Confiance du vent COUV_numérique.indd

Transcripción

Confiance du vent COUV_numérique.indd
Pedro Serrano
Confiance du vent
Traduit de l’espagnol (Mexique)
par François-Michel Durazzo
Éditions du Noroît / Myriam Solal
Pedro Serrano
Pedro Serrano est mexicain. Né à
Montréal en 1957, il est poète, traducteur,
critique et directeur du Periódico de poesía
de l’université de Mexico.
Il a publié les recueils suivants : El
miedo (El Tucán de Virginia, México,
1986), Ignorancia (El equilibrista,
Mexico, 1994), Tres poemas (Pequeña
Venecia,
Caracas,
2000),
Turba
(Ediciones sin nombre, Mexico, 2005) ;
Desplazamientos (Barcelona, Candaya,
2006), Ronda del Mig (Café Central,
Barcelone, 2005), Nueces (Mexico,
2009), Trapiches (Viernes de Poesía,
Bogotá, 2012). Il est aussi l’auteur des
livrets d’opéra Les marimbas (musique
de Luc Le Masne) et de Tres Canciones
lunaticas (musique de Hilda Parades),
ce dernier présenté à Opéra Bastille en
2011.
Ont paru en français : Ignorance (Le
Noroît, Québec, 2007) et Tourbe (Le
Cormier, Belgique, 2008). Son œuvre
rend compte d’un parcours marqué
par les déplacements, non seulement
géographiques, mais aussi rhétoriques
et poétiques. Tout en assumant une
polyphonie de voix espagnoles depuis
les baroques jusqu’aux modernes, son
attention sur les objets du quotidien,
pour les contempler sub specie aeternitatis,
joue sur différents registres. C’est en
photographe, peintre, musicien qu’il dit
la façon dont le monde le traverse. Cet
éclectisme n’empêche pas la singularité
d’une voix intense qui bouscule la langue
et donne aux mots les plus abstraits une
charge d’émotion inattendue.
Pedro Serrano vu par Leo David – Paris 2011
Pedro Serrano
Confiance du vent
Éditions du Noroît / Myriam Solal Éditeur
Pedro Serrano
Confiance du vent
Traduit de l’espagnol (Mexique)
par François-Michel Durazzo
Éditions du Noroît / Myriam Solal Éditeur
La presente traducción fue realizada con el apoyo del Programa de Apoyo a la Traducción de Obras
Mexicanas a Lenguas Extranjeras (PROTRAD)
La présente traduction a été réalisée grâce à l’appui du Programme d’Aide à la Traduction
des Œuvres Mexicaines en Langues étrangères (PROTRAD)
Couverture : Léo David, fixé sous verre, 1999
Infographie : Turcotte design
Dépôt légal : 4ème trimestre 2014
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
ISBN Noroît 978-2-89018-912-6
ISBN Myriam Solal 978-2-910796- 22-8
Tous droits réservés
@ Éditions du Noroît/Myriam Solal Éditions, 2014.
Imprimé au Québec, Canada.
Myriam Solal Éditeur
3, Boulevard Morland
75004 Paris
Téléphone : 01 42 77 66 56
[email protected]
Éditions du Noroît
4609, rue D’Iberville, bureau 202
Montréal (Québec) H2H 2L9
Téléphone : 514 727-0005
El miedo
L’effroi
DUREZA DEL SILENCIO
Todo queda en su sitio en la mañana,
en la ola de luz que vuelca al mundo
cuando la espuma del amanecer, serena,
lame y repasa
el contorno dormido de una mano
y el sonido
en que reposa leve la campana.
El silencio,
como tormenta de arena sobre la caravana,
como la dureza del tiempo en el reloj de arena abandonado,
como la asfixia del ahogado
que en el desierto luminoso del mar
pasa y repasa el penúltimo aire endurecido,
es una desolada tela de mármol
que esconde esta pompeya de las cosas.
En su fijeza,
ya casi luz sin alma, grito casi en asfixia
como único latido interminable
es el duro fermento de la vida,
el vagido más último del ser.
Entonces, en la tensa profundidad de lo fijo,
desde el instante seco de la conciencia,
desde la soledad profunda en la que nacen
las cosas,
avienta su existencia
para que el tiempo, esa dura continuidad,
resurja y quiebre
el alarido mármol del silencio.
10
DURETÉ DU SILENCE
Chaque chose est à sa place ce matin,
dans cette vague de lumière qui renverse le monde
lorsque l’écume de l’aube, sereine,
lèche et repasse
le contour endormi d’une main
et le son
qui légèrement berce la cloche.
Le silence,
comme une tempête de sable sur la caravane,
comme la dureté du temps dans le sablier abandonné,
comme l’asphyxie du noyé
qui, dans le désert lumineux de la mer,
brasse et rebrasse les dernières bouffées d’air endurci,
est un voile de marbre dévasté
qui dissimule cette pompéi des choses.
Dans sa fixité, désormais
presque une lueur sans âme, cri presque étouffé
comme un battement unique et infini,
c’est le dur ferment de la vie,
l’ultime vagissement de l’être.
Alors, dans l’inflexible profondeur de l’immobile,
depuis le sec instant de la conscience
depuis la solitude profonde où naissent
les choses,
il disperse son existence
pour que le temps, cette dure continuité,
ressurgisse et brise
le marbre qui déchire le silence.
11
EL AGUA QUE BEBEMOS
Mi hermano al otro lado de la sala.
Pasamos.
Somos todos nosotros dolor acumulado.
Tocamos las vidas que nos hacen,
heridas de los otros,
una mirada,
una plática que se forma,
una caricia o la tristeza de mi padre.
Algunos azares ya sabidos nos obligaron a vivir
la misma casa, la misma mesa, las mismas obsesiones.
Amor entretejido,
cada uno ha ido haciéndolo reposar en su historia
de muy distinto modo.
Así la hermana muerta, su larga enfermedad, su paz profunda,
esa incierta mirada que nos cerca.
Querer es una forma de extrañar
y a veces es difícil en el tacto continuo.
Pienso sus gestos, su manera
tan personal de ser, sus diferencias.
Alguna vez
en el raro mar de la costumbre
hemos quebrado el arco de distancias.
Por eso puedo ahora escribir estas cosas.
12
L’EAU QUE NOUS BUVONS
Mon frère est de l’autre côté de la salle.
Nous passons.
Nous ne sommes plus qu’un nœud de douleur.
Nous touchons les vies qui nous construisent,
les blessures des autres,
un regard,
une conversation qui prend forme,
une caresse ou la tristesse de mon père.
Quelques hasards connus nous ont forcés à vivre
même maison, même table et mêmes obsessions.
La trame de cet amour,
chacun l’a laissée décanter dans son histoire
de manière si différente.
Telle notre sœur morte, sa longue maladie, sa paix profonde,
ce vague regard qui nous cerne.
Aimer, c’est éprouver le manque,
parfois difficile quand le contact est permanent.
Je pense à ses gestes, à sa manière
d’être si personnelle, à ses différences.
Parfois
dans la mer raréfiée de l’habitude
nous avons brisé l’arc de nos distances.
C’est pourquoi à présent je peux écrire ces choses.
13
DESHABITANTE
La tarde, ancha y reconcentrada, en soledad,
vacía este parque.
Sólo yo existo en el silencio anterior al oído.
Sólo yo en el hueco,
en el espejo que los árboles hacen,
en esta apaciguada estancia de hojas y tierra
que es el centro del mundo.
Tampoco el hombre que pasa tiene historia:
a la luz lo conozco.
Todo es líquida estancia que retiene
en su inmóvil espejo la memoria.
Y este secreto mundo imperturbable
donde los árboles erigen
la consistencia mínima del aire,
ese hueco en el aire
al que los árboles permiten que mi mirada acceda,
continúa
desde un afuera que ya inunda
la sólida amplitud de mi conciencia.
14
INHABITANT
Le soir, large et dense, en solitude,
vide ce parc.
Il n’y a que moi dans le silence antérieur à l’ouïe.
Moi seul dans ce creux,
dans le miroir formé par les arbres,
dans ce séjour paisible de feuilles et de terre
au centre du monde.
Même le passant est privé d’histoire :
je le reconnais à sa lumière.
Tout se résume à ce séjour liquide qui retient
la mémoire en son miroir figé.
Et ce monde secret, imperturbable,
où les arbres dressent
la consistance minimale de l’air,
ce creux dans l’air
qu’ouvrent les arbres à mon regard,
demeure
depuis l’ailleurs qui déjà envahit
l’espace dru de ma conscience.
15
VOYEUR
El sol arca la asfixia
ante el temblor de nalgas oscuramente vistas
entre la oscura redondez de los muslos.
La edad de la mujer aprisiona el deseo
y lo vierte sesgado
al corazón, al sexo de la imagen
para tensar el alma pervertible.
—La distancia,
el tacto incandescente del deseo:
en la labor del ojo está la carne.
En el temblor se excita la mirada,
gira su fiebre hacia el cuerpo tendido,
toca en lengua
la línea de su vientre, la imaginada
humedad del calor.
En su juego los pasos son accidentes,
ritmos, roces,
ir y venir en el saberse vista
mecida en el descalzo caminar,
en el aceite húmedo de sus piernas,
en esa sombra de tela que la anula y me inventa.
16
VOYEUR
Le soleil cambre l’asphyxie
devant un tremblement de fesses qu’on devine
entre l’obscure rondeur des cuisses.
L’âge de la femme emprisonne le désir
et le verse en biais
dans le cœur, jusqu’au sexe de l’image
pour tendre l’âme corruptible.
— La distance,
l’incandescent contact du désir :
la chair est tout entière dans le travail de l’œil.
Le regard s’excite dans le tremblement,
tourne sa fièvre vers le corps tendu,
touche comme une langue
la ligne du ventre, la chaude
moiteur qu’il soupçonne.
Dans son jeu, chaque pas est un accident,
un rythme, un frottement,
allée et venue, une consciente d’être vue,
bercée, lorsqu’elle marche pieds nus,
dans l’huile humide de ses jambes,
dans cette ombre de toile qui l’annule et m’invente.
17
ÍNDICE
El miedo
9
Dureza del silencio
10
El agua que babamos
12
Deshabitante14
Voyeur16
El cielo que es así
18
La marea
20
La cuerda misma
22
Ignorancia25
El empleado
26
Sunegilda (La pecadora)
28
Tres canciones lunáticas 1 a 3
30
Confianza del viento
36
Turba39
Todo se apelotona como leche cuajada
40
la presa imagen
42
Como si me vapuleara contra mis propios actos
44
El día amanece, desvalido y entero.
46
Ronda del Mig
49
Orfebrería50
Golon52
Escolares Vía Augusta
54
Capilla en Sigüenza
56
Nueces59
La herencia del doctor
60
Acotamiento62
Oleaje66
Trapiches69
No es la corneja (cuervo y niño)
70
Nadalesca72
Niño bomba
74
Niños y tortugas en San Agustinillo
78
TABLE
L’effroi9
Dureté du silence
11
L’eau que nous buvons
13
Inhabitant15
Voyeur17
Le ciel qui est ainsi
19
La marée
21
La corde même
23
Ignorance25
L’employé27
Sunégilde (La pécheresse)
29
Trois chansons lunatiques 1 à 3
31
Confiance du vent
37
Tourbe39
Tout se floconne comme du lait caillé
41
L’image prisonnière de l’ombre étouffe
43
Comme si, en butte à mes actes, je me flagellais
45
Le jour se lève, démuni et entier.
47
Boulevard périphérique
49
Orfèvrerie51
Hirondelles53
Écoliers Via Augusta
55
Chapelle à Sigüenza
57
Noix59
L’héritage du médecin
61
Bornage63
Houle67
Trafics69
Ce n’est pas la corneille (Corbeau et enfant)
71
Noëlle73
L’enfant bombe
75
Enfants et tortues à San Agustinillo
79
Confiance du vent
a été composé en…Garamond BE 11 sur 13
et achevé d’imprimer par l’imprimerie Gauvin
le vingtième jour du mois d’octobree de l’an deux mille quatorze
pour le compte des Éditions du Noroît
Direction littéraire Paul Bélanger
Patrick Lafontaine
Le logo du Noroît est extrait
d’une eau-forte de Marc Séguin
Collection
Titres récents des éditions
du Noroît en traduction
Antoni Clapés
Architecture de la lumière
Traduit du catalan
par Denise Desautels
Mercedes Roffé
Les lanternes flottantes
Traduit de l’espagnol (Argentine)
par Nelly Roffé
Carmen Yanès
Paysage avec lune froide
Traduit de l’espagnol (Chili)
Par Patrick Lavaud
Jaume Pont
Raison de hasard
Traduit du catalan
Par François-Michel Durazzo
Marco Antonio Campos
Arbres
Traduit de l’espagnol (Mexique)
Par François-Michel Durazzo
Myriam Solal Éditeur
Le temps du rêve (titres récents)
Mohror
Peur
Juan Manuel Roca
Bible des pauvres
Traduit de l’espagnol (Colombie)
par François-Michel Durazzo
Yannis Ritsos
Figure de l’absence
Traduit du grec
par François-Michel Durazzo
Cèlia Sànchez-Mústich
Cet espace entre nous
Traduit du catalan
par François-Michel Durazzo
Illustration de couverture
fixé sous verre de Leo David, 1999
CONFIANCE DU VENT
Je l’ai entendue loin, loin, comme une épée bleue de minuit,
comme un fil qui grandirait depuis la pointe gelée de ses lèvres,
comme un cri d’eau que sa stridence étoufferait.
J’ai pensé que c’était un paquet et qu’il gémissait dans son propre vide,
Pardonnez-moi !
J’ai pensé que cette chute était digne d’un costume
que personne ne remplirait,
j’ai pensé que tout était faux, pardonnez-moi,
et que nous étions des fantômes.
J’ai ainsi marché sur la mer dans l’après-midi et c’était l’hiver,
et la plage était longue et pierreuse et le temps dur et acéré.
Tout n’était que cri, un oiseau vif s’était caché dans les rochers,
lui et nous nous contemplions en sa candeur.
Car nous étions deux ou trois à être là
et nous avons fait l’amour comme si le temps était le ciel
et nous des anges
et nous hurlions et nous fuyions comme la peau sur des charbons
ardents et le gris veiné du soir,
comme une tunique à rayures noires et grises qui la recouvrirait,
car ils touchaient chaque bout et la mer était déjà verte,
ils s’ouvraient dans l’âme jusqu’à se livrer,
là, ils étaient purs comme le souffle minéral et le petit matin,
c’était une mer d’hiver, une mer couverte.
PROTRAD

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