poèmes à lazare
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poèmes à lazare
JOSÉ ÁNGEL VALENTE POÈMES À LAZARE TRADUITS DE L'ESPAGNOL ET PRÉSENTÉS PAR LAURENCE VIGUIÉ ENCRES DE PHILIPPE CANAL LE FLEUVE ET L'ÉCHO ÉDITIONS DE LA DIFFÉRENCE BONValente.indd 5 02/08/2007, 11:53 BONValente.indd 23 02/08/2007, 11:53 PRIMER POEMA No debo proclamar así mi dolor. Estoy alegre o triste y ¿qué importa? ¿a quién ayudaré? ¿qué salvación podré engendrar con un lamento? Y, sin embargo, cuento mi historia, recaigo sobre mí, culpable de las mismas palabras que combato. Paso a paso me adentro, preciosamente me examino, uno a uno lamento mis cuidados ¿para quién, qué pecho triste consolaré, qué ídolo caerá, qué átomo del mundo moveré con justicia? Remotamente quejumbroso, remotamente aquejado de fútiles pesares, poeta en el más venenoso sentido, poeta con palabra terminada en un cero odiosamente inútil, cuento los caedizos latidos de mi corazón y ¿qué importa? ¿qué sed o qué agobiante vacío llenaré de un vacío más fiero? 24 BONValente.indd 24 02/08/2007, 11:53 PREMIER POÈME Je ne dois pas proclamer ainsi ma douleur. Je suis gai ou triste et qu’importe ? Qui aiderai-je ? Quel salut ferai-je naître d’une plainte ? Et, pourtant, je raconte mon histoire, je retombe sur moi-même, coupable de ces paroles mêmes que je combats. Pas à pas j’entre en moi, précieusement je m’examine, une à une je déplore mes inquiétudes, pour qui, quel cœur triste consolerai-je, quelle idole verra sa chute, quel atome du monde déplacerai-je avec justice ? Depuis si longtemps plaintif, depuis si longtemps affligé de peines futiles, poète en son sens le plus venimeux poète à la parole atteinte de nullité odieusement inutile, je compte les battements incertains de mon cœur et qu’importe ? quelle soif ou quel vide accablant remplirai-je d’un vide plus féroce ? 25 BONValente.indd 25 02/08/2007, 11:53 Poeta, oh no, sujeto de una vieja impudicia: mi historia debe ser olvidada, mezclada en la suma total que la hará verdadera. Para vivir así, para ser así anónimamente reavivada y cambiada, para que el canto, al fin, libre de la aquejada mano, sea sólo poder, poder que brote puro como un gallo en la noche, como en la noche, súbito, un gallo rompe a ciegas el escuadrón compacto de las sombras. 26 BONValente.indd 26 02/08/2007, 11:53 Poète, oh non, sujet d’une vieille indécence : mon histoire doit être oubliée, mêlée à la somme totale qui la rendra vraie. Pour vivre ainsi, pour être anonymement ravivée et changée, pour que le chant, enfin, affranchi de la main souffrante, soit seulement pouvoir, pouvoir qui s’élance pur comme un coq dans la nuit, comme dans la nuit, soudain, un coq brise en aveugle l’escadron compact des ombres. 27 BONValente.indd 27 02/08/2007, 11:53 I SOLILOQUIO DEL CREADOR «Dijo Dios: Hagamos al hombre» (Gén., 1, 26) La creatura salida de mis manos alzó los ojos ciegos, dijo: «Tú.» Sabía que era distinta de mí mismo. Creía en mí. (Oh, nunca tanto amor debió abrasar tan quebradiza hechura.) Alzó los ojos ciegos: «Tú me has hecho. Ahora te pregunto. ¡Dime, dime!» (Envuelta en mí latía, no con vida distinta...) «¡Dime, dime!» (… pero jamás podría comprender mi palabra.) BONValente.indd 28 02/08/2007, 11:53 I SOLILOQUE DU CRÉATEUR « Dieu dit : Faisons l’homme » (Gen., 1, 26) La créature issue de mes mains leva ses yeux aveugles, dit : « Toi ». Je savais qu’elle était distincte de moi-même. Elle croyait en moi. (Oh, jamais un tel amour n’aurait dû embraser un être si fragile.) Elle leva ses yeux aveugles : « C’est Toi qui m’a faite. Maintenant je te demande. Dis-moi, dis-moi ! » (Dissimulée en moi elle palpitait, et non d’une vie autre…) « Dis-moi, dis-moi ! » (… mais jamais elle ne pourrait comprendre ma parole.) BONValente.indd 29 02/08/2007, 11:53 EL MURO (Voz de la creatura) En la espesura de este muro puse mi oído. Golpeé tres veces, cien, mil, toda la vida. Dije tu nombre, dije: «No sé tu nombre». Puse mi oído; deseaba voces, una respuesta, un eco. Golpeé hasta la muerte: largos muros, silencio, viento… y más allá caí. Banderas de pena y tiempo arrastraba la noche… Y más allá caí para engrosar el muro espeso en que clamaba. Caí, caí, caí… Y más allá caí, del otro lado de la humana esperanza. BONValente.indd 30 02/08/2007, 11:53 LE MUR (Voix de la créature) Sur l’épaisseur de ce mur j’ai collé mon oreille. J’ai frappé trois fois, cent, mille, toute la vie. J’ai dit ton nom, j’ai dit : « Je ne sais pas ton nom. » J’ai collé mon oreille ; je désirais des voix, une réponse, un écho. J’ai frappé jusqu’à la mort : de longs murs, du silence, du vent… et au-delà je suis tombé. Des drapeaux de peine et de temps traînés par la nuit… Et au-delà je suis tombé pour grossir le mur épais où j’implorais. Je suis tombé, tombé, tombé… Et au-delà je suis tombé, de l’autre côté de l’humaine espérance. BONValente.indd 31 02/08/2007, 11:53 © Ayant droits de José Ángel Valente, 1960. © SNELA La Différence, 30 rue Ramponeau, 75020 Paris, 2007. BONValente.indd 4 02/08/2007, 11:53