familles restées au pays d’origine. Ainsi, les distances physiques sont oubliées grâce au contact téléphonique, à l’internet, à la possession d’un poste de télévision par satellite qui transmet en temps réel tout ce qui se passe en Roumanie. Nous pouvons même assurer que la majorité des roumains établis à Castellón de la Plana vivent connectés à deux réalités : celle de la société d’accueil et celle du pays d’origine. L’implantation dans la société d’accueil des agences de voyages roumaines qui offrent des services de transport terrestre et aérien bon marché resserre sur le plan physique aussi les liens familiaux des roumains résidents à Castellón de la Plana. En analysant les situations des familles roumaines par l’optique transnationale nous observons des transformations continues surtout avec le regroupement des conjoints et des enfants. Ces derniers sont souvent à l’origine de la motivation de leurs parents à émigrer afin de leur offrir un meilleur avenir dans le pays d’origine. Dans d’autres cas, la présence des enfants pèse sur la décision des familles de résider dans un lieu ou un autre. Les liens transnationaux se gardent aussi à d’autres niveaux de parentés et elles sont en continuelle transformation dans l’espace et le temps : « (…) una óptica transnacional revela la naturaleza cambiante de la familia, como unidad socioeconómica estratégica, y cómo los lazos familiares son modificados y vueltos a transformar en el tiempo y en el espacio » 367 . (« Une optique transnationale révèle la nature changeante de la famille comme unité socioéconomique stratégique et comme les liens familiaux sont modifiés et transformés dans le temps et l’espace »). Le contexte économique de Castellón et les moyens de circulation soutenus par les politiques communautaires facilitent la très grande mobilité entre les territoires de projet et ceux d’origine pour les familles établies ici. Les modes de vie présents connaissent des mutations profondes. 367 LEVITT, Peggy et GLICK-SCHILLER, Nina. « Perspectivas internacionales sobre migración: conceptuar la simultaneidad ». Migración y Desarrollo. 2004, n°3, p.60-91(citation p.73) 309 Certaines familles se sont déplacées pour rechercher du travail vers d’autres départements espagnols, des membres d’une même famille sont retournés temporairement au pays d’origine puis ont trouvé un emploi dans un autre pays européen. Mais, dans la plupart des cas, cette dimension affective du processus migratoire se matérialise par des transferts de fonds (de l’argent mais aussi des colis) aux proches restés en Roumanie. Pourtant les visites annuelles au pays complètent les besoins affectifs du migrant qui voyage pour « se ressourcer au pays »( traduit littéralement).Cet attachement qu’il ne faut donc pas interpréter systématiquement comme un refus à l’égard de la société d’installation, constitue l’un des fils d’acier des relations migratoires dans le monde, comme le démontre l’ampleur considérable des transferts financiers vers les pays d’origine » 368 . Ainsi, les liens affectifs entre les migrants et les non-migrants ne connaissent pas de frontières. Ces connexions existent et se transforment dans le temps et l’espace parallèlement au développement des nouvelles technologies. Elles sont maintenues par les sentiments, les énergies qui les alimentent à travers des valeurs et des souvenirs. Les deux échelles d’analyse des lieux et des individus constituent des éléments indispensables pour comprendre les logiques affectives dans une optique transnationale. Les retours périodiques des migrants dans les lieux d’origine enrichissent leur capacité d’habiter les nouveaux territoires. 368 SIMON, Gildas. La planète migratoire dans la mondialisation. Armand Colin. Paris, 2008. 229 p (citation p. 153) 310 Conclusion La réinterprétation des nouvelles catégories de Roumains établis à Castellón de la Plana met en évidence l’importance de la pratiques des lieux et la construction des réseaux dans la vie quotidienne des nouveaux habitants de cette ville espagnole. La caractéristique du statut civil des membres du ménage a constitué un paramètre considérable pour notre typologie. Les transformations d’ordre social, économique, politique de la situation des processus migratoires des roumains à Castellón les obligent à des mutations temporelles et spatiales. Une vision transnationale des familles roumaines se met en place à l’ère de la mondialisation amplifiée par la présence des réseaux à toutes les échelles. L’esprit entrepreneurial à l’échelle individuelle ou familiale apporte un autre élément de compréhension du chemin d’accomplissement d’un projet de vie. La dimension économique de l’initiative entrepreneuriale est présente aussi à Castellón comme stratégie d’affaires chez les roumains qui s’y sont installés. L’évolution de l’esprit entrepreneurial individuel vers l’initiative entrepreneuriale sous forme de négoce typiquement roumain, passe par une phase intermédiaire, celle du travail autonome : stratégie utilisée pour franchir l’obstacle des restrictions du marché de l’emploi concernant les nouveaux membres européens. Il faut ajouter que les femmes roumaines représentent un modèle d’auto-emploi, favorisant la conciliation de la vie familiale et même sa survie dans le contexte de la crise économique. La dimension affective très forte dans la conscience des migrants qui habitent de nouveaux territoires constitue une caractéristique importante pour notre étude. La charge émotionnelle portée par les migrants, avec parfois des sentiments de solitude, d’abandon, de désespoir peut dériver en maladie chronique connue sous le nom de syndrome d’Ulysse. La présence des réseaux entre les deux sociétés et la construction des liens transnationaux combattent ces perceptions négatives qui démoralisent certains individus. La connexion virtuelle (téléphonique ou internet) ou matérielle (les envois de fonds, le développement des transports bon marchés) avec les familles du pays d’origine ou les voyages annuels ressourcent les énergies des habitants installés dans les nouveaux territoires. 311 Comment peut-on définir la présence roumaine en Espagne ? Dans le nouveau contexte européen, des changements de politiques migratoires s’opèrent pour les nouveaux pays membres. Dans les pays de l’Union Européenne où nous remarquons une grande concentration de familles roumaines migrantes, tout un débat commence à se faire jour à propos des nouveaux statuts de ces populations. Des questions simples se posent sur le nom qui est donné actuellement aux travailleurs roumains d’Espagne. Ensuite intervient l’échelle des perceptions qu’ont les Roumains installés en Espagne sur euxmêmes : comment les Roumains se sentent-ils en Espagne ? Des immigrants ? Des étrangers ? Des citoyens européens ou communautaires ? Dans ce chemin vers une politique de migration commune aux états européens, les Roumains qui habitent dans un pays membre se sentent-ils libres de pratiquer le mode de circulation qui leur convient ? Les Roumains sont-ils tentés par le cosmopolitisme ? Y a-t-il un changement dans la mentalité des Roumains installés ici ? Quelle est l’image diffusée par les moyens de communication ? Les réponses à toutes ces questions essayent de temporiser les inquiétudes courantes de certains Roumains résidant actuellement à Castellón de la Plana. 312 3.3.1. Le passage d’immigré à citoyen communautaire La problématique pour définir ou mieux redéfinir en termes exacts les populations roumaines qui habitent en Espagne et concrètement à Castellón de la Plana, exige de porter sur elles, un nouveau regard: « Ce regard différent sur la spatialité nouvelle des migrations et des mobilités internationales soulève quelques difficultés méthodologiques, car il place désormais la question migratoire au sein de la complexité spatiale mondiale actuelle, avec l’imbrication croissante, l’enchevêtrement difficilement quantifiable des flux, des réseaux et de tous les systèmes de relations qui structurent le monde en général, et celui des mobilités humaines en particulier » 369 . Nous percevons une grande difficulté théorique à définir correctement les processus migratoires actuels. Dans notre exemple, il nous semble très ambigu de redéfinir la situation des Roumains installés en Espagne et particulièrement à Castellón. Cette ambiguïté naît à l’échelle juridique, des nombreuses transformations des règles de la mobilité en conformité aux changements de normes des politiques migratoires à l’échelle de l’Espagne, de la Roumanie et de l’Union Européenne. D’un autre côté, du point de vue géographique, les notions changent aussi en fonction du rapport à l’espace et au temps des personnes entrainées dans la mobilité. Tout d’abord il nous apparaît nécessaire de distinguer les termes utilisés pour nommer les Roumains établis en Espagne. Nous devons distinguer les concepts utilisés dans le domaine des migrations internationales en fonction de la dimension géographique et juridique. Ainsi, « le concept de migrant (émigré, immigré) qui est fondé sur un critère géographique (déplacement dans l’espace), ne doit pas être confondu avec celui d’étranger, fondé sur un critère juridique : est étranger celui qui ne possède pas la nationalité du pays où il réside, qualité d’ailleurs soumise à évolution selon les politiques nationales d’accès à la nationalité » 370 . 369 SIMON, Gildas. La planète migratoire dans la mondialisation. Armand Colin. Paris, 2008.229 p (citation p.78) 370 Idem, ibidem, (citation p. 40) 313 La définition du terme « immigré » dans le dictionnaire français se réfère à quelqu’un : « Qui a quitté son pays d'origine pour s'installer dans un autre pays » 371 . Dans le dictionnaire espagnol, l’immigré est quelqu’un « Que inmigra » ce qui veut dire « qui migre »:« Dicho del natural de un país: Llegar a otro para establecerse en él, especialmente con idea de formar nuevas colonias o domiciliarse en las ya formadas 372 ». Selon ces définitions la notion d’«immigré » et l’action de « migrer » font référence à une vision géographique du déplacement et du changement de lieu de domicile, de l’idée d’habiter dans un autre territoire différent du sien : « La inmigración comporta un cambio de residencia » 373 . Si cette interprétation géographique de la migration est très claire, ce qui peut devenir inquiétant est l’utilisation du concept de migrant en dehors de sa définition réelle. Ainsi, dans le cas que nous étudions des Roumains installés à Castellón, nous nous trouvons devant une confusion et une mauvaise utilisation du terme « immigré » qui est associé avec le statut juridique, économique et non géographique. Cette confusion se produit avec la notion d’étranger qui selon la Loi Organique 4/2000 du 11 janvier, fait référence à la personne qui n’a pas la nationalité espagnole : « Se consideran extranjeros, a los afectos de la aplicacion de la presente Ley, a los que carezcan de la nacionalidad espanola ». Donc, dans ce cas-là il y a une distinction claire entre les personnes espagnoles et les personnes étrangères qui peuvent être des citoyens communautaires ou non. Nous voulons mettre l’accent sur cet aspect car au fur et à mesure de l’évolution des politiques migratoires commencent à apparaître des différences juridiques mais aussi sémantiques entre les communautaires et les étrangers qui sont ensuite assimilés aux noncommunautaires et finalement aux immigrés. Même si nous reconnaissons que ces changements de domicile vers de nouveaux territoires sont dus principalement, dans le cas des Roumains, à des raisons économiques, dans la perception collective, les Roumains sont considérés comme immigrés et pas étrangers comme le sont les personnes qui travaillent en Espagne natives d’un pays membre européen. Le fait que les mots immigration comme immigré soient des notions sociales connues et utilisées dans la société mais ne possédant pas le même sens dans la législation: 371 « Immigré ». In : Encyclopédie Larousse [En ligne], Disponible sur : < http://www.larousse.fr/encyclopedie/nom-commun-nom/immigr%C3%A9/60006 > (consulté le 9 Septembre, 2010) 372 « Inmigrante e inmigrar ». In : Real Academia Española- Diccionario de la Lengua Española [En ligne], Disponible sur : < http://buscon.rae.es/draeI/SrvltConsulta?TIPO_BUS=3&LEMA=cultura > (consulté le 9 Septembre, 2010) 373 SOLE, Carlota. « Inmigración ». In: Glosario para una sociedad intercultural. Bancaja, Valencia, 2002. p.197-203 (citation p.197) 314 « Por lo tanto INMIGRANTE e INMIGRACION son NOCIONES SOCIALES que, aunque todos conocemos, no aparecen en ningún cuerpo legal » 374 , peut-il constituer notre réponse? Nous adhérons aussi à l’idée, selon laquelle « Les migrants sont classés selon de nombreuses catégories légales ou officielles : réguliers/irréguliers, en vue d’un regroupement familial, en transit, requérants d’asile ou réfugiés, résidents permanents ou temporaires, travailleurs qualifiés ou non qualifiés, etc. Ces définitions deviennent efficaces, non seulement pour statuer de la légalité de la présence des individus sur un territoire étatique, mais aussi pour le comptage statistique : les statistiques officielles(…) » 375 . Mais dans le cas de la présence roumaine à Castellón nous essayons de rendre visible le fait qu’il s’agisse de personnes qui s’y sont installées pour un projet de vie, et nous cherchons pour elles une définition qui dépasse la réalité de sujets seulement statistiques. La complexité de ce processus migratoire nous rend dubitatif quant à l’appellation de cette collectivité roumaine. Du point de vue théorique, prenant en compte toutes les notions définies précédemment, la présence roumaine à Castellón peut être caractérisée par les trois représentations. Selon le déplacement territorial et le changement de domicile les Roumains installés à Castellón peuvent être appelés immigrants. Par rapport au statut juridique, du fait qu’ils possèdent la nationalité roumaine, ils sont des étrangers. L’évolution des politiques migratoires européennes avec l’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne leur donne le statut de citoyens communautaires et ils seront traités en fonction de la législation communautaire européenne. Mais ceci pose la question suivante : Comment les Roumains installés à Castellón, s’y sentent-ils? Comment s’identifient-ils ? C’est ici que nous faisons référence à la pensée empirique sur les notions d’« immigrant » et d’« étranger », ces définitions qui fonctionnent en concordance avec la mentalité collective, le comportement sociétal, les facteurs économiques et sociaux. 374 SANCHEZ RIBAS, Javier et FRANCO PANTOJA, Francisco. Guía para orientación legal en inmigración. Lex Nova. Valladolid, 2008.499 p (citation p.22) 375 LEVY, Jacques (Dir.). L'invention du monde. Une géographie de la mondialisation. Presses de Sciences Po. Paris, 2008.399 p (citation p.140) 315 En fonction de la situation économique, les deux notions sont différenciées par les autochtones ainsi : les « immigrés sont des personnes qui décident de sortir de leur pays pour chercher du travail, qui doivent lutter pour s’adapter à une nouvelle vie et culture et qui doivent accepter les emplois refusés par les autochtones » 376 ; les « étrangers » sont des personnes qui se distinguent socialement et économiquement et qui viennent avec leur argent car parfois il est plus avantageux pour eux de vivre ici que dans leur pays, comme c’est le cas de retraités des pays d’Europe du nord. Même si l’élément économique est très important et très réel à l’heure actuelle, nous voulons faire ressortir l’altération dans l’utilisation de ces notions. Il y a des barrières de charge identitaire qui accentuent l’exploitation du terme d’immigré de façon péjorative. Le rapprochement qui est fait entre l’immigré et le noncommunautaire les difficultés d’acquisition des permis de résidence et de travail, font dériver le sens du terme immigré vers celui d’irrégularité juridique. Dans une analyse officielle étatique et européenne à partir de janvier 2007 les Roumains qui habitent en Espagne, sont des citoyens communautaires. Il y a eu un grand saut en matière de droits communautaires et de législation. D’un jour à autre ils sont passés d’« immigrants » à « citoyens communautaires ». Mais le paradoxe naît du fait qu’ils ont le droit de vote pour les élections locales mais pas de droit au travail comme salariés. La période de transition des deux ans imposait des restrictions sur le marché du travail espagnol jusqu’à janvier 2009. Actuellement (à partir de 22 juillet 2011), les rectrictions sur le marché de travail espagnol ont été rétablies pour les Roumains jusqu’au début de 2013. Un permis de travail est exigé pour chaque nouvel arrivant ou pour ceux qui n’ont pas encore été enregistrés dans les services de l’emploi avant cette date. Les nouveaux droits européens, y compris celui du vote, ont ouvert des sièges aux partis politiques roumains à Castellón même et des candidatures roumaines aux élections locales. Dans le même temps, les politiques espagnols conscients du poids que pouvait constituer le nombre élevé des Roumains installés sur ce territoire ont essayé d’attirer des sympathisants d’un côté ou de l’autre: 376 PLACSINTAR, Angela et BUCUR, Ramona. « El mercado laboral de grupos de inmigrantes marginalizados en Provincia de Castellón ». In: Políticas Migratorias: la interacción del Estado, el Mercado y la Ciudadanía. Actas del Seminario Internacional de Políticas Migratorias [En ligne]. Universidade da Coruña, A Coruña, p.173-183 (citation p.175). Disponible sur : < http://esomi.es/inmigracion-migracion/libro-politicas-migratoriasla-interaccion-del-estado-el-mercado-y-la-ciudadania/gmx-niv23-con240.htm > (consulté le 12 Mai, 2010) 316 « se ha notado un cambio en la actitud de las autoridades locales hacia los inmigrantes y que hay una "pelea" entre políticos españoles para captar el voto rumano» 377 . (« Il est apparu un changement dans l’attitude des autorités locales vers les immigrés et les politiques espagnols se disputent pour capter le vote roumain »). La représentativité roumaine dans le corps des autorités locales n’a pas constitué un fait encourageant pour les Roumains établis à Castellón. Ils n’ont pas tellement bénéficié de leur droit communautaire parce que leur présence aux élections locales a été très faible. Par contre, au référendum et aux élections roumaines ils ont beaucoup participé. Cette situation est due au grand manque d’information qui persiste dans le collectif roumain. «En Castellón, una de las comunidades más numerosas de España, ejercieron su derecho cientos de ciudadanos, que se concentraron durante todo el día en el recinto de La Pérgola, que como en otras ocasiones se habilitó como colegio electoral. Difícil es cuantificar el número de personas que pasaron por las cabinas de voto, y es que, tal y como comentó a Mediterráneo el cónsul del país del Este, Liviu Popa, "cualquier ciudadano de Rumanía que se encuentre fuera del país puede votar sin problemas presentando los documentos pertinentes". Popa también quiso destacar la "masiva afluencia" de electores que se vio ayer un hecho que se asemeja a las situación vivida durante las pasadas elecciones europeas, donde votaron más de 5.000 rumanos que viven en la provincia» 378 . (« À Castellón, l’une des communautés roumaines les plus nombreuses d’Espagne, des centaines de citoyens ont exercé leur droit de vote, ils sont allés tout au long de la journée au siège de La Pergola qui a été aménagé comme dans d’autres occasions comme Bureau de vote. Il est difficile de compter le nombre des personnes qui sont passées par les isoloirs et selon la déclaration pour Meditteraneo de Monsieur le Consul de Roumanie, Liviu Popa « tous les citoyens de Roumanie qui se trouvent en dehors du pays peuvent voter sans problème en présentant les documents nécessaires ». M. Popa a voulu souligner « l’affluence massive » des électeurs présents hier, fait similaire à celui vécu pendant les dernières élections européennes, où plus de 5 000 Roumains qui habitent dans la province avaient voté »). 377 TOMAS, Mari Carmen. « La prensa rumana tilda de decisivo el voto de sus emigrantes en Castellón ». El Periodico Mediterraneo [En ligne]. 6 Octobre 2006, Disponible sur : < http://www.elperiodicomediterraneo.com/noticias/noticia.asp?pkid=252147 > (consulté le 9 Septembre 2010) 378 GRAS, Eric. « Cientos de rumanos eligen a su nuevo presidente desde Castellón ». El Periodico Mediterraneo [En ligne]. 23 Novembre 2009, Disponible sur : < http://www.elperiodicomediterraneo.com/noticias/noticia.asp?pkid=509554 > (consulté le 9 Septembre, 2010) 317 Photo 17. Le Parti Démocrate Libéral Roumain actuellement au pouvoir en Roumanie, la filiale de Castellón, R. Bucur, 2009 En analysant la situation des Roumains, selon les témoignages de plusieurs personnes, le fait d’être communautaire, “prácticamente no cambio nada o peor es que en España se han complicado mas las cosas. Soy y me quedare inmigrante mientras que delante de mi y de mis compatriotas hay barreras que no se pueden pasar;(…)falta de aceptar o mejor dicho reconocer si tienes o no una calificación o una preparación” 379 . (« Pratiquement rien n’a changé ou pire, les choses se sont compliquées en Espagne. Je suis et je me sentirai un immigré tant que devant moi et mes compatriotes il y aura des barrières que nous ne pouvons pas dépasser ;(…) faute d’accepter ou mieux dit de reconnaître si tu possèdes une qualification ou une formation »). 379 PLACSINTAR, Angela et BUCUR, Ramona. « El mercado laboral de grupos de inmigrantes marginalizados en Provincia de Castellón ». In: Políticas Migratorias: la interacción del Estado, el Mercado y la Ciudadanía. Actas del Seminario Internacional de Políticas Migratorias [En ligne]. Universidade da Coruña, A Coruña, p. 173-183 (citation p.175). Disponible sur : < http://esomi.es/inmigracion-migracion/libro-politicas-migratorias-lainteraccion-del-estado-el-mercado-y-la-ciudadania/gmx-niv23-con240.htm > (consulté le 12 Mai, 2010) 318 Comme nous le voyons, la perception de la population roumaine est la même que celle reflétée par le comportement de la société. « Les Roumains se sentent immigrés devant les autorités autant à l’échelle administrative par le manque de connaissance des lois que par l’attitude et la communication non-verbale parfois rencontrée » 380 .Ils se sentent immigrés au sens péjoratif du terme, celui des contraintes, des barrières qui bloquent leur projet de vie. En même temps « beaucoup de Roumains arrivés récemment à Castellón ne savent pas ce que signifie la période de transition, « la moratoria » ; ils ne sont pas intéressés, il n’y a pas d’intégration sociale. Les gens sont préoccupés par leur travail » 381 . Dans ce contexte, entre le manque d’intérêt chez les Roumains à mieux connaître leur statut et leur vécu quotidien qui induit des perceptions erronées sur leur vraie condition, le sens correct des notions de migrations internationales est altéré. En guise de conclusion nous pouvons affirmer que la situation est très complexe pour désigner les Roumains de Castellón. Même si à un « haut niveau politique » ils sont définis actuellement comme citoyens communautaires, dans la perception profonde de la base, les ressentis sont différents. Les Roumains établis à Castellón ne sont pas conscients de tout ce qu’implique leur statut actuel et s’auto-identifient comme « immigrés » dans un sens éloigné de la définition géographique. 380 Entretien avec Angela Placsintar, présidente de l’Association des Immigrés de Pays de l’Est, Castellón de la Plana, 2010 381 Entretien avec Angela Placsintar, présidente de l’Association des Immigrés de Pays de l’Est, Castellón de la Plana, 2010 319 3.3.2. Les mutations dans la mentalité des Roumains de l’Espagne La définition des Roumains résidant en Espagne et l’auto-identification qu’ils vivent au quotidien nous dirigent vers un autre élément qui est celui de la mentalité. Y a-t-il des changements dans la mentalité des Roumains qui habitent en Espagne Pour mieux comprendre ce que nous devons analyser il est nécessaire de définir la notion encyclopédique de mentalité : « Ensemble des habitudes intellectuelles, des croyances et des dispositions psychiques caractéristiques d'un groupe » 382 et « Cultura y modo de pensar que caracteriza a una persona, a un pueblo, a una generación, etc. » 383 (« Culture et manière de pensée qui caractérise une personne, un peuple, une génération, etc. »).Comme nous le remarquons, ces définitions se réfèrent aux habitudes, aux croyances, aux manières de pensée des personnes et groupes de personnes. Nous pouvons y ajouter dans notre contexte les pratiques quotidiennes et le changement dans la manière d’habiter un territoire. Le vécu quotidien au contact de deux cultures différentes produit un certain mixage grâce à une action de bricolage réalisée par les migrants pour mieux habiter le nouveau territoire. « Les pratiques spatiales et sociales développées par les migrants et les circulants, à la fois supports et produits de la circulation entre sociétés culturelles différentes finissent par entraîner, nolens volens, un mixage qui finit par retenir sur le moi, entraînant la remise en cause du sujet, du statut de l’individu, la transformation des pratiques familiales et à un certain moment des modes de vie, d’autres choix en matière d’éducation, des désirs de mobilité sociale, etc. » 384 . Compte tenu des entretiens avec des Roumains résidant à Castellón, la réponse sur la question du changement de leur mentalité entre la période vécue en Roumanie et celle actuelle a été positive. A première vue il est logique de répondre affirmativement car chaque sortie d’un territoire suppose une nouvelle expérience de vie. Mais, ce qui nous intéresse est de savoir quels sont les aspects de leur mentalité qui ont changé ? 382 « Mentalité ». In: Encyclopédie Larousse [En ligne], Disponible sur : (consulté le 10 < http://www.larousse.fr/encyclopedie/nom-commun-nom/mentalit%C3%A9/69339 > Septembre, 2010) 383 « Mentalidad ». In : Real Academia Española- Diccionario de la Lengua Española [En ligne], Disponible sur : < http://buscon.rae.es/draeI/SrvltConsulta?TIPO_BUS=3&LEMA=cultura > (consulté le 10 Septembre, 2010) 384 SIMON, Gildas. La planète migratoire dans la mondialisation. Armand Colin. Paris, 2008.229 p (citation p. 191) 320 Dans les témoignages ils déclaraient qu’ils ressentaient un grand changement dans leur mentalité, dans leur mode de penser et de vivre. « J’ai changé de manière positive ici. J’ai appris à respecter davantage les autres car j’ai été respecté ; j’ai observé qu’ici dans le comportement des gens, on ne prend pas en compte la classe sociale, ce qui m’a rendu plus ouvert vers l’autre et vers d’autres cultures. Ici j’ai appris beaucoup de choses, j’ai connu beaucoup de gens de nombreux pays et je suis surpris de leur amabilité » 385 , déclare le père d’une famille qui habite avec sa femme et les enfants à Castellón de la Plana. Dans un autre témoignage, la personne répond: « J’ai changé totalement de mentalité! J’ai connu un processus de maturité profonde à travers beaucoup d’expériences de vie. J’ai une autre vision des choses, j’ai appris ce que signifie respecter l’autre, être plus organisé et plus prudent. Je me suis fait beaucoup d’amis de cultures différentes : Argentins, Espagnols, Boliviens ; d’ailleurs actuellement je partage l’appartement avec une famille de Bolivie. J’ai vécu trois mois aussi en Allemagne chez mon frère et j’ai étudié pendant une année en Roumanie la langue allemande. Maintenant je peux m’installer dans n’importe quel pays car je sais me débrouiller ! » 386 . Après quelques mois, cette personne est retournée en Roumanie et se préparait à partir travailler dans le secteur touristique au Qatar. En analysant ces deux exemples nous pouvons observer une certaine similitude dans les deux réponses. On remarque notamment le fait que les deux personnes ont saisi dans leur transformation intérieure l’apprentissage du respect pour les autres parce qu’eux-mêmes ont été respectés. Pourquoi cette notion est-elle si importante dans leur auto-analyse ? Une des raisons serait-elle l’absence de cette valeur dans le pays d’origine ? Ce qui pourrait dévoiler une dimension cachée de la cause du départ qui ne serait pas seulement économique ? D’autres raisons peuvent être la méfiance, la déconsidération et le comportement sélectif en fonction de certains intérêts, plutôt économiques qui existent en Roumanie. Les deux témoignages parlent aussi d’un grand apprentissage de l’ouverture à d’autres cultures, surtout pour le célibataire sans obligations familiales une certaine assurance de pouvoir s’adapter à vivre dans n’importe quel pays. Une certaine tentation du cosmopolitisme apparaît-elle ici ? Comment peut-on la définir ? 385 Entretien avec l’homme de la catégorie du ménage avec les deux conjoints et les enfants installés à Castellón de la Plana, 2009 386 Entretien avec un jeune homme de la catégorie de personne célibataire sans enfant, installé à Castellón de la Plana, 2009 321 « Le cosmopolitisme » met en scène les pratiques sociales des individus, de la société civile, c’est-à-dire, en un sens, de « la société en tant qu’elle n’est pas politique » 387 et il faut ajouter que: « L’optique cosmopolitique signifie ceci : dans un monde de crises globales et de dangers produits par la civilisation, les anciennes distinctions entre le dedans et le dehors, entre le national et l’international, entre nous et les autres, perdent leur validité, et nous avons besoin pour survivre d’un nouveau réalisme, cosmopolitique » 388 . Dans notre interprétation, nous allons plutôt adopter le sens classique du mot « cosmopolite » qualifiant une personne qui « se sent partout chez elle et souhaite entrer en relation avec Autrui (…) témoigne d’une ouverture particulière à Autrui » 389 . Cette attitude semble indispensable à la réussite d’un projet migratoire. C’est dans cette partie sémantique du terme que nous pouvons classer l’exemple évoqué plus haut. Mais il faut dire que les personnes roumaines ayant des points de vue aussi ouverts sont très rares car la majorité des gens constitue un modèle transnational plutôt que véritablement cosmopolite. On peut aussi s’intéresser au changement de mentalité des populations roumaines installées à Castellón à propos du rôle de la femme dans le ménage. Les habitudes traditionnelles des femmes au quotidien en Roumanie, commencent ici à s’affaiblir. La femme roumaine qui travaille en dehors de la maison doit s’occuper aussi de toutes les charges domestiques, elle n’a pas trop de liberté personnelle et elle se sent toujours contrôlée par son conjoint ou sa famille. A Castellón, la situation a changé, comme elles le déclarent aussi au journal roumain : « Cred că femeile au mai multă libertate în Spania decât în România, deoarece spaniolii au o mentalitate diferită, au mai puţine prejudecăţi, sunt mai liberi şi trăiesc aşa cum simt ». (…) « În Spania femeile sunt mai respectate decât în România şi se simt mai libere. Atât femeile cât şi bărbaţii români care ajung aici învaţă ce înseamnă să îl respecţi pe celălalt şi să îi acorzi libertate » 390 . (« Je pense que les femmes ont plus de liberté en Espagne qu’en Roumanie, parce que les Espagnols ont une mentalité différente, ils ont moins de préjugés, ils sont plus libres et ils vivent comme ils l’entendent. (…) En Espagne les femmes sont plus respectées qu’en Roumanie et elles se sentent plus libres. 387 LEVY, Jacques (Dir.). L'invention du monde. Une géographie de la mondialisation. Presses de Sciences Po. Paris, 2008.399 p (citation p.359) 388 BECK, Ulrich. Qu'est-ce que le cosmopolitisme? Editions Flammarion. Paris, 2006.347 p (citation p.32) 389 SCHMOLL, Camille. « Cosmopolitisme au quotidien et circulations commerciales à Naples ». Cahiers de la Méditerranée [En ligne]. 2003, n°67, Disponible sur : < http://cdlm.revues.org/index138.html > (consulté le 10 Septembre, 2010) 390 STROIE, Georgiana. « „Româncele îşi schimbă mentalitatea după ce ajung în Spania” ». Adevarul.es [En ligne]. 8 Mars 2010, Disponible sur : < http://www.adevarul.es/stiri/social/romancele-isi-schimba-mentalitateace-ajung-spania > (consulté le 11 Septembre, 2010) 322 Autant les femmes que les hommes roumains qui arrivent apprennent ce que signifie respecter l’autre et lui accorder la liberté »). Le contexte de la crise économique actuelle en Espagne et particulièrement à Castellón accentue ces mutations dans la mentalité et le rôle de la femme roumaine dans son ménage ; elle devient de plus en plus le pilier de la famille au détriment de son mari au chômage et sans revenu. Alors, ce sont souvent les hommes qui assurent la plupart des tâches ménagères et le soin des enfants, tandis que la femme travaille en dehors de la maison. Un certain cheminement s’effectue vers une égalité visible entre les deux époux dans la manière d’habiter et de partager les responsabilités. Ce changement de mentalité s’exerce aussi dans la conservation et en même temps la croissance du sens de la propriété. En Roumanie, l’idée est très ancrée sur le fait qu’on doit posséder sa propre maison et une voiture. À cause de situations économiques précaires, beaucoup de Roumains ne pouvaient pas accéder à cela et même certains devaient tout vendre pour venir en Espagne. Leur projet de vie se développe alors autour de l’idée de posséder des biens tant au pays d’origine qu’au pays d’installation. Grâce à une période d’abondance économique, ayant un emploi stable, la majorité des Roumains ont acheté des appartements, des voitures etc. Beaucoup ont investi en Roumanie, y ont construit des maisons et ont importé des modèles espagnols de construction et d’aménagement. Par exemple, ils ont utilisé des carreaux de grès et de faïence à la place du parquet plus courant en Roumanie. Les travailleurs roumains apprennent, sur le marché du travail espagnol, de nouvelles techniques surtout dans le secteur de la construction. En même temps, certaines personnes qui reviennent en Roumanie, pensent y ouvrir leur propre négoce : « Les gens qui veulent retourner en Roumanie veulent ouvrir des affaires en Roumanie » 391 . La même idée avait été remarquée deux années avant par la Représentante du Bureau de la Préfecture de Département de Dâmboviţa (Roumanie), sauf que la forme d’expression utilisée avait une connotation un peu condescendante au contraire de la vision positive sur le changement de mentalité et le désir d’investir dans le pays d’origine: « Tous veulent être des patrons en Roumanie et ici ils travaillent comme ils peuvent. Ils veulent ouvrir des entreprises de: construction, maçonnerie, plomberie, céramique ou pâtisserie » 392 . 391 Entretien avec Angela Placsintar, la présidente de l’Association des Immigrants de Pays de l’Est, Castellón de la Plana, 2010 392 Entretien avec la Représentante roumaine du Bureau de la Préfecture de Département de Dâmboviţa, Castellón, 2008 323 Nous avons remarqué d’autres changements d’habitudes chez les Roumains installés à Castellón dans le domaine ludique : « La fête constitue du point de vue de la géographie, une opportunité de premier ordre pour comprendre la nature du lien territorial.(…) Pour les migrants, la fête est un moment, un espace-temps privilégié, celui qui permet d’être ensemble, de partager une identité, tout en révélant, de manière pertinente, l’évolution des enjeux identitaires à l’intérieur de l’ensemble du champ migratoire » 393 . Nous adoptons cette vision car le facteur ludique s’est très bien développé au sein de la communauté roumaine de Castellón. Au fait de célébrer les fêtes religieuses des autochtones et celles roumaines du rite orthodoxe s’ajoute la grande participation des Roumains aux fêtes locales espagnoles. La plus importante fête locale Fête de la gastronomie roumaine dans les rues de « Magdalena » 2007 Castellón de la Plana à l’occasion de la Photo 18 et 19. Activités de l’Association des Immigrants des Pays de l’Est, R.Bucur 394 , Castellón de la Plana Fête Nationale de Roumanie 1 Décembre 2001 Dans la célébration des mariages et dans certains autres événements familiaux, les Roumains ont adopté des habitudes espagnoles, par exemple la manière de célébrer la Communion de leurs enfants pour les Catholiques ou encore la pratique des cadeaux offerts à la fête du mariage (des petits objets offerts aux invités qui participent au mariage). Dans le domaine gastronomique, la majorité des Roumains ont pris quelques habitudes culinaires spécifiquement espagnoles. 393 SIMON, Gildas. La planète migratoire dans la mondialisation. Armand Colin. Paris, 2008.229 p (citation p.192) 394 Photos provenant du mémoire des activités de l’A.I.P.E. donnés pour cette recherche grâce à la collaboration continue avec cette association 324 Une autre dimension qui mérite d’être rappelée est celle des « apparences » très bien mises en scène par les Roumains tant en Espagne que pendant les vacances en Roumanie. Ils s’habillent à la mode espagnole, ils viennent avec des voitures de luxe des mots en espagnol leur « échappent » quand ils parlent avec d’autres Roumains, tout cela pour impressionner les non-migrants et aussi pour mettre en évidence leur situation de bien être économique acquise ou une étiquette de réussite gagnée grâce aux grands sacrifices qui n’ont maintenant plus grande importance. Il est donc évident qu’un changement de mentalité s’est opéré chez les Roumains qui habitent en Espagne. Dans le contexte de ces transformations des habitudes, des pratiques quotidiennes nous découvrons une amplification du sens de la propriété dans le pays d’accueil comme dans le pays d’origine. L’apprentissage du respect des autres, une meilleure ouverture à d’autres cultures sont les principales valeurs acquises dans cette mutation de la pensée, ainsi que la modification du rôle de la femme roumaine qui a trouvé plus de liberté dans la société espagnole et qui représente parfois le pilier de la famille dans la situation actuelle de crise économique. Ajoutons aussi les événements festifs célébrés selon les modèles espagnols et exportés en Roumanie. 3.3.3. L’image controversée sur les populations roumaines d’Espagne : débat social, économique et politique Pour traiter de l’image des Roumains en Espagne et particulièrement celle affichée par les mass-médias il faut d’abord rappeler le discours de la représentante diplomatique de la Roumanie qui reconnaît que ce sujet est très délicat : « La embajadora de Rumanía en España, María Ligor, ha afirmado hoy en Santander que la imagen de los rumanos en los medios de comunicación españoles "es una tema muy delicado". La Embajada, ha especificado, recibe peticiones "con el fin de actuar más en este campo, para corregir los acentos xenófobos, que son pocos, y para corregir la imagen, a veces distorsionada del colectivo rumano en España", según Ligor. En general, ha afirmado, los rumanos no se distinguen mucho en el colectivo de la sociedad, "son muy parecidos, incluso en los proyectos de vida y en los lazos familiares". 325 Pero hay tópicos y estereotipos que se mantienen en los medios como los relacionados con la delincuencia y la mendicidad» 395 . (« L’ambassadrice de Roumanie en Espagne, Maria Ligor, a affirmé aujourd’hui à Santander que l’image des Roumains dans les moyens de communications espagnols « est un thème très délicat ». L’ambassade reçoit des demandes « pour réagir davantage dans ce champ, pour corriger les accents xénophobes, peu nombreux, et pour corriger l’image, parfois déformée des Roumains en Espagne »,. En général, a-t-elle affirmé, les Roumains ne se distinguent pas beaucoup de la société, « ils sont très semblables, inclus dans les projets de vie et les liens familiaux ». Mais il y a des « a priori » et des stéréotypes qui se maintiennent dans le mass-média comme ceux en relation avec la délinquance et la mendicité »). Pour une simple analyse de l’importance de ce groupe roumain à Castellón, nous observons la quantité d’informations à propos des Roumains installés dans cette province. Nous prenons les articles du journal Méditerraneo qui est emblématique de Castellón et nous sommes surpris de leur multitude à propos des Roumains établis ici. La fréquence est de presque une nouveauté chaque jour où apparaît le mot « Roumain, e/ s, es ou la Roumanie » dans la presse locale de Castellón. 395 Europa Press. « La imagen de los rumanos en los medios de comunicación españoles "es un tema muy delicado", según la embajadora ». Periodista Latino.com En ligne]. 19 Juillet 2010, Disponible sur : < http://www.periodistadigital.com/inmigrantes/vida-cotidiana/2010/07/19/la-imagen-de-los-rumanos-en-losmedios-de-comunicacion-espanoles-es-un-tema-muy-delicado-segun-la-embajadora.shtml > 326 Informations sur les Roumains dans le journal Méditerraneo – Province de Castellón entre 01.01.2002 et 01.09.2010 Sections du Journal Nombre d’informations Roumains Thème du jour 274 Informations de Castellón 672 Informations de comunes 159 Villa-Real 59 Opinions 46 Economie 7 Sport 100 National 12 International 68 Spectacles 14 Société 81 Evénements 528 Informations curieuses 5 Elections 2008 3 TOTAL 2028 articles en 9 ans sur les Tableau 15. Le nombre d’articles avec des informations sur les Roumains dans la Province de Castellón, R. Bucur, 2010 D’après ce tableau, nous pouvons nous rendre compte de l’importance des commentaires sur la migration roumaine dans la Province de Castellón, surtout que la section du journal de Castellón de la Plana occupe les articles les plus nombreux sans compter les articles sur les immigrés ou les étrangers dont font partie les Roumains. L’impact territorial de cette population d’origine roumaine est très grand à l’échelle des mass-médias espagnols mais aussi roumains. Les représentants des associations roumaines sont des personnes très sollicitées pour constater et relater ce qui se produit dans la société où les Roumains sont impliqués mais aussi pour présenter des événements culturels qui peuvent rapprocher la culture roumaine de la culture espagnole. La nature des informations présentées dans les journaux connaît des dimensions positives et négatives. Actuellement l’image des Roumains commence à se flétrir à cause des faits de délinquance accentués par la crise économique. Un autre facteur de la dégradation de cette image est lié à l’enjeu de la libre circulation qui favorise le développement de réseaux mafieux dont les actes sont rendus visibles dans les mass-médias espagnols. 327 « (…) la imagen positiva que en España se tenía de los rumanos se ha visto seriamente deteriorada en los últimos años. En ello ha jugado un papel importante las noticias aparecidas en los medios de comunicación en relación a los delitos cometidos por este colectivo, la ocupación de viviendas (…). La tensión informativa puesta sobre estos hechos, en ocasiones desproporcionada, alimenta prejuicios y generalizaciones de comportamientos negativos a toda la población rumana» 396 . (« (…) l’image positive que l’Espagne avait sur les Roumains s’est détériorée sérieusement les dernières années. Pour ce fait un rôle important a été joué par les informations apparues dans les mass-médias en relation avec les délits réalisés par ce collectif, l’occupation des logements(…) La tension de l’information sur ces faits, de manière disproportionnée, alimente les préjugés et la généralisation des comportements négatifs sur l’ensemble de la population roumaine »). Pour améliorer le jugement des Espagnols à l’égard de la population roumaine le gouvernement roumain a mis en place une campagne pour montrer les aspects positifs des Roumains. Le but de cette initiative publicitaire est de comparer les réalités de la période de la migration espagnole en Europe avec celle actuelle de la population roumaine. « Las asociaciones que engloban al colectivo rumano en nuestra provincia admiten la "mala imagen" que ofrecen sus compatriotas, "que muy poco tiene que ver con la realidad social de la comunidad rumana de Castellón, que se dedica a trabajar y afianzar un futuro". "Y eso hay que cambiarlo", afirma Ángela Placsintar, presidenta de la Asociación de Ciudadanos de Países del Este, quien valora positivamente la campaña en marcha iniciada por el Gobierno rumano para mejorar la imagen de sus inmigrantes en España 397 . (« Les associations qui représentent la communauté roumaine dans notre province admettent « la mauvaise image » qu’offrent certains de leurs compatriotes, « qui reflètent très peu la réalité sociale de la communauté roumaine de Castellón, qui se consacre à travailler et à consolider son avenir ». « Et cela il faut le changer », affirme Angela Placsintar, la Présidente de l’Association de Citoyens des Pais de l’Est, qui voit positivement la campagne initiée par le gouvernement roumain pour renouveler l’image de ses immigrants en Espagne »). 396 GORDO MARQUEZ, Mercedes. « ¡Volved a Rumania, por favor! La política de retorno del gobierno rumano y sus implicaciones en los inmigrantes que se encuentran en España ». Cuadernos de Geografia. 2008, n°84, p.153-168 (citation p.164) 397 CORNELLES, Vicente. « Reconocen la "mala imagen" de los rumanos ». El Periodico Mediterraneo [En ligne]. 25 Septembre 2008, Disponible sur : < http://www.elperiodicomediterraneo.com/noticias/noticia.asp?pkid=409279&page=13 > (consulté le 13 Septembre, 2010) 328 La campagne gouvernementale roumaine sur l’image des Roumains en Espagne a été complétée par des études réalisées par l’Agence des Stratégies Gouvernementales de Roumanie afin de connaître d’une autre façon l’opinion des Espagnols sur les Roumains et des Roumains eux-mêmes sur leur pays. Selon les données de l’étude 398 , à propos de l’image des Roumains en Espagne réalisée sur 1214 Espagnols: 40% ont une bonne opinion des Roumains, ceux-là ont des collègues de travail roumains. Par contre, 47% ont une mauvaise impression sur les Roumains, mais ces-derniers manquent de contact et méconnaissent totalement les Roumains (ils n’ont jamais parlé avec une personne d’origine roumaine). Dans la perception que les Espagnols ont des Roumains, les réponses sont partagées et contradictoires: certaines personnes les associent à la pauvreté et à la délinquance alors que d’autres, au contraire, apprécient leur caractère travailleur et leur courage. Les Espagnols remarquent même qu’ils leur ressemblent dans leur manière de traiter la famille, de se comporter dans la société ou leur façon de s’habiller. Sur l’actualité des informations au sujet de la Roumanie et les Roumains qui habitent en Espagne, la moitié des Espagnols interrogés ont répondu qu’ils regardaient à la télévision des émissions sur ces sujets. Dans la deuxième étude réalisée avec 1104 Roumains qui devaient répondre aux questions sur leur propre pays, les Roumains sont conscients de leur image en Espagne et en Europe. « Respondenţii consideră că România are o imagine uşor pozitivă în străinătate, de nota 6 pe o scală de la 1 la 10, unde 10 înseamnă o “imagine foarte bună”. Cei mai mulţi, adică 38%, se situează într-o zonă neutră, considerând că imaginea României nu este nici bună, nici proastă. În schimb, procentul celor ce consideră că România are o imagine bună este cu 6 puncte procentuale mai ridicat decât al celor ce consideră că acea imagine este una proastă» 399 . (« Les personnes qui ont répondu considèrent que la Roumanie a une image légèrement positive, 6/10,10 signifiant “une image très bonne”. 38 % se situent dans une zone neutre, considérant que l’image de la Roumanie n’est ni bonne ni mauvaise. Par contre, le pourcentage de ceux qui considèrent que la Roumanie possède une bonne image est de 6 % plus élevé que celui des personnes qui déclarent que cette image est mauvaise »). 398 Guvernul Romaniei. Agentia pentru Strategii Guvernamentale. Imaginea Romaniei in Spania [En ligne]. Spania, 2008. Disponible sur : < http://www.publicinfo.ro/library/sc/studiu_spania.pdf > (consulté le 12 Août, 2010) 399 Guvernul Romaniei. Agentia pentru Strategii Guvernamentale. Studiu privind autoperceptia romanilor si imaginea de tara [En ligne]. Romania, 2007. Disponible sur : < http://www.publicinfo.ro/library/sc/apit.pdf > (consulté le 12 Août, 2010) 329 Dans le contexte sur l’information de la population roumaine, nous trouvons en Espagne des journaux roumains distribués gratuitement, ce qui facilite la lecture des informations nécessaires aux Roumains établis. Les Roumains qui arrivent et s’installent en Espagne, ne peuvent pas vivre sans avoir des informations dans leur propre langue: « Familia Filip a poposit pe meleaguri spaniole acum opt ani. După un timp de la sosirea la Castellón, Ioan şi Lenuţa s-au ambiţionat să se lanseze în afaceri. „Aduceam din România ziare şi reviste. Acestea au fost primele lucruri cerute de români » 400 . (« La famille Filip est arrivée sur le territoire espagnol il y a huit ans. Après une période d’installation à Castellón, Ioan et Lenuta ont pensé à se lancer dans le négoce. « Nous avons rapporté de Roumanie des journaux et des revues. C’était les premiers produits demandés par les Roumains »). Le journal le plus connu et publié en Espagne s’appelle « Roumain du monde ». Apparu en 2001, il a accompagné le processus de migration des Roumains en Espagne leur donnant des informations importantes sur les événements, les lois, les annonces publicitaires mais aussi des informations sur la réalité de la Roumanie. Au fur et à mesure, il a évolué d’une version mensuelle en noir et blanc à une version sur papier en couleur avec une fréquence bimensuelle et aussi à une version électronique. Il contient aussi des informations en espagnol, surtout de nature touristique pour attirer les lecteurs espagnols intéressés. Le journal possède un tirage de 30 000 401 exemplaires et presque 100 000 lecteurs et il est financé par la publicité des entreprises parmi lesquelles se trouve Money Gram (entreprise des envois d’argent, le sponsor principal). Sur le site de l’Ambassade de Roumanie à Madrid, nous trouvons les adresses de beaucoup d’autres journaux en papier ou on-line, et des correspondants de journaux roumains établis ici. Il y a des journaux édités à Madrid mais aussi à Castellón. Ce détail marque encore une fois l’importance de la grande concentration de population roumaine dans cette province méditerranéenne. La télévision roumaine a envoyé aussi des correspondants en Espagne. Les Radios roumaines délocalisées et d’autres fondées sur place font partie de la réalité quotidienne des Roumains établis en Espagne. Ainsi, nous soulignons l’importance des mass-médias dans la vie de la société en général et celle des roumains en particulier. L’image produite par ces moyens de communication influence le comportement des gens dans la vie quotidienne. 400 CHIVA, Laura. « Spania: Peste o sută de firme româneşti în Castellón ». Adevarul.ro [En ligne]. 13 Mai 2009, Disponible sur : < http://www.adevarul.ro/Castellón-Peste-romanesti-firme-suta_0_41996130.html# > (consulté le 13 Septembre, 2010) 401 VIRUELA MARTINEZ, Rafael. « Migracion y nuevas tecnologias de la informacion y la comunicacion: inmigrantes rumanos en Espana ». Revista Migraciones. 2007, n°21, p.259-290 (citation p.275) 330 La vision négative répandue sur la population roumaine de l’étranger comme sur le pays même sera peut-être effacée grâce aux campagnes de publicité initiées par le gouvernement roumain. Les résultats des études réalisées pour en connaître l’efficacité sur l’image de la Roumanie et des Roumains en Espagne restent invisibles pour le moment. Il est très compliqué de définir la communauté roumaine de Castellón. Nous avons observé qu’officiellement les Roumains sont définis actuellement comme citoyens communautaires. Mais dans leurs perceptions intimes, ils se sentent autrement. Les familles roumaines établies à Castellón ne sont pas conscientes de leur appartenance à la communauté européenne. Elles s’auto identifient à l’ensemble des immigrés. Par contre on peut déceler un changement de mentalité chez les Roumains qui habitent en Espagne. Les mutations des pratiques quotidiennes et des coutumes sont perceptibles aussi bien dans le pays d’accueil que dans le pays d’origine lorsqu’ils y séjournent à nouveau. L’apprentissage du respect des autres et une meilleure ouverture à d’autres cultures sont les principales valeurs identifiables dans l’évolution de leur pensée collective et individuelle. La femme roumaine se sent plus respectée et plus indépendante dans la société espagnole. Elle est devenue dans cette situation de crise économique le soutien le plus solide de la famille. Nous constatons une « exportation » des coutumes, expressions et pratiques quotidienne espagnoles vers la Roumanie durant les séjours de vacances. L’importance des mass-médias dans la vie des familles roumaines s’est considérablement amplifiée dans les conditions de cette migration. L’image que ces moyens de communication produisent, influence le comportement des familles dans le vécu quotidien. De ce point de vue, les campagnes médiatiques organisées par les autorités roumaines pour réévaluer l’image négative des migrants roumains est sans doute une bonne option. Les moyens déployés sont importants : la presse roumaine d’Espagne et les programmes de publicité sur les caractéristiques positives des familles roumaines s’ajoutent aux études gouvernementales roumaines. Actuellement les résultats de ces actions sont encore peu probants, même si l’image de la Roumanie et des Roumains migrants en Espagne évolue lentement. 331 Conclusion Nouvelles interprétations sur la présence roumaine en Espagne Comment réinterpréter la situation actuelle des mobilités internationales et particulièrement des mobilités roumaines à Castellón de la Plana ? Le passage d’une forme simple de migration à une forme de circulation au sein de la population roumaine dans un contexte européen transformateur apparaît clairement. Le champ migratoire existant entre la Roumanie et l’Espagne se construit à travers des réseaux à différentes échelles, chargé de représentations, d’émotions, il constitue le support méthodologique du développement des ces déplacements roumains. La nouvelle vision d’une mobilité roumaine transformatrice, dans un contexte européen favorable à la libre circulation des biens et des personnes, représente l’élément innovateur de cette approche théorique pour laquelle nous avons adopté des notions comme la « simultanéité » et la « glocalisation ». Parmi les nouvelles notions que nous proposons pour le renouvellement de la compréhension de la migration roumaine en Espagne, nous insistons sur le concept des espaces vécus. Cette notion parfaitement adaptable aux situations des ménages roumains à Castellón reflète la construction des réseaux et un meilleur aménagement de ces nouveaux habitants dans cette ville espagnole, dans les pratiques quotidiennes. Le fait de garder ou pas les coutumes roumaines, l’adaptation à des nouvelles pratiques quotidiennes spécifiques du territoire d’accueil sont les manières de vivre actuelles des ménages roumains. Nous découvrons un esprit entrepreneurial à l’échelle individuelle ou familiale qui se met en place pour l’accomplissement du projet de vie et en même temps pour construire un mode de vie transnational à l’aide des réseaux. Nous distinguons aussi l’importance des facteurs affectif et émotionnel qui accompagnent les modes d’habiter des ménages roumains dans la quotidienneté de la société espagnole. Dans leurs déplacements, les migrants sont accompagnés par toutes leurs charges émotionnelles provenant des lieux d’origine, de leurs souvenirs et de leurs propres expériences du vécu quotidien, traditions, etc. Pour ces raisons nous parlons d’espaces vécus roumains à Castellón où les liens qui les maintiennent se reconstruisent continuellement sous l’effet des sentiments. Les migrants roumains envoient souvent des colis et de l’argent chez leurs proches en compensant ainsi l’effet de la distance. Les retours annuels pour des vacances aux lieux d’origine, dans la famille, modifient partiellement les impressions de solitude propres à chaque être humain. 332 Tous ces éléments peuvent être compris dans l’idée de penser autrement l’installation des ménages roumains à Castellón. Une autre question essentielle se réfère à la perception des Roumains par les Espagnols. Nous pouvons souligner le fait de donner une définition précise de la présence roumaine à Castellón apparaît très compliqué. La définition juridico-administrative officielle des Roumains est différente de leur ressenti. La réalité de leur identification est d’une autre nature et ils ne se rendent pas compte de tout ce qu’implique leur statut actuel de citoyens communautaires. La plupart des Roumains installés à Castellón de la Plana s’auto identifient comme des immigrés, au sens commun du terme tel qu’ils le vivent quotidiennement. Leur changement de mentalité depuis qu’ils habitent en Espagne n’améliore pas leur ressenti quotidien. Les mass-médias jouent un grand rôle dans cette perception collective des sentiments que la population espagnole et que les Roumains éprouvent sur leur identification. L’image de la Roumanie et de ses citoyens trop déformée dernièrement bénéficie pourtant des efforts publics (campagnes publicitaires, études gouvernementales initiées par les autorités roumaines) mais sans résultats visibles. 333 Conclusion générale Les migrants roumains s’installant en Espagne depuis la fin des années 90, témoignent des ressources considérables des individus et des familles pour surmonter les difficultés d’une vie quotidienne difficile. Le départ de Roumanie est la première étape d’un parcours migratoire semé d’embuches et qui constitue un pari sur l’avenir. Mais, l’avenir d’un migrant est toujours provisoire. En gardant une place pour le passé, l’avenir se construit sur un présent dans lequel l’insertion économique constitue l’enjeu majeur. Partout sur la planète de multiples migrations de travail transforment en permanence la réalité des sociétés d’origine et aussi celle des sociétés d’accueil. La réalité d’un parcours migratoire est toujours complexe. Mais elle ne se joue jamais seulement sur le terrain de l’insertion économique. Les souvenirs précieux du passé, les liens maintenus entre les membres de la famille ici et là-bas, chargent d’une valeur émotionnelle très forte le quotidien de la vie des migrants. Quelle que soit son issue, la migration reste un drame individuel et familial pour lequel le mot fin n’apparaît pas. C’est-à-dire que le processus de la migration se trouve dans une continuelle transformation. En dépit de l’existence et du développement des réseaux entre les individus qui vivent leur quotidienneté partagée entre les deux sociétés, nous saisissons un sentiment de perte d’appartenance au pays et à la culture d’origine. Revisiter une réalité migratoire à l’exemple de la migration roumaine en Espagne pose les questions de la complexité des projets migratoires et du changement provoqué par cette migration dans l’espace de vie et dans l’image que le migrant projette dans la société d’accueil. Pour saisir la complexité de cette réalité migratoire, seul le contact direct avec les migrants individuellement et en famille peut apporter un éclairage nouveau sur la diversité des situations. L’immersion dans les milieux migrants roumains pratiquée durant cette recherche doctorale fut indispensable mais elle ne fut pas sans risque. Cette méthode implique complètement le chercheur dans la réalité quotidienne de l’objet de sa recherche. Pendant trois ans nous avons pratiqué cette immersion grâce à l’appui des organismes sociaux qui interviennent auprès des migrants dans la Province de Castellón. Nous avons pu partager la quotidienneté et pratiquer les territorialités des migrants roumains installés dans la Province de Castellón. C’est grâce à cette familiarité avec les migrants que nous avons pu multiplier les enquêtes, entretiens et que nous avons pu observer la dure réalité de vie de ces familles. 334 La méthode choisie fut un objectif fondamental de mise en œuvre de notre recherche doctorale. La construction d’un échantillonnage des familles, la mise en œuvre des enquêtes sur l’origine et la destination de l’argent vers la Roumanie, le traitement de nouvelles données statistiques, nous ont permis d’affiner un certain nombre d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs sur l’installation des migrants roumains à Castellón qui restent très liés à leur pays d’origine. La construction de nouvelles formes d’habiter les territoires se fait à travers le développement de réseaux entre migrants installés en Espagne. Il nous faut constater l’ampleur de ce processus migratoire au cours des dernières années. Le projet migratoire se construit à une échelle territoriale impliquant l’Espagne et une société locale spécifique : la Province de Castellón. Notre choix pour cette échelle de recherche est justifié par la grande concentration de population roumaine habitant ce territoire (10 % de la population totale). La visibilité de cette présence roumaine à Castellón de la Plana est due à une grande diversité des initiatives entrepreneuriales et associatives impliquant des migrants roumains. Le développement de représentations locales d’institutions roumaines, la création de lieux de culte roumains ajoutent à cette visibilité des migrants roumains dans la ville de Castellón. Les personnes d’origine roumaine se distinguent dans la rue et dans les espaces publics. Le développement des réseaux migratoires roumains d’origine adventiste puis familiaux et amicaux confirment l’hypothèse du processus d’arrivée et d’installation de ces familles en Espagne et précisément à Castellón de la Plana. Ultérieurement cette migration s’est développée et distribuée à l’échelle de toute la province. Le noyau principal d’installation dans le chef-lieu (Castellón de la Plana) s’est maintenu dans la plaine littorale. Par quel processus a commencé cette migration vers Castellón ? L’origine des réseaux de migration pose la question de l’accès à l’information sur l’existence de ces réseaux et sur l’ensemble des connaissances nécessaires à la migration. Donc, c’est bien la circulation de l’information qui permet le développement des réseaux de migration. La base religieuse à l’origine de cette migration roumaine vers Castellón de la Plana s’est trouvée encouragée par les cercles des premiers migrants autour des églises adventistes et associés aux processus d’évangélisation. La confiance et l’obéissance au pasteur et la solidarité religieuse des fidèles adventistes ne concernent qu’une minorité de Roumains. Mais, il s’agit d’une minorité très active. C’est sur cette base première que se sont développés les réseaux migrants vers Castellón de la Plana. Les minorités adventistes espagnoles ont aidé dans une certaine mesure au développement de ce processus migratoire. 335 Les premiers migrants roumains établis à Castellón de la Plana ont su favoriser le développement de vrais réseaux migratoires incluant des orthodoxes voisins et des villageois de proximité. Les réseaux se sont ensuite amplifiés par des liens familiaux ou amicaux. Deux noyaux d’origine des migrants roumains peuvent être établis : le premier le plus important est celui du département de Dâmboviţa situé au sud de la Roumanie (une majorité provenant du chef-lieu, Târgovişte) et un second noyau situé dans le département d’Arad à l’ouest de la Roumanie. Nos hypothèses peuvent être confirmées car ces deux territoires ont des symboliques religieuses intéressantes. L’ouest de la Roumanie connait depuis toujours une société pluri religieuse riche d’une grande diversité de fidèles orthodoxes, catholiques, protestants etc. Dans le cas de Târgovişte, l’existence de la plus ancienne communauté adventiste de Roumanie confirme la migration des premiers adventistes roumains vers Castellón. Les stratégies de migration et d’insertion des familles roumaines vers Castellón de la Plana s’appuient sur de nouvelles formes d’habiter répondant à la diversité des ménages concernés. Ainsi, la notion de « parcours migratoire» permet de présenter la complexité de la situation des ménages roumains mais aussi la complexité des jeux d’acteurs qui interfèrent dans le processus migratoire. Nous établissons une typologie des acteurs construisant différents espaces de vie. Les liens qui les unissent sont d’intensité variable. Une grande variété de parcours migratoires entre Roumanie et la Province de Castellón résulte de ce processus. Ces parcours évoluent continuellement sous l’effet des histoires familiales (mariages mixtes, nouveaux couples, regroupement familial etc...). Mais les échelles territoriales du parcours migratoire sont également mouvantes selon les changements de domicile (dans la même région ou hors d’Espagne) et selon les opportunités de travail. Ces réseaux ne sont pas toujours très solides, ils ne sont jamais définitifs. Ils souffrent des mutations dans les parcours migratoires. Ils se brisent dans certains contextes de grande fragilité pour des migrants roumains. Ces parcours migratoires contraint issus de projets migratoires échoués sont nombreux. Ces fractures de réseaux sont autant de drames. Ils se produisent dans le contexte d’activités illégales (trafic et exploitation de personnes…) lorsque les migrants sont attirés par de fausses offres acceptées dans les circonstances de pauvreté tragiques. Sortir de ces situations de détresse est difficile. L’intervention des autorités locales espagnoles ou roumaines accompagnent souvent le retour vers le pays d’origine. Dans ces circonstances le parcours migratoire devient un échec, l’insertion locale sur le marché du travail est interrompue et le projet initial est brisé. 336 Heureusement d’autres parcours migratoires, et ils sont les plus nombreux, constituent des vecteurs importants pour la création des stratégies d’insertion sur le marché de l’emploi. Des processus de régularisation des flux migratoires permettent l’accès aux permis de résidence et de travail. Même si les conditions d’accès à ces procédures officielles sont de plus en plus difficiles, l’imagination des migrants est une source permanente de nouvelles solutions. Ainsi, nous mettons à jour toute la diversité des tactiques adoptées pour pouvoir travailler même pendant la période 2007-2009 alors que l’Espagne imposait des restrictions au libre accès sur le marché de travail pour la Roumanie et la Bulgarie. Les travailleurs roumains ont essayé toutes les formes d’emploi sur le marché espagnol : de l’emploi irrégulier, salarié régulier, travailleur autonome jusq’au fondateur de véritables entreprises transnationales. L’analyse délicate réalisée sur les envois de fonds en Roumanie, et qui sont le support matériel d’une consolidation des liens affectifs avec les familles restées au pays d’origine, identifie des territoires de transactions financières. Ces territoires coïncident avec les noyaux d’émigration mis à jour antérieurement. La recherche longitudinale sur le processus de distribution des migrants en Espagne et sur le processus d’envoi des fonds met en évidence la double évolution simultanée des échelles territoriales ici en Espagne et là-bas en Roumanie. En analysant précisément la formation de la concentration de familles migrantes roumaines à Castellon, nous formulons l’hypothèse d’un processus de diffusion territoriale continue et complexe des lieux d’origine et des lieux d’installation des familles migrantes roumaines pour peu que le phénomène soit analysé dans la durée. L’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne impose une adaptation progressive aux politiques de migration. Les mesures législatives pour mieux contrôler les frontières et les mouvements de ses ressortissants en fonction des accords bilatéraux de régularisation des flux migratoires s’imposent comme autant d’exigences. Mais c’est davantage l’étape antérieure à l’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne avec la libre circulation due à la suppression de visas Schengen en 2002 et le plein droit de travail sur le marché espagnol à partir de 2009, qui constitue le cadre légale de la migration roumaine en Europe et surtout vers l’Espagne. Autour de ces dates emblématiques, nous pouvons observer et analyser la palette des stratégies employées par les familles roumaines pour leur installation plus ou moins régulière dans la société d’accueil. Les divergences existantes dans les politiques migratoires imposées par la législation européenne ou propre à chaque pays impliqué dans le processus migratoire roumain, sont contraires aux aspirations des migrants. La recherche continue de nouvelles stratégies migratoires en est la réponse la plus claire. 337 De l’analyse des différentes trajectoires on peut construire des conclusions déterminantes sur le rôle des réseaux dans les stratégies de réalisation de ces itinéraires. Avant janvier 2002, il y a une grande différence entre les destinations des visas Schengen délivrés aux migrants roumains et la destination finale réelle de ceux-ci. Cet aspect est rendu visible grâce à des représentations cartographiques très individualisées et fondées sur les témoignages des personnes interviewées pendant notre minutieuse immersion dans la société de Castellón de la Plana, le chef-lieu du Département de Castellón. Dans le contexte de prospérité économique en Espagne et dans le contexte de crise comme elle se vit actuellement à Castellon, la construction de configurations territoriales très diverses permet de donner un nouveau sens conceptuel à la présence des familles migrantes roumaines en Espagne. Il s’agit bien de repenser et de réinterpréter le processus migratoire pour porter un nouveau regard sur les migrations internationales dont l’actualité est remplie. Les notions de champ migratoire et territoires de circulation figés résistent mal à l’interprétation de l’exemple des familles migrantes roumaines à Castellon. En fait nous observons qu’il y a une réelle évolution de la migration durant la période d’analyse considérée. Le fait majeur de l’évolution est lié à la transformation de l’application nationale de la législation communautaire. A toutes les échelles, locale, étatique ou transnationale, ce processus d’évolution réglementaire a eu des incidences déterminantes dans la construction des territoires de circulation. De nouvelles notions comme la simultanéité, la glocalisation, le transnationalisme apportent beaucoup à la réinterprétation des réseaux des migrants roumains et se vérifient à l’analyse des exemples concrets de l’installation des Roumains à Castellón de la Plana. Nos échelles d’interprétation pour ces notions varient entre les réseaux individuels et familiaux des espaces parcourus et les initiatives entrepreneuriales et associatives roumaines. L’esprit entrepreneurial des migrants roumains de Castellón est analysé en tant que mécanisme économique de base, mais aussi comme variable déterminante dans la construction du projet migratoire. En fait nous pouvons conclure en considérant ce processus migratoire comme l’addition d’initiatives entrepreneuriales reconnaissables depuis la formation de l’idée de la migration, le recueil et la mobilisation des informations indispensables à la réalisation du projet migratoire, la mobilisation des réseaux nécessaires, jusqu’aux formes d’insertion dans la réalité quotidienne de la société espagnole. Mais tout au long de cette interprétation nouvelle, le contexte européen nous rattrape. Dans le vécu quotidien des migrants roumains le débat permanent sur l’enjeu des politiques européennes est omniprésent et en particulier l’évolution du statut juridique des travailleurs roumains qui habitent en Espagne. 338 La mauvaise utilisation de certains termes comme immigrant et étranger constituent des opacités dans la réflexion collective aux conséquences graves pour les responsables locaux et régionaux en charge de ces questions et aussi pour les migrants roumains. Dans la plupart des cas, le sens correct du mot « migrant » qui se réfère à une personne qui change de lieu de résidence et dont la nationalité est un paramètre négligeable est remplacé par une connotation négative. Le contenu du terme migrant de fait dans le langage courant se réfère à une personne en situation irrégulière associée à un état de délinquance. Enfin l’appartenance à un pays communautaire qui change considérablement la donne de la situation du migrant est totalement gommée. Avant leur entrée dans l’Union Européenne, les Roumains étaient considérés comme des immigrants. A ce moment là en Espagne, les familles roumaines étaient des étrangers répondant à une définition juridique commune à toutes les personnes de nationalité différente de celle du pays d’accueil. Actuellement et officiellement d’un point de vue juridique, les familles roumaines bénéficient d’un statut de citoyens communautaires de pleins droits. Mais, ces changements de législation et de statut ne modifient pas la vision collective qui continue de voir les Roumains comme des immigrants. Les Roumains eux-mêmes ne perçoivent pas leur statut réel. Les Roumains installés en Espagne gardent leurs auto-préjugés qui dérivent des syndromes de toute migration comme le met en évidence le syndrome d’Ulysse. La dimension affective est très importante dans chaque processus migratoire et elle se maintient par des liens qui se reconstruisent continuellement sous l’effet de relations maintenues et des sentiments entretenus avec les familles restées au « pays ». La solitude, la dépression, l’impuissance face aux projets originels annihilent les forces nécessaires à l’insertion socioéconomique et culturelle dans la société d’accueil. Tous ces éléments d’analyse et d’interprétation de la migration roumaine conduisent à revisiter les modes d’installation des familles roumaines à Castellón. La perception collective des Roumains joue un grand rôle à travers les mass-médias. La dimension négative de cette perception répandue tant sur la population roumaine de l’étranger que sur le pays lui-même résiste malgré les campagnes publicitaires et études gouvernementales initiées par la Roumanie. Actuellement, la crise économique, sociale et politique qui touche la Roumanie bouleverse un peu plus toutes les décisions de ses citoyens qui habitent en dehors des frontières de leur pays. La gravité de la situation espagnole ajoute encore à toutes ces incertitudes. 339 Mais observer et analyser toutes ces transformations continues n’est pas vain. Il devient possible de porter un nouveau regard et de réinterpréter cette migration de la population roumaine dans un contexte européen de mobilité croissante des hommes et des idées. La crise économique grave que connaît l’Espagne et particulièrement la région de Castellón dont le développement immobilier est l’un des plus récents en Espagne, a des conséquences néfastes pour les travailleurs roumains. Dans cette conjoncture, les familles roumaines n’ont pas cessé de chercher des solutions pour leur survie. Elles ont transformé les logiques initiales du projet migratoire entre le pays d’origine et les nouveaux lieux d’installation en fonction des opportunités d’emploi. Les programmes proposés par la collaboration entre les autorités espagnoles et roumaines ne correspondent pas aux plans des migrants. Les migrants ont développé leurs propres stratégies de survie. Dans ce nouveau contexte, le rôle des femmes roumaines, leur travail intensif et leur esprit d’entreprise sont déterminants. La redistribution des rôles dans les familles roumaines migrantes ne s’arrête pas là. Les conjoints qui travaillaient dans le secteur de la construction immobilière sont désormais massivement au chômage ou sans autre revenu. L’homme prend une place dans les tâches ménagères alors que les revenus de la femme répondent aux besoins de la famille. Mais ce nouveau système familial des migrants reste instable. Des revenus de compléments sociaux ou souterrains sont indispensables mais ils sont de plus en plus incertains. La perspective de retourner au pays renaît, mais pour quel nouveau destin ? En réalité dans le futur proche des familles roumaines migrantes, la question d’un retour définitif au pays d’origine est presque inimaginable. Dans un contexte européen favorable aux circulations migratoires beaucoup d’autres possibilités restent ouvertes. La connectivité mis en œuvre par les familles migrantes à travers des liens familiaux actifs et des nouvelles technologies de communication et d’information démythifie la conception classique du mouvement migratoire et l’affranchit de la contrainte de la distance physique. Si les tâtonnements entre l’Espagne et la Roumanie sont très fréquents… ils finissent parfois par un retour sur le territoire espagnol après une étape au pays d’origine ! Cette recherche sur les familles roumaines migrantes installées à Castellón, permet de réinterpréter la réflexion sur cette migration récente. Elle est susceptible d’éclairer d’une lumière nouvelle l’ensemble des appréciations lapidaires ou plus élaborées portées sur les migrants roumains. Peut-on espérer agir sur les politiques d’encadrement d’accompagnement des familles migrantes tant dans le domaine social qu’économique ? 340 ou L’importance des réseaux mis en évidence par notre recherche peut elle servir de support à des actions d’information plus efficaces à l’endroit des familles roumaines pour mieux éclairer les citoyens sur leurs statuts ? Les stratégies des familles migrantes se redéploient en permanence et simultanément avec les restrictions réglementaires, administratives et économiques. Tous les accords bilatéraux ou les politiques restrictives sur les différents marchés de travail européens sont autant d’occasions de réajustement des conditions de vie et de circulation des familles…Certes un modèle parfait de gestion de la migration permettant d’atteindre une hypothétique stabilisation n’existe pas . Tant que des personnes, des formes d’habiter, des charges émotionnelles seront impliquées dans de formidables efforts d’adaptation et d’insertion pour l’accomplissement d’un projet de vie, l’approche macro sociale et statistique de la migration seront dramatiquement insuffisantes. Chaque réalité sociale, culturelle, politique, économique des pays qui induit la migration est spécifique. Chaque société qui reçoit des migrants est interrogée par ces arrivées de nouvelles familles. Dans la nouvelle configuration socio démographique ainsi créée, seule une société plus solidaire acceptant la différence de l’Autre apparaît possible. Il ne s’agit plus d’imposer des modèles dépassés, mais de chercher à créer des modèles de vie s’appuyant sur une interterritorialité inventive à une époque où tout est matériellement ou virtuellement connecté. Quel sera le futur de la présence roumaine installée à Castellón de la Plana et en Espagne ? La question reste ouverte pour un processus migratoire toujours réversible. La seule certitude est que ce processus se généralisera pour des catégories de population de plus en plus variées. 341 Bibliographie Livres et chapitres de livres ARANGO, Joaquín. « La inmigración en España: demografía, sociología y economía ». In: Inmigración: un desafío para España. Madrid: Fundación Pablo Iglesias, 2005. p. 247-273 BECK, Ulrich. Qu’est-ce que le cosmopolitisme? Editions Flammarion. Paris, 2006. 347 p BERNAT MARTI, Joan Serafí (Dir.). Estudio del capital social a partir de las redes sociales y su contribución al desarrollo socioeconómico: el colectivo de inmigrantes rumanos en la provincia de Castellón [En ligne]. Fundación Ceimigra. Valencia, 2010. 168 p. (Cuadernos de investigación, 13) Disponible sur: < http://www.ceimigra.net/observatorio/images/stories/Cuadernos_N_13_vfbl.pdf > BERNAT, Joan Serafi et GIMENO, Celesti. « Iguals pero menys: la colonia romanesa a Castelló ». 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Universidad da Coruña, A Coruña “Políticas Migratorias: la interacción del Estado, el Mercado y la Ciudadanía”, Murcia, septembre, 2007 Création d’un poster, Traduction des communications ou participation dans l’organisation Traduction des communications (françaisroumain et roumain-français) Traduction des communications (françaisroumain et roumain-français) Poster : « Les initiatives entrepreneuriales des immigrants roumains dans le développement économique local de Castellón (Espagne) » « El mercado laboral de grupos de inmigrantes marginalizados en Provincia de Castellón » ∗ Participation continue de la candidate aux séminaires académiques, professionnelles, réalisation de stages et publication d’articles pendant la période de la recherche 359 Séminaire annuel « Initiatives entrepreneuriales et développement régional, comparaisons européennes : Le cluster céramique à Castellón de la Plana (Espagne)», (Castellón de la Plana/ Espagne, 21-25 septembre 2008) 1er Séminaire Interuniversitaire Ibéro américain de Développement Local, Santiago de Chili, Chili (juin 2009) Séminaire annuel « Initiatives entrepreneuriales et développement régional, comparaisons européennes » (Bucarest, Sinaïa et Brasov, Roumanie, 12-18 Juillet 2009) Participation dans l’organisation Nouveaux modèles des initiatives entrepreneuriales des Roumains dans le développement économique local de Castellón avec une réorientation vers le marché de travail roumain Traduction des communications (françaisespagnol et espagnolfrançais) Nanostructures et développement territorial: “Le four des grandsparents” Castellón 2ème Séminaire Interuniversitaire de Développement Local, Castellón - Valence (juin 2010) Séminaire annuel « Initiatives entrepreneuriales et développement régional, comparaisons européennes », (Tübingen et BadenWürttemberg, Allemagne, 18-24 juillet 2010) Traduction des communications (françaisespagnol et espagnolfrançais) Participation dans l’organisation Quelle « économie de la connaissance » pour les Roumains installés à Castellón de la Plana ? 360 Articles publiés ou en cours de publication: Collaboration à la rédaction du livre intitulé Estudio del capital social a partir de las redes sociales y su contribución al desarrollo socioeconómico: El colectivo de inmigrantes rumanos en la provincia de Castellón sous la dir.de Joan Serafí Bernat Martí, Cuadernos de Investigación, n° 13, Fundación Ceimigra, Valencia, 2010, 168 p. BUCUR R., Nanostructures et développement territorial: “Le four des grands-parents” Castellón, communication présentée au Séminaire International de Consortium Européen 2H2S, juillet 2009 avec perspective de publication. BUCUR R, Nouveaux modèles des initiatives entrepreneuriales des Roumains dans le développement économique local de Castellón avec une réorientation vers le marché de travail roumain, conférence présentée au Séminaire International de Consortium Européen 2H2S, septembre 2008 en cours de publication. BUCUR R., PLACSINTAR A., « El mercado laboral de grupos de inmigrantes marginalizados en Provincia de Castellón ». In: Políticas Migratorias: la interacción del Estado, el Mercado y la Ciudadanía. Actas del Seminario Internacional de Políticas Migratorias [En ligne].Universidad da Coruña, A Coruña, p. 173-183. 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XV / 2006, p. 55-65 BUCUR R., Les ruptures, un des dangers de la migration, Pandora: revue d'études hispaniques, ISSN 1632-0514, Nº. 6, 2006, p. 229-237 361 Liste des séminaires, cours de formation, et projets professionnels Participation aux séminaires de formation professionnelle « Journée de la Semaine 2ème Interculturelle », Castellón (décembre 2005) Journée : « Mediación Social Intercultural : Experiencias y Prospectiva », Fundación Ceim, Valence (novembre 2006) Présentation d’une communication ou donner une formation spécifique Membre de projet professionnel Assister aux cours de formation Cultura rumana, communication présentée dans le II ème Cours de Médiation Interculturelle dans le domaine éducatif réalisé par ASICUniversité Jaume I Castellón, octobre 2007. Membre dans le Projet européen « INVOLVE » (novembre 2005) qui promeut le rôle du bénévolat au sein des associations des immigrés « La Médiation Interculturelle : le rôle et les fonctions », Cepaim, Valence (octobre 2007) La mediació intercultural, una experiència recent, conférence présentée dans le programme Migracions i Globalització, Université Jaume I, Castellón, décembre 2007 Médiatrice interculturelle dans la Commission Espagnole d’Aide aux Réfugiés, Valence dans le cadre du : Projet européen « City to City (C2C) » (2006 - 2008) http://www.fvmp.es/fvmp3/ actualidad/prensa/prensa/arc hivos/Folleto_C2C.pdf -Actions de médiation interculturelle dans le Centre d’Accueil des Immigrés, Mairie de Valence : interprétation des clés culturelles, organisation des activités interculturelles et des ateliers pour mieux connaître la société d’accueil, résolution des conflits interculturels, actions médiatrices entre les autorités et les immigrés sur les thèmes sociaux, juridiques et culturels, etc 362 X Cursos Euromediterraneo s Bancaja de Derecho Internacional (Castellón, septembre 2006) Journée : Intercambio de buenas prácticas de mediación intercultural en la Comunidad Valenciana, Fundación Ceimigra, Valence, (novembre 2007) Mediación intercultural: una experiencia reciente, communication présentée à l’Université Jaume I, Castellón, décembre 2008 Médiatrice interculturelle dans la Commission Espagnole d’Aide aux Réfugiés, Valence dans le cadre du : Projet national « Réseau de Médiation Interculturelle la Caixa » (2008 - 2009) Protección Internacional de la población refugiada, Université de Valence, 2008 -Aider à détecter les problèmes des immigrés qui se rendent au siège et les orienter vers les services opportuns -Travailler en réseau avec d’autres médiateurs interculturels de différentes cultures et de différentes régions à l’échelle nationale pour la résolution des cas -Organiser des activités ouvertes au public pour mieux comprendre le travail de la médiation interculturelle Cours : « Formación Aplicación Intervención Social», Croix Rouge Espagnole, Castellón, mars 2011 -Organiser des activités interculturelles avec des élèves dans leur école -Travailler avec les professeurs et les parents afin de promouvoir les valeurs culturels et effacer les préjugés pour une meilleure intégration des enfants à l'école Journée : « Les relations interculturelles dans le secteur sanitaire : expériences comparées », Fédération des Femmes Progressistes, Valence (novembre 2008) Médiatrice interculturelle dans la Croix Rouge Espagnole, dans le cadre du projet : « Asentamientos en la Provincia de Castellón », Castellón de la Plana (2011) 363 Cours : « Inmigrantes y Refugiados », Croix Rouge Espagnole, Castellón, mai 2011 Journée : Retos viejos, nuevos horizontes, Fundación Ceimigra, Valence (novembre 2008) Cours : « Formación Básica en Cooperación Internacional», Croix Rouge Espagnole, Castellón, abril 2011 Cours : « Formación en Derechos Humanos », Croix Rouge Espagnole, Castellón, mai 2011 Séminaires de formation du Réseau de Médiation Interculturelle, Madrid et Barcelone (juin 2008, octobre 2008, mai 2009) 364 Stages et événements en corrélation avec le thème de recherche de la thèse Réalisation des stages Participation aux évènements Stage professionnel dans l’Association des Immigrants des Pays de l’Est, Castellón de la Plana, (mars - mai 2005) -Préparer le mémoire de DEA Régulations Sociales -Développer les connaissances sur le statut législatif des immigrés -Participer à l’organisation des activités pour une meilleure insertion des immigrés Stage dans le cadre de L’Observatoire Permanent de l’Immigration, Bureau de Coopération au Développement et Solidarité, Université Jaume I, Castellón de la Plana, (20052006) -Collaborer aux recherches réalisées sur les migrations internationales -Participer à l’organisation des ateliers interculturels, des séminaires et des conférences sur les thèmes du développement, des migrations internationales, des politiques européennes, etc. -Traduire des documents de l’espagnol vers le français et le roumain La signature du Traité d’Adhésion de la Roumanie à l’Union Européenne, Luxembourg, le 25 avril 2005. Stage de recherche à l’Institut de Géographie de l’Université de Lausanne, (2009-2010) -Apprentissage des outils cartographiques et développer des techniques méthodologiques de la recherche Stage de préparation dans le domaine diplomatique dans le cadre de l’Ambassade de Roumanie, Madrid, (juillet 2011) Participation au 3ème Forum Social Mondial des Migrations, Rivas Vacias Madrid, (septembre 2008) Congrès de la Spiritualité Roumaine, évènement qui réunit des personnalités de l’élite intellectuelle roumaine pour établir une meilleure vision du peuple roumain au monde et pour maintenir un contact permanent au travers des réunions périodiques avec la diaspora roumaine, Alba-Iulia, Roumanie, (2007 et 2010) 365 Annexes 2 Corpus d’entretien N° Situation du ménage entretien 1 Famille avec deux enfants installée à Castellón de la Plana : les parents arrivent en 2006 et les enfants en 2007. Réseau des proches déjà installés. Travail : l’homme dans le domaine de la construction, mécanique auto, professeur de danse traditionnel roumain La femme travaille dans le secteur d’aide au domicile. Les enfants vont à l’école. Perspectives à la date de l’entretien : rester en Espagne 2 Famille avec un enfant installée à Castellón de la Plana. Elle arrive en 2004 chez ta tante déjà y installée. Il est arrivé aussi en 2004, mais ils se sont connu et mariés à Castellón de la Plana Travail : elle a travaillé dans le secteur domestique, puis dans un supermarché. L’homme travaille dans le secteur de Personne interrogée Homme 40 ans La famille : femme 40 ans enfants : 11 et 13 ans Lieu d’origine de la famille Commune Dragomireşti, Département de Dâmboviţa Date et lieu de l’entretien 18 mai 2009 Siège de l’Association des Immigrants des Pays de l’Est, Castellón de la Plana Etudes : Les adultes ont des formations professionnelles Femme 29 ans La famille : le mari 30 ans et le bébé Etudes : ils ont fini le lycée en Roumanie 366 21 aout 2009 Ville de Târgovişte, Département de Dâmboviţa Siège de l’Association des Immigrants des Pays de l’Est, Castellón de la Plana 3 4 5 construction. Perspectives à la date de l’entretien : rester en Espagne Famille avec deux enfants installée à Castellón de la Plana. Ils sont arrivés en 1999. Réseau familiale déjà installé. Travail : l’homme dans le jardinage, le secteur de la construction et l’agriculture. Elle travaille dans le secteur de l’hôtellerie. Perspectives à la date de l’entretien : rester en Espagne Famille avec deux enfants installée à Castellón de la Plana. Il est arrivé en 2002. Il arrive chez son frère. Il connaît ici sa femme (roumaine) et ils se sont mariés en 2005. Travail : l’homme dans le secteur de construction et la femme dans le secteur des tâches ménagères. Perspectives à la date de l’entretien : rester en Espagne Personne divorcée en Roumanie arrive en à Castellón de la Plana en 2002 chez sa sœur. En 2003 il fait un nouveau couple avec une femme roumaine divorcée aussi en Roumanie. Ils habitent ensemble Homme 33 ans Ville de Pucioasa, Département de Dâmboviţa 23 aout 2009 A la plage Ville de Pucioasa, Département de Dâmboviţa 23 aout 2009 A la plage Commune Salcia, Département de Teleorman 25 aout 2009 Au domicile de la personne La famille : femme 32 ans enfants : 3 ans et 16 mois Etudes : La femme a fini le lycée pédagogique en Roumanie, lui une formation professionnelle Homme 38 ans La famille : femme 32 ans enfants : 3 ans et 1 an Etudes : ils ont fini le lycée en Roumanie Homme 42 ans Divorcé Famille en Roumanie : Etudes : le lycée en Roumanie 367 6 7 jusqu’en 2008. Travail : agriculture et construction. Perspectives à la date de l’entretien : retourner en Roumanie pour la situation très grave de la crise économique. Personne qui a émigré seule en laissant son mari et ses deux enfants en Roumanie. Elle est venue chez des amis en 1999. Travail : aidesoignante des personnes âgés habitant majoritairement dans le domicile des ces personnes (elle a un jour de repos par semaine). Lieu de travail Castellón de la Plana et Paterna (Valencia). Perspective : elle veut retourner en Roumanie au moyen terme. Famille avec un enfant installée à Castellón de la Plana. Il arrive en 1999 chez des amis. Sa femme arrive en 2000 et leur fille en 2001. Travail : l’homme travaille dans le secteur de construction et son épouse comme femme de ménage. La fille travaille dans le domaine de l’hôtellerie. Perspective : ils veulent retourner en Femme 53 ans Ville de Moroieni, Département de Dâmboviţa 30 aout 2009 Dans le parc à Castellón de la Plana Ville de Pucioasa, Département de Dâmboviţa 31 aout 2009 Au domicile de la personne La famille dans le pays d’origine Etudes : école professionnelle en Roumanie Homme 53 ans La famille : femme 46 ans enfant : 26 ans Etudes : Le mari : école professionnelle, la femme a fini le lycée en Roumanie et leur fille a fini le lycée en Espagne 368 8 9 10 Roumanie au moyen terme. Personne qui a émigré seule en laissant son mari et ses deux fils adultes en Roumanie. Elle est venue chez des amis en 1999. Travail : secteur des tâches ménagères. Perspective : elle veut retourner en Roumanie au moyen terme. Personne célibataire qui a émigré à Roquetas del Mar en 2004 chez un ami. En 2006 il est arrivé à Castellón de la Plana chez son oncle, puis il est parti en Allemagne chez son frère pour 3 mois, ensuite il voyage en Roumanie et il revient en Espagne en 2008 de nouveau à Castellón de la Plana et finalement à Valencia. Travail : agriculture, secteur de la construction, charcuterie, fabrique de céramique. Perspectives à la date de l’entretien : retourner en Roumanie pour la situation très grave de la crise économique. Famille mixte : la femme roumaine, le mari espagnol installée à Castellón de la Plana. Elle arrive en 2004 chez Femme 58 ans Ville de Pucioasa, Département de Dâmboviţa 31 aout 2009 Dans mon domicile à Castellón de la Plana Ville de Buşteni, Département de Prahova 20 mai 2009 Siège de l’Association des Immigrants des Pays de l’Est, Castellón de la Plana (il est venu pour demander de l’information) La famille dans le pays d’origine Etudes : école professionnelle en Roumanie Homme 30 ans Célibataire Etudes : Faculté de Sciences Economique en Roumanie Femme 26 ans Etudes : ils ont fini le lycée en 369 7 octobre 2009 Ville de Târgovişte, Département de Dâmboviţa Siège de l’Association des Immigrants des Pays de 11 12 ta tante déjà y installée. Elle connaît son mari en 2005 et ils se sont mariés en Roumanie, puis ils retournent à Castellón de la Plana. Travail : elle a travaillé dans une pizzeria et ensuite depuis son mariage elle aide son mari dans leur propre commerce. Perspectives à la date de l’entretien : rester en Espagne. Personne divorcée en Roumanie arrive en à Castellón de la Plana en 2002 chez sa tante. En 2003 il fait un nouveau couple avec un homme roumain et ils habitent ensemble jusqu’en 2008. Ensuite elle s’implique dans un nouveau couple avec un homme espagnol en décidant d’habiter ensemble au but d’une courte période. Travail : fabrique de jouets et pendant les week-ends dans le secteur de l’hôtellerie. Perspectives à la date de l’entretien : rester en Espagne. Famille avec un enfant installée à Castellón de la Plana. Il arrive en 2000 chez des amis. Sa femme arrive 2 mois après et leur fils en 2002. Travail : l’homme a Roumanie Femme 42 ans l’Est, Castellón de la Plana Ville de Târgovişte, Département de Dâmboviţa 25 juillet 2009 Au domicile de la personne Ville de Baia Mare, Département de Maramureş 8 octobre 2009 Au domicile de la personne Divorcé Famille en Roumanie : un fils de 23 ans, une fille de 22 ans et autre de 21 ans Etudes : elle a fini l’école secondaire en Roumanie Femme 40 ans La famille : homme 40 ans enfant : 16 ans Etudes : 370 13 14 travaillé dans l’agriculture, le secteur de construction et ensuite dans une fabrique. Son épouse comme femme de ménage et ensuite dans un supermarché. Perspective : ils veulent rester en Espagne. Personne célibataire qui a émigré à Madrid en 2002 chez son oncle. Après quelques mois il rentre en Roumanie. En 2004 il est arrivé à Castellón de la Plana chez sa tante. En 2006 il appelle sa copine à Castellón de la Plana et ils habitent ensemble chez ses proches. En 2007 ils rentrent en Roumanie pour célébrer la fête de mariage et au retour ils déménagent dans un appartement loué. Travail : distribution de matériels de publicité et ensuite dans une fabrique de céramique. La femme a travaillé dans un supermarché et ensuite dans un magasin de vêtements. Perspectives à la date de l’entretien : retourner en Roumanie au moyen terme. Personne célibataire qui est arrivé à Le mari : école professionnelle, la femme a fini le lycée en Roumanie et leur fils étudie à Castellón de la Plana. Homme 28 ans Ville de Baia Mare, Département de Maramureş 8 octobre 2009 Au domicile de la personne Ville de Baia Mare, Département de 20 mai 2009 Siège de La famille : femme 26 ans Etudes : ils ont fini le lycée en Roumanie. Homme 39 ans 371 Castellón de la Plana en 2004 chez son frère. Travail : l’agriculture et le secteur de la construction. Perspectives à la date de l’entretien : retourner en Roumanie au moyen terme. 15 16 17 Personne divorcée qui est arrivé à Castellón de la Plana en 2001 chez son frère. Travail : l’hôtellerie, service domestique et supermarché. Perspectives à la date de l’entretien : rester en Espagne. Personne célibataire qui est arrivé à Castellón de la Plana en 2001 chez des amis. Travail : secteur domestique. Perspectives à la date de l’entretien : rester en Espagne. Famille avec un enfant installée à Castellón de la Plana. Il arrive en 2001 pour rejoindre sa femme qui était déjà arrivée 3 mois à l’avance et elle était installée chez sa sœur. Leur fille est arrivée en 2003. Travail : l’homme a travaillé dans l’agriculture et après Maramureş l’Association des Immigrants des Pays de l’Est, Castellón de la Plana Ville de Târgovişte, Département de Dâmboviţa 20 mai 2009 Siège de l’Association des Immigrants des Pays de l’Est, Castellón de la Plana Ville de Pucioasa, Département de Dâmboviţa 20 juin 2009 Dans le parc à Castellón de la Plana Ville de Pucioasa, Département de Dâmboviţa 31 juillet 2009 Dans mon domicile à Castellón de la Plana Etudes : faculté de Médicine Vétérinaire en Roumanie. Femme 31 ans Etudes : école professionnelle Femme 51 ans Etudes : école professionnelle Homme 55 ans La famille : femme 45 ans enfant : 24 ans Etudes : Le mari : école professionnelle, la femme a fini le lycée en Roumanie et leur fille a fini 372 18 réaliser des cours ici de gardien de sécurité, il travaille dans ce métier et son épouse comme femme de ménage. La fille a fini ces études dans le secteur du commerce et elle travaille dans un magasin des produits pour la maison. Perspective : ils veulent retourner en Roumanie au moyen terme. Famille installée à Castellón de la Plana. Il arrive en 2006 chez des amis. Sa femme le rejoint en 2007. Elle avait travaillé en Israel, après finir son contrat est rentrée en Roumanie et ensuite arrive à Castellón de la Plana. Ils ont une fille qui est arrivée en Roumanie pour finir ses études. Travail : l’homme a travaillé dans la construction et à cause de la crise économique, au moment de l’entretien il devait aller en Allemagne pour travailler dans le même secteur. Son épouse reste à Castellón de la Plana et elle travaille soignant des personnes âgés et comme femme de ménage. Perspective : ils veulent retourner en Roumanie au moyen la L3 du Commerce en Espagne Homme 38 ans La famille : femme 38 ans enfant : 18 ans Etudes : Le mari : école professionnelle, la femme a fini le lycée et leur fille étudie en Roumanie 373 Ville de Fieni, Département de Dâmboviţa 10 septembre 2009 Siège de l’Association des Immigrants des Pays de l’Est, Castellón de la Plana 19 20 terme. Personne célibataire qui est arrivée à Castellón de la Plana chez son oncle en 2004. En 2006 il déménage avec sa copine, une fille roumaine aussi en louant un appartement. Travail : dans un salon de coiffure et ensuite il ouvre son propre négoce. La femme travaille dans un magasin de produits de bricolage. Perspectives à la date de l’entretien : rester en Espagne Personne célibataire qui est arrivée à Castellón de la Plana chez ses parents en 2002. Chaque été il a fait des allers-retours jusqu’en 2008 quand il s’est marié en Roumanie et il est resté là pour travailler. En 2009 il a divorcé est il est revenu à vivre avec ses parents à Castellón de la Plana. Travail : le secteur de la construction et gardien de sécurité. Homme 28 ans Ville de Craiova, Département de Dolj 17 mai 2009 Au siège du salon de coiffure Ville de Turda, Département de Cluj 6 octobre 2009 Au domicile de la personne Etudes : il a fait des études de coiffure en Roumanie et ensuite il s’est spécialisé ici dans le même domaine Homme 26 ans Divorcé Famille : ses parents installés à Castellón de la Plana Etudes : il a fini son lycée en Roumanie 374 Table des cartes Carte 1. Le panorama des mouvements migratoires roumains dans le contexte politique et économique actuel.................................................................................................................... 34 Carte 2. Localisation des points de vente transfrontaliers........................................................ 41 Carte 3. La migration roumaine en Espagne, 1998 .................................................................. 78 Carte 4. La migration roumaine en Espagne, 2003 .................................................................. 79 Carte 5. La population roumaine en Espagne, 2006 ................................................................ 81 Carte 6. La migration roumaine en Espagne, 2008 .................................................................. 82 Carte 7. Taux de croissance de la présence roumaine en Espagne à l’échelle municipale 20042008.......................................................................................................................................... 86 Carte 8. Pourcentage de la population roumaine par rapport à la population totale en 2008 .. 88 Carte 9. Pourcentage de la population roumaine par rapport à la population étrangère en 2008 .................................................................................................................................................. 89 Carte 10. Localisation des villages roumains dont on trouve des adventistes qui ont émigré en Espagne .................................................................................................................................... 93 Carte 11. Les rapports H /F d’origine roumaine en Espagne en 2004 ..................................... 97 Carte 12. Les rapports H /F d’origine roumaine en Espagne en 2008 ..................................... 98 Carte 13. Localisation de la Province de Castellón dans le territoire espagnol ..................... 103 Carte 14. Une visualisation des initiatives associatives et entrepreneuriales des Roumains à Castellón de la Plana .............................................................................................................. 106 Carte 15. Les stratégies des familles interrogées pour arriver à Castellón de la Plana avant 2002........................................................................................................................................ 145 Carte 16. Taux de croissance de la présence roumaine dans la province de Castellón entre 2004 et 2008 ........................................................................................................................... 151 Carte 17. Rapport entre la population roumaine et la population totale dans la Province de Castellón en 2004 ................................................................................................................... 155 Carte 18. Rapport entre la population roumaine et la population totale dans la Province de Castellón en 2008 ................................................................................................................... 157 Carte 19. Rapport entre la population roumaine et la population étrangère dans la Province de Castellón en 2004 ................................................................................................................... 159 Carte 20. Rapport entre la population roumaine et la population étrangère dans la .............. 160 Province de Castellón en 2008 ............................................................................................... 160 Carte 21. Rapport entre la présence roumaine masculine et féminine à l’échelle municipale de la Province de Castellón en 2004 ........................................................................................... 163 Carte 22. Rapport entre la présence roumaine masculine et féminine à l’échelle municipale de la Province de Castellón en 2008 ........................................................................................... 165 Carte 23. Représentation de la destination des fonds à partir d’un échantillon de Roumains installés à Castellón de la Plana ............................................................................................ 169 Carte 24. Les provinces historiques roumaines...................................................................... 170 Carte 25. Les principales destinations des fonds dans le Département Dâmboviţa ............... 171 Carte 26. Distribution des quantités des fonds par départements roumains........................... 180 Carte 27. Filiales de l’agence immobilière roumaine étudiée à Castellón de la Plana........... 245 Carte 28. Filiales du cabinet dentaire étudié à Castellón de la Plana..................................... 250 375 Table des figures Figure 1. Les liens entre les acteurs de la migration roumaine à Castellón de la Plana........... 16 Figure 2. Ménages roumains interviewés à Castellón de la Plana entre mai et octobre 2009 . 19 Figure 3. Modèle d’entretien utilisé auprès des ménages roumains à Castellón de la Plana ... 20 Figure 4. Modèle du questionnaire sur les envois des fonds en Roumanie par les Roumains installés à Castellón de la Plana ............................................................................................... 22 Figure 5. Exemple d’offre de transport de personnes et/ou des colis en fourgonnette entre les deux pays................................................................................................................................ 110 Figure 6. Estimation du coût d’envoi de l’argent en Roumanie à l’aide du programme de simulation des prix de la page : https://www.moneygram.com ............................................. 176 Figure 7. Typologie en fonction du statut civil des 20 ménages roumains interrogés........... 189 Figure 8. Espaces parcourus et espaces de vie d’un ménage sans enfant .............................. 191 Figure 9. Célibataire avec une trajectoire migratoire fluctuante ............................................ 192 Figure 10. Personne divorcée entre circulation saisonnière et installation à Castellón ......... 194 Figure 11. Célibataire en couple à Castellón de la Plana ....................................................... 196 Figure 12. Espaces parcourus d’un ménage mixte roumain-espagnol ................................... 197 Figure 13. Personne divorcée en Roumanie et impliquée dans un nouveau couple à Castellón de la Plana .............................................................................................................................. 199 Figure 14. Mère de famille arrivée à Castellón et ensuite réinstallée à Paterna, selon les opportunités d’emplois........................................................................................................... 201 Figure 15. Une famille partagée entre l’Espagne et la Roumanie.......................................... 202 Figure 16. Ménage roumain complet installé à Castellón de la Plana ................................... 204 Figure 17. L’importance de l’âge pour une meilleure insertion sur le marché de travail de . 215 Castellón de la Plana .............................................................................................................. 215 376 Table des graphiques Graphique 1. Taux de chômage en Roumanie 1991-2001 ....................................................... 72 Graphique 2. Evolution de la situation administrative régulière de la population roumaine en Espagne entre 1998 et 2008 ..................................................................................................... 83 Graphique 3. Les secteurs d’emplois à Zaragoza 2006-2008 .................................................. 84 Graphique 4. Distribution des principaux cultes en Roumanie (2009) .................................. 122 Graphique 5. La proportion de personnes interrogées qui proviennent du Département Dâmboviţa par rapport au total des personnes qui ont répondu aux enquêtes ....................... 139 Graphique 6. Les situations des ménages installés à Castellón de la Plana ........................... 141 Graphique 7. Evolution de la présence roumaine dans la province de Castellón durant les 13 dernières années ..................................................................................................................... 148 Graphique 8. Evolution de la migration roumaine dans la Province de Castellón et sa capitale ................................................................................................................................................ 150 Graphique 9. Evolution par sexe de la population roumaine de la Province de Castellón .... 162 Graphique 10. Les modalités d’envois pratiquée par les Roumains interrogés à Castellón de la Plana ....................................................................................................................................... 177 Graphique 11 et 12. Corrélation entre l’âge des personnes interrogées et celles qui envoient de l’argent ................................................................................................................................... 216 Graphique 13. Distribution selon l’âge de la population roumaine dans la Province de Castellón................................................................................................................................. 217 Graphique 14 et 15. Parallèle en fonction de genre des roumains installés à Castellón selon les catégories d’âge...................................................................................................................... 218 Graphique 16. Roumains en situation régulière dans la Région Valencienne ....................... 230 Graphique 17. Evolution du statut légal des Roumains à l’échelle de l’Espagne .................. 233 Graphique 18. Evolution du statut légal des Roumains à l’échelle de la Province de Castellón ................................................................................................................................................ 233 Graphique 19. Les secteurs d’emploi des Roumains en Espagne .......................................... 234 Graphique 20. Pourcentage des personnes occupées selon les principaux secteurs d’activités dans la Province de Castellón................................................................................................. 235 Graphique 21. L’évolution des enregistrements des populations roumaines à l’échelle nationale ................................................................................................................................. 236 Graphique 22. L’évolution des enregistrements des populations roumaines à l’échelle provinciale de Castellón ......................................................................................................... 236 Graphique 23. Situation d’emploi des Roumains dans la Province de Castellón, 2008-2009. ................................................................................................................................................ 254 Graphique 24. Employés étrangers dans la Province de Castellón selon les secteurs d’activité ................................................................................................................................................ 255 Graphique 25. Situation des chômeurs roumains pendant la crise......................................... 256 377 Table des photos Photo 1. Locutorio avec service d’envoi d’argent en Roumanie ........................................... 111 Photo 2. Le siège du Centre Civique Roumain et de l’Association Roumaine de Castellón Valencia et Alicante. .............................................................................................................. 117 Photo 3. L’Association des Immigrants des Pays de l’Est et son groupe folklorique............ 118 Photo 4. L’église Baptiste roumaine de Castellón de la Plana............................................... 123 Photo 5. L’église Orthodoxe roumaine de Castellón de la Plana........................................... 123 Photo 6. Magasins roumains à Castellón de la Plana............................................................. 125 Photo 7. Locutorio à Castellón de la Plana ............................................................................ 174 Photo 8, 9 et 10. Chaîne de la pâtisserie roumaine Transilvania entre 2003-2011 ................ 247 Photo 11, 12 et 13. Produits traditionnels et le processus de production du Four des grandsparents.................................................................................................................................... 249 Photo 14. Maison située dans les plantations d’orangers occupée par les Roumains sans ressources économiques ......................................................................................................... 260 Photo 15. Magasin de musique et films roumains ................................................................. 292 Photo 16. Bureau des installations des antennes paraboliques et de Télévision Terrestre..... 292 Photo 17. Le Parti Démocrate Libéral Roumain actuellement au pouvoir en Roumanie, la filiale de Castellón.................................................................................................................. 318 Photo 18 et 19. Activités de l’Association des Immigrants des Pays de l’Est ....................... 324 378 Liste des Tableaux Tableau 1. Croquis sur le parcours de la recherche depuis le 2005 jusqu’à présent. ............... 27 Tableau 2. Les trajectoires migratoires roumaines après 1989 et d’intérêt pour cette étude. .. 68 Tableau 3. Les provinces avec une population roumaine nombreuse 1998- 2008 .................. 83 Tableau 4. Noyaux importants de la population roumaine par rapport à la population totale et étrangère ................................................................................................................................... 87 Tableau 5. Les principales communes qui dépassent un nombre de 900 personnes d’origine roumaine installées................................................................................................................. 153 Tableau 6. La situation de la représentativité roumaine sur le total de la population étrangère dans la Province de Castellón en 2004 et 2008...................................................................... 161 Tableau 7. Les communes de la Province de Castellón sans population roumaine entre 2004 et 2009........................................................................................................................................ 166 Tableau 8. La distribution géographique des envois en Roumanie selon les enquêtes 20072008........................................................................................................................................ 169 Tableau 9. Comparaison entre le pourcentage de présence féminine et masculine et celui d’envois des fonds selon les données de l’enquête ................................................................ 178 Tableau 10. Analyse comparative des études sur les envois d’argents en Roumanie............ 179 Tableau 11. Croquis des calculs sur la quantité des fonds envoyés en Roumanie par les personnes interviewées à Castellón de la Plana, selon les données de l’enquête 2007-2008. 181 Tableau 12. Estimation de la quantité d’argent envoyé en Roumanie (calculée à différentes échelles territoriales) .............................................................................................................. 182 Tableau 13. Comparaison des données officielles fournies par la Banque d’Espagne à travers www.remesas.org et données obtenues par l’extrapolation des résultats des enquêtes réalisées à Castellón de la Plana à l’échelle nationale .......................................................................... 182 Tableau 14. Les affiliations des roumains à la sécurité sociale à l’échelle de l’Espagne ..... 258 Tableau 15. Le nombre d’articles avec des informations sur les Roumains dans la Province de Castellón................................................................................................................................. 327 379 Table des Matières INTRODUCTION GENERALE ....................................................................................... 4 L'APPROCHE METHODOLOGIQUE ......................................................................... 10 UNE STRATEGIE D’IMMERSION DANS LES FAMILLES ROUMAINES A CASTELLON DE LA PLANA .............................................................................................................................................. 10 LE TRAITEMENT DES DONNEES ISSUES DES SONDAGES ET ENQUETES..................................... 14 LA CARTOGRAPHIE: UNE APPROCHE INDISPENSABLE POUR LA DIMENSION GEOGRAPHIQUE DES PROBLEMATIQUES SOCIALES ................................................................................................. 23 CONCLUSION ......................................................................................................................... 25 PREMIERE PARTIE ....................................................................................................... 28 1. LES MIGRATIONS ROUMAINES AU FIL DES DIRECTIVES EUROPEENNES 28 INTRODUCTION ...................................................................................................................... 29 1.1. LES POLITIQUES ACTUELLES DE MIGRATIONS EUROPEENNES ET LA SITUATION DES ROUMAINS MIGRANTS ........................................................................................................... 31 1.1.1. Le contexte européen actuel................................................................................. 32 1.1.2. Le contexte de la Roumanie après son entrée dans l’Union Européenne............ 36 1.1.3. La situation de la Roumanie : nouveau membre de l’UE et ses voisins extracommunautaires ....................................................................................................... 39 1.1.4. Les étapes des politiques roumaines dans la migration contrôlée pour ses citoyens............................................................................................................................. 43 1.1.4.1. Panorama récapitulatif sur la libre circulation des Roumains dans l’espace Schengen 44 1.1.4.2. Retour sur la migration roumaine de travail contrôlée................................. 46 CONCLUSION ......................................................................................................................... 48 1.2. TRAJECTOIRES DES MIGRATIONS ROUMAINES APRES LA CHUTE DU REGIME COMMUNISTE ......................................................................................................................... 49 1.2.1. Une brève présentation des tendances migratoires de l’Europe Centrale et de l’Est avant et après la chute du Mur de Berlin ................................................................ 50 1.2.2. Quelques itinéraires de mobilités roumaines après 1989.................................... 55 1.2.2.1. De « Gast Arbeiter » au réfugié ou travailleur saisonnier : un cliché des Roumains en Allemagne .............................................................................................. 55 1.2.2.2. La Turquie : itinéraires de proximité éphémères ......................................... 56 1.2.2.3. Une migration très contrôlée : le cas d’Israël............................................... 59 1.2.2.4. Les migrations roumaines vers le Canada : un champ migratoire « espécialisé » ................................................................................................................... 61 1.2.2.5. La France : entre les élites roumaines de l’époque et les trajectoires roumaines après 1989................................................................................................... 62 1.2.2.6. La réorientation de réseaux vers les pays du Sud de l’Europe : l’exemple de l’Italie 64 CONCLUSION ......................................................................................................................... 69 1.3. UNE DECENNIE DE MIGRATION ROUMAINE EN ESPAGNE ............................................ 70 1.3.1. La transition politico-économique de la Roumanie, principale cause de la migration roumaine en Espagne ...................................................................................... 70 380 1.3.2. La situation économique florissante de l’Espagne : un facteur décisif pour la migration roumaine dans ce pays .................................................................................... 73 1.3.3. La carte des migrations roumaines en Espagne .................................................. 75 1.3.4. Présence roumaine en 2008 : faits marquants..................................................... 87 1.3.5. La dynamique des réseaux migratoires roumains sur le territoire espagnol ...... 91 CONCLUSION ....................................................................................................................... 100 1.4. UNE SURPRENANTE VISIBILITE DE LA POPULATION ROUMAINE A CASTELLON DE LA PLANA 101 1.4.1. Le contexte favorable de la Province de Castellón............................................ 101 1.4.2. Lieux symboliques de la présence roumaine à Castellón de la Plana ............... 105 1.4.2.1. Le lieu du « premier pas » à Castellón de la Plana pour la majorité des Roumains.................................................................................................................... 107 1.4.2.2. Stratégies circulatoires dans un contexte instable ...................................... 108 1.4.3. Le premier contact à Castellón de la Plana....................................................... 110 1.4.3.1. Savoir gérer ses ressources et utiliser le meilleur service .......................... 111 1.4.4. Espaces publics de Castellón de la Plana : sources d’informations pour les Roumains........................................................................................................................ 113 1.4.4.1. L’esprit entrepreneurial des enfants dans l’espace public de la ville de Castellón 114 1.4.5. Les associations roumaines à Castellón de la Plana: un pont entre les cultures 116 1.4.5.1. Espace de rencontre et source de renseignements...................................... 118 1.4.6. Les lieux de culte : autres espaces de rencontre ................................................ 119 1.4.7. Les indispensables commerces roumains........................................................... 124 1.4.8. Les institutions roumaines de Castellón de la Plana: indispensables aux besoins immédiats ....................................................................................................................... 126 CONCLUSION ....................................................................................................................... 128 CONCLUSION................................................................................................................ 129 DE LA ROUMANIE VERS CASTELLON DE LA PLANA ............................................................. 129 DEUXIEME PARTIE..................................................................................................... 131 2. NOUVELLES CONFIGURATIONS TERRITORIALES DES MIGRANTS ROUMAINS A CASTELLON DE LA PLANA ........................................................... 131 INTRODUCTION .................................................................................................................... 132 2.1. LES RESEAUX COMME STRATEGIES DE MOBILITE ..................................................... 134 2.1.1. Les réseaux religieux : à l’origine de l’arrivée des Roumains .......................... 135 2.1.2. Les familles et les amis sur le chemin des réseaux religieux ............................. 140 2.1.3. L’évolution territoriale de la migration roumaine............................................. 147 2.1.3.1. Chronologie de la présence roumaine dans la Province de Castellón........ 147 2.1.3.2. Évolution territoriale de la présence roumaine dans la Province de Castellón 149 2.1.4. La population roumaine installée dans la Province de Castellón en fonction de la population totale et de la population étrangère............................................................. 154 2.1.5. Hommes et de femmes d’origine roumaine dans la province de Castellón ....... 162 2.1.6. Le miroir économique roumain: les envois de fonds des Roumains installés à Castellón......................................................................................................................... 167 2.1.6.1. De Castellón en Roumanie…où ? .............................................................. 168 2.1.6.2. Quelles sont les modalités d’envoi des fonds ?.......................................... 172 2.1.6.3. Qui envoie de l’argent ? Avec quelle fréquence ? ..................................... 177 381 2.1.6.4. Les quantités de fonds en transit vers la Roumanie .................................. 179 CONCLUSION ....................................................................................................................... 185 TYPOLOGIE DES SITUATIONS A CASTELLON DE LA PLANA ................................................... 187 2.2.1. Les espaces parcourus par les Roumains arrivant à Castellón de la Plana...... 187 2.2.2. Échecs migratoires parmi les Roumains installés à Castellón de la Plana....... 207 2.2.3. Les profils des populations roumaines installées à Castellón de la Plana........ 214 2.2.3.1. Le profil professionnel des Roumains installés à Castellón de la Plana .... 220 CONCLUSION ....................................................................................................................... 224 LE « SAVOIR-MIGRER » ....................................................................................................... 225 2.3.1. Stratégies d’insertion sur le marché du travail des familles roumaines........... 226 2.3.1.1. Les processus de régularisation: le moyen pour vivre et travailler légalement 226 2.3.1.2. L’année 2007: restrictions et stratégies pour les nouveaux communautaires 232 2.3.2. Diversité des initiatives entrepreneuriales des Roumains à Castellón de la Plana 238 2.3.2.1. Le service domestique indépendant : une stratégie pour les femmes roumaines ................................................................................................................... 238 2.3.2.2. Les entreprises roumaines de construction: une affaire prospère avant la crise immobilière........................................................................................................ 241 2.3.2.3. Les entreprises roumaines installées à Castellón de la Plana..................... 246 2.3.3. La crise économique et les perspectives des Roumains installés à Castellón de la Plana 253 2.3.3.1. Le chômage un facteur décisif pour le retour............................................. 253 2.3.3.2. Les stratégies individuelles devant la crise ................................................ 258 2.3.3.3. La position des entrepreneurs roumains et espagnols devant la crise ........ 261 2.3.3.4. Les mesures anti-crise prises par les autorités roumaines pour ses citoyens en Espagne.................................................................................................................. 264 CONCLUSION ....................................................................................................................... 270 CONCLUSION................................................................................................................ 272 LES NOUVELLES CONFIGURATIONS TERRITORIALES DES ROUMAINS A CASTELLON DE LA PLANA ENTRE PROSPERITE ET CRISE ECONOMIQUE .............................................................. 272 TROISIEME PARTIE.................................................................................................... 275 3. NOUVELLES INTERPRETATIONS DES TERRITOIRES ROUMAINS EN ESPAGNE ........................................................................................................................ 275 INTRODUCTION .................................................................................................................... 276 3.1. APPROCHE THEORIQUE DES NOTIONS DANS L’ETUDE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES............................................................................................................... 278 3.1.1. De la migration à la circulation : la construction des champs migratoires ...... 279 3.1.2. La logique des réseaux migratoires et leurs échelles de fonctionnalité ............ 283 3.1.3. Nouvelles notions du champ des migrations internationales appliquées à l’exemple des populations roumaines installées à Castellón......................................... 289 CONCLUSION ....................................................................................................................... 295 3.2. DE NOUVELLES CATEGORIES POUR MIEUX RENDRE COMPTE DE LA RELATION AU TERRITOIRE ESPAGNOL DANS LE CAS DES POPULATIONS ROUMAINES .................................. 296 3.2.1. L’invention de modèles d’espaces de vie comme forme d’habiter..................... 297 3.2.2. L’esprit entrepreneurial dans le vécu quotidien ................................................ 301 382 3.2.3. Les logiques affectives: des liens forts entre territoire d’accueil et territoire d’origine ......................................................................................................................... 306 CONCLUSION ....................................................................................................................... 311 3.3. COMMENT PEUT-ON DEFINIR LA PRESENCE ROUMAINE EN ESPAGNE ? .................... 312 3.3.1. Le passage d’immigré à citoyen communautaire............................................... 313 3.3.2. Les mutations dans la mentalité des Roumains de l’Espagne............................ 320 3.3.3. L’image controversée sur les populations roumaines d’Espagne : débat social, économique et politique ................................................................................................. 325 CONCLUSION................................................................................................................ 332 NOUVELLES INTERPRETATIONS SUR LA PRESENCE ROUMAINE EN ESPAGNE ........................ 332 CONCLUSION GENERALE ........................................................................................ 334 BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................... 342 LIVRES ET CHAPITRES DE LIVRES ......................................................................................... 342 ARTICLES DE REVUES .......................................................................................................... 345 RAPPORTS, ARTICLES DE JOURNAUX, DOCUMENTS ET PROJETS DE LOI................................. 350 PAGES WEB ......................................................................................................................... 355 ANNEXES........................................................................................................................ 358 ANNEXES 1..................................................................................................................... 359 LISTE DES SEMINAIRES ACADEMIQUES ................................................................................ 359 ARTICLES PUBLIES OU EN COURS DE PUBLICATION:............................................................. 361 LISTE DES SEMINAIRES, COURS DE FORMATION, ET PROJETS PROFESSIONNELS .................... 362 STAGES ET EVENEMENTS EN CORRELATION AVEC LE THEME DE RECHERCHE DE LA THESE .. 365 ANNEXES 2..................................................................................................................... 366 CORPUS D’ENTRETIEN ......................................................................................................... 366 TABLE DES CARTES ................................................................................................... 375 TABLE DES FIGURES.................................................................................................. 376 TABLE DES GRAPHIQUES......................................................................................... 377 TABLE DES PHOTOS................................................................................................... 377 LISTE DES TABLEAUX ............................................................................................... 379 383 Universidad Angers Universidad Jaume I Castellón Año 2011 Redes migratorias rumanas en España Estrategias y territorios de vida en Castellón de la Plana (Comunidad Valenciana) RESUMEN Disciplinas: Geografía social y economía internacional Elena Ramona BUCUR Miembros del tribunal Sr. Profesor Dr. R.VIRUELA, Universidad de Valencia Sr. Profesor Dr. N.POPA, Universidad del Oeste de Timişoara Sra. Dr. S.MARCU, Investigadora, CSIC, Madrid Sr. Profesor Dr. C.PIHET, Universidad Angers Directores de tesis: Sr. Profesor Dr. BERNAT Joan Serafi, Universidad Jaume I, Castellón Sr. Profesor Dr. HUMEAU Jean Baptiste, Universidad Angers Laboratorio de geografía humana y social de la Universidad Angers U.M.R. C.N.R.S. E.S.O. Instituto Interuniversitario de Desarrollo Local (IIDL), Universidad Jaume I, Castellón de la Plana Universidad Angers Universidad Jaume I Castellón Año 2011 Redes migratorias rumanas en España Estrategias y territorios de vida en Castellón de la Plana (Comunidad Valenciana) Tesis de doctorado Disciplinas: Geografía social y economía internacional Escuela doctoral DEGEST, PRES L’UNAM Universidad Angers Presentada y leída públicamente el 16 de enero de 2012 en la Facultad de Letras, Lenguas y Ciencias humanas Universidad ANGERS por Elena Ramona BUCUR Delante del tribunal: Miembros del tribunal Sr. Profesor Dr. R.VIRUELA, Universidad de Valencia Sr. Profesor Dr. N.POPA, Universidad del Oeste de Timişoara Sra. Dr. S.MARCU, Investigadora, CSIC, Madrid Sr. Profesor Dr. C.PIHET, Universidad Angers Directores de tesis: Sr. Profesor Dr. BERNAT Joan Serafi, Universidad Jaume I, Castellón Sr. Profesor Dr. HUMEAU Jean Baptiste, Universidad Angers Laboratorio de geografía humana y social de la Universidad Angers U.M.R. C.N.R.S. E.S.O. Instituto Interuniversitario de Desarrollo Local (IIDL), Universidad Jaume I, Castellón de la Plana 2 Agradecimientos En el primer lugar quiero agradecer a mis directores de tesis: Dr.Jean-Baptiste Humeau, profesor de geografía de la Universidad Angers, que me ha acompañado y apoyado en toda mi trayectoria científica, desde la tesis de licenciatura hasta la de doctorado. Igualmente al Dr. Joan Serafi Bernat i Marti, profesor de historia e instituciones económicas, que ha hecho posible y ha dirigido la realización de mi investigación en la Universidad Jaume I de Castellón de la Plana, España. Les agradezco por el tiempo, la paciencia y la disponibilidad que me han ofrecido y por todo el apoyo que ha necesitado mi investigación para su mejor resultado. Agradezco también a los directores del Laboratorio de geografía humana y social CARTA de la Universidad de Angers y al Instituto Interuniversitario de Desarrollo Local (IIDL) de la Universidad Jaume I de Castellón que hayan apoyado mi investigación. Igualmente quiero expresar mis agradecimientos a los/as compañeros/as del Instituto de Geografía de la Universidad de Lausana que me han acogido muy bien y especialmente a la profesora Dra. Micheline Cosinschi, que me ha iniciado en el aprendizaje de programas de cartografía, muy interesantes para asegurar la visualización de mi estudio. La parte práctica de mi investigación no habría sido posible sin la experiencia acumulada a través de una colaboración esencial con la Asociación de Inmigrantes de los Países del Este (en Castellón). Mis agradecimientos se dirigen particularmente hacia la presidenta de esta asociación, la señora Angela Placsintar. En este mismo contexto de la experiencia práctica, para una mejor comprensión de los procesos migratorios, añado todo los que me ha aportado mi trabajo de mediadora intercultural en la Comisión Española de Ayuda a los Refugiados (en Valencia), y expreso todo mi reconocimiento a todos/as mis compañeros/as. La redacción de mi investigación en idioma francés no habría sido posible sin la relectura de mi tesis por la señora Christiane Humeau, a la cual le expreso mis sinceros agradecimientos. Deseo igualmente agradecer a mi familia por todo el apoyo y la paciencia en todo este periodo de mi investigación. Agradezco también a las personas de nacionalidad rumana encontradas en Castellón de la Plana que han aceptado, por medio de las entrevistas, contar episodios personales de sus vidas. 3 Introducción general Desde el fin de los años 90, las familias rumanas se instalan en España para cubrir sus necesidades. Diversas regiones españoles están particularmente concernidas por la llegada progresiva de estas familias. La región de Madrid y la costa española mediterránea registran una de las más fuertes concentraciones de población rumana. El total registrado en España, según los datos publicados el 1 de enero de 2011, es de 865.000 personas. En la provincia de Castellón, situada en la costa mediterránea entre Valencia y Barcelona se puede observar una concentración espectacular (56.052 migrantes rumanos el 1 de enero de 2011 sobre una población total de 604.000 habitantes). En la capital Castellón de la Plana, actualmente la proporción de personas de origen rumano es del 10 % aproximadamente sobre la población total, lo que es considerable. La plana litoral de la provincia de Castellón posee un ámbito geográfico con actividad agrícola (fincas de naranjos, empresas agro-alimentarías) y actividades industriales (en gran parte orientadas hacia la producción de la cerámica). La urbanización, como resultado de la instalación de las poblaciones rurales llegadas de la montaña, ha determinado un movimiento de construcción de edificios y finalmente la instalación de un complejo de ciudades muy dinámicas. Las necesidades de mano de obra son acompañadas por la valorización económica de ésta nueva pequeña región urbana. En éste contexto de desarrollo territorial los migrantes rumanos han encontrado una sociedad de acogida donde la necesidad de mano de obra era considerable a finales de los años 90 y principios del siglo XXI. Los migrantes rumanos llegados individualmente o en familia están dispuestos a trabajar en todos los sectores de la economía cualquiera sea su calificación. Ellos no provienen de todas las regiones rumanas. Su origen geográfico sugiera la existencia de redes de migración. Su inserción en el espacio y en la sociedad española es selectiva. Desde hace vente años las formas de inserción social, y económica han evolucionado y han provocado cambios importantes, tanto por los migrantes como en la sociedad de acogida. La instalación de estas familias encuentra numerosas dificultades de integración en la sociedad española. El proceso de migración desde Rumanía es complejo, pero se refiere esencialmente a las familias en búsqueda de nuevas soluciones económicas para una vida mejor. La llegada de estas familias a España está motivada por estrategias individuales y colectivas de sobrevivencia. 4 La inserción en la sociedad española supone la cuestión de nuevas relaciones en el espacio que estas familias rumanas deben construir en el contexto social y económico evolutivo que lo componen. La construcción de nuevos territorios vitales es una apuesta capital para una inserción con éxito de estos migrantes. Estos nuevos territorios son difícilmente localizables siendo variables en espacio y tiempo. Esta investigación doctoral de geografía social y economía internacional se basa en el estudio de la construcción de estos nuevos territorios, lo más frecuentemente organizados en redes. En esta investigación la noción de red abarca la totalidad de los lazos sociales, familiares, económicos, y culturales que son indispensables en la iniciación de la migración, desde la salida de Rumania, y que son determinantes para una instalación progresiva en España. Las presentes redes sociales se inscriben en una verdadera geografía europea, producida por las características locales y también por las posibilidades ofrecidas por las normativas internacionales sobre las movilidades de las personas. ¿Como participan las redes en la construcción de nuevos territorios de vida de las familias rumanas migrantes en España? ¿Como se construyen los movimientos migratorios dentro de las redes? Son dos cuestiones complejas que constituyen el marco del enfoque empírico y teórico de nuestra investigación. Estas ideas clave están omnipresentes en la investigación sobre los procesos migratorios. Permiten poner en escena científica las migraciones rumanas en España, y especialmente localizada de manera muy concentrada en la provincia de Castellón y en su capital Castellón de la Plana. La relación con el nuevo territorio, la transformación y la transposición del vivido cotidiano del migrante a una nueva realidad, en una sociedad distinta, son elementos importantes para el análisis espacial de esta movilidad. El tiempo y el espacio son determinantes para las estrategias empleadas por los migrantes rumanos para la construcción y la renovación continua de su campo migratorio. La problemática elaborada para nuestra investigación ha nacido del análisis de las particularidades de la migración rumana en España. La total inmersión en el territorio español y en la cotidianidad vivida por los migrantes rumanos particularmente en la provincia de Castellón remite a la construcción y la evolución de las redes, permitiendo la construcción de las nuevas territorialidades. Nos referimos a las nociones de cotidianidad y de territorialidad, como elementos constitutivos del marco relacional creado entre los migrantes rumanos y la sociedad española. 5 Nos apoyamos en estos conceptos porque comprenden la originalidad y la actualidad de esta investigación, construida sobre una realidad transformadora de los espacios y de las personas que las viven en función de las coyunturas políticas y económicas, a varias escalas: europea, estatales, regionales y locales, una cotidianidad y territorialidades que se trasforman permanentemente. Lo que nos guía para contestar a las cuestiones primordiales que presentan la población rumana en el territorio español es la búsqueda de las estrategias de movilidad internacionales y de las formas de inserción local de las familias rumanas en España. El hilo conductor de esta investigación empieza con el análisis de las mutaciones continuas de las estrategias de movilidad y de la construcción de redes, en un contexto europeo que evoluciona de una situación económica prospera a la crisis actual. Una primera parte de la presente tesis nos introduce en el contexto político europeo de las migraciones rumanas. La dualidad entre los países miembros es patente en el contexto de Rumanía como nuevo miembro de la Unión Europea. Situamos las trayectorias de la migración rumana en el seno del contexto europeo en evolución rápida. Desde 1989 los procesos migratorios rumanos se desarrollan en una cierta proximidad con el pequeño comercio transfronterizo. Durante la última década el proceso migratorio se extiende a Europa entera y hasta la península Ibérica. La transición política y económica de Rumanía y el crecimiento económico de España explican la presencia de los migrantes rumanos que se reparten todo el territorio español. A una escala territorial mas fina, nuestra investigación privilegia una región de España donde la concentración de la población rumana constituye un núcleo fundamental en relación a su población. La provincia de Castellón con su capital Castellón de la Plana, es la ciudad que acoge la más grande proporción de rumanos en relación al total de habitantes, y constituye el ejemplo geográfico más pertinente. La población rumana instalada en Castellón de la Plana es muy visible. Numerosos lugares simbólicos acogen iniciativas privadas o asociativas, lugares de culto, de representantes de instituciones rumanas se reparten en la ciudad. Fotografías, testimonios, cartografías hacen visible esta presencia. La fuerte presencia rumana en la provincia de Castellón justifica plenamente la elección de este territorio a esta escala de observación. La cuestión fundamental de nuestra investigación es de visualizar en el terreno la existencia de las redes, como expresión de una estrategia migratoria de los rumanos para la construcción de nuevas territorialidades. Este punto de vista representa una nueva dimensión para observar, analizar e interpretar una migración actual. 6 La búsqueda del origen de la migración a través de las redes religiosas evolucionando hacia las redes familiares y de amistad, constituye un enfoque de base para abordar este universo de los migrantes construyendo nuevos territorios. Nuevas practicas de lugares, y nuevas mentalidades, son apuestas para el éxito del proyecto migratorio. Nuevas formas de vivir el territorio se desarrollan. Ellas mezclan elementos identitarios rumanos con una adaptación en la sociedad los territorios españoles. La identificación de las nuevas formas de vivir, el análisis de los « espacios recorridos » 1 , se pueden descifrarse solo con un conocimiento íntimo de los grupos de actores: autoridades españolas locales, autoridades rumanas delegadas en España, asociaciones y emprendedores autóctonos o rumanos… a diferentes escalas locales o transnacionales. La naturaleza de los lazos entre los actores y los migrantes es muy diversa: social, cultural, económica y jurídica. La legislación migratoria de la sociedad de acogida es determinante, pero las prácticas en el terreno también lo son. La influencia y el aporte de los migrantes rumanos en la sociedad de acogida son muy visibles y sin duda esenciales para un cierto desarrollo local en todos los sectores: social, económico, cultural. Profundizando esta particularidad territorial, « el espacio recorrido», constatamos que las familias rumanas instaladas en España han conseguido construir por medio de las redes unas nuevas territorialidades. Las estrategias de inserción en la realidad de la sociedad de acogida representan elementos importantes para el desarrollo de nuevas formas de vivir durante más de una década de migración rumana en España y particularmente en Castellón. Existe una gran diversidad de situaciones familiares rumanas en estos espacios de vida insertados en la sociedad española. Casos representativos para cada categoría de migrante (el estatuto civil del hogar, la edad de las personas implicadas…) merecen un análisis. Situaciones de fracaso de proyectos migratorios deben completar este enfoque de las migraciones rumanas. El « saber-migrar » y las estrategias de inserción en el mercado de trabajo, en conformidad o no con las leyes de migración, constituyen elementos clave para la inserción de los migrantes rumanos en España. Entre el momento de la llegada al territorio español (trabajo en el mercado sumergido, sin permiso de residencia y de trabajo) y la obtención de un empleo regular asalariado o como autónomo, múltiples etapas son necesarias. Los lazos entre los migrantes y el mercado de trabajo se materializan lo más frecuentemente por los envíos de fondos a las familias que quedan en Rumania. 1 HUMEAU, Jean Baptiste. TSIGANES EN FRANCE - De l'assignation au droit d'habiter. L'Harmattan. Paris, 1995. 410 p (cita p.255) 7 El tema sobre la cantidad de dinero enviada es muy delicado y constituye un indicador primordial de la inserción de los migrantes en la economía local. Los destinos de estos envíos de dinero constituyen un reto para el investigador. También revelan la importancia concreta del campo migratorio que se establece entre España y Rumanía 2 . Este abanico de situaciones diversas coexiste en Castellón de la Plana. La crisis económica que afecta gravemente España y sobre todo Castellón amplifica la complejidad de la situación laboral para la mayoría de los trabajadores rumanos. En este contexto, las situaciones familiares, individuales o empresariales deben ser descifradas. Todas las soluciones alternativas merecen el análisis frente a la crisis. La noción controvertida de la política del retorno al país de origen se añade a la complejidad de la situación de los migrantes rumanos en España: el retorno oficial y subvencionado para algunos o el retorno « clandestino » para otros. Las nuevas restricciones de inserción en el mercado de trabajo agravan más la situación de los migrantes rumanos. La cuestión de la reinterpretación conceptual de esta migración rumana en España es importante también. ¿Como podemos interpretar la migración rumana en España en el contexto de los estudios actuales sobre las migraciones? Se trata de pasar de una migración de trabajo a una circulación impuesta por el contexto español y las diferentes apuestas europeas. La construcción de un simple campo migratorio se dobla en la elaboración de territorios circulatorios complejos y evolutivos. Nociones conceptuales como la « simultaneidad », « el transnacionalismo » o « la glocalización », son útiles para la interpretación de los espacios recorridos identificados. Las encuestas y las numerosas entrevistas personales tienen como objetivo contribuir no sólo en la observación fina de la realidad transformadora, sino a una nueva interpretación de esta migración rumana. Los nuevos conceptos utilizados para una visión global de las movilidades internacionales contribuyen a una comprensión de la instalación de las familias rumanas en Castellón. Se identifican y analizan numerosos elementos constitutivos de un proyecto migratorio (información, redes, estrategias migratorias) de los migrantes rumanos instalados en España, que se pueden interpretar de modo similar a los mecanismos de la iniciativa emprendedora. El migrante se transforma en un emprendedor social y a veces económico. El debate crucial de la evolución del estatuto oficial de los rumanos en España aumenta la necesidad de una iniciativa emprendedora. 2 SIMON, Gildas. L’espace des travailleurs tunisiens en France. Structures et fonctionnement d’un champ migratoire international. Université de Poitiers, 1979. 426 p 8 En éste contexto de la migración, produciéndose desde el vacío antes de la concepción y hasta la realización del proyecto migratorio, la carga emocional de las familias rumanas es inmensa. El lazo afectivo entre los territorios de acogida y los territorios de origen amplifica la necesidad de una verdadera conexión emocional entre las familias que permanecen en el país de origen y los migrantes. Este drama personal y familiar, jamás resuelto por los migrantes, clarifica la manera de vivir y percibir su vivido cotidiano. La identidad del migrante se encuentra reinventada en las nuevas redes y en la dura realidad de la sociedad de acogida. ¿El cambio de la mentalidad de los rumanos establecidos en España, la imagen que proyectan en la sociedad española, no representa la clave de una realidad migratoria repensada? 9 El enfoque metodológico La metodología de la presente investigación se fundamenta sobre un trabajo exploratorio y de análisis de la realidad territorial de la migración rumana en Castellón de la Plana desde el 1995. El método de inmersión en el territorio y la observación constituyen las herramientas principales de este estudio. El objetivo nace del hecho de observar las características de la población rumana instalada en estos nuevos territorios. Las estrategias de movilidad, las formas de inserción de las familias rumanas en la sociedad española, las diferencias de perspectivas entre el proyecto migratorio inicial y la realidad vivida, constituyen la particularidad de nuestras hipótesis. Cuestiones como las herramientas necesarias para un diagnostico de la presencia rumana en Castellón, la tipología de actores encontrados y los tipos de relaciones existentes, las territorialidades que se establecen entre el lugar de recepción y el de origen, nos acompañan durante la trayectoria de nuestra investigación. Una estrategia de inmersión de las familias rumanas en Castellón de la Plana Doctoranda de nacionalidad rumana, en la Universidad de Angers, me ha parecido necesario instalarme en Castellón para tener un mayor acercamiento a la vida de los migrantes, profundizar el conocimiento del idioma español y desarrollar relaciones académicas con la Universidad de Castellón. En este contexto he considerado muy importante vivir en la sociedad castellonense, contactar y trabajar con organismos y asociaciones, teniendo como objetivo la inserción de personas migrantes en la Comunidad Valenciana. Las experiencias acumuladas han enriquecido y ampliado la manera de comprender los procesos de migraciones internacionales. 10 El contacto y la participación en las actividades de la Asociación de Inmigrantes de Países del Este han determinado un aprendizaje continuo de las normas jurídicas indispensables para la interpretación de las estrategias empleadas por los migrantes rumanos en su inserción en la sociedad española. El trabajo como mediadora intercultural ha contribuido a una mejor comprensión del mundo de la migración a varias escalas: local, nacional e internacional, tratando situaciones muy complejas a nivel individual, familiar, institucional, etc. Las etapas de observación e inmersión han sido completadas con otras fuentes de investigaciones sobre el tema de las migraciones internacionales y rumanas en particular. La consulta de datos de los organismos públicos, de la prensa, así como el análisis de datos cuantitativos a través de instituciones de estadísticas, ha sido muy necesaria a la hora de contrastar los hechos empíricos. En el análisis de situaciones de la presencia rumana de Castellón hemos utilizado el método de sondeo cualitativo y cuantitativo. La parte cualitativa consta en una encuesta sobre los diferentes tipos de migrantes rumanos instalados en Castellón. Mis estancias en varios laboratorios de investigación: CARTA (Laboratorio de Geografía humana y social, Angers), IIDL (Instituto Interuniversitario de Desarrollo Local, Castellón) y IGUL (Instituto de Geografía de la Universidad de Lausana) han constituido una gran riqueza a la hora de aprender y desarrollar herramientas de metodología, cartografía y ampliar la bibliografía de investigación. La participación en seminarios internacionales, presentando ejemplos extraídos de la realidad de la migración rumana estudiada, ha completado el enfoque metodológico de la presente investigación. El territorio geográfico del estudio ha sido la provincia de Castellón, aunque centrando la observación en su capital, debido a la gran concentración de migrantes rumanos en esta ciudad. La presencia de numerosas instituciones y asociaciones que intervienen en la vida cotidiana de los rumanos instalados en Castellón de la Plana representa otra razón por elegir la capital como nuestro espacio laboratorio. Una parte de las encuestas ha sido realizada en la sede de alguna asociación o institución, ofreciendo de este modo un clima de confianza más fácil de establecer con las personas a entrevistar. Otras entrevistas fueron realizadas en función de la disponibilidad de las personas entrevistadas en sus domicilios, lugares de su trabajo o del ocio. 11 Interpretación de los datos de las encuestas y entrevistas El trabajo de la construcción de las entrevistas necesita una reflexión continua sobre los diferentes tipos de actores y las relaciones que establecen entre ellos. En este contexto detectamos seis grandes categorías: los hogares rumanos, las personas que han fracasado, las instituciones españolas, las instituciones y asociaciones rumanas, los empresarios españoles y rumanos entre cuales se establecen una serie de relaciones importantes directas o indirectas. También identificamos a través de testimonios algunos aspectos que necesitan un análisis detallado, como la idea emprendedora en el caso de la categoría de los empresarios. Las instituciones rumanas (las asociaciones rumanas o el Consulado rumano) desvelan informaciones interesantes en relación con las categorías de personas entrevistadas. Las situaciones muy delicadas de las personas con un proyecto de vida fracasado ofrecen otra visión de nuestro análisis. Como se puede observar en la siguiente representación mostramos las grandes categorías de actores con sus acciones (jurídicas, económicas, sociales, culturales) y las relaciones a diferentes escalas (individual, familiar, empresarial, institucional, etc.) que existen entre ellos en el “espacio vivido” y construido por los propios rumanos instalados aquí. 12 Figura 1. Relaciones entre los actores de la migración rumana de Castellón de la Plana La encuesta cualitativa se ha caracterizado por entrevistas sobre las trayectorias migratorias realizadas a varios hogares rumanos en función de un marco de cuestiones preestablecidas. Las personas han estado relativamente abiertas a contar sus historias migratorias, aunque no debemos olvidar sus sentimientos de tristeza, miedo y vergüenza, que han tenido que revivir relatando sus trayectorias. 13 Otro obstáculo encontrado a la hora de realizar las entrevistas es un cierto grado de desconfianza hacia los propios connacionales que dificulta tener unos datos correctos. De punto de vista metodológico, la guía de las preguntas contiene cuestiones clave dejando un margen de libertad a la persona de contar su historia migratoria. Las entrevistas se han efectuado entre mayo y octubre de 2009, tomando en cuenta el periodo de riqueza de las informaciones dado por los eventos económicos y políticos europeos, como la entrada de Rumanía en la U.E. Según la figura 3 se pueden observar los parámetros elegidos para clasificar los hogares entrevistados. Hemos destacado elementos importantes como: el estado civil de la persona entrevistada para entender la complejidad de las familias, la edad de los sujetos, siguiendo los aspectos de inserción socio-laboral, o la localización geográfica de procedencia, para identificar los núcleos de migrantes y verificar ciertas hipótesis. Las entrevistas se han desarrollado en rumano con una duración variable entre una hora y dos horas y media. El objetivo era identificar la trayectoria migratoria de la categoría de hogar entrevistado y establecer las territorialidades entre el lugar de instalación y el de origen. Figura 2. Modelo de entrevista, R. Bucur, Castellón de la Plana, 2010 14 Figura 3. Hogares rumanos entrevistados en Castellón de la Plana, mayo-octubre 2009 15 El aspecto económico de la migración representa otro elemento a cuantificar a través de cuestionarios. El tema de los envíos de fondos en el país de origen es muy interesante para estudiar, pero la confidencialidad de los datos dificulta la obtención de una estadística detallada, lo que nos ha determinado a optar por realizar encuestas identificando el aspecto geográfico de la repartición de remesas en el país de origen. Para este método hemos seleccionado el tipo de cuestionario estratificado tomando en cuenta: el periodo de residencia, el tipo de migración (individual, familiar), edad (a partir de 20 años), género, lugar de envío. Figura 4. Modelo de encuesta, R. Bucur, Castellón de la Plana, 2010 16 Cartografía: un enfoque indispensable para la dimensión geográfica de las problemáticas sociales La utilización de las herramientas de cartografía nos ofrece una representación de los aspectos estudiados. Los programas cartográficos experimentados durante la estancia en el Instituto de Geografía de Lausana han sido empleados para visibilizar los resultados de los métodos cualitativos, cuantitativos y la gestión de datos estadísticos. La aportación de un programa cartográfico interactivo (Geoclip) nos confiera una navegación precisa e interactiva de ciertos indicadores que nos interesan a diferente escala espacial (municipio, provincia) como su evolución temporal. Junto a estos aspectos cartográficos nuestra investigación se completa con otros elementos visuales como: figuras, gráficos, fotos, etc. para visibilizar tanto los fenómenos teóricos como aspectos de la etapa de observación. Conclusión El trabajo metodológico es la clave para el desarrollo riguroso de esta investigación, teniendo como elemento primordial la inmersión en el espacio laboratorio para observar y comprender el proceso migratorio rumano. Los contactos emprendidos en el espacio de acogida de los rumanos tienen un papel central en la realización del trabajo cuantitativo y cualitativo de la investigación. Las acciones de mediación intercultural se han añadido a la comprensión de diferentes situaciones de los migrantes rumanos. La variedad de categorías de actores que intervienen en el proceso migratorio ofrecen un panorama de la complejidad de las relaciones existentes entre los migrantes rumanos y las diferentes instituciones y asociaciones en la sociedad de instalación. 17 Primera parte 1. Las migraciones rumanas en línea con las normativas europeas 18 Introducción El contexto de las migraciones rumanas, caracterizado por una transformación continua en correlación con las mutaciones europeas en materia de políticas migratorias, necesita una reflexión profunda. Para nuestro estudio nos interesa la identificación de esta variación de políticas migratorias en Rumanía y al mismo tiempo la adaptación de los rumanos a un contexto europeo muy móvil. ¿Cuales son las estrategias de adaptación de los migrantes rumanos a las normativas europeas para conseguir realizar sus proyectos migratorios? ¿Cual es la posición de Rumanía con respecto a las políticas migratorias europeas y, al mismo tiempo, con los rumanos que emigran? El hilo conductor de esta primera parte nos lleva hacia las estrategias encontradas por los rumanos para seguir sus trayectorias migratorias en un contexto europeo restrictivo con una migración controlada. Tenemos varias escalas de análisis: la de los migrantes rumanos, la de Rumanía y la de las normativas europeas, más estrictas para un país que evoluciona de excomunista a miembro comunitario. La escala temporal y espacial de la migración rumana presenta una gran variedad de tácticas de movilidad, lo que permite una multiplicación de trayectorias migratorias hacia el oeste, desde la proximidad de las fronteras rumanas hasta España. ¿Porque España? ¿Cuales son las estrategias utilizadas para instalarse aquí? El territorio español tiene una gran concentración de la presencia rumana afincada y un análisis más en profundidad se llevará a cabo en la provincia de Castellón, un territorio muy importante para esta migración. Aquí se formula la pregunta: ¿cual es la particularidad del desarrollo de esta presencia rumana en Castellón? Reuniendo todos los puntos de interés de esta parte del estudio aparece un aspecto muy importante de esta investigación, que podría ser encajado en la pregunta clave: ¿Que características del saber migrar revelan los rumanos en el contexto de políticas migratorias existentes entre la caída del comunismo y la actualidad, entre Rumanía y otros territorios hasta llegar a Castellón? 19 1.1. Las políticas actuales de migraciones europeas y la situación de los rumanos migrantes Los puntos de análisis más interesantes para iniciar nuestro tema de investigación se dirigen hacia el papel de Rumanía dentro de una evolución legislativa europea, entre comunismo y miembro comunitario, como también hacia las estrategias seguidas por los migrantes rumanos en sus trayectorias migratorias, al margen de las condiciones de la libre circulación. 1.1.1. El contexto europeo actual La situación europea actual se desarrolla entre la búsqueda de soluciones para salir de la crisis económica, la concienciación del declive demográfico y de la necesidad de los trabajadores extranjeros. Pero con la paradoja del aumento de las restricciones de los extranjeros en el mercado de trabajo europeo. La posición dual de la construcción del espacio Schengen se comparte entre un territorio de libre circulación de personas y mercancías, donde las fronteras internas desaparecen para los países miembros, y una verdadera fortaleza para los ciudadanos extracomunitarios que quieren acceder. La ampliación de la Unión Europea hacia el Este tiene consecuencias importantes para la acentuación del control migratorio en sus fronteras exteriores, que a partir de 2007 tienen como márgenes a Rumanía y a Bulgaria. La perspectiva de Rumanía de pertenecer al espacio Schengen a partir del 2011 exige una gran cooperación en temas de seguridad de las fronteras y la harmonización de la legislación rumana con la comunitaria. 20 Figura 5. Situación de Rumanía en el contexto europeo 21 1.1.2. El contexto de Rumanía después de su entrada en la Unión Europea La situación de Rumanía como nuevo miembro comunitario implica numerosas modificaciones de su legislación con respecto a los países vecinos. Por un lado, la cooperación muy precisa con la Unión Europea impide la aplicación de nuevas leyes en la justicia, seguridad de las fronteras y control de la migración. Por otro lado, para Rumanía también se han impuesto normativas europeas, sobre todo para los rumanos que emigran a la búsqueda de trabajo en los mercados europeos. A partir del 2009, después de dos años de transición, los rumanos pueden trabajar libremente en los mercados de varios países comunitarios. Aunque su acceso al trabajo es posible en la mayoría de estos países europeos, paradójicamente, países de tradición de la migración rumana como Alemania, Francia o Italia (que alberga una presencia rumana muy numerosa) mantienen sus restricciones al trabajo para los migrantes rumanos. En nuestro caso, España a pesar de la crisis económica que la afectaba, levanta la moratoria impuesta para los rumanos y los búlgaros el 1 de enero de 2009. Antes de esta fecha, los migrantes rumanos utilizaban múltiples estrategias para encontrar trabajo. Antes las restricciones y limitaciones para obtener el permiso de trabajo tienen que aceptar trabajo en el mercado sumergido. En el año 2007 la presencia rumana deviene muy visible en la estadística oficial del territorio español, dado que el nuevo estatuto comunitario confería una cierta confianza y sobre todo facilidad para registrarse. En el periodo de transición la única posibilidad de trabajar para los rumanos recién llegados o registrados en España era como trabajador autónomo. En este contexto se observa un ascenso de la presencia de trabajadores rumanos en la estadística de la seguridad social en esta tipología. Actualmente, desde 22 de julio 2011 la acentuación de la crisis económica reimpone las mismas restricciones en el caso de los rumanos en el mercado de trabajo español. La nueva situación afecta tanto a los recién llegados o a los que no se habían registrado (teniendo el certificado de ciudadano comunitario), como a los que quieren renovar sus certificados de ciudadanos comunitarios y no trabajan o no estaban registrados como demandantes de empleo en fecha de 22 de julio de 2011. En estas condiciones, los que quieren trabajar por cuenta ajena tendrá que pedir un permiso de trabajo en base de una oferta de trabajo (de un año en Castellón). La nueva normativa se mantendrá hasta el 1 de enero de 2013, con una evaluación económica a final del 2012 cuando se decidirá su prorroga o su finalización. 22 1.1.3. La situación de Rumanía : nuevo miembro de la U.E. y sus vecinos extracomunitarios La situación de Rumanía como país comunitario implica un aumento muy escaso de la inmigración extracomunitaria en comparación con la emigración rumana. Las transformaciones adoptadas por la legislación rumana en materia de seguridad de las fronteras y el control de la migración han generado unas tensiones diplomáticas con el país vecino, la Republica de Moldavia. La mayoría de los extranjeros afincados en Rumanía provienen de Republica de Moldavia, Turquía y China. En función de su mayor presencia se han instalado en la zona del este de Rumanía (Iaşi, la capital de la antigua provincia histórica, Moldavia), en el sur-este (Constanţa, la capital de la antigua provincia histórica, Dobrogea) y Bucureşti. A lo largo del proceso de negociación de la entrada de Rumanía en la Unión Europea se fue complicando la situación jurídica de los moldavos que entraban en Rumanía. A medida que Rumanía conseguía la circulación sin visado en el espacio Schengen para sus ciudadanos, a partir del 2002, en la misma fecha, para los moldavos se había introducido la exigencia del pasaporte (muy difícil de conseguirlo) para entrar en Rumanía y a partir del 2007 ya se necesita un visado para acceder en el territorio rumano. El ultimo acuerdo entre Rumanía y la Republica de Moldavia, firmado en febrero 2010, facilita el pequeño trafico transfronterizo sin visado para los residentes de la franja, pero que estén en posesión de pasaporte y de un permiso de trafico de frontera válido para un periodo entre 2 y 5 años. 1.1.4. Las etapas de las políticas rumanas en materia de migración controlada para sus ciudadanos En esta parte los aspectos interesantes a debatir serán la implicación del Estado Rumano en su trayectoria hacia miembro comunitario, con sus consecuencias en las migraciones de trabajo de sus ciudadanos. La población rumana emigrada en Europa representa una presencia importante, pero es muy difícil de cuantificarla por la diferencia que existe entre los datos estadísticos de Rumanía y los de países donde están registrados. 23 Una de las causas es la presencia continuada de las personas emigradas en los registros del padrón de las localidades rumanas de origen. En las políticas rumanas en materia de migración tenemos dos aspectos a analizar: las medidas de la circulación de los rumanos en el espacio Schengen a través de itinerarios personales, y los acuerdos y el contingente presentes en la migración rumana de trabajo controlada. 1.1.4.1. Un panorama de síntesis sobre la libre circulación de los rumanos en el espacio Schengen Para elaborar este tema proponemos una mirada retrospectiva de las libertades y restricciones de circulación en el espacio Schengen para los migrantes rumanos en sus trayectorias migratorias en Europa entre la fecha actual y 1990. Desde el momento actual, cuando a partir de 2007 los rumanos pueden viajar sin restricciones a Europa, tenemos que pararnos en el momento clave, el año 2002, cuando se han suprimido los visados para los rumanos que salían de su país. En este periodo se han impuesto otras condiciones en las fronteras: dinero, seguro medico, billete ida y vuelta, etc. y además una prohibición de volver a salir de Rumanía (hasta 5 años) si pasaban los 3 meses otorgados para turismo. Había una gran dificultad en diferenciar a los verdaderos de los falsos turistas y sobre todo que la mayoría quedaban en situación irregular en las sociedades de acogida. En este contexto se han firmado acuerdos de readmisión entre Rumanía y países de recepción de sus emigrantes y una pequeña parte de los rumanos en situación irregular fueron repatriados. Antes de este periodo sería conveniente subrayar el hecho de que hasta 1992, desde la caída del comunismo, los rumanos han podido viajar libremente por toda Europa solo con la posesión de sus pasaportes. A partir de 1992 podemos empezar a estudiar las estrategias migratorias de los rumanos en sus trayectorias por Europa, en nuestro caso. 24 1.1.4.2. Flashbacks sobre la migración rumana de trabajo controlada Siguiendo la misma lógica, empezamos el análisis con el momento reciente de la migración rumana de trabajo cuando los rumanos pueden trabajar libremente en diversos países comunitarios hasta el momento del principio de esta migración. En todo este periodo existe una complejidad de acuerdos bilaterales firmados entre Rumanía y diferentes estados relativos a la migración de trabajo controlada. Podemos añadir en este sentido, la organización en 2008 de bolsas de empleo 3 por el gobierno rumano en España e Italia para atraer sus ciudadanos en el país de origen. Entre 1991 y 2006 se han firmado acuerdos bilaterales para trabajo donde podemos nombrar con Italia en 2006, con Hungría en 2004, con España en 2002, etc. Suiza y Luxemburgo aceptan solo estudiantes conforme los acuerdos bilaterales de 2000 y 2001, mientras que Israel, con fuerte migración rumana, no firma ningún acuerdo entre los dos estados por el hecho de intermediación de trabajo a través de compañías privadas. Esta breve presentación de los tipos de acuerdos firmados entre Rumanía y países los receptores de migrantes rumanos tiene el objetivo de visibilizar la implicación del Estado Rumano en los procesos de migración rumana controlada. Otra razón para realizar una mirada retrospectiva a estas políticas es la intención de poder llegar al punto preliminar de la migración rumana a nivel individual con sus estrategias de emigración. Por una mejor observación hemos elegido estas dos líneas: migración controlada por intermedio del estado y migración individual, que será analizada en el siguiente capitulo. 3 Eventos organizados en ciudades con una gran concentración de población rumana tanto en España como en Italia y donde se presentan las ofertas de empleo disponibles en Rumanía. El objetivo de esta campaña es la atracción de los trabajadores rumanos en el país de origen que ha conocido últimamente un gran déficit de mano de obra. Mencionamos la bolsa de empleo organizada en Castellón de la Plana en 2008 en el recinto Pergola 25 1.2. Trayectorias de migraciones rumanas tras la caída del régimen comunista Una de las preguntas muy importantes para entender el comienzo de estas trayectorias es: ¿porque los rumanos tienen una aspiración para migrar más acentuada que otras poblaciones de los antiguos países comunistas? ¿Qué situación había en Rumanía antes del 1989 entorno a las migraciones y qué destinos han elegido los rumanos tras la caída del comunismo? Las respuestas a estas cuestiones y muchas otras serán presentadas a través de este capitulo. 1.2.1. Una breve presentación de las tendencias migratorias de Europa Central y del Este antes y después la caída del Muro de Berlín La situación de Europa Central y del Este tras la Segunda Guerra Mundial implica unas formas de prohibición absoluta de circulación hacia el Oeste, como también un sistema económico propio, con medidas proteccionistas para sus ciudadanos. El grado de la prohibición de las migraciones es mas grande hacia el Este europeo. Las fronteras tienen una misión dual: de obstáculo y de recurso. La segunda función está muy desarrollada, dado al pequeño trafico transfronterizo, donde en el caso de Rumanía funciona muy bien con Hungría y Serbia. La caída del muro ha producido la apertura de las fronteras y una circulación del Este al Oeste europeo. Cada país excomunista deviene territorio de emigración y al mismo tiempo de inmigración. Rumania, por sus restricciones absolutas de migración antes del 1989, se convierte en un país de emigración neta. 26 En la época de la dictadura comunista los rumanos tuvieron unas limitaciones tremendas como: la imposibilidad de tener un pasaporte, la creación de un partido político único, la desaparición de la propiedad privada, restricciones alimenticias, una economía muy precaria, la prohibición de una economía de mercado, la vigilancia permanente de la Securitate (policía secreta del gobierno), etc. Con respecto a las migraciones estaban totalmente prohibidas hacia el Oeste y sólo eran posibles en algunos casos concretos: los estudiantes con becas hacia los países soviéticos, la migración de trabajo muy controlada y desarrollada bajo la tutela del gobierno rumano, solo en África, Oriente Medio y URSS. Otras formas de movilidad eran clandestinas como la “migración política”, donde las personas arriesgaban sus vidas pasando las fronteras. Una curiosidad con respecto a las emigraciones son las de las comunidades étnicas: los judíos y los alemanes que vivían en Rumanía. La construcción del estado Israel implicó una gran movilidad de los judíos hacia su país. La única solución para que los judíos pudieran migrar fue a través de un intercambio financiero realizado por Israel por la salida de sus ciudadanos. En el caso de los Aussiedlers (alemanes que vivían en Rumanía) que querrían volver a su país las posibilidades de realizar su regreso fue a través de la Cruz-Roja (en una primera fase) y siguiendo la misma política que Israel, en la segunda fase. Alemania pagaba una indemnización para cada alemán al que se le permitía salir de Rumanía. Esta situación de cierre de las fronteras añadida, a una situación económica de precariedad, redirige la población rumana tras la caída de la dictadura comunista hacia una solución de sobrevivencia: la migración. 1.2.2. Algunos itinerarios de movilidades rumanas después de 1989 Existe una gran complexidad de trayectorias migratorias que se han desarrollado a partir de 1989 entre el turismo, el trafico comercial transfronterizo y la migración/circulación con objetivos económicos. Si al principio los rumanos salían del país atraídos por el mito del Occidente, a medida que la transición se consolida en Rumanía las salidas al extranjero toman la dimensión de una migración de trabajo. Los elementos comunes de estas trayectorias son: la construcción de verdaderos campos migratorios, la presencia de las redes y de las estrategias de migración paralelas a las leyes existentes en cada país receptor y la adquisición del saber-circular. 27 1.2.2.1. Del « Gast Arbeiter » al refugiado o trabajador temporero : un cliché de los rumanos en Alemania Los Aussiedlers 4 han jugado un papel primordial para la construcción de las redes entre ellos y los rumanos que querrían emigrar: desde sus parientes hasta los vecinos y otras personas ajenas a las familias de los étnicos alemanes instalados en Alemania. Las invitaciones enviadas por los Aussiedlers servían por la obtención de los visados Schengen. En algunos casos los visados eran utilizados para llegar a otros países miembros. Al principio las relaciones con los Aussiedlers tenían metas como el turismo, “el sueño del Occidente”, pero evolucionaron hacia una migración con fines económicos y hacia otros destinos occidentales. La migración de trabajo en Alemania era posible solo a través de acuerdos bilaterales y en condiciones de contratos temporales. Los rumanos de origen alemán emigrados de Rumanía han constituido un verdadero soporte para la migración rumana post- comunista hacia Alemania y han desarrollado un importante capital de movilidad entre los rumanos que han emprendido su proyecto migratorio hacia este país u otros de la Unión Europea. 1.2.2.2. Turquía : itinerarios de proximidad pero efímeros El periodo 1992-1994 conoce el apogeo de este tipo de movilidad, caracterizada por un pequeño trueque comercial entre los productos de folclor rumano y otros difíciles de encontrar en Rumanía y que eran traídos de Turquía. Este trafico de mercancías era realizado por las mujeres rumanas en su mayoría, que viajaban en bus a Turquía, donde vendíancompraban y volvían cargadas de productos nuevos de gran demanda en Rumanía (ropa de cuero, productos de cosmética, etc.). La forma de transporte utilizado era un recurso de información, de construcción de redes y más barata aunque más difícil para pasar la frontera que el tren. La curiosidad de este itinerario migratorio era el predominio femenino de la migración. 4 Aussiedlers son los inmigrantes de origen alemán provenientes de Polonia, URSS y de Rumanía e instalados en Alemania 28 Tenían estrategias muy bien coordinadas para cumplir sus objetivos comerciales y volver en el mismo día, de manera que la mayoría podían compaginar esta actividad con su empleo habitual que constituía el mercado de la venta de productos turcos. Cuando este tipo de comercio de la maleta desciende, los rumanos se reorientan hacia una migración de trabajo en este mismo país. Con un visado de turista de dos meses, los rumanos en paro se desplazaban en Turquía, donde a través de las redes familiares y de amistad, encontraban trabajo irregular en el sector de la construcción o en las fábricas textiles. No se puede hablar de unas relaciones muy desarrolladas con la sociedad receptora, dado que la supresión de los visados Schengen para los rumanos a partir de 2002, reorienta la migración hacia el Oeste europeo. Lo que es muy interesante son las estrategias de movilidad, emprendidas tanto por las mujeres como los hombres rumanos, y sus permanentes reorientaciones hacia mercados de trabajo en función de la existencia de las redes. 1.2.2.3. Una migración muy controlada: el caso de Israel Otra trayectoria migratoria muy interesante es la migración rumana de trabajo controlada hacia Israel. Es una migración selectiva temporalmente: 1993, 1997, 2000 en función del corte de las relaciones judías y palestinas que posibilitan la presencia de mano de obra extranjera. Las redes que han conducido a la presencia de rumanos en Israel son institucionales, a través de compañías judías que empleaban trabajadores rumanos predominantes masculinos y bajo contratos temporales y controlados por el regreso. En el destino estas relaciones se han multiplicado por informaciones en un contexto muy restringido, estando prohibida la reagrupación familiar o las relaciones con la sociedad receptora. El trabajo irregular es casi inexistente, pero en los casos contrarios, el riesgo de los trabajadores rumanos de evadir de la obra es substancial. La construcción del campo migratorio entre los dos países se produce a distintos niveles, pero mayoritariamente tiene la base las redes institucionales o empresariales. Otro aspecto interesante son las estrategias de tener la información y de acceder a las redes de las compañías que ofrecían trabajo en Israel. La motivación económica constituye, como en los otros ejemplos, el objetivo principal de este itinerario migratorio. 29 1.2.2.4. « e-especializado » Las migraciones rumanas hacia Canadá: un campo migratorio Este caso representa una migración especializada con un perfil de trabajadores de alto nivel científico: ingenieros IT, profesionales en el sector informático, etc. que se han dirigido hacia Canadá. Internet ha constituido la clave de la conectividad que se ha implementado entre los rumanos instalados en las dos sociedades. Se ha analizado en profundidad 5 este ejemplo de migración muy bien organizada bajo el aspecto de las redes. Esta vez las redes virtuales han construido un campo migratorio. Han informado los eventuales migrantes rumanos sobre los pasos necesarios para su inserción, antes de sus llegadas a la sociedad de acogida. El contacto con los canadienses está más presente que en los otros casos de migración rumana estudiados anteriormente. El hecho de obtener la nacionalidad canadiense constituía una de las estrategias de los rumanos instalados allí que querrían volver a Europa. El pasaporte canadiense facilitaba su circulación e inserción laboral en los mercados europeos comunitarios. Esta estrategia proporcionaba a los trabajadores rumanos tener más ventajas en Europa con respecto a tener un pasaporte rumano. Los elementos claves de la migración rumana en Canadá son: la utilización de las TICS en la creación de las redes, lo que posibilita una co-presencia cotidiana entre origen y destino, la motivación económica y la adquisición de prestigio por los migrantes rumanos. 1.2.2.5. Francia : entre las elites rumanas de la época y las trayectorias rumanas después del 1989 El itinerario de rumanos en Francia después de 1989 constituye el tema muy investigado, por lo que nosotros haremos una presentación muy sucinta. El destino conocido por los intelectuales rumanos del periodo anterior a la dictadura comunista se convierte en un país muy atractivo entre 1993 y 1998 para otros perfiles de migrantes rumanos: campesinos de Oaş (norte de Rumanía), jóvenes en posesión de títulos académicos del sur del país y gitanos rumanos de varias regiones del sur y oeste. 5 Mihaela Nedelcu, investigadora rumana especializada en el tema de redes migratorias en la época de tecnologías digitales 30 Las motivaciones eran económicas, como en otros casos. Las estrategias de llegada tenían en la base las redes, en función de cada colectivo, que les daban la información para pasar las fronteras y encontrar un trabajo. El contacto con la sociedad de acogida ha funcionado bien. La solicitud de asilo antes de 1994 era la principal vía de inserción en la sociedad francesa. Las restricciones administrativas reorientan los flujos del campo migratorio franco-rumano hacia otros destinos como Inglaterra, España e Italia. 1.2.2.6. La reorientación de redes hacia países de Sur de Europa: el caso de Italia El ejemplo de migración rumana a Italia constituye un caso reciente, como resultado de las restricciones impuestas por los otros países comunitarios. Existe una reorientación hacia el país italiano, que ha aceptado fácilmente la mano de obra rumana. Las redes han funcionado muy bien, aportando gran población rumana de la región de Moldavia rural y en menor medida de Transilvania y de Bucarest. Las últimas cifras contabilizaban en 2009 un total de 953.000 residentes rumanos en el territorio italiano. Los aspectos lingüísticos y culturales muy cercanos a los de origen favorecen un mejor contacto con la sociedad italiana, donde implementan iglesias o asociaciones rumanas. Las estrategias de migración evolucionan y se diversifican en función de las normativas europeas. Un elemento muy importante es el predominio de la presencia femenina rumana en esta migración. Se trata de un empoderamiento personal de la mujer rumana y de un capital de movilidad que será, por fin, valorado en origen. El campo migratorio creado tiene en la base las redes familiares y de amistad. El espíritu emprendedor de la mujer rumana emigrada a Italia apoya el cambio positivo de la mentalidad colectiva del pueblo rumano tradicional. Los principales componentes comunes de cada trayectoria migratoria rumana serán agrupados en la siguiente tabla para completar algunos aspectos omitidos por la escala del resumen: 31 Componentes del campo migratorio Las estrategias de la movilidad Las motivaciones de la migración El perfil de los migrantes Alemania -invitación para obtener el visado -la demanda de asilo en la llegada -utilización del visado para otros países occidentales -el trabajo de temporada con un contrato obtenido por un acuerdo bilateral -movilidades transfronterizas : « el comercio de la maleta » -el visado de dos meses (turista) utilizado para trabajo irregular visitas familiares -turismo : « el mito de Occidente » -los motivos económicos -los parientes, amigos y vecinos de los Aussiedlers que tienen la misma pertenencia étnica -las personas noalemanas Transilvania -Banat -Maramures -los motivos económicos : como recursos suplementarios para el hogar; como medios financieros para pagar los estudios y como ahorros para pagar un visado Schengen -predominio femenino para el comercio de la maleta -los jóvenes, algunas familias y una predominio masculino para el trabajo de temporada Israel -contrato de trabajo a través de las compañías intermediarias -los motivos económicos -migración masculina Canadá anglófona -selección muy organizada a través del consulado canadiense -facilidad de información a través de las nuevas tecnologías -contactos previos a la migración -posibilidad de adquirir la ciudadanía canadiense -motivos económicos -posibilidad de trabajar en su sector de actividad -tener prestigio -migración de personas muy cualificadas en los sectores de la ingeniería, de la informática y especialistas TIC Turquía 32 El capital relacional con la sociedad de destino -las relaciones con los Aussiedlers facilitaban un buen contacto con la sociedad receptora -las relaciones con la población local se limitan al trabajo -el conocimiento del idioma es necesario solo para el empleo -la iglesia ortodoxa rumana es la única forma de organización de la comunidad rumana -ninguna relación entre los trabajadores rumanos y la sociedad judía, dado que el 20% de los israelíes procedían de Rumania -muy buena relación con la sociedad canadiense -un contacto permanente con el país de origen a través de las TIC -construcción de una escuela rumana -creación de la Alianza de los rumanos canadienses -pasaporte canadiense, una estrategia para la circulación y la inserción en el mercado de trabajo para los rumanos antes del 2002. Francia -salida del país -motivos -migrantes de -construcción de de origen con un económicos etnia gitana relaciones con la visado Schengen -campesinos de población local (para este mismo la región de Oaş país o Alemania) -jóvenes en -paso de la posesión del frontera irregular diploma de con la ayuda bachiller o algunos guías universitario -demanda de asilo en Francia y venta de periódicos o mendicidad Italia -visados -motivos -migrantes -relaciones con la Schengen para económicos rumanos con un población local, Alemania por predominio del la creación de intermedio de ámbito rural amistades una invitación o -gran presencia comprados de formas -reorientación asociativas desde Francia rumanas : -trayectorias iglesias, irregulares con la asociaciones, etc. ayuda de las guías de pasar las fronteras Figura 6. Trayectorias migratorias rumanas después de 1989 y de interés para este estudio. Fuente: las investigaciones de los autores citados en la bibliografía del capitulo original. R. Bucur, 2010 Para concluir aportamos las siguientes ideas claves: las movilidades rumanas después del 1989 presentan diferentes formas y una diversidad de destinos y estrategias migratorias. Los puntos comunes de todos estos itinerarios son la construcción de redes y las motivaciones económicas, independientemente del perfil del migrante: hombres, mujeres, jóvenes, altamente cualificados o simples trabajadores. Algunos elementos serán más detallados en el siguiente capítulo, que aborda el tema concreto de la migración rumana en España. 33 1.3. Una década de migración rumana en España El caso español de la migración rumana representa un tema actual. Para una mejor comprensión de la elección de este destino por los migrantes rumanos necesitaremos respuestas a algunas preguntas esenciales: ¿Cuales son las estrategias y las vías de inserción utilizadas por los rumanos en la sociedad española? ¿Que papel tienen las redes migratorias rumanas en la distribución territorial de este migración? 1.3.1. La transición político-económica de Rumanía, la causa principal de la migración rumana en España La situación de Rumanía tras la caída de la dictadura comunista era muy complicada a todos los niveles: político, económico, social, etc. La pobreza se acentúa bajo los salarios precarios, las quiebras de fábricas y el aumento de la corrupción. En la mayoría de las ocasiones los trabajadores tenían que encontrar recursos alternativos para el mantenimiento de sus famillas, como es el caso de las mujeres que hacían comercio en Turquía. La proporción de trabajadores activos desciende del 82% en 1990 a 64,6% en 2000. En esta temporada, el PIB de Rumanía llega solamente al 75% de su nivel del 1989. 34 Figura 7. Tasa de paro en Rumanía 1991-2001. R. Bucur, 2010 Fuente: Según los datos de la Agencia Nacional de Empleo de Rumanía encontrados en DUMA, Viorica et al. « Roumanie : une agriculture de survie, après l'industrialisation forcée ». Economie et statistique,N°383385,2005.p201.Url :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_03361454_2005_num_383_1_7200 . Consultado el 13 de abril de 2010 La agricultura de subsistencia representaba un recurso importante para el mantenimiento de la familia. Existen investigaciones que establecen la relación entre una migración urbana-rural y rural-internacional, dado que muchos habitantes han emigrado ya de la ciudad al pueblo y han desarrollado su capital de movilidad, sus redes, etc. Otros han conseguido obtener contratos de trabajo en Libia, Egipto, etc. en la época de la dictadura y están más predispuestos y preparados para reemigrar. 1.3.2. La situación económica próspera de España: un factor decisivo para la migración rumana a este país España, conocido como un país de emigración estaba cambiando a país receptor, en una primera fase por los turistas “residenciales” y posteriormente por una diversidad de migrantes económicos. El contexto español, con un descenso demográfico y un desarrollo económico importante, atrae a un gran nombre de migrantes procedentes de América Latina, Asía, África, Europa Central y del Este. Según un estudio del Despacho Económico del Presidente del Gobierno de España, el porcentaje de los trabajadores extranjeros ha aumentado entre 1996-2006, del 1,2% a 12,1%. 35 Las transformaciones económicas como la incorporación de la mujer en el mercado de trabajo y la preferencia de la población local por algunos puestos de trabajo, explican la utilidad de mano de obra extranjera para cubrir todas estas necesidades. El acceso al mercado de trabajo se ha hecho por el método de los acuerdos bilaterales, los contingentes, pero la mayoría de los migrantes (y rumanos en particular) han creado sus propios “nichos” en la economía sumergida. La información para encontrar trabajo irregular ha circulado hasta en el país de origen, lo que convierte a España en un destino muy atractivo para los trabajadores rumanos. 1.3.3. El mapa de la migración rumana en España El momento clave del comienzo de la migración rumana en España es el año 1996. Haciendo una analogía entre esta fecha y cada país implicado, obtenemos los siguientes resultados: para Rumanía es el año con un precario nivel de vida, en tanto que para España es una fase de importante desarrollo económico, pero según los datos estadísticos, el aumento de la población rumana en España se observa especialmente a partir de 2002. Es necesario subrayar el hecho de que habrá siempre una gran diferencia entre el número de personas registradas en el padrón y las contabilizadas por el Ministerio de Trabajo, a partir de los permisos de residencia y de trabajo. Para una mejor visualización de la distribución de los rumanos en el territorio español, utilizaremos unos mapas relativos a fechas claves para la migración rumana en este mismo territorio. 36 Figura 8. La migración rumana en España, 1998 37 Figura 9. La migración rumana en España, 2003 En los mapas podemos observar la evolución a escala provincial del número de rumanos entre el año 1998 y 2003, teniendo como principales núcleos Madrid, Castellon, Valencia y Barcelona. En 2003 remarcamos la acentuación de la presencia rumana, que se desarrolla en la costa mediterránea, en el sur de la capital y hacia el norte del país. 38 La distribución territorial de la migración rumana depende de las oportunidades de trabajo que se encuentran, especialmente en la parte del litoral mediterráneo y alrededor de la zona de la capital. En las figuras siguientes (10 y 11) la evolución de la migración rumana es más evidente, con un aumento desde 394.078 rumanos en 2006 a 702.954 en 2008 en todo el territorio. La presencia de dos eventos importantes explican en parte este ascenso de rumanos en España: el proceso de regularización de 2005, que muestra sus consecuencias en la estadística del 2006, y la entrada de Rumanía en la UE en 2007, que se visibiliza la presencia rumana en España a través de los datos del 2008. 39 Figura 10. La migración rumana en España, 2006 40 Figura 11. La migración rumana en España, 2008 Haciendo una analogía entre los datos del INE (Instituto Nacional de Estadística) y el Ministerio de Trabajo e Inmigración, que concede los permisos de residencia y trabajo, en la figura siguiente, distinguimos una curva ascendente de la población rumana en España durante toda una década. 41 Evolución de la población de origen rumano en situación administrativa regular 1998-2008 Numéro 80000 70000 60000 50000 40000 30000 20000 10000 0 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Año Figura 12. Evolución de la populación rumana en situación regular entre 1998-2008 en España. Fuente: Según los datos del Ministerio de Trabajo e Inmigración de España: « Anuario estadístico de Inmigración, 2008 ». R. Bucur, 2010 En una imagen más detallada sobre la evolución de la migración rumana, a escala de municipios, podemos visualizar mejor la tasa de crecimiento de esta migración entre 2004 y 2008. A primera vista, se observa un crecimiento moderado alrededor de la ciudad de Madrid y en la costa mediterránea, con unas cifras positivas en 72 municipios. Pero existen numerosos municipios sin población rumana. Casi 400 municipios registran una tasa negativa, prueba de migraciones internas hacia otras regiones más prosperas y con más puestos de trabajo. La mayoría de los municipios, unos 2.700, han conocido un crecimiento moderado de la población rumana, gracias al desarrollo de las redes y en función de la demanda de mano de obra. 42 Figura 13. Tasa de crecimiento de la presencia rumana en España a escala municipal 2004-2008 43 El año 2008 es muy importante para la visibilidad de la presencia rumana en el territorio español, y por esta razón nos detendremos a un análisis más detallado, relacionando la situación de los rumanos con la población total y la extranjera. 1.3.4. Presencia rumana en 2008: aspectos destacados En 2008 España acoge 731.806 rumanos, lo que representa 1,6% de su población total y un 13,9% del total de 5.268.762 extranjeros. Haciendo un análisis territorial observamos unos 3.061 municipios (37%) sin población rumana y otros 532 municipios (6,4%) con una sola persona rumana. La ciudad de Madrid acoge el máximo de población rumana, un total de 54.674 personas, lo que representan 1,7% de su población total y el 10,1% de su población extranjera. Para una mejor comprensión y visualización adjuntamos las siguientes figuras que contienen los principales núcleos de la presencia rumana relacionados con la población total y con la extranjera de cada municipio destacado. Geocodigo TOTAL 28079 28005 Municipio Población total 46.157.822 3.213.271 203.645 Población extranjera 5.268.762 539.624 40.656 Población rumana 731.806 54.674 18.828 % rumanos/total 1,6% 1,7% 9,2% % rumanos/extranjeros 13,9% 10,1% 46,3% España Madrid Alcalá de Henares 28049 Coslada 89.918 18.690 15.515 17,3% 83% 28014 Arganda 50.309 13.499 10.485 20,8% 77,7% del Rey 666.129 79.313 4,1% 34,4% 50297 Zaragoza 27.267 177.924 35.895 13,2% 65,2% 12040 Castellón 23.421 de la Plana Figura 14. Tabla con los municipios que tienen población rumana numerosa. Fuente: Según los datos del Instituto Nacional de Estadística, Revisión del Padrón municipal 2008. Datos por municipio, Lausanne. R. Bucur, 2010 44 Figura 15. Porcentaje de la población rumana con respecto a la población total, 2008 45 Figura 16. Porcentaje de la población rumana con respecto a la población extranjera, 2008 46 1.3.5. La dinámica de redes migratorias rumanas en el territorio español Las investigaciones desarrolladas, tanto en el país de origen como de destino, han llegado a un punto de vista compartido por este mismo estudio sobre el papel y la dinámica de las redes rumanas en la construcción de esta migración en España. Las redes se han formado a escala individual, evolucionando hacia comunidades, que se desarrollan alrededor de un elemento común: un culto religioso o más relaciones familiares. El origen de las primeras trayectorias rumanas en España representa la llegada de los adventistas rumanos, que tenían contactos con los adventistas españoles. La solidaridad religiosa y el capital informacional y relacional de los adventistas y también de otros cultos neo-protestantes (baptistas, pentecostés) han determinado la fundación de núcleos de presencia rumana en diferentes municipios españoles: Madrid, Castellón de la Plana, Arganda del Rey, Coslada, Torrejón de Ardoz, al tiempo que los ortodoxos predominan en Alcalá de Henares. Estableciendo una correspondencia con los territorios rumanos de origen descubrimos que al principio de la migración rumana a España, los adventistas rumanos instalados en municipios españoles procedían del sur de Rumanía y los otros cultos neo-protestantes del oeste y norte-oeste rumano. Los ortodoxos han seguido los caminos abiertos por los adventistas y se han distribuido ampliamente a escala de todo el territorio español, en función del desarrollo de las relaciones de amistad y familiares. La reagrupación familiar se realizaba utilizando diferentes estrategias migratorias y no necesariamente administrativas. Lo que da una particularidad a esta migración es la tendencia al equilibrio entre mujeres y hombres rumanos llegados a España. La circulación de las informaciones, la consolidación de las relaciones familiares, amistosas y la adquisición del capital de la movilidad, de saber migrar, han determinado esta dinámica de las redes rumanas. La realidad familiar de la migración rumana se evidencia con los siguientes mapas, que muestran a escala municipal las proporciones de rumanos en función del variable género. 47 Figura 17. Las proporciones hombres y mujeres de origen rumana en España, 2004 48 Figura 18. Las proporciones hombres y mujeres de origen rumana en España, 2008 La elección de 2004 y 2008 se ha realizado en función de la complejidad de datos a la escala de municipios, datos solo disponibles a partir de 2004. En una primera fase del análisis observamos un aumento de la presencia femenina rumana entre 2004 y 2008, con una tendencia de equilibrio de género. 49 Los puntos de concentración, tanto femenina como masculina rumana, corresponden a los identificados anteriormente: Castellón, Zaragoza, Barcelona, Madrid y su corredor sur. La evolución entre 2004 y 2008 es una tendencia al equilibrio por sexos, que era predominante masculina en 2004, en caso de Zaragoza y Madrid. Esta transformación se debe al reagrupamiento familiar, en un contexto favorable a las oportunidades de empleo para las mujeres rumanas. El gran evento organizado en Zaragoza, “Expo Zaragoza”, ha necesitado una gran fuerza de trabajo masculina y femenina autóctona, extranjera y evidentemente rumana. Como conclusión sobre la distribución territorial podemos destacar una ampliación del número de municipios que albergan una proporción igualitaria entre las mujeres y hombres rumanos; de 803 municipios en 2004 llegamos a 1.457 en 2008, lo que demuestra la hipótesis de una migración rumana familiar. 1.4. Una sorprendente visibilidad de la población rumana en Castellón de la Plana ¿Porqué Castellón? ¿Qué elementos de la presencia rumana encontraremos aquí? Son las principales preguntas que el lector se hace cuando se habla de la gran concentración de la presencia rumana en esta provincia. Si en un primer momento analizaremos el contexto de la provincia en torno a esta migración, en una fase siguiente nos centraremos en los elementos emblemáticos de la presencia rumana a micro-escala, la de la capital provincial: Castellón de la Plana. 1.4.1. El contexto favorable de la provincia de Castellón El contexto económico de provincia de Castellón, teniendo como capital Castellón de la Plana y situada entre Barcelona y Valencia, juega un gran papel en la instalación de las poblaciones rumanas en este territorio. 50 Es una provincia de contrastes geográficos, con un desarrollo económico preponderante en la costa, donde la mayoría de la población rumana se ha afincado, y no en la zona de interior con un relieve más accidentado. Figura 19. Localización de la Provincia de Castellón en el territorio español Entre 1996 y 2007 la provincia ha conocido un boom económico (un PIB de 3,9% superior al nacional) que ha influido en la elección de los rumanos para vivir aquí. La dinámica industrial de la provincia, destacando el sector de la cerámica con todos sus servicios subsidiarios, ha generado una fuerte demanda de mano de obra. 51 El sector de la construcción ha determinado el desarrollo colosal del sector inmobiliario, en el que la mano de obra rumana ha encontrado mucho trabajo, durante una década, en la edificación de las viviendas. Como consecuencia del envejecimiento de la población y la entrada de la mujer española en el mercado de trabajo, se observa un aumento de las necesidades de trabajadores en los sectores de servicios: restauración, hostelería, hogar, etc. que han determinado un crecimiento de la presencia rumana femenina para cubrir estos puestos de trabajo. 1.4.2. Lugares emblemáticos de la presencia rumana en Castellón de la Plana Para una mejor visualización de los principales lugares caracterizados por la presencia rumana en esta ciudad propondremos una inmersión en el territorio de estudio bajo la forma de un itinerario (Figura 20). Nos detendremos en mostrar las iniciativas emprendedoras, asociativas, institucionales rumanas, como los lugares de culto, que demuestran la presencia de redes religiosas en el proceso migratorio. Sobre la localización de estos puntos de interés observamos una cierta delimitación entre el centro histórico de la ciudad y los lugares donde se encuentran las instalaciones rumanas. Las empresas rumanas se encuentran al exterior del centro histórico. Las razones lógicas son el precio alto para alquiler de locales y la falta de locales en esta zona que es muy demandada por el comercio tradicional español. 1.4.2.1. El lugar de llegada a Castellón de la Plana para la mayoría de los rumanos El primer lugar donde podemos observar la presencia rumana exactamente en el momento de su llegada, es en la estación de autobuses. Desde el año 2000, la multitud de compañías de autobuses que transitan este sitio ha constituido el tema de interés, tanto de los periódicos, como de los rumanos que llegaban a Castellon. Existe una ampliación a partir de 2002 de los trayectos ofrecidos por las compañías de autobuses que cubren todo el territorio 52 rumano. La competencia de las compañías aéreas baratas (Blue Air, Wizz Air, etc.) se resiente en la disminución de la presencia de compañías de autobuses que empiezan a cerrar sus puertas. Estas solo serán atractivas para los que quieren volver, necesitan billetes solo de ida o de vuelta, o quieren enviar sus pertenecías al lugar de origen. 53 Figura 20. Una visualización de iniciativas asociativas y emprendedoras de rumanos en Castellón de la Plana 54 1.4.2.2. Estrategias circulatorias en un contexto inestable El autobús ha sido el tipo de transporte más utilizado por los migrantes rumanos para llegar a España, y el billete constituía el coste más importante del trayecto migratorio. En la temporada de 1999-2000 el precio del billete de avión costaba por lo menos el doble del precio del billete de autobús y por esta causa el bus era el transporte más utilizado. Las trayectorias seguidas representaban verdaderas estrategias migratorias utilizadas por los conductores para llevar a cabo los viajes. Ellos pasaban a veces por rutas menos transitadas, por los pueblos de montaña para entrar al territorio español. Los itinerarios se diferenciaban en función del tiempo del viaje o del coste de las carreteras. De este modo transitaban por Italia (más rápido y más caro) o por Alemania (más largo y más barato). Las estrategias de transporte se han diversificado hasta llegar a personas particulares que hacían transportes en furgonetas de personas y paquetes entre los dos países, en función de las redes existentes entre lugares de origen y Castellón. Estas estrategias de transporte, bien desarrolladas hasta 2007, se encuentran en un punto débil actualmente debido a la crisis económica y a la compra de vehículos propios. Pero el aspecto más importante es la observación del punto del comienzo de la visibilidad de rumanos en Castellón. La estación de autobuses constituye el lugar donde se supone que cada persona recién llegada empieza construir su proyecto migratorio, su espacio de vida. 1.4.3. El primer contacto con Castellón de la Plana En relación con el aspecto anterior de la llegada de los rumanos en Castellón tenemos otro momento clave de sus itinerarios migratorios, se trata del contacto con las personas de enlace en el destino de las personas del origen. Observaremos una multitud de locutorios al lado de la estación de autobuses y en el centro de la ciudad, que permiten establecer el enlace con las familias del origen, tanto virtual como material, para las transferencias de fondos. 55 A partir del 2006 los bancos ofrecen posibilidades de enviar remesas al país de origen, con lo que bajará en cierta medida la utilización de los servicios MoneyGram, Western Unión por los rumanos. 1.4.3.1. Saber gestionar sus recursos y emplear el mejor servicio Saber gestionar sus recursos representa una estrategia muy importante para su inserción en la sociedad de acogida. Los servicios alternativos ofrecidos por otras instituciones (bancos, compañías telefónicas), en competencia con los locutorios, no quitan completamente la clientela rumana. Los programas de los bancos y de las compañías de Internet y telefonía, que habían empleado rumanos para facilitar mejor sus productos a los migrantes rumanos, no han podido competir con las ventajas de la existencia de los locutorios. La gran accesibilidad para personas de todas las edades y preparación profesional, sin un conocimiento riguroso del idioma o de los elementos bancarios, el horario muy flexible, constituyen los motivos principales para encuadrar esta instalación como un parámetro clave en el mantenimiento del contacto transnacional y la construcción de las redes rumanas en Castellón. 1.4.4. Espacios públicos en Castellón de la Plana : fuentes de información para los rumanos Otros lugares donde podemos visualizar una presencia rumana son los espacios públicos: la calle, las plazas, los parques, etc. ¿Como identificarlos? En un primer momento por el idioma y el segundo caso por la hora de su presencia en estos lugares. Trabajando o no, los rumanos se encuentran en estos espacios públicos, que representan verdaderas fuentes de información sobre: vivienda, trabajo, noticias del país de origen, de la misma región, etc. 56 Un lugar emblemático del principio de la migración rumana en Castellón es la Plaza María Augustina, donde corría una gran fuente de información. La cercanía al centro histórico de la ciudad y la forma redonda de la plaza, que permitía una gran visibilidad entre las personas, eran elementos interesantes para explicar esta elección, aunque como una paradoja, la Subdelegación del Gobierno se situaba al lado de la plaza. La toma de conocimiento de la presencia de esta institución ha producido un descenso entre los rumanos en situación irregular que antes accedían aquí. 1.4.4.1. El espíritu emprendedor de los niños rumanos en los espacios públicos de la ciudad de Castellón Para un análisis en micro escala sobre la migración rumana, nos detendremos en las estrategias adoptadas por los niños rumanos para una mejor adaptación a la nueva sociedad. Han llegado a traspasar a través de recuerdos ciertos episodios de sus infancias en Rumanía, sacrificadas por la decisión de sus padres de migrar para alcanzar un futuro mejor. Han trasladado el lugar habitual de juego desde su país de origen a su país de acogida, dando una nueva función al patio de la escuela fuera del horario escolar. El espíritu emprendedor del niño rumano ha encontrado la estrategia de crear su lugar de juego utilizando sus hábitos del país de origen, su enlace afectivo con los lugares de origen, lo que podríamos entenderlo como una forma de lógicas emocionales del campo migratorio a pequeña escala. Las autoridades han sido sensibles a estas necesidades de los niños facilitando espacios para jugar en los parques y las plazas. 1.4.5. Las asociaciones rumanas en Castellón de la Plana: un puente entre las culturas Otros puntos de interés para nuestro estudio en el itinerario de visualización de la población rumana en Castellón son las asociaciones rumanas, consideradas a veces como agentes mediadores, haciendo el enlace entre las autoridades españoles, las autoridades rumanas, y los rumanos. 57 Han nacido por la necesidad de los rumanos de tener informaciones administrativas, jurídicas, culturales etc. y se han multiplicado considerablemente a partir de 2006. Un motivo bastante deducible es el funcionamiento por medio de proyectos subvencionados por autoridades, que podían ser captados fácilmente. Una curiosidad espacial es la presencia de varias asociaciones en la misma sede, con los mismos miembros compartidos entre las asociaciones mismas y un funcionamiento bastante escaso. 1.4.5.1. Espacio de encuentro y fuente de información Las asociaciones son un espacio de encuentro de los rumanos donde pueden compartir informaciones, sus problemas u organizar diferentes actividades culturales. Es el caso de la creación del grupo “Almas rumanas”, que participa en varios eventos culturales en el territorio español, con actividades de danza tradicional rumana. La implicación de personas como voluntarias en el trabajo asociativo representa un gran progreso en la mentalidad rumana, que al mismo tiempo posibilitar a estos ciudadanos maximizar su poco tiempo de ocio en un contexto económico muy frágil. En una conclusión transversal sobre el papel de estas asociaciones tenemos varias visiones. Los presidentes de las asociaciones consideran sus actividades como estrategias sociopolíticas y culturales que permitirán un mejor reconocimiento en la vida pública de la cultura representada. Para las autoridades tanto las locales, como las estatales o las rumanas, las asociaciones son actores importantes, como formadores de opinión en la vida política e indicadores de la interculturalidad, a través de sus actividades culturales. Para el migrante rumano son lugares de referencia para informarse y reunirse con otros co-nacionales, en tanto que para sus niños son espacios de contacto con la cultura de origen a través de la danza y otras actividades culturales tradicionales. 58 1.4.6. Los lugares de culto: otros espacios de encuentro El espíritu asociativo de los rumanos en Castellón se refleja hacia otros espacios de encuentro, como las iglesias rumanas. Como ya hemos visto que los rumanos han llegado en un primer momento a esta provincia a través las redes religiosas, en 2005 aquí ya se encontraban tres iglesias rumanas adventistas. La provincia alberga un total de 1.300 fieles adventistas, de los que el 95% son rumanos. Otros cultos también han construido sus iglesias en Castellón, como es el caso de los baptistas y el de Pentecostés, con su nombre rumano muy fácil para identificarla: Biserica Penticostala Romana Eben-Ezer. La mayoría de los rumanos, como ortodoxos, han conseguido organizar su propia iglesia, aportando un modelo de convivencia más individualista, pero muy espiritual, en comparación con los demás cultos. Este modelo de organización se refleja en el hecho de tener una sola iglesia ortodoxa, mientras la mayoría de los rumanos que viven en Castellón son ortodoxos. La iglesia, independientemente de su culto, representa una vez más un espacio de circulación de las informaciones y de creación de redes. Pero en caso de la iglesia ortodoxa la información se comparte a escala individual y no colectiva como en las demás iglesias, a través de la palabra del pastor. 1.4.7. Los indispensables comercios rumanos Siguiendo nuestro itinerario sobre la visualización de la migración rumana en Castellón observamos una gran oferta de iniciativas empresariales rumanas en las calles de la ciudad: cafeterías, carnicerías, panaderías, peluquerías, verdulerías, etc. Los primeros comercios aparecieron en 2001 y se han multiplicado proporcionalmente con el aumento de la población rumana en esta provincia. Los productos son traídos de Rumanía o preparados en España siguiendo la receta rumana. El desarrollo de los medios de transporte y la costumbre de practicar la gastronomía rumana, son los principales motivos del incremento de los comercios rumanos en Castellón. 59 Todos estos comercios nos hacen pensar en un contacto permanente con el país de origen, lo que excluye la imagen clásica de la migración como ruptura o una nostalgia irremediable del país de origen. Los rumanos que viven en Castellón poseen todos los medios para realizar un modelo de convivencia “aquí y allí” al mismo tiempo. 1.4.8. Las instituciones rumanas de Castellón de la Plana: indispensables a las necesidades inmediatas Una consecuencia visible de la presencia rumana en este territorio está representada por la existencia de instituciones rumanas como el consulado, el correo y el despacho de representación de la provincia rumana Dâmboviţa. El consulado rumano, operativo desde enero 2008, responde a las necesidades de sus ciudadanos para todo tipo de gestiones administrativas y ofrece la posición de referente para las autoridades españoles. En el mismo contexto de punto de referencia se considera el despacho de representación de la provincia rumana. Esta institución es una curiosidad administrativa que existe por la gran concentración de rumanos procedentes de esta provincia e instalados en Castellón. Este despacho sirve para algunas gestiones administrativas para personas con origen en esta región rumana, como la cuestión del cambio de domicilio en los documentos de identidad. Este aspecto es muy delicado porque la mayoría de los rumanos que viven en España continúan oficialmente domiciliados en Rumania, lo que dificulta confeccionar en Rumanía una estadística precisa de sus emigrantes. Otra institución fundada en el mismo 2008 es el correo rumano, que asegura sus servicios de correo hasta los más lejanos pueblos de Rumania. Es una iniciativa muy interesante, con un carácter transnacional muy favorable en el nuevo contexto europeo. 60 Conclusion De Rumanía hacia Castellón de la Plana Esta primera parte de la investigación representa una primera fase para la comprensión de la situación de las migraciones rumanas en un contexto europeo muy cambiante. La posición de Rumanía como nuevo miembro europeo implica un cambio importante es sus políticas migratorias, pero también la implementación de nuevas estrategias empleadas por sus ciudadanos en la búsqueda de una vida mejor. Sus trayectorias migratorias basadas en la construcción de las redes conocen una gran variedad de destinos. En nuestro caso centraremos la atención hacia la migración rumana en España y particularmente en Castellón de la Plana. El panorama de los lugares emblemáticos donde se visualiza la presencia rumana y las iniciativas emprendedoras y asociativas rumanas en Castellón de la Plana, amplifica la importancia de esta población en este territorio y justifica esta elección como tema de estudio. 61 Segunda parte 2. Nuevas configuraciones territoriales de los migrantes rumanos en Castellón de la Plana 62 Introducción Los capítulos de esta segunda parte continuarán y profundizarán el análisis de la población rumana instalada en Castellon. Nos dirigiremos hacia una visibilidad rumana a través de sus negocios y sus iniciativas asociativas, pero también hacia una escala familiar e individual de esta migración. Las entrevistas personales y las encuestas cuantitativas serán las herramientas de la metodología de nuestra investigación. Unos cuestiones como: ¿cual fue la raíz de las redes rumanas hacia Castellón y que papel juegan estas redes en los pueblos rumanos de origen? están en la base de esta parte del estudio. El hilo conductor empieza por unas hipótesis sobre el origen de las redes rumanas en Castellon. El acceso a una información previa sobre el lugar de destino desde el país de origen a través de la iglesia adventista, así como la existencia de una solidaridad religiosa entre adventistas españoles y adventistas rumanos, constituyen las hipótesis importantes para explicar la iniciación de estas redes. Las redes se amplifican con fines familiares y de amistad. En este contexto encontramos una complejidad de situaciones de espacios vitales fundados por los rumanos afincados en Castellon. Elegimos la noción de “espacio recorrido” para definir las formas de vivir de los rumanos aquí instalados y evidenciar los contactos mantenidos con sus familiares o amigos. A través de casos representativos, elegidos en función del estatuto civil de los miembros del hogar, conseguimos descubrir la diversidad de los espacios vitales de los rumanos que viven en Castellon. Una sucinta presentación de casos fracasados completa el panorama de la migración rumana estudiada. A nivel económico los miembros de los espacios vitales mantienen unos lazos importantes con sus familias del origen a través los envíos de fondos. La cantidad de remesas es proporcional a las posibilidades laborales de los migrantes rumanos. Las posibilidades de conseguir permisos de residencia y trabajo por medio de las leyes de extranjería constituyen un objetivo importante para estabilizar la situación económica propia y poder mantener a sus familiares en origen. Las estrategias de trabajar se intensifican y evolucionan desde un trabajo irregular a unos regularizado por cuenta ajena o propia. Evidentemente, la crisis económica muy acentuada en España y particularmente en Castellón supone dificultades para los rumanos que viven aquí, los que buscan soluciones para sobrevivir. 63 2.1. Las redes como estrategias de movilidad El presente capitulo tratara diversas cuestiones de la migración rumana en Castellón como: las estrategias de inserción en la sociedad de acogida teniendo en cuenta el papel de las redes, la representatividad de la población rumana, tanto a escala local como provincial y el aspecto económico de esta migración, plasmado por el envío de las remesas. 2.1.1. Las redes religiosas: el origen de la llegada de los rumanos La provincia de Castellón y particularmente su capital acogen el principal núcleo de población rumana instalada aquí por intermedio de la intensificación de sus redes. En un primer momento la llegada de los rumanos fue facilitada por motivos religiosos. Las redes de rumanos adventistas han iniciado la migración rumana hacia Castellón de la Plana. ¿Como? Se conoce una pequeña presencia de adventistas españoles y latino americanos en Castellón que, aumenta en la medida que llegan adventistas rumanos. La solidaridad religiosa, teniendo dimensiones espaciales transnacionales, una mentalidad internacionalizada y la estandardización de los procesos de evangelización, son unos factores importantes por la creación de estas redes religiosas. La facilidad de tener acceso a informaciones por intermedio de los procesos recordados antes, anima a la construcción de proyectos migratorios como es el caso de Castellon. Los fieles adventistas rumanos recogen informaciones de boca-boca de los fieles, en las iglesias, pero también de otros medios. “Adventist World Radio” difundido en 55 idiomas o la “Red Adventista de Comunicación”, que transmite la televisión por satélite, pueden constituir verdaderas fuentes de información. Los testimonios de rumanos adventistas alojados y ayudados en su primer momento de la llegada por adventistas españoles y luego por los mismos adventistas rumanos afincados ya en Castellón, fortalecen las hipótesis sobre el papel de estas redes en la migración rumana de Castellón. Orientándonos hacia el país de origen preponderante ortodoxo, intentamos explicar la proveniencia de estas poblaciones adventistas. 64 Según estudios hechos sobre las poblaciones rumanas adventistas presentes en el territorio español, estas provenían de provincias rumanas del sur del país. Colectivos de rumanos adventistas venían de Teleorman y se afincaban en Almería y Madrid, donde trabajaban en agricultura y la construcción. Sus hábitos laborales tenían sus raíces en la zona de origen (Teleorman: región agrícola) como en las costumbres profesionales desde el tiempo de la dictadura. La semana de trabajo, consistiendo en trabajar el sábado cuando los adventistas tenían día de reposo, han determinado un cambio de profesión para ellos. En este contexto han optado por trabajos que no necesitaban un horario estricto, como es el caso del sector de la construcción, la agricultura, la apicultura, etc. La experiencia en el sector de la construcción, más necesitado en España, ha ayudado a su mejor inserción laboral y a un desarrollo de sus redes. Según observaciones y varios estudios, en nuestro caso sobre las redes adventistas rumanas de Castellón, estas provienen en un primer momento de la llegada de otras zonas rumanas como Dâmboviţa, Prahova, Arad y Târgu-Mureş. El núcleo originario de la provincia rumana Dâmboviţa y su capital Târgovişte, se destaca por su mayoría de población rumana que vive hasta la actualidad en Castellón, tanto adventista como ortodoxa o de otros cultos. Según unas investigaciones, se ha descubierto que en esta región rumana se encuentra la más antigua comunidad adventista fundada en 1870. En este contexto podríamos confirmar la presencia de redes adventistas en Târgovişte, que entrando en contacto con la comunidad adventista internacional, construían redes migratorias hacia España y particularmente Castellón. 2.1.2. Las familias y los amigos se sobreponen a las redes religiosas Las redes adventistas han abierto el camino para la población rumana de Castellón, pero el factor familiar ha ganado protagonismo, construyendo las redes familiares. Las relaciones familiares se multiplican cubriendo todas las regiones rumanas de procedencia, evidenciando Dâmboviţa como la más importante por los rumanos afincados en Castellón. La situación económica rumana muy precaria en el periodo de transición y particularmente por el declive de la industria en esta provincia rumana, lleva a la decisión de migrar hacia Castellón. Según las encuestas realizadas, en la capital de Castellón encontramos un gran número de familias rumanas instaladas aquí, tanto completas como con los niños en el origen. 65 Divorciados Separados Solteros Casados En pareja Figura 21. Las situaciones de hogares instalados en Castellón de la Plana, Fuente: encuestas 2008-2009, R. Bucur, Castellón de la Plana, junio del 2010 Es interesante saber qué estrategias han utilizado para llegar aquí desde un periodo muy restrictivo a la migración. En un análisis riguroso de las entrevistas identificamos personas que han venido antes de 1 de enero del 2002, cuando se suprimieron los visados Schengen en el caso de los rumanos. Evidentemente, la presencia rumana en Castellón se ha ampliado después de esta fecha, dado que las condiciones de la migración podrían eran más accesibles. En el caso de las personas que llegan con visado Schengen, la obtención es muy difícil, por intermedio de conocidos o intermediarios de las instituciones especializadas en visados, y con un coste muy elevado. El precio de los visados empieza a bajar hacia el año 2002, dado que ya se habla de la supresión del visado. El coste de los miembros de una familia reagrupada es diferente en función del periodo de llegada. El pionero llega solo uno y después de instalarse y ganar dinero llama a los otros miembros de la familia directa y luego a otros familiares y amigos. Mayoritariamente la trayectoria de la migración es masculina, luego reagrupándose la mujer y los niños. Se observa una reagrupación preponderante territorial que no jurídico-administrativa, con respecto al hecho de que los otros miembros de la familia llegan por las mismas estrategias que los anteriores y no con permiso de reagrupación familiar. 66 Un aspecto interesante es el destino del visado y el destino real de la persona que viaja. En muchos casos, los rumanos llegaban en Castellón con visados de Francia, Holanda, Grecia o Bélgica, siendo muy difícil obtener un visado directamente para España. En correlación con este hecho observamos que los rumanos que provienen del sur del país obtienen sus visados pagando a intermediarios, en tanto que los del norte u oeste del país los obtienen a través de invitaciones de conocidos o familiares instalados en países occidentales. Figura 22. Las estrategias de las familias entrevistadas llegadas en Castellón de la Plana antes del 2002. Fuente: Las entrevistas 2008-2009, R. Bucur, Castellón de la Plana, 2010 67 Los itinerarios seguidos por los rumanos que llegan a Castellón son mayoritariamente terrestres, con el autobús. Las rutas usadas pasan por Alemania o Italia en función del coste y del tiempo necesitado: por Alemania es mas barato (las autovías son gratuitas), en tanto que por Italia el trayecto es más corto. Los vuelos no son muy utilizados en esta primera fase de la migración dado que el precio es muy elevado y existe el riesgo de muchos controles en los aeropuertos. Concluyendo, podemos destacar la importancia de las redes adventistas en el primer momento de la migración rumana de Castellón y una consolidación del campo migratorio posterior debido a los factores familiares y de amistad. La ventaja de conocer alguien en la sociedad de instalación es la principal razón para elegir esta ciudad. La circulación de la información facilita la amplificación de los itinerarios migratorios que evolucionan muy rápido después del 2002. 2.1.3. La evolución territorial de la migración rumana La presencia de la población rumana en Castellón se evidencia después de los años 90 con un predominio en la ciudad de Castellón de la Plana. El aspecto temporal de esta migración bastante reciente en comparación con las otras trayectorias rumanas se puede explicar por la gran distancia geográfica entre los dos países. Otra razón podría constituirla la dificultad de obtener un visado para esté país y entrar en su territorio sabiendo que se ha adherido al espacio Schengen en 1991. 2.1.3.1. Cronología de la presencia rumana en la provincia de Castellón La presencia rumana deviene visible en la estadística española a escala de la región valenciana y de la provincia castellonense a partir de 1996. Este aspecto siendo uno oficial, no puede infirmar una presencia rumana anterior a esta fecha. 68 Habrá que tener en cuenta que la “invisibilidad” de esta población puede ocurrir por varios factores: la falta de información, el desconocimiento del idioma, el miedo viviendo en una situación irregular, sabiendo que para esta estadística se tomaba en cuenta el empadronamiento. En la provincia de Castellón se observa un aumento de la población rumana empadronada desde 106 personas en 1996 hasta 54.517 rumanos en 2009. Este crecimiento esta relacionado con la consolidación de las redes desarrolladas sobre el fondo de una demanda de mano de obra en los sectores de construcción y de los servicios. La presencia del clúster de cerámica, relacionado con el sector de la construcción, y el desarrollo de la cultura de naranjos que ofrece trabajo en la agricultura, son otras ventajas para atraer a la población rumana en este provincia. La inserción de la mujer española en el mercado de trabajo genera una grande demanda de trabajadoras rumanas en el sector de los servicios domésticos. 60000 50000 40000 30000 20000 10000 0 19 96 19 98 19 99 20 00 20 01 20 02 20 03 20 04 20 05 20 06 20 07 20 08 20 09 N° de personas de origen rumano Evolución de la presencia rumana a escala de la provincia de Castellón (01.01.1996-01.01.2009) Figura 23. Evolución de la presencia rumana en la provincia de Castellón en los últimos 13 años. Fuente: Según los datos del Instituto Nacional de Estadística de España (INE), R. Bucur, Castellón de la Plana, 2010 En la figura 23 podemos observar una ascensión significativa a partir del 2001 y una relativa estabilidad entre 2008 y 2009. Las leyes de extranjería en 2001 y 2005 determinan cambios en el aumento de las cifras de rumanos registrados. Un aspecto de tener en cuenta es el hecho de que la estadística muestra el panorama de la inmigración del año anterior. 69 En este contexto el año 2002 nos enseña las consecuencias de la ley de extranjería del 2001, el año 2003, las consecuencias de la llegada de rumanos sin necesidad de visado Schengen y el 2006, el resultado del proceso extraordinario de regularización del 2005. La entrada de Rumania en la Unión Europea ejercita un aumento del número de rumanos registrados en la provincia de Castellón desde 41.860 (el 1 de enero de 2007) a 51.999 (el 1 de enero de 2008). La diferencia entre estos dos valores representa justo el crecimiento del número de rumanos registrados en esta provincia durante 2007, como una consecuencia directa de este evento europeo. 2.1.3.2. Evolución territorial de la presencia rumana en la provincia de Castellón En la distribución territorial de la población rumana en la provincia de Castellón se observa una gran concentración en la capital provincial, extendiéndose hacia otras ciudades, pero manteniéndose las colonias más numerosas en la región de la costa. Un análisis a escala de municipio, considerando los periodos 2004 y 2008 (en función de la existencia de datos), puede ofrecer el panorama de la migración rumana con sus disparidades territoriales entre las diferentes zonas geográficas provinciales. 70 Figura 24. Tasa de crecimiento de la presencia rumana en la provincia de Castellón entre 2004 y 2008 71 Como se puede observar en el mapa, a escala provincial identificamos un aumento de la población rumana en toda la costa. La explicación es la consolidación de las redes en un contexto de oportunidades de trabajo en los sectores de servicios, de agricultura y de construcción. La capital predomina como núcleo importante de la instalación de las familias rumanas, pero la zona de asentamiento se extiende hacia las localidades proximas como Almazora, Vila-Real, Burriana, Benicasim, Oropesa del Mar. Los círculos coloreados en verde oscuro representan un crecimiento mas acentuado de población rumana en localidades escasamente pobladas. Los cuadritos coloreadas en rojo (de la leyenda), aunque los círculos rojos no son visibles en nuestro mapa, muestran las localidades con perdida o la ausencia de población rumana, que se localizan sobre todo en la zona del interior de la provincia. Existen también unas zonas grises representadas en la leyenda donde se hace referencia a las regiones montañosas sin datos de población. 1.1.3.1. La población rumana instalada en la provincia de Castellón en función de la población total y la población extranjera Los soportes cartográficos a escala municipal de los años 2004 y 2008, a fecha de 1 de enero, presentan el panorama de la migración rumana de hecho del 2003 y del 2007, dominados por eventos importantes para las variaciones de la migración rumana: el año posterior a la supresión de visados para rumanos y la entrada de Rumanía en la Unión Europea. 72 Figura 25. Proporción entre la población rumana y población total en la provincia de Castellón en 2004 73 Figura 26. Proporción entre la población rumana y población total en la provincia de Castellón en 2008 74 Analizando los dos mapas observamos una gran concentración de población rumana sobre la población total en Castellón de la Plana. En la capital provincial el porcentaje de rumanos casi se dobla entre 2004 y 2008, alcanzando 13,2% sobre el total de la población (23.421 rumanos registrados en 2008). Este crecimiento es similar al de otras localidades limítrofes con la capital. Se observan ciertas disparidades entre los porcentajes de población rumana y los números en efectivos. Por ejemplo, Torreblanca ha conocido una acentuación de población rumana con un porcentaje más grande que el de la capital provincial, de 20,6 % sobre el total de la población, pero que corresponde a un efectivo de 1.276 rumanos. En una mirada más amplia podemos observar una tendencia (hacia 2008) de distribución de la población rumana sobre toda la provincia excepto algunos de los pueblos de la zona más despoblada, montañosa y pobre del interior. Los pequeños círculos rojos oscuro nos muestran una gran concentración de población rumana, pero con un número muy escaso comparando con los efectivos registrados en las localidades costeras. La situación de la población rumana instalada en esta provincia con respecto al número de extranjeros conoce diferencias a escala municipal entre 2004 y 2008. 75 Figura 27. Proporción de población rumana sobre la población extranjera en la provincia de Castellón en 2004 76 Comparando las dos figuras observamos un cambio con respecto al porcentaje de población rumana sobre el porcentaje de extranjeros entre 2004 y 2008, particularmente en la capital de la provincia. En Castellón de la Plana en 2004 los rumanos representaban 58,9% de los extranjeros, en tanto que en el 2008 ya alcanzaban el 65,2%. Sobre el mapa, el aspecto cromático cambia también, desde rojo al color naranja aunque se registra un aumento de esta población. Esta situación se puede explicar por el crecimiento de la población extranjera en general en esta provincia. Las condiciones laborales, en un ámbito de desarrollo económico relacionado con el sector de la cerámica, construcción y de servicios, atraen a personas autóctonas y extranjeras hacia este territorio. 77 Figura 28. Proporción de población rumana sobre la población extranjera en la provincia de Castellón en 2008 78 2.1.4. Hombres y mujeres de origen rumano en la provincia de Castellón Otro punto de interés para nuestro estudio es la representatividad masculina y femenina de la población rumana instalada en la provincia de Castellón. Haciendo un análisis provincial identificamos una evolución de la población rumana a partir del 2002 con una pequeña diferencia entre hombres y mujeres rumanas. La proporción relativamente más elevada de hombres rumanos en un primer momento puede ser consecuencia de la necesidad de mano de obra para la construcción y la agricultura. En todo el caso, este pequeño desequilibrio tiende a igualarse por la reagrupación familiar y las ofertas de empleo en los servicios, especialmente domésticos. N° de personas de origen rumano Evolución por género de la presencia rumana a escala de la provincia de Castellón 30000 25000 20000 Hommes 15000 Femmes 10000 5000 0 1996 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 Figura 29. Evolución por género de la población rumana en la provincia de Castellón. Fuente: Instituto Nacional de Estadística. R. Bucur, 2010 Haciendo un análisis territorial a escala municipal, con una comparación entre 2004 y 2008, observamos un equilibrio entre hombres y mujeres de origen rumano a lo largo de la costa, lo que nos puede confirmar la hipótesis de una migración familiar. 79 Figura 30. Proporción entre la presencia rumana masculina y femenina a escala municipal de la provincia de Castellón en 2004 80 Hay también municipios con una distribución por sexo, algo desequilibrada, pero esta cuestión no es significativa. Esta situación ocurre en los pueblos del interior, donde el numeró de la población en general y rumana en particular es escaso y produce grandes disparidades en la cuestión de feminización (círculos rojos) o masculinización (círculos azules) de esta migración. 81 Figura 31. Proporción entre la presencia rumana masculina y femenina a escala municipal de la provincia de Castellón en 2008 82 Como se puede observar también en el mapa de la figura 31 hay municipios sin población de origen rumano. En concreto, los datos estadísticos de 2004 y 2009 muestran que hay 13 pueblos sin población rumana. Se trata de los núcleos muy pequeños, alejados de los centros urbanos y con escasas necesidades de mano de obra. En conclusión, podemos afirmar que la provincia de Castellón tiene una gran concentración de población rumana, que ha aumentado en función de los acontecimientos europeos favorables y del desarrollo económico provincial. Desde el punto de vista territorial, la capital acoge una gran parte de esta migración, que actualmente se ha expandido particularmente a lo largo de la costa. Otro aspecto interesante es la característica de una migración equilibrada entre los hombre y las mujeres de origen rumano instalados aquí. 2.1.5. El « espejo » económico rumano: los envíos de fondos de rumanos instalados en Castellón Las redes de migrantes rumanos presentes en Castellón desempeñan un papel económico importante para las regiones de origen. Existe una serie de preguntas sobre los destinos de los fondos enviados desde Castellon, los métodos del envío, la frecuencia o la cantidad de los fondos remitidos. 2.1.6.1. Desde Castellón en Rumanía…¿donde? Como el tema de las remesas es muy delicado a la hora de conseguir datos oficiales fiables y sobre todo la dificultad de agrupar todos los fondos, dada la existencia de métodos informales de envío, en nuestro caso optamos por una encuesta sobre este tema. En este contexto hemos conseguido elaborar, aunque con una pequeña escala de representatividad, un mapa con los destinos de las remesas de los rumanos entrevistados. 83 Figura 32. Representación de los destinos de fondos en origen por una muestra de los rumanos instalados en Castellón de la Plana. Fuente: Datos de la encuesta personal realizada en 2007 y 2008 en Castellón de la Plana Según la figura 32 podemos observar que un gran número de personas entrevistadas envía remesas, predominando como destino la provincia rumana Dâmboviţa con su capital, la ciudad de Târgovişte. Esta situación puede constituir una consecuencia directa y visible de la procedencia de la mayoría de las redes de migración rumana identificadas en Castellón. Aunque la mayoría de las personas contestan en un primer momento que proceden de Târgovişte, a la hora de responder sobre el verdadero destino de sus envíos constatamos que un gran número de fondos van al sector rural. Numéricamente, del total de las personas entrevistadas, el 26,6% del dinero va a las ciudades y el resto a los pueblos. 84 2.1.6.2. ¿Cuales son las modalidades de envíos? Los métodos de envío de las remesas identificados en las encuestas son formales a través de transferencias bancarias o servicios especializados como MoneyGramm, Western Unión. También encontramos personas que las envían por intermedio de los chóferes de las compañías de transporte, de personas conocidas que viajan al país de origen, o en los paquetes. El precio muy barato para emplear estos métodos es desproporcionado con el riesgo de la llegada del dinero al destino. Algunas personas utilizan los servicios de los locutorios que funcionan con servicios especializados de envíos (recordados anteriormente) y lo prefieren por la facilidad de los trámites de envío, la rapidez de la llegada y el horario muy flexible en comparación con las instituciones bancarias. Estrategias de envíos de fondos en Rumanía por los rumanos entrevistados en Castellón de la Plana Aútobus Personas conocidas Transferencias bancarias Western Union MoneyGram 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Figura 33. Las modalidades de envíos empleadas por los rumanos entrevistados en Castellón de la Plana. Fuente: Datos de las encuestas 2007-2008. R. Bucur, 2010 2.1.6.3. ¿Quién envía el dinero? ¿Con qué frecuencia? Otra cuestión interesante para investigar con la ayuda de las encuestas es la frecuencia de los envíos de dinero. En este sentido existe una amplia variedad de situaciones: la mitad de los que envían lo hacen mensualmente y la otra mitad envían cada dos meses y lo menos numerosos, una vez al año. 85 Hay una correlación interesante en el hecho de que los que llevan entre 2 y 5 años son los que envían dinero con más frecuencia. Las personas que no envían frecuentemente son las que están instaladas con la familia en Castellón y llevan más de cinco años. La edad es otro factor importante e identificamos que el 85% de las personas encuestadas que envían dinero están en edad activa y tienen entre 20 y 50 años. Comparación por genero sobre el porcentaje de envíos de fondos en Rumania Total Total mujeres Mujeres que envían hombres Hombres que envían entrevistadas fondos entrevistados fondos 40 35 52 40 Número % total de personas entrevistadas 43,47% 56,52% % mujeres que envían 87,50% % hombres que envían 76,90% Figura 34. Tabla comparativa entre el porcentaje de presencia femenina y masculina y los envíos de fondos según los datos de la encuesta. R.Bucur, Castellón de la Plana, 2010 Según la figura 34 se observa una diferencia en función de género sobre la frecuencia de los envíos aunque el dinero proviene de los ingresos familiares. Las mujeres envían con más frecuencia dinero que los hombres. Esta situación ocurre por la costumbre femenina de ocuparse de los trámites administrativos, en general, y el envío de dinero a la familia, en origen. Otra explicación es el horario más flexible, aunque el valor del envío es menor de la cuantidad enviada por los hombres que ganan más en sus sectores de actividad. 2.1.6.4. Las cantidades de fondos en transito hacia Rumanía La importancia de la frecuencia de los envíos nos remite a realizar un cálculo estimativo de la cuantidad de fondos enviados en Rumanía por las personas entrevistadas en Castellón de la Plana. El resultado global del total de dinero enviado en un año por los que han contestado afirmativo a la encuesta es de 160.515 €. De las 211 personas entrevistadas, hay 170 que envían fondos. Resulta de aquí una media de 760 €/año/persona. Tomando en cuenta la totalidad de fondos enviados (dinero, paquetes, regalos etc.) se obtiene un total de 206.440 €/año enviados, y una media de 978 €/año/persona. 86 Análisis sobre los envíos de fondos de los rumanos entrevistados Total personas encuestadas 211 Ingresos individuales/año 442 500 € Ingresos familiares/año 2 749 500 € Total ingresos de los encuestados/año 3 192 000 € Dinero enviado 160 515 € Valor de paquetes enviados 20 300 € Valor de los regalos, de los viajes en el país de origen 25 625 € Total envíos de fondos 206 440 € % Envíos/ingresos 6,46% Figura 35. Croquis de cálculos sobre la cuantidad de fondos enviados en Rumanía por las personas entrevistadas según los datos de la encuesta 2007-2008. R. Bucur, Castellón de la Plana, 2010 ¿Pero, seria posible extrapolar la cuantidad que hemos obtenido a la escala de la provincia de Castellon? En este caso, hemos constatado la presencia de un total de 40.606 rumanos activos en 2008 (20-64 años) y extrapolando nuestro resultado a este efectivo de personas obtenemos un total de 30.890.389,05 € enviados/año por los rumanos de la provincia de Castellón a Rumania. Continuando a extrapolar estos datos a la escala de España en las mismas condiciones de edad, obtenemos 443.584.343,57 € enviados en 2008 por los rumanos aquí instalados. Si se añaden los valores de los regalos, viajes etc. esta cuantidad de dinero debería incrementarse. Nuestros cálculos ofrecen un panorama estimativo de los envíos de dinero en Rumanía desde Castellón. Debemos tomar en cuenta la situación económica favorable de esta provincia en 2007-2008 como algunos errores que pueden aparecer en una extrapolación de una pequeña muestra, o el factor humano sobre las respuestas en un tema tan sensible. El dinero enviado sirve para los gastos del hogar, pequeños ahorros, compra de propiedades o la educación de los niños, en función de cada situación. Para concluir, conviene destacar la importancia de las redes familiares, mantenidas a la distancia por el envío de los fondos: dinero, regalos, paquetes etc. Los métodos, tanto formales como informales de estas remesas han tenido la misma finalidad, ayudar a las familias y vencer las dificultades económicas del hogar. 87 Conclusión Como una conclusión general de este capitulo podemos afirmar que las estrategias de llegada de los rumanos a Castellón de la Plana se basan en las redes adventistas en un primer momento, pero que éstas pronto se diversifican por razones familiares o de amistad. Existe una gran presencia de rumanos provenientes de la provincia rumana de Dâmboviţa, con su capital Târgovişte. El aumento de la población rumana en la provincia Castellón conoce un ascenso a partir del 2002, relacionado con algunos acontecimientos legislativos europeos. Territorialmente, la mayoría de la población rumana se ha instalado en la capital provincial y ha ido extendiéndose a lo largo de la costa, con una presencia escasa en la zona del interior. Con respecto al género, se observa una tendencia de equilibrio entre el número de hombres y mujeres de origen rumano. Se puede pensar en una migración de tipo familiar, relacionada con las oportunidades laborales en los sectores de la construcción, la agricultura y los servicios. Las redes existentes en Castellón mantienen los lazos con el país de origen por el envío de las remesas. Como resultado de una encuesta realizada en Castellón se identifica como principal destino de las remesas la provincia rumana de Dâmboviţa, con un predominio de los envíos al medio rural. Los fondos enviados llegan por canales formales e informales y son utilizados para cubrir necesidades del hogar, inversiones o educación de los niños, según los casos. 88 2.2. Tipología de situaciones en Castellón de la Plana Las redes migratorias rumanas presentes en el territorio español poseen una complejidad de situaciones y formas de vivir. Para explicarlas introducimos la nueva noción de “espacios recorridos”, identificando, por medio de entrevistas en profundidad, las situaciones familiares rumanas encontradas en Castellón de la Plana. En un segundo momento nos acercamos hacia otros tipos de espacios recorridos, aquellos en los que el proyecto migratorio ha fracasado. En una última parte nos referimos a los perfiles de los migrantes rumanos instalados en Castellon, interesándonos por el capital educacional y profesional trasladado a esta provincia española. 2.2.1. Los espacios recorridos por los rumanos que han llegado en Castellón de la Plana La noción de “espacio recorrido” 6 ha sido utilizada originalmente para las familias gitanas que viajaban con sus caravanas por las diferentes regiones urbanas y rurales francesas construyendo sus propios espacios de vida. En nuestro caso podemos pensar en otra forma de desplazamiento de la población, la de los rumanos que se instalan y construyen sus formas de vida en Castellon. Identificamos una serie de situaciones diferentes para vivir en nuevo territorio, en las cuales la noción del tiempo es fundamental, ayudándonos a destacar estrategias migratorias de instalación y adaptación a la nueva sociedad. Tomando como parámetro la situación familial, a través de entrevistas identificamos una gran diversidad de espacios recorridos y condiciones familiares de las personas instaladas en este territorio. 6 HUMEAU, Jean Baptiste. TSIGANES EN FRANCE - De l’assignation au droit d’habiter. L’Harmattan. Paris, 1995. 410p (cita p.220) 89 Figura 36. Tipología en función del estatuto civil de las familias rumanas entrevistadas La definición original del término de « espacio recorrido » se refiere a una « simbiosis » entre la población gitana y la sociedad de destino, pero en nuestro caso hacemos una transposición del concepto a la situación de las familias rumanas, de manera que nos permite evidenciar elementos de relación entre la población migrante y la sociedad receptora. Utilizando el método de las entrevistas en profundidad para los diversos modelos de familias rumanas viviendo en Castellón de la Plana, encontramos algunos parámetros determinantes en la base de estos espacios vitales. 90 La tipología estudiada es muy variada: parejas aquí con los niños/as en Rumania, pareja sin hijos/as o con hijos/as, personas divorciadas o solteras, o implicadas en nuevas parejas. La figura 37 presenta el recorrido de una familia instalada en Castellón de la Plana con la ayuda de la familia que vive ya en este territorio. En el primer momento del proyecto migratorio la persona entrevistada llega a Madrid y luego vuelve a Rumania. Después, viene a Castellón de la Plana donde tiene familiares y pasada una temporada trae a su pareja de Rumanía y viven en casa de estos parientes. Deciden casarse celebrando el evento matrimonial en el país de origen, y volviendo a Castellón se mudan solos a otro domicilio. 91 Figura 37. Espacios recorridos y vitales de una familia sin niños/as La figura 38 ilustra el ejemplo de una persona soltera que llega a Castellón de la Plana con un recorrido muy variable y que decide finalmente volver a su país de origen sin haber construido un hogar. En este ejemplo tenemos el típico caso de la persona que ha tanteado el mercado de trabajo europeo en la búsqueda de oportunidades: llega a Roquetas del Mar, trabaja en los invernaderos, luego va a Castellón de la Plana, a casa de su tío. 92 Aquí permanece una temporada y decide de viajar a Alemania, donde tenía a su hermano. Desde Alemania vuelve a Rumanía y en 2008 se plantea otro proyecto migratorio en el territorio español, esta vez en Valencia. Finalmente, la situación económica lo empuja a volver nuevamente a Rumanía. Figura 38. Persona soltera con una trayectoria migratoria fluctuante 93 En el siguiente caso identificamos también a un joven que ha tenido un recorrido muy variable durante seis anos. Dado que sus padres viven en Castellon, todos los veranos venía a esta ciudad para pasar sus vacaciones y trabajar en lo que podía encontrar. La supresión del visado Schengen para los rumanos facilitó la posibilidad de venir a ver a sus padres y, sobre todo, de circular entre los dos países. En 2008 funda su propia familia, lo que implica un cambio en su vida, quedándose a vivir en Rumanía una temporada, dado que su mujer no quería separase de sus padres para venir a vivir a Castellón de la Plana. Después de un año se divorcia y reanuda sus viajes a España, instalándose nuevamente con sus padres. Se puede destacar el hecho de que los lazos familiares están muy arraigados en la mentalidad de cada unos de los jóvenes, sobrepasando la consolidación de su propio hogar y determinando finalmente que cada uno siga su propia vida al lado de la familia de origen. Figura 39. Persona divorciada entre circulación temporera e instalación en Castellón 94 En el siguiente ejemplo tenemos el caso de un joven que llega a Castellón de la Plana, donde construye su hogar. Tenemos como punto común el ejemplo de familiares que ayudan a la construcción de un nuevo polo de vida. La figura siguiente nos muestra este caso tan habitual de un joven que viene a Castellón a la casa de su tío para preparar su futuro. Sus familiares le ofrecen alojamiento, un elemento muy importante para su bienestar. Encontrando una pareja desarrolla su vida en otro hogar, pero la idea importante la representa el hecho de que esta persona ha conseguido consolidar su proyecto de vida gracias a la ayuda de sus familiares, consiguiendo de este modo satisfactoriamente su trayectoria migratoria. Figura 40. Soltero viviendo en pareja en Castellón de la Plana 95 Según las figuras anteriores hemos estudiado una mayoría de casos de hombres instalados por una corta o larga estancia en Castellón de la Plana, pero también es necesario analizar algunos recorridos migratorios femeninos. Figura 41. Una familia mixta rumana-español 96 Según su testimonio llega en 2004 durante las vacaciones para buscar un pequeño trabajo. Encontrando un empleo se quedó. A cabo de poco tiempo conoció a su actual marido, nacional de la sociedad receptora. Es un ejemplo que caracteriza en general a los jóvenes que llegan a Castellón de la Plana y deciden de organizar aquí su vida familiar. Pero, encontramos también de rumanas divorciadas que han decidido reconstruir su vida personal. Figura 42. Persona divorciada en Rumanía y con una nueva pareja en Castellón de la Plana 97 Como se puede observar en la figura 42, tenemos el caso de una señora que llega a Castellón a la casa de su tía. El objetivo de su proceso migratorio es poder asegurar el futuro a sus hijos, que estudiaban en Rumania. A cabo de un tiempo encuentra una pareja, un hombre rumano, y conviven durante seis años. Dada la situación de crisis económica su pareja decide volver a Rumania, pero ella se queda en Castellon. Después de un tiempo encuentra otra pareja, un hombre español, con quien vive actualmente. Un elemento muy interesante es tanto la facilidad de relacionarse como el papel de los lazos débiles. En los dos casos ha conocido a sus parejas con ayuda de sus amigas. La diversidad de redes tiene una gran importancia a la hora de relacionarse con otras personas de entornos diferentes. Siguiendo la misma lógica de construcción de relaciones extra-familiares tenemos el caso de la figura 43, donde el capital relacional ha tenido un papel primordial para la realización de su proyecto migratorio. La persona entrevista es también una madre, que tiene a sus hijos y marido en Rumania. La decisión de emigrar se toma con el objetivo de asegurar un futuro a sus hijos y renovar su casa. Llega a Castellón a casa de amigos y también a través de ellos encuentra sucesivos empleos, sobre todo como interna. Es un caso un poco diferente pero muy habitual para las mujeres que emprenden una iniciativa migratoria. En este ejemplo cabe destacar la capacidad de adaptación a un nuevo estilo de vida, sumergido totalmente en la sociedad de acogida. El capital relacional se remarca mucho por la construcción de lazos débiles con sus amigos y las familias españolas en razón del trabajo. La motivación para el trabajo implica su desplazamiento de un territorio conocido donde tiene amigos a otro desconocido, pero que ofrece oportunidades laborales. Se puede destacar la idea de la construcción de un recorrido complejo en simbiosis con personas de culturas diferentes. 98 Figura 43. Madre con llegada en Castellón y luego reinstalada en Paterna, según oportunidades de empleo Los ejemplos presentados constituyen casos de familias muy diversos, pero los más frecuentes son las familias completas instaladas en Castellón de las familias con niños/as en Rumania. 99 Figura 44. Una familia compartida entre España y Rumanía En la figura 44 se observa el caso de una familia con una trayectoria migratoria compleja que caracteriza la situación de los miembros de la misma que no llegan a la vez a España. La mujer ha trabajado un tiempo en Israel, dejando a su marido y a su hija en Rumanía. Cuando acaba su contrato vuelve a Rumanía y su marido busca otras oportunidades en España. 100 La mujer decide seguir a su marido, dejando a la hija con la abuela en el país de origen. Tanto el hombre como la mujer están alojados en la casa de unos amigos en Castellón de la Plana. La mujer encuentra trabajo como interna y se traslada a la casa donde está empleada, volviendo a la casa de los amigos sólo en el día de descanso. Con la llegada de la crisis económica su marido se queda desempleado, lo que determina que encuentre trabajo en Alemania a través de unos amigos. La situación de esta familia es muy complicada a nivel relacional, porque existen muchas fases de ruptura familiar debido a las trayectorias migratorias muy complejas, con una gran diversidad de destinos. El siguiente caso la situación familiar tiene menos variaciones, siendo la más habitual de las familias rumanas instaladas en Castellón de la Plana. 101 Figura 45. Familia rumana completa instalada en Castellón de la Plana 102 Este caso es un ejemplo típico de reagrupación familiar: llegan los padres, primero el padre y luego la madre. En un primer momento los niños se quedan en Rumanía con los abuelos. Esta situación es la más frecuente en la mayoría de los procesos migratorios. La llegada de los padres en una temporada cercana al 2007 favorece la reunificación de la familia en un tiempo corto, pues la única condición es la situación financiera para poder asegurar condiciones de vida decente con un alojamiento familiar. Otro parámetro importante es la edad de los niños a reagrupar. Los más jóvenes se adaptan mejor. Los que ya estudian en Rumanía prefieran acabar sus estudios allí. En caso de niños pequeños que estudian en España y por la crisis económica tienen que volver al país de origen, le resulta muy difícil integrarse en el sistema de enseñanza rumano, pues existe un desfase entre las asignaturas y sobre todo las dificultades para leer y escribir en rumano. Todos los modelos presentados de la construcción de recorridos migratorios implican estrategias de circulación y de adaptación a los nuevos territorios. La noción del tiempo juega un papel importante para las fases migratorias de cada caso. La presencia de las redes fuertes y débiles es otro parámetro significativo en la construcción de los espacios de vida. Para concluir, podemos afirmar que existe una diversidad de situaciones de recorridos migratorios diferenciados por el estado civil de las personas entrevistadas. Cada modelo puede sufrir numerosas variaciones en el tiempo y el espacio, tanto en la sociedad de origen como en la receptora. 2.2.2. Fracasos migratorios en caso de rumanos instalados en Castellón de la Plana La clasificación de estos recorridos es variable en función de diferentes factores, entre los cuales el más importante es el momento de llegada e instalación de la persona migrante en la sociedad receptora. Según el año de llegada el nivel de cumplimiento del proyecto migratorio es diferente. Se han observado muchos ejemplos de rumanos llegados como consecuencia de una promesa falsa de empleo o de alojamiento y lo más grave, con un número de teléfono falso. 103 Como resultado de nuestro análisis, se puede afirmar que antes del 2002 los riesgos de encontrarse en una de estas situaciones eran menores que después de esta fecha, dado que el hecho de entrar con un visado Schengen imponía una cierta “selección a la hora de migrar”. También hemos encontrado casos de rumanos engañados por personas provenientes de su entorno familiar o de amistades, que han llegado a dormir en la calle o en las fincas de naranjos en la periferia de Castellon. Todas estas situaciones representan el precio pagado por muchos de los migrantes rumanos, que esperando mejorar su calidad de vida se han visto abocados a una situación peor. La circulación de la información ha favorecido la multiplicación de las redes rumanas, pero al mismo tiempo también ha generado situaciones de incumplimiento del proyecto migratorio inicial. Así, en función de la gravedad de las condiciones, podemos hacer una clasificación de las personas llegadas en Castellón con una falsa promesa. En la primera categoría se presentan las personas que han llegado antes del 2002 con un falso contacto, pero que han conseguido apañarse sin llegar a tener unas condiciones imposibles de superar. Los migrantes llegados posterior a esta fecha, tienen otras circunstancias de migración: unos han venido a la aventura, sólo teniendo una vaga información. En la mayoría de los casos, llegando a dormir en la calle, han pedido el apoyo de otros rumanos o de las autoridades locales, aceptando el fracaso del proyecto migratorio. Otra categoría son las personas que han sido traídas y abandonadas en la estación de autobuses o en las áreas de descanso de las autopistas. En función de la capacidad de buscar un contacto intentan reanudar su proyecto inicial o volver a su país con la ayuda de organismos públicos o privados. También existe la categoría de personas que no conocen los riesgos a los cuales se exponen, y tanto hombres como mujeres llegan con la promesa de un trabajo y luego son explotadas por redes mafiosas, que les retienen los documentos de identidad y les obligan a trabajar casi gratuitamente. En caso de las mujeres lo más frecuentemente es llegar a trabajar para un proxeneta y con mucha dificultad consiguen salir de esa situación. Existen también casos de personas explotadas y que además están enfermas mentales, lo que acentúa el grado de gravedad de la situación vivida. Las categorías presentadas son reales y están identificadas a través de acciones de mediación donde se ha intervenido con estas personas. Como hemos podido observar, todas estas condiciones sufridas por las personas tienen el objetivo de buscar una vida mejor aunque acaba mayoritariamente por la constatación de un fracaso de su proyecto migratorio inicial. 104 2.2.3. Los perfiles de las poblaciones rumanas instaladas en Castellón de la Plana Los modelos de recorridos migratorios permiten identificar otros aspectos de los migrantes rumanos, como la edad de las personas entrevistadas, un parámetro muy importante a la hora de explicar esta migración. Figura 46. La importancia de la edad para una mejor inserción en el mercado de trabajo de Castellón de la Plana 105 En los ejemplos destacados en las entrevistas y encuestas hemos identificado dos categorías: menores de 35 años y mayores de 35 años, que son representativas para nuestra investigación. Sobre todo hay diferencias que se reflejan en su inserción laboral y en la cantidad de remesas enviadas al país de origen. La edad de los rumanos instalados en Castellón de la Plana que envían dinero, según las encuestas 2007-2008 35 30 25 Número personas 20 15 10 5 0 <20 20-30 30-40 40-50 50-60 Edad Figura 47. Edad de rumanos instalados en Castellón de la Plana que envían dinero, según encuestas La edad de los rumanos instalados en Castellón de la Plana, según las encuestas 2007-2008 Número personas 40 35 30 25 20 15 10 5 0 < 20 20-30 30-40 40-50 50-60 Edad Figura 48. Edad de rumanos instalados en Castellón de la Plana, según encuestas Se puede observar una relación entre la edad de los trabajadores rumanos y las que envían dinero. Para ampliar este idea se puede extender la reflexión a escala de la provincia, destacando varios periodos que tienen importancia para el proceso migratorio rumano: 1996, el principio de la migración; 2003, que refleja los resultados del 2002 cuando se suprimieron 106 los visados Schengen para los rumanos; 2006, que representa los datos del ultimo proceso de regularización; 2008, que es la imagen del 2007 con la entrada de Rumanía en la Unión Europea; y finalmente el 2010, que nos da la imagen de 2009, cuando se suprime la moratoria en caso de los rumanos y búlgaros. En julio de 2011, debido a la situación económica española se ha reactivado la moratoria en el caso de los rumanos con una duración de hasta 2013. La nueva medida fue aprobada por Bruselas en agosto de 2011, como una situación sin precedente y afecta a los rumanos recién llegados o a los que no están registrados en los servicios de búsqueda de empleo, en fecha de 22 de julio de 2011. Los afectados podrán obtener el Número de Identificación de Extranjero con derecho de residencia, pero no podrán trabajar por cuenta ajena sin un contrato de un año que le permitirá adquirir el permiso de trabajo. Los efectos de esta moratoria serán, en nuestra opinión, la búsqueda de otras estrategias para conseguir un permiso de trabajo, acudiendo a los servicios de abogados o empresarios para “obtener” contratos de trabajo y continuar, en función de cada caso, trabajando en el mercado sumergido. Distribución de la población de origen rumano según edad Provincia de Castellón 18000 16000 14000 12000 10000 8000 6000 4000 2000 0 1996 2003 2006 2008 2010 0-9 10--19 20-29 30-39 40-49 50-59 60-69 70-75 Figura 49. Distribución de la población de origen rumano según edad Provincia de Castellón. Fuente: Instituto Nacional de Estadística, datos recogidos el 1 de enero de cada año Como se puede observar, se registra un aumento de rumanos entre 20 y 29 años hasta el 2008 y una disminución de esta categoría en 2010, cuando son más numerosos los que tienen 30-39 años, lo que puede constituir como hipótesis los nuevos llegados y también podemos pensar en una transición de una categoría a otra entre 2008 y 2010. Pero, lo que es más importante a destacar es que los grupos de edad de 15 a 29 años; 107 el de los jóvenes rumanos que llegan por la primera vez en España descienden. Podemos plantear como hipótesis de esta variación negativa, la crisis económica, y sobre todo la situación muy grave de la provincia Castellón. En las figuras siguientes se observa un aumento por género tanto de hombres como de mujeres rumanas, también perteneciendo a las categorías 20-39 años. Se observan pequeñas variaciones dado a sus perfiles laborales en función de las oportunidades de empleo, pero que en general nos determina de sostener la idea de la presencia de una migración en pareja. Distribución según edad de los hombres de origen rumano provincia de Castellón 10000 8000 1996 6000 2003 2006 4000 2008 2000 2010 0 0-9 10--19 20-29 30-39 40-49 50-59 60-69 70-75 Figura 50. Distribución según edad de los hombres rumanos en la provincia de Castellón. Fuente: Instituto Nacional de Estadística, datos recogidos el 1 de enero de cada año Distribución según edad de las mujeres de origen rumano provincia de Castellón 10000 8000 1996 6000 2003 4000 2006 2008 2000 2010 0 0-9 10--19 20-29 30-39 40-49 50-59 60-69 70-75 Figura 51. Distribución según edad de las mujeres rumanas en la provincia de Castellón. Fuente: Instituto Nacional de Estadística, datos recogidos el 1 de enero de cada año La presencia de los niños es también visible, lo que puede explicar el pequeño crecimiento del número de mujeres mayores que se desplazan a Castellón para cuidar de sus nietos. 108 La facilidad de registrarse como ciudadano comunitario y la acentuación de la crisis económica determinan la necesidad del apoyo de abuelas para que los padres puedan continuar trabajando. 2.2.3.1. El perfil profesional de los rumanos instalados en Castellón de la Plana Una primera idea que tenemos que destacar es que la migración rumana a España no es una migración de elites, aunque los rumanos que han llegado aquí tienen en general un nivel de estudios medios. Existen personas con estudios universitarios, sobre todo los de la categoría 20-29 años, pero la mayoría tienen el bachiller o una formación profesional. Al principio del proceso migratorio el mercado exigía mano de obra experimentada con o sin una cualificación, pero en función del desarrollo de las normativas europeas se impone el tema de contingente, que demanda perfiles específicos y cualificación profesional. Las estrategias de migración de las personas que venían por su cuenta no implicaban una selección en función de un perfil demandado, ya que los que llegaban se incorporaban en trabajos no cualificados, sin contrato, aunque tenían estudios medios. Según el perfil de las personas entrevistadas para este estudio se identifica una mayoría que tienen estudios medios, con una gran experiencia profesional en la industria rumana. En el caso de los adolescentes, ellos acaban un liceo y llegando a Castellón continúan formarse en algún sector, encontrando trabajo en algún sector de su ámbito de formación. Actualmente, la demanda de jóvenes rumanos formados en algunas instituciones españolas como los bancos, los servicios sociales, la justicia o la policía o en los comercios pueden constituir otros “nichos de empleo” para personas especializadas. Un último aspecto es la existencia de una oscilación de la noción de prestigio en función de la edad, el género y el nivel de cualificación profesional en relación con la noción temporal y legislativa de la migración. Las personas mayores, con una gran experiencia profesional, y al llegar en España sufren una pérdida de prestigio a la hora de encontrar un primer empleo. 109 En el caso de los jóvenes con estudios ellos encuentran más fácil trabajo y con más prestigio comparando con los que no han estudiado, “pero las diferencias no son significativas desde el punto de vista de la estadística” 7 . En función del género también hay contrastes, pues las mujeres rumanas sufren una mayor perdida de prestigio en sus trabajos comparando con los hombres rumanos. En conclusión, la trayectoria migratoria de cada persona entrevistada es única y depende de muchos factores: el momento migratorio, la obtención de permiso de trabajo, la formación profesional, su experiencia y también el específico de cada territorio de instalación, con sus necesidades y sectores de mercado laboral. Conclusión Como un idea principal del capitulo podemos afirmar que existe una buena correspondencia entre la noción de “espacio recorrido” en su sentido original y el de nuestro estudio, identificando una gran diversidad de modelos de espacios de vida construidos por los rumanos instalados en Castellón de la Plana. La noción temporal del proceso migratorio y la construcción de las redes amplían el desarrollo de estos espacios. Se identifican tanto ejemplos de situaciones familiares muy diversos como situaciones de proyectos migratorios fracasados. Con respecto al perfil de los rumanos se observa lógicamente un predominio de jóvenes en edad laboral, con una tendencia de equilibro por género. La experiencia laboral y la formación son elementos claves para el desarrollo del proyecto migratorio. 7 SANDU, Dumitru (Coord.). Comunitati romanesti in Spania [En ligne]. Fundatia Soros. Romania, 2009. p.106. Disponible en : < http://www.osf.ro/ro/publicatii.php?pag=3# > 110 2.3. El « saber-migrar » El actual capitulo propone diferentes aspectos sobre la inserción de los rumanos en la sociedad española en función de las situaciones legislativas. En un primer momento analizaremos las estrategias de los rumanos para regularizar sus situaciones en función de los requisitos legislativos. Algunas medidas europeas y españolas restrictivas han orientado a los trabajadores rumanos hacia otras vías de empleo, como el trabajo por cuenta propia. ¿Cómo funciona? ¿El espíritu emprendedor está presente en las mujeres rumanas también? La situación de la crisis económica en todo el territorio español y acentuado particularmente en Castellón, impactó muy gravemente en el caso de los rumanos. En este contexto estaremos interesados en conocer la reacción de la población rumana, tanto a nivel individual y de empresa, como a nivel de las autoridades rumanas y autóctonas. 2.3.1. Estrategias de inserción en el mercado de trabajo de las familias rumanas La inserción en el mercado de trabajo es la principal razón de la presencia de los rumanos en Castellón de la Plana. El aspecto que nos interesa es enseñar “las pasarelas” que existen entre la realidad de la migración y las normativas legales. Las estrategias adoptadas por los rumanos para el cumplimiento de su proyecto vital se desarrollan a veces por el “efecto llamada”, que funciona a través de las redes familiares o de amistad. 2.3.3.1.1 Los procesos de regularización: una herramienta para vivir y trabajar de forma legal En la primera fase de la migración casi cada trabajador rumano instalado en Castellón ha pasado por un periodo más o menos corto de trabajo en el mercado sumergido. El trabajo se encontraba a través de recomendaciones de familiares o de amigos. En la mayoría de los casos, los lazos llamados “débiles” juegan un papel más importante que los lazos “fuertes” para encontrar un trabajo, por la circulación de la información en círculos más extensos. 111 Pasado un periodo cada trabajador rumano se informaba y, cumpliendo unas condiciones requeridas, buscaba la forma de regularizar su situación administrativa. Los procesos de regularización del 2000 y 2001 han tenido una gran importancia entre los rumanos que han regularizado su situación, aunque a veces pagando mucho dinero a los intermediarios de contratos de trabajo y a los abogados. El 2002, marcado por la supresión del visado, ha aumentado el número de rumanos llegados a Castellón, que han pasado al estatuto de migrantes irregulares, tras permanecer los tres meses considerados como turistas. Esta estrategia de llegada como turistas y quedarse como inmigrante irregular trabajando en el mercado sumergido era una situación muy habitual hasta 2005 cuando, cumpliendo los requisitos, bastantes se han acogido al proceso de regularización extraordinario. El efecto “llamada” no ha faltado tampoco esta vez, pero la desinformación que llegaba a Rumanía no era a favor de los recién llegados que no tenían (algunos ni sabían lo que significaba el empadronamiento) el documento que demostraba su residencia en Castellón antes del 7 de agosto de 2004. Las diversas soluciones encontradas por los migrantes, como las propuestas de las autoridades por la adopción del “empadronamiento por omisión”, han aumentado escasamente el número de los permisos. La demanda del certificado de antecedentes penales, así como la presencia de un contrato de trabajo de mínimo 6 meses, fueron otras dificultades a la hora de obtener sus papeles. En el caso de los certificados penales, los rumanos acudían a las “empresas de legalizaciones” aparecidas repentinamente o las compañías de transporte que los trasladaban de Rumanía por 200 o 300 euros. Con respecto a los contratos, las estrategias han surgido rápidamente por un mercadillo de contratos que se vendían por precios de hasta mil euros. Por supuesto los riesgos no han faltado y aunque los rumanos han encontrado solución a cada situación, ha habido peores casos cuando los demandantes no han obtenido sus permisos de residencia y trabajo. Según los datos posteriores a este proceso de regularización, de las 688.419 demandas, 575.941 han tenido respuestas positivas, pero sólo 550.136 personas fueron afiliadas a la Seguridad Social, condición imprescindible para finalizar el trámite y obtener el permiso de trabajo. En este contexto, 25.805 personas han perdido sus permisos por no afiliación. En la mayoría de los casos encontramos a las mujeres que trabajan en el servicio domestico. En este sector algunos propietarios no les han dado de alta en la seguridad social, aunque continuaban trabajando en su casa. 112 Según los sectores de empleo solicitados observamos: el 33,42% servicio domestico, el 21,19% construcción, el 14,16% agricultura y el 10,77% hostelería. Los rumanos, con una cifra de 95.993, ocupan el segundo lugar, después los ecuatorianos, en la obtención de sus permisos. A escala de la Comunidad Valenciana, la provincia de Castellón ha conocido la mayor demanda y el mejor resultado en la obtención de los permisos a través de este proceso de regularización. 2.3.1.2. El año 2007: restricciones y estrategias para los nuevos comunitarios Un aspecto interesante que merece recordarse es el hecho de que cada obstáculo administrativo genera una solución y enriquece las estrategias de cumplimiento del proyecto vital de cada ser humano y en el nuestro caso, de los rumanos. La entrada de Rumanía en la Unión Europea ha implicado ciertas facilidades, pero al mismo tiempo, cada país miembro ha impuesto sus medidas legislativas. En el caso de España, los rumanos y los búlgaros podían residir, trabajar por cuenta propia y votar en las elecciones locales desde el momento de la entrada en la Unión Europea, pero se impuso una moratoria de dos años para poder trabajar por cuenta ajena. La posibilidad de trabajar por cuenta propia ha animado a muchos trabajadores rumanos a continuar prestando servicios a otros, pero inscribiéndose como autónomos y pagándose ellos mismos la seguridad social, sobre todo en el sector de la construcción. Las ventajas ofrecidas por el estatuto de comunitario han determinado a muchos de los rumanos en situación irregular o los recién llegados a registrarse, obteniendo el Certificado de Ciudadano de la Unión Europea con un NIE (Numero de Identificación del Extranjero). 113 Evolución del numero de rumanos registrados en el padrón de habitantes de la provincia de Castellón 60000 número 50000 40000 30000 20000 10000 0 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Año Figura 52. Evolución del número de los rumanos empadronados en la provincia de Castellón. Fuente: Instituto Nacional de Estadística. R. Bucur, 2010 Según la figura 52 podemos observar un ascenso importante de los rumanos registrados a partir del 2007 para poder obtener el Certificado Comunitario y darse de alta en la Seguridad Social como autónomos para trabajar legalmente. Esta situación ha producido un “salto” en la estadística sobre el número de trabajadores autónomos, que hasta la fecha, ellos estaban representados mayoritariamente por empresarios. A escala del territorio español el número de los autónomos rumanos ha crecido desde 5.044 a 45.222 personas, según el informe del Ministerio de Trabajo en 2008. Pero esta situación ha empezado a cambiarse con la llegada de la crisis, cuando muchos rumanos han acumulado deudas con la seguridad social, han renunciado a la afiliación y han optado por trabajar en el mercado sumergido, como antes del 2007. El fin de la moratoria, en enero del 2009, aportó la posibilidad de que los rumanos puedan trabajar como asalariados, pero la acentuación de la crisis no prevé un panorama muy satisfactorio para estos trabajadores. El 2011 marca otra fase de la situación de los rumanos de España implicando una reactivación de la moratoria prevista hasta el 2013. Como antes, los rumanos recién llegados o registrados y los que no figuran en la base de datos del servicio de empleo como demandantes de empleo a la fecha de activación de la ley, pueden residir y trabajar por cuenta propia. Para trabajar como asalariados necesitan tramitar un permiso de trabajo en base a una oferta o contrato de trabajo. 114 2.3.2. Diversidad de incitativas emprendedoras de los rumanos en Castellón de la Plana Las diferentes situaciones de empleo, a veces condicionadas por las normativas legislativas españolas o europeas, han producido una búsqueda continua de posibilidades de trabajo entre los rumanos instalados en Castellón de la Plana, nuestro espacio laboratorio. 2.3.2.1. El servicio domestico por cuenta propia: una estrategia para las mujeres rumanas La iniciativa emprendedora de las rumanas de trabajar por cuenta propia como empleadas de hogar representa una alternativa al trabajo por cuenta ajena. El hecho de pagar solas la cuota a la seguridad social se compensa con la posibilidad de tener acceso a un permiso de residencia y trabajo y de diseñar su horario propio. Aunque se favorece una cierta visibilidad en este sector de trabajo, los inconvenientes crecen a la hora de las vacaciones no pagadas y sin derechos a las prestaciones. Pero hay muchas mujeres rumanas que trabajan en este régimen de empleo cobrando por horas y algunas han fundado sus propias empresas de limpieza, contratando a otras mujeres para prestar estos servicios del hogar. La peor situación es la de las empleadas del hogar de tipo “internas”, que son efectivamente “invisibles” en el mercado de trabajo. En mayoría de los casos 8 , trabajan sin contrato, de forma continuada, apenas tienen un día (12 horas) de reposo semanal a cambio de un sueldo mínimo y la manutención en la misma casa. Si pagan solas la afiliación social es por su propia voluntad, conscientes de que les pueda servir para su jubilación, al mismo tiempo que su trabajo se desarrolla en el mercado sumergido. 8 64% de las empleadas en el servicio domestico trabajan en el mercado sumergido según MARCU, Silvia. « Inmigrantes rumanas en el servicio doméstico y de cuidados de la Comunidad de Madrid: Estudio cualitativo ». Estudios Geográficos. Julio 2009, Vol. LXX, n°267, p. 463-489 115 2.3.2.2. Las empresas rumanas de construcción: un negocio prospero antes de la crisis inmobiliaria El contexto del trabajo autónomo en la provincia de Castellón conoce un importante crecimiento entre 2001 y 2010 desde 800 a 3.138 autónomos extranjeros. Al final de marzo del 2008, periodo de la moratoria para los rumanos, en esta provincia se han registrado 2.233 rumanos autónomos, según los datos del Ministerio de Trabajo. La provincia de Castellón y particularmente, su capital, acogen una gran variedad de empresas rumanas: de construcción, bares, restaurantes, discotecas, peluquerías, de transporte de personas y mercancías, pastelerías, tiendas de comestibles, etc. En el periodo muy prospero del sector inmobiliario se ha conocido una gran presencia de empresas rumanas de construcción en Castellón de la Plana, alrededor de 300-350 9 entre 1998 y 2006. La imposibilidad de crear una estadística de las empresas rumanas se debe a: la dificultad de identificarlas, teniendo a veces nombres españoles, la confidencialidad de los datos o su inscripción en diferentes instituciones: Cámara de Comercio, Registro Mercantil, etc. En 2006 se ha creado la Asociación de Empresarios Rumanos de Castellón, con el objetivo de reunir las empresas rumanas para una mejor colaboración y una ayuda mutua. En 2008 la asociación tenía 100 socios, y la mayoría representaban empresarios de la construcción. ¿Cual era el funcionamiento de este tipo de empresas? Se caracterizan por ser un tipo de empresa fragmentada, donde la gran promotora tiene el capital financiero y contrata empresas medianas para realizar sus proyectos, buscar subvenciones y mano de obra. Estas a su vez subcontratan a las pequeñas empresas, que poseen la mano de obra. La mayoría de los contratos son temporales por obra y servicio prestado y como el grado de instabilidad laboral es bastante grande, hay una alta proporción de personas que trabajan de forma irregular. Este aspecto ocurre también por las elevadas tasas a la seguridad social que el pequeño empresario debería pagar para cada trabajador, optando por mantener un cupo de personas sin contrato, a pesar del peligro que podía suceder en caso de accidentes laborales. 9 Entrevista con un empresario rumano del sector de la construcción, Castellon de la Plana, 2006 116 En relación con las empresas de construcción aportamos el ejemplo de una inmobiliaria rumana abierta en Castellón de la Plana por la necesidad de información, asesoramiento y demanda de productos inmobiliarios por rumanos y españoles que querrían invertir en Rumania. La inmobiliaria ha abierto sedes en el territorio español, pero también en Rumanía, con proyectos de construcción en diversas regiones, teniendo una gran demanda de pisos, casas y terrenos desde España. La entrada de Rumanía en la Unión Europea intensifica las colaboraciones entre las empresas rumanas y españolas que quieren invertir en el territorio rumano. Como una pequeña conclusión podemos razonar la existencia de un abanico de estrategias rumanas en búsqueda de empleo, tanto a nivel individual como a escala de empresa, en función de la demanda y las oportunidades legales y europeas. 2.3.2.3. Las empresas rumanas instaladas en Castellón de la Plana Como ya hemos recordado anteriormente, la ciudad Castellón de la Plana posee una gran variedad de negocios rumanos: bares, restaurantes, pastelerías, peluquerías, cafeterías, compañías de transporte o de mercancías, etc. En un primer momento nos detendremos en analizar brevemente uno de los negocios pioneros que ha atraído una clientela muy variada que compra para probar productos de pastelería rumana. Este negocio fue abierto en 2003 por la iniciativa de su dueña rumana como una continuación de su formación y empleo de Rumania, pastelera. Figura 53. Cafetería rumana con productos de pastelería tradicional en Castellón de la Plana. R. Bucur, 2009 117 La decisión de montar esta pastelería tiene también como motivo trabajar para ella misma y luego por su desarrollo ha podido ofrecer empleos a otros rumanos. Actualmente, “Transilvania” tiene abiertas otras dos filiales en Castellón como consecuencia de su prosperidad, destacando en el mismo tiempo, su importancia para el desarrollo local de la ciudad. Los productos de pastelería tradicional rumana constituyen una mercancía muy apreciada, lo que se demuestra con otro ejemplo, el “Horno de los abuelos”. Los « covrigi » : producto de panificación en general salado con la forma de una rosca cubierta con sal, sésamo o otras semillas Figura 54. El “Horno de los abuelos”, horno con productos de panificación tradicionales rumanos en Castellón de la Plana. R. Bucur, 2009 Este comercio aparece como iniciativa de la Asociación de Inmigrantes de los Países del Este y se abre en un contexto muy particular, en 2007, cuando había restricciones de trabajo por cuenta ajena para los nuevos comunitarios. Los fondos recibidos tenían que invertirse en una forma emprendedora para poder sostener las actividades de la asociación. De esta oportunidad nació la idea de constituir el horno tradicional rumano, y bajo el tipo de una cooperativa se ha podido emplear por cuenta ajena a los rumanos llegados directamente desde Rumanía para trabajar en este negocio. Se trata de los maestros que podían construir el horno y luego el efectivo del personal del negocio ha crecido, empleando autónomos rumanos pasteleros. 118 En consecuencia, en el momento que empezaba la crisis económica, este comercio ofrecía trabajo a rumanos necesitados. El horno funciona actualmente colaborando con tiendas rumanas, participando con sus productos en los mercadillos medievales y tiene una clientela muy variada en Castellón que se vuelve muy abundante en el periodo de las fiestas (Navidad, Pascuas etc.). Para concluir, el poder de la información sobre las estrategias que pueden ser aplicadas, aunque en un contexto de restricciones, en el mercado de trabajo español para los nuevos comunitarios puede ser la clave del buen funcionamiento de este comercio rumano. El ejemplo siguiente constituye otra idea de iniciativa emprendedora que nace también por el poder de la información, pero que esta vez llega del país de origen. Se trata de un gabinete odontológico abierto en Castellón de la Plana, como una consecuencia de la necesidad y demanda de sus clientes que sacrificaban sus vacaciones en el país de origen para acudir al dentista. El medico tenía dos gabinetes en Rumanía, próximos a Târgovişte (ciudad de procedencia de la mayoría de los rumanos instalados en Castellón de la Plana) y como tenía muchos pacientes en la temporada de las vacaciones que volvían a casa (Târgovişte) desde Castellón, ha pensado abrir una filial directamente en la ciudad española. Los precios y los horarios muy accesibles han aumentado la clientela rumana de la provincia de Castellón, pero también de otras próximas: en Tarragona, y en Aragón. A parte de las ventajas por los pacientes rumanos, este negocio ofrece grandes logros para sus empleados rumanos, que pueden practicar su profesión en el sector sanitario en España. El medico continua viviendo en Rumanía y se desplaza cada semana a Castellon. Este tipo de negocio es muy diferente e interesante, abriéndose con una idea surgida desde el país de origen. Se observa un aporte a nivel económico a la ciudad, por los empleos ofrecidos a rumanos de Castellón, así como un gran beneficio a las compañías de transporte aéreo para sus desplazamientos, en un periodo muy difícil económicamente. En este mismo contexto de la crisis, nuestra mirada se dirige hacia otro negocio rumano abierto en 2009, una peluquería rumana, montada por la opción del peluquero de trabajar por su cuenta, después de tener algunas dificultades de horarios en su trabajo anterior. Actualmente trabaja solo, teniendo una abundante clientela de muchas nacionalidades: españoles, rumanos, alemanes e ingleses, que lo conocían desde su trabajo antiguo. Para los niños ha adoptado ideas nuevas, como ponerles dibujos animados, una estrategia que los atrae y al mismo tiempo le permite hacer su trabajo con mayor facilidad. 119 Aunque es un caso habitual de negocio, lo que puede parecer interesante destacar es: la valentía de abrir un negocio en este periodo de plena crisis, la fidelidad de sus clientes y las estrategias de atraer las madres con sus niños que aceptan acudir a peinarse. Un último modelo muy efímero de iniciativa emprendedora viene de una idea muy original en plan cultural: la creación de la primera guardería rumana de España (2005). Ella fue montada por dos profesoras rumanas, con la idea de continuar su profesión en Castellón y al mismo tiempo, una de ella, ocupándose de su hijo que podía crecer en compañía de otros niños. El aspecto mas interesante es el lingüístico, dado que la guardería albergaba niños de muchas nacionalidades y una de las dos profesoras les enseñaba también el idioma ingles. Los horarios muy flexibles y la educación de los niños en un ambiente multicultural eran las principales ventajas para los padres que llevaban aquí a sus niños. Desgraciadamente, a cabo de un año, la baja rentabilidad que ofrecía este negocio ha llevado a su cierre. En conclusión, pensando en las iniciativas emprendedoras presentadas, podemos reflexionar sobre la multitud de estrategias de inserción en el mercado de trabajo: desde mujeres empleadas de hogar, hasta los empresarios del sector de la construcción, hasta los negocios tradicionales abiertos antes y después de la crisis. Los comercios tienden posibilitar de continuar con el trabajo desarrollado en el país de origen, con el objetivo de ejercer su profesión y de manejar su propio tiempo. El poder y el acceso a la información constituyen una ventaja muy importante a la hora de abrir un negocio y contratar personas ajenas conforme a la legislación en vigor. El desarrollo local de Castellón depende en cierta medida de la presencia de estas iniciativas emprendedoras rumanas. A pesar de la crisis económica los emprendedores rumanos, junto a los rumanos instalados en Castellón de la Plana, buscan soluciones para sobrevivir. 2.3.3. La crisis económica y las perspectivas de los rumanos instalados en Castellón de la Plana El mercado de trabajo español y particularmente la provincia de Castellón están muy afectados por la crisis económica, muy acentuada en el sector de la construcción. La población rumana de Castellón ha sido muy castigada, especialmente los hombres, ya que trabajaban mayoritariamente en este sector de actividad. 120 2.3.3.1. La situación de paro, un factor decisivo para el retorno Los rumanos que trabajaban en el sector de la construcción, tanto asalariados como autónomos, han sido muy afectados por la crisis desde el 2008. En este contexto, la cifra de los parados ha subido considerablemente y las afiliaciones en la Seguridad Social han disminuido fuertemente, sobre todo en el sector de la edificación. Según la afirmación del Subdelegado de Gobierno, Antonio Lorenzo en 2009 en Castellon: “de los cerca de 50.000 ciudadanos rumanos empadronados en la provincia, el 12% carece de empleo, lo que supone mas de 6.000 personas. (…) En el caso de los autónomos se han dado de baja 513 ciudadanos de origen rumano y, en el régimen especial de empleados de hogar, han perdido el empleo otros 215 trabajadores” 10 . Relación entre demandantes de empleo y afiliados rumanos en la provincia de Castellón 2008-2009 20000 15000 10000 5000 2008 2009 0 Demandantes de empleo Afiliados Figura 55. Situación de empleo de los rumanos en la provincia de Castellón, 2008-2009 según los datos del INEM (Instituto Nacional de Empleo). R. Bucur, 2010 En el caso del servicio domestico muchas de las mujeres que pagaban sus cuotas a la Seguridad Social han tenido que desafiliarse y trabajar en el mercado sumergido, para reducir los gastos y mantener a sus familias, cuando sus maridos no tenían ningún recurso. El impacto de la crisis es más acentuado en la población extranjera que en la autóctona, como lo constatan los estudios realizados sobre este tema. 10 BURGOS, A. « El paro afecta ya al 12% de los 50.000 rumanos de Castellón, con casi 3.000 bajas en un año ». Las Provincias [en línea]. 28 de marzo de 2009. Disponible en < http://www.lasprovincias.es/valencia/20090328/castellon/paro-afecta-rumanos-castellon-20090328.html > (consultado el 15 de agosto de 2010) 121 El informe del 2010 sobre el mercado de trabajo añade el hecho de que la cifra de los rumanos en paro es más que doble: de 60.826, en 2007 se pasó a 137.756 rumanos parados en 2009 11 . A escala de la provincia de Castellón, la tasa de paro ha aumentado de 6,37% en 2006 a 24,90% en 2010, según los datos de la EPA 12 . La situación difícil de los rumanos instalados en Castellón se amplifica por la perdida del empleo, pero también por las deudas acumuladas en el caso de los que han comprado pisos, coches o han hecho otros tipos de créditos bancarios. Estos compromisos financieros son los principales motivos por los cuales algunos no pueden regresar a su país de origen. La cuestión del retorno queda pendiente, aunque casi el 75% de los rumanos de la provincia de Castellón ha manifestado sus expectativas de volver a su país, según un estudio reciente 13 . Hacer una evaluación de los rumanos ya retornados es muy difícil, aunque se sabe que existe un retorno; según los datos de la INE, en 2008 se han registrado 14.000 rumanos que han regresado. La situación de esta contabilización resulta más difícil en un contexto de gran movilidad en búsqueda de empleo, en otros países europeos, por los rumanos como ciudadanos comunitarios. 2.3.3.2. Las estrategias individuales frente a la crisis En un primer momento nos detendremos en las estrategias individuales de los rumanos más afectados por la crisis; se trata especialmente de los que tienen una hipoteca que dificulta su retorno al país de origen. Las estrategias adoptadas son de lo mas diversas: renegociar con los bancos, alquilar su piso y regresar a su país viviendo en casa de sus padres o suegros, trabajando en la agricultura de subsistencia, alquilar una habitación o vivir en una habitación y el resto compartirlo con otros para poder pagar su hipoteca. En los peores casos, han renunciado al piso dejando sus llaves al banco, con el riesgo de quedarse sin todos sus bienes 14 . 11 PAJARES, Miguel. Inmigración y mercado de trabajo. Informe 2010. Madrid, Ministerio de Trabajo e Inmigración, Observatorio Permanente de la Inmigración, 2010, p. 47 12 Datos de la Encuesta sobre la Población Activa, Instituto Nacional de Estadística, Segundo trimestre del 2010 13 BERNAT MARTI, Joan Serafi (Dir.). Estudio del capital social a partir de las redes sociales y su contribución al desarrollo socioeconómico: el colectivo de inmigrantes rumanos en la provincia de Castellon [En línea]. Fundación Ceimigra. Valencia, 2010. 168 p.(Cuadernos de investigación, 13) Disponible en : < http://www.ceimigra.net/observatorio/images/stories/Cuadernos_N_13_vfbl.pdf , consultado el 26 de enero de 2011 14 Algunos no han tomado en consideración todas las condiciones del contrato de hipoteca, donde ellos garantizaban con todos sus bienes, incluyendo los del país de origen. Por el hecho de no pagar la hipoteca el banco podía embargar todas las propiedades avaladas 122 Los ejemplos de más precariedad son las personas que no tienen recursos ni para alquilar una habitación. En estas condiciones se instalan en las casas abandonas de las fincas de naranjos (sin luz y agua potable), subsistiendo con las ayudas de las parroquias, la comida tirada por los restaurantes y los supermercados, mendigando, y en mayoría de los casos, dedicándose a recoger chatarra. Los que consiguen algún trabajillo en el mercado sumergido se encuentran la mayoría de las veces que no les pagan. Los más privilegiados que trabajan con contrato, antes de empezar el trabajo están condicionados a firmar un papel en blanco que representa una garantía para el empresario que lo puede despedir sin indemnizaciones como “baja voluntaria”. Frente a la necesidad del empleo la gente no reclama, o en algunos casos puntuales donde ha habido reclamaciones, los resultados no han sido los esperados. Como en la mayoría de las familias el hombre es el más afectado por la crisis, la mujer es la que sostiene económicamente el hogar. En este caso, se llama a otras mujeres de la misma familia (madre, suegra) para trabajar de interna; lo que puede contribuir con su sueldo a la supervivencia de la familia en crisis. Todos estos testimonios reales, recogidos en AIPE, tanto en investigaciones directas como en las entrevistas con la presidenta de la asociación, muestran la dura realidad de la migración, en nuestro caso, rumana de Castellón en este periodo de crisis. 2.3.3.3. La posición de los empresarios rumanos y españoles frente a la crisis Las empresas del sector de la construcción, tanto autóctonas como rumanas, han conocido un importante descenso y fueron muy afectadas por la crisis. En el caso de los rumanos, las nuevas condiciones de trabajo en el mercado español, a partir del 2009, han conducido a una acelerada desafiliación de los trabajadores rumanos autónomos. Los empresarios de los PYMES, tanto rumanos como españoles, han adoptado diferentes soluciones anticrisis: unos han optado por la reducción del efectivo de trabajadores, con consecuencias en el aumento de los parados. Otros se han solidarizado con los trabajadores, bajando los sueldos al 80% o al 60% a cambio de no realizar despidos. 123 El mecanismo de cierre de las empresas de construcción es muy sencillo y desastroso para los PYMES: la gran empresa entra en suspensión de pago, entonces retrasa los pagos a las pequeñas empresas hasta tres meses y pasando este periodo se les da cheques sin cobertura en los bancos. Las pequeñas empresas se encuentran sin dinero para pagar a los trabajadores y caen en una quiebra obligatoria, a veces con muchas otras deudas en los bancos, por el dinero adelantado para pagar los sueldos. Otras empresas se reorientan hacia otros tipos de negocios en este periodo de crisis, como en los ejemplos anteriores la peluquería, el horno u otras nuevas tiendas de alimentos. En otras situaciones los empresarios rumanos o españoles se orientan hacia realizar inversiones en Rumania, tomando en cuenta su posición de miembro comunitario. Los convenios firmados entre la Cámara de Comercio de Castellón y la Asociación de Empresarios Rumanos de Castellon, o con la Cámara de Comercio de Bucarest, o la inauguración de la sede del IVEX (Instituto Valenciano de Exportación) en la capital rumana, son acciones importantes que permiten intensificar las relaciones económicas y sociales entre los dos territorios. En 2008 se registraban ya 135 empresas españolas de Castellón instaladas en Rumania 15 . 2.3.3.4. Las medidas anticrisis tomadas por las autoridades rumanas con respecto a sus ciudadanos instalados en España En la presente situación de crisis las autoridades rumanas han adoptado algunas medidas con el objetivo de facilitar el retorno a sus ciudadanos en el país de origen. En una primera fase, ha dificultado la salida de trabajadores rumanos temporales para las campañas agrícolas de las fresas por disminución de las plazas a sólo 4.000 personas. Un segundo paso fue la organización de bolsas de empleo para atraer la mano de obra cualificada instalada en España o en Italia. La organización de una bolsa de empleo por el Gobierno rumano se ha hecho también en Castellón en abril del 2008, y se ofertaban 11.000 plazas de trabajo en Rumania, que había experimentado un gran crecimiento económico y un déficit de mano de obra. Pero las personas que han acudido no se han fiado de las propuestas, sin tener unas garantías de un empleo seguro y tampoco el sueldo era comparable con el de aquí: 15 Entrevista con la responsable del Departamento de Comercio Exterior, de la Cámara de Comercio de Castellon, 2008 124 "Pero aquí nos podemos aún ganar la vida mejor", explica Valer Dan, albañil, que vive en el pueblo castellonense de Burriana. "No nos acabamos de fiar", añade, "porque tienes que irte allí, arriesgarte a hacer pruebas para que te cojan, y sin que te aseguren todo desde aquí" 16 . Como esta estrategia no ha tenido la respuesta esperada, y la situación de la crisis llega a Rumanía y además un eventual retorno de los rumanos tenía consecuencias sobre la cantidad de las remesas, las autoridades rumanas han empezado a adoptar medidas para mejorar la imagen de sus ciudadanos en España e Italia. La precariedad del trabajo en el periodo de la crisis y la incertidumbre sobre la prórroga de las restricciones en el mercado de trabajo para los rumanos después del 2009, han impulsado al Gobierno rumano a lanzar una campaña de promoción de la imagen de los rumanos frente a sus dificultades cotidianas. Han habido también algunas medidas intergubernamentales: el Plan de Retorno Voluntario 17 que se ha extendido para los rumanos y la firma del acuerdo 18 entre los Ministerios de Trabajo de los dos países, para favorecer la colaboración entorno a ofertas de empleo y la posibilidad de cobrar las prestaciones en Rumania. Las condiciones del plan de retorno son: ayuda de viaje, pago del paro en dos plazos aquí y allí, y a cambio renunciar a los permisos de residencia y trabajo y no volver para buscar empleo durante 3 años, lo que no ha convencido a muchos rumanos para acogerse a este procedimiento. Los trabajadores rumanos en paro se han buscado sus estrategias aprovechando el derecho a la libre circulación. De este modo, ellos buscaban trabajo tanto en Rumanía como en otras regiones españoles, volviendo a Castellón solo para renovar su demanda de empleo cada 2 o 3 meses; sin tener que acogerse a las medidas desfavorables propuestas por las autoridades. Para concluir, podemos decir que frente a la crisis económica, tan acentuada en Castellón, los rumanos han tomado medidas para asegurarse su supervivencia, tanto a nivel individual como a escala de empresa. Una reorientación sobre el mercado de trabajo español, por la apertura de otros tipos de negocios o la ampliación de inversiones en Rumania, con las ventajas que podrían llevar la nueva pertenencia a la Unión Europea, representan categorías mas elevadas de soluciones. Las autoridades rumanas han intentado presentar otras alternativas, pero no han tenido el resultado esperado. 16 OLEAQUE, Joan. « Los rumanos aún no regresan ». El Pais [En línea]. 14 de abril de 2008, Disponible en : < http://www.elpais.com/articulo/espana/rumanos/regresan/elpepiesp/20080414elpepinac_20/Tes > (consultado el 11 de agosto de 2010) 17 FEDROM (Federación de Asociaciones de Emigrantes Rumanos en España). « Plan de retorno voluntario », 2009. Disponible en : < http://fedrom.org/es/retorno/ > (consultado el 18 de febrero de 2011) 18 « Relaciones hispano-rumanas. La visita del ministro de trabajo español ». Revista del Ministerio de Trabajo y Asuntos Sociales. 2009, n°124, p. 112-116 125 La colaboración hispano-rumana, con la adopción del Plan de Retorno Voluntario se ha quedado casi en nada, frente a las tácticas adoptadas, al margen de la ley, por los trabajadores rumanos de Castellón. Conclusión En un primer momento hemos analizado un abanico de situaciones adoptadas por los rumanos instalados en Castellón para su mejor inserción en el mercado de trabajo. El trabajo en el mercado sumergido, las posibilidades de acogerse a algún proceso de regularización, el periodo transitorio de las restricciones en el mercado de trabajo, todos estos eventos han mostrado la búsqueda continúa de soluciones para su mejor inserción en la sociedad española. A escala de la provincia de Castellón, pero particularmente a la de su capital, encontramos una amplia oferta de iniciativas emprendedoras rumanas que resisten actualmente, a pesar de la situación de grave crisis económica. La cooperación entre diversos organismos económicos españoles y rumanos, como el traslado de empresas a Rumania, son otras formas de hacer frente a la crisis. El retorno de los rumanos es difícil de contabilizar, aunque se conoce un cierto regreso. Este proceso está muy condicionado de la situación de cada individuo: hipotecas, préstamos, trabajo o indemnización de paro de su cónyuge, etc. Las medidas propuestas por las autoridades rumanas no han influido en las decisiones de sus ciudadanos. La existencia de un Plan de Retorno Voluntario no ha tenido el resultado esperado, y los rumanos han continuado buscándose otras vías: tanteando las posibilidades de empleo en Rumania, y en otras regiones españoles u otros países europeos, según las oportunidades ofrecidas por el nuevo estatuto de ciudadano comunitario. 126 Conclusión Las nuevas configuraciones territoriales de los rumanos de Castellón de la Plana, entre la prosperidad y la crisis económica Para concluir confirmamos las hipótesis planteadas sobre el principio de las redes migratorias rumanas en Castellón. Nos referimos al poder de la información y su circulación en el entorno de las iglesias adventistas, que tienen una gran solidaridad religiosa e internacionalización de sus prácticas. Las redes rumanas religiosas se extienden por Castellón, donde hay una comunidad religiosa adventista que le ayuda a instalarse en un primer momento. Luego el factor religioso pierde protagonismo, siendo remplazado por la característica familiar y de amistad de estas redes. Se observa una correspondencia entre la ciudad española y Târgovişte, de donde vienen la mayoría de los rumanos. Estudiando el tema de las remesas enviadas por los rumanos encontramos una gran abundancia de fondos enviados de manera formal e informal hacia la provincia rumana y en especial hacia su capital, Târgovişte. En el segundo capitulo encontramos una gran diversidad de modelos de espacios de vida, definidos por la noción de “espacio recorrido”. Principalmente, clasificamos estas situaciones de instalación en la sociedad receptora en función del estatuto civil de las personas entrevistadas. La dimensión temporal es muy importante para la evolución de cada hogar o de sus relaciones para la construcción de espacios recorridos. Se han detectado también situaciones de fracaso del proyecto migratorio, cuando la persona afectada es ayudada en ciertos casos a volver a su lugar de origen. Con respecto al perfil de los rumanos de estos modelos de espacios de vida, se observa una mayoría de jóvenes (hombres y mujeres) en edad de trabajar que cubren las necesidades del mercado de trabajo castellonense. Para algunos de ellos, formarse en la sociedad receptora ofrece la posibilidad de ocupar algunos puestos de trabajo con un cierto prestigio. En el último capitulo de esta parte de la investigación nuestro estudio se orienta hacia las estrategias empleadas por las familias rumanas de Castellón para insertarse en el mercado de trabajo. 127 Observamos una búsqueda continua de soluciones para cumplir con las leyes de extranjería, con el fin de trabajar y residir legal. La entrada de Rumanía en la Unión Europea aporta una variedad de condiciones para sus ciudadanos. En España, estas condiciones imponen ciertas restricciones de trabajo como asalariados para los recién llegados o registrados. En este contexto, encontramos diversas estrategias de trabajo y sobre todo, un crecimiento del número de los trabajadores rumanos autónomos. Las iniciativas emprendedoras rumanas de Castellon, en nuestro caso, representan una alternativa de trabajo muy apreciada entre los rumanos y con repercusión sobre el desarrollo local de la ciudad y de la provincia. La llegada de la crisis produce cifras de paro gigantescas en el caso de los rumanos y la cierre de la mayoría de las empresas de construcción. A escala individual, los trabajadores rumanos buscan soluciones para sobrevivir, y aunque hay un gran porcentaje de expectativas de volver a Rumania, los retornos no han sido masivos. Algunos empresarios rumanos que se dedicaban al sector mas perjudicado han cerrado sus empresas y otros se han reorientado hacia otro tipo de negocio o hacia su país de origen. A nivel institucional, los convenios firmados entre diferentes organismos económicos españoles y rumanos favorecen el traslado de empresas españolas y rumanas a Rumanía, pensando en las nuevas oportunidades que se abren como miembro comunitario. La posición de las autoridades rumanas, con sus medidas para favorecer el retorno de sus ciudadanos en un primer momento y la mejora de la imagen del trabajador rumano en la segunda fase, no han alcanzado los objetivos esperados. El Plan de Retorno Voluntario establecido entre los dos gobiernos, no ha tenido mucho éxito, dado que muchos rumanos han preferido encontrar otros medios para tantear los mercados de trabajo rumano o de otras regiones españolas y en otros casos, de otros países comunitarios. 128 Tercera parte 3. Nuevas interpretaciones de territorios rumanos en España 129 Introducción La tercera parte de nuestro estudio se dedica a las nuevas interpretaciones sobre la migración rumana en España. Se trata de aplicar nuevos conceptos desarrollados en los recientes estudios sobre migraciones internacionales al ejemplo de los rumanos instalados en el territorio español. El hilo conductor nos dirige hacia una diversidad de conceptos: campo migratorio, circulación, redes transnacionales, para caracterizar y explicar la reciente migración rumana a España. Algunas nociones como la co-presencia, la simultaneidad o la glocalizacion, serán adaptadas y ejemplificadas a través de realidades cotidianas de esta migración. Cambiamos de escala, de una visión global de las movilidades internacionales a una escala local de los migrantes rumanos instalados en Castellón. A este nivel local identificamos una complejidad de formas de vivir y espacios vitales construidos por los rumanos instalados en el territorio de destino. El aporte emocional, las estrategias personales para vivir mejor, son la base de la elaboración y el desarrollo de un buen proyecto migratorio. La manera de definirse, reconocerse y autodenominarse de los rumanos instalados aquí, que han pasado por una sucesión de medidas legislativas con mutaciones considerables de sus estatutos jurídico-administrativos: desde una persona en situación irregulas hasta una persona comunitaria, representa otro punto de interés para nuestro estudio. 3.1. El enfoque teórico de las nociones en el estudio de las migraciones internacionales El presente capitulo aporta nociones y conceptos que servirán como soporte teórico para una mejor comprensión de los procesos migratorios. Actualmente las numerosas investigaciones sobre las migraciones internacionales han desarrollado una gran diversidad de términos, de los cuales seleccionamos y aplicamos los más apropiados para nuestro estudio. 130 Existen preguntas importantes a debatir, como: ¿actualmente, se trata de una migración rumana a España o de una circulación entre los dos países? Si hemos analizado anteriormente el papel de las redes en la migración rumana estaremos interesados en saber: ¿a que escalas funcionan estas redes? ¿Y como se mantienen en el tiempo? Otro punto importante es la transposición de los nuevos conceptos de una escala global a otra a nivel local de Castellón e ilustrados por situaciones de migrantes rumanos instalados en esta provincia. 3.1.1. De la migración a la circulación: la construcción de campos migratorios El estudio de las migraciones internacionales ha progresado con la innovación y la aportación de otras nociones adaptadas a la realidad. Las coyunturas política y económica europea y mundial han contribuido al desarrollo de los procesos migratorios que son analizados con nuevos conceptos. La imagen de la realidad migratoria actual es representada por elementos innovadores y dimensiones transnacionales. En nuestro caso, la migración rumana a España y particularmente a Castellón ofrece una larga gama de representaciones. En función de las coyunturas políticas y del contexto europeo, ha pasado de una migración entre el territorio de origen y de destino a una circulación. ¿Como podemos definir las acciones de “migrar” y “circular”? La definición clásica de la “migración”, caracterizada por un desplazamiento definitivo, con una ruptura profunda entre el país de origen y el país de acogida, ha evolucionado hacia un proceso de circulación. Aquí interviene un desplazamiento temporal, con la conservación de los lazos “aquí y allí” y un posible retorno. Esta noción de regreso es válida para cada uno de los dos países y para periodos cortos, largos o definitivos. Se han revelado importantes categorías de las practicas de la movilidad en función de la motivación (elección/obligación; familiar/no familiar), de la distancia (cerca/lejos) y del tiempo de la estancia (cotidiano/no cotidiano). Otro componente importante en un proceso de movilidad es el proyecto migratorio: “La migración como proyecto vital, la circulación como parte de un proyecto vital” 19 . 19 LEVY, Jacques (Dir.). L'invention du monde. Une géographie de la mondialisation. Presses de Sciences Po. Paris, 2008. 399p. (cita p.142) 131 Pensando que la circulación es un elemento del proceso de migración y trasladando esta reflexión a nuestro caso, donde aportamos las mutaciones europeas en el caso de Rumania, resulta que la migración rumana a España tiene tendencia a transformarse en una circulación migratoria. Las limitaciones legislativas se vuelven flexibles y favorables para la búsqueda continua de estrategias para mantener el proyecto vital inicial, implicando un gran desarrollo de sus redes. Las nociones de migración y circulación no están aisladas en relación con los territorios, las redes construidas entre diferentes espacios, los contactos entre los individuos situados a cierta distancia geográfica. La complejidad de las investigaciones en el campo de las migraciones internacionales definen el concepto de “circulación migratoria”, en un contexto compuesto por elementos descritos anteriormente: “la noción de circulación migratoria corresponde a un enfoque que toma en cuenta los espacios de migraciones, los desplazamientos incrementados de las personas entre diferentes lugares y los flujos materiales (bienes, servicios, remesas) y las ideas (normas, valores, representaciones) inducidos por las migraciones” 20 . La utilización de las nociones de “migrante” o “circulantes” refleja un aspecto de presencia o co-presencia de las personas que se desplazan reforzando la idea de contacto, de lazo entre las dos sociedades que devienen “aquí y allí”. Los movimientos de poblaciones crean “diversas trayectorias relacionando espacios” 21 e integrando en sus conexiones todas sus energías y sus tensiones, llegando a la construcción de verdaderos campos migratorios o territorios circulatorios, dos conceptos muy debatidos actualmente. ¿Estas dos nociones son complementarias? ¿Interdependientes? Los dos conceptos 22 son más complementarios que competitivos, definiendo los territorios circulatorios como espacio donde los migrantes circulan, establecen lazos, pero no existe un contenido de energías y tensiones como en el caso del campo migratorio. El campo migratorio experimenta una transformación continua, producida por la movilidad de las personas, de sus redes, de sus experiencias de los lugares recorridos para el cumplimiento de sus proyectos vitales. En este enfoque podemos incluir y hacer interdependientes las nociones anteriores, de modo que los territorios circulatorios se integran por su complejidad y duración, como componentes de los campos migratorios. 20 BERTHOMIERE, William et HILLY, Marie-Antoinette. « Décrire les migrations internationales ». Revue Européenne des Migrations Internationales. 2006, Vol. 22, n°2, p. 67-82 (cita p.70) 21 Idem, ibidem, (cita p.77) 22 SIMON, Gildas. « Migrations, la spatialisation du regard ». Revue Européenne des Migrations Internationales. 2006, Vol. 22, n°2, 229 p. (cita p.11) 132 Los campos migratorios unen los territorios de migración con todos sus componentes: las personas, las emociones, las memorias afectivas de los migrantes, las redes que atraviesan las fronteras geográficas haciendo posible la circulación de los flujos materiales e inmateriales, llegando a otro concepto el de “campo migratorio transnacional”. El concepto transnacional, trata de “migraciones y circulaciones efectuadas a través de las fronteras estatales y no solo como una translación de un país a otro” 23 . En este contexto, las redes individuales, familiares y afectivas se mantienen en el espacio y en el tiempo, sin una ruptura con el país de origen, pues continúan conectadas. 3.1.2. La lógica de las redes migratorios y sus escalas de funcionalidad Las redes migratorias tienen funciones indispensables para el desarrollo del proceso migratorio y se crean a diferentes escalas: individual, familial, regional, nacional, internacional o transnacional. Estas redes se pueden construir como resultado de una iniciativa emprendedora individual, una iniciativa empresarial en los mercado de trabajo del país de destino, o de manera transnacional. Las redes sociales son consideradas como la “clave de los campos migratorios (…) las redes sociales ejercen una solidaridad (prestamos para la salida, acogida para la llegada) y un control social fuerte (respeto a los compromisos)” 24 . Pensando en el caso de la migración rumana a la provincia de Castellón identificamos la importancia de las redes en el principio e intensificación de la presencia rumana en este territorio. El factor religioso en un primer momento evoluciona hacia el origen familiar y de amistad de las redes rumanas, que construyen el campo migratorio entre regiones de Rumanía y regiones de España y particularmente de la provincia castellonense. Los pocos núcleos de emigración del principio del proceso evolucionan hacia una multiplicación de regiones de salida y de instalación en la sociedad española. Las redes migratorias rumanas se han multiplicado a través de las estrategias individuales y familiares, en función de las oportunidades de trabajo y al margen de las normativas legislativas. 23 LEVY, Jacques (Dir.). L'invention du monde. Une géographie de la mondialisation. Presses de Sciences Po. Paris, 2008. 399p. (cita p.141) 24 WEBER, Serge. Nouvelle Europe, nouvelles migrations. Frontières, intégration, mondialisation. Editions du Félin. Paris, 2007. 118 p. (cita p.17) 133 La funcionalidad de estas redes presentan muchos niveles: desde los medios de conseguir un visado o un tipo de transporte favorable a la llegada en el destino, hasta la instalación en la sociedad de acogida y la posesión de un trabajo irregular, en un primer momento. Las redes familiares son las que han determinado la gran concentración de población rumana en esta provincia española y especialmente en Castellón de la Plana. La particularidad nace de la existencia y el desarrollo de estas redes, por una reagrupación familiar territorial y raramente administrativa. Se trata de una sucesión de llegadas de los miembros de una familia, siguiendo las mismas estrategias de migración que el primero, y no por una reagrupación legislativa. En una visión horizontal, las redes están construidas a nivel individual o familiar a escala local del país de acogida, pero con una transmisión de la información o de lazos preestablecidos en el país de origen, lo que puede cambiar la dimensión territorial de las redes desde local a transnacional. También podemos reflexionar hacia una visión de las redes de local-local dentro de un campo migratorio transnacional, donde las fronteras físicas pierden su rigidez en favor de la fluidez de las informaciones y de los lazos preestablecidos. La presencia del Despacho de Representante de la provincia rumana Dâmboviţa en Castellón de la Plana representa un ejemplo de cooperación a varios niveles de local-local: entre la sociedad española de aquí y la sociedad rumana de la provincia en concreto. Otra institución rumana implantada en Castellón de la Plana, el Consulado rumano funciona a otro nivel, de local a escala nacional de la sociedad rumana, transmitiendo informaciones y prestando servicios. Estos dos ejemplos pueden mostrar las escalas de funcionalidad de las redes y de la transmisión de la información: local-local, local-nacional, con el objetivo de una mejor convivencia de la población rumana en la sociedad de destino. El desarrollo de las infraestructuras, de las nuevas tecnologías y de los medios de comunicación posibilita otro nivel de funcionalidad de las redes migratorias, la escala transnacional. Los investigadores 25 de la noción de transnacionalismo hacen referencia a una realidad vivida por los migrantes, que están influenciados por los lazos continuos con el país de origen o con las redes sociales que se extienden fuera de las fronteras nacionales, dando una perspectiva transnacional a la migración. Con respecto a este concepto, la abundancia de investigaciones que lo utilizan debe tener en cuenta algunos aspectos importantes: “es preferible reservar la noción de transnacionalismo a las actividades de tipo económico, 25 LEVITT, Peggy et GLICK-SCHILLER, Nina. « Perspectivas internacionales sobre migración: conceptuar la simultaneidad ». Migración y Desarrollo. 2004, n°3, p. 60-91 134 político o cultural necesitando que los protagonistas confieren la mayoría de su tiempo de manera regular” 26 . Tomando el caso de los rumanos que viven en el extranjero, ellos “empiezan a ver el mundo de una manera transnacional en los términos de “ni aquí en el extranjero ni allí en el país” o “y como en casa y como en el extranjero” 27 . Pasando a nuestro estudio, a la escala de Castellón identificamos una multitud de casos de rumanos que envían dinero, paquetes o viajan cada año a Rumanía, que tienen una casa allí y otra aquí, pero las verdaderas situaciones con carácter transnacional las detectamos en los ejemplos de las iniciativas emprendedoras. Podemos aportar dos ejemplos de empresas rumanas con una sede en Castellón de la Plana y otras en Rumanía, donde la gestión de los servicios se hace simultáneamente en los dos países, dado que los empresarios viajan entre los dos países semanalmente. 3.1.3. Nuevas nociones del campo de las migraciones internacionales aplicadas al ejemplo de poblaciones rumanas instaladas en Castellón La aparición de nuevas nociones sobre el campo migratorio y los territorios de la migración, de las redes socio-espaciales-económicas a diferentes escalas, de nuevos conceptos como: la co-presencia, la glocalización, y el transnacionalismo, representan una manera de “mirar” la complejidad de los procesos migratorios actuales en general y de la población rumana en Castellón en particular. La migración rumana a Castellón, percibida debidamente como un desplazamiento por razones económicas, en correlación con las oportunidades económicas y políticas, y de una manera practica como un campo migratorio construido por las redes gracias a las estrategias de “saber-circular”,”saber-instalarse” 28 , nos presenta las diferentes maneras de vivir el nuevo territorio. 26 PORTES, Alejandro. « La mondialisation par le bas ». Actes de la recherche en sciences sociales, 1999, Vol. 129, n°1, p. 19 27 SANDU, Dumitru (Coord.). Comunitati romanesti in Spania [En línea]. Fundatia Soros. Romania, 2009. p. 60 Disponible en : < http://www.osf.ro/ro/publicatii.php?pag=3# > 28 BERTHOMIERE, William et HILLY, Marie-Antoinette. « Décrire les migrations internationales ». Revue Européenne des Migrations Internationales. 2006, Vol. 22, n°2, p. 68 135 La conexión mantenida entre la sociedad de destino y la de origen, por la existencia de las redes y por el desarrollo de las nuevas tecnologías, nos dirige hacia la creación de un nuevo concepto. Se trata de simultaneidad, una forma de vivir los nuevos territorios con las mismas prácticas como en el país de origen, en presencia de instituciones y negocios constituidos en el destino, en relación con las familias que permanecen en el país de origen: « Un aspecto que necesita ser teorizado y explorado es el de la simultaneidad, el llevar una vida que incorpora las instituciones, las actividades y las rutinas diarias que se sitúan tanto en el país de destino como transnacionalmente. La incorporación de los migrantes a una nueva tierra y las conexiones transnacionales con un terruño o con redes dispersas de familiares, compatriotas o personas con las que se comparte una identidad religiosa o étnica, pueden darse al mismo tiempo y reforzarse entre sí» 29 . En nuestro estudio sobre la población rumana instalada en Castellón, este nuevo concepto puede materializarse por los ejemplos de los numerosos negocios rumanos abiertos en Castellón: tiendas alimenticias, restaurantes, bares, cafeterías hasta agencias de turismo, que ofertan servicios de las compañías rumanas aéreas y de transporte terrestre, o tiendas de aparatos para TV rumana por satélite (figuras 56 y 57). Todos estos elementos crean un modo de vida simultánea entre las dos sociedades: vivir en Castellón pero en el mismo tiempo mantener la cultura gastronómica y continuar algunas prácticas de su país, y estar informado y conectado cotidianamente con la realidad del país de origen. Permaneciendo en la misma dimensión transnacional, las personas involucradas en este modelo de vida cotidiano aquí y allí se llaman transmigrantes:” se llama transmigrante, porque los lazos familiares, económicos, sociales, organizadores, religiosos, identitarios, políticos se establecen a través de las fronteras nacionales” 30 . 29 LEVITT, Peggy et GLICK-SCHILLER, Nina. « Perspectivas internacionales sobre migración: conceptuar la simultaneidad ». Migracion y Desarrollo. 2004, n°3, p. 63 30 LEVY, Jacques (Dir.). L'invention du monde. Une géographie de la mondialisation. Presses de Sciences Po. Paris, 2008. 399 p. (cita p.141) 136 Figura 56. Tienda de música y películas rumanas, Castellón de la Figura 57. Oficina de instalaciones de antenas parabólicas y de Televisión Digital Terrestre, Castellón de la Plana. R. Bucur, 2009 Plana. R. Bucur, 2009 Según las entrevistas realizadas a rumanos instalados en Castellón de la Plana, la mayoría de los hogares rumanos están en contacto con la realidad rumana del país de origen por intermedio del Internet, radio y la televisión rumana por satélite. Mirando desde la perspectiva del país de origen, encontramos la existencia de lazos reales, pero al mismo tiempo, la presencia de una sociedad imaginada. Este concepto es vivido por los no-migrantes, que a través de las informaciones recibidas por sus familiares, amigos, conocidos instalados en el extranjero, se imaginan el modo de vida en una sociedad extranjera. Se crean unos escenarios vitales en función de hechos contados por otros que viven o han vivido experiencias en el exterior del país de origen. En el caso de los potenciales migrantes, ellos ya conocen anteriormente aspectos de la vida cotidiana de la sociedad de destino donde quieren migrar. Los niños ya son educados en contacto con las redes sociales sin limites territoriales: « De igual forma, los hijos de no migrantes son criados en redes sociales y lugares que están rodeados, de manera completa, por las personas, los recursos y las remesas sociales del país de destino. 137 Para estos individuos, la experiencia generacional no está limitada territorialmente. Se basa en experiencias reales e imaginadas que se comparten por encima de las fronteras, independientemente de donde se nazca o se viva en un momento dado» 31 . En el mismo contexto de las conexiones transnacionales se observa una cierta comparación que los migrantes hacen entre la forma de vivir en la sociedad de destino con el modelo de vida autóctono. La frecuencia de las circulaciones entre los dos países, en el caso de los rumanos de Castellón afectados por la crisis económica, determina la creación de un modelo de vida transnacional, definido como habitus transnacional 32 . Durante las entrevistas hemos encontrado personas que viven periodos del año en el país de origen y otras temporadas en el de destino, en función de las oportunidades de trabajo, como en el caso de las campañas agrícolas. Si este concepto se ejemplifica por situaciones individuales de los migrantes rumanos en Castellón, a escala de las iniciativas emprendedoras rumanas, las podemos analizar por rmedio de otro nuevo concepto. Se trata de la noción de glocalizacion 33 , creada por la mezcla de las nociones de “globalización” y “localización”, que significa adaptar algo global a una escala local. A parte de esta definición sencilla, recurrimos a otra significación del concepto relacionada con nuestro ejemplo. Pasando a la sutileza de esta noción, inspirada de la cultura japonesa, la “glocalizacion” traducida por “dochakuka”, se refiere “a hacer algo nativo, que viene de su propia cultura”. De acuerdo con esta definición auténtica del termino aportamos el ejemplo del negocio “El horno de los abuelos” (figura 54). La particularidad de esta iniciativa emprendedora nace justamente del deseo de hacer productos nativos, tradicionales, inspirados de la nostalgia de los recuerdos de la infancia. La idea surge de los recuerdos de las percepciones olfativas y gustativas, de las representaciones de momentos vividos por cada uno en su niñez, cuando comía pasteles y dulces preparados en el horno de los abuelos. Los sabores y los aromas de antes inundan la calle de Castellón, donde se ha abierto el “Horno de los abuelos”, que sirve productos de panificación y pasteles tradicionales rumanos y de otras culturas del este europeo. Por estas características tan particulares, hemos pensado definir este modelo de negocio, cargado de emociones, percepciones y nostalgia como una representación de la “glocalizacion”. 31 LEVITT, Peggy et GLICK-SCHILLER, Nina. « Perspectivas internacionales sobre migración: conceptuar la simultaneidad ». Migracion y Desarrollo. 2004, n°3, p.74 32 VERTOVEC, Steven. « Transnacionalismo migrante y modos de transformación ». En: Repensando las migraciones. Nuevas perspectivas teóricas y empíricas [En línea]. México, 2006. p. 157-190. Disponible en : < http://www.estudiosdeldesarrollo.net/coleccion_america_latina/repensando/Repensando_6transnacionalismo.p df > (consultado el 11 de noviembre de 2009) 33 ROBERTSON, Roland. Glocalización:tiempo-espacio y homogeneidad heterogeneidad [En línea]. 2000, Disponible sur : < http://www.cholonautas.edu.pe/biblioteca.php > (consultado el 2 de diciembre de 2009) 138 Conclusión La investigación de las migraciones internacionales actuales conoce nuevas dimensiones y conceptos que sirven para particularizar el enfoque teórico de las migraciones rumanas contemporáneas y especialmente de la población rumana instalada en Castellon. El paso de una verdadera migración rumana a España hacia una circulación entre los dos países, se produce en el interior de un campo migratorio transnacional construido por redes migratorias y sostenidas por las energías y las emociones de los migrantes. Las conexiones existentes, dado al desarrollo de las nuevas tecnologías, permiten modos de vida transnacionales para los rumanos. Nuevos conceptos como la simultaneidad o la glocalizacion completan las nuevas visiones e interpretaciones de la movilidad rumana, en continua transformación, en un contexto europeo favorable a la libre circulación. 139 3.2. Nuevas categorías para evidenciar la relación con el territorio español en el caso de las poblaciones rumanas La creación de nuevas categorías de familias, la transformación profunda del territorio, la forma de vivir en la movilidad, abandonar el pasado, volver al país de origen, dar un nuevo sentido al modelo vital, constituyen ideas expresadas en este capitulo. Las categorías habituales, simples, de los migrantes, son insuficientes para definir las poblaciones rumanas instaladas en España y particularmente, en Castellón de la Plana. Nuestro interés se refleja en conocer las experiencias, las transformaciones de los modos de vivir un nuevo territorio, la práctica de sus costumbres. El capital de saber-migrar y adaptarse a nuevos territorios de los migrantes forman parte de un proceso de planificación del proyecto migratorio y de la iniciativa de emprender el proceso migratorio. En este contexto se analiza la noción de iniciativa emprendedora por medio de las situaciones rumanas de Castellón, tanto por su significado económico como a escala individual del migrante. En la última parte proponemos una reflexión sobre la dimensión afectiva del campo migratorio construido por los rumanos de Castellón. Nos referimos tanto a la escala individual, como a las redes que son creadas por los migrantes y contienen sus energías, sus emociones, sus costumbres, sus valores, y sus experiencias personales desplazadas de un territorio a otro. 3.2.1. La creación de modelos de espacios de vida como forma de vivir La presencia rumana se ha instalado en la provincia de Castellón por medio de las redes creando una gran complejidad de situaciones de construcción de espacios vitales. La utilización de este concepto lleva a la visibilidad de estas redes y su recomposición continua con actores de la sociedad de origen, de acogida y los componentes de los hogares. 140 Las relaciones establecidas entre las nuevas poblaciones instaladas y los territorios de acogida construyen unos “espacios recorridos” 34 , concepto utilizado inicialmente en caso de las poblaciones de etnia gitana designando sus interacciones con los lugares de asentamiento. En el caso de las poblaciones rumanas sentadas en Castellon la noción de espacios recorridos identifica los elementos relacionales con la sociedad de acogida según cada modelo de espacio de vida. Aquí se puede descartar el gran papel que juega la presencia de los lazos fuertes y débiles. En la mayoría de los casos las redes familiares han constituido el pilar del comienzo del proyecto migratorio: la llegada y la instalación de los migrantes rumanos en Castellón. Los “puentes” de contacto se han desarrollado estableciendo lazos débiles que han ido creando verdaderos espacios vitales. La construcción de estos espacios de vida se hace a varias escalas. A nivel individual se construyen en función de estrategias migratorias adaptadas a las normativas estatales y europeas de migración, llevando mayoritariamente a una reagrupación familiar. A otro nivel, se analiza la interacción entre los espacios vividos, la sociedad y otras formas de organización de la colectividad rumana instalada (asociaciones, negocios, autoridades rumanas delegadas en el territorio de acogida, etc.), que conduce a diversas conexiones y la construcción de un “régimen de vivir”. Este concepto a su vez, incluye una diversidad de prácticas de vivir en el nuevo territorio. Tomando en cuenta los datos cualitativos de las entrevistas y el criterio del estatuto familiar (soltero, casado, divorciado con o sin hijos, etc.) la clasificación de los espacios de vida implica situaciones fructíferas o de fracaso de los proyectos migratorios. El ejemplo mas frecuentemente encontrado es, como en otras migraciones, la típica familia reagrupada. En función del periodo de la migración, los padres esperan legalizar su situación jurídica y alcanzar una cierta estabilidad económica antes de reagrupar al resto de la familia. El periodo 2002-2007 favorece la reagrupación de la familia debido a la supresión del visado y del “nuevo estatuto comunitario”, que facilita la obtención del permiso de residencia y trabajo. Otra condición difícil para impedir la reagrupación es la imposibilidad de tener un alojamiento unifamiliar. Otra característica de estos espacios vitales, aparte de su composición, la representa la realización de practicas de vida en nuevos territorios aportando elementos propios, identitarios. En la mayoría de los casos (tanto de familias completas, como fragmentadas) se observa una transferencia de modos de vida desde el país de origen hacia el de acogida. 34 HUMEAU, Jean Baptiste. TSIGANES EN FRANCE - De l’assignation au droit d’habiter. L’Harmattan. Paris, 1995. 410 p 141 Las entrevistas nos dan una imagen muy familiar de la vida de rumanos en Castellón de la Plana. Cada persona construye en su propio domicilio “un pequeño territorio” cercano al de origen, lo que podemos definir como “hacer familiar un lugar que es extranjero”. Las familias rumanas instaladas en Castellón saben hacer familiar su modo de vida cotidiano. Se adaptan a la nueva sociedad aportando sus maneras de vivir, pero al mismo tiempo cambiando su modo de pensar en el nuevo territorio. El cambio de la mentalidad interviene en esta nueva forma dual de vivir: al exterior del hogar adaptándose a las costumbres de la sociedad de acogida y en el hogar utilizando elementos identitarios. Al mismo tiempo existe un grado de interculturalidad en la sociedad de acogida que se manifiesta por la manera de vivir en común los eventos socioculturales de la ciudad. Los retornos anuales por vacaciones al país de origen mantienen el contacto permanente entre las dos sociedades. Las circulaciones periódicas entre los dos países amplían la adquisición de modos de vivir, evolucionando hacia “sociedades con individuos móviles “construidas por “habitantes temporales”. Abordamos este concepto porque la cuestión de un retorno definitivo al país de origen es incierta y la crisis económica produce una movilidad residencial hacia otras provincias españolas. 3.2.2. El espíritu emprendedor en la vida cotidiana La elección de tratar este aspecto de la iniciativa emprendedora, adaptado a escala individual del migrante rumano, representa un elemento importante para entender los recorridos migratorios y las estrategias utilizadas para cumplir su proyecto vital. ¿Que significa la noción “emprendedor”? Según la definición de economistas, como J. Schumpeter, es una persona innovadora: “Un individuo especializado en la concepción y el lanzamiento de asuntos nuevos” 35 . La iniciativa emprendedora se crea con la ayuda de “un acto de emprender: la toma de riesgo, incertidumbre, oportunidad, innovación, combinación de nuevos recursos, desarrollo económico” 36 . Pensando en las características del acto emprendedor y cambiando de escala, podemos transponerlas de un plano económico a otro social y a las migraciones. 35 SCHUMPETER, Joseph. Théorie de l’évolution économique : Introduction [En línea]. 1935, Disponible en: < http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm > (consultado el 5 de septiembre de 2010) 36 COSTER, Michel. « Entrepreneur et entrepreneuriat ». En : Cadres et entrepreneuriat. Mythes et Réalités [En ligne], 2003. p. 9-20. Disponible en: < http://gdr-cadres.cnrs.fr/cahier/Cahier3.pdf#page=9 > (consultado el 4 de septiembre de 2010) 142 Tomando en cuenta el ejemplo de los rumanos de Castellón, podemos pensar en las estrategias adoptadas para consolidar las trayectorias migratorias hacia esta provincia, teniendo en su base el riesgo asumido para migrar, la incertidumbre que ofrece un nuevo territorio, la búsqueda continua de oportunidades y de recursos para vivir. Podemos ver, de este modo, la trayectoria migratoria como una acción emprendedora. Los migrantes tienen la capacidad de crear una empresa, tanto a escala social, por su vida cotidiana, como a escala económica, en la forma de un negocio. Profundizando en la instalación de los rumanos en Castellón de la Plana encontramos los elementos constitutivos de una iniciativa emprendedora. La idea de iniciar el proceso migratorio surge en la imaginación de la familia que quiere migrar, construyendo un proyecto migratorio; uno de sus miembros se atreve a asumir los riesgos para iniciar la trayectoria, valorizando al máximo las informaciones y las redes de contactos, con las estrategias necesarias para atravesar las fronteras. Llegando a destino emplea sus competencias para mantenerse en las redes, para encontrar un trabajo, para tener un alojamiento antes de la llegada de los otros miembros de su familia. Los migrantes vienen con sus formas de vivir los lugares, sus representaciones del espacio vivido, sus valores identitarios que tienen que adaptar a la nueva sociedad de instalación. Lo que se merece resaltar es la capacidad de los migrantes, en general y de los rumanos en particular, de “afrontar los lugares extraños y transformarles en lugares familiares” 37 . En los casos de fracaso del proyecto migratorio se produce una ruptura entre el proyecto imaginado y la acción emprendida. Esta ruptura puede deberse a varias causas como: riesgos subvenidos inesperados, la falta de competencia, la carencia de redes y de información o la imposibilidad de adaptarse a la nueva sociedad, etc. Pasando a la connotación económica de la noción de “iniciativa emprendedora” en el contexto de la crisis económica que afecta España, encontramos el espíritu emprendedor de los rumanos, muy ágil, para la búsqueda de soluciones y de estrategias para encontrar un trabajo. Las restricciones impuestas entre el 2007 y 2009 para los rumanos en el mercado de trabajo español han impulsado hacia el trabajo como autónomo, la estrategia utilizada para acceder a un empleo regular. Para los rumanos parados los tanteos entre el país de destino y origen, representan otros mecanismos generadores de ideas y soluciones frente a la crisis. 37 STOCK, Mathis. L’habiter comme pratique des lieux géographiques [En línea]. 18 diciembre 2004, Disponible en : < http://espacestemps.net/document1138.html > (consultado el 1 de diciembre del 2009) 143 La situación económica de Castellón había conocido su boom debido al desarrollo del sector de la construcción. En este contexto ha habido un florecimiento de empresas dedicadas a este ámbito con una importante presencia de empresas rumanas. El espíritu emprendedor rumano se ha orientado hacia el sector de la construcción, con gran beneficio económico, pero también hacia otros tipos de negocios: restaurantes, bares, peluquerías, carnicerías, tiendas alimenticias, pastelerías y bollerías, etc. Un aspecto muy interesante a destacar es que en el contexto de la crisis, las empresas con gran beneficio financiero, como las de construcción, han quebrado las primeras. Los pequeños negocios y las tiendas alimenticias han encontrado formas de sobrevivir. La componente femenina de la migración rumana en Castellón tiene un gran papel en una iniciativa emprendedora: su trabajo por cuenta propia y el desarrollo de sus redes de trabajo ofrecen verdaderas oportunidades para conciliar la vida laboral y familiar y asegurar la manutención de su familia en esta difícil situación económica. El análisis del carácter emprendedor de los migrantes y particularmente de los rumanos instalados en Castellón, expresa la idea de atribuir las características de una iniciativa emprendedora, no solamente a acciones de orden económicas, sino también a un acto migratorio. De este modo, observamos un desarrollo de la iniciativa emprendedora desde la fase de iniciar el proceso migratorio, a la instalación en el destino hasta, en unos de los casos, la creación de una iniciativa empresarial en el sentido puramente económico. 144 3.2.3. Las lógicas afectivas: lazos fuertes entre el territorio de acogida y el territorio de origen Una nueva visión que proponemos estudiar en el caso de los migrantes rumanos de Castellón es la de la dimensión afectiva del campo migratorio creado entre los territorios de destino y de origen. Consideramos muy importante evidenciar la carga emocional que acompaña a los migrantes en sus trayectorias migratorias: “el afecto no conoce las fronteras” 38 . Se sintetiza muy bien la idea de la afectividad que los migrantes portan consigo mismos en sus procesos migratorios. La carga emocional con la cual se desplazan es alimentada por la memoria de las personas y de sus redes, que son imprescindibles para guardar vivo el contacto entre los migrantes mismos y los migrantes y sus familiares, sus conocidos, sus paisanos. La afectividad se puede asociar con ciertas prácticas cotidianas, que se trasladan entre los lugares de origen de donde procede el migrante a los sitios del destino. La componente psicológica es fundamental para el cumplimiento de un proyecto migratorio de cada persona. Existen casos donde el migrante está acostumbrado a ciertas prácticas de la vida cotidiana y cuando llega a otro territorio se siente abandonado, desarraigado, sin puntos de referencia, buscando el apoyo de sus compatriotas. Aquí interviene el papel de las redes que servirán no solo como soporte logístico, sino también psicológico y afectivo. La inexistencia de contacto con sus redes, la soledad, la falta de recursos y de trabajo conducen a la aparición de una grave enfermedad provocada por el fracaso del proyecto migratorio. Se trata del síndrome de Ulises 39 , teniendo tanto síntomas psicológicos (soledad provocada por la separación de su familia, dolor causado por el fracaso del proyecto migratorio, estrés crónico y hasta suicidio) como físicos (cansancio, cefaleas, deterioro corporal). La manera de vivir, la adaptación a nuevos territorios, haciendo habituales lugares desconocidos acercando sus redes, son formas de vivir constatadas entre de los rumanos instalados en Castellón de la Plana. 38 SIMON, Gildas. La planète migratoire dans la mondialisation. Armand Colin. Paris, 2008. 229 p. (cita p.150) ACHOTEGUI, Joseba. « Emigrar en situación extrema: el Síndrome del inmigrante con estrés crónico y múltiple (Síndrome de Ulises) ». Revista Norte de Salud Mental. 2004, n°21, p. 39-52 39 145 La presencia de negocios rumanos que venden productos tradicionales y posibilitan la perennidad de la gastronomía rumana, de asociaciones que ofrecen informaciones en su idioma y organizan eventos culturales, de las iglesias rumanas que mantienen vivos los valores ancestrales y los elementos espirituales, todos estos aspectos constituyen referencias importantes para asegurar esta familiaridad en los nuevos lugares. El desarrollo de las nuevas tecnologías permite una conexión de la mayoría de los rumanos de Castellón a dos realidades: de la sociedad de acogida y la de origen. Los lazos familiares se mantienen en una dimensión transnacional, donde observamos varias remodelaciones de las familias implicadas en el proceso migratorio: « (…) una óptica transnacional revela la naturaleza cambiante de la familia, como unidad socioeconómica estratégica, y cómo los lazos familiares son modificados y vueltos a transformar en el tiempo y en el espacio » 40 . Algunas familias se han desplazado a la búsqueda de empleo a otras provincias, otras se han vuelto o han regresado sólo algunos de sus miembros. En la mayoría de los casos, la dimensión afectiva del campo migratorio se materializa por el envío de las remesas (dinero, regalos) y por las visitas al país de origen. Las vacaciones en los lugares de origen aumentan los lazos afectivos de la familia, y al mismo tiempo ayudan a los migrantes a llenarse de las energías de los sitios nativos. De este modo, podemos concluir que los lazos afectivos entre los migrantes y nomigrantes no conocen fronteras, modificándose en el tiempo y en el espacio paralelamente al desarrollo de las nuevas tecnologías. Las lógicas afectivas se mantienen por la existencia de los sentimientos, recuerdos y valores dentro de una óptica transnacional, donde los retornos al país de origen enriquecen las capacidades de los migrantes de vivir los nuevos territorios. 40 LEVITT, Peggy et GLICK-SCHILLER, Nina. « Perspectivas internacionales sobre migración: conceptuar la simultaneidad ». Migración y Desarrollo. 2004, n°3, p.73 146 Conclusión La reinterpretación de nuevas categorías de rumanos instalados en Castellón de la Plana evidencia la importancia de las prácticas de lugares y la construcción de las redes en la vida cotidiana de los nuevos habitantes de esta ciudad española. El espíritu emprendedor a nivel individual o familiar del migrante rumano se puede analizar a través de los elementos del proyecto migratorio y a una escala social, aparte de la dimensión económica. Esta última está muy presente en Castellón de la Plana como negocio típico rumano, manteniéndose igualmente en el contexto de crisis actual. La dimensión afectiva representa otro punto de interés en nuestro estudio. La presencia de las redes con una característica transnacional tiene el papel de mantener los lazos entre los lugares de acogida y los de origen. La utilización de las nuevas tecnologías favorece y aumenta el contacto entre los miembros de las dos sociedades. Las remesas y las vacaciones organizadas en el país de origen consolidan el contacto entre los migrantes y no-migrantes, y al mismo tiempo refuerzan la competencia de los migrantes de vivir en sus lugares de destino. 147 3.3. ¿Como podemos definir la presencia rumana en España? En el actual contexto europeo se registran numerosos cambios en las políticas migratorias para los nuevos países miembros. En el caso de los trabajadores rumanos instalados en España también surgen algunas cuestiones sobre el estatuto, el nombre y, más importante, la percepción de esta población. Como se sienten y se identifican los rumanos que viven en España: ¿inmigrantes? ¿Extranjeros? ¿Ciudadanos europeos o comunitarios? ¿Existe un cambio de mentalidad entre los rumanos instalados aquí? ¿Que imagen difunden los medios de comunicación sobre esta población? Las respuestas a estas preguntas intentaran resolver las preocupaciones actuales de algunos rumanos residentes en Castellón de la Plana. 3.3.1. El pasaje de inmigrante a ciudadano comunitario La problemática de definir o mejor de redefinir la población rumana que vive en España y concretamente en Castellón de la Plana exige recurrir a una nueva mirada. Se percibe una gran dificultad teórica para definir correctamente los procesos migratorios actuales. Para nuestro caso, para definir la población rumana instalada en Castellón de la Plana, llegamos a una ambigüedad, dadas las transformaciones de orden jurídico sufridas por esta movilidad conforme a las normativas de las políticas migratorias españolas, rumanas, de la Unión Europea. Por otro lado, geográficamente, las nociones cambian en función de la relación al espacio y al tiempo de las personas involucradas en la movilidad. Un primer paso necesario es distinguir los términos utilizados para nombrar a los rumanos instalados en el territorio español. Según unos enfoques teóricos es preciso diferenciar los conceptos utilizados en el ámbito de las migraciones internacionales en función de la dimensión geográfica y jurídica: 148 “el concepto de migrante (emigrante, inmigrante) fundado por un criterio geográfico (desplazamiento en espacio) no se debe confundir con el de extranjero, fundado en un criterio jurídico: es extranjero el que no tiene la nacionalidad del país donde reside, cualidad sumisa a evolución según las políticas nacionales de acceso a la nacionalidad” 41 . Hacemos una investigación sobre las definiciones del “inmigrante” y “extranjero” conferidas por el diccionario francés y español. El concepto de “inmigrante/ emigrante” analizado por su definición correcta, geográfica, ofrece resultados semejantes en las dos visiones francesa y española. Tanto la noción de “migrante” como la acción de “migrar” se refieren a una visión geográfica del desplazamiento y el cambio del lugar de domicilio, de la idea de vivir en otro territorio diferente al suyo: “La inmigración comporta un cambio de residencia” 42 . En cambio, observamos una gran confusión y mala utilización de la palabra “inmigrante” en general y en particular para el caso de los rumanos, noción asociada con el estatuto jurídico y no geográfico. La confusión se produce entre “inmigrante” y “extranjero”, que se refiere a la persona que no tiene la nacionalidad española. Tenemos una distinción clara desde el punto de vista jurídico entre el autóctono y el extranjero, que puede ser ciudadano comunitario o extra-comunitario. Insistimos en este aspecto porque en la evolución de las políticas migratorias aparecen unas diferencias jurídicas, y sobre todo semánticas, entre los comunitarios y los extranjeros, que son asociados poco a poco con los extra-comunitarios y finalmente con los inmigrantes. Aunque las razones de cambio de domicilio son económicas, en algunos casos, y predominante en el de los rumanos, en la percepción colectiva, las personas nacionales de otros países de la Unión Europea que vienen a trabajar en España son consideradas extranjeras, mientras los rumanos, actualmente nacionales de un país miembro, son considerados inmigrantes. La situación económica entre “el inmigrante” y “el extranjero” es el parámetro tomado en cuenta por la sociedad a la hora de nombrarlos. Pero, aunque este elemento es muy importante, queremos destacar una alteración de las dos nociones (una geográfica y otra jurídica) y la explotación hasta peyorativa a veces, asociando el inmigrante con su situación de irregularidad jurídica-administrativa (sin permiso de residencia y trabajo). ¿Podríamos explicar este aspecto por el hecho de que la sociedad española usa las palabras “inmigrante” e “inmigración» cómo nociones sociales sin ningún “cuerpo legal”? 41 SIMON, Gildas. La planète migratoire dans la mondialisation. Armand Colin. Paris, 2008. 229 p. (cita p.40) SOLE, Carlota. « Inmigración ». In: Glosario para una sociedad intercultural. Bancaja, Valencia 2002. p. 197-203 (cita p. 197) 42 149 Teóricamente, tomando en cuenta todas las nociones definidas, podemos caracterizar la población rumana por tres representaciones. Según el desplazamiento territorial y el cambio de domicilio los rumanos instalados en España son inmigrantes. En relación con el aspecto jurídico, teniendo la nacionalidad rumana, son extranjeros. La evolución de las políticas migratorias europeas con la entrada de Rumanía en la Unión Europea le ha hecho ciudadanos comunitarios. Esta situación ha llevado a un salto en materia de derechos y obligaciones, pasando de “inmigrantes”, la denominación cotidiana, a “nuevos comunitarios”. La paradoja llega cuando los rumanos tienen derecho al voto en las elecciones locales, pero durante la moratoria, no pueden trabajar libremente como asalariados. Beneficiando del derecho al voto, se han fundado partidos políticos rumanos (también en Castellón) y se han presentado algunos candidatos rumanos en las elecciones. El peso de la representatividad rumana no fue el esperado, dado su escasa participación en la votación. En cambio, el referéndum y las elecciones rumanas organizadas en la sociedad de destino han acogido un gran número de votantes del colectivo rumano. Analizando la situación de los rumanos entorno a su autoidentificación y a su percepción actual, los testimonios de varias personas han afirmado que no notan ningún cambio entre antes de 2007 y el momento actual. Se consideran como antes, inmigrantes por la “presencia de barreras que no se pueden pasar; (…) falta aceptar o mejor dicho reconocer si tienes o no una calificación o una preparación” 43 . También hay que señalar el hecho de que muchos rumanos no conocen sus derechos y deberes y no se informan en las instituciones apropiadas. En este contexto, la falta de interés para mejorar las informaciones sobre sus estatutos, combinada con la percepción colectiva de la sociedad, aumenta la alteración de los sentidos correctos de las nociones de migraciones internacionales. Para concluir, podemos afirmar que la situación de definir los rumanos instalados en Castellón, en nuestro caso, es muy compleja, observando dos niveles: uno oficial, con la denominación correcta de comunitarios, y otro de base, profundo, donde su identificación o autoidentificación es de inmigrante, en un sentido diferente a su definición geográfica. 43 PLACSINTAR, Angela et BUCUR, Ramona. « El mercado laboral de grupos de inmigrantes marginalizados en Provincia de Castellón ». In : Políticas Migratorias: la interacción del Estado, el Mercado y la Ciudadanía. Actas del Seminario Internacional de Políticas Migratorias [En línea]. Universidad da Coruña, A Coruña, p. 175. Disponible en: < http://esomi.es/inmigracion-migracion/libro-politicas-migratorias-la-interaccion-delestado-el-mercado-y-la-ciudadania/gmx-niv23-con240.htm > (consultado el 12 de mayo de 2010) 150 3.3.2. Las mutaciones en la mentalidad de los rumanos instalados en España Otro elemento importante que interviene en la autoidentificación de la población rumana representa la noción de la mentalidad. ¿Hay algún cambio de mentalidad entre los rumanos que viven en el territorio español? En un primer momento definimos este concepto de la mentalidad según fuentes españolas y francesas: “cultura y modo de pensar que caracteriza a una persona, a un pueblo, a una generación, etc.” 44 y “conjunto de hábitos intelectuales, creencias y disposiciones psíquicas caracterizando un grupo” 45 . Asociando a estos elementos definitorios del concepto, las practicas de vida cotidiana de los rumanos, sus maneras de vivir en el nuevo territorio, llegamos a un verdadero “bricolage” realizado por la población rumana instalada aquí, como había constatado G. Simon 46 en otros casos. Según los testimonios de las personas entrevistadas en Castellón de la Plana sobre el cambio de su mentalidad, las respuestas han sido afirmativas, como era obvio: cada estancia en un nuevo territorio implica una nueva experiencia de vida. Pero, lo que nos interesa es identificar los aspectos en cuales la mentalidad ha tenido este cambio positivo. Las personas encuestadas han respondido que este cambio positivo de su mentalidad se refleja en el modo de vivir y de pensar las cosas. Analizando algunos casos sus argumentos hacia este cambio positivo se encuentran en el aprendizaje del respecto y de apertura hacia otras culturas, la adaptación a nuevas situaciones y formas de vivir y el tener más confianza en los demás. La opinión de una persona entrevistada afirmando que ha acumulado experiencia y podría adaptarse y vivir en cualquier país nos hace reflexionar en una tendencia hacia el cosmopolitismo. 44 « Mentalidad ». En: Real Academia Española- Diccionario de la Lengua Española [En línea]. Disponible en: < http://buscon.rae.es/draeI/SrvltConsulta?TIPO_BUS=3&LEMA=cultura > (consultado el 10 de septiembre de 2010) 45 « Mentalité ». En : Encyclopédie Larousse [En linea]. Disponible en: < http://www.larousse.fr/encyclopedie/nom-commun-nom/mentalit%C3%A9/69339 > (consultado el 10 de septiembre de 2010) 46 SIMON, Gildas. La planète migratoire dans la mondialisation. Armand Colin. Paris, 2008. 229 p. (cita p.191) 151 En este caso nos referimos al sentido clásico del concepto cosmopolitismo, que describe a una persona que “se siente en cualquier lugar como en el suyo y quiere entrar en relación con el prójimo (…) testifica una apertura particular hacia el prójimo” 47 . La visión del cosmopolitismo 48 es muy difícil de aplicar para los rumanos de Castellón, porque las dimensiones de su filosofía son muy amplias e incluyen una escala extensa, global del concepto. En otro aspecto, el cambio positivo de la mentalidad tiene una influencia importante para la mujer rumana, que se siente más libre y más respetada que antes en su país de origen: “(…) tanto las mujeres como los hombres rumanos que llegan aquí aprenden lo que significa el respecto hacia el otro y el reconocimiento de su libertad” 49 . En el contexto de la crisis que afecta a todo el territorio español, la mujer rumana se convierte en la mayoría de los casos en el pilar de la familia y los hombres desempleados se ocupan, en algunos casos, de las tareas domesticas. Podemos remarcar en este cambio positivo de mentalidad, como un camino hacia una igualdad entre los cónyuges rumanos, en la manera de vivir y compartir las responsabilidades. Otra fase del cambio de la mentalidad se encuentra en la conservación y el crecimiento del sentido de la propiedad. Como en Rumanía, las personas ya tienen esta idea de tener su casa y su coche muy arraigado en su mentalidad. Las situaciones económicas muy precarias han determinado que muchos rumanos han visto en su proyecto migratorio la oportunidad de acceder a propiedades en el país de destino y de origen. En el contexto del desarrollo económico de Castellón, muchos rumanos han comprado pisos, coches o han invertido en el país de origen. En Rumanía, las casas han imitado modelos españoles de construcción o de decoración, utilizándose el azulejo en lugar del tradicional parquet. Los métodos de trabajo aprendidos en su estancia en el territorio español son exportados al país de origen, donde los rumanos retornados piensan abrir nuevos negocios. El aspecto lúdico está muy presente en la mentalidad de los rumanos, aportando también elementos españoles en la celebración de algunos eventos: en la comunión para los rumanos católicos, los regalos ofrecidos a los invitados en las bodas. 47 SCHMOLL, Camille. « Cosmopolitisme au quotidien et circulations commerciales à Naples ». Cahiers de la Mediterranée [En línea]. 2003, n°67, Disponible en: < http://cdlm.revues.org/index138.html > (consultado el 10 de septiembre de 2010) 48 BECK, Ulrich. Qu'est-ce que le cosmopolitisme? Editions Flammarion. Paris, 2006. 347 p. 49 STROIE, Georgiana. « Româncele îşi schimbă mentalitatea după ce ajung în Spania ». Adevarul.es [En línea]. 8 Marzo 2010, Disponible en: < http://www.adevarul.es/stiri/social/romancele-isi-schimba-mentalitatea-ceajung-spania > (consultado el 11 de septiembre de 2010) 152 La mayoría de los rumanos han adoptado costumbres culinarias españolas, consumiendo productos no utilizados en el país de origen. Otra dimensión que merece evidenciarse es la de las “apariencias”, muy bien practicada por los rumanos, tanto en España como durante sus vacaciones en Rumania: vestidos como los españoles, llegan al lugar de origen con coches de lujo y “soltando” palabras del español cuando hablan con otros rumanos. A veces, todos estos aspectos se utilizan para impresionar a los no-migrantes rumanos, subrayando una situación económica adquirida o solo una etiqueta del éxito, ganada con muchos sacrificios, que ahora ya no tienen importancia. En conclusión, es evidente que existe un cambio positivo de mentalidad entre los rumanos que viven en España, caracterizado por el aprendizaje del respecto mutuo, la apertura hacia otras culturas, la distribución de trabajos y de responsabilidades entre los cónyuges rumanos, la adaptación de elementos españoles en la gastronomía y eventos lúdicos, etc. 3.3.3. La imagen controvertida sobre la población rumana de España : debate social, económico y político La cuestión de la imagen de los rumanos en España es un tema muy delicado, sobre todo el impacto de las mass medias, así como lo presenta en su discurso, la embajadora rumana: « La embajadora de Rumanía en España, María Ligor, ha afirmado hoy en Santander que la imagen de los rumanos en los medios de comunicación españoles "es una tema muy delicado". La Embajada, ha especificado, recibe peticiones "con el fin de actuar más en este campo, para corregir los acentos xenófobos, que son pocos, y para corregir la imagen, a veces distorsionada, del colectivo rumano en España", según Ligor. En general, ha afirmado, los rumanos no se distinguen mucho en el colectivo de la sociedad, "son muy parecidos, incluso en los proyectos de vida y en los lazos familiares". Pero hay tópicos y estereotipos que se mantienen en los medios, como los relacionados con la delincuencia y la mendicidad» 50 . 50 Europa Press. « La imagen de los rumanos en los medios de comunicación españoles "es un tema muy delicado", según la embajadora ». Periodista Latino.com En línea]. 19 Julio 2010, Disponible en: < http://www.periodistadigital.com/inmigrantes/vida-cotidiana/2010/07/19/la-imagen-de-los-rumanos-en-losmedios-de-comunicacion-espanoles-es-un-tema-muy-delicado-segun-la-embajadora.shtml > 153 La importancia del colectivo rumano en los medios de comunicación a escala local de Castellón esta representada por la cantidad de noticias donde aparece la palabra “rumano/a” o “Rumanía”, sumando un total de 2.028 51 informaciones sobre esta población en el periódico Mediterráneo entre 01.01.2002 y 01.09.2010. El contenido de las noticias incluye aspectos tanto positivos como negativos sobre esta población. La circulación y el desarrollo de redes, algunas con actos delincuentes en un contexto de crisis económica, acentúan la degradación de la imagen de los rumanos. Los representantes de las asociaciones rumanas son personajes clave y están solicitados para relatar algunas informaciones sobre esta población, como para presentar algunos eventos culturales que pueden acercar las dos culturas. Para mejorar la imagen de los rumanos en Europa y sobre todo en los países donde más se han instalado, el gobierno rumano ha lanzado unas campañas para promover los aspectos positivos de sus ciudadanos. Estas campañas han sido completadas por unos estudios realizados por la Agencia de Estrategias Gubernamentales, para conocer la opinión de la población española sobre los rumanos. De los 1.214 españoles entrevistados, un 40% tienen una buena opinión sobre los rumanos, algunos teniendo como compañeros de trabajo personas de esta nacionalidad. Los 47% que han contestado negativo, reconocen de no haber tenido ningún contacto con esta población. La cuestión sobre la percepción que tienen sobre la población rumana, las respuestas son contradictorias: algunos aprecian el carácter serio y trabajador del rumano, mientras otros lo asocian con la delincuencia y la pobreza. Algunos españoles entrevistados subrayan las aproximaciones entre las dos poblaciones sobre la manera de cuidar su familia, de comportarse en la sociedad, de vestirse, etc. La mitad de las personas que han contestado a la encuesta declaran que se informan sobre Rumanía y los rumanos mirando la televisión. Existe otro estudio hecho por la misma institución, pero dirigido esta vez a los rumanos, para conocer las percepciones de estos mismos sobre su país y la imagen de su país. Los 1.104 rumanos entrevistados son conscientes de la imagen de Rumanía en España y Europa. Algunos consideran que Rumanía tiene una imagen positiva, con la nota 6 sobre 10 (donde 10 representa una imagen muy buena), otros tienen la opinión contraria y el 38% se sitúan en una zona neutral (ni buena, ni mala). 51 Análisis propio utilizando la hemeroteca del periódico Mediterráneo entre 01.01.2002 y 01.09.2010 154 En el contexto de la presencia de las noticias sobre la población rumana en su idioma, en España, existen una variedad de periódicos rumanos gratuitos que facilitan informaciones. El periódico rumano mas conocido publicado en el territorio español se llama “Rumano en el mundo”, y funciona desde 2001, acompañando el proceso migratorio de los rumanos instalados aquí. Su contenido ofrece informaciones jurídicas, culturales, publicitarias y también noticias desde y sobre Rumanía. La pagina de Internet de la Embajada rumana ofrece informaciones sobre otros periódicos on-line o editados en Madrid y Castellón. Este aspecto es muy importante, pues subrayar la gran concertación de población rumana en la provincia mediterránea. La televisión rumana ha enviado corresponsales a España, algunos periódicos y puestos de radio han deslocalizado, otros se han montado aquí, formando parte ya de la realidad cotidiana de los rumanos instalados en el territorio español. La importancia de la mass media se refleja en todos los aspectos cotidianos de la población rumana instalada en España y al mismo tiempo influye en un sentido positivo o negativo la percepción de la población autóctona sobre las personas de esta nacionalidad. Como una conclusión de todos los aspectos estudiados en este capítulo, observamos la dificultad y la complejidad de definir la población rumana de Castellón, nuestro caso. Existen grandes diferencias entre una definición oficial y la percepción de los autóctonos y de los rumanos mismos sobre su autoidentificación. Los rumanos reconocen un cambio de mentalidad positiva, que les ayudan a mejor su vida cotidiana y a veces exportar algunas nuevas costumbres a su país de origen. La imagen de los rumanos en España es un tema muy sensible e influenciado por los medios de comunicación. Las campañas y los estudios gubernamentales rumanos apoyan y mejoran esta situación. Los periódicos rumanos editados y distribuidos en España, la radio y televisión rumana, forman parte de la vida de los rumanos, conectándolos en el mismo tiempo con la realidad de su país de origen. 155 Conclusión Nuevas interpretaciones sobre la presencia rumana en España ¿Como reinterpretar la situación actual de las movilidades internacionales y particularmente las movilidades rumanas en Castellón de la Plana? El hecho de pasar de una forma sencilla de migración a una forma de circulación en un contexto europeo transformados aparece claramente en el caso de la población rumana. El campo migratorio existente en Rumanía y España se construye a través de las redes a diferentes escalas. Estos lazos están cargados de representaciones, emociones y constituyen el soporte metodológico del desarrollo de las migraciones rumanas. La nueva visión sobre una movilidad rumana transformadora, en un contexto europeo favorable a la libre circulación de bienes y personas, representa el elemento innovador de éste enfoque teórico descrito por nociones como la « simultaneidad » y la « glocalizacion ». Entre las nuevas nociones que se proponen para renovar la comprensión de la migración rumana en España insistimos en el concepto de “espacios vividos”. Esta noción perfectamente adaptable a las situaciones de las familias rumanas instaladas en Castellón refleja la construcción de las redes y de una mejor organización de las prácticas cotidianas de estos nuevos habitantes en la ciudad. El hecho de mantener o no las costumbres rumanas, la adaptación a las practicas cotidianas del territorio de acogida, son maneras actuales de vivir entre las familias rumanas. Descubrimos un espíritu emprendedor individual y familiar que actúa en el cumplimiento del proyecto vital y al mismo tiempo para construir, con la ayuda de las redes, un modo de vida transnacional. Distinguimos también la importancia de los factores emocionales y afectivos que acompañan los modos de vivir de las familias rumanas en la cotidianidad española. En sus movilidades los migrantes involucran todos sus recuerdos, sentimientos, experiencias de vida, tradiciones, etc. Otra cuestión esencial se refiere a la percepción de los rumanos por la población autóctona. Se puede subrayar el hecho de que es muy complicado aportar una definición precisa sobre la migración rumana en Castellón. La definición jurídico-administrativa oficial es diferente de lo que ellos mismos sienten. La realidad de su identificación es diferente de lo que supone su presente estatuto de ciudadanos comunitarios. La mayoría de los rumanos instalados en Castellón de la Plana se auto identifican como inmigrantes en el sentido común de la noción, tal como viven en la cotidianidad. Existe un cambio de 156 mentalidad desde su llegada en España, pero no llega a mejora la percepción cotidiana. Los medios de comunicación juegan un gran papel en la percepción colectiva de la población española y rumana. La imagen de Rumanía y de sus ciudadanos, distorsionada últimamente, se beneficia de algunas campañas para mejorarla pero sin resultados visibles. 157 Conclusión general Los migrantes rumanos que se instalan en España desde el final de los años 90, tienen recursos considerables para superar las dificultades de una vida cotidiana difícil. La salida de Rumanía es la primera etapa de una trayectoria migratoria que constituye una apuesta con el futuro. Pero, el futuro de un migrante es siempre provisional. Guardando un lugar al pasado, el futuro se construye sobre un presente donde la inserción económica constituye la mayor apuesta. En todo el planeta las múltiples migraciones de trabajo transforman la realidad de las sociedades de origen y de las de acogida. La realidad de un itinerario migratorio es siempre compleja. Los recuerdos del pasado, los lazos mantenidos entre los miembros de la familia aquí y allí, cargan de un gran valor emocional la vida cotidiana de los migrantes. Cualquiera que fuera su objetivo, la migración queda como un drama individual y familiar sin fin. El proceso migratorio se encuentra en un proceso de transformación continuo. Aunque se constata la existencia y el desarrollo de redes entre individuos que viven su cotidianeidad compartida entre las dos sociedades, se observa un sentimiento de perdida de la pertenecía al país y a la cultura de origen. Analizar la realidad migratoria en el caso de la migración rumana en España impone cuestiones sobre la complejidad de los proyectos migratorios y del cambio provocado por esta migración en el espacio vital y en la imagen que el migrante proyecta en la sociedad de acogida. Para captar la complejidad de esta realidad migratoria, solo el contacto directo con los migrantes puede aportar una clarificación de la diversidad de las situaciones. La inmersión en los medios de los migrantes rumanos durante esta investigación doctoral fue indispensable. Este método implica completamente al investigador en la realidad cotidiana del tema. Durante tres años se ha practicado esta inmersión gracias al apoyo de organismos sociales que trabajan en el ámbito de las migraciones en la provincia de Castellón. Hemos podido compartir la cotidianidad y practicar las territorialidades de los migrantes rumanos instalados en la provincia de Castellón. Esta familiaridad con los migrantes nos ha ayudado a multiplicar las encuestas, entrevistas y hemos podido observar la dura realidad vivida por estas familias. 158 El método elegido fue fundamental por la realización de esta investigación doctoral. La construcción de una muestra de familias, la realización de las encuestas sobre el origen y el destino de los fondos a Rumanía, el análisis de datos estadísticos, nos han permitido afinar un cierto número de indicadores cuantitativos y cualitativos sobre la instalación de los migrantes rumanos en Castellón. La construcción de nuevas formas de vivir el territorio se hace a través del desarrollo de redes entre los migrantes instalados en España. Tenemos que constatar la amplitud de este proceso migratorio durante los últimos años. El proyecto migratorio se construye a una escala territorial implicando España y una sociedad local especifica: la provincia de Castellón. Nuestra elección para esta escala de investigación está justificada por la gran concentración de población rumana que vive en este territorio (10% de la población total). La visibilidad de esta presencia rumana en Castellón se debe a una gran diversidad de iniciativas emprendedoras y asociativas de los migrantes rumanos. El desarrollo de las representaciones locales de las instituciones rumanas, la creación de lugares de culto rumanos se añaden a esta visibilidad de los migrantes rumanos en la ciudad de Castellón. Las personas de origen rumano se distinguen en la calle y en los espacios públicos. El desarrollo de redes migratorias rumanas de origen adventista, luego familiares y de amistad constituye la hipótesis del proceso de llegada y de instalación de estas familias en España y precisamente en Castellón de la Plana. Posteriormente esta migración se ha desarrollado y distribuido a escala de toda la provincia. El núcleo principal de instalación es la capital provincial (Castellón de la Plana). ¿Como ha empezado esta migración hacia Castellón? El origen de las redes de migración pone la cuestión del acceso a la información sobre la existencia de estas redes y sobre los conocimientos necesarios a la migración. Se trata de la circulación de la información que permite el desarrollo de las redes de migración. La base religiosa se encuentra en el origen de esta migración rumana hacia Castellón de la Plana. La confianza y la obediencia al pastor y la solidaridad religiosa de los fieles adventistas concentran solo una minoría de los rumanos. Pero, se trata de una minoría muy activa. Sobre esta base se han desarrollado las redes migratorias hacia Castellón de la Plana. Las minorías adventistas españolas han ayudado también en cierta medida al desarrollo de este proceso migratorio. Los primeros migrantes rumanos instalados en Castellón de la Plana han sabido desarrollar verdadera redes migratorias incluyendo también ortodoxos vecinos y paisanos de proximidad. Las redes se han ampliado por lazos familiares y de amistad. 159 Dos núcleos de origen de los migrantes rumanos pueden destacarse: el primero y el mas importante es el de la provincia de Dâmboviţa situada al sur de Rumanía (con una mayoría procediendo de la capital, Târgovişte) y uno segundo núcleo situado en la provincia de Arad al oeste de Rumanía. Nuestras hipótesis pueden ser confirmadas añadiendo el hecho de estos dos territorios tienen símbolos religiosos interesantes. El oeste de Rumanía conoce desde siempre una sociedad pluri-religiosa con una gran diversidad de fieles ortodoxos, católicos, protestantes, etc. En el caso de Târgovişte, la existencia de la más antigua comunidad adventista de Rumanía confirma la migración de los primeros adventistas rumanos hacia Castellón. Las estrategias de migracion y de integracion de las familias rumanas en Castellón de la Plana se basan en nuevas formas de vivir respondiendo a la diversidad de los hogares encontrados. La noción de «itinerario migratorio» permite presentar la complejidad de las situaciones de los hogares rumanos, pero también la complejidad de los actores que interfieren en el proceso migratorio. Establecemos una tipología de actores construyendo diferentes espacios vitales. Los lazos que los unen tienen intensidades variables. Resulta entonces una gran variedad de itinerarios migratorios en Rumanía y en la provincia de Castellón. Estos itinerarios evolucionan continuamente bajo el efecto de las historias familiares (matrimonios mixtos, nuevas parejas, reagrupación familiar, etc….). Pero, las escalas territoriales son muy variables en función del cambio del domicilio (en la misma región o fuera de España) y según las oportunidades de trabajo. Estas redes no son muy solidas y tamposo definitivas. Sufren mutaciones en los itinerarios migratorios. Estas trayectorias migratorias, como resultado de proyectos migratorios, son muy numerosas. Se producen en un contexto de actividades ilegales (trafico y explotación de personas…) cuando los migrantes son atraídos por promesas falsas aceptadas en circunstancias trágicas de pobreza. Salir de estas situaciones es muy difícil. La intervención de las autoridades locales españoles o rumanas posibilitan a veces el retorno al país de origen. En este contexto el itinerario migratorio llega a ser un fracaso y la integración local en el mercado de trabajo es interrumpida y el proyecto inicial desaparece. Afortunadamente los más numerosos de los itinerarios migratorios constituyen vectores importantes para la creación de estrategias de inserción en el mercado de trabajo. Procesos de regularización de los flujos migratorios permiten el acceso al permiso de residencia y trabajo. Aunque las condiciones de acceso a estos trámites oficiales son difíciles, la imaginación de los migrantes es una fuente permanente de nuevas soluciones. 160 Existe una diversidad de tácticas adoptadas para poder trabajar en el periodo 20072009 cuando España imponía restricciones sobre el libre acceso en su mercado de trabajo a Rumanía y Bulgaria. Los trabajadores rumanos han intentado todas las formas de empleo en el mercado español: empleo irregular, salariado regular, trabajador autónomo o fundador de verdaderas empresas transnacionales. El análisis realizado sobre los envíos de fondos a Rumanía y que constituye el soporte material para la consolidación de los lazos afectivos con las familias que permanecen en el país de origen, identifica territorios receptores de estas transacciones financieras. Estos territorios coinciden con los núcleos de emigración citados anteriormente. La investigación sobre el proceso de distribución de los migrantes en España y sobre el proceso de envío de fondos evidencia la doble evolución simultánea de las escalas territoriales aquí en España y allí en Rumanía. Con respecto a la concentración de las familias migrantes rumanas en Castellon, añadimos la hipótesis de una difusión territorial continua y compleja entre los lugares de origen y los lugares de instalación de las familias rumanas en el tiempo. La entrada de Rumanía en la Unión Europea impone una adaptación progresiva a las políticas de migración. Las medidas legislativas para un mejor control de las fronteras y de los movimientos de las personas en función de acuerdos bilaterales representan unas de sus exigencias. Tanto la etapa anterior a la entrada de Rumanía en la Unión Europea con la libre circulación debida a la supresión de visas Schengen en 2002 y el pleno derecho de trabajo a partir del 2009 que constituye el marco de la migración rumana en Europa y particularmente en España. Alrededor de estas fechas emblemáticas podemos observar y analizar las estrategias empleadas por las familias rumanas para instalarse en la sociedad de acogida. Las divergencias existentes en las políticas migratorias impuestas por la legislación europea o de cada país implicado en el proceso migratorio de rumanos, son contrarias a las aspiraciones de los migrantes. La investigación continúa con nuevas estrategias migratorias. Antes de enero del 2002 existe una gran diferencia entre los destinos de los visados Schengen concedidos a los rumanos migrantes y el destino final real de estos itinerarios. Estos aspectos se han hecho visibles con la ayuda de representaciones cartográficas muy individualizadas en función de los testimonios de las personas entrevistadas en el periodo de inmersión en Castellón. En el contexto de prosperidad económica de España y el contexto actual de crisis, la construcción de configuraciones territoriales muy diversas permiten dar un nuevo sentido conceptual sobre la presencia rumana en España. Se trata de replantear y reinterpretar el proceso migratorio para dar una nueva mirada sobre las migraciones internacionales. 161 Observamos que hay una cierta evolución de la migración durante el periodo de análisis considerado en relación a todas las escalas: local, estatal o transnacional, determinantes en la construcción de los territorios de circulación. Nuevas nociones como la simultaneidad, la glocalización, el transnacionalismo tienen importancia a la hora de reinterpretar las redes de los migrantes rumanos y de verificar el análisis de ejemplos concretos sobre la instalación de los rumanos en Castellón de la Plana. Nuestras escalas de interpretación para estas nociones son variables entre las redes individuales y familiares de los espacios recorridos y las iniciativas emprendedoras y asociativas rumanas. El espíritu emprendedor de los migrantes rumanos de Castellón se analiza como mecanismo económico de base y también como variable determinante en la construcción del proyecto migratorio. Podemos concluir considerando este proceso migratorio como una adición de las iniciativas emprendedoras desde la idea de migración, la recogida de información indispensable, a la realización del proyecto migratorio, a la movilización de las redes necesarias hasta las formas de inserción en la realidad cotidiana en la sociedad española. En la vida cotidiana de los migrantes rumanos, el debate sobre las políticas europeas está omnipresente y en particular la evolución del estado jurídico de los trabajadores rumanos que viven en España. La utilización inadecuada de ciertos términos como inmigrante y extranjero constituyen opacidades en la reflexión colectiva con consecuencias graves sobre los responsables locales y regionales pero también para los rumanos. En la mayoría de los casos, el sentido correcto del “migrante” que se refiere a una persona que cambia de lugar de residencia y por cual la nacionalidad es un parámetro insignificante está remplazado por una connotación negativa. El contenido del término migrante en el lenguaje corriente se refiere a una persona en situación irregular asociada a una situación de delincuencia. Antes de entrar en la Unión Europea los rumanos eran considerados inmigrantes. En este momento, en España, las familias rumanas se definían como extranjeros con una definición jurídica común a todas las personas de nacionalidad diferente a la de sociedad de acogida. Actualmente y oficialmente desde el punto de vista jurídico, las familias rumanas se benefician de un estatuto de ciudadanos comunitarios de plenos derechos. Pero, estos cambios de legislación y de estatuto no modifican la visión colectiva que continua viendo a los rumanos como inmigrantes. Los rumanos instalados en España guardan sus prejuicios que derivan llegando a los síndromes de la migración como el síndrome de Ulises. La dimensión afectiva es muy importante en cada proceso migratorio y se mantiene por los lazos afectivos que se reconstruyen continuamente bajo el efecto de las relaciones y los sentimientos hacia las familias que permanecen en el “país”. 162 La soledad, la depresión, la impotencia de cumplir los proyectos originales alejan las fuerzas necesarias para la inserción socio-económica y cultural en la sociedad de acogida. Todos estos elementos de análisis y de interpretación de la migración rumana conducen a revisitar los modos de instalación de las familias rumanas en Castellón. Las mass-medias juegan un gran papel en la percepción colectiva sobre los rumanos. La dimensión negativa de esta percepción sobre la población rumana del extranjero como sobre el país mismo persiste frente a las campanas publicitarias y a los estudios gubernamentales iniciados por Rumanía. Actualmente, la crisis económica, social, y política presente en Rumanía perturba todas las decisiones de sus ciudadanos que viven fuera de su país. La gravedad de la situación española se añade a todas estas incertidumbres. Todas estas transformaciones hacen posible adoptar una nueva mirada y otra reinterpretación de esta migración de la población rumana en un contexto europeo de movilidad creciente de personas e ideas. La crisis económica que afecta España y particularmente la provincia de Castellón donde el desarrollo inmobiliario fue de los más potentes de España tiene consecuencias nefastas para los trabajadores rumanos. En esta coyuntura, las familias rumanas han buscado continuamente soluciones para su supervivencia. Han transformado las lógicas iniciales del proyecto migratorio entre el país de origen y el nuevo lugar de instalación en función de las oportunidades de trabajo. Los programas propuestos por la colaboración entre las autoridades españolas y rumanas no se corresponden con los planes de los migrantes. En estas nuevas estrategias de supervivencia, el papel de las mujeres, el trabajo intensivo y su espíritu emprendedor son determinantes. Existe una redistribución de roles en las familias rumanas migrantes dado que los hombres que trabajaban en el sector de la construcción están parados o sin recursos, ocupándose ahora de las tareas del hogar. Pero este nuevo sistema familiar se queda instable. ¿Se ve una perspectiva de retorno al país, pero en qué condiciones? En realidad, en el futuro de las familias rumanas migrantes, la cuestión de un retorno definitivo al país de origen es casi inimaginable. En un contexto europeo favorable a las circulaciones migratorias muchas posibilidades quedan abiertas. La conexión existente entre las familias migrantes a través de los lazos activos y de las nuevas tecnologías de comunicación y de información desmitifica la concepción clásica sobre el movimiento migratorio. Como los tanteos entre España y Rumanía son muy frecuentes…terminan por un retorno en el territorio español después de una etapa de retorno al país de origen. Esta investigación sobre las familias rumanas instaladas en Castellón, permiten reinterpretar la reflexión sobre esta migración reciente. La importancia de las redes puede servir como soporte para las acciones de información a los ciudadanos sobre sus estatutos. 163 Las estrategias de las familias migrantes se distribuyen permanente y simultáneamente a las restricciones administrativas y económicas. Todos los acuerdos bilaterales o las políticas restrictivas en los diferentes mercados europeos, constituyen posibilidades de reajuste de condiciones de vida y de circulación de las familias… Cada realidad social, cultural, política, económica de cada sociedad que recibe inmigrantes es diferente y permite interrogarnos sobre las llegadas de las nuevas familias. En esta nueva configuración socio-demográfica solamente una sociedad más solidaria, aceptando la presencia del “Otro” podría ser una solución. No se trata de imponer modelos fracasados, si no crear modelos de vida basados en una inter-territorialidad inventiva en una época donde todo esta conectado. ¿Cual será el futuro de la presencia rumana instalada en Castellón de la Plana y en España? La cuestión se queda abierta para un proceso migratorio siempre reversible. La única certitud es que el proceso se generalizará para categorías de población más variadas. 164 Bibliografía Libros y capítulos de libros ARANGO, Joaquín. « La inmigración en España: demografía, sociología y economía ». Inmigración: un desafío para España. Madrid: Fundación Pablo Iglesias, 2005. p. 247-273 BECK, Ulrich. Qu’est-ce que le cosmopolitisme? Editions Flammarion. Paris, 2006. 347 p BERNAT MARTI, Joan Serafí (Dir.). Estudio del capital social a partir de las redes sociales y su contribución al desarrollo socioeconómico: el colectivo de inmigrantes rumanos en la provincia de Castellón [En línea]. Fundación Ceimigra. Valencia, 2010. 168 p. (Cuadernos de investigación, 13) Disponible en: < http://www.ceimigra.net/observatorio/images/stories/Cuadernos_N_13_vfbl.pdf > BERNAT, Joan Serafi et GIMENO, Celesti. « Iguals pero menys: la colonia romanesa a Castelló ». En: Migración e interculturalidad. De lo global a lo local. 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