Les gangs juvéniles centraméricains : problématisation sécuritaire d

Transcripción

Les gangs juvéniles centraméricains : problématisation sécuritaire d
Les gangs juvéniles centraméricains :
problématisation sécuritaire
d’un phénomène social
IEP de TOULOUSE
Mémoire de recherche présenté par Mlle Marine Matray
Directeur du mémoire : M. Jérôme Viguier
Date : 2013
Les gangs juvéniles centraméricains :
problématisation sécuritaire
d’un phénomène social
IEP de TOULOUSE
Mémoire de recherche présenté par Mlle Marine Matray
Directeur du mémoire : M. Jérôme Viguier
Date : 2013
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier Monsieur Viguier qui a accepté d’encadrer ce mémoire et a accompagné
ma réflexion.
Je remercie d’autre part toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de ce travail par
leur soutien, patience, discussion et expérience. Je remercie plus particulièrement les
personnes qui ont accepté de partager leurs informations et opinions sur le sujet.
Enfin je remercie Elsa qui m’a soutenue pendant ces mois de recherche et dont l’intérêt
constant et la richesse culturelle m’ont apporté de nouvelles perspectives et ont constitué des
sources d’inspiration.
Avertissement : L’IEP n’entend donner aucune approbation, ni improbation dans les
mémoires de recherche. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur
auteur(e).
ABREVIATIONS
ARENA
Alianza Republicana Nacionalista
CIA
Central Intelligence Agency
DHS
Department of Homeland Security
FESDAP
Fundación de estudios para la aplicación del derecho
FBI
Bureau Fédéral d’Investigation
FMLN
Frente Farabundo Martí para la Liberación Nacional
ICE
Immigration Customs Enforcement
IIRIRA
Illegal Immigrant Reform and Immigrant Responsibility Act
INL
Bureau of International Narcotics and Law Enforcement
IUDOP
Instituto universitario de opinión pública
LAM
Ley Anti-Mara
MS-13
Mara Salvatrucha
OMS
Organisation mondiale de la santé
ONU
Organisation des Nations Unies
PNC
Policia Nacional Civil
PNUD
Programme des Nations Unies pour le développement
SICA
Sistema de la Integración Centroamericana
UNICEF
Fonds des Nations Unies pour l’enfance
UNESCO
Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture
UNDOC
Bureau des Nations Unies contre la drogue et le crime
USAID
US Agency for International Aid
SOMMAIRE
INTRODUCTION ..................................................................................................................1
PREMIERE PARTIE - Entre local et transnational : maras et gangs juvéniles, un phénomène
multidimensionnel ................................................................................................................ 12
Chapitre 1 globalisé
Les gangs de rue : un phénomène ancien mais évoluant dans un monde
................................................................................................................. 12
Chapitre 2 -
Les facteurs d’expansion des maras : un phénomène multi-causal ............ 20
Chapitre 3 -
Identités transnationales, activités (hyper)localisées ................................. 28
SECONDE PARTIE – Le poids du discours : la construction sociale d’un problème de
sécurité nationale et internationale ........................................................................................ 34
Chapitre 1 La perception publique du crime : le « talk of crime », une construction
sociale de la réalité violente .............................................................................................. 34
Chapitre 2 stéréotype
L’uniformité du discours : vers la création et le renforcement d’un
................................................................................................................. 40
Chapitre 3 La mise en avant de la « seguridad cuidadana » : différenciation et
criminalisation d’une partie de la population ..................................................................... 47
TROISIEME PARTIE – La lutte contre les maras : une stratégie suppressive hégémonique
aux effets limités et pervers .................................................................................................. 52
Chapitre 1 Les maras : enjeu de sécurité nationale et internationale, l’hégémonie des
politiques répressives ........................................................................................................ 52
Chapitre 2 -
Une volonté présente mais des résultats à démontrer ................................ 63
Chapitre 3 -
Le cercle de la violence : entre sécurité et droits de l’Homme ................... 70
CONCLUSION .................................................................................................................... 78
LISTE DES ANNEXES ....................................................................................................... 83
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................. 100
INTRODUCTION
« Une société n’est pas simplement constituée par la masse des individus qui la
composent, par le sol qu’ils occupent, par les choses dont ils se servent, par les mouvements
qu’ils accomplissent, mais, avant tout, par l’idée qu’elle se fait d’elle-même. »1
La violence semble être un marqueur historique caractérisant l’Amérique centrale.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) présente une définition large de la violence 2 :
« la menace ou l’utilisation intentionnelle de la force physique ou du pouvoir contre soimême, contre autrui ou contre un groupe ou une communauté qui entraîne ou risque fortement
d’entraîner un traumatisme, un décès, des dommages psychologiques, un mal-développement
ou des privations. » Cette violence régionale a pris des formes différentes selon les époques.
La compréhension de cette violence passe par sa déconstruction en violences plurielles afin de
sortir des facteurs explicatifs renforçant une généralisation et un stéréotype. Ces violences ne
peuvent en effet se comprendre qu’en observant chaque pays, son histoire, contexte
économique, politique, culturel, etc. Les manifestations les plus visibles de cette violence
régionale ont pendant longtemps été retrouvées sous leurs aspects politiques et militaires.
Philippe Bourgois3 écrit que « le terme de violence politique désigne une répression physique,
directement et intentionnellement exercée par l’armée ou la police à l’encontre d’opposants,
au nom d’une idéologie, d’un mouvement politique ou d’un Etat – ou son contraire : un
combat armé populaire contre un régime répressif. » Pourtant les années 90, période marquant
la fin des régimes militaires et des guerres civiles centraméricaines, s’accompagnent d’une
transformation dans la perception et l’expression de la violence. La violence politico-militaire
laisse place à une violence plus quotidienne, liée aux phénomènes de criminalité et de
délinquance. Dans ce nouveau panorama, la population juvénile et les gangs deviennent les
acteurs principaux : victimes mais aussi responsables de la violence. Ainsi les récents rapports
du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et de l’Office des Nations
Unies contre la drogue et le crime (UNODC) présentent cette région comme une zone
meurtrière, particulièrement pour les jeunes. Les pays de la région occupent en effet les
1
Emile Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse, Presses Universitaires de France, 5ème édition,
2003, p. 604.
2
Organisation Mondiale de la Santé, Rapport Mondial sur la Violence et la Santé, Genève : OMS, 2002, p.5.
3
Philippe Bourgois, « La violence en temps de guerre et en temps de paix. Leçons de l’après-Guerre froide :
l’exemple du Salvador », Cultures & Conflits, n°47, 3/2002., p.83.
1
premiers rangs quant aux taux d’homicides de la population en général, mais aussi aux taux
d’homicides des jeunes4.
10 pays ayant le plus haut taux d'homicides au monde pour 100 000 habitants (2010 ou
année disponible la plus récente)5
Zambie
Saint Kitts and Nevis
Iles Vierges des Etats-Unies
Guatemala
Belize
Moyenne Amérique centrale
Venezuela
Jamaique
Moyenne du Triangle du Nord
Cote d'Ivoire
Salvador
Honduras
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
Taux d'homicides pour 100 000 habitants en Amérique latine et Caraïbes (2006)
Chili
Uruguay
Bolivie
Argentine
Pérou
Costa Rica
Mexique
Panama
Haiti
Paraguay
Nicaragua
Rép. Dominicaine
Equateur
Brésil
Colombie
Honduras
Guatemala
Jamaique
Vénézuela
Salvador
2
2
5
5
6
8
11
11
12
12
14
16
18
26
37
43
45
49
49
58
0
10
20
30
40
50
60
70
4
Notons que les chiffres et statistiques varient en fonction des organismes collectant et/ou publiant les données.
Cependant les tendances se retrouvent.
5
Triangle du Nord : Guatemala, Honduras, Salvador.
2
Adolescents et jeunes victimes d’homicides en 20096
Pays
Total de morts violentes
Décès entre 15 et 29 ans
Pourcentage
Guatemala
Honduras
Salvador
6498
8174
4382
2112
2578
2503
32,5
31,5
57,1
De manière paradoxale, depuis les années 90, l’Amérique centrale est caractérisée
par une diminution de la pauvreté et l’apparition d’une classe moyenne7, mais aussi par la
prise d’importance du concept de « sécurité citoyenne » définie par le PNUD comme « la
protection de toutes les personnes contre le risque de souffrir un délit violent ou de
dépouillement »8. Il semble ainsi que les avancées démocratiques et économiques régionales
aient conduit les populations à transférer leurs demandes vers la sécurité. Les différentes
enquêtes d’opinion réalisées par les instituts de sondages tels que l’Instituto Universitario de
Opinion Pública (IUDOP) dans le cas salvadorien ou du Latinobarómetro pour la région
entière, indiquent ainsi une perception publique de l’augmentation de la violence 9. Notons que
l’écrasante majorité des individus questionnés sur ce sujet pense que la perception nationale
de la délinquance n’est pas exagérée10.
Au vue des enquêtes et chiffres relatifs à la
criminalité, la question se pose de savoir si l’Amérique centrale devient une région de plus en
plus violente. A cette question, les enquêtes de perceptions publiques répondent oui. Mais ces
perceptions reflètent-elles la réalité ?
Cette question soulève un premier obstacle quant à la collecte des données et à la
réalisation des mesures. La violence se mesure principalement à l’aide de deux indicateurs : le
taux d’homicides, défini comme le nombre de morts causées par un être humain, et le taux de
victimisation, défini comme le nombre de personnes ayant été victimes d’un délit et réalisé à
l’aide d’enquêtes auprès de la population. La mise en avant dans les médias et rapports
nationaux et internationaux de ces deux indicateurs ont justement attiré l’attention
internationale en illustrant la violence de cette région. Cependant ces indicateurs posent
plusieurs problèmes. Dans un premier temps, la question des sources se pose. La violence et
le meurtre, de par leur nature criminelle, ne sont souvent chiffrés que par un nombre réduit
d’acteurs (instituts de médecine légal et forces de police) et dépendent de l’accès aux
6
Elaboration propre à partir des données du PNUD.
CEPAL, Panorama Social de América Latina 2008, Gráfico 1, p. 4 (Edición en Español) .
8
PNUD, « Informe sobre desarrollo humano para América Central 2009-2010. Abrir espacios a la seguridad
ciudadana y el desarrollo humano», IDHAC 2009-2010, Bogotá: PNUD, 2010, resumen ejecutivo.
9
Annexe 1.
10
Ibid.
7
3
victimes. Autrement dit, les victimes disparues et/ou non déclarées ne peuvent pas être prises
en compte dans les statistiques. Selon les estimations, près de 50% des crimes ne sont pas
dénoncés11. Il faut donc savoir si les données fournies sont estimées à la hausse ou à la
baisse, détails qui sont souvent absents de rapports officiels. De plus, la catégorie homicide,
présentée comme homogène, cache en réalité une grande variété de contextes de violence :
homicide dans le cadre familiale, homicide volontaire, etc. D’autre part, ces indicateurs sont
très utilisés dans le cadre de comparaison nationale, pourtant il faut garder à l’esprit que ces
chiffres sont collectés par des acteurs différents (Institut de médecine légale, Ministère publics
et police majoritairement) ; ce qui relativise la rigueur et la pertinence de la comparaison.
Pourtant, cet indicateur, perçu comme objectif, est couramment utilisé et a permis à de
nombreux analystes de souligner que le nombre de morts liées à la criminalité dépasse le
nombre de morts durant les périodes de guerres civiles et dictatures. Cette comparaison est
très reprise par les médias et les politiques dans leur volonté de montrer l’importance du
problème sécuritaire.
En ce qui concerne l’indicateur lié à la victimisation, basé sur des enquêtes auprès
des populations quant à leur expérience et perception vis-à-vis de la criminalité, un nouveau
paradoxe émerge. Nous constatons un contraste important entre le taux d’homicides de leur
pays et le taux de victimisation (c'est-à-dire le nombre de gens déclarant avoir été victimes de
crimes ou connaitre une victime). A titre d’exemple, au Honduras le taux d’homicide est bien
supérieur au taux de victimisation12, pourtant l’opinion publique montre que la sécurité est
une source d’inquiétude majeure pour la population. Les enquêtes montrent ainsi que malgré
l’importance accordée au phénomène de la délinquance 13, la majorité de la population
interrogée ne se dit pas personnellement affectée par ce phénomène. En ce qui concerne, les
maras et pandillas, elles ne sont considérées comme affectant personnellement qu’aux
alentours de 3% de l’opinion publique. A titre de comparaison, l’économie est le premier
problème affectant personnellement la majorité de la population 14. Ces exemples illustrent
l’importance et l’influence que jouent les perceptions sur le sentiment de sécurité. Il est
essentiel de comprendre que la sécurité se mesure et se définit en termes objectifs et
statistiques, mais aussi subjectifs, en termes de perception individuelle, et que ces deux
aspects peuvent être très différents.
11
Lucia Dammert y Marta Lagos, La seguridad ciudadana. El problema principal de América Latina, Lima:
Corporación Latinobarómetro, 2012, p. 22.
12
Annexe 2.
13
Annexe 3.
14
Annexe 4.
4
Dans un environnement où la population jeune a un poids démographique important
mais est victime principale de l’exclusion économique, la délinquance est associée aux gangs
juvéniles qui apparaissent comme les responsables principaux des taux de violence de la
région. Le PNUD dans un rapport sur la violence en Amérique latine 15 identifie ainsi trois
niches de violence : le crime organisé, le narcotrafic et les maras et pandillas, en particulier
dans les pays du Triangle du Nord (Guatemala, Honduras et Salvador), région sur laquelle se
concentrera ce mémoire. Nous reviendrons dans le développement sur la manière dont ces
trois activités vont être assimilées et confondues dans les discours médiatiques et politiques et
vont participer de la criminalisation des maras.
En effet si les gangs juvéniles sont accusés d’un nombre important de crimes par les
acteurs médiatiques et politiques, cela ne signifie pas qu’ils sont pour autant responsables. Le
cas centraméricain illustre ainsi la manière dont la délinquance va être un moyen de mettre un
visage à la violence, mais aussi de cacher les autres formes de violence. Autrement dit, la
criminalité, perçue comme les crimes et les délits de rue, rend invisible d’autres problèmes
comme les délits économiques, la corruption, la violence domestique, etc.
Malgré cette différence entre perception et réalité, les Etats d’Amérique centrale
mettent en place des politiques adressant ce qu’ils perçoivent être le problème majeur des
gangs juvéniles, connus sous le nom de maras et pandillas dans cette région. Ces politiques
de lutte contre le crime et la délinquance vont ainsi logiquement écarter les mesures liées aux
problèmes sociaux et économiques et se concentrer sur la lutte contre les maras.
L’identification et la définition des maras sera reprise dans cet essai, dans la mesure où il
s’agit d’un enjeu majeur pour pouvoir dessiner des politiques adaptées, mais proposons une
première définition. Les maras et pandillas16 désignent des « agrupaciones juveniles
relativamente estables, caracterizadas por el uso de espacios públicos urbanos, generadoras de
patrones identitarios, articuladoras de la economía y la vida cotidiana de sus miembros, y que
sin ninguna pretensión de institucionalidad despliegan un contra-poder sustentado en una
violencia inicialmente desordenada »17.
Depuis les années 90, le paysage d’Amérique centrale est en effet marqué par la
présence et l’expansion rapide du phénomène des maras et pandillas, c'est-à-dire de bandes
de jeunes, majoritairement de sexe masculin, qui se regroupent et auxquelles sont associé un
15
PNUD, op. cit., p. 99.
En cohérence avec l’emploi des ces termes dans la langue espagnole d’origine, nous garderons dans cet essai,
l’usage de mara en tant que groupe et collectif au féminin et marero en tant qu’indivdus membre au masculin.
17
Demoscopía S.A., Maras y pandillas, comunidad y policía en Centroamérica. Hallazgos de un estudio
integral, Guatemala City, 2007, p.37.
16
5
certain nombre d’activités illégales : extorsions, taxation illégale, consommation et vente de
drogue, vols et assassinats. Cet essai se consacre ainsi à l’étude de ce phénomène et à la
manière dont ce thème a été problématisé, c'est-à-dire à partir du moment où ces groupes ont
été associés à la violence et à la criminalité et ont été considérés comme problématiques. La
conséquence directe de cette problématisation des gangs et de la violence juvénile est la mise
en place de la part des Etats concernés de réponses sous formes de politiques publiques. En
effet, à partir de 2003, le Salvador, Honduras et Guatemala mettent en place des stratégies de
lutte contre les maras connues sous le nom de Mano Dura. Cependant, ces mesures censées
contribuer à la résolution du problème de la violence, ne s’accompagnent pas des effets
escomptés ; au contraire les maras évoluent et la violence ne réduit pas.
Cet essai pose comme point de départ plusieurs paradoxes quant au phénomène des
maras. Les gangs ne sont ni un phénomène nouveau ni localisé, cependant ils suscitent depuis
quelques années un intérêt nouveau de la part de différents acteurs. D’autre part, en raison de
leur nature informelle et clandestine, les données sont peu disponibles, peu fiables et peu
diversifiées. Un certain nombre de définitions, pourtant fondamentales à l’étude du sujet,
constituent ainsi une source de désaccord au sein de la communauté académique. En découle
alors un paradoxe central, comment les autorités politiques dénombrent-elles et répondentelles à un phénomène dont la définition n’est pas fixée ? Ce manque d’informations pose aussi
la question de la construction et l’acceptation d’un discours dominant sur la violence. Enfin,
malgré le manque de preuve quant aux activités des maras, celles-ci sont tenues responsables
de la vague de violence régionale. En réponse, des politiques publiques elles-mêmes très
agressives à l’encontre des gangs sont mises en place et paradoxalement renforcent la
violence au nom de la sécurité des citoyens. La problématique de cet essai consiste à
s’interroger sur le passage d’un discours sociologique et social à un discours sécuritaire. Les
premières études sur les maras, centrées sur l’aspect social et sociétal du phénomène, ont été
remplacées par une approche sécuritaire. Dans un contexte d’étude sur la globalisation et les
phénomènes transnationaux, les maras ne sont plus abordées comme un phénomène objectif
mais comme une menace criminelle à éliminer. C’est la formation du discours qui joue un
rôle essentiel dans l’orientation de la compréhension du phénomène. L’enjeu est de gagner le
contrôle sur l’interprétation de la violence et ainsi de contrôler la représentation des acteurs,
motifs et événements dans ce discours sur la violence. Une hypothèse centrale à ce mémoire
est la tendance et la manière de placer certains incidents violents dans un cadre particulier qui
requiert en réalité un recadrage ; recadrage qui a son tour peut contribuer à une reformulation
de la réalité et donc à une persistance des événements initiaux. Il ne s’agit pas de nier
6
l’existence des événements initiaux, c'est-à-dire les actes criminels et violents des maras, mais
de montrer que le discours sur ces groupes est dominé par certaines idées favorisant une
compréhension particulière du phénomène et donc certaines solutions. Or ces solutions vontelles-mêmes avoir des effets contre-productifs et renforcer la violence initiale. Il s’agira ainsi
d’étudier une dynamique majeure : celle de la formation du discours (apparition d’un accord
hégémonique, acceptation majoritaire et/ou résistances marginalisée), qui permet l’étape de
légitimisation (comment et pourquoi le public en vient à accepter un cours d’action
proposées) puis d’institutionnalisation d’une interprétation du phénomène qui débouche sur la
mise en place de politiques particulières (manière dont cette lutte est traduite en mesures
politiques et judiciaires). La problématique de ce mémoire consiste donc à montrer en quoi le
développement d’un discours sécuritaire sur les maras a contribué à la mise en place de
politiques de lutte contre la violence qui ont paradoxalement renforcé le phénomène des
maras et participé de la création d’un cercle de violence stigmatisant une frange entière de la
société.
Il est possible de différencier deux types de discours produits sur les maras. D’une
part, les études à caractère sociologique sont les plus anciennes. Elles s’intéressent avant tout
à l’analyse de la mara comme phénomène social et aux mareros comme acteurs exclus des
sphères sociales et recréant des processus de socialisation parallèle au sein de groupes. Ces
études fournissent des informations sur la composition des maras, leurs rites (rites d’entrée
notamment) et codes distinctifs (tatouages, langage des signes, vocabulaire). Bien que le
thème des gangs de rue ne soit pas récent dans la sociologie américaine 18, ce n’est que depuis
très récemment que des chercheurs d’Amérique latine se sont emparés du sujet. Selon
Merino19, les premiers écrits sur les maras sont journalistiques et apparaissent à la fin des
années 80 mais de manière très rare. Dans les années 90, quelques études universitaires
traitent du sujet. L’approche est alors centrée sur les conditions sociales des jeunes de gangs.
A la même période, plusieurs chercheurs s’interrogent sur les caractéristiques et codes de ces
maras. Des auteurs comme Savenije et Rodgers se penchent ainsi la violence des maras
comme traits et expression identitaires. Rodgers, en tant qu’anthropologue réalise des études
en s’immergeant au sein mêmes des pandillas20. Notons la publication entre 2001 et 2006
18
L’Ecole de Chicago (courant de pensée sociologique né aux Etats-Unis au début du 20ème siècle) se dédie à
l’étude des relations interethniques et de la délinquance aux Etats-Unis.
19
Merino, «Las maras en Guatemala», en ERIC, IDESO, IDIES, e IUDOP, Maras y pandillas en
Centroamérica, Vol. I, Managua: UCA Publicaciones, 2001, pp. 108-218.
20
Dennis Rodgers, « Un antropólogo-pandillero en un barrio de Managua», Envío, No. 16, Managa:
Universidad Centroamericana, 1997, pp. 10-16.
7
d’une des premières grandes études sur les maras réalisée par l’Universidad Centroaméricana,
Maras y pandillas en Centroamérica. D’autre part et plus récemment, s’est développée une
approche beaucoup plus sécuritaire du phénomène. Face à la publication des taux de violence
de la région d’Amérique centrale et principalement du Triangle du Nord (Honduras,
Guatemala, Honduras), un certain nombre d’acteurs, universitaires, journalistes et
gouvernements, se sont intéressés à la menace et au risque posés par ces groupes de jeunes.
Le phénomène a pris une telle importance au sein du discours sur l’Amérique centrale que les
Etats-Unis ont aussi mis en place des groupes de travail consacrés exclusivement aux maras.
Dans cet essai, nous nous intéresserons principalement à ce deuxième type de discours dans la
mesure où il est actuellement le plus répandu et où il s’accompagne d’effets concrets, illustrés
par la mise en place de politiques publiques de lutte contre les maras. Il ne s’agira pas
d’expliquer le risque posé par le phénomène des gangs, mais d’analyser le discours lui-même
afin de comprendre comment ce discours modèle et influence la perception du phénomène.
En effet, si de nombreux discours sont produits par les médias, la production même du
discours a rarement été mise au centre de l’étude. Or déconstruire le discours est essentiel
pour comprendre pour quelles raisons, sur quels fondements et de quelles manières sont
formulées les réponses aux maras. La simple qualification de ce phénomène comme
« menace » ou « problème » constitue une première tentative d’orienter la compréhension du
phénomène.
L’étude de la couverture médiatique, que nous détaillerons par la suite, laisse
apparaitre une tendance, lorsque les maras sont évoquées, à ne citer précisément que deux
entités : la Mara Salvatrucha (MS-13) et la mara Barrio Dieciocho (Pandilla Dieciocho), qui
constituent les deux bandes principales en termes de membres et d’expansion territoriale.
Ainsi l’UNDOC21 estime que la Mara Salvatrucha compte 5000 individus au Guatemala,
12 000 au Salvador et 7000 au Honduras, tandis que sont recensés pour la Dieciocho 17 000
individus au Guatemala, 8000 au Salvador et 7000 au Honduras.
Malgré l’existence d’une
multitude de gangs de rue, ces deux maras suscitent depuis quelques années un intérêt
sécuritaire, académique, médiatique ou politique particulièrement fort. Un exemple illustrant
parfaitement l’inquiétude particulière que constituent ces groupes est la création par le FBI
d’un groupe de travail spécialement dédié à la lutte contre la MS-13. Ce mémoire aura ainsi
pour objet d’analyser le discours produit sur ces maras, en notant que la majorité des écrits,
discours et articles s’arrêtent de manière quasi systématique sur le cas d’une de ces maras. La
21
UNDOC, op.cit., p. 19.
8
lecture et l’analyse des productions sur la MS-13 et la mara Dieciocho en font des cas
d’études permettant d’expliquer la perception du phénomène par les populations.
L’expression « Amérique centrale » fait référence à l’unité géographique composée
du Belize, Costa Rica, Salvador, Guatemala, Honduras, Panama, Nicaragua qui constitue en
outre une unité géopolitique du fait de leur participation au sein du Sistema de la Integración
Centroaméricana (SICA). Les pays sur lesquels nous nous pencheront plus précisément sont
le Salvador, le Honduras, le Guatemala et le Nicaragua qui sont les pays les plus concernés
numériquement par le phénomène des maras et pandillas. De nombreux rapports nationaux
sont produits alors qu’il n’existe qu’un nombre très limité d’études globales, permettant un
aperçu plus compréhensif. Aborder différents pays fournit ainsi l’opportunité de dépasser
l’image générique attribuée aux maras et de rentrer dans la diversité et la complexité du
phénomène. Ces pays représentent en effet la diversité des contextes nationaux permettant
d’éviter les raccourcis explicatifs tels que « les maras sont un produit des guerres civiles ».
La méthodologie principale de cet essai s’appuie sur l’analyse de la communication
politique et médiatique. Notons qu’un nombre extrêmement limité de sources sont en français.
Au cours de mes recherches, j’ai pu me rendre compte de la pauvreté des études françaises et
plus largement européennes sur le sujet. Notons cependant que depuis quelques années, la
Commission européenne s’intéresse au phénomène et financent des programmes de
développement en Amérique latine. En revanche, les Etats-Unis et l’Amérique latine ont
beaucoup produit sur le sujet, des points de vue que nous avons mentionnés précédemment ;
sociologique et sécuritaire. Il est donc faux d’affirmer que les données n’existent pas.
Cependant, si les données et études existent, il est courant de noter que les auteurs se citent
entre eux. Autrement dit, il est rare de trouver des données et/ou approches originales sur le
sujet. L’aspect sociologique ayant été largement traité, cet essai s’est construit à partir de
l’analyse des journaux de différents Etats. Plus précisément, l’intérêt s’est porté sur les titres,
les images utilisées et les méthodes linguistiques. Les bornes chronologiques de l’étude
médiatique sont larges (2003 – 2013) afin de montrer la persistance, malgré les évolutions
politiques et les critiques des politiques publiques mises en place, d’un certain type de
discours.
Plusieurs théories de la communication sont au centre de cette étude. Dans un
premier temps, la théorie de « la spirale du silence » énoncée par Elisabeth Noëlle-Neumann
nous permet de comprendre comment l’opinion publique, synonyme d’une opinion
dominante, s’installe et étouffe les opinions divergentes. Ce modèle est basé sur l’hypothèse
que l’individu redoute l’isolement social. Par conséquent, dans une situation où l’individu se
9
retrouve pris dans un conflit d’opinion, s’il partage le point de vue dominant, il aura plus de
facilité à l’exprimer. En revanche, s’il perçoit que son opinion est minoritaire, sa confiance en
lui baissera et il aura tendance à ne pas exprimer son opinion. Ainsi selon Neumann, « la
tendance à s’exprimer dans un cas et à garder le silence dans l’autre, engendre un processus
en spirale qui installe graduellement une opinion dominante »22. Mise en relation avec notre
sujet, nous pouvons observer que la violence souffre de cette spirale du silence dans la mesure
où en Amérique centrale, il est difficile de trouver un individu qui ne dira pas que la
délinquance est un problème important, et ce indépendamment du nombre d’homicides et du
fait que cet individu ait déjà ou non été victime d’un acte de délinquance. D’autre part, nous
utiliserons la théorie de la « securitization » développée par l’Ecole de Copenhague qui met
en lien communication et sécurité. Ce concept désigne la manière dont un thème, à priori
non relié à des enjeux sécuritaires, devient par la communication et les actes discursifs, un
enjeu reconnu comme sécuritaire par l’opinion publique. Le thème a été employé initialement
par Ole Waever en 1995 avant d’être étendu plus généralement à l’étude des relations entre
discours et sécurité internationale 23.
Les hypothèses énoncées précédemment ont été testées en analysant le discours
médiatique à partir de l’étude d’extraits de journaux disponibles en version électronique. La
recherche a donc été limitée par la mise en ligne des articles et leur accessibilité totale ou
partielle. D’autre part, une grande partie du travail a constitué en l’observation, l’analyse et la
synthèse de données statistiques liées à l’immigration, aux déportations, aux taux de
criminalité afin de les mettre en relation avec les informations produites dans les médias. Ce
travail s’est heurté à plusieurs difficultés liées à la nature des données. Les chiffres sur la
criminalité sont toujours à observer avec précaution afin de prendre en compte, comme nous
l’avons mentionné précédemment, l’existence d’une marge d’erreur relativement importante.
Enfin, afin de mettre en relation discours et pratiques, un travail d’analyse de rapports
d’organismes de défense des droits humains a été effectué. Par le biais de contact avec les
Nations Unies, et plus particulièrement avec le Centre d’information régional des Nations
Unies (UNRIC), des études réalisées par le Rapporteur Spécial pour les Nations Unies ont pu
être utilisées.
La thèse défendue dans cette étude consiste à montrer que les politiques répressives
mises en œuvre pour lutter contre les maras, ne répondent pas à des actes de violence mais
22
Elisabeth Noëlle-Neumann, « The spiral of silence», Journal of communication, No. 24, 1974, pp. 43-54.
Traduit par Gilles Achache, Dorine Bregman, Daniel Dayan, p. 182.
23
Barry Buzan, Ole Waever, and Jaap de Wilde, Security: A New Framework for Analysis, Boulder: Lynne
Rienner Publishers, 1998.
10
avant tout à des discours sur la violence et les gangs produits par un groupe d’acteurs
dominants. Ces politiques, de part leur nature punitive et répressive, engendrent en retour de
nouveaux actes de violence de la part des acteurs originellement visés (les maras) mais aussi
de la part d’acteurs institutionnels. Le résultat de cette étude est donc que la problématisation
de la délinquance juvénile a conduit les gouvernements à répondre à la violence par des
mesures autoritaires et exceptionnelles participant de la mise en place d’une violence d’Etat.
Cette démonstration est composée de trois parties. Une première partie constituera un
retour sur le phénomène des maras comme fait social. Il s’agira d’une partie académique
revenant sur la littérature sociologique disponible et traitant des contraintes liées au sujet, des
explications multiples avancées sur les maras afin de montrer l’enjeu fondamental que
constitue la définition du sujet. Si les maras peuvent être qualifiées de transnationales, c’est
par leur nature et leurs identités mêmes. S’agissant de leurs activités, la tendance est plutôt
opposée et met en valeur des activités avant tout localisées. La seconde partie forme la
charnière de la démonstration en étudiant la production du discours. Il s’agira de s’intéresser
au contexte de construction du discours sur la violence. Nous effectuerons une synthèse des
observations relatives au traitement de la couverture médiatique des maras, qui permettra de
montrer que plusieurs techniques journalistes et discursives participent du développement
d’un discours hégémonique permettant la criminalisation d’un groupe social. A partir de
l’analyse du discours sur les maras et de la construction du phénomène marero et de sa
perception par le public, la dernière partie illustrera les politiques et mesures mises en place
en réponse à ce discours. Nous expliquerons les instruments mis en place dans les différents
Etats et la manière dont les ces mesures ont été appuyées par les médias. D’autre part, nous
effectuerons un retour critique sur ces mesures et donc sur le discours dominant relatif aux
gangs. Il s’agira de montrer comment ce discours a renforcé la distanciation et l’exclusion des
maras et a légitimé la mise en place de mesures sécuritaires violant les droits de l’Homme des
mareros au nom de la protection et de la sécurité du reste de la population.
11
PREMIERE PARTIE - Entre local et transnational : maras et
gangs juvéniles, un phénomène multidimensionnel
L’étude des maras se heurte à plusieurs obstacles. D’un point de vue pratique, la
nature informelle du phénomène limite la collecte de données ; faisant reposer l’information
majoritairement sur des rapports policiers. Il n’est ainsi pas possible de dater ou de situer
géographiquement l’apparition des maras. En effet, une multitude d’Etats recensent sur leur
territoire des gangs, que ceux-ci soient locaux, régionaux, nationaux ou transnationaux. D’un
point de vue académique, l’enjeu majeur se situe au niveau de la définition. Cette
problématique est au cœur de ce mémoire dans la mesure où nous étudierons le discours et les
luttes d’interprétations se jouant autour du phénomène. Mais dans cette première partie, nous
nous arrêterons sur un aspect primordial du discours : la définition du sujet. De quoi parle-ton lorsqu’un « gang », une « mara » sont mentionnés ? Dès cette phase, l’étude se heurte à un
paradoxe initial fondamental : l’absence de consensus universel sur la définition d’un gang.
Afin de répondre à cette question initiale, nous essayerons dans un premier temps de
contextualiser l’apparition des maras. Nous étudierons ensuite les facteurs ayant contribué à
leur expansion afin de montrer que si les maras sont un phénomène transnational, elles le sont
avant tout sur le plan identitaire.
Chapitre 1 -
Les gangs de rue : un phénomène ancien mais
évoluant dans un monde globalisé
« Les gangs ne sont en aucun cas un phénomène social rare »24. Les gangs ont
toujours existé en Amérique latine. Après avoir expliqué les origines des maras, nous
montrons que l’enjeu principal du sujet réside dans sa définition. En effet, malgré l’usage
médiatique, politique et scientifique abondant des termes de gangs et maras, leur caractère
générique masque en réalité la diversité et l’hétérogénéité du phénomène.
24
Dennis Rodgers and Robert Muggah, « Gangs as non-state armed groups: the Central American case »,
Contemporary security policy, Vol. 30, no. 2, 2009, pp. 301-317. [traduction personnelle]
12
Section 1 -
Aux origines des gangs d’Amérique latine : des
descendants centraméricains installés aux Etats-Unis
Malgré leur apparition récente sur le devant de la scène médiatique et politique, les
gangs sont un phénomène ancien et universel. Les maras étudiées dans cet essai, Mara
Salvatrucha et Barrio Dieciocho, trouvent leurs origines dans l’exclusion sociale dont sont
victimes les descendants d’immigrés centraméricains à leur installation aux Etats-Unis. Puis
ces groupes bénéficient des effets de la mondialisation et notamment de l’expansion du
marché de la drogue.
I - Les gangs : un phénomène universel
Le phénomène des gangs, même s’il constitue un problème majeur sur le continent
américain, n’est ni nouveau ni spécifique. Les études sur les gangs, groupes et bandes
organisées25 insistent ainsi sur l’aspect mondial de ce phénomène ; on trouve des gangs dans
presque tous les pays, ce qui diffère étant leur nombre, leur organisation, leurs activités, etc.
Spergel montre ainsi que dans les années 1600, Londres comptait déjà avec la présence de
groupes connus sous les noms des « Mims », « Dead Boys »26, etc. Dans le cas des EtatsUnis, Bauer et Perez27 insistent sur la création de gangs composés d’adolescents ou de jeunes
adultes, représentant la majorité des nationalités présentes sur le territoire (qui a inspiré la
comédie musical West Side Story). Ce qui attire cependant l’attention dans le cas de
l’Amérique latine et ce depuis environ deux décennies, est la prolifération et l’expansion de
ces gangs, principalement dans le Triangle du Nord : Guatemala, Honduras et Salvador. La
forme actuelle des deux maras principalement étudiées dans cet essai, Mara Salvatrucha (MS13) et Mara Dieciocho (Barrio Dieciocho), est issue des gangs californiens composés
d’immigrés d’Amérique latine. En effet, plusieurs vagues d’immigration voient arriver aux
Etats-Unis et principalement en Californie (Los Angeles) des milliers de migrants venus
d’Amérique Centrale. Si les universitaires ne s’accordent pas sur la définition, l’organisation
ou les activités des maras, le consensus en revanche s’effectue sur les origines des maras dans
25
Nous voyons déjà à ce stade l’enjeu posé par la définition du sujet. Nous consacrerons la partie suivante à la
définition et au cadrage sémantique du phénomène des maras dans la mesure où il s’agit d’un paradoxe majeur
lié à l’étude du phénomène.
26
Irving A. Spergel, The Youth Gang Problem, Oxford: Oxford University Press, 1995.
27
Alain Bauer et Emile Perez, L’Amérique, la violence, le crime. Les réalités et les mythes, 2nde éd., Paris :
Presse Universitaire de France, 2000.
13
les rues californiennes. Ces gangs de Californie ne sont pas les plus anciens, cependant ils se
distinguent par leur vitesse de croissance et leur niveau d’expansion.
II -
Les gangs de jeunes d’Amérique latine : un produit de l’exclusion
Les premiers descendants mexicains s’installent en Californie il y a plus d’un siècle.
Valdez28 note qu’une grande partie des premiers gangs de rue mexicains ne trouve pas ses
racines dans les premières générations d’immigrés. Au contraire, les jeunes formant les gangs
appartiennent alors à des familles installées à Los Angeles et discriminées depuis plusieurs
générations. Notons à ce stade que le développement des gangs plus récents s’est effectué
similairement en réponse à la marginalisation et ségrégation vis-à-vis de la culture américaine
mais aussi vis-à-vis de la population d’Amérique latine (mexicaine principalement) déjà
établie.
C’est dans le quartier du Rampart qu’est formée, dans les années 60 la mara Barrio
Dieciocho (du nom de la rue 18th Street) composée alors en majorité de jeunes d’origine
mexicaine. Dans les années 70 et 80, une nouvelle vague d’immigration en provenance
d’Amérique latine s’installe en Californie pour fuir la pauvreté, les conflits et la répression
politique29. Ces jeunes immigrés commencent alors à créer leurs propres gangs pour se
protéger contre les gangs mexicains. En effet, la guerre civile au Salvador (1980-1992)
déclenche un exode massif de plus d’un million de Salvadoriens vers Los Angeles et
Washington. Notons que certains individus ont alors des liens avec La Mara (gang de rue
salvadorien) et/ou le Front Farabundo Marti de libération nationale 30. Les Salvadoriens
s’installent en grande partie au Rampart mais ils font face à un choc culturel et à l’exclusion
au sein de la culture centraméricaine californienne. En quête de protection et d’intégration,
certains rejoignent Barrio Dieciocho tandis que d’autres forment leur propre gang : la Mara
Salvatrucha. C’est à cette période (début des années 90) que la violence commence à
28
Al Valdez, « The Origins of Southern California Latino Gangs », in Thomas Bruneau, Lucia Dammert et
Elizabeth Skinner (eds.), Maras. Gangs violence and security in Central America, University of Texas Press,
2011, pp. 24-26.
29
Wim Savenije, « Las pandillas transnacionales Mara Salvatrucha y Barrio 18st. : Una tensa combinación de
exclusión social, delincuencia y respuestas represivas », in T. Lesser, B. Fernandez, L. Cowie et N. Bruni (eds.),
Intra-Caribbean Migration and the Conflict Nexus, San Salvador: FLASCO Programa El Salvador, 2006, pp.
205-228.
30
Peu d’informations sont disponibles à ce sujet. Voir Beary '07, Patrick, « Globalization and Gangs: The
Evolution of Central American », Honors Projects. Paper 6, 2007.
http://digitalcommons.iwu.edu/intstu_honproj/6
14
escalader entre les gangs de rue californiens. Les motifs de conflit tournent autour du contrôle
du territoire et du trafic de drogue.
III -
Les gangs bénéficient des effets de la mondialisation du trafic de drogues
Plusieurs études font apparaitre les années 90 et surtout 2000 comme un tournant
dans l’évolution du phénomène des maras. Cette période est marquée par une explosion de
violence entre gangs. La synthèse des différents travaux laisse apparaitre un certain flou sur
l’influence du trafic de drogue sur les gangs d’Amérique latine. Le rôle du trafic de drogue
dans l’évolution des gangs est difficile à évaluer car celui-ci est associé à une multitude de
causes et conséquences qui souvent agissent entre elles comme des mécanismes autoamplificateurs. Certains auteurs, notamment l’anthropologue Dennis Rodgers, accorde au
marché de la drogue un rôle prédominant dans l’évolution des gangs. Selon Rodgers, les
dynamiques des maras auraient changé en réponse à leur relation ambivalente face aux
drogues. D’abord consommateurs de drogue, les maras, principalement dans les années 2000,
seraient passées d’ « institutions sociales » à des structures avant tout « économiques » en
charge du trafic de drogue. En conséquence, la violence serait alors devenue un outil de
transaction au service du profit lié à la drogue. Ce point de vue se retrouve rarement dans les
différents travaux, qui majoritairement insistent sur le fait que la drogue a toujours été
présente dans le monde des maras. En revanche plusieurs éléments sont certains. D’une part,
l’Amérique centrale est une région majeure du trafic de drogue. La Banque Mondiale estime
ainsi que 90% de la cocaïne destinée aux Etats-Unis transitent par cette région, accompagnés
d’énormes flux financiers associés à ce trafic 31. D’autre part, l’économie souterraine a évolué
sous l’influence des processus de mondialisation. Les marchés illégaux, qui ont toujours
existé, sont devenus des parties intégrales du système mondial dans la mesure où ces poches
informelles remplissent alors des fonctions de survie pour les groupes sociaux exclus du
système d’échange traditionnel. En ce sens, le trafic de drogue devient pour les mareros plus
qu’un bien de consommation ; une ressource financière. Cette évolution de la place de la
drogue dans les activités des maras est un facteur expliquant la montée de la violence, non
liée à la consommation de drogue par les mareros, mais à la lutte pour le contrôle et le marché
territorial du trafic32.
31
World Bank, Crime and violence in Central America: a Development Challenge, Washington, DC: World
Bank, 2011, p. 12.
32
Ibid., p. 13.
15
Avant de nous interroger sur le développement et l’expansion récente des maras,
revenons sur la définition du phénomène. En effet, si les origines des maras sont plutôt
acceptées dans le monde universitaire, le débat est en revanche vif quant à la nature même du
phénomène.
Section 2 -
Définir le phénomène : un enjeu académique et
politique
Alors que de nombreux discours, médiatiques, politiques et académiques, sont
produits sur les maras, un paradoxe fondamental se dessine : l’absence de consensus sur la
définition d’un gang. Plusieurs questions se posent en effet quant à la nature d’un gang, la
différence entre maras et pandillas et la classification des gangs. La définition constitue en
effet un enjeu fondamental puisqu’elle est une première interprétation du phénomène.
I - La problématique définition du gang
Une des difficultés majeures de l’étude du phénomène des maras et des gangs de
manière générale se trouve dans la définition. Nous remarquons qu’une partie importante de
la littérature sur les gangs, n’utilise paradoxalement pas ou très peu ce terme 33. Le terme
« gang », si presque exclusivement connoté péjorativement, reste extrêmement générique et
englobe différentes sortes de groupements. Parmi les sources bibliographiques sur le sujet, la
Banque Mondiale mentionne « les enfants des rues » ; termes sous lesquels sont regroupées
plusieurs formations semi-organisées34. D’autres sources parlent « d’enfants soldats »35. De
nombreux auteurs ont tenté de répondre à la question de la définition d’un gang 36. Ces
définitions décrivent des groupes de jeunes non-supervisés développant une organisation par
le biais du conflit avec les autorités et des groupes rivaux. Dans ce premier groupe
définitionnel, il n’est pas question d’illégalité ou de criminalisation. A l’inverse, des auteurs
33
John M. Hagedorn, «The Global Impact of Gangs », Journal of Contemporary Criminal Justice, Vol. 2, No.
2, May 2005, pp. 153-169.
34
Elena Volpi, «Street Children: Promising Practices and Approaches», World Bank Institute, WBI Working
Papers, 2002.
35
Jo Becker, «Children as Weapons of War», in Human Rights Watch, World Report 2004, Human Rights and
Armed Conflicts, 2004, pp. 219-245.
36
Voir notamment Frederic Milton Thrasher, The Gang: A Study of 1,313 Gangs in Chicago, Chicago:
University of Chicago Press, 1927 et Joan W. Moore, Homeboys: Gangs, drugs, and prison in the barrios of Los
Angeles. Philadelphia: Temple University Press, 1978, 239 pp.
16
comme Klein37 et Miller 38 insistent sur cet aspect criminel pour définir un gang. De plus, les
définitions de gangs varient en fonction de la perspective adoptée. Certaines se centrent sur
les activités des maras, d’autres sur les membres. Une remarque intéressante faite par
Laurence Tichit 39 porte sur la tendance à populariser une classification des gangs issue du
milieu policier et mettant l’accent sur les notions de criminalité et la violence. Nous
reviendrons plus précisément sur les impacts d’une telle typologie. Cette variété des
définitions fournit un premier argument à l’affirmation selon laquelle les maras ne constituent
pas un phénomène homogène. Elles se distinguent selon leur taille, composition, structure,
activités et le contexte dans lequel elles se trouvent 40. Malgré les discours stéréotypés et
généralisateurs, les maras ne peuvent se comprendre que comme un phénomène pluriel et
hétérogène.
II -
Différencier maras et pandillas ?
Le terme mara est en réalité utilisé en Amérique latine comme synonyme et
traduction espagnole de gang juvéniles. On trouve aussi régulièrement le mot pandilla. Pour
Savenije41, mara et pandilla sont deux termes décrivant un même phénomène. En revanche
pour Rodgers42, il faut distinguer ces deux phénomènes. Les pandillas sont des groupes
anciens nationaux et avant tout localisés. Les maras en revanche sont plus hiérarchisées,
organisées et sont issues des mouvements migratoires récents. La Mara Salvatrucha et Barrio
Dieciocho sont les illustrations de ce deuxième type. Un accord académique existe tout de
même sur l’étymologie du terme. Mara signifie avant tout ami, (amigo), monde, gens (gente),
peuple (pueblo), racaille (chusma) mais aussi marabunta qui fait référence à une espèce de
fourmi amazonienne très destructrice.
III -
Une classification laissant paraitre l’hétérogénéité et la diversité des gangs
37
Malcolm W. Klein, Street gangs and street workers. Englewood Cliffs, NJ: Prentice Hall, 1971.
Walter Miller, Violence by youth gangs and youth groups as a crime problem in major American cities.
Washington, DC: U.S. Department of Justice, 1976.
39
Laurence Tichit, «Gangs juvéniles et construits ethniques dans le contexte américain », Criminologie, vol. 36,
n° 2, automne 2003, pp. 57-68.
40
«Violencia Juvenil, Maras y Pandillas en El Salvador», in POLJUVE, ed., Informe para la discusión. San
Salvador: Interpeace, 2009, pp. 9-10.
41
Wim Savenije, «Las pandillas trasnacionales o “maras”: violencia urbana en Centroamérica», Foro
Internacional, Vol. 47, No. 3, julio-Septiembre, 2007, p. 638.
42
Dennis Rodgers, «Au pays des “maras” et des “pandillas”», Envío, junio, 2008.
38
17
Au sein des gangs, plusieurs classifications ont été proposées. Selon certains auteurs,
il est question de générations de gangs43 ; une classification reposant sur le degré
d’organisation et le type d’activité a alors été élaborée. Suivant cette graduation, on
distingue :
- les gangs de première génération : il s’agit des premiers gangs mexicains de Los
Angeles, centrés avant tout sur la protection du territoire, localisés, faiblement structurés et
engagés dans des « activités criminelles non sophistiquées ».
- les gangs de deuxième génération : plus organisés et centrés sur la réalisation de
profits et la conquête de marchés. Le rôle du chef est plus marqué. La majorité des gangs
urbains entreraient dans cette catégorie.
- les gangs de troisième génération : fortement structurés et centrés sur l’obtention
d’argent et de pouvoir par le biais d’activités criminelles sophistiquées. Ces gangs agissent
par delà les frontières. Certaines cliques de la MS-13 entreraient dans cette catégorie 44.
Cependant, nous y reviendrons par la suite, la présence de cellules ou cliques d’une mara, ne
signifie pas que celle-ci structure, organise et réalise ses activités de manière transnationale.
Une autre typologie proposée notamment par l’US Agency for International Development
(USAID) hiérarchise les organisations tombant sous la classification de gang ainsi 45 :
- crime organisé et chefs du narcotrafic international : niveau hiérarchique le plus élevé,
correspondant au niveau international,
- Chef des gangs transnationaux : ce niveau régional correspond aux leaders de la MS-13
ou de la Dieciocho,
- Membres de cliques de gang : niveau national correspond au chef d’une cellule (clika)
ou sous-division de la MS-13 ou de Dieciocho,
- membre de gang : ces gangs se situent au niveau local du quartier (barrio) et ne sont pas
forcément des membres de la MS-13 ou de sa rivale,
- jeunes vulnérables risquant d’intégrer une mara : ce groupe est très large et est composé
d’une multitude de jeunes en situation de marginalisation sociale et économique.
En outre, les études réalisées à l’échelle nationale proposent aussi des classifications de maras
et pandillas. Andino propose ainsi de classer les pandillas honduriennes46:
- pandillas californiennes comme la MS-13 et Barrio Dieciocho,
43
Al Valdez, op. cit., pp. 36-37.
Ibid., p. 36.
45
USAID (Bureau for Latin American and Caribbean Affairs, Office of Regional Sustainable Development),
Central America and Mexico gang assessment, April 2006, pp. 13-15.
46
Tomas Andino Mencía, Las Maras en la Sombra. Ensayo de actualización del fenómeno pandillero en
Honduras. Tegucigalpa : Universidad Centroamericana “Simeón Canas”, Septiembre, 2006, p. 10.
44
18
- pandillas traditionnelles satellites des pandillas californiennes,
-pandillas traditionnelles indépendantes qui n’ont aucun lien avec les pandillas
précédentes,
- pandillas de jeunes riches, etc.
L’examen de ces classifications révèle que lorsque les autorités, les universitaires, les
experts ou les médias utilisent les termes « maras » et « pandillas », et « mareros » et
« pandilleros », ils englobent et confondent en fait plusieurs types de réalités:
- un groupe d’amis (« cheros ») souvent jeunes ayant en commun un territoire et/ou
certaines activités et ayant recours de manière récurrente à la violence,
- un groupe identitaire qui s’affronte régulièrement à d’autres groupes au nom de la
victoire et de la domination de leur groupe,
- les maras les plus connues : MS-13 et Mara Barrio 18,
- un groupe criminel organisé.
Cette généralisation opérée dans les discours est problématique dans la mesure où ces
différents types de maras sont regroupés et connotés « groupes délinquants » voire
« criminels ». Outre la définition des termes « gang » et « mara », il s’agit aussi de définir ce
qu’est la « violence juvénile » dont sont accusés ces groupes.
IV -
Violence juvénile : une définition législative ou sociologique ? Définir pour
comptabiliser
De manière générale, la violence juvénile caractérise des activités, actions et actes
violentes réalisés par des enfants ou adolescents. Chaque Etat définit en termes législatifs les
catégories d’âge de chaque groupe, les législations nationales diffèrent donc entre elles. Un
des problèmes majeurs est l’absence de consensus sur le plan sociologique sur la limite entre
l’adolescence (adolescencia) et la jeunesse (juventud). De même sur le plan législatif, certains
Etats comme le Honduras reconnaissent la période de « jeunesse » entre 18 et 30 ans, tandis
que d’autres Etats comme le Salvador ne définissent pas législativement cette classe d’âge47.
Au niveau international, les Nations Unies appliquent le terme « jeune » aux individus de 15 à
24 ans, tandis que l’Organisation Mondiale pour la Santé définit un « adolescent » comme un
individu âgé de 10 à 19 ans. Définir la « jeunesse » devient encore plus problématique quand
des facteurs culturels entrent en jeu. S’ajoute donc au problème initial de définition d’une
47
Violencia juvenil, maras y pandillas en El Salvador, op. cit. p. 8.
19
mara, un enjeu de définition de la violence juvénile, mêlant, confondant et parfois opposant
aspects législatifs et sociologiques. Cela explique la variabilité des chiffres proposés relatifs
au nombre de membres de maras. Les estimations proposent un « recensement » des mareros
allant de 10 000 à plus de 300 000 individus. Pourtant un consensus informel existe sur le
chiffre de 70 000 mareros pour la région d’Amérique centrale 48.
Nous sommes ainsi face à un paradoxe initial mais essentiel dans l’étude des maras.
Comment dénombrer, décrire, analyser et agir sur un phénomène si celui-ci ne parvient même
pas à recevoir une définition universelle ? Suivant la définition utilisée, le phénomène recensé
sera différent en nature et en nombre. Ce flou sur la définition précise du phénomène des
maras est au cœur de notre analyse. En effet, nous verrons que cette absence de définition et
de données est utilisée et renforcée par les médias et les politiques dans leur volonté d’agir sur
ce phénomène.
Chapitre 2 -
Les facteurs d’expansion des maras : un phénomène
multi-causal
Les maras et pandillas ne sont pas un phénomène nouveau. Il s’agit donc de
comprendre comment et pourquoi ces maras ont acquis une telle présence et dimension dans
cette région et plus précisément dans le Triangle du Nord. L’hypothèse principale de cette
partie est de montrer que les maras sont un phénomène multi-causal mais avant tout social.
Après avoir étudié le rôle des guerres civiles et l’existence d’une culture de la violence, nous
montrerons que les migrations et déportations ont joué un rôle essentiel dans l’expansion du
phénomène. Cependant contrairement à l’idée reçue, les mouvements migratoires ont
simplement renforcé et transformé un phénomène existant. En effet, si les maras ont acquis
une telle expansion en Amérique latine, c’est car la région présente un terrain social et
sociétal fertile, très favorable au renforcement du phénomène.
Section 1 -
Guerres, post-guerres et démobilisation : une histoire
de violence
48
World Bank, op.cit., p. 15.
20
L’histoire violente de l’Amérique latine est souvent évoquée comme explication aux
taux d’homicides et à la violence régionale. Les guerres civiles et la répression politique quasi
généralisée ont en effet provoqué le déplacement massif de milliers de nationaux. Cependant,
la corrélation est à nuancer.
I - Histoire, culture et institutionnalisation de la violence
Le climat de violence politique caractérisant l’Amérique latine des années 80 a eu
plusieurs conséquences. Avant de nous pencher plus en détail sur ces impacts, il convient de
mentionner un aspect oublié des études. Cette répression politique touchait aussi les gangs, en
les rendant de facto très peu audibles. Ce point nous permet simplement de montrer que les
gangs ne sont pas apparus soudainement à la fin des guerres ou dictatures ; le phénomène de
libéralisation politique du continent a, au contraire, rendu visible ces groupes.
A la suite de l’étude de nombreuses recherches sur les maras, le facteur dit
« culturel » et « historique » revient de manière quasi systématique. Selon cet argumentaire, la
violence actuelle dans la région d’Amérique Centrale s’explique par la culture de violence de
la région. Au cours de l’Histoire, ce continent a été le témoin d’une violence perpétuelle :
depuis les rituels précolombiens des Mayas, Incas et Aztèques, suivis par les colonisations
espagnoles et portugaises, l’extermination des peuples natifs, l’indépendance et la création de
nouveaux Etats qui s’accompagnèrent de conflits entre centralistes et fédéralistes 49, et les
épisodes de guerres civiles et de dictatures militaires. Le Guatemala (1960-1996), Salvador
(1980-1992) et le Nicaragua (1972-1979, puis la guerre des Contra jusqu’en 1991) ont ainsi
subi des guerres civiles qui ont laissé des traces profondes dans le tissu social. Cette violence
aurait alors été intégrée par les sociétés et les individus comme mode de résolution de tous les
problèmes et se serait institutionnalisée. Cette perspective, reprise par le rapport POLJUVE50
sur le Salvador, montre que ce pays, malgré la fin du conflit reste marqué par la violence.
Cette violence se retrouve dans le taux d’homicides du Salvador et des autres Etats de la
région, parmi les plus élevés du monde, mais aussi dans les prisons, au sein de la famille et
dans les campagnes politiques marquées par la peur. La violence ne s’est donc pas arrêtée
avec la fin des conflits.
49
Nicola Miller, «The historiography of nationalism and national identity in Latin America», Nation and
Nationalism, Vol. 12, issue 2, April, 2006, pp.201-221
50
Violencia juvenil, maras y pandillas en El Salvador, op. cit. p. 15.
21
II -
Le contexte post-guerre : une démobilisation sans alternative
Le contexte post-guerre est mobilisé pour expliquer la continuation de la violence.
Plusieurs aspects se détachent.
D’une part, les guerres civiles ont généralisé la circulation des armes à feu en
Amérique latine51 et ont facilité leur disponibilité pendant le conflit, mais aussi après. En
effet, dans les contextes post-conflits, des milliers d’armes continuent de circuler dans la
région. Selon la Banque mondiale, en 2007, environ 4,5 millions d’armes a feu légales et
illégales circulent dans toute l’Amérique centrale52. La nature clandestine de la détention de
nombreuses armes rend difficile des estimations précises. A titre d’exemple, au Guatemala,
environ 147 000 armes à feu sont déclarées, mais il est estimé qu’au total, près de 2 millions
d’armes sont en circulation. Cette situation se retrouve au Honduras, Nicaragua et Salvador 53.
D’autre part, dans les pays ayant connu des guerres, civiles, les mesures de
démobilisation et de réintégration des anciens soldats ont souvent été relativement négligées
et insuffisantes. Si les gouvernements, comme au Salvador, se sont attachés à désarmer les
guérillas, peu a été fait en revanche du côté judiciaire. Ainsi en 1992, un accord de paix est
signé au Salvador mettant fin aux forces de sécurité et s’accompagnant de la création de la
Policia Nacional Civil (PNC). Cependant, car les nouvelles forces de police étaient
numériquement insuffisantes, de larges parties du pays sont restées sans présence policière 54.
Autrement dit, si la démobilisation a bien eu lieu officiellement, elle ne s’est pas
accompagnée de mesures de « remplacement » viables. Cela nous amène donc à chercher les
raisons de cette « démobilisation incomplète » du côté de l’état institutionnel, mais aussi
social et économique de la région. Ce facteur explique ainsi la faible apparition des maras au
Nicaragua. A la suite de la guerre civile (1978-1990), les politiques de démobilisation
s’accompagnèrent de la distribution de terres cultivables aux contre-révolutionnaires
démobilisés55. De même, des campagnes annuelles de destruction des armes furent organisées
au Nicaragua et permirent la réduction et la stigmatisation du port d’armes.
Toutefois, il ne faut pas systématiser ce facteur « culture de la violence ». Tout
d’abord car cette généralisation échoue à distinguer les différentes formes de violence, leurs
motivations, causes, conséquences et contextes. Le Nicaragua a ainsi vécu sous des années de
51
José Miguel Cruz, «Los factores asociados a las pandillas juveniles en Centroamérica», Estudios
Centroamericanos (ECA), No. 685-686, noviembre-diciembre 2005, pp. 1159-1166.
52
World Bank, op. cit., p. 20.
53
Ibid., p. 20.
54
Sonja Wolf, «Street gangs of El Salvador», in T. Bruneau, L. Dammert et E. Skinner (eds.), op. cit., pp. 55-56.
55
David Close, Los años con Doña Violeta. Managua: Lea Grupo Editorial, 2005, p. 149.
22
guerres civiles, pourtant les maras, si elles existent, ne sont pas un problème majeur dans ca
pays. A l’inverse, le Honduras qui n’a pas connu de guerres civiles (mais a bien eu un
gouvernement militaire de 1972 à 1983), affiche un taux de criminalité et un recensement de
mareros comparables au cas salvadorien. Par conséquent, l’explication des gangs par les
guerres civiles ne permet pas de couvrir l’ensemble des pays concernés par le phénomène. Il
faut donc chercher du côté des facteurs plus externes à l’Amérique latine.
Section 2 -
Déportations et migrations : la circulation et
l’exportation de la violence
Une des conséquences les plus documentées et visibles des guerres civiles et de la
répression politique des années 80 fut les déplacements massifs de populations d’Amérique
Centrale vers les Etats-Unis. Après cette première expérience transfrontalière, un mouvement
inverse de déportation se met en place et contribue à l’exportation des modèles de violence
des gangs.
I - Les politiques migratoires américaines en réponse à la violence des gangs
Une des conséquences majeures des contextes violents de l’Amérique centrale des
années 80 est le déplacement massif de Salvadoriens, Honduriens, Guatémaltèques et
Nicaraguayens vers les Etats-Unis. A la suite de la formation de gangs centraméricains dans
les quartiers californiens et de l’augmentation de la violence 56, les autorités américaines
mettent en place différentes mesures antigangs. De manière générale, cette réponse consiste
en un durcissement des lois et sanctions liées aux activités des maras. Ainsi la loi de 1994
« Three Strikes you’re out »57 augmente considérablement le temps de prison pour les
coupables d’au moins trois délits sérieux. En 1996, le Congrès applique ce durcissement à la
politique de déportation avec l’ « Illegal Immigration Reform and Immigrant Responsibility
Act » (IIRIRA). Avant cet acte, les individus d'origine non-américaine pouvaient être déportés
pour certains types d’offenses mais seulement si leur peine était d’au moins cinq ans (ce qui
56
En avril 1992, des émeutes raciales éclatent à Los Angeles (appelées 1992 Los Angeles Riots ou Rodney King
Riots) à la suite d’un jugement acquittant des policiers de Los Angeles accusés d’agression et d’usage excessif
de la force. Une vidéo les montre battant Rodney King, citoyen afro-américain, à la suite d’un contrôle de police.
57
Ana Arana, «How the Street Gangs Took Central America», Foreign Affairs 84, No.3, May-June 2005, pp 98110.
23
permettait de qualifier le délit d’ « aggravated felony »). Dans un premier temps, l’IIRIRA
étend la définition d’ « aggravated felony », diminue la longueur de la peine de prison
nécessaire à un délit pour être qualifié d’ « aggravated felony » et permet l’application
rétroactive de cette catégorie. Ajoutée à cela, une disposition de l’acte élimine la possibilité de
suspendre une déportation. Autrement dit, l’IIRIRA augmente la liste de crimes passibles de
déportation et permet à cette dernière d’être appliquée beaucoup plus facilement. Suite à ces
lois, le nombre de déportés centraméricains explose58. Notons de plus que les gouvernements
d’Amérique Centrale recevant ces déportés n’avaient pas les moyens de vérifier l’histoire
criminelle des individus qui leur étaient renvoyés. Si l’image du déporté a donc été
énormément associée à celle du criminel, il convient de noter qu’une majorité de déportés ne
furent pas déportés pour des motifs criminels, mais pour des violations liées à leur statut de
résidence.59
II -
Déportations et exclusion : catalyseur de l’explosion des maras
A partir de 1993, qui marque le début de la politique de déportations américaines,
les Etats-Unis expulsent de nombreux ressortissants d’Amérique latine dont la majorité sont
originaires du Salvador, du Honduras et du Guatemala. Cela permet d’expliquer en partie la
situation du Nicaragua, qui malgré son histoire militaire, souffre beaucoup moins du
phénomène des maras que le reste du Triangle du Nord. Les Nicaraguayens ont bénéficié
d’une politique d’accueil de la part des Etats-Unis beaucoup plus clémente. En effet, le
contexte de la révolution sandiniste pousse le gouvernement Reagan à faciliter l’obtention du
statut de réfugié politique pour les Nicaraguayens fuyant le régime communiste. Les
Nicaraguayens ne représentent par conséquent qu’une minorité des déportés60. Entre 1993 et
2005, 2991 Nicaraguayens ayant des antécédents judiciaires sont déportés. A titre de
comparaison pour la même période, le nombre de déportés ayant un passé criminel est de :
22 512 Salvadoriens, 16 714 Honduriens et 13551 Guatémaltèques61.
Si les individus n’ayant pas d’antécédents criminels représentent une majorité de
déportés62, cette confusion et ce stéréotype du déporté-criminel s’installent dans les esprits et
58
Annexe 5.
Mary Helen Johnson, National policies and the Rise of transnational gangs, Migration Policy Institute, April
2006.
60
Dennis Rodgers, op. cit.
61
Alberto Martin Álvarez, Ana Fernández, et Karla Villarreal, «Difusión transnacional de identidades juveniles
en la expansión de las maras centroamericanas», Perfiles Latinoamericanos, no. 30, Jun-dic 2007, p. 114.
62
Annexe 5.
59
24
les discours et expliquent en partie l’exclusion rencontrée par ces déportés à leur retour en
Amérique Centrale. En effet, arrivés en Amérique Centrale, les déportés parlent un espagnol
auquel se mêle un vocabulaire américain, ils ont un mode vestimentaire et des tatouages
distinctifs. Paradoxalement, si ces signes les ont exclus du monde du travail et des
opportunités économiques, ils ont au contraire été un facteur d’attrait auprès d’une grande
partie de la jeunesse pauvre et locale, exclue elle aussi des sphères économiques et politiques.
Notons que de nombreux chercheurs et journalistes attribuent la dispersion transnationale et
l’explosion numérique des gangs aux politiques de déportation américaines 63. Cependant si
les gangs ont pu s’exporter et installer en Amérique latine c’est car le contexte y était
favorable.
Section 3 -
Exclusion sociale et défaut d’Etat : un terreau
favorable à la délinquance
Avant de rentrer dans les facteurs sociaux les plus souvent cités, pauvreté et présence
étatique insuffisante, arrêtons-nous sur des aspects souvent négligés des études, mais pourtant
fondamentaux.
I - Des facteurs négligés : population jeune et urbanisation rapide
Une dimension souvent oubliée du discours explicatif sur les maras est liée à la
composition même de la population d’Amérique latine. Dans cette région, la population jeune
est très importante, représentant pour la région64 qui nous concerne plus de 20% de la
population totale. Les jeunes ont donc statistiquement plus de risques d’être touchés par
l’exclusion sociale et économique. L’OMS 65 souligne que les jeunes d’Amérique Latine sont
les plus touchés au monde par la violence. De plus, sur le plan éducatif, nous constatons
qu’une partie très importante des jeunes est partiellement ou totalement exclue du système
scolaire. Ce n’est que très récemment que les systèmes éducatifs de la région se sont
63
Robert J. Lopez , Rich Connell and Chris Kraul, «An International Franchise», Los Angeles Times, 30 octobre,
2005.
64
Honduras, Salvador, Guatemala, Nicaragua. Annexe 6.
65
Organisation Mondiale de la Santé, World Report on Violence and Health, Genève: OMS, 2002, p. 27.
25
grandement améliorés66. Ainsi tous les pays de la région ont institué l’éducation primaire
comme obligatoire67. Cela signifie que des efforts sont encore possibles mais surtout qu’une
partie importante de la jeunesse n’a pu bénéficier de ces avancées qui ont eu lieu après la
période pendant laquelle ces jeunes étaient ou auraient pu être à l’école. De plus cette
amélioration régionale dissimule de fortes disparités nationales. Ainsi au Guatemala,
Honduras et Salvador, seuls 60 et 70% des jeunes de 3 à 18 ans ont accès à l’éducation 68. De
plus, l’observation des données quant au niveau d’études des individus ayant eu accès à
l’éducation nous indique d’autres faiblesses. Ainsi au Salvador, Honduras, Guatemala et
Nicaragua, moins de 58 et 76% des individus de 15 à 19 ans ont complété leur éducation
primaire. Ces taux diminuent logiquement plus le niveau d’études augmente. Cette donnée
numérique et statistique aide à comprendre l’importance des maras, constituées avant tout de
jeunes ne parvenant pas à s’intégrer économiquement. De nombreuses recherches ont en effet
montré le lien entre niveau d’éducation et sortie de la pauvreté. Ainsi l’accomplissement de
l’éducation secondaire est considéré comme nécessaire pour augmenter de manière
signification le niveau de vie d’un individu69.
D’autre part, la région a subi une urbanisation très forte, rapide et désorganisée dans
les dernières décennies. Selon Hagedorn, la majorité des gangs actuels est un produit de
l’urbanisation70. En effet, alors que le facteur migratoire est très présent dans les études, la
dimension interne des migrations est quasiment absente des données. Or la région a aussi
connu des déplacements importants de populations des villes vers les campagnes. Il s’avère
que les jeunes constituent une part majeure de ces migrants. La conjonction de l’urbanisation
rapide et de l’explosion de la population jeune facilite, selon les agences onusiennes, la hausse
de la violence :
« Les taux de criminalité ont tendance à être plus élevés dans les zones urbains que
dans les zones rurales, ce qui peut être attribué aux différences de contrôle et de cohésion
66
UNICEF (Bueau régional pour l’Amérique latine et les Caraibes), Completar la escuela. Un derecho para
crecer. Un deber para compartir, Panama : UNICEF, 2012, p. 16.
67
Annexe 6.
68
UNESCO (Bureau regional pour l’Amérique latine et les Caraibes), «The state of education in Latin America
and the Caribbean : guaranteeing quality education for all», A regional report, reviewing and assessing the
progress toward education for all within the framework of the Regional Education Project, EFA, PRELAC,
Santiago : UNESCO, 2007, p. 76.
69
UNESCO, Ibid., p. 98.
70
John M. Hagedorn, op. cit. p. 155.
26
sociale. Un grand nombre d’urbains pauvres vit dans des bidonvilles et des habitations
squattées surpeuplés, manquant d’hygiène et de services basiques 71».
II -
Complexifier la corrélation pauvreté-violence : prendre en compte l’exclusion
sociale
Une des corrélations les plus répandues est celle de la pauvreté et de la violence. S’il
est vrai que la majorité des membres de gangs sont issus de milieux défavorisés, cela ne
signifie pas que les individus issus des milieux défavorisés intègrent ou intégreront
systématiquement une mara. En outre, cette corrélation ne permet pas d’expliquer les
différentes situations nationales. Le Nicaragua, pays plus pauvre que le Guatemala, a
cependant un taux d’homicides bien moins élevé que ce dernier. Malgré son imprécision, cette
corrélation pauvreté-maras est très présente dans les discours, avec des conséquences
politiques fortes puisque qu’elle stigmatise
les classes défavorisées. Plusieurs auteurs
montrent que plus que la pauvreté en elle-même c’est l’exclusion sociale et la « violence
structurelle » qui favorisent la formation de maras72. Dans cette optique, l’intégration d’un
individu dans une mara répond à un besoin de socialisation, de solidarité, de protection. La
mara remplit alors les fonctions normalement attribuées à d’autres groupes sociaux comme la
famille, le travail, l’école. L’appartenance à une mara fonctionne alors comme un capital
social parallèle voire unique, se substituant à celui des instances de socialisation citées
précédemment. La mise en lumière du facteur social nous permet de comprendre comment le
facteur migratoire a pu jouer. Dans les deux cas, immigrations liées aux guerres civiles ou
déportations en Amérique centrale, les immigrés se sont retrouvés dans une société qui n’était
pas ou plus la leur, et ont alors été confrontés à une situation d’exclusion et de ségrégation.
D’autres facteurs à prendre en compte se situent du côté de l’Etat et de sa présence. Les
observations montrent que les maras se développent dans des lieux délaissés par l’Etat : sans
espace public permettant aux jeunes de se réunir, sans services publics accessibles ou
fonctionnant. Ce « vacuum » étatique est comblé par des groupes plus ou moins légaux qui
créent une sorte d’organisation et pouvoir parallèles. Nous revenons alors à l’idée de la mara
comme forme d’organisation sociale informelle et parallèle.
71
United Nations, World Youth Report 2005, Department of Economic and Social Affairs, 2005, p. 139.
[traduction personnelle]
72
Voir notamment Irving A. Spergel, op.cit.
27
Ce qu’il est essentiel de comprendre pour tenter d’expliquer le phénomène des maras
est que les facteurs ne sont pas exclusifs. Au contraire, si le phénomène des maras est si
répandu et ancré dans les sociétés d’Amérique latine, c’est car les facteurs favorables à leur
développement se cumulent. Cette remarque explique en grande partie l’échec des politiques
récentes de lutte contre les gangs, qui ne s’attaquent qu’aux aspects les plus visibles et
superficiels du phénomène et laissent de côté les racines profondes du problème : le manque
d’opportunité économique et l’inégale distribution des richesses. Les maras et pandillas ont
existé bien avant les guerres civiles et les politiques migratoires des années 80 et 90. Si le
phénomène migratoire a eu un impact sur les maras, c’est donc grâce au terreau favorable que
constituaient les Etats d’Amérique latine sur le plan social et économique. Dans un contexte
de globalisation économique, mais aussi sociale, médiatique et identitaire, les migrations,
notamment les politiques américaines migratoires, ont eu un rôle de catalyseur, c'est-à-dire
avant tout d’accélérateur de l’expansion des maras. Si cette diffusion transnationale est
reconnue, il faut cependant s’interroger sur la nature même de cette transnationalisation.
Chapitre 3 -
Identités transnationales, activités (hyper)localisées
Médias, politiques et universitaires insistent constamment sur la nature transnationale
des gangs d’Amérique Latine ; caractéristique qui les rendrait d’autant plus menaçants et
dangereux. Pourtant il convient de s’interroger sur le sens et les caractéristiques de cette
transnationalisation. Nous montrerons ainsi que les maras, car produits des mouvements
migratoires, sont par nature transnationales. Mais cette transnationalité est avant tout
identitaire, tandis que les activités restent avant tout localisées.
Section 1 -
Re-dessin, exportation et transnationalisation des
cultures de gangs de rue
De nombreuses études évoquent la présence de gangs locaux en Amérique latine bien
avant le déclenchement des guerres civiles. Le phénomène s’amplifie sur le plan quantitatif et
géographique dans les années 90. Cette période correspond à l’expansion des gangs
centraméricains dans les villes californiennes.
28
I - Les maras : le partage d’une identité transnationale
Si les maras et principalement la MS-13 et la Mara Dieciocho ont pu se propager,
c’est car des mécanismes structurels de diffusion sociale 73 facilitent la diffusion d’un certain
type d’identité. L’image et l’identité portées par ces deux maras résonnent pour un grand
nombre de jeunes (membres ou non de gangs locaux en Amérique latine) car ils partagent
certaines caractéristiques comme l’exclusion et la stigmatisation sociale, la proximité sociale
et géographique. Les gangs locaux ou pandillas adoptent alors, par mimétisme, les attitudes
des mareros déportés depuis la Californie. Ces caractéristiques sociales partagées font alors
office de marqueurs identitaires. Autrement dit en rejoignant une mara les membres
transforment ces stigmas sociaux en signes identitaires, c'est-à-dire en identité collective.
II -
Médias et maras : la mise en valeur d’un capital social et symbolique
Les médias jouent un rôle important en diffusant un certain type d’images et de
discours liés aux maras. En attribuant aux maras une force, un pouvoir, une implantation et
une visibilité qu’ils ne possèdent pas, les médias grandement participent à la propagation des
maras au niveau transnational74. En effet, les médias facilitent l’insertion dans les
représentations collectives des populations et plus particulièrement des jeunes d’Amérique
latine, d’une image très monolithique des maras. Par effet auto-amplificateur, les maras (MS13 et Barrio Dieciocho principalement) exportent une image et des valeurs propres :
solidarité, loyauté, courage, jeunesse et virilité. Nous pouvons noter que ces valeurs
« propres » aux maras sont finalement aussi des valeurs appréciées dans une grande partie des
sociétés et reproduisent une certain modèle de virilité. Il ne s’agit pas du sujet de cette étude,
cependant nous pouvons soulever l’hypothèse que ce mode de vie et ces valeurs ont suscité un
attrait important pour ces jeunes car ils permettent d’obtenir, par des moyens et des
comportements informels et/ou illégaux, des capitaux symboliques et/ou économiques
recherchés et valorisés dans la majorité des sociétés (domination, pouvoir, richesse).
Reguillo 75 parle d’ « assignation identitaire » en référence aux processus socio-culturels par
lesquels il est possible de résister à la pauvreté. L’appartenance à un groupe, ici les maras ou
pandillas, devient génératrice de capital social.
73
Alberto Martin Álvarez, Ana Fernández Zubieta, et Karla Villarreal Sotelo, op.cit. p. 103.
Alberto Martin Álvarez, Ana Fernández Zubieta, et Karla Villarreal Sotelo, op. cit. p. 116.
75
Rossana Reguillo Cruz, Estrategias del desencanto. Emergencia de culturas juveniles en Latinoamérica,
Buenos Aires: Norma, 2000.
74
29
III -
Mondialisation et déterritorialisation de la culture de gang
S’ajoute un contexte de mondialisation qui s’accompagne d’une révision des
concepts fondamentaux d’identité, de communication, de représentation et de nation. Le
national perd sa fonction intégratrice, comme nous l’observons dans le cas des déportés
centraméricains, qui arrivés en Amérique Centrale ne parviennent pas à s’intégrer à la société
et se tournent alors vers un autre échelon d’intégration : le local76. Mais de par leurs relations
avec le processus migratoire et la mondialisation de l’information et des média, l’identité qui
se dégage n’est pas seulement locale mais aussi et surtout transnationale. Les représentations
individuelles et collectives du monde, de ses limites et des frontières entre l’intérieur et
l’extérieur se brouillent. La culture, et dans ce cas la culture de gang, est alors
déterritorialisée77. Pourtant il ne faut pas confondre identité transnationale et activités
transnationales.
Section 2 -
Les activités des maras restent localisées
Dans les discours quotidiens sur la violence, discours médiatique, politique et
parfois académique (l’analyse des discours sera l’objet de la seconde partie), les maras sont
tenues responsables de la majorité des crimes et délits d’Amérique centrale.
I - Maras et criminalité organisée : une association d’imprécisions
Les maras sont régulièrement associées à la criminalité organisée 78. Nous retombons
alors sur le problème de la définition. S’il n’existe pas de définition universelle des gangs, il
en est de même pour la criminalité organisée, terme qui a gagné en force notamment depuis
les attentats du 11 septembre 2001. Dans une ère où le concept de globalisation est utilisé
abondamment et permettrait d’expliquer toute une série de « nouveaux phénomènes », il faut
cependant manier avec prudence les termes. Dans un monde globalisé, la criminalité
organisée ferait référence à un nouveau degré de coopération et d’interconnexion aux niveaux
76
Madeline Cocco, «Las identidades en tiempos de globalización. Comunidades imaginadas, representaciones
colectivas y comunicación», Cuaderno de Ciencias Sociales 129 (Facultad Latinoamérica de Ciencias Sociales
(FLACSO)), marzo 2003, p. 7.
77
Madeline Cocco Ibid., p. 12.
78
USAID, Central America and Mexico Gangs Assessment, Washington DC: USAID, 2006.
30
international et transnational entre plusieurs types d’acteurs informels ou illégaux
que
constituent les terroristes, les mafias, voire les gangs. Mais revenons sur les définitions
existantes de la criminalité organisée. La Convention des Nations Unies (dite « Convention de
Palerme ») en propose une première :
« L’expression « criminalité organisée » désigne un groupe structuré de trois
personnes ou plus existant depuis un certain temps et agissant de concert dans le but de
commettre une ou plusieurs infractions graves ou infractions établies conformément à la
présente Convention pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un
autre avantage matériel.» 79
Selon le Conseil de l’Europe, le crime organisé désigne :
« les activités illégales menées par des groupes structurés de trois personnes ou plus,
existant pour une période de temps prolongée et ayant pour but de commettre des crimes
graves à travers une action concertée en recourant à l’intimidation, la violence, la corruption
ou d’autres moyens de façon à obtenir, directement ou indirectement, un gain financier ou
d’autre nature. »80
Après comparaison de définitions utilisées par différents organes, plusieurs
observations peuvent être faites. Sur le plan linguistique, nous remarquons que la langue
anglaise emploie seulement l’expression « organized crime », tandis que le français distingue
« crime organisé » et « criminalité organisée ». Selon Clotilde Champeyrache, « quand
l’organisation prédomine sur les individus la composant, on passe du crime organisé à la
criminalité organisée »81. S’ajoute à cela l’introduction de l’expression « criminalité
transnationale organisée » qui rendrait compte de l’évolution du phénomène criminel vers une
plus grande mobilité et interconnexion. Sous cette expression générique et tout aussi
imprécise, se retrouve toute une série d’activités illégales telles le trafic d’armes, de drogues,
la cybercriminalité, la piraterie, etc. Malgré l’imprécision de ces définitions et leur caractère
non consensuel, elles permettent avant tout de mettre l’accent sur la dangerosité des groupes
criminels et donc des maras. L’usage de ces expressions pour qualifier ou expliquer le
79
Résolution 55/25 de l’Assemblée générale du 15 novembre 2000. Convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée.
80
Crime analysis, organized crime – Best Practice Survey, n°4, Strasbourg, Conseil de l’Europe, 2002.
81
Clotilde Champeyrache, « Gangs, cartels, mafias … : la grande famille de la criminalité organisée », Cahiers
de la Sécurité, n°8, INHES, avril-juin 2009.
31
phénomène des maras, permet de les associer de facto à toute une gamme d’activités illégales
et criminelles. Cependant, il s’avère que les preuves justifiant ces appellations et surtout ces
activités sont tenues, voire inexistantes pour certaines activités.
II -
Des activités criminelles mais localisées
Les études à caractère plus sociologique montrent que les activités des maras restent
avant tout localisées. Il ne s’agit pas de nier la gravité ou l’existence même des actes commis
par les maras mais de les replacer au niveau auquel ils sont effectués. Il est évident que les
maras sont liées au marché de la drogue, du simple fait que la consommation de drogue est
bien réelle au sein des mareros. Ces derniers prennent aussi part au trafic même 82 ; cependant
il ne faut pas surévaluer leur implication. Les seules preuves existantes montrent qu’ils
agissent la majorité du temps comme main d’œuvre (vendeurs de rue) des cartels, autrement
dit qu’ils se situent au pied de la chaine hiérarchique. Si les liens avec les cartels ou des
groupes criminels organisés existent, cela ne veut pas dire que les individus agissent au nom
de la mara. Ainsi les liens entre maras et cartels, qui sont des groupes beaucoup plus
hiérarchisés et structurés83 ne doivent pas être surestimés ni systématisés. L’UNODC explique
ainsi que les mareros sont au contraire considérés par les cartels comme « gênants » et
souvent trop « imprévisibles » pour les associer de manière régulière à leurs activités84.
Enfin, la présence de cellules (« clica » ou « clika ») de la MS-13 ou de la Mara Dieciocho
dans différents Etats ne signifie pas que ces groupes agissent de manière concertée ni qu’ils
sont connectés85. Encore une fois, il ne s’agit pas de sous-dimensionner le phénomène mais de
tenter de l’analyser à partir des preuves existantes. Or il s’avère que l’un des problèmes
majeurs de l’étude des gangs est justement la pauvreté quantitative et qualitative des données.
En conclusion préliminaire, le phénomène des maras ne doit pas être considéré
comme inédit ni comme un effet pervers de la mondialisation. L’expansion des maras est
82
Le trafic de drogue est la première source de revenus des gangs de rue d’Amérique centrale. Voir National
Alliance of Gang Investigators Associations, «Executive summary», in National Drug Threat Assessment 2007,
Jehnston, PA: NDIC, October 2006, pp. 9-34.
83
Les différences majeures entre cartels et maras se situent au niveau de leur but. Les cartels ont pour objectif le
contrôle d’un territoire mais aussi d’un marché, celui de la drogue, par conséquent leur raison d’être n’est pas
seulement territoriale, comme les maras, mais aussi économique. Les cartels sont ainsi classés dans la catégorie
de la « criminalité organisée » à cause de leur but de gains financiers, tandis que les maras sont avant tout un
groupe identitaire. De plus, plusieurs études montrent que les maras sont beaucoup plus souples dans leur
structure et hiérarchie que les cartels. Voir ainsi : UNODC, Transnational organized crime in Central America
and the Caribbean: a threat assessment, Vienna: UNODC, 2012, pp. 21-30.
84
UNODC, Ibid., pp. 27-29.
85
Gema Santamaría Balmaceda, «Maras y pandillas: límites de su transnacionalidad» , Revista Mexicana de
Política Exterior n°81, México: Secretaria de Relaciones Exteriores, Octubre 2007.
32
plutôt un effet inhérent de la mondialisation ; si les maras sont transnationales, c’est avant
tout de par leur nature. Si les preuves manquent quant à l’organisation et à la structuration
systématique de leurs activités à un niveau supranational, les maras sont bien transnationales
dans leur identité ; c'est-à-dire au niveau symbolique. Les facteurs cités précédemment
(pauvreté, migration, guerres civiles) ont avant tout permis la diffusion d’identités juvéniles
transnationales. Finalement, les activités des maras, comme beaucoup d’activités criminelles
mais aussi comme l’ensemble de la dynamique liée à la globalisation, illustre parfaitement le
fameux slogan « Think global, act local »86. Malgré le manque de données précises et sûres au
sujet des maras et de leurs activités, les gouvernements mettent en place des politiques
concrètes en réponse à cette « menace » perçue. Ces actions sont rendues possibles par
l’omniprésence dans les discours du thème des maras. Malgré la prolifération d’acteurs
traitant ce sujet, nous remarquons l’hégémonie d’un certain type de discours, axé
principalement sur l’aspect sécuritaire, faisant des maras les principales responsables de la
criminalité et violence d’Amérique centrale.
86
Cette expression s’est développée originellement dans un contexte de préservation de l’environnement, de la
planète et de la planification urbaine. Son usage s’est étendu à différents champs d’action internationaux et
reflètent aujourd’hui les divers processus à l’œuvre dans le cadre de la mondialisation.
33
SECONDE PARTIE – Le poids du discours : la construction
sociale d’un problème de sécurité nationale et internationale
Une situation devient un problème public lors d’ « une phase de problématisation au
cours de laquelle un certain nombre d’acteurs vont être amenés à percevoir une situation
comme anormale et vont la qualifier d’une manière particulière, qui peut être susceptible
d’appeler l’attention d’un acteur public.»87 Un phénomène n’est pas un problème en soi ; il le
devient par le biais d’un processus de problématisation, c'est-à-dire de construction sociale
d’une situation en problème. Au cours de cette construction sociale qui s’opère dans un
environnement marqué par la mondialisation, le discours jour un rôle fondamentale. Ce
discours, porté notamment par des acteurs politiques et politiques, se caractérise par une
homogénéité et absence de voix alternatives contribuant au renforcement d’un stéréotype sur
les gangs. Au cœur de ce discours, le thème de « seguridad ciudadana » agit comme un
concept légitimant la criminalisation d’une partie de la population.
Chapitre 1 -
La perception publique du crime : le « talk of
crime », une construction sociale de la réalité violente
La réalité est une construction sociale. Comprendre la perception et l’interprétation
publique de la réalité demande de déconstruire cette réalité et d’analyser les actes discursifs la
composant. Le discours comme toute pratique sociale, met en jeu une pluralité d’acteurs plus
ou moins dominants. Il s’agira dans cette partie, d’étudier la construction sociale du discours
afin de montrer en quoi celui-ci génère une interprétation de la réalité. Dans le contexte de
l’Amérique latine, nous montrerons qu’un type particulier de discours se développe, le « talk
of crime », qui place les gangs au cœur de sa rhétorique. Nous expliquerons le rôle des médias
dans la transmission de ce discours et la formation de l’opinion publique.
87
Pierre Muller, Yves Surel, L’analyse des politiques publiques , Paris : Montchrestien, 1998, p.57.
34
Section 1 -
Le discours: une construction sociale
La réalité est une construction sociale. La perception de la réalité dépend de
différents éléments propres à une société. Selon Cocco, la construction des phénomènes
sociaux, et donc de la réalité, relève de l’interaction de pratiques, structures, valeurs,
d’idéologie, d’histoire et de discours88.
Comprendre la réalité implique donc de la
décomposer. Dans cet essai, le discours sera plus particulièrement étudié.
I - Le discours : générateur de réalité
La réalité d’Amérique centrale, c'est-à-dire la perception de la situation par les
citoyens, est marquée par la violence juvénile. Comprendre cette interprétation de la réalité
implique de revenir sur un élément essentiel à la production de réalité : le discours. Le
discours, et la communication de manière plus générale, constitue un facteur fondamental de
création et de reproduction de représentations sociales. Les représentations sociales
n’émergent, selon Habermas89, que dans la sphère communicationnelle. Pour Luhmann90,
l’existence de la société repose sur la communication, qui permet la différenciation des
systèmes et surtout la construction de sens. En effet, le discours permet la diffusion du
langage, lui-même porteur de représentations sociales. Or le discours est lui-même une
pratique sociale. Il est donc l’objet de lutte symbolique entre acteurs sociaux 91. La maitrise du
discours est donc cruciale car elle permet d’influencer les perceptions sociales et donc les
réponses que la société et les gouvernements apporteront. La perception généralisée de
violence en Amérique latine est donc le résultat d’un enchainement de discours reflétant des
pratiques sociales.
II -
Construction et maitrise du discours : enjeux d’une lutte entre acteurs
Dans nos sociétés modernes, la communication médiatique joue un rôle
prépondérant, nous y reviendrons plus tard. Cependant, les médias ne sont pas les seuls
88
Madeline Cocco, op. cit. p. 7.
Cité par Josexto Beriain, Representaciones colectivas y proyecto de modernidad, Barcelona: Anthropos, 1990,
p. 33.
90
Cité par Ximena del Sorocco Norato, « Niklas Luhmann. Comunicación: entre la improbabilidad y la
posibilidad del orden», Signo y pensamiento n°28 (Universidad Javeriana: Depto. Comunicación), 1996, p. 40.
91
Michel Foucault, L’ordre du discours, Paris : Gallimard, 1971.
89
35
acteurs discursifs. La production de discours et donc de sens est le résultat d’une multitude
d’acteurs plus ou moins puissants. La construction de significations n’est jamais dans les
mains d’un seul acteur nous rappelle Cocco92. En ce qui concerne le thème des maras, nous
pouvons citer trois types d’acteurs dits « dominants » (les élites) : les hommes politiques sous
forme de programmes politiques, les journalistes et médias en général et, dans une moindre
mesure, le monde académique. Ce dernier est souvent négligé alors qu’il est utilisé par les
politiques et médias pour donner une valeur scientifique et donc soi-disant objective aux
discours. Parmi les acteurs moins puissants et donc moins audibles se trouve la société civile
(ONGs, média indépendants, discours de tous les jours) majoritairement. Si la réalité est une
construction sociale alors la violence et la délinquance le sont aussi. Cependant, il est frappant
de constater que dans une énorme majorité d’études, la violence est a priori, c'est-à-dire
présupposée, négative et antisociale. Basée sur ces présuppositions, tout un discours négatif
sur la violence inonde la région d’Amérique centrale.
Section 2 -
Le « talk of crime » : une nouvelle forme de violence
criminelle juvénile
Depuis les années 90, l’Amérique latine ne fait plus la une des journaux pour sa
violence politique mais pour son niveau très élevé de criminalité. Le thème de la violence
délinquante est central dans les débats publics nationaux de la région. Face à ce haut niveau
de violence, les citoyens et les gouvernements réagissent ; ces réactions seront l’objet de la
dernière partie. Pourtant il semble que ces réactions s’opèrent en réponse aux discours et aux
perceptions plus qu’aux actions violentes en elles-mêmes.
I - Maras et pandillas : acteurs centraux du discours sur la violence juvénile d’Amérique
latine
Les sociétés d’Amérique latine sont marquées par l’omniprésence d’un « talk of
crime »93. Ce concept fait référence au discours sur la menace permanente et omniprésente
que représentent les acteurs délinquants. Dans le contexte qui nous intéresse, ces acteurs sont
92
Madeline Cocco, op. cit. p. 52
Teresa Caldeira, City of walls. Crime, segregation, and citizenship in Sao Paulo, London: University of
California Press, 2000.
93
36
les maras, c'est-à-dire les gangs de rue. Selon les pays, ce « talk of crime » présente des
particularités. Ainsi au Costa Rica et au Nicaragua, les maras ne sont qu’un thème marginal
du talk of crime. Au Guatemala, Honduras et Salvador en revanche, les maras sont le thème
dominant des discours. Les discours médiatiques et politiques vont ainsi jusqu'à créer une
véritable « maraphobie94 » en accusant les maras de délits réels mais aussi en amplifiant les
faits et en créant des liens entre les maras et d’autres groupes criminels. Une des
caractéristiques de ce discours sur la violence dans la région est son caractère transfrontalier.
Illustrons ce point par un discours du ministre de la Défense américain Donald
Rumsfeld95dans lequel celui-ci explique que la menace principale pour la région est la
présence d’une combinaison antisociale de pandillas, trafiquants de drogues et de terroristes.
Nous voyons que Rumsfeld met sur le même plan différents types d’activités et détourne ainsi
l’attention du problème social. Le caractère transfrontalier de la menace se repère avant tout
dans le discours, mais sans justification sur le lien et la nature supposée transfrontalière de ces
activités elles-mêmes. Cet exemple du « talk of crime » montre comment le phénomène des
maras est associé à la criminalité organisée transnationale et est ainsi mis au premier plan des
sujets de discussion. Dans ce contexte, les médias produisent des schémas d’interprétation
collective qui eux-mêmes joueront un rôle dans la production de pratiques collectives 96.
II -
La résonnance du discours sur la violence juvénile dans un contexte de
globalisation du risque
La violence juvénile existe car elle est socialement construite. Le « talk of crime »
construit, transforme et structure donc les pratiques collectives. La violence n’existe pas
comme un fait objectif, mais elle s’évalue en fonction d’un contexte social, culturel,
historique. Ainsi Wieviorka nous rappelle que dans les années 70, la violence était défendue
en Europe par beaucoup d’intellectuels, ce qui lui donnait une certaine légitimité 97.
Aujourd’hui, cette perception a complètement changé et la violence est un symbole du mal.
Nous mentionnions précédemment le caractère transfrontalier de ce discours. Ce discours sur
la violence juvénile acquiert d’autant plus d’audibilité qu’il s’insère dans un contexte de
prolifération d’écrits sur les effets qualifiés de pervers de la mondialisation. Cette nouvelle ère
94
Sebastian Huln, Anika Oettler, Peter Peetz, « La teleraña de los discursos sobre violencia en Centroamérica»,
Iberoamericana, Vol. 19, 2005, p. 191.
95
Ibid,. p. 190.
96
Ibid.
97
Michel Wieviorka, La violence, Paris : Balland, 2004.
37
mondialisée serait marquée par la présence du risque, thématique qu’Ulrich Beck reprend au
sein du concept de « société du risque »98. Dans une société de l’information instantanée et
des réseaux, ce risque serait flou, permanent, omniprésent et frappant de manière
indiscriminée les citoyens ; à l’image de la délinquance et des gangs, selon les médias. Malgré
l’absence de preuves, le discours, selon un schéma de « securitization », génère des réactions
à des actes perçus comme réels. En effet, comme nous l’avons évoqué en introduction, les
enquêtes d’opinion publique révèlent que dans les faits, seule une minorité de personnes a
déjà été victime d’un acte de violence 99. Ce concept de « securitization » est une théorie des
relations internationales principalement mise en avant par l’Ecole de Copenhague. Alors que
les approches classiques de la sécurité internationale se concentrent sur des critères avant tout
matériels constituant une menace à la sécurité, tels que les capacités militaires ou la
répartition mondiale de la puissance, l’Ecole de Copenhague s’attache à démontrer comment
certains thèmes sont transformés en sujets sécuritaires par l’action, discursive notamment, de
certains acteurs. En d’autres termes, le concept de « securitization » étudie le processus par
lequel un sujet, à priori non lié à la sécurité, devient un enjeu sécuritaire reconnu par un
public. Selon cette école, la sécurité devient alors un acte discursif ayant des conséquences
concrètes sur les relations internationales 100. Nous voyons ici la force des croyances et des
perceptions. La violence (juvénile) étant perçue comme généralisée, quotidienne, commune et
omniprésente ; les politiques étatiques mises en place sont une réponse à ces croyances plus
qu’a des actes criminels eux-mêmes.
Section 3 -
Média et réalité : l’enjeu de l’agenda et de
l’interprétation
Après avoir étudié la construction du discours de la violence juvénile en Amérique
latine, il convient de s’interroger sur l’influence qu’ont les médias dans la transmission de ce
discours et la formation de l’opinion publique.
98
Ulrich Beck, La société du risque. Sur la voie d'une autre modernité, Paris : Éditions Aubier, 2001.
Annexe 2.
100
Voir notamment: Peter Hough, Understanding global security, New York: Routlegde, 2004.
Barry Buzan, Ole Waever, and Jaap de Wilde, Security: A New Framework for Analysis, Boulder: Lynne
Rienner Publishers, 1998.
99
38
I - Quels effets des médias ?
La littérature concernant les effets des médias sur l’opinion publique abonde. Les
études des années 30 sont dominées par la théorie selon laquelle les médias agissent comme
une « seringue hypodermique », injectant des idées à des individus incapables de résister. La
conviction est alors que l’influence des média est totale.
101
Dans les années 40, l’Ecole du
Public Choice propose « la théorie des effets limités » selon laquelle les médias ont certes des
effets, mais ceux-ci restent limités par des logiques d’appartenance sociale. Les médias jouent
alors plutôt un rôle de renforcement d’opinions déjà formées 102. Si le monde universitaire
s’accorde sur l’existence d’effets des médias, les opinions divergent sur la nature de ces
derniers. Même si le message médiatique ne détermine pas totalement la compréhension d’un
phénomène, il favorise certaines interprétations. Récemment, les études ont mis en lumière
certaines fonctions des médias, permettant d’analyser leur impact.
II -
La fonction d’agenda des médias : rendre visible certains sujets
La force des média est leur « fonction d’agenda » qui leur permet de sélectionner et
de rendre visibles les thèmes dont l’actualité sera faite. Les médias ne sont pas tout puissants
face à un public passif. En effet la construction de sens n’est jamais le fait d’un seul acteur.
Comme nous l’avons expliqué précédemment, l’interprétation est le résultat d’une lutte entre
une multitude d’acteurs (médias, hommes politiques, institutions). « Le discours est crée par
l’ensemble de tous les individus. Mais les individus disposent de marges de manœuvre
différentes […]. Cependant, aucun des individus ne détermine le discours. »103 Les médias ont
le pouvoir de mettre sur le devant de la scène certains sujets104, face auxquels le public
dispose d’un certain pouvoir d’initiative et d’interprétation. Ce processus de sélection est une
étape essentielle dans la construction de la réalité médiatique, qui deviendra réalité
quotidienne. Par conséquent, au delà de la simple reproduction et imitation de la réalité, les
101
Il faut remettre cette théorie dans son contexte de production : celui de la montée des régimes totalitaires qui
font un usage massif des médias de masse et de la propagande. Voir Serge Tchakhotine, Le viol des foules par la
propagande politique, Paris : Gallimard, 1939.
102
Sur la théorie des effets limités, voir Paul Lazarsfeld, Bernard Berelson, et Joseph H. Gaudet, The People’s
Choice: How The Voter Makes Up His Mind in a Presidential Campaign, New York: Columbia University
Press, 1944.
103
Jager Siegfried, Kritische Diskursanalyse. Eine Einfuhrung, Munster: Unrest, 2004, p. 148.
104
Lalinde par le de « thématisation » qui se réfère au processus par lequel certains sujets sont reconnus
publiquement comme constitutifs de l’opinion publique. Ana María Lalinde Posada, « La selección de la noticia:
evidencia de ideologías profesionales », Signo y pensamiento n°20, Universidad Javeriana: Depto. De
Comunicación, 1992, p. 15.
39
médias créent une nouvelle réalité dans la mesure où ils créent des significations. En
représentant le crime et la violence d’une certaine manière, les discours (médiatiques,
politiques, académiques) vont influencer la mise en place de certaines politiques au détriment
d’autres. Un discours est alors considéré comme hégémonique s’il est énoncé par des acteurs
puissants mais aussi largement accepté par des acteurs moins puissants c’est-à-dire quand les
voix alternatives sont dominées et/ou inaudibles. Ainsi, si le message médiatique ne
détermine pas totalement la compréhension d’un phénomène, il favorise certaines
interprétations. En Amérique centrale, ce « talk of crime » présentant les maras comme la
menace régionale primordiale est largement dominant au sein des discours, qu’ils soient
politiques, médiatiques, institutionnels ou académiques. Nous allons maintenant nous
intéresser au contenu même de ce discours hégémonique afin de montrer que malgré la
diversité des acteurs producteurs de discours, ces derniers présentent une image dominante
des maras qui contribue à la création et au renforcement des stéréotypes.
Chapitre 2 -
L’uniformité du discours : vers la création et le
renforcement d’un stéréotype
Malgré la pluralité d’acteurs participant à la formation du discours sur la délinquance
et les gangs, celui-ci est très homogène dans son contenu. Il s’agira ainsi d’expliquer les
raisons de cette uniformité et absence d’alternative en s’intéressant aux acteurs discursifs
principaux que constituent les hommes politiques et les journalistes. Nous rentrerons ensuite
dans le contenu même du discours médiatique afin de mettre en lumière les outils
linguistiques et médiatiques contribuant à la création d’un stéréotype sur les gangs et à leur
criminalisation.
Section 1 -
Hégémonie et uniformité du discours : explications de
l’absence manifeste d’alternatives
Nous avons montré que la production discursive résulte d’une pluralité d’acteurs.
Cependant, dans le discours sur le phénomène des maras, les différents acteurs présentent des
40
opinions très similaires. Cette uniformité du traitement discursif s’explique par différents
facteurs.
I - La sphère médiatique : des contraintes pesant sur le travail journalistique
Intéressons-nous dans un premier temps à la sphère médiatique. Les journaux et
médias en général sont soumis à des contraintes internes et externes pesant sur la qualité de
l’information présentée. Outre leur objectif informatif et communicatif, les médias ont aussi
pour but de réaliser des profits. Les médias sont pris dans une logique économique impactant
leur programmation. Dans un contexte de concurrence et de course à l’audimat, la recherche
de la nouveauté, du scoop et du sensationnel devient un objectif fondamental. Cela explique
pourquoi les gangs ne font l’actualité que s’ils sont acteurs d’un évènement sensationnel,
c'est-à-dire, souvent d’un acte délinquant ou criminel. De plus, la contrainte économique joue
aussi sur les moyens, limités, dont les journalistes disposent pour mener leurs recherches, et
qui explique la priorité donnée au sensationnalisme, au détriment de l’analyse de fond (qui
prendrait aussi plus de temps). Le deuxième obstacle est celui de l’accès aux sources et aux
informations. Sur le phénomène des maras, les données sont peu nombreuses. Les
journalistes, n’ayant pas les moyens temporels ou financiers de mener leurs propres
investigations, se contentent donc d’un nombre très réduit de sources, majoritairement
institutionnelles (chiffres officiels, informations policières), tandis que les contacts avec les
membres des gangs sont très réduits105. Nous pouvons aussi nous interroger sur la formation
des journalistes qui ont parfois la prétention de produire des informations plus axées sur
l’aspect sociologique alors qu’ils n’ont pas toujours une formation adéquate de sociologue.
Les points décrits précédemment s’appliquent aux journaux d’Amérique latine mais aussi au
contexte occidental. En effet, l’étude de la couverture médiatique, dont nous analyserons les
aspects ultérieurement, de différents journaux d’Amérique Centrale, mais aussi européens,
révèle un discours similaire. De plus, malgré l’ouverture politique récente de la région à la
suite de la chute des dictatures militaires, une censure implicite continue de peser sur les
médias. Wolf106 analyse ainsi le cas salvadorien. Malgré les avancées démocratiques sans
précédent ayant touché le monde médiatique à la fin du régime, des contraintes majeures
demeurent. Elle cite dans un premier temps l’existence d’instruments juridiques limitant le
105
Sanchez-Jankowski Martin, « Les gangs et la presse », Actes de la recherche en sciences sociales, Vol. 101102, mars 1994, pp. 101-118.
106
Sonja Wolf, The politics of gang control. NGOs advocacy in post-war El Salvador, Thesis submitted for the
degree of Doctor of Philosophy, University of Wales, Aberystwyth, pp. 110-11.
41
travail journalistique. En effet, au Salvador, la liberté d’expression est entravée par une loi
punissant de prison les individus coupables d’offense à l’honneur d’un officiel public. De
plus, les contraintes d’accès à l’information sont renforcées par l’absence d’une loi permettant
l’accès aux documents publics. Les journalistes se voient donc obligés de retranscrire des
discours et des programmes au lieu de rechercher eux-mêmes l’information. Wolf mentionne
aussi les phénomènes « d’autocensure du répertoire ». Pour préserver ou améliorer leur
carrière, certains journalistes reproduisent le discours accepté et acceptable. SanchezJankowski reprend cet argument de l’ambition professionnelle qui pourrait aussi expliquer
l’absence de voix alternatives. Nous sommes donc ici face à un nouveau paradoxe. Malgré la
volonté de faire du « nouveau » en permanence, les articles journalistiques sur le sujet
n’apportent que très rarement des données nouvelles sur le thème et reproduisent ainsi un
discours très homogène sur les maras.
II -
Le discours du champ politique : importance du contexte électoral
Observons dans un second temps le champ politique. Les hommes politiques et
officiels sont producteurs de nombreux discours sur les maras. Dans cette sphère aussi, le
discours est très uniforme et similaire à celui produit dans le champ médiatique. Le facteur
principal dans ce cas est le contexte électoral alors en cours dans les différents Etats. Les
maras ne sont devenues que récemment le thème principal des discours politiques. En effet,
malgré la présence ancienne des gangs et maras en Amérique Centrale, aucune stratégie de
long-terme n’a été mise en place, hormis quelques mesures sporadiques centrées sur la
répression107. Pourtant à partir des années 2000, et de manière notable avec le lancement de la
politique de « Mano Dura » au Salvador, les maras deviennent le sujet sécuritaire principal.
Ce soudain intérêt envers les maras s’explique selon de nombreux auteurs, par le gain
électoral que permettait ce sujet pour les partis et candidats aux élections à venir. Comme
nous l’indique Neumann, les individus se forgent un classement des points de vue et de leur
succès au sein de la sphère sociale, ainsi l’opinion exprimée en public est dans la majorité des
cas, celle dont on perçoit et/ou surestime la force108. Prenons le cas du Salvador. L’Alianza
Republicana Nacionalista (ARENA) dans les années 2000 domine le champ politique.
Pourtant les problèmes économiques que le pays subit bénéficient au parti de gauche rival, le
107
José Miguel Cruz et Marlon Carranza, « Pandillas y políticas públicas: el caso de El Salvador», in Javier
Moro (ed.), Juventudes, violencia y exclusión: desafíos para las políticas públicas. Guatemala City: MagnaTerra
Editores, 2006, p. 134.
108
Elisabeth Noëlle-Neumann, op.cit., p. 183.
42
Frente Farabundo Martí para la Liberación Nacional (FMLN), qui parvient à gagner
l’Assemblée législative aux élections de 2003 109. En se basant sur des sondages indiquant que
la majorité des Salvadoriens considère la sécurité comme l’élément national le plus
important110, le parti ARENA et son candidat Antonio Saca font du thème sécuritaire le centre
de leur campagne. Au Honduras, l’histoire est similaire. Dans un contexte de hausse de la
violence criminelle, attribuée par une multitude d’acteurs à la présence des maras, Ricardo
Maduro (Parti National du Honduras) centre sa campagne sur une rhétorique de tolérance zéro
à l’encontre des maras. Par cette rhétorique, ces deux personnages remportent la présidence.
La mise en place des diverses politiques de répression dans la région illustre ce que Julian V.
Robert111 dénomme du « populisme pénal » pour décrire une politique pénale dont les effets
électoraux sont plus importants que son efficacité sur la société.
Section 2 -
Etude du contenu médiatique : des méthodes
journalistiques de généralisation
L’objet de cette partie est l’étude de la couverture médiatique du phénomène des
maras par différents journaux. Les journaux concernés sont : The Economist (Royaume-Uni),
La Prensa Gráfica (Salvador), El Diario de Hoy (Salvador), La Prensa libre (Guatemala),
Nuestro Diario (Guatemala), et La Prensa (Honduras). La couverture temporelle est large
(2003-2013) puisqu’il s’agit de montrer, malgré les évolutions politiques de la région, une
continuité évidente dans le traitement médiatique du phénomène des maras. Avant de rentrer
dans le contenu même des articles, l’observation des titres est révélatrice. Pour cette courte
démonstration, nous avons élargi la palette de journaux utilisés afin de montrer l’homogénéité
du traitement du sujet. Dans leur suivi des maras, tous ces journaux utilisent des titres
évocateurs et sensationnels. Il s’agit dans la plupart des cas de pointer la violence, la cruauté,
la dangerosité ou l’omniprésence menaçante des maras.
« Asesinan a dos menores de edad en Mejicanos », La Prensa Gráfica (Salvador), 7 mai 2013.
« The most dangerous gang in America », Newsweek (Etats-Unis), 28 Mars 2005.
«El Salvador’s crime wave », The Economist (Royaume-Uni), 29 Janvier 2007.
«Gangs: going global», The Economist, 24 Février 2005.
« Las maras se modernizan y expanden su « imperio»», La Prensa (Honduras), 11 Août 2010
109
« Las elecciones municipales y legislativas del 16 de marzo de 2003, » ECA (Estudios Centroamericanos),
no. 653-654, marzo-abril 2003, pp. 178-184.
110
Annexe 1.
111
Julian V. Roberts et al. Penal Populism and Public Opinion, Oxford : Oxford University Press, 2003.
43
Durant le mois de décembre 2005, le journal La Prensa Gráfica publie 312 articles sur le
thème de la violence. Parmi ceux-ci 110 font référence aux maras comme assassins.
L’observation du contenu des articles traitant de la thématique des maras permet de dégager
plusieurs techniques d’écriture utilisées de manière quasi systématique par les auteurs et
permettant la construction d’une image très négative des maras.
I - Les récurrences des métaphores liées aux désastres et catastrophes naturelles, aux
maladies, à la guerre, aux animaux et aux déchets.
Premièrement, les journalistes utilisent en grand nombre les métaphores liées aux
catastrophes naturelles et aux maladies. Cette tendance se retrouve dans les articles sur les
maras mais aussi concernant les immigrés et déportés venant des Etats-Unis, qui comme nous
l’avons expliqué sont associés à la criminalité dans les représentations collectives.
El Diario de Hoy parle d’une « avalancha de deportados », 18 octobre 2005.
La Prensa Gráfica « el maremoto que provoca la repatriación de todos estos delincuentes »,
17 novembre 2003.
La Prensa Gráfica, « El Salvador ha hecho cosas solo a pequeña escala », 30 octobre 2009,
parle de « la enfermedad de las maras ».
El Diario de Hoy, « las maras se han expendido como la peste », 24 juillet 2003.
La Prensa Gráfica, « De eso no se habla », 7 août 2011, Opinion de Gabinete Caligari et
Jacinta Escudos, « se trata de una epidemia que parece no tener cura ».
The Economist, « Organised crime in Central America: the rot spreads », 20 Janvier 2011.
D’autre part, l’univers des maras, leurs activités et leurs membres sont associés au
monde animal, c’est-à-dire à la bestialité.
La Prensa Gráfica, « La ley de la selva » du 25 juin 2009 parle de « tentáculos del crimen », «
El monstruo es tan grande que ni el Gobierno, por mucho que se esfuerce, podrá enfrentarlo
solo ».
La Prensa Gráfica, « Diario para inspirar » du 3 avril 2011, « jóvenes amenazados por las
garras de las maras ».
La Prensa Gráfica, « La ciudad y los reos » du 6 mars 2011 « guaridas de pandilleros ».
44
El Diario de Hoy, 24 mai 2006, « No sirve para nada capturarlos si los dejan libres », «Los
sujetos según la policía, estaban al acecho de sus potenciales víctimas, lobos preparados para
atacar corderos».
Ces images permettent d’insister et d’enfler l’ampleur du phénomène « ola de
violencia », ancrant dans les esprits du public l’image des gangs submergeant le territoire. Ces
techniques créent d’autre part une barrière, physique et mentale, entre les membres des gangs,
vus comme des animaux et donc des ennemis, et le reste des citoyens. Cela fournit donc une
justification à leur élimination.
II -
La catégorisation des maras
Malgré le manque d’information sur les crimes commis et sur leurs auteurs, les
maras apparaissent souvent comme les coupables principaux. De plus, nous remarquons que
les journalistes, quand ils mentionnent les maras, traitent de celles-ci comme d’un tout et une
catégorie homogène. Les exemples suivants illustrent la manière dont la mara comme groupe
et identité collective est tenue pour responsable.
La Prensa libre, « Pandilleros son culpables de 16 muertes », 7 juin 2013.
La Prensa Gráfica, « Iglesias evangélicas: pandillas tienen que abandonar actividad
delictiva», 15 juillet 2013 indique que « según las autoridades la mayoría de esas muertes
fueron atribuidas a las maras o pandillas ».
Les termes génériques « mara », « pandilla », « pandilla juvénile » ou « clica » sont
ainsi utilisés, ils permettent de se passer d’explication supplémentaire et de renforcer
l’association systématique entre mara et activité criminelle. Dans les journaux anglophones,
nous retrouvons de la même manière les termes de « gangs », « youth gangs », « latin gangs ».
Notons que les maras principalement nommées sont la Mara Salvatrucha et la Mara
Dieciocho ; ces entités sont en effet supposées connues de tous et permettent de situer le sujet
sans (ré)expliquer le contexte de ces groupes. Les membres de ce groupe ne sont pas
individualisés mais sont identifiés et étiquetés par les médias (qui tirent eux-mêmes leurs
informations de sources policières) comme des mareros, pandilleros, miembros de pandilla,
miembros de mara ou de manière plus précise miembro de la Mara Dieciocho/ Salvatrucha,
comme si le fait d’être marero expliquait à lui seul le délit. Autrement dit, la mara prend la
45
place de leur identité individuelle. Or cette catégorisation a des implications négatives dans la
mesure où les maras sont elles-mêmes connotées négativement. En utilisant des termes aussi
génériques que « maras », les individus n’existent plus que dans le cadre de ce collectif et sont
alors caractérisés selon les critères attribués aux maras. Nous voyons ici l’effet en termes de
stéréotype et de marginalisation.
III -
La mise en scène de la figure du chef
A coté des termes génériques et collectifs de maras et mareros, les journalistes
mettent aussi régulièrement en avant une personnalité particulière mais emblématique du
groupe, censée représenter la mara. Cette personnalité se retrouve souvent dans la figure du
chef, le plus souvent désigné par un surnom évocateur et dont les crimes sont plus
particulièrement mis en avant par les médias. Plusieurs exemples illustrent cette tendance. Le
journal guatémaltèque Nuestro Diario lors d’une opération policière publie une photographie
d’ « El Gallo », de son vrai nom Wilfredo Monzon Guillén auquel sont attribués 34 crimes. Il
est présenté comme le fondateur et le chef du groupe « Los Gallos », qui selon la police se
dédiait aux extorsions, assassinats, taxation illégale de chauffeurs de bus, habitants et
commerçants. Sont aussi évoquées les figures d’ « El Ejecutor » et d’ « El Sicario ». Le
journal salvadorien El Diario de Hoy annonce de même l’arrestation d’« el Tortuga », chef
présumé d’une pandilla suspectée de plusieurs meurtres et présenté comme « el más buscado
en Panchimalco ». A ces figures, sont généralement attribués des signes distinctifs physiques
(tatouages imposants), hiérarchiques (haut placé, chef d’une mara ou d’une clica), moraux et
psychologiques (extrême violence, cruauté, voire folie). Si ces figures deviennent
symboliques du monde des maras, leur capture est alors vue comme une nécessité et un
succès important, et surtout symbolique, pour les forces de police, les politiques et les
journalistes.
En mettant une avant une certaine description des maras, les médias participent à la
définition même de la thématique et encouragent le public à percevoir ces gangs comme le
problème national principal. Par conséquent, ils soutiennent aussi de manière directe et
indirecte la mise en place de mesures répressives et donc du populisme pénal que nous
évoquions précédemment.
46
Chapitre 3 -
La mise en avant de la « seguridad cuidadana » :
différenciation et criminalisation d’une partie de la population
Les méthodes journalistiques relevées précédemment participent d’un processus de
différenciation et de criminalisation d’une partie de la population. Le discours médiatique et
politique contribue en effet à la déshumanisation des maras et donc à leur mise à distance du
reste de la société. Le concept de « seguridad ciudadana » largement mise en avant par les
acteurs politiques de la région permet ainsi de justifier la mise à l’écart et la répression d’une
partie de la population au nom du bien-être et de la sécurité du reste.
Section 1 -
Déshumanisation des maras et mareros
Le processus de déshumanisation est rendu possible par plusieurs situations. D’une
part, les gangs et membres de gangs sont criminalisés afin d’autre part de les mettre à distance
de la société.
I - Criminalisation des maras et mareros
Les nombreuses techniques journalistiques observées précédemment n’ont pas qu’un
intérêt littéraire. En effet, elles mettent en avant certains aspects du phénomène des maras et
contribuent à ancrer dans les esprits une représentation stéréotypée et négative de gangs
d’Amérique latine. Ainsi les métaphores animalières et le champ sémantique relatif aux
désastres naturels insistent sur l’aspect inhumain, bestial et donc sauvage et cruel des
mareros. Ces métaphores vont alors se retrouver dans la description de la lutte contre les
maras, régulièrement comparée à une « chasse » contre un ennemi cruel et inhumain qu’il
faut éliminer pour protéger les citoyens et soigner la société. Dans la même optique, l’usage
de catégorisations couplé à la mise en avant de certaines personnalités emblématiques décrites
comme particulièrement cruelles et violentes participe de la criminalisation des maras. Leurs
activités criminelles sont relatées par les médias mais souvent exagérées et rarement vérifiées
par d’autres sources que les informations officielles de la police. Il ne s’agit pas de nier le lien
entre crime et maras mais d’observer comment celui-ci est expliqué et décrit dans les médias.
Utilisons quelques exemples trouvés dans la presse :
47
El Diario de Hoy « Yo nunca he visto a una pandilla de la MS haciendo obras sociales […] Se
reúnen para delinquir », 27 Juillet 2003.
El Diario de Hoy, « Los Salvatruchos son peores que los guerrilleros », 27 mai 2011.
De manière générale, les termes les plus utilisés pour qualifier les maras sont :
« asociaciones delictivas », « pandillas criminales », « maras juveniles violentas », « grupos y
maras delincuenciales ». Ces associations et généralisations répandues par les médias et les
politiques simplifient le phénomène et favorisent une interprétation manichéenne : les maras
sont des groupes criminels menaçant les citoyens.
II -
Déshumaniser pour distancier et légitimer la répression
Criminaliser les gangs juvéniles renforce la déshumanisation de ces derniers et
facilite la distanciation du reste des citoyens et donc la répression. Déshumaniser les membres
des maras est une stratégie très utilisée par les politiques et les journalistes. Les techniques
que nous avons analysées précédemment participent de cette distanciation sociale déjà en
cours. En outre, une autre manière de criminaliser et déshumaniser les mareros consiste à
leurs attribuer des aspects liés à l’irrationalité, à la nature et à la violence. Les membres des
maras sont décrits comme atteints d’une maladie mentale, comme des individus naturellement
antisociaux.
La Prensa Gráfica, « los pandilleros tienen una enfermedad mental llamada asesinato », 24
octobre 2004.
Les journalistes présentent les mareros comme des individus intrinsèquement criminels,
dédiés à la violence et aux délits, dont le but de la violence est la violence elle-même. Cette
irrationalité est décrite par l’utilisation de différentes expressions :
El Diario de Hoy, « varios pandilleros asesinaron, sin razón aparente, a un joven », 24 juillet
2003.
Leur cruauté et irrespect pour la vie humaine sont mis en avant dans les multiples récits de
meurtres, démembrements et assassinats de femmes et/ou d’enfants.
Nuestro Diario, « capturados por matar a un menor de 15 anos », 12 juin 2008.
La Prensa (Honduras), « Mareros asesinan a dos hermanas », 6 mai 2013.
En attribuant la majorité de la criminalité aux maras, en affirmant leurs liens avec la
criminalité organisée et les réseaux terroristes, en les présentant comme des groupes
fonctionnant en réseaux très hiérarchisés, structurés et transnationaux ; les médias non
seulement déforment l’information mais incitent en outre la population à soutenir des mesures
48
anti-mara répressives. Une telle description des mareros comme des êtres intrinsèquement
violents, cruels et criminels crée une frontière avec le reste de la population et légitime la
protection de ce groupe citoyen contre et au détriment des maras.
Section 2 -
La « seguridad cuidadana » comme prétexte à la
répression des maras
La rhétorique de la lutte anti-mara s’est développée grâce à la présentation des maras
comme menaces criminelles, citoyennes et démocratiques. En réponse à ce danger, le concept
de « seguridad ciudadana » ou sécurité citoyenne prend de la force et concrétise une
dichotomisation de la société entre les citoyens méritant d’être protégés et le reste des
individus menaçant le premier groupe.
I - Les maras : menace criminelle, citoyenne et démocratique
La menace créée par les maras, à la différence de la violence politique, est qu’elle est
délinquante et quotidienne. Les médias et politiques insistent beaucoup sur cet aspect de
violence indiscriminée et omniprésente afin de souligner le danger permanent et public que
ces groupes posent vis-à-vis du reste de la population. Les maras sont représentées comme
cette minorité d’individus cruels et asociaux menaçant une population de citoyens
« idéalisée » selon Wolf112 ; comme si les membres des gangs étaient les seuls à diverger de
l’image du « bon citoyen ». Le marero devient le responsable principal de tous les crimes
commis. Les maras sont ainsi devenues les boucs émissaires sur lesquels les gouvernements
font retomber la responsabilité de la violence nationale et régionale. Or de nombreux rapports
rappellent le manque récurrent de preuve quant aux homicides commis et à la responsabilité
des mareros. Plusieurs instituts de médecine légale de la région affirment qu’en moyenne
environ 10% des homicides peuvent être attribués aux maras et pandillas113. Dans les
discours politiques et médiatiques, les maras vont jusqu'à devenir des menaces à l’Etat et à la
démocratie. La Prensa (Honduras) relate les paroles du Président des Relations Extérieures de
la Chambre haute des Etats-Unis Robert Menéndez « Cuando las maras pueden tener un nivel
tan alto dentro de un país (como El Salvador) es no solamente una amenaza a la seguridad de
112
113
Sonja Wolf, op.cit. p. 148
«Violencia Juvenil, Maras y Pandillas en El Salvador», op.cit. p. 22.
49
los ciudadanos, es una amenaza a la soberanía de un país »114. Le journal espagnol El País,
intitule un article « Las « maras » forman una economía criminal y un gobierno paralelo »115 ,
mettant ainsi en avant la menace démocratique que représentent les maras. Il est intéressant
de constater que plusieurs agences gouvernementales américaines travaillent sur ces maras en
tant que menace à la sécurité nationale. En effet, plusieurs officiels de la Central Intelligence
Agency (CIA) et du Federal Bureau of Investigation (FBI) voient dans les maras une menace
à la sécurité des Etats-Unis116. Les spéculations sur les maras et leur intégration à la
criminalité organisée vont très loin ; plusieurs revues américaines vont jusqu'à affirmer la
pertinence de l’analogie entre maras et groupes terroristes « terroristes et maras se sont
positionnés pour s’emparer du pouvoir politique qui leur garantit une liberté de mouvement,
d’action et l’environnement commercial qu’ils désirent.[…]Les terroristes ainsi que de
nombreuses maras sont engagés dans un acte politique très complexe connu sous le nom de
guerre politique »117. Les maras dépassent ainsi les capacités d’un Etat seul comme le
Salvador, le Honduras ou le Guatemala et nécessitent l’intervention d’une puissance mondiale
comme les Etats-Unis.
II -
« Seguridad ciudadana » : protéger la population contre les maras
Le thème des maras et pandillas est constamment associé à celui de la violence. De
cette manière, le problème de la délinquance juvénile devient un enjeu de sécurité nationale.
Cette équation est lourde de répercussion pour les membres de gangs, mais aussi pour les
jeunes de manière générale. En effet, en mettant en avant la nature violente, délictueuse et
juvénile des maras, chaque marero mais aussi chaque jeune devient un danger potentiel pour
le reste des citoyens. Cette criminalisation des maras a des effets très néfastes pour la société
entière. En effet, selon Peter Peetz, elle conduit à suspecter et indirectement à marginaliser
toute une frange de la population, déjà exclue économiquement et socialement : les jeunes en
situation défavorisée, perçus comme des potentiels mareros118. Si la violence et la
114
« Las maras son une amenaza para la soberanía de un país, dice senador Menéndez», La Prensa, 30 avril
2013.
115
Juan Dalton, « Las « maras » forman una economía criminal y un Gobierno paralelo. » El País, 27 Février
2006.
116
National Security Strategy of the United States of America, Washington DC: The White House, Septembre
2002.
117
Terry W. Saltsman et Ben J. Welch III, «Maras in Central America. National Security Implications of Gang
Activity South of the Border», Small Wars Journal, 2008. [traduction personnelle]
118
Peter Peetz, «Discourses on Violence in Costa Rica, El Salvador, and Nicaragua : Youth, Crime, and the
Response of the State», GIGA Working paper N°80, June 2008, p. 6.
50
délinquance juvénile sont des thèmes prioritaires d’inquiétude pour les citoyens et les médias,
son corollaire, la sécurité citoyenne, est aussi mis en avant. Ce concept de « seguridad
cuidadana » met l’accent sur la protection des citoyens mêmes et de leurs droits individuels et
collectifs, contrastant ainsi avec le thème jusque là dominant de « seguridad nacional »,
sécurité nationale, qui lui comprenait la protection de l’Etat. Pourtant si cette « seguridad
ciudadana », à laquelle de nombreux hommes politiques et gouvernants font référence,
s’intéresse aux droits des citoyens, nous observons qu’en pratique, elle participe de fait à la
discrimination d’une partie de la population qui ne mérite pas la protection119. La connotation
libérale et préventive de ce concept (qui explique son utilisation récurrente dans les médias et
discours) légitime la violation des droits de l’homme d’une partie de la population au nom de
la sécurité de l’autre partie. Cette citation du Président Flores120 illustre le processus de
dichotomisation de la société à l’œuvre : « En algún momento tenemos que trazar la línea de
los que creemos en la seguridad de los ciudadanos y los que favorecen con argumentos de
todo tipo a los delincuentes. »
En décrivant les maras comme des réseaux transnationaux (et donc dépassant les
frontières étatiques) et menaçant les gouvernements, les gangs apparaissent comme mettant
doublement l’Etat en péril, dans son intégrité physique (ses frontières) et démocratique. Cela
permet donc de justifier la mise en place d’institutions et de mesures fortes pour en venir à
bout et sauvegarder la souveraineté étatique. Dans la même optique, l’assimilation des maras
et des groupes terroristes semble légitimer l’engagement international et l’effacement de toute
restriction à la lutte contre les gangs. Le concept de « seguridad ciudadana » permet ainsi la
mise en place de mesures répressives à l’encontre des mareros, ces « Autres-criminels » au
nom de la protection de la population. Dans une dernière partie, nous étudierons plus
précisément ces politiques anti-maras et leurs effets paradoxaux en termes de sécurité et de
protection de droits de l’homme.
119
120
Peter Peetz, Ibid, p. 9.
«Discurso presidencial», El Diario de Hoy, 23 juillet 2003. Annexe 7.
51
TROISIEME PARTIE – La lutte contre les maras : une stratégie
suppressive hégémonique aux effets limités et pervers
La réalité est construite par le discours. Dans cette partie, nous allons montrer
comment le « talk of crime », ce discours sur la violence juvénile, s’est concrétisé par des
politiques publiques. Nous présenterons dans un premier temps les politiques mises en place
pour répondre aux maras, présentées comme des enjeux de sécurité citoyenne, nationale et
internationale. Nous expliquerons ensuite que malgré les annonces et la volonté des
gouvernements de lutter contre les maras, ces mesures s’avèrent non seulement inefficaces
mais aussi contre-productives. Enfin nous montrerons que le concept de « seguridad
ciudadana » conduit à un paradoxe majeur : la mise en place d’une violence institutionnelle et
sociale à l’encontre du groupe des jeunes défavorisés.
Chapitre 1 - Les maras : enjeu de sécurité nationale et
internationale, l’hégémonie des politiques répressives
La mise en avant discursive, politique et médiatique, des maras comme menace et
cause principale du taux de violence national et régional contribue à la définition de politiques
publiques destinées à combattre cette menace. Les réponses étatiques des pays du Triangle du
Nord se caractérisent par une emphase sur la répression des mareros, au détriment de l’aspect
préventif. On parle de manodurismo. L’ampleur décrite du phénomène explique la
participation active et multidimensionnelle des Etats-Unis. Enfin, les acteurs de la sphère
médiatique contribuent à la mise en place et à la continuation de ces stratégies.
Section 1 -
Les politiques nationales de lutte contre les maras : un
difficile équilibre prévention / répression
52
Malgré l’ancienneté du phénomène, les maras n’ont été que récemment prises en
compte par les acteurs politiques. Depuis quelques années, nous constatons que la lutte antimara s’est effectuée au niveau national, régional et international. Si au niveau supra-national,
les tendances sont plus à l’échange d’informations, au niveau national, les politiques
publiques mises en place sont caractérisées par le déploiement d’un vaste arsenal législatif,
policier et militaire. Plus récemment encore et en réponse aux critiques prononcées à
l’encontre de ces stratégies nationales, ces mesures ont semblé évoluer vers des stratégies
dites de « seconde génération ».
I - Une prise en compte récente du phénomène pour un engagement multinational
Le phénomène des maras, quoiqu’ancien et connu, n’a que récemment suscité
l’inquiétude chez les populations et les gouvernants de la région. Jusqu’aux années 2000, il
n’existe aucune stratégie de lutte contre les maras, hormis quelques mesures sporadiques. A
partir des années 2000, la mise en place de plans et stratégies spécifiquement dédiés à la lutte
contre les maras et la tenue de sommets anti-maras121 indiquent le recentrage politique en
direction de cette thématique. De nombreux accords bilatéraux et multilatéraux sont signés
entre les gouvernements d’Amérique centrale. Citons l’accord signé en 2005 entre le
Guatemala et le Salvador instaurant une force commune de sécurité patrouillant le long de
leurs frontières122. De même, l’organisation régionale Sistema de la Integracion
Centroamericana (SICA) au sein de laquelle s’effectue une grande partie de la coopération
régionale prépare plusieurs rencontres et sommets anti-maras.
En partenariat avec le
Mexique, SICA met en place une stratégie de sécurité régionale identifiant huit menaces
régionales, y compris gangs et déportés123, et prévoyant la mise en place d’un système de
partage d’information et d’investigations conjointes. D’autres organisations internationales
comme l’Organization of American States (OAS), l’Inter-American Coalition for the
Prevention of Violence (IACPV), la Banque Mondiale et les Nations Unies 124 s’engagent sous
121
Central American Integration System (SICA) qui comprend les gouvernements du Salvador, Guatemala,
Nicaragua, Honduras, Bélize et du Panama.
122
Claire M. Ribando, «El Salvador: political, economic and social conditions and relations with the United
States», Report for Congress, RS 21655, CRS, 3 avril 2006.
123
Ce document présenté en octobre 2006 et adopté lors du sommet d’aout 2007, identifie huit menaces à la
sécurité régionale : le crime organisé, le trafic de drogues, les déportés ayant des casiers judiciaires, les gangs,
l’homicide, le trafic d’armes à feu, le terrorisme et la corruption. La stratégie est disponible :
http://www.state.gov/p/wha/rls/93586.htm
124
Au sein des Nations Unies, le programme pour le Développement (UNDP) ainsi que l’Office des Nations
Unies contre la Drogue et le Crime (UNODC) sont les plus impliqués.
53
diverses formes : tenue de conférences et de rencontres, adoption de résolutions, production
de rapports, mises en place de prêts bancaires, etc. Si chaque pays a mis en place une réponse
spécifique face aux maras, la stratégie dominant chacune de ces initiatives reste la même : la
répression. Celle-ci est particulièrement agressive dans les pays du Triangle du Nord et
connue sous le nom de Mano Dura . Ce type d’approche combine généralement une forte
répression policière et judiciaire, un fort taux d’emprisonnement, un durcissement des lois
pénales, une plus grande marge de manœuvre donnée à la police et la participation de l’armée.
Intéressons-nous plus en détail aux spécificités et implications de ce type de stratégie.
II -
La stratégie Mano Dura : un arsenal législatif, policier et militaire
Les stratégies dites Mano Dura sont mises en pratique principalement au Salvador,
Honduras et dans une moindre mesure au Guatemala. Elles tirent leur nom de la politique
prônée et pratiquée dès 2003 au Salvador par le Président Flores puis reprise par son
successeur Antonio Saca sous le terme de Super Mano Dura. Deux composantes principales
se distinguent : la modification des lois pénales et le lancement d’opérations militaropolicières massives.
La mise en place des stratégies nationales de lutte contre les maras reposent sur
l’entrée en vigueur dans les différents Etats de lois anti-maras destinées à faciliter les
poursuites criminelles contre les mareros. Au Salvador, il s’agit de la « Ley Anti-Mara »
(LAM) ratifiée en octobre 2003 pour une durée de six mois, qui rend l’appartenance à une
mara illégale et passible de sanctions criminelles125. Le basculement répressif et autoritaire est
immense dans la mesure ou l’illégalité et donc l’arrestation ne sont plus déclenchées par la
commission d’un crime mais par l’appartenance même à une mara, que le marero ait ou non
commis une infraction. Cependant, l’inconstitutionnalité de cette loi, déclarée par la Cour
Suprême de Justice juste avant son expiration, oblige le gouvernement Flores à ordonner son
retrait. Le jour même, une loi de la même substance s’y substitue: la « Ley para el Combate
de las Actividades Delincuenciales de Grupos o Asociaciones Ilícitas Especiales ». D’autre
part le Président Saca, qui arrive au pouvoir peu après et constate l’immense popularité de
Mano Dura, met en place sa propre politique, Super Mano Dura, peu différente de celle de son
prédécesseur, mais qui cette fois propose des réformes permanentes du code pénal. A la
même période au Honduras, le Président Ricardo Maduro modifie l’article 332 du code pénal
125
Décret législatif No. 158 du 9 octobre 2003 promulgant la Ley Anti-Maras, D.O. No. 361, Ministerio de
Gobernación, San Salvador, Salvador, 10 octobre 2003.
54
national, rendant l’appartenance à une mara illégale et établissant une peine de prison de
maximum 12 ans pour l’appartenance à une mara126. Cette limite temporelle est peu après
mise à 30 ans de prison. Notons qu’entre 2003 et 2006, une dizaine de réformes du Code
Pénal hondurien sont nécessaires à la mise en application de leur politique anti-mara. Cette
réforme fait partie du plan plus global de réduction de l’insécurité et de la violence et de lutte
contre les maras en particulier : le plan « Cero Tolerancia » (Tolérance Zéro) inspiré des
stratégies américaines de lutte contre les gangs.
De manière beaucoup plus visible et médiatique, plusieurs opérations policières
accompagnent ces modifications pénales. Au Salvador, une campagne d’effacement de
graffitis et d’arrestations massives de mareros est engagée. Le Honduras met en place
l’ « Operacion Libertad » consistant en la recherche active, pour ne pas dire agressive 127, et
l’arrestation massive de jeunes pour des délits commis ou simplement suspectés d’être
mareros. En effet, le seul indicateur visuel d’appartenance potentielle à une mara réside dans
la présence d’un tatouage. Les contrôles et arrestations basés sur l’apparence se multiplient
donc. Le Guatemala met de son côté en œuvre le « Plan Escoba » afin de reprendre le
contrôle de zones contrôlées par les maras. En revanche, ce plan ne s’accompagne pas de
réformes judiciaires et pénales, ce qui rend ce cas particulier. La mise en place des stratégies
Mano Dura représente un point charnière important pour la vie politique et démocratique de
ces Etats dans la mesure où elle voit aussi le retour dans les rues et pour des missions de
sécurité domestique et locale de l’armée. Les patrouilles de sécurité déployées dans les rues
sont en effet constituées de forces policières et militaires.
III -
Vers des politiques anti-maras de « deuxième génération » ?
En réponse aux nombreuses critiques de la société civile et plus particulièrement des
organismes de défense des droits de l’Homme, les gouvernements du Triangle du Nord
amorcent une évolution des politiques répressives dites de « première génération » vers des
stratégies de « seconde génération ». Plus qu’une évolution, ces politiques sont en réalité
prévues pour compléter le volet répressif. Ces nouvelles politiques sont plus basées sur le
volontarisme et l’incitation à la démobilisation des mareros. Le plan « Super Mano Dura »
de Saca, annoncé en août 2004, est censé répondre à cette nécessité d’une approche plus
127
Wim Savenije, «Las pandillas trasnacionales Mara Salvatrucha y Barrio 19st.: une tensa combinación de
exclusión social, delincuencia y respuestas represivas», in T. Lesser, B. Fernandez, L. Cowie et N. Bruni (eds.),
op. cit.
55
compréhensive du phénomène en intégrant des acteurs de la société civile aux groupes de
travail gouvernementaux afin de réfléchir aux étapes de réintégration et de prévention de la
violence128. Cependant, malgré l’effet médiatique et avant tout rhétorique de ce nouveau plan,
l’aspect répressif reste largement majoritaire. Super Mano Dura durcit même les
législations129 en élargissement les catégories d’actes passibles de poursuites criminelles et en
augmentant les sanctions encourues. En parallèle, le plan Mano Dura est peu à peu complété
par des programmes dits « Mano Amiga » et « Mano Extendida ». Tandis que Mano Amiga
se centre sur la prévention auprès des jeunes à risques susceptibles d’intégrer un gang, Mano
Extendida intervient pour la réintégration des ex-mareros au sein de la société. Au Salvador,
les institutions comme le Secretaria de la Juventud (SJ, établit en 2004) sont chargées de leur
mise en œuvre.
Pourtant, ces évolutions restent avant tout théoriques. Sur le terrain, les méthodes
changent peu et la répression agressive continue de prévaloir. Selon José Luis Rocha, les
gouvernements mettent en avant de telles stratégies dans un but avant tout « cosmétique »,
c'est-à-dire pour détourner l’attention du maintien de Mano Dura et ainsi plaire aux donneurs,
aux bailleurs de fonds potentiels et aux organisations internationales de promotion des droits
de l’Homme130. D’autre part, les plans Mano Amiga et Mano Extendida restent critiqués pour
leur manque de financement et d’efficacité. Selon Sonja Wolf 131, les institutions créées pour
mettre en œuvre ces politiques de « seconde génération » restent faibles et politisées ;
destinées à soutenir un effet d’annonce et à démontrer l’engagement du gouvernement à
adopter une solution basée sur la prévention.
Section 2 -
L’ engagement multidimensionnel des Etats-Unis en
Amérique latine
L’intérêt pour les maras se manifeste par un engagement multidimensionnel des
Etats-Unis. Afin de lutter contre les maras, qui constituent aussi une menace nationale pour
les Etats-Unis, ces derniers s’engagent dans un processus de coopération régionale avec les
128
País seguro: plan de gobierno 2004-2009 (San Salvador: Gobierno de El Salvador), 2004. Disponible:
http://www.lib.utexas.edu/benson/lagovdocs/elsalvador/federal/presidente/Plan%20Pais%20Seguro.pdf
129
Code Pénal, Code de la procédure pénale et Acte relatif aux délinquants juvéniles.
130
José Luis Rocha, « Mapping the labyrinth from within: the political economy of Nicaraguan youth policy
concerning violence », Bulletin of Latin American Research, Vol. 26, No. 4, 2007, pp. 293-550.
131
Sonja Wolf, «Street gangs of El Salvador», in Thomas Bruneau, Lucia Dammert et Elizabeth Skinner (eds.),
op. cit.
56
gouvernements d’Amérique centrale. Cependant, malgré la diversité de leur engagement, les
résultats restent mitigés.
I - Les maras : une menace grandissante pour la sécurité des Etats-Unis
Les Etats-Unis sont en réalité les premiers à prendre conscience du problème
domestique posé par les gangs. Ils mettent ainsi en place dès les années 90 des lois
migratoires organisant la déportation dans leurs pays d’origine des personnes ayant commis
des délits et originaires d’Amérique centrale. A ce stade, les Etats-Unis se préoccupent avant
tout de leur sécurité intérieure et se contentent d’expulser les menaces potentielles sans
s’engager à un suivi avec les pays receveurs. Plus récemment, la stratégie a évolué vers un
schéma de coopération régionale.
S’appuyant sur des arguments de menace nationale,
régionale, transnationale et sur le potentiel déstabilisateur des maras, présentées comme des
réseaux de criminalité organisée transnationale, les gouvernements américains successifs se
sont lancés dans des opérations anti-maras à l’extérieur de leurs frontières. Illustrons cette
inquiétude par une citation du directeur du FBI Robert Mueller « Les groups criminels et
autres entreprises illicites, opérant aux Etats-Unis et dans le monde, représentent une
préoccupation croissante pour les autorités policières nationales et internationales et pour la
communauté du renseignement. »132
II -
Les Etats-Unis : engagés dans le cadre d’une coopération régionale
Plusieurs agences fédérales américaines supportent
ainsi les efforts des
gouvernements d’Amérique centrale dans leur lutte contre les maras. L’expression la plus
directe et connue de cet engagement est l’Initiative Mérida lancée par le Président Bush en
2007. Il s’agit d’un programme de coopération sécuritaire entre les Etats-Unis, le Mexique et
les Etats d’Amérique centrale 133. Ce plan permet aux Etats-Unis de fournir aux signataires
une assistance matérielle, humaine et financière afin de promouvoir le respect de l’Etat de
droit. D’autre part, les Etats-Unis développent « The US Strategy to combat criminal gangs
132
Robert S. Mueller III (Directeur, Federal Bureau of Investigation), “Priorities in the FBI’s criminal
programs,” déclaration devant le Senate Judiciary Committee on the Judiciary, 111ème Congrès, 2nd sess., 16
septembre 2009. [Traduction personnelle]
133
Bélize, Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua, Panama, Haiti et la République
Dominicaine.
57
from the Central America and Mexico »134. Ce document préparé par le Department of
State135 est la composante-clé de la stratégie antigang américaine ; elle annonce l’intervention
des Etats-Unis dans cinq domaines : diplomatie, rapatriement, police, renforcement des
capacités et prévention.
L’engagement américain est multidimensionnel. La lutte contre les gangs est une
composante de la lutte plus globale contre le crime organisé et la violence, en particulier en
relation avec le trafic de drogues136. Sous l’égide du Department of State est ainsi créé le
Bureau of International Narcotics and Law Enforcement (INL) dont l’une des activités
consiste en l’assistance aux agences régionales dans leur lutte contre les gangs. Le
Department of Homeland Security137, par l’action du Bureau of Immigration and Customs
Enforcement (ICE), met en place en 2005 l’ « Operation Community Shield » consistant, avec
l’aide des autorités locales, nationales et étrangères, en la localisation, la recherche,
l’arrestation, la poursuite et la déportation des membres de gangs situés sur le territoire des
Etats-Unis. Depuis 2005, l’ICE a arrêté plus de 27 600 membres de gangs138. En plus des
opérations domestiques, l’ICE a étendu son support aux pays étrangers subissant le
phénomène des gangs139. Le Department of Justice 140 est aussi impliqué. Plusieurs agences
et groupes de travail « task forces » sont établis comme la MS-13 National Gang Task Force
du FBI 141 (NGTF) ou le National Gang Intelligence Center 142 (NGIC) qui travaillent avant
tout sur la lutte anti-gang à l’intérieur des Etats-Unis, mais en coopération avec les Etats
d’Amérique centrale. Le FBI a mis en place de nombreuses initiatives internationales dont les
plus connues sont :
- Central American Fingerprint Exploitation (CAFÉ): ce programme consiste en la
création d’une base de données commune au Bélize, Mexique, Guatemala, Salvador et
Honduras. Ces données biométriques et criminelles sont consultables par les autorités de ces
Etats et des Etats-Unis afin de faciliter l’échange et le partage d’informations.
- unités Transnational Anti-Gang (TAG) : ces groupes, composés de forces de la
Policia Nacional Civil du Salvador et du FBI conduisent conjointement des activités de
134
Committee on Hemispheric Security, Permanent Council of the Organization of the American States, « US
Strategy to combat the threat of criminal gangs from Central America and Mexico, » document présenté au
Special Meeting on the phenomenon of criminal gangs, 17 janvier 2008.
135
Ministère des Affaires étrangères des Etats-Unis
136
Florina Cristina Matei, op. cit. 197-199.
137
Ministère de l’Intérieur des Etats-Unis.
138
ICE, Operation Community Shield/Transnational Gangs. Disponible: http://www.ice.gov/community-shield/
139
Claire Ribando Seelke, Gangs in Central America, CRS, Report for Congress, RL34112, 3 janvier 2011.
140
Ministère de la Justice des Etats-Unis.
141
Voir http://www.fbi.gov/about-us/investigate/vc_majorthefts/gangs/gangs_ms13taskforce
142
http://www.fbi.gov/about-us/investigate/vc_majorthefts/gangs/ngic
58
recherche, identification, partage d’information et d’assistance policière liées aux activités des
gangs143. A l’origine localisée au Salvador, cette initiative est étendue au Guatemala et
Honduras.
- le Central American Criminal History Information Program (CHIP), qui fournit aux
autorités étrangères des informations sur l’historique des activités criminelles des individus
déportés dans leur pays d’origine.
Ces diverses initiatives, dont la plupart ne sont pas mentionnées dans cet essai mais sont de la
même nature, ont pour but de faciliter le combat contre les maras et la réduction de la
violence criminelle en améliorant la formation des juges et des policiers d’Amérique latine et
en augmentant le partage et l’échange d’information entre agences et autorités nationales.
III -
Les résultats mitigés de l’intervention américaine
Cependant les critiques sont nombreuses quand à l’efficacité de ces mesures.
L’argument principal repose sur l’insuffisance de cette intervention. Si les Etats-Unis restent
les donneurs principaux en Amérique latine, il est important de préciser que cette aide
financière a peu évolué depuis la fin des années 90. En effet depuis les années 2000 et malgré
les efforts et l’interventionnisme américain en matière de lutte contre le narcotrafic, la
répartition de l’aide américaine envers l’Amérique latine est restée stable : aux alentours de
13% de l’aide américaine totale 144. Notons que l’administration Obama réduit en 2011
d’environ 10% les fonds d’aide à destination de cette région145.
Source: USAID and Department of State
143
Voir http://www.fbi.gov/news/stories/2007/october/ms13tag_101007
Burt Tarnoff et Marian Leonardo Lawson, Foreign aid: an introduction to US programs and policy, CRS,
Report for Congress, R40213, 9 Avril 2009.
145
L’administration Obama a justifié cette diminution en expliquant que le programme entrait dans une phase
moins couteuse, nécessitant donc moins de fonds. A ce sujet voir : Andres Oppenheimer, « Commentary :
Obama’s foreign aid budget cuts send wrong message to Latin America, » McClatchy, 13 février 2012.
144
59
D’autre part, malgré les discours, Florina Cristina Matei dénonce la faible coopération et la
rivalité interinstitutionnelle entre les différentes agences fédérales des Etats-Unis au sujet de
la stratégie globale à adopter (répression contre prévention) et de la répartition des activités
qui nuit à la réalisation concrète des objectifs prévus146.
Section 3 -
Le soutien des médias aux politiques de répression
Le lancement de Mano Dura ainsi que son succès ont été grandement facilités par les
médias. Concernant le lancement de ce type de politique, les médias ont, comme nous l’avons
détaillé, participé à la création de la menace, à la criminalisation des mareros et ont ainsi
incité la population à soutenir des politiques agressives de répression. En ce qui concerne son
succès, celui-ci a été avant tout médiatique. En effet, les médias ont énormément suivi et
promu, directement ou indirectement (par absence de critiques) les mesures. En attribuant aux
maras la majorité des crimes commis, les journaux présentent ainsi les plans Mano Dura
comme un instrument pour réduire le phénomène des gangs et pour, plus généralement,
diminuer le niveau de violence national147.
Ainsi le lancement le 23 juin 2003 du plan Mano Dura par le Président Flores
apparait comme un véritable exercice de communication politique. Cette inauguration a en
effet, lieu à coté d’un mur recouvert de graffiti et signes symbolisant les maras, en présence
de plusieurs journalistes ayant contribué à rendre visible l’évènement. Le Président annonce
alors le lancement d’une campagne d’effacement des graffitis et une d’opération anti-mara
menée conjointement par la police et l’armée. Le symbole, ici visuel, est fort et donne une
impression d’action immédiate, de prise en main de la situation.
Président Flores, à San Salvador,
annonçant la mise en place de Mano
Dura, 23 juillet 2003. Photo publiée dans
El Diario de Hoy, 23 juillet 2003.
146
147
Florina Cristina Matei, op. cit. p. 208.
«“Mano Dura” contra mareros », La Prensa Grafica, 24 juillet 2003.
60
Le soutien des médias s’effectue par le biais de l’extrême médiatisation et visibilité données
aux opérations gouvernementales. Dès le lancement des mesures, les journaux mettent en
scène les arrestations massives et les résultats des opérations policières en citant le nombre
d’individus arrêtés. Les tournures des phrases, souvent exclamatives, indiquent une certaine
satisfaction quant aux résultats.
« Caen 10 sicarios », Nuestro
Diario (Guatemala), 29 novembre
2007
Dans le même journal, les pages suivantes mettent en avant, notamment par le biais de
photographies, l’importance des moyens mis en œuvre et les résultats obtenus. Ce journal fait
apparaitre des témoignages de voisins appuyant et se félicitant de la capture des mareros.
Johanna Méndez témoigne ainsi « Ahora podremos estar un poco tranquilos y habrá menos
violencia ».
« Caen 10 sicarios», Nuestro Diario, 29 novembre 2007
61
Les médias comparent régulièrement les opérations de lutte contre les maras à des parties de
chasse réussies.
« Cacería de mareros, » Nuestro
Diario, 21 juillet 2008
« Despliegan a los cazadores de mara », El Diario de Hoy, 16 septembre 2004.
L’usage du mot « guerre » est abondamment employé par les médias et les politiques,
justifiant ainsi d’un niveau élevé de violence. De même les journalistes utilisent un champ
sémantique lié aux déchets, à la saleté, l’impureté ; donnant ainsi une impression de
« nettoyage » de la ville, « la operación de “limpieza”»148.
Avec les maras, la violence, si omniprésente selon les politiques et les médias,
acquière un visage. Les médias participent ainsi de l’accusation des mareros en publiant de
nombreuses photographies de ces derniers. Les mareros sont des sujets de représentation par
excellence pour les médias. En effet, leurs visages tatoués, leur style vestimentaire, leur façon
de s’exprimer et leur comportement les rendent particulièrement reconnaissables et atypiques.
Ils deviennent ainsi le visage le plus visible de la violence. Visages, qui pour manifester les
résultats des mesures étatiques, sont photographiées en état d’arrestation, au moment de leur
capture, entourés de la figure physique et symbolique du policier, adossés à un mur têtes
baissées ou encore derrière des barreaux, en prison.
148
“FAES buscará pandilleros en 10 municipios”, La Prensa grafica, 12 décembre 2012.
62
"Detienen a pandilleros vinculados a secuestro," El Diario de
Hoy, 6 août 2010
"Youth gangs and drug barons: a
marriage made in hell," The
Economist, 13 janvier 2005
"Ligan a proceso a 22 líderes de pandillas por 142
asesinatos," La Prensa libre, 30 novembre 2011
Le soutien indirect des médias se discerne dans l’absence ou le caractère inaudible d’un
discours alternatif. Les journaux continuent à présenter le même discours distanciateur et
accusateur envers les maras. Pourtant malgré l’immense soutien médiatique et populaire que
reçoivent ces politiques, les résultats ne sont pas probants. Au contraire, la violence
s’intensifie.
Chapitre 2 -
Une volonté présente mais des résultats à
démontrer
Dans les pays composant le Triangle du Nord, les politiques répressives mises en
place ont des résultats très similaires. En termes de sécurité et de réduction de la violence, ces
politiques n’ont pas l’effet escompté. Malgré les arrestations et détentions massives résultant
63
des mesures de Mano Dura, les chiffres de la violence ne diminuent pas. Un effet inverse
s’opère, les maras s’adaptent et une sphère d’illégalité s’institutionnalise
Section 1 -
Arrestations massives et engorgement des prisons
Une des conséquences les plus immédiates et visibles de la mise en œuvre des
politiques de Mano Dura est l’arrestation massive de milliers de jeunes. Cependant le manque
de preuve résulte en la remise en liberté d’une écrasante majorité de ces derniers.
L’engorgement des prisons résultant des opérations policières et des modifications législatives
produit des effets pervers en mettant en contact entre eux des mareros et en faisant office de
lieu de socialisation.
I - Des arrestations massives mais sans suite
L’efficacité des politiques de Mano Dura se mesure principalement sur le court terme
et d’un point de vue électoral et populiste. L’extrême médiatisation et visibilité des opérations
de capture des mareros est avant tout pour les gouvernements un moyen rapide et efficace
(sur le plan électoral seulement) de montrer leur engagement et action dans la lutte contre la
violence149. Une des conséquences les plus immédiates et visibles des politiques
gouvernementales anti-maras est l’explosion du nombre d’arrestation de jeunes, mareros ou
non, en raison de la marge de manœuvre et de discrétion données aux forces de police du fait
des modifications législatives. Pourtant, en creusant plus loin les informations, il convient de
noter qu’une écrasante majorité de ces jeunes arrêtés sont en fait rapidement relâchés, faute de
preuves. La première année de Mano Dura voit l’arrestation de quelques 19 275 individus au
Salvador pour des délits liés à l’appartenance à une mara, mais plus de 95% des cas sont
abandonnés150.
En 2005, la police salvadorienne relâche ainsi 10 000 des 14 000 jeunes suspectés
d’appartenir à un gang 151. Ces mouvements d’arrestations et de relâchements rapides
149
Claire Ribando Seelke, op.cit., p. 11.
FESPAD, Estado de la seguridad pública y la justicia penal en El Salvador, San Salvador: FESPAD
Ediciones, 2005, p. 13.
151
« Most of 14 000 gang members arrested in El Salvador were released , » EFE News Service, 27 Décembre
2005.
150
64
remettent en question l’efficacité de la politique Mano Dura ainsi que la légitimité du système
de justice. Ces mesures minent le peu de confiance et de crédibilité que les jeunes, mareros ou
non mais ciblés par ces arrestations sans preuves, ont dans le système législatif et juridique de
leur Etat mais aussi que la population plus globale a dans le système. En effet, si ces
politiques restent majoritairement soutenues par la population c’est car peu d’alternatives sont
proposées.
II -
Des prisons engorgées : lieux de socialisation et de massacres
Résultat direct des arrestations massives, les prisons sont rapidement engorgées. La
surpopulation et les mauvaises conditions d’emprisonnement sont pointées du doigt par les
organisations de défense des droits. Human Rights Watch explique ainsi qu’au Honduras, les
prisons censées permettre la détention de 8000 personnes renferment en fait 13 000 individus.
En février 2012, plus de 300 prisonniers périssent dans un incendie 152. Au Salvador, entre
2004 et 2007, la population carcérale double de 6 000 à 12 000 prisonniers, 40% étant détenus
pour appartenir à une mara153.Certaines prisons ne renferment quasiment que des mareros.
Ces lieux deviennent alors des endroits de rencontres et de socialisation entre mareros et
futurs membres de gangs. La prison se transforme en un espace privilégié de rencontre mais
aussi de recrutement. Selon Rocha, « Por lo que a la pandilla toca, la cárcel es un nivel
superior de socialización. Se logra la profesionalización del estatus de pandilleros […] En la
cárcel se conocen pandilleros de barrios muy distantes, intercambian impresiones, se refuerza
el argot »154. Comme nous l’expliquerons par la suite, les prisons sont ainsi un facteur avancé
pour expliquer la transformation des maras en groupes plus soudés.
D’autre part, les prisons deviennent aussi des lieux d’affrontement entre maras
rivales. En effet, les mareros détenus se retrouvent emprisonnés avec d’autres mareros de
bandes rivales. La lutte des rues est alors déplacée et prolongée dans les prisons. Plusieurs
massacres de mareros ont lieu et sont relatés dans la presse. Le nombre de morts liées aux
maras ne diminue pas mais change de nature : les mareros sont encore plus victimes d’euxmêmes au sein des prisons. Cette violence carcérale intra-mareros se répercute à son tour dans
les rues en conduisant certaines maras rivales à briser des pactes de non-agression qui avaient
été décidés auparavant.
152
Human Rights Watch, World Report 2013. Disponible : http://www.hrw.org/world-report/2013/countrychapters/honduras?page=2.
153
Dennis Rodgers, «Pandillas y maras: protagnositas y chivos expiatorios», Envío, No. 309, Décembre 2007.
154
José Luis Rocha, «Pandillas, una cárcel cultural», Envío, No. 219, 2000.
65
Malgré les détentions et arrestations massives, les chiffres de la criminalité ne
diminuent pas. Au contraire, la mise en place des stratégies Mano Dura correspondent à des
moments de hausse des homicides.
Nombre de prisonniers et d'homicides pour 100 000 habitants au Salvador, 2000 -2010155
350
300
250
200
Taux incarcération
150
Taux d'homicides
100
50
0
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
Les taux de criminalité en hausse indiquent l’échec et le caractère inapproprié, voire
contre-productif de ces politiques. En effet, en réponse à ces mesures gouvernementales, les
maras adoptent des stratégies d’adaptation.
Section 2 -
Transformations des maras : adaptation à la
répression
De nombreuses critiques sur la contre-productivité de Mano Dura sont soulevées au
sein du monde associatif et universitaire. Une des thèses principales se réfère à la
transformation que les maras auraient opérée afin de s’adapter à la répression qu’elles
subissent.
155
Elaboration propre a partir des données de l’UNODC, Transnational organized crime in Central America and
the Caribbean. A threat assessment, Vienna : UNDOC, septembre 2012, p. 13.
66
I - Le renforcement des liens internes
En réponse aux arrestations basées sur l’apparence, les maras ont développé une
attitude et un style vestimentaire plus discret. Leur signe distinctif, le tatouage, s’est fait
beaucoup moins visible. De nombreux mareros décident même d’effacer leurs tatouages156,
rendant ainsi leur traque et identification plus difficile et longue pour les forces de sécurité.
De plus, en mesure protective, les maras auraient renforcé leur cohésion interne en rendant
plus difficile l’entrée dans une mara notamment. Le passage quasi systématique d’un marero
en prison, du fait de la diminution des barrières juridiques limitant l’emprisonnement, est
aussi cité comme un facteur fondamental dans cette évolution des gangs 157. Selon Barnes, la
prison constitue un espace privilégié de création d’un « capital social négatif » 158 et donne
l’opportunité à certains mareros d’intégrer des réseaux de criminalité organisée. En plus de
l’aspect socialisant de la prison, l’enfermement d’un grand nombre de mareros a affecté
l’arrivée de ressources des mareros restés libres et qui doivent alors développer d’autres
canaux d’approvisionnement. D’autre part, de nombreux mareros quittent leur pays pour fuir
la répression. Selon certains auteurs, en traversant les frontières et en rencontrant d’autres
individus à l’étranger, ils contribuent à l’internationalisation des gangs.
Nous remarquons qu’une majorité des effets pervers des politiques de Mano Dura,
comme l’internationalisation des maras et l’appartenance à des réseaux de criminalité
organisée, sont en fait des aspects qui leur avaient été attribués par les médias et politiques
avant la mise en place de ces mesures. Il semble que les politiques gouvernementales aient
paradoxalement catalysé l’évolution des gangs en ce qu’ils voulaient à l’origine combattre.
II -
Une visibilité inattendue donnée aux maras
Par effet auto-amplificateur, cette attention nouvelle portée aux gangs juvéniles a, en
parallèle à l’image criminelle et asociale propagée par les médias et les politiques, aussi donné
aux maras une plus grande visibilité. A force de représenter les maras comme des individus
cruels, violents, sans respect pour la vie humaine, appartenant aux réseaux plus vastes et
156
Mauro Cerbino, «Jóvenes víctimas de violencias, caras tatuadas y borramientos», Perfiles latinoamericanos,
vol.19, n.38, Julio-diciembre 2011, pp. 9-38.
157
Scott H. Decker, Tim Bynum et Deborah Weisel, « A tale of two cities: gangs as organized crime groups, »
Justice Quarterly 15, No. 3, 1998, pp. 395-425.
158
Nielan Barnes, Resumen ejecutivo pandillas juveniles transnacionales en Centroamérica, México y los
Estados Unidos, non daté, ITAM-CEPI. Disponible:
http://interamericanos.itam.mx/maras/docs/Resumen_Ejecutivo_Espanol.pdf
67
structurés de la criminalité organisée et transnationale les médias ont contribué, malgré eux, à
renforcer l’attractivité des maras auprès de nombreux jeunes marginalisés et à les rendre donc
plus présentes et dangereuses. Nous voyons ici la puissance du discours et la difficulté pour le
contrôler. Ces discours sur la menace des gangs de jeunes et les mesures répressives et
surdimensionnées mises en œuvre pour lutter contre ceux-ci donnent en fait à ces gangs un
pouvoir qu’ils n’ont pas, ou du moins qui n’a pas été prouvé ; l’absence de preuve n’étant pas
la preuve de l’absence. D’une part, les nombreux documentaires et articles sur les maras
mettent en exergue des valeurs très viriles liées aux gangs comme la témérité, le courage, la
force, la recherche de pouvoir territorial et financier ; valeurs qui sont en fait celles promues
dans toutes les sociétés post-industrielles et capitalistes. Les gangs utilisant simplement des
moyens détournés, illégaux et informels pour arriver à leurs fins. De même l’image de la
« vida loca » est attrayante pour une grande partie des jeunes issus eux aussi de milieux
défavorisés et victimes d’exclusion.
D’autre part, les prisons devenant lieux de socialisation des mareros, ont permis à
ces derniers de s’interconnecter. Nous voyons ici la « prophétie auto-réalisatrice » du
discours. Les médias et politiques ont basé leur argumentaire sur cette soi-disant
interconnexion régionale et internationale des maras, sans preuve solide. L’engorgement des
prisons, produit des mesures répressives de Mano Dura, elles-mêmes résultats d’un discours
sécuritaire sur les maras, a permis cette mise en relation des futurs et actuels membres de
maras.
Section 3 -
Les stratégies anti-maras responsables de l’évolution
violente des maras
Un des débats les plus important au sein de la communauté universitaire concerne les
raisons pour lesquelles les maras sont et restent plus violentes, malgré les politiques mises en
place depuis les années 2000, que les pandillas du Nicaragua. Outre les explications
proposées en partie 1, une autre hypothèse émerge. La thèse défendue par José Miguel Cruz 159
attribue la transformation et l’adaptation violente des gangs du Salvador, Honduras et
Guatemala aux politiques antigangs mises en place par ces Etats.
159
José Miguel Cruz, «Government responses and the dark side of gang suppression in Central America», in
Thomas Bruneau, Lucia Dammert et Elizabeth Skinner (eds.), op. cit. pp. 138-141.
68
I - La création d’une « économie du crime »
En raison de la faiblesse institutionnelle de ces Etats et de leur instabilité, ces
politiques de lutte contre les gangs ont été accompagnées d’une multitude d’activités
informelles. Ce sont ces dernières, nommées par Elie Ranum160 « sphères illégales » qui ont
profité aux maras en leur permettant de bénéficier de toute une aire clandestine. En effet, ces
stratégies Mano Dura, caractérisant les réponses du Salvador, Honduras et Guatemala, se sont
manifestées comme nous l’avons expliqué, par la mise en place de législations anti-maras
permettant l’arrestation non seulement de mareros « avérés » mais aussi de suspects. Au
Guatemala, aucune loi de ce type n’a formellement été approuvée, par conséquent la police
base ses arrestations sur sa propre interprétation des lois existantes. Nous comprenons, dans
ces deux configurations, la marge de manœuvre et de discrétion laissée aux autorités dans
leur mission de capture des mareros. « Les politiques de Mano Dura sont des mesures
formelles ouvrant la porte aux abus informels de la police »161.
Les résultats des politiques de Mano Dura, arrestations massives et engorgement des
prisons, ont permis la mise en relation des différents groupes de gangs. De plus, la souplesse
des restrictions policières et militaires dans leur mission de réduction de la violence juvénile
s’est traduite par une exacerbation de la violence extralégale envers les maras perpétrée par la
police et l’armée, c'est-à-dire par l’Etat. De plus cette violence et impunité étatique s’est
accompagnée de l’augmentation du nombre d’acteurs participant, de manière totalement
extra-légale, à cette stratégie de lutte contre les gangs. Ce sont précisément ces zones d’extralégalité, c'est-à-dire d’informalité et d’illégalité qui nourrissent les maras, mais aussi les
réseaux criminels de manière plus général. En fermant les yeux, voire en encourageant
d’autres acteurs, légaux et illégaux,
à prendre part à cette guerre contre les gangs, les
autorités étatiques contribuent au développement d’une véritable « économie du crime »162.
II -
Le cas particulier du Nicaragua
Le cas du Nicaragua diffère en ce sens que les mesures mises en place pour lutter
contre les gangs rendent compte d’une approche différente. A l’inverse du Salvador,
160
Elie Ranum, «Pandillas juveniles transnacionales en Centroamérica, México y Estados Unidos», Diagnostico
Nacional Guatemala, Red Transnacional de Analisis sobre Maras, Centro de Estudios y programas
Interamericanos, ITAM y IUDOP, 2006.
161
Alisha C. Holland, «Right on crime ? Conservative Party Politics and Mano Dura Policies in El Salvador »,
Latin American Research review, Vol. 48, No. 1, 2013, p. 46. [Traduction personnelle]
162
José Miguel Cruz, op.cit. p. 155.
69
Honduras et Guatemala qui ont envisagé la thématique des maras comme un enjeu de sécurité
nationale et les mareros comme des menaces, le Nicaragua dès les années 90 a considéré les
mareros et pandilleros comme des rebelles souffrant de discriminations sociales et
économiques163. L’approche, radicalement opposée, s’est alors traduite par l’activation d’un
plan d’intervention des forces de police 164 mais conjointement à l’action locale et préventive
des ONGs, églises et des écoles. La mise en place de ces politiques à dominante répressive
pourrait donc expliquer leur contre-productivité et l’évolution récente des maras dans le
Triangle du Nord. En effet, les stratégies Mano Dura ont renforcé un cercle de la violence
entre créant une rupture entre la sécurité de la population et le respect de droits des mareros.
Chapitre 3 -
Le cercle de la violence : entre sécurité et droits de
l’Homme
Les gangs sont décrits comme menaçant les différents niveaux de la sécurité : locale,
nationale, régionale et transnationale. Dans cette partie finale, il s’agira de montrer que la
réponse des gouvernements, centrée sur la répression agressive et l’instauration d’un régime
d’exception envers les mareros, représente une menace plus grande. Les stratégies Mano
Dura contribuent à remilitariser la sécurité et plus généralement la société et à
institutionnaliser des mesures discriminatoires. Par conséquent, les gouvernements
d’Amérique centrale favorisent la continuation et l’aggravement du « cercle de la violence ».
Section 1 -
La mise en place d’un régime d’exception
La mise en place d’un régime exceptionnel dans le cadre de la lutte contre les maras
est illustrée par plusieurs transformations. D’une part, les activités de sécurité domestique et
civile se militarisent. D’autre part, des mesures législatives sont assouplies dans le sens d’une
facilitation des arrestations arbitraires.
163
Cette approche aurait été facilitée par le fait que les forces de la Police Nationale du Nicaragua sont ellesmêmes fortement composées d’anciens guérilleros.
164
PNUD, op.cit., p. 113.
70
I - Militarisation de la sécurité
Un des aspects les plus visibles de la lutte contre les maras est le retour dans les rues
de patrouilles militaires, remettant en question la séparation des affaires civiles et militaires.
Les transitions démocratiques opérées à la suite des conflits et dictatures militaires dans les
différents Etats ont presque toutes eu pour point commun d’essayer de limiter et d’encadrer
l’interférence de l’armée dans les affaires concernant la sécurité domestique 165. A la suite des
démobilisations, des forces de police nationale ont donc été mises en place en substitut
« démocratique » à la composante militaire. Les constitutions étatiques ont bien sûr gardé la
possibilité de faire intervenir l’armée temporairement et en cas de circonstances
exceptionnelles. Pourtant nous constatons qu’au Salvador et au Guatemala notamment, les
patrouilles militaires sont restées présentes et patrouillent dans les rues depuis 2003. Call
nomme cette présence temporelle longue une « mission de supplément permanente » 166.
L’intervention militaire, en étant très visible et présente, contribue surtout à affaiblir
l’Etat, dans sa légitimité et sa capacité d’intervention civile et dans son caractère
démocratique. Cette présence des militaires dans la sécurité interne de ces Etats fait craindre
la menace que ceux-ci récupèrent une place prédominante, non plus uniquement dans la
sécurité, mais aussi dans les affaires internes et politiques de ces Etats. Au Guatemala, le
Président Otto élu en 2011 est ainsi un ancien militaire. Depuis son arrivée au pouvoir, il a
augmenté l’intervention militaire dans les opérations de sécurité publique malgré les
violations sérieuses des droits de l’homme dont l’armée avait été tenue responsable pendant la
guerre civile167.
II -
Vers un retour des pratiques autoritaires
Les stratégies Mano Dura sont accompagnées et rendues possible par les
modifications parallèles des lois, facilitant l’arrestation et le jugement des mareros.
Reprenons la loi anti-mara (LAM) adoptée au Salvador le 9 octobre 2003 et majoritairement
reprise dans la LAM II (à la suite de la déclaration d’inconstitutionnalité de LAM). Cette loi
165
Washington Office on Latin America, Youth gangs in Central America: issues in human rights, effective
policing, and prevention, Washington, DC: WOLA, November 2006, p. 8.
166
Charles T. Call, « War transitions and the New Civilian Security in Latin America», Comparative Politics,
Vol. 35, No. 1, 2002, pp. 1-20. [traduction personnelle]
167
Human Rights Watch, World Report 2013. Disponible: http://www.hrw.org/world-report/2013/countrychapters/guatemala
71
établit un régime juridique spécial temporaire de 180 jours pour combattre le phénomène des
maras et pandillas. Cette loi fournit une définition de la mara ou pandilla (article 1) :
« para los efectos de esta ley se considerará como asociación ilícita denominada
“mara” o “pandilla” aquella agrupación de personas que actúan para alterar el orden público o
atentar contra el decoro y las buenas costumbres y que cumplan varios o todos los criterios
siguientes: se reúnan habitualmente, que señalan segmentos de territorio como propio, que
tenga señas o símbolos como medios de identificación, que se marquen el cuerpo con
cicatrices o tatuajes. »
A cette catégorisation, relativement floue et large, est adossée une liste de délits passibles de
sanction et d’emprisonnement :
- l’appartenance à une mara devient illégale,
- les tatouages sont décrits comme un signe distinctif d’appartenance et un tatouage
faisant explicitement référence à une mara devient illégal (article 18) « Los que por medio de
señas o tatuajes se identifiquen con maras o pandillas o grupos delincuenciales serán
sancionados con sesenta días de multa »,
- les jeunes de 12 à 18 ans peuvent êtres jugés comme des adultes, même si le juge
pour enfants garde un pouvoir de décision.
La possibilité d’arrestation basée sur l’apparence et sans preuve remet en cause les
principes fondamentaux de non-discrimination et de présomption d’innocence. Ces violations
des droits de l’homme et des conventions internationales auxquelles le Salvador est partie sont
reconnues par la Cour Suprême de Justice comme nous l’avons mentionné, mais aussi par les
Nations Unies et plus particulièrement par le Comité sur les Droits de l’Enfants qui confirme
la position de la Cour suprême et invite le Salvador à abroger ce texte de loi168. Cette loi
illustre la façon dont les différents Etats, par le biais de leur législation, instaurent donc un
régime d’exception pour les mareros, qui ne bénéficieront plus de certaines garanties
juridiques fondamentales.
Section 2 -
Institutionnalisation de discriminations envers un
groupe
168
Commission on Human rights, Civil and political rights, including the question of disappearances and
summary executions, Report of the Special Rapporteur, Ms. Asma Jahangir, 14 juin 2002.
72
Les mesures Mano Dura ont institutionnalisé des pratiques discriminatoires et
arbitraires à l’encontre des mareros. Au-delà des membres de gangs, politiques et médias
participent de la stigmatisation d’un groupe entier.
I - Les médias font-ils justice ?
Les médias participent activement à la campagne d’accusation des mareros. Malgré
le manque de preuves et de données sur le phénomène, les journalistes emploient des
tournures et des expressions telles que « présumés », « suspectés de » (qui nuancent le propos
tout en montrant un accord implicite des médias avec l’accusation), « responsables de »,
« accusés de » (tournures très explicites), appuyant la culpabilisation des mareros. Les médias
détruisent ici un droit fondamental de la justice : la présomption d’innocence (garantie
fondamentale qui a aussi été remise en cause par les lois anti-maras mises en place par les
gouvernements). De plus, en publiant des photographies des individus au moment de leur
arrestation, les journalistes font correspondre un visage au phénomène des maras, que
l’appartenance au gang et/ou la commission d’un délit soient avérées ou non. Le droit à la vie
privée des individus ciblés est alors remis en cause. Ce rôle des médias nous pousse à nous
interroger sur l’acteur en charge de la justice. Les médias semblent rendre la justice, en
accusant des jeunes avant l’institution judiciaire elle-même. L’impartialité de la justice est
alors fortement mise en doute, au détriment des jeunes ciblés.
II -
Stigmatisation d’un groupe social : jeune et défavorisé
Les jeunes ont souvent été une population visée par les promoteurs de l’ordre social.
Selon Solis, les jeunes ont régulièrement été décrits comme des « rebelles », « violents»,
« menaçant l’ordre social établi » : « se le acusa de ser rebelde y violento, carente de sentido y
responsabilidady compromiso […] Se obvia un imaginario que coloca al adolescente bajo
sospecha permanente, haciéndolo responsable de toda manifestación de oposición o rebeldía que
se produzca en una sociedad. »169 Ce stigma se base sur un acte de communication et non sur
des faits avérés.
169
Solis Rivera, Luis Guillermo, «Pandillas juveniles y gobernabilidad democrática en América Latina y el
Caribe», Memoria del Seminario de Madrid, 16 et 17 avril 2007, Costa Rica: Flacso, 2007.p. 61.
73
Les stratégies anti-maras, de par leur caractère arbitraire, encouragent et renforcent
la discrimination des membres de maras, que ceux-ci aient commis des crimes ou non, et des
jeunes de classe défavorisées (car plus susceptibles d’intégrer une mara) de manière plus
générale. Tout groupe de jeunes gens devient ainsi potentiellement une organisation illicite et
donc une cible pour les forces de police. Au lieu de s’interroger sur les raisons pour lesquelles
ces jeunes intègrent des maras (manque d’opportunités économiques, désintéressement de
l’Etat), ces mesures renforcent l’exclusion sociale de ces jeunes, et incitent la population à se
tenir à l’écart de ces derniers. « Every child with a tatoo and street child is stigmatized as a
criminal »170. Le manodurismo contribue donc à la désintégration sociale dont souffre déjà la
société entière. Peter Lock invite ainsi à la méfiance quant à la création d’un tel « apartheid
inter-générationnel »
171
et ses effets désastreux pour la société entière, la démocratie et le
respect des droits de l’Homme.
Malgré la nature subjective et communicationnelle de ce stigma, il génère des effets
concrets sur cette population. Un des effets est la mise en marche d’une campagne de
« nettoyage social » contre les porteurs de ces stigmas sociaux : les jeunes en situation
défavorisée.
Section 3 -
Victimisation et impunité : le cas des exécutions
extrajudiciaires
Les stratégies Mano Dura, au lieu d’éradiquer la violence, tente d’éradiquer les
mareros eux-mêmes. Au nom de la « seguridad cuidadana » médias et politiques participent
ainsi de la victimisation des jeunes défavorisés, mareros ou non.
I - La responsabilité des politiques et des médias
Les politiques Mano Dura ont incité de manière indirecte les citoyens à faire autojustice. En effet, en critiquant l’inefficacité des lois existantes, leur insuffisance face à la soidisant impunité des gangs, les politiques encouragent des groupes de civils à se charger de
170
Commission on Human rights, Civil and political rights, including the question of disappearances and
summary executions, Report of the Special Rapporteur, Ms. Asma Jahangir, 14 juin 2002.
171
Peter Lock, Crime and violence: global economic parameters , Discours inaugural du tour de table sur Crime
and Violence à l’Institut Goethe de Johannesburg, 18 et 19 mai 2006.
74
leur propre sécurité. Citons le commentaire d’un conseiller juridique auprès de la police
salvadorienne en réaction à la déclaration d’inconstitutionnalité de la loi anti-mara :
« Aujourd’hui, je regarde un membre de gang, je vois les cicatrices montrant qu’il a tué cinq
personnes, et je ne peux rien faire. Nous, en tant que police, ne pouvons rien faire. C’est
pourquoi nous avons besoin de cette législation anti-gang »
. En présentant les maras
172
comme submergeant les capacités étatiques, les politiques encouragent les citoyens à se
défendre. Cette sécurité peut être défensive (construction de murs de sécurité) mais aussi
agressive. La mise à l’écart sociale et la déshumanisation des mareros permet de légitimer
leur suppression physique au bénéfice du reste de la population. Les médias et politiques
présentent l’élimination de ces individus comme la seule option. «Las autoridades y los medios
de comunicación criminalizan a las víctimas, con irresponsables declaraciones sobre la mayoría
de asesinatos cuando, sin investigación alguna, hablan de venganzas o de guerra entre maras,
cuando la mayoría de los asesinatos son personas inocentes »173 .
Les médias jouent un rôle une fois de plus d’incitation et/ou de support direct et
indirect à la violence contre les mareros. Plusieurs articles relatent des cas de « vigilantismo »
c'est-à-dire d’auto-défense et d’auto-justice sans mettre en cause la légalité de ces actions. Au
contraire, les expressions semblent indiquer une certaine justification à ces actions :
l’agacement et l’insécurité des citoyens, l’inefficacité de la loi, le devoir de protection.
El Diario de Hoy, « Hartos de la ola de delitos, los habitantes de Palin tomaron la ley en sus
manos e intentaron quemar vivos a dos mareros », 27 avril 2006. Ce même article, sur le cas
du Guatemala décrit plusieurs situations de lynchage public de mareros « en los últimos
meses los linchamientos han sido para castigar a pandilleros.»
II -
« Limpieza social » et exécutions extrajudiciaires
La victimisation des mareros va loin dans la mesure où de nombreuses exécutions
extrajudiciaires sont rapportées par les organisations de défense des droits de l’homme. Ces
organisations ont constaté depuis quelques années une augmentation du nombre d’homicides
non expliqués d’enfants et de jeunes, mareros ou non, rappelant les cas d’exécutions extralégale. Nous pouvons différencier plusieurs types de groupes faisant justice eux-mêmes : les
groupes paramilitaires ou escadrons de la mort et les groupes composés avant tout de civils.
172
Cité dans Charles T. Call, op.cit. p. 46.
CEG, Informe especial. La violencia en Guatemala y la Responsabilidad del Estado,
Guatemala : CEG, 2006, p. 17.
173
75
Les groupes de sécurité ou paramilitaires ont toujours existé en Amérique latine et
ailleurs dans le monde (Afrique du Sud). Les différents Etats ont subi la présence
d’ « escadrons de la mort » tels que l’organisation « FURODA »174. Ils étaient
particulièrement répandus durant les régimes dictatoriaux afin d’éliminer toute opposition
politique. Avec la transition démocratique, ces groupes illégaux s’effacent de la sphère
politique pour se recentrer sur le « nettoyage social » c’est-à-dire pour lutter contre la
délinquance et la violence criminelle. Ainsi au Salvador, un groupe se faisant appeler la
Sombra Negra s’attaque aux délinquants et les exécute sous prétexte de l’inefficacité des
législations nationales alors en vigueur. Très peu d’informations sont disponibles à ce sujet.
Cependant, selon les données recueillies, ces groupes seraient composés d’anciens ou
d’actuels militaires et paramilitaires, de policiers, de forces de sécurité privée et d’agents de
l’Etat175. Les assassinats commis par ces escadrons sont reconnaissables ; l’usage de torture,
mutilation, la présence de liens sur les mains et les jambes, la mort d’une balle dans la tête
sont ainsi des signes indiquant un certain « professionnalisme ». En parallèle, des groupes de
citoyens organisent aussi la protection, parfois violente de leur quartier. Ainsi le journal El
Faro reporte la distribution de papiers à l’attention de citoyens de la ville de Chaulchuapa
(Salvador) :
« ATENCION CHALCHUAPANECOS
Por su propio bienestar les aconsejamos no andar en las calles a partir de las diez de la noche,
ya que estaremos iniciando une campaña de limpieza de tantos maleantes que andan
quitándonos la tranquilidad. A la policía le aconsejamos acuartelarse por las noches y no salir,
para que no estorben nuestro trabajo. NO SALGA a menos que sea verdadera emergencia,
podría ser confundido con un marero, mañoso, etc.
A los “vichos” vagos de las escuelas y colegios, que se la quieren pasar amedrentando a otros,
CUIDENSE, y todos los vagos que salen a molestar, igual. Ya que nuestras autoridades no
pueden hacer nada, nosotros haremos nuestra justicia. Por la tranquilidad de Chalchuapa.
Estaremos presentes en colonias, barrios, calles, etc.
Nadie nos detendrá. E.L. »176
Ce texte invite les citoyens à rester chez eux la nuit afin que les auteurs « E.L » patrouillent et
exécutent les délinquants.
174
Fuerzas nacionalistas Mayor Roberto D’aubuisson, groupe revendiquant l’élimination de groupes politiques
liés à la gauche.
175
Laura Pedraza Farina, Spring Miller and James L. Cavallaro, No place to hide: gang, State, and clandestine
violence in El Salvador, Cambridge: International Human Rights Clinic, Human Rights Program, Harvard Law
School, 2010.
176
Annexe 8.
76
La criminalisation des maras a participé de la stigmatisation sociale d’une frange
entière de la population : les jeunes hommes issus des milieux défavorisés et les personnes
qualifiées de « déviantes ». En effet, selon plusieurs associations comme Casa Alianza, ces
exécutions touchent aussi les travailleurs du sexe et les personnes ayant des orientations
sexuelles diverses177. Ce sont ces derniers qui sont victimes de groupes d’exécution illégaux
qui circulent dans les rues pour éliminer les soi-disant « mareros ». Quant aux exécutions de
jeunes, en 2009, les données font état 157 exécutions178 extra-légales jeunes entre 15 et 30 au
Guatemala. Au Honduras, les organisations comptabilisent pour la même année 2578
exécutions extrajudiciaires179. Pour Samayoa, plusieurs éléments permettent de déterminer
l’existence d’une politique d’exécutions extrajudiciaires : la stigmatisation des victimes, un
climat favorable et permissif contribuant à la commission d’actes extra-légaux, l’action même
d’exécution sélective et arbitraire, la présence d’un discours officiel légitimant l’exécution
ainsi que le consentement ou la participation d’agents de l’Etat 180. Ces éléments se retrouvent
dans les contextes du Triangle du Nord.
Le problème est tel que les Nations Unies, par le biais de Rapporteurs Spéciaux,
publient des rapports nationaux sur les exécutions d’enfants, encourageant les gouvernements
à ouvrir des enquêtes criminelles et reconnaissant de manière directe la participation ou le
consentement des forces de police dans les meurtres d’enfants181. Malgré les critiques des
organisations, beaucoup de ces crimes restent impunis. L’Etat, par sa participation directe ou
par son refus de mener des recherches et de poursuites contre les exécuteurs est donc
responsable de ces exécutions. Ainsi à la violence délinquante et criminelle, les politiques
gouvernementales ont permis d’ajouter une violence étatique et « citoyenne » au nom de la
sécurité de la population.
177
Informe Alterno sometido al Comité de Derechos Humanos de las Naciones Unidas: La situación de los
derechos humanos de las personas lesbianas, gays, bisexuales y transgénero en El Salvador. Asociación
Salvadoreña de Derechos Humanos “Entre Amigos”, Comisión Internacional de Derechos Humanos para Gays y
Lesbianas, Global Rights, International Human Rights Clinic, Human Rights Program, Harvard Law School,
Red Latinoamericana y del Caribe de Personas Trans, Octobre 2010, p.1.
178
Claudia Virginia Samayoa, Ejecuciones Extrajudiciales de Jóvenes Estigmatizados en Centroamérica:
estudio de situación de Guatemala, El Salvador y Honduras, 2009, Programa de Seguridad juvenil, Instituto de
Estudios Comparados en Ciencias Penales de Guatemala, 2009, p. 85.
179
Claudia Virginia Samayoa, Ibid, p. 244.
180
Claudia Virginia Samayoa, Ibid, p. 250.
181
Commission on Human rights, op. cit.
77
CONCLUSION
Depuis environ deux décennies, l’attention internationale ne se porte plus sur
l’Amérique centrale pour ses dictatures et sa violence politique, mais pour l’expansion d’une
violence qui semble plus quotidienne et indiscriminée ; la délinquance et la criminalité. Les
explications à cette nouvelle violence se sont tournées vers les gangs de jeunes des milieux
défavorisés. Alors que les données manquent et qu’il semble pertinent de mentionner le fait
que le degré « réel » de violence est largement inconnu 182 (du fait de la nature même de
l’objet de recherche et des contraintes d’accès aux sources), un ensemble discursif, porté par
les médias, les politiques et les universitaires, s’est développé afin de tenter d’apporter des
solutions à la criminalité régionale. Cet essai s’est efforcé de montrer que les maras, ces
gangs de jeunes centraméricains, ne peuvent être résumées à des produits des guerres civiles,
d’immigration et de la pauvreté. Si ces facteurs ont été influents ce n’est pas en tant que tels,
mais dans l’exclusion qu’ils portent en eux.
Intégrer les maras dans la catégorie, floue comme nous l’avons vu, de la criminalité
organisée transnationale, démontre au moins deux éléments. D’une part, les données
manquent et la compréhension du phénomène est centrée sur le risque sécuritaire que ces
groupes semblent poser. D’autre part, cette approche démontre la volonté des gouvernements
centraméricains de s’attaquer à la face la plus visible, quoique superficielle, de la violence.
Les maras sont bien transnationales, puisque issues de processus de déplacements
transfrontaliers. Cependant ce caractère se limite à leur identité, partagée par des milliers de
jeunes dans différents pays, mais ne s’incarnant pas dans des activités structurées et/ou
organisées à l’échelle transnationale. Les recherches insistent sur le fait que les maras restent,
dans le cadre de l’état actuel des connaissances, des groupes identitaire territoriaux localisés.
Pourtant, nous avons montré la manière dont un discours sur la violence juvénile, le « talk of
crime », s’est institutionnalisé. Les acteurs politiques et médiatiques ont contribué à la mise
en place d’un discours sur les maras, faisant d’elles les responsables principales de la violence
nationale et régionale. Les médias ont ainsi créé et renforcé un certain mythe, composé
d’exagération, de stéréotypes et de distorsions de la réalité, porteur d’images et de
connotations négatives et dangereuses sur les gangs de jeunes. Ces derniers sont
inévitablement dépeints comme des acteurs constituant une menace à plusieurs niveaux :
physique à l’encontre des citoyens, étatique et démocratique à l’encontre des institutions. Les
182
Sebastian, Huhn, Anika Oettler, Peter Peetz, op. cit., p. 5.
78
maras sont donc une construction sociale à laquelle participent les médias. Cet essai illustre
ainsi le poids des perceptions et des discours aux dépends de la réalité. Se mettent alors en
place des réactions non pas en réponse à la réalité, c'est-à-dire aux faits objectifs, mais à ce
qui est perçu comme la réalité, c'est-à-dire au discours sur la réalité. Les acteurs politiques
centraméricains adoptent ainsi toute une série de mesures destinées à lutter contre ce qui est
perçu comme la menace principale : les maras. Ces mesures prennent la force de stratégies
répressives connues sous le nom de manodurismo. Or il s’avère que ces mesures ont ellesmêmes des conséquences sur les faits et la réalité. La répression et la stigmatisation
invariable, non seulement des mareros mais aussi de tout jeune en situation défavorisée,
participent paradoxalement au renforcement de la violence de ces individus mais aussi contre
ces individus. A la violence délinquante s’ajoute alors une violence institutionnelle et
étatique. Au cours de cet essai, nous avons montré comment un discours sur la violence se
met en place et sert à légitimer lui-même une violence discursive, sociale et physique contre
une partie de la population.
Plusieurs centres de recherche et organisations de défense des droits de l’Homme
appellent les gouvernements à mettre en place un vrai débat sur les maras et sur le rôle que les
médias jouent dans la construction et la problématisation de ce phénomène183. Le caractère
uniforme et uniformisant du contenu médiatique et le centrage sur des logiques liées à la peur,
créent ce qu’Ignacio Ramonet dénomme une « inseguridad informativa »184 qui permet de
légitimer des mesures autoritaires et répressives. Cette insécurité informative nait des
exigences et contraintes médiatiques que nous avons détaillées précédemment (coût, temps,
formation). Les informations sont présentées comme objectives et scientifiques, mais sans réel
travail de recherche et de vérification en amont. Or nous observons que ces discours, bien que
ne reflétant pas toujours la réalité des faits, ont des conséquences en matière de politiques
publiques. C’est ce qui fait dire à Ramonet que l’information est devenue une des menaces
principales à la démocratie185.
Les médias participent depuis plusieurs décennies de la construction des
représentations sociales de la jeunesse. Les représentations médiatiques de jeunes ont ainsi
évolué de jeunes rebelles (années 60), à révoltés (années 70), délinquants (80), indifférents
(90) et dernièrement c’est l’image des jeunes dangereux, menaçant la sécurité publique qui
183
Instituto para la seguridad y la democracia (Insyde), « Maras y pandillas : miradas diversas al debate »,
Cuaderno de trabajo del Insyde, No. 11, 27 de enero de 2006, Mexico :Insyde.
184
Elianna Ros, « Ignacio Ramonet : Las cosas solo cambian si la sociedad dice basta », El Periódico, 24 de
octubre de 2010.
185
Ibid.
79
domine186. Par conséquent, la question se pose de savoir si le problème n’est pas seulement
celui des maras, mais aussi et surtout celui de la gestion du discours sur ces groupes.
L’accusation des maras, de la part des sphères politiques et médiatiques est
déterminée par plusieurs facteurs. Nous avons mentionné les contraintes journalistiques et le
contexte électoral. Nous pouvons aussi soulever une autre hypothèse. Les gangs de jeunes
jouent pour les hommes politiques un rôle utile de boucs émissaires des faiblesses et
disfonctionnements plus profonds de sociétés centraméricaines. Il semble plus simple
d’accuser et de centrer l’attention sur les délits commis par des groups de jeunes défavorisés
et à l’apparence physique menaçante (tatouages) que de s’attaquer aux problèmes structurels
et institutionnels des Etats en question. Résoudre les problèmes de violence et de délinquance
demande en effet de s’interroger sur les causes profondes de cette violence : une histoire de
conflit, des inégalités économiques criantes, une forte population jeune et pauvre, mais aussi
et surtout un gouvernement lui-même violent. Violent dans son mode de gouvernement
(censure directe ou implicite, implication de l’armée dans la vie publique), dans ses politiques
sociales d’abandon de certaines franges de la population et dans sa corruption. Face à cette
situation, les maras reproduisent en fait un schéma de violence reflétant et répondant à la
gouvernance nationale. Face à l’échec de l’Etat dans certains secteurs, les maras et bandes de
jeunes apparaissent comme un substitut qui comble le vacuum étatique. Cette hypothèse nous
ramène aux premières études sociologiques et anthropologiques sur les maras et les gangs de
manière générale. L’organisation en groupe devient alors un moyen subversif de résister à la
marginalisation187.
Par conséquent, présenter les maras comme les menaces principales pour la
population est un artifice efficace permettant de détourner l’attention des racines sociales et
sociétales du phénomène. S’attaquer, de manière discursive et physique, aux maras a très peu
de chance de mettre en péril la position de personnalités politiques et policières elles-mêmes
corrompues et liées aux réseaux de trafics de la criminalité organisée. Les mareros, en étant
au pied de l’échelle sociale, présentent le double avantage d’être facilement capturés et
exhibés devant les journalistes comme victoire contre le crime, tout en laissant tranquille les
« vrais » réseaux criminels, qui eux ébranleraient et toucheraient toute une partie de l’élite
politique et économique. D’autre part, lutter contre les maras permet de détourner l’attention
des faibles performances économiques de ces Etats.
186
187
« Maras y pandillas : miradas diversas al debate », op.cit., p. 17.
Manfred Liebel, « Pandillas y maras : señas de identidad », Envío, No. 244, Juin 2002.
80
Les stratégies anti-maras mettent sérieusement en question l’état de paix des pays du
Triangle du Nord. Si ces Etats ont dépassé les guerres civiles et politiques, ils sont aujourd’hui
en guerre contre le crime et la délinquance. Mireille Delmas-Marty188 met en garde contre
cette situation de flou, entre paix et guerre, qui facilite la suppression de certaines contraintes
et garanties juridiques et permet la commission d’abus justifiés au nom d’une guerre contre le
crime et la terreur. Les lois exceptionnelles accompagnant les stratégies Mano Dura sont une
des manifestations de la mise entre parenthèse de l’Etat de droit, principe fondamental d’un
Etat démocratique, au nom de la sécurité nationale et publique. Cette situation s’est vue
récemment aux Etats-Unis à la suite des attentats du 11 septembre 2001. La promulgation du
Patriot Act donne ainsi des pouvoirs accrus aux FBI et à la CIA tout en les affranchissant de
contrôles judiciaires. L’argument de la menace terroriste, présentée comme un danger
imminent et exceptionnel, légitime la mise en place de mesures exceptionnelles et permet
indirectement la commission de pratiques illégales telles que la torture et les détentions
extrajudiciaires. Dans le contexte de l’Amérique centrale, nous pouvons nous demander si la
stigmatisation et la criminalisation des gangs de jeunes ne sert pas à la justification du retour
de pratiques et de mesures autoritaires. Ainsi aux auteurs présentant les maras comme des
menaces à la démocratie189, Wolf répond que les réponses du gouvernement représentent une
menace plus grande en ce qu’elles institutionnalisent des pratiques de profilage social et de
discriminations, qu’elles créent une insécurité plus grande et qu’elles font naitre une certaine
nostalgie pour des mesures non-démocratiques190.
A la suite des lois anti-maras promulguées au Salvador, des législations antiterroristes comme la « Ley especial contra actos de terrorismo »191 sont aussi entrées en
vigueur. Plusieurs rapports montrent que ces lois, de part leur définition imprécise d’actes
terroristes ou d’incitations à des actes terroristes, sont actuellement utilisées pour inculper des
leaders d’organisations sociales, de manifestations et de groupes étudiants 192, c'est-à-dire à
des fins de persécution de l’opposition politique. L’Etat salvadorien tente depuis plusieurs
années de lier et d’assimiler gangs, terrorisme et opposition politique. La menace des gangs
est donc instrumentalisée à des fins politiques. Plusieurs leaders de l’opposition ont ainsi été
accusés d’être des membres de gangs.
De même, l’intervention de l’armée dans les
opérations anti-maras dépasse sa simple mission de lutte contre les gangs. Ainsi au
188
Mireille Delmas-Marty, Liberté et sureté dans un monde dangereux, Paris : Editions du Seuil, 2010.
Steven C. Boraz and Thomas C. Bruneau, « Are the Maras overwhelming governments in Central America
?», Military review, November-december 2006.
190
Sonja Wolf, op. cit., pp. 99-101.
191
Decreto No. 108/2006, Ley Especial Contra Actos de Terrorismo, 2006.
192
Laura Pedraza Farina, Spring Miller and James L. Cavallaro, op.cit., pp. 125-126.
189
81
Guatemala, des soldats interviennent pour réprimer une manifestation de citoyens et tuent par
balle plusieurs manifestants193. Nous retrouvons ainsi le dilemme qui semble inextricable
entre sécurité et respect des droits de l’Homme. Les politiques sécuritaires et autoritaires
mises en place en Amérique latine, mais pas seulement, laissent entendre à l’opinion publique
que les couples sécurité et liberté, et sécurité et droits de l’Homme ne fonctionnent qu’en
opposition. Il serait intéressant d’étudier un paradigme différent, ne mettant pas en opposition
la sécurité du Nous et les droits fondamentaux de l’Autre. Car c’est en effet une des
conséquences de ces politiques ; elles participent de la création d’un ennemi commun, de
l’existence d’un Autre menaçant, légitimant ainsi la mise entre parenthèses de l’Etat de droit
et de la démocratie au nom de la soi-disant protection de cette dernière. Le risque serait alors
de « perdre la démocratie au motif de la défendre»194.
193
Human Rights Watch, World Report 2013.Disponible: http://www.hrw.org/world-report/2013/countrychapters/guatemala.
194
Cour européenne des droits de l’Homme , Klass et autres C. Allemagne, 6 septembre 1978, § 49.
82
LISTE DES ANNEXES
Annexe 1.
Opinion publique et violence ...........................................................................84
Annexe 2.
Taux de victimisation ...................................................................................... 85
Annexe 3.
Problème le plus important .............................................................................. 86
Annexe 4.
Thème affectant personnellement l’individu .................................................... 89
Annexe 5.
Les déportations américaines des années 90..................................................... 91
Annexe 6.
Education en Amérique centrale ......................................................................93
Annexe 7. Discours d’inauguration de Mano Dura par F. Flores, Salvador, 23 juillet 2003,
publié par El Diario de Hoy, 23 juillet 2003. ........................................................................ 95
Annexe 8.
Information délivrée dans la ville de Chalchuapa instaurant un couvre-feu ......97
Annexe 9.
Extraits d’articles de journaux ......................................................................... 98
83
Annexe 1. Opinion publique et violence
¿ La violencia ha aumentado o disminuido ? (2000)
Suma
El Salvador
Guatemala
Honduras
Ha aumentado mucho
77,50%
81,30%
62,80%
88,20%
Ha aumentado poco
11,40%
12,30%
16,30%
5,60%
Ha permanecido igual
7,60%
3,80%
14,80%
4,20%
Ha disminuido poco
3,30%
2,30%
5,80%
1,80%
Ha disminuido mucho
Suma
Source: Latinobarómetro
0,30%
100%
0,30%
100%
0,30%
100%
0,20%
100%
¿La delincuencia es un problema real o la gente está exagerando? (2002)
Es un hecho real
La gente exagera
Suma
Source: latinobarómetro
Suma
El Salvador
Guatemala
Honduras
92,10%
7,90%
100%
95,30%
4,70%
100%
90,10%
9,90%
100%
91,00%
9,00%
100%
84
Annexe 2. Taux de victimisation
¿Usted o su familia han sido víctimas de un delito?
Suma
El Salvador
Guatemala
Honduras
Sí
40,60%
45,60%
41,10%
35,00%
No
59,40%
54,40%
58,90%
65,00%
Suma
100%
100%
100%
100%
Source : latinobarómetro, (moyenne des années 1995, 1996, 1997, 1998, 2001, 2002, 2003,
2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010). Elaboration propre des graphiques.
¿Usted o su familia han sido víctimas de un delito? Salvador ( 2001 - 2010)
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Si
No
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
¿Usted o su familia han sido víctimas de un delito? Guatemala (2001 - 2010)
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
SI
No
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
¿Usted o su familia han sido víctimas de un delito? Honduras (2001 - 2010)
80%
70%
60%
Si
No
50%
40%
30%
20%
10%
0%
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
85
Annexe 3. Problème le plus important
Dans les années 90, la délinquance, bien que sujet important pour l’opinion publique,
n’est pas perçue par la population comme le thème central. C’est l’économie, illustrée par
l’importance donnée à l’inflation, au chômage et aux faibles salaires qui occupent l’esprit de
l’opinion publique. En revanche, les années 2000 voient la hausse d’intérêt pour le
phénomène de la délinquance. La délinquance devient dans les trois Etats du Triangle du
Nord le problème national le plus important, à égalité avec le chômage.
De la lista de problemas que le voy a mostrar, ¿cuál considera Ud. que es el más
importante? (1995 – 1996)
Inflación
Bajos salarios
Salud
Suma
31,80%
10,10%
8,70%
El Salvador
25,40%
9,90%
5,10%
Educación
5,10%
4,80%
9,00%
1,80%
Desempleo
11,80%
12,80%
13,70%
9,00%
Vivienda
0,90%
1,20%
0,80%
0,60%
6,00%
7,60%
5,80%
4,60%
2,30%
2,30%
3,80%
0,90%
11,80%
15,40%
12,80%
7,40%
0,90%
1,50%
0,90%
0,20%
Pobreza
7,70%
9,90%
9,90%
3,50%
Medio ambiente
0,70%
0,90%
0,50%
0,70%
1,50%
0,60%
100%
2,40%
0,70%
100%
0,90%
0,90%
100%
1,10%
0,30%
100%
Corrupción
Problema
más
Terrorismo
importante:
1995-1996 Delincuencia
Oportunidades para
juventud
Drogas
Otros
Suma
Source : latinobarómetro
Guatemala Honduras
24,60%
45,00%
7,50%
12,80%
9,00%
12,10%
De la lista de problemas que le voy a mostrar, ¿cuál considera Ud. que es el más
importante? (2001 – 2003)
Problema
más
Bajos Salarios
Transporte
Suma
10,80%
0,60%
El Salvador
8,40%
0,40%
Guatemala
13,30%
0,60%
Honduras
10,70%
0,80%
86
importante: Terrorismo /
2001-2003 Violencia política/
guerrilla
Inestabilidad en el
empleo
Problemas de la
Educación
Inflación /Aumento
de precios
Desocupación
/desempleo
Falta de
Oportunidades para
la juventud
Violación de los
Derechos Humanos
Problemas de
Vivienda/habitación
Problemas de la salud
Problemas del medio
ambiente
Corrupción
Narcotráfico
Delincuencia/
seguridad pública
Pobreza
Consumo de Drogas
Discriminación racial
Otros
Suma
3,20%
2,40%
4,20%
3,10%
4,00%
3,60%
5,30%
3,00%
3,50%
1,80%
3,80%
4,80%
5,20%
2,70%
6,30%
6,50%
17,40%
21,10%
14,00%
17,00%
2,00%
2,00%
2,50%
1,50%
1,80%
2,30%
2,00%
1,20%
1,30%
1,10%
1,50%
1,20%
1,20%
0,80%
1,00%
1,80%
0,60%
10,00%
1,30%
0,70%
7,10%
0,80%
0,60%
10,70%
2,20%
0,50%
12,20%
1,00%
18,60%
15,50%
1,80%
0,20%
1,10%
100%
23,10%
19,30%
1,70%
0,20%
0,70%
100%
15,90%
12,70%
1,90%
0,40%
1,00%
100%
16,70%
14,50%
1,90%
0,10%
1,50%
100%
Source : latinobarómetro
De la lista de problemas que le voy a mostrar, ¿cuál considera Ud. que es el más
importante? (2004 – 2010)
Suma
El Salvador
Guatemala
Honduras
Bajos Salarios
Transporte
0,70%
0,20%
1,30%
0,20%
0,60%
0,30%
0,40%
0,20%
Terrorismo - violencia política
- guerrilla
1,00%
0,90%
1,40%
0,80%
Inestabilidad en el empleo
0,50%
0,30%
0,80%
0,30%
Problemas de la Educación
2,60%
0,70%
2,80%
4,30%
87
Inflación - aumento de precios
10,20%
9,70%
9,30%
11,40%
Desocupación - desempleo
Falta de oportunidades para la
juventud
16,80%
19,70%
12,40%
18,30%
0,20%
0,30%
0,10%
0,10%
0,40%
0,30%
0,70%
0,10%
0,20%
0,10%
0,30%
0,30%
Problemas de la salud
0,80%
0,30%
0,90%
1,30%
Problemas del medio
ambiente/contaminación
Corrupción
0,20%
4,30%
0,20%
1,90%
0,40%
3,70%
0,10%
7,50%
Narcotráfico
0,10%
0,30%
0,10%
Delincuencia - seguridad
pública - Violencia, pandillas
Pobreza
31,70%
12,00%
34,40%
11,80%
39,70%
11,10%
21,00%
13,30%
Consumo de Drogas
0,50%
0,20%
0,70%
0,50%
Discriminación racial
0,10%
0,20%
0,20% *
Problemas limítrofes
*
*
0,10% *
Problemas con países vecinos
Crisis/Situación/Problemas de
la Política
*
*
0,10% *
Violación de los derechos
humanos
Problemas de vivienda habitación
Gas, combustible
Distribución del ingreso,
injusticia social
Problemas energéticos (ej.
Problema del Gas con
Argentina)
*
4,10%
1,40%
1,20%
9,70%
0,60%
0,70%
0,20%
0,90%
0,30%
0,20%
0,30%
0,30%
0,10%
0,20% *
La economía - problemas
económicos - financieros
9,30%
Servicios básicos deficientes
(agua, luz, etc.)
0,10%
*
*
2,10%
0,70%
100%
*
Calentamiento global
Otros
Ninguno
Suma
Source : latinobarómetro
12,00%
0,10%
9,90%
5,80%
0,20%
0,20%
*
2,10%
1,00%
100%
*
1,70%
0,60%
100%
2,30%
0,60%
100%
88
Annexe 4. Thème affectant personnellement l’individu
¿ Problema que más le afecta personalmente? (2008)
Suma
2,50%
El Salvador
4,90%
Guatemala
1,70%
Honduras
0,90%
0,20%
*
0,30%
0,20%
0,20%
0,10%
0,60%
-
1,30%
0,10%
2,10%
1,60%
Inflación, aumento de
precios
14,50%
9,10%
14,20%
19,90%
Desocupación, desempleo
15,30%
15,30%
14,20%
16,30%
0,10%
0,10%
0,20%
-
0,10%
0,20%
0,10%
-
0,50%
0,20%
0,50%
0,80%
2,40%
1,00%
1,50%
4,70%
0,10%
0,30%
0,10%
0,20%
0,30%
0,10%
0,50%
0,10%
-
0,10%
0,10%
11,90%
8,10%
11,60%
8,20%
10,70%
5,50%
13,20%
10,50%
0,10%
0,30%
0,10%
-
0,20%
0,30%
0,10%
0,10%
0,10%
0,30%
-
-
0,10%
-
-
0,20%
0,90%
1,10%
0,80%
0,70%
0,20%
-
-
0,60%
0,10%
-
0,10%
0,10%
0,40%
-
0,20%
1,00%
Bajos salarios
Transporte
Inestabilidad en el empleo
Problemas de la educación
Falta de oportunidades para
la juventud
Violación de los derechos
humanos
Problemas de vivienda,
habitación
Problemas de la salud
Problemas del medio
ambiente, contaminación
Corrupción
Narcotráfico
Delincuencia, seguridad
pública
Pobreza
Consumo de drogas
Discriminación racial
Problemas limítrofes,
problemas con países
vecinos
Problemas con países
vecinos
Gas, combustible
Situación, problemas de la
política
Problemas energéticos
Distribución del ingreso,
injusticia social
89
La economía, problemas
económicos, financieros
Servicios básicos deficientes
Calentamiento global
Violencia, pandillas
Otros
Ninguno
Suma
Source : latinobarómetro
29,30%
0,40%
36,20%
0,30%
38,00%
0,70%
14,50%
0,30%
0,10%
0,30%
-
-
2,40%
2,30%
5,80%
100%
2,60%
1,90%
5,60%
100%
4,00%
3,50%
100%
0,70%
4,80%
8,20%
100%
90
Annexe 5. Les déportations américaines des années 90
Déportés centraméricains ayant des antécédents judiciaires aux Etats-Unis par an et par
pays de naissance, 1993 – 2005
Année
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
TOTAL
Guatemala
406
455
498
487
798
1018
1076
1178
1135
1213
1542
1904
1840
13550
Honduras
402
498
533
579
1101
1236
1235
1441
1383
1462
1950
2427
2467
16714
Nicaragua
130
111
139
139
170
215
257
261
255
249
319
401
345
2991
Salvador
1023
933
957
1045
1540
1772
2092
2107
1872
1744
2036
2726
2665
22512
TOTAL
1961
1997
2127
2250
3609
4241
4660
4987
4645
4668
5847
7458
7317
55767
Déportés centraméricains ayant des antécédents judiciaires aux EtatsUnis par an et par pays de naissance, 1993 - 2005
3000
Salvador
2500
Honduras
2000
Guatemala
1500
1000
500
Nicaragua
0
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
Source : élaboration à partir des données du Yearbook of Immigration Studies 2005,
Department of Homeland Security.
91
Déportations de ressortissants d’Amérique centrale selon le statut criminel, 1993 – 2004.
Source: USCIS Immigration Statistics Yearbook 2004.
92
Annexe 6. Education en Amérique centrale
Proportion de la population adolescente (10-19 ans)
Pays
Population
Adolescents(%)
Costa Rica
4 659 000
18%
Equateur
14 465 000
20%
14 289 000
24%
Guatemala
7 601 000
23%
Honduras
5 788 000
23%
Nicaragua
6 193 000
24%
Salvador
UNICEF, The State of the World’s Children 2012, New York: UNICEF, 2012.
Niveau d’éducation obligatoire par pays
Niveaux correspondants
Education
obligatoire
(par âge)
Costa Rica
6 à 16
Equateur
5 à 15
Guatemala
7 à 16
Honduras
6 à 12
Nicaragua
7 à 12
Salvador
7 à 16
3 4 5 6 7 8 9 10
11
12
13
14
15
16
17
18
Pré-primaire
Primaire
Secondaire élémentaire (équivalent collège)
Secondaire supérieur (équivalent lycée)
Education obligatoire
Elaboration propre à partir des données de : UNESCO (Bureau régional pour l’Amérique
latine et les Caraibes), «The state of education in Latin America and the Caribbean :
guaranteeing quality education for all», A regional report, reviewing and assessing the
progress toward education for all within the framework of the Regional Education Project,
EFA, PRELAC, Santiago : UNESCO, 2007.
93
19
Niveau d’éducation accompli par pays et âge (2004)
Individus de 15 à 19
Individus de 20 à 24 ans
ans ayant complété
ayant complété leur
leur éducation primaire éducation secondaire
élémentaire (collège)
Costa Rica
Equateur
Guatemala
Honduras
Nicaragua
Salvador
92%
93%
58%
71%
72%
76%
55%
63%
32%
29%
47%
58%
Individus de 20 à 24 ans
ayant complété leur
éducation secondaire
supérieure (lycée)
41%
49%
24%
22%
34%
37%
Elaboration propre à partir des données : UNESCO (Bureau regional pour l’Amérique latine
et les Caraibes), «The state of education in Latin America and the Caribbean : guaranteeing
quality education for all», A regional report, reviewing and assessing the progress toward
education for all within the framework of the Regional Education Project, EFA, PRELAC,
Santiago : UNESCO, 2007.
94
Annexe 7. Discours d’inauguration de Mano Dura par F. Flores, Salvador, 23 juillet
2003, publié par El Diario de Hoy, 23 juillet 2003.
« A lo largo y ancho del país pandillas criminales llamadas maras se han posesionado de una
enorme cantidad de barrios y colonias para cometer numerosos y terribles crímenes.
Esto amenaza ya no solo a los vecinos de estos territorios de las maras sino que al país entero.
Existe más mareros armados que policías y efectivos militares juntos, son ya entonces una
amenaza para todos los salvadoreños. Iniciamos desde hace un tiempo una minuciosa
investigación sobre la ubicación de estos grupos, y su manera de operar. Este día 23 de julio
he instruido a la Policía Nacional Civil y la Fuerza Armada a que conjuntamente rescaten
estos territorios y pongan bajo las rejas a los líderes de estas pandillas. Esta operación que se
llama “Mano Dura” busca la desarticulación de las pandillas y la encarcelación de sus
miembros.
Estoy consciente que esto no será suficiente para erradicar las maras. Sin embargo estoy
convencido que esta actitud pasiva, protectora de los delincuentes que ha generado una serie
de leyes que no protegen a los ciudadanos, debe terminar. En algún momento tenemos que
trazar la línea de los que creemos en la seguridad de los ciudadanos y los que favorecen con
argumentos de todo tipo a los delincuentes. Este es el momento.
En esta batalla frontal contra la delincuencia haremos uso de todos los medios legítimos,
incluyendo aquellas medidas excepcionales contempladas por la constitución. Ya que no
contamos con el marco legal adecuado para erradicar esta amenaza criminal presentaremos de
manera urgente a la Asamblea Legislativa, nuevos proyectos de ley. Desde ya deseo anunciar
que entre estas iniciativas se encuentra la prohibición de pertenecer a pandillas criminales
como la mara salvatrucha y la mara 18. El solo hecho de pertenecer a cualquiera de estas
organizaciones violentas será un delito castigado con duras penas si los diputados aprueban
esta ley.
Hay criminales que tienen menos de 18 años. Por su edad no dejan de ser criminales para
convertirse en menores infractores protegidos por el Estado. Debemos asegurarnos que todo
criminal reciba su merecido castigo. Sabemos que estas pandillas criminales se financian con
el narcotráfico. Propondremos que la posesión de drogas prohibidas sea suficiente motivo
para el arresto de un narcotraficante. Las bandas criminales han descendido a peligrosos
niveles de degradación moral y barbarie. Todos hemos conocido de decapitaciones,
95
mutilaciones, actos satánicos y descuartizamientos cometidos contra menores, ancianos y
mujeres indefensas. Es hora de liberarnos de este flagelo.
Estamos convencidos que el conjunto de medidas que estamos proponiendo le darán a la
sociedad salvadoreña instrumentos necesarios para pelear esta batalla contra los criminales y
su terrorismo delincuencial. Estas pandillas están asesinando a un promedio de cien personas
por mes. De no hacer nada frente a esta situación, estaríamos permitiendo que las maras
asesinen el próximo año a más personas que las que fallecieron en los terremotos del 2001.
Estas organizaciones criminales tienen como rehenes a comunidades enteras. Controlan
territorios y cobran a los vecinos impuestos de guerra. Sabemos que tienen vínculos con otros
grupos delictivos.Por estas razones pido a los ciudadanos su apoyo denunciando a estas
pandillas criminales y pidiendo que la asamblea modifique el marco legal que nos ha llevado
a esta situación.
Muchas gracias y que Dios los bendiga. »
96
Annexe 8. Information délivrée dans la ville de Chalchuapa instaurant un couvre-feu
Source : El Faro.net
97
Annexe 9. Extraits d’articles de journaux
Des extraits plus longs et détaillés des articles de journaux cités dans le
développement permettent d’illustrer les différentes méthodes utilisées par les journalistes
dans leur description des évènements. Les éléments soulignés font référence aux tournures,
expressions et champs sémantiques régulièrement employés dans le cadre du traitement
médiatique du phénomène des maras : vocabulaire animalier, médical, l’opposition entre
citoyens et mareros, l’association certaine mara-délinquance, la référence à la mara comme
groupe et acteur homogène agissant, la description d’actes cruels et barbares, le dépassement
des capacités étatiques et la mise en avant de la figure emblématique du chef. Plusieurs de ces
outils rhétoriques se retrouvent au sein d’une même phrase.
La Prensa gráfica, 30 octobre 2009, « El Salvador ha hecho cosas solo a pequeña escala»:
« Claro que hay muchas cosas que se pueden hacer por El Salvador. Lo que pasa es que aquí
hay muchas enfermedades. […]Para la enfermedad de las maras. Para eso, lo primero es
conocer el problema, reconocer que existen pandillas, en determinados barrios, muchachos de
determinada edad, seguir el problema, conocerlo. […]Adentro de estas se necesita identificar
al delincuente, porque hay que capturarlo y meterlo en la cárcel, de eso no cabe duda.
Diagnostique bien el problema, y aplique la medicina. »
La Prensa gráfica, «La ley de la selva» du 25 juin 2009:
«Los tentáculos del crimen también han alcanzado a escuelas y colegios, barrios y colonias
residenciales, buseros y taxistas, y a gentes de muchos otros sectores a quienes los
delincuentes no dejan en paz si no les pagan la infame renta. […]El monstruo es tan grande
que ni el Gobierno, por mucho que se esfuerce, podrá enfrentarlo solo. […]Unámonos, buenos
salvadoreños, para que la justicia prevalezca sobre la ley de la selva. »
El Diario de Hoy, 24 mai 2006, «No sirve para nada capturarlos si los dejan libres»:
« Los sujetos, según la policía, estaban al acecho de sus potenciales víctimas, lobos
preparados para atacar corderos.»
La Prensa libre, 7 juin 2013, « Pandilleros son culpables de 16 muertes»:
«Entre las víctimas mortales de esa banda se cuentan personas que se negaron a entregar el
dinero exigido, transportistas e incluso miembros de la pandilla, de quienes se creía que
98
podían traicionar a la agrupación. […]Allyson Sucely Mota Gómez, de 15 años, fue
desmembrada por la pandilla Solo Raperos.»
El Diario de Hoy, 26 décembre 2012, «Cae cabecilla de mara 18 apodado "el Tortuga"»:
«José Rafael Ortiz Jorge, de 26 años, apodado "el Tortuga", es un supuesto cabecilla de una
pandilla criminal que ha sembrado el terror en la zona de Panchimalco, al sur de San
Salvador. […]Al detenido le decomisaron una pistola calibre 9 mm., con suficiente munición
para enfrentarse a los policías. Sin embargo, Ortiz Jorge no tuvo el valor de dispararles a los
policías , "así como ha tenido el valor de asesinar a sangre fría a sus víctimas", detalló un
investigador antipandillas. […]Se le procesa en un tribunal por el asesinato de Gustavo Adelio
Vásquez Vázquez, ocurrido el 19 de junio de 2009. Ortiz Jorge y otros mareros
supuestamente raptaron al joven, lo llevaron a una casa donde lo mataron con corvos y luego
lo decapitaron.»
Notons que la version électronique de cet article ajoute une courte vidéo du capturé, entouré
de
policiers
et
laissant
voir
les
tatouages
de
son
torse.
Disponible :
http://www.elsalvador.com/mwedh/nota/nota_completa.asp?idCat=47859&idArt=7550594
El Diario de Hoy, « Los Salvatruchos son peores que los guerilleros », 27 mai 2011 :
« el primer problema del país fue la guerrilla del FMLN en los años Ochenta, pero que ahora
las pandillas --a las que él llama "salvatruchos"-- son peores que los guerrilleros. […]Por eso
compara las pandillas y su efecto contra la población con los tiempos con la guerra de
guerrillas que se vivió en el país con el propósito de instaurar el comunismo. »
La Prensa, 6 mai 2013, «Mareros asesinan a dos hermanas»:
«Los hombres subieron a la unidad y se dirigieron directamente a las hermanas, a quienes
bajaron a empujones y amenazándolas con pistolas. Al bajarlas de la unidad, las tiraron contra
el suelo y les dispararon en varias ocasiones hasta quitarles la vida, todo en presencia de los
aterrorizados pasajeros. Los hombres incluso las remataron a tiros en la cabeza para
asegurarse de haber cumplido con su misión. »
99
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106
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ................................................................................................................1
PREMIERE PARTIE - Entre local et transnational : maras et gangs juvéniles, un
phénomène multidimensionnel........................................................................................... 12
Chapitre 1 globalisé
Les gangs de rue : un phénomène ancien mais évoluant dans un monde
................................................................................................................. 12
Section 1 - Aux origines des gangs d’Amérique latine : des descendants
centraméricains installés aux Etats-Unis........................................................................ 13
I - Les gangs : un phénomène universel ................................................................... 13
II -
Les gangs de jeunes d’Amérique latine : un produit de l’exclusion .................. 14
III - Les gangs bénéficient des effets de la mondialisation du trafic de drogues ....... 15
Section 2 -
Définir le phénomène : un enjeu académique et politique ......................... 16
I - La problématique définition du gang ................................................................... 16
II -
Différencier maras et pandillas ?..................................................................... 17
III - Une classification laissant paraitre l’hétérogénéité et la diversité des gangs ..... 17
IV - Violence juvénile : une définition législative ou sociologique ? Définir pour
comptabiliser ............................................................................................................ 19
Chapitre 2 Section 1 -
Les facteurs d’expansion des maras : un phénomène multi-causal ............ 20
Guerres, post-guerres et démobilisation : une histoire de violence ............ 20
I - Histoire, culture et institutionnalisation de la violence ........................................ 21
II -
Le contexte post-guerre : une démobilisation sans alternative .......................... 22
Section 2 -
Déportations et migrations : la circulation et l’exportation de la violence.. 23
I - Les politiques migratoires américaines en réponse à la violence des gangs ..........23
II -
Déportations et exclusion : catalyseur de l’explosion des maras ...................... 24
Section 3 -
Exclusion sociale et défaut d’Etat : un terreau favorable à la délinquance . 25
I - Des facteurs négligés : population jeune et urbanisation rapide ........................... 25
II - Complexifier la corrélation pauvreté-violence : prendre en compte l’exclusion
sociale ....................................................................................................................... 27
Chapitre 3 -
Identités transnationales, activités (hyper)localisées ................................. 28
107
Section 1 -
Re-dessin, exportation et transnationalisation des cultures de gangs de rue ..
................................................................................................................. 28
I - Les maras : le partage d’une identité transnationale ............................................ 29
II -
Médias et maras : la mise en valeur d’un capital social et symbolique ............. 29
III - Mondialisation et déterritorialisation de la culture de gang .............................. 30
Section 2 -
Les activités des maras restent localisées.................................................. 30
I - Maras et criminalité organisée : une association d’imprécisions .......................... 30
II -
Des activités criminelles mais localisées .......................................................... 32
SECONDE PARTIE – Le poids du discours : la construction sociale d’un problème de
sécurité nationale et internationale .................................................................................... 34
Chapitre 1 La perception publique du crime : le « talk of crime », une construction
sociale de la réalité violente .............................................................................................. 34
Section 1 -
Le discours: une construction sociale ........................................................ 35
I - Le discours : générateur de réalité ....................................................................... 35
II -
Construction et maitrise du discours : enjeux d’une lutte entre acteurs ............. 35
Section 2 -
Le « talk of crime » : une nouvelle forme de violence criminelle juvénile . 36
I - Maras et pandillas : acteurs centraux du discours sur la violence juvénile
d’Amérique latine ..................................................................................................... 36
II - La résonnance du discours sur la violence juvénile dans un contexte de
globalisation du risque .............................................................................................. 37
Section 3 -
Média et réalité : l’enjeu de l’agenda et de l’interprétation ........................ 38
I - Quels effets des médias ? .................................................................................... 39
II -
La fonction d’agenda des médias : rendre visible certains sujets ...................... 39
Chapitre 2 stéréotype
L’uniformité du discours : vers la création et le renforcement d’un
................................................................................................................. 40
Section 1 - Hégémonie et uniformité du discours : explications de l’absence manifeste
d’alternatives ................................................................................................................ 40
I - La sphère médiatique : des contraintes pesant sur le travail journalistique ...........41
II -
Le discours du champ politique : importance du contexte électoral .................. 42
Section 2 - Etude du contenu médiatique : des méthodes journalistiques de
généralisation................................................................................................................ 43
108
I - Les récurrences des métaphores liées aux désastres et catastrophes naturelles, aux
maladies, à la guerre, aux animaux et aux déchets. .................................................... 44
II -
La catégorisation des maras ............................................................................ 45
III - La mise en scène de la figure du chef .............................................................. 46
Chapitre 3 La mise en avant de la « seguridad cuidadana » : différenciation et
criminalisation d’une partie de la population ..................................................................... 47
Section 1 -
Déshumanisation des maras et mareros .................................................... 47
I - Criminalisation des maras et mareros ................................................................. 47
II -
Déshumaniser pour distancier et légitimer la répression ................................... 48
Section 2 -
La « seguridad cuidadana » comme prétexte à la répression des maras ..... 49
I - Les maras : menace criminelle, citoyenne et démocratique ................................. 49
II -
« Seguridad ciudadana » : protéger la population contre les maras .................. 50
TROISIEME PARTIE – La lutte contre les maras : une stratégie suppressive
hégémonique aux effets limités et pervers ......................................................................... 52
Chapitre 1 Les maras : enjeu de sécurité nationale et internationale, l’hégémonie des
politiques répressives ........................................................................................................ 52
Section 1 - Les politiques nationales de lutte contre les maras : un difficile équilibre
prévention / répression .................................................................................................. 52
I - Une prise en compte récente du phénomène pour un engagement multinational .. 53
II -
La stratégie Mano Dura : un arsenal législatif, policier et militaire ................... 54
III - Vers des politiques anti-maras de « deuxième génération » ? .......................... 55
Section 2 -
L’ engagement multidimensionnel des Etats-Unis en Amérique latine ......56
I - Les maras : une menace grandissante pour la sécurité des Etats-Unis .................. 57
II -
Les Etats-Unis : engagés dans le cadre d’une coopération régionale ................ 57
III - Les résultats mitigés de l’intervention américaine ............................................ 59
Section 3 Chapitre 2 Section 1 -
Le soutien des médias aux politiques de répression................................... 60
Une volonté présente mais des résultats à démontrer ................................ 63
Arrestations massives et engorgement des prisons .................................... 64
I - Des arrestations massives mais sans suite ............................................................ 64
II -
Des prisons engorgées : lieux de socialisation et de massacres ......................... 65
109
Section 2 -
Transformations des maras : adaptation à la répression ............................ 66
I - Le renforcement des liens internes ......................................................................67
II -
Une visibilité inattendue donnée aux maras ..................................................... 67
Section 3 -
Les stratégies anti-maras responsables de l’évolution violente des maras . 68
I - La création d’une « économie du crime » ............................................................ 69
II -
Le cas particulier du Nicaragua ....................................................................... 69
Chapitre 3 Section 1 -
Le cercle de la violence : entre sécurité et droits de l’Homme ................... 70
La mise en place d’un régime d’exception ................................................ 70
I - Militarisation de la sécurité ................................................................................. 71
II -
Vers un retour des pratiques autoritaires .......................................................... 71
Section 2 -
Institutionnalisation de discriminations envers un groupe ......................... 72
I - Les médias font-ils justice ? ................................................................................ 73
II -
Stigmatisation d’un groupe social : jeune et défavorisé .................................... 73
Section 3 -
Victimisation et impunité : le cas des exécutions extrajudiciaires.............. 74
I - La responsabilité des politiques et des médias ..................................................... 74
II -
« Limpieza social » et exécutions extrajudiciaires ............................................ 75
CONCLUSION ................................................................................................................... 78
LISTE DES ANNEXES ......................................................................................................83
Annexe 1.
Opinion publique et violence ...........................................................................84
Annexe 2.
Taux de victimisation ...................................................................................... 85
Annexe 3.
Problème le plus important .............................................................................. 86
Annexe 4.
Thème affectant personnellement l’individu .................................................... 89
Annexe 5.
Les déportations américaines des années 90..................................................... 91
Annexe 6.
Education en Amérique centrale ......................................................................93
Annexe 7. Discours d’inauguration de Mano Dura par F. Flores, Salvador, 23 juillet 2003,
publié par El Diario de Hoy, 23 juillet 2003. ........................................................................ 95
Annexe 8.
Information délivrée dans la ville de Chalchuapa instaurant un couvre-feu ......97
Annexe 9.
Extraits d’articles de journaux ......................................................................... 98
BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................... 100
TABLE DES MATIERES ................................................................................................ 107
110
A la suite des répressions politiques ayant marqué l’Amérique centrale, s’est
développée une violence plus délinquante et criminelle. Dans un contexte de fortes inégalités
socio-économiques et de corruption, les gangs de jeunes, maras et pandillas, sont désignés
par les médias, les politiques et certains universitaires comme les responsables principaux. Un
ensemble discursif s’est en effet imposé, problématisant le phénomène des gangs et
transformant un fait avant tout social en thématique sécuritaire. En réponse à ce discours
sécuritaire, les gouvernements mettent en place des politiques de répression. Ces stratégies de
lutte anti-maras se concrétisent par la mise en place de mesures exceptionnelles et par le
retour de l’armée dans les opérations de sécurité domestique. Le discours sur les maras,
dominant la scène médiatique et politique et donc l’opinion publique, permet de légitimer et
de justifier le retour de pratiques autoritaires. Cependant, ces stratégies anti-maras s’avèrent
contre-productives en termes de violence et de sécurité. En effet, ces mesures, portées par une
discours stéréotypé sur les gangs de jeunes, institutionnalisent des pratiques discriminatoires
et arbitraires à l’encontre d’une frange entière de la population : les jeunes en situation
défavorisée. Ces politiques publiques ajoutent donc à la violence criminelle, une violence
étatique remettant en cause les fondements de l’Etat de droit.
Mots-clés : Amérique centrale, discours, gangs juvéniles, mano dura, médias, maras,
pandillas, securitization, stigmatisation, violence.
111

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