La construction de la politique culturelle uruguayenne depuis 2005

Transcripción

La construction de la politique culturelle uruguayenne depuis 2005
Institut d’Etudes Politiques de Toulouse
La construction de la politique culturelle
uruguayenne depuis 2005
Entre volontarisme national et influence internationale
Mémoire présenté par Mlle Lola Boudreaux, étudiante en 5ème année de
l’Institut d’Etudes Politiques de Toulouse
Sous la direction de Mme Wanda Capeller-Arnaud, Docteur en droit
(Sciences Politiques) et Professeur des Universités à l’Institut d’Etudes
Politiques de Toulouse
Année universitaire 2014-2015
2
AVERTISSEMENT
L’IEP de Toulouse n’entend donner aucune approbation, ni improbation dans les
mémoires de recherche. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur
auteur(e).
3
Résumé
Comment faire pour que la culture soit prise en compte par les pouvoirs publics ? Sur quels
discours et sur quelles actions concrètes une politique culturelle dynamique se fonde-t-elle ?
En se penchant sur le cas de l’Uruguay depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir, ce mémoire
tente de répondre à ces questions. Il analyse la construction de l’action culturelle du
gouvernement central depuis 2005, en mettant en évidence les facteurs locaux et
internationaux à l’œuvre dans ce processus.
Mots-clés
Politique culturelle, mondialisation, politique publique, organisations internationales, culture,
développement
4
Remerciements
Je voudrais d’abord remercier toutes les personnes qui ont accepté de me rencontrer
dans le cadre de ce mémoire, malgré leur fonction politique importante et leur emploi du
temps souvent chargé. Elles ont toujours pris le temps d’écouter mes questions et, au delà d’y
apporter de simples réponses formelles, elles m’ont offert de passionnants points de vue sur
l’art, la politique et l’Uruguay. Merci, donc, à Ricardo Ehrlich, Hugo Achugar, Louis
Mardones, Roberto Elissalde, Roberto Grieco et Gabriela Pacheco.
Je tenais également à exprimer toute ma gratitude au personnel de l’Ambassade de
France à Montevideo et notamment à cette belle équipe que constitue le Service de
Coopération et d’Action Culturelle. En plus de me soutenir durant ce travail de recherche, elle
m’a fait partagé sa grande connaissance du monde de la culture uruguayen. Mil gracias
également à Danilo Urbanavicius, pour avoir inlassablement répondu à mes trop nombreux
mails et pour les contacts et les documents qu’il m’a généreusement fait partager.
D’autre part, cette aventure n’aurait certainement pas été la même sans la bonne
humeur des habitants de la Casa Guana, que je remercie pour leur soutien au quotidien.
Merci, enfin, à Wanda Capeller pour avoir accepté de prendre la direction de ce
mémoire.
5
« La culture donne à l'homme la capacité de réflexion sur lui-même. C'est elle
qui fait de nous des êtres spécifiquement humains, rationnels, critiques et
éthiquement engagés. C'est par elle que nous discernons des valeurs et
effectuons des choix. C'est par elle que l'homme s'exprime, prend conscience de
lui-même, se reconnait comme un projet inachevé, remet en question ses propres
réalisations, recherche inlassablement de nouvelles significations et crée des
œuvres qui le transcendent. »
Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles, le 6 août1982
6
SOMMAIRE
Résumé ....................................................................................................................................... 4
Remerciements ........................................................................................................................... 5
Introduction ................................................................................................................................ 8
Première partie
Un changement cognitif : la culture perçue comme moteur de développement social .... 30
I. Section introductive : la politique culturelle uruguayenne avant 2005................................ 31
II. Un changement de référentiel global, plus en phase avec le monde de la culture ............. 37
III. Une nouvelle vision de la culture, comme outil de politique sociale ................................ 43
Deuxième partie
Les mesures concrètes mises en œuvre pour défendre ce nouveau référentiel cognitif ... 53
I. L’institutionnalisation de la politique culturelle uruguayenne ............................................ 54
II. La décentralisation de la politique culturelle uruguayenne ................................................ 61
III. L’adoption de mesures symboliques, comme outil de marqueur idéologique .................. 66
Troisième partie
L’action d’acteurs internationaux dans la construction de la politique culturelle
uruguayenne ........................................................................................................................... 72
I. L’action de l’Unesco pour la prise en compte de la promotion de la culture en Uruguay .. 73
II. L’action de la régionalisation et la coopération ibéro-américaine ..................................... 82
III. L’impact de ces processus sur le système de croyance du Frente Amplio ....................... 91
Conclusion ............................................................................................................................. 100
Sources ................................................................................................................................... 104
Bibliographie .......................................................................................................................... 106
Annexes .................................................................................................................................. 114
Table des matières .................................................................................................................. 173
7
Introduction
L’Uruguay, 2005 et la gauche au pouvoir
Le 31 octobre 2004, l’Uruguay connaît un bouleversement politique majeur : pour la
première fois dans l’histoire du pays, un président progressiste de gauche est élu au
gouvernement. Dans son discours d’investiture du 1er mars 2005, Tabaré Vázquez lance un
laconique « la cultura es todo »1. Il annonce alors la création du Conseil National de la Culture
et la mise en place d’un plan stratégique quinquennal pour développer les politiques
culturelles du pays. Il vient de mettre fin à des années d’inaction de la part des gouvernements
traditionnels successifs, qui n’ont jamais cherché à donner un cadre normatif et institutionnel
à la culture2. Pour certains, c’est le début de la construction d’une politique culturelle à
proprement parler, puisqu’avant 2005 le soutien public au monde des arts était laissé au bon
vouloir des municipalités locales. Géré par les mairies respectives du pays, le développement
culturel n’avait donc aucune envergure nationale.
Cet intérêt tardif du pouvoir central pour la culture est dû à la tradition libérale des
partis uruguayens au pouvoir jusqu’en 2005, qui estiment que la culture ne doit pas relever du
secteur régalien de l’État. Pour ces gouvernements, les arts sont loin d’être une priorité :
plutôt que d’intervenir directement pour permettre l’accès à la culture pour tous, les hommes
politiques préfèrent laisser faire le marché. Au contraire, le Frente Amplio de Tabaré
Vázquez, est un parti politique très progressiste, qui rassemble toutes les forces socialistes du
pays3, et milite pour un État interventionniste fort. Cette idéologie interventionniste, associée
à la conviction la culture a un rôle très important à jouer pour le développement de nos
sociétés, est un ciment particulièrement favorable à la construction de la politique culturelle
uruguayenne4.
1
« La culture est tout ». Remarque : dans ce mémoire, j’ai moi même réalisé les traductions des différents
documents et entretiens en espagnol.
2
MANTERO Gerardo et GIORGI VIDAL Luis, Diálogos sobre políticas culturales en el Primer Gobierno de
Izquierda, Montevideo : Socio Espectacular, 2011, 216 pages
3
Entre autres mesures phares, le parti a rendu légal l’avortement, le mariage homosexuel et le cannabis
4
MANTERO Gerardo et GIORGI VIDAL Luis, Diálogos sobre políticas culturales en el Primer Gobierno de
Izquierda, Montevideo : Socio Espectacular, 2011, 216 pages
8
L’UNESCO, 2005 et la « Convention sur la protection et la promotion des diversités
et des expressions culturelles »
L’année 2005 correspond également à un tournant dans la prise en compte de la
culture sur la scène internationale : celui de la signature de la Convention de l’UNESCO sur la
protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, sorte de « protocole de
Kyoto de la culture » et qui cristallise toute une mouvance internationaliste, menée par
l’UNESCO, pour faire de la culture une ressource stratégique pour le développement de ses
pays membres. Rappelons que les acteurs de la scène internationale ont depuis longtemps
œuvré pour protéger les cultures dans le monde. Déjà la Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme de 1948 avait intégré la culture comme un droit (article 22, 27).5 Une autre étape
fondamentale est la conférence mondiale sur les politiques culturelles de Mexico
(Mondiacault, 1982), où, pour la première fois, l’UNESCO affirme dans une déclaration la
nécessité de protéger les identités culturelles, la dimension culturelle du développement et
l’importance de la création artistique. Cependant, il faudra attendre le début des années 2000
pour que ce discours progresse et prenne une réalité effective. Après la publication de
plusieurs rapports internationaux cherchant à alerter sur l’importance de la protection des
diversités culturelles dans un contexte mondialisé6 et la création de l’Agenda 21 de la Culture,
l’UNESCO signera en 2005 la Convention sur la protection et la promotion de la diversité
des expressions culturelles, premier instrument normatif pour faire de la culture un nouveau
paradigme du développement.
Cette particularité historique, entre prise en compte nationale et internationale de la
culture comme facteur de développement, sera le fil conducteur de ce mémoire, qui
interrogera les tenants et les aboutissants de la politique culturelle uruguayenne depuis 2005.
5
Article 22 : « Toute personne, en tant que membre de la société́, a droit à la sécurité́ sociale; elle est fondée à
obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité́ et au libre
développement de sa personnalité́ [...] ») / Article 27. 1. Toute personne a le droit de prendre part libre- ment à la
vie culturelle de la communauté́, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en
résultent.).
6
Notamment le Rapport sur « Notre diversité créatrice » (publié en 1996 par l’UNESCO), le « Plan d’action sur
les politiques culturelles pour le développement » (Stockholm, avril 1998) et « Culture, une des questions les
plus urgentes du XXIe siècle » du PNUD),
9
Délimitation du cadre théorique et conceptuel
1. La « culture », un terme à double sens
Avant de parler de politiques culturelles, il convient d’interroger le sens même du mot
« culture ». En effet, dans la bouche de Claude Lévi-Strauss, le terme n’a pas la même
signification que pour Maria Julia Muñoz, actuelle ministre uruguayenne de la culture. Définir
la culture est un exercice périlleux, tant son sens varie selon les acteurs qui l’emploient ou son
contexte d’utilisation. Pour nous aider dans cet effort de définition, nous nous appuierons sur
les écrits de Denys Cuche, qui fait la distinction entre deux sens principaux du terme de
culture.7
Selon l’auteur, la culture peut tout d’abord se définir selon une vision « ethnologique »
et holiste, dans le sens où elle se rapproche de la notion de « société » et de « communauté »,
mais aussi de « tradition ». Plus précisément, il donne la définition suivante : « une totalité
complexe faite de normes, d'habitudes, de répertoires d'actions et de représentations, acquise
par l'homme en tant que membre d'une société ». Ainsi, en tant que trait caractéristique d’un
groupe ou d’une société, la culture est un outil de construction identitaire, avec une double
fonction paradoxale : elle est à la fois un facteur d’appartenance et de différenciation. JeanPierre Warnier résume bien ce double rôle : « toute culture est singulière, géographiquement
ou socialement localisée, objet d'expression discursive dans une langue donnée, facteur
d'identification pour les groupes et les individus et de différenciation à l'égard des autres, ainsi
que d'orientation des sujets les uns par rapport aux autres et par rapport à leur
environnement » 8. La culture est transmise par des traditions reformulées en fonction du
contexte historique et elle est faite de pratiques et de croyances religieuses, éducatives,
alimentaires, artistiques, ludiques.
A cette définition sociologique s'oppose une vision plus restrictive et commerciale de
la culture, développée dans le langage courant. Denys Cuche montre ainsi que le sens
commun emploie le terme de culture pour faire référence à l'offre de pratiques et de services
culturels dans les sociétés modernes, en particulier dans le domaine des arts et des lettres.
Cette vision s'est développée avec la révolution industrielle et la mondialisation, qui ont
7
CUCHE Denys, La notion de culture dans les sciences sociales, Paris : La découverte (coll. « Repères »), 2004,
157 pages
8
WARNIER Jean-Pierre, La mondialisation de la culture, Paris : La découverte (coll. Repères) 2008, 122 pages
10
entrainé un phénomène de « culture de masse » et le développement de puissantes industries
exportatrices de produits culturels. Ici, un mot important doit être souligné : celui d’industrie
culturelle, théorisé par Théodore W. Adorno pour montrer que l’art est aujourd’hui un marché
comme un autre, où l’on produit des biens culturels spécialement étudiés pour la
consommation des masses, dans une logique marchande de commercialisation. Ce
phénomène, synonyme d’uniformisation des modes de vie, est sévèrement critiqué par
l’auteur.9
Pour Denys Cuche, la culture au sens ethnologique fait directement référence aux
identités culturelles, c’est-à-dire le sentiment d’appartenir à une nation ou un groupe culturel,
qui est véhiculé par la langue, la religion ou l’éducation. La définition du sens commun, elle,
renvoie plutôt aux expressions culturelles, véhiculées par les arts. Dans ce mémoire, nous
jonglerons constamment entre ces deux acceptions puisque, dans le cas d’une politique
culturelle, les pouvoirs publics utilisent le mot « culture » dans son sens ethnologique et dans
son sens commun. Plus précisément, ils cherchent à soutenir les initiatives d’expressions
culturelles et l’industrie de la culture pour impacter sur la construction de l’identité culturelle
nationale.
2. De la culture à la politique : précisions socio-historiques
Faire de la culture une question politique : une invention occidentale
La relation entre la culture et la politique est née en Occident, où déjà dans les cours
monarchiques elle occupait une place privilégiée. Michel Foucault montre que la culture a
commencé à être utilisée par les gouvernements à des fins d’endoctrinement, pour permettre
l’hégémonie linguistique et l’extension de leur pouvoir, à travers l’éducation tout au long du
XIXème siècle, et ce jusqu’au début du XXème10. Tout au long du XXe siècle, en Occident, la
culture entre dans la sphère publique, sous des formes diverses selon les pays, dans les
instruments clés que possède l’État (régulations législatives, organismes de gouvernement,
politiques publiques).
La première moitié du XXème voit des dynamiques multiples. D’un côté, certains
États comme l’Angleterre ou la France intensifient des politiques pour renforcer l’unité
culturelle de leur Nation, à partir d’instruments comme « l’éducation pour tous » ou « la
9
ADORNO Théodore W.. « L'industrie culturelle » In: Communications, 3, 1964, p. 12-18
FOUCAULT Michel, Surveiller et punir, Paris : Gallimard, 1993, 360 pages
10
11
défense la langue vis à vis des dialectes régionaux »11. D’un autre côté, face à l’intérêt
croissant des classes élevées pour la culture, l’Etat se fait « arbitre du goût » et commence à
investir dans des institutions publiques porteuses de projets artistiques. C’est le
développement des théâtres, des musées, des bibliothèques nationales12. Le paroxysme de ce
développement est atteint avec André Malraux en 1959 et la création d’un véritable Ministère
d’État chargé des affaires culturelles, associé à la volonté de démocratiser l’accès aux arts
pour qu’ils soient accessibles à tous.
A partir de la seconde moitié du XXème siècle, le financement de la création artistique
devient un enjeu important pour les organismes publics chargés de la culture. A la fin du
siècle, les politiques culturelles ont des composantes communes : le financement de la
création donc, mais aussi le soutien à des institutions publiques chargées de la diffusion
artistique. Plus tard, s’ajoutent des aspects comme l’intérêt pour la massification des biens
culturels, la logique du soutien aux chaines de production culturelles, le développement
d’infrastructures, l’inclusion de l’aspect culturel dans les stratégies de développement.
Cependant, la gestion étatique de la culture n’a pas toujours été évidente. En effet,
pour certains, l’ingérence de l’Etat dans les domaines de la création peut représenter un
danger pour la créativité et l’indépendance de l’artiste. Dans ce sens, certains auteurs ont mis
en exergue les danger de la « bureaucratisation de la culture » et ses effets négatifs. Theordor
Adorno résume bien cette ambiguïté de la relation entre la culture et l’administration : « il
peut être préjudiciable d’administrer la culture, mais si on la laisse livrée à elle même, ce n’est
pas non seulement tout le secteur culturel qui est menacé (par la perte de la possibilité
d’exercer un effet), mais aussi l’existence. » A ce sujet, Edouard Nivon montre qu’il faut
trouver un bon équilibre, pour ne pas abandonner la culture aux seules mains de
l’administration étatique ou éviter qu’une relation de conflit ne s’établisse entre les deux.13
Un tournant avec la mondialisation
La relation entre la politique et la culture a pris un tournant nouveau avec la
mondialisation, qui a rendu possible les échanges de biens et services culturels entre les
11
DUBOIS Vincent, La politique culturelle. Génèse d’une catégorie d’intervention publique, Paris, Belin,
collection « Socio-histoires », 1999, 383 pages
12
MILLER Tobby, YUDICE George, Política cultural, Barcelona : Gedisa Editorial, 2004, 336 pages
13
NIVON Eduardo, La política cultural. Temas, problemas y oportunidades, México : CONACULTA, 2006, 29
pages
12
États14. Jean Tardif et Joelle Farchy montrent qu’avec le développement de ces échanges un
nouvel objectif majeur est apparu pour les États : celui de dominer le marché culturel
international, via l’exportation de leurs produits culturels nationaux. Dans ce nouveau
contexte mondialisé, les pays dont les industries culturelles sont les plus puissantes
s’imposent aux autres. Aujourd’hui, l’influence d’Hollywood est telle qu’elle entraine une
convergence des pratiques culturelles à l’échelle mondiale. Cette hégémonie culturelle ne se
fait pas seulement ressentir dans la consommation de biens culturels « palpables » : elle
entraine également l’imposition d’une identité culturelle, d’un style de vie15. Nous retrouvons
ici la dichotomie que nous énoncions dans le début de notre introduction, puisque la
consommation de masse de la culture (au sens commun) entraine une uniformisation des
cultures nationales (au sens ethnologique). Avec la mondialisation, la culture est aussi
devenue un outil de rayonnement : l’enjeu est d’utiliser ses ressources culturelles, telles que le
cinéma, la musique ou la danse, pour construire son identité nationale et la faire rayonner à
l’international en les exportant.16 Ici, nous pouvons introduire la notion classique dans les
relations internationales de « soft power », introduite par Joseph Nye17. Elle décrit un nouveau
rapport de force entre les États, après la pacification des relations internationales depuis la fin
de la Seconde Guerre Mondiale, qui s’exprime aujourd’hui à travers des moyens non
coercitifs, dont l’exportation de biens culturels est un bon exemple.
La mondialisation a également pour corollaire le développement des relations
internationales et la circulation des idées politiques entre les États. Les États se comparent, les
élites se rencontrent et des « solutions d’action publique » en matière culturelle sont
échangées. Ce phénomène est accentué par les processus de régionalisation. En Amérique
Latine, par exemple, le MERCOSUR (Marché Commun du Sud), dont l’Uruguay est membre,
fait de la culture un point important de sa politique. Il existe une division « MERCOSUR
Cultural », qui agit pour la coopération culturelle entre les pays membres et la diffusion des
expressions artistiques et des produits culturels. Il est aussi intéressant de constater que le
MERCOSUR a développé tout un système de collecte d’informations et de statistiques sur les
données culturelles de ses pays membre, le SICSUR, pour évaluer et débattre les différentes
14
TARDIF J. et FARCHY J., Les enjeux de la mondialisation culturelle, Lormont, Le bord de l'eau, 2011, 200
pages
15
ADORNO Théodore W., « L'industrie culturelle » In: Communications, 3, 1964, p. 12-18
16
ARJUN APPADURAI, Après le colonialisme. Les conséquences culturelles de la globalisation, Paris : Payot,
2005, 162 pages
17
NYE Joseph S., Soft Power: The Means to Success in World Politics, New York : Public Affairs, 2004, 191
pages
13
politiques culturelles de la région 18 . L’essor des programmes internationaux d’aide au
développement et la diffusion d’un modèle de « bonne gouvernance », depuis les années
1990, favorisent également la circulation et les échanges d’expérience en gestion culturelle.
D’autant plus que l’Uruguay est un pays particulièrement propice à ces interventions, car il
jouit d’une bonne position géopolitique et d’une bonne réputation en terme de transparence et
pour son caractère démocratique.
Ces pressions internationales entrainent l’imposition d’un modèle dominant légitime et
des « normes » de référence pour l’action culturelle des États, dont l’adage « la culture doit
être perçue comme facteur de développement » pourrait être l’unes d’elles. Rappelons que,
depuis les années 1980, des organisations internationales comme l’UNESCO se sont battues
pour faire adopter l’idée que les gouvernements doivent faire de la culture une ressource
stratégique pour le développement, en déployant tout un arsenal d’outils normatifs pour la
mise en œuvre de politiques culturelles allant dans ce sens. Ce phénomène conduit la plupart
des gouvernements nationaux à adopter, au moins formellement, un ensemble de standards
afin de préserver leur crédit sur la scène internationale. C’est donc la question de la légitimité
qui est centrale : la peur d’apparaître comme un mauvais élève sur la scène internationale
entraine une homogénéisation des conduites étatiques.
Pour décrire ce processus, Thierry Delpeuch explicite une notion importante, celle de
« transfert », c’est-à-dire le fait qu’un État soit inspiré par un autre État en matière d’action
publique. Plus précisément, pour David Dolowitz et David Marsh, un transfert est « le
processus par lequel des informations et des savoirs concernant les politiques publiques
propres à un système politique – passé ou présent – sont empruntées et utilisées dans le cadre
du développement de politiques publiques dans un autre système politique » 19 . Cette
définition est intéressante car elle montre qu’il faut un modèle dominant de référence pour
qu’un transfert ait lieu. Dans notre cas, pour les politiques culturelles, le modèle de référence
est certainement le discours développé par les acteurs de la coopération internationale autour
de l’importance de la culture comme facteur de développement. De plus, Thierry Delpeuch
souligne que ces phénomènes de transferts sont autant cognitifs que normatifs : « on
assisterait à une expansion sans précédent des phénomènes de transferts internationaux – mais
aussi intersectoriels et interorganisationnels – des matériaux cognitifs et normatifs utilisés
18
TICIO Escobar, Sobre Cultura y Mercosur, Paraguay : Don Bosco, 1995, 94 pages.
DELPEUCH Thierry, « L'analyse des transferts internationaux de politiques publiques : un état de l'art », in
Questions de Recherche, 27, Centre d’études et de recherches internationales, CERI, Sciences Politique, 2008,
69 pages
19
14
dans la conception des politiques publiques ».20
Une spécificité latino-américaine ?
Peut-on parler d’une spécificité latino-américaine dans la relation entre la
culture et la politique ? Certes, l’action culturelle des États est marquée par une grande
diversité en Amérique Latine car elle reste liée à la bonne volonté des gouvernements et varie
donc sensiblement selon les situations. Cette diversité est accentuée par les disparités
historiques et sociopolitiques entre les États, qui n’ont pas adopté les mêmes pratiques dans la
voie du développement culturel.21 Cependant, des auteurs se sont attachés à rechercher des
éléments d’homogénéité, parmi lesquels Ricardo Klein, Joaquim Ruis Ulldemolins et Mariona
M. Zamorano.22 Pour ces chercheurs, plusieurs éléments d’homogénéité permettent de parler
d’une spécificité latino-américaine dans la relation entre la culture et la politique.
Tout
d’abord,
ils
constatent
un
retard
latino-américain
commun
dans
l’institutionnalisation du soutien étatique au secteur culturel, en comparaison avec l’Europe.
Ce dernier est lié au passé politique du continent, marqué par une grande instabilité dans la
seconde moitié du XXème siècle. Contrairement à l’Europe où, après la Seconde Guerre
Mondiale, le soutien des États à la culture ne sera jamais remis en cause, l’Amérique Latine
connaît l’instauration de régimes dictatoriaux, très répressifs vis à vis du secteur culturel.
Cette instabilité politique a rendu difficile le développement d’un marché culturel stable, via
des politiques régulatrices et protectionnistes pour permettre le développement d’industries
culturelles nationales compétitives23. Dans ce contexte, la plupart du temps, c’est surtout la
société civile et le secteur privé qui assument ce rôle. Les auteurs Canclini, Nivon et Eduardo
parlent d’une « réforme de l’Etat impossible » pour faire de la culture un élément important
dans développement stratégique de la Nation, qui soit indépendant des changements
20
DELPEUCH Thierry, « L'analyse des transferts internationaux de politiques publiques : un état de l'art », in
Questions de Recherche, 27, Centre d’études et de recherches internationales, CERI, Sciences Politique, 2008,
69 pages
21
ARANGO MEJIA Juan Luis, Apuntes sobre las políticas culturales en América Latina, 1987-2009, Madrid :
Pensamiento Iberoamericano, 2009, 110 pages.
22
KLEIN Ricardo, « Concepto de cultura y construcción de la identidad nacional en Uruguay », in
ZAMORANO Mariano M., ULLDEMOLINS Z. Zamorano et KLEIN Ricardo ¿Hacia un modelo sudamericano
de política cultural? Singularidades y convergencias en Uruguay, Paraguay y Chile en el siglo XXI, European
Review of Latin American and Caribbean Studies, No. 96, 2014, pp. 5-34
23
GETINO Octavio, « Las industrias culturales : entre el proteccionismo y la autosuficiencia », in Pensar
Iberoamérica, Revista de Cultura, n°4, 2003
15
politiques - comme peut l’être l’économie ou l’amélioration de la démocratie.24 En Uruguay,
ce constat est confirmé puisque la dictature politique qui a sévi de 1973 à 1985 a été très
« culturicide ». 25
Cependant, avec la disparition des régimes dictatoriaux dans les années 1980, le
continent connaît une période de récupération de la culture comme moyen expression
démocratique. C’est le début de l’institutionnalisation post-dictatoriale26 où les États lancent
les premières politiques de soutien au domaine culturel, via le développement des musées
nationaux, des archives publiques, des théâtres municipaux et de grandes compagnies de
théâtre ou de danse nationales et la création d’institutions pour mettre en œuvre ces politiques.
En Uruguay, ce schéma se retrouve puisqu’en 1985 la Direction Nationale de la Culture est
créée après un changement constitutionnel.
Les années 1980, en Amérique Latine, voient aussi le début des convergences
régionales dans la construction des politiques culturelles27. En effet, après la conférence
Mondiacault à Mexico (UNESCO 1982), tout un débat régional s’instaure pour donner une
identité culturelle au continent, qui a un impact sur les domaines d’intervention de l’État dans
la culture. Des problématiques communes apparaissent telles que le soutien à la création,
l’importance de l’accès à la culture, la sauvegarde du patrimoine naturel et le développement
des industries culturelles. Cet intérêt croissant pour la culture au niveau régional est lié au
développement d’une citoyenneté démocratique après la chute des régimes dictatoriaux, donc,
mais aussi, comme nous l’avons vu plus haut, à celui des technologies des informations et de
la communication, qui a permis d’abolir les frontières entre les États et faire germer l’idée
d’une identité commune latino-américaine.
Enfin, nous retiendrons une dernière particularité de l’Amérique Latine dans son lien
entre le politique et le culturel : celui de la construction tardive des identités culturelles
nationales, tant les « cultures populaires », la « haute culture » et les « cultures minoritaires »
se sont développées de manière hermétique. En effet, si en Europe le développement des Etats
est allé de pair avec l’imposition d’une langue et d’une culture légitime par les élites au
24
NIPON BOLAN Eduardo, Políticas Culturales 2006-2020. Hacia un Plan Estratégico de Desarrollo Cultural,
México : Universidad de Guadalajara- Miguel Ángel Porrúa Editores, 2006, 120 pages
25
CANELAS RUBIM Antonio Albino y RUBENS Bayardo, Políticas Culturais na Ibero-América , Salvodor de
Bahía: Editora da Universidade Federal da Bahia, 352 pages
26
HARVEY Edwin R, Políticas culturales en Iberoamérica y el mundo: aspectos institu- cionales. Madrid:
Tecnos, 1990, 228 pages
27
ZURITA PRAT Matías, Los estados de la cultura. Estudio sobre la institucionalidad cultural pública en los
estados del SICSUR, Santiago de Chile : Consejo Nacional de la Cultura y las Artes, 2012,
16
pouvoir28, dans le cas des sociétés latino-américaines nous constatons la marginalisation
(voire la persécution) des cultures d’origine et des minorités culturelles. Jusqu’à la fin des
années 1990, les États ont tendance à relayer les cultures indigènes à un rang inférieur par
rapport aux « hautes cultures d’origine européenne ». Cette situation est un facteur important
à prendre en compte dans notre analyse, car elle a abouti à la revendication de ces minorités
culturelles persécutées, à la fin du siècle, qui ont lutté pour la reconnaissance de leur culture.
3. Du soutien politique à la culture à la politique culturelle. Éléments de définition.
La politique culturelle : une politique publique
Une politique culturelle est avant tout une politique publique. Pour définir cette
expression, nous reprendrons la définition classique donnée par Jean-Claude Thoening, pour
qui une politique publique est « un programme d’action propre à une ou plusieurs autorités
publiques ou gouvernementales ». Selon l’auteur, une politique publique serait donc
l’ensemble des actions de l'État29. Cette définition doit être complétée, car elle met trop la
focale sur l’action en oubliant l’importance du cognitif des politiques publiques. Nous
préférerons donc la définition d’Edward Page, qui met en avant quatre éléments essentiels
pour caractériser une politique publique. Tout d’abord, une politique publique est basée sur
des principes, c’est-à-dire « une représentation générale sur la manière de gérer les politiques
publiques », donc une vision générale sur le monde et des idées. Elle est également définie par
des objectifs, soit « des priorités spécifiques définies par rapport à une enjeu particulier ». De
plus, elle est composée de mesures concrètes : l’action publique n’existe pas sans des
décisions et des instruments pour mettre en œuvre les objectifs. Enfin, Edward Page montre
qu’une politique publique est constituée d’actions pratiques, que l’on peut assimiler aux
comportements des fonctionnaires chargés de mettre en œuvre les mesures dictées par l'État
ou les acteurs publics30. De ces éléments de définition, nous retiendrons qu’une politique
publique a toujours une double dimension : une dimension cognitive (des principes, des idées)
et une dimension normative (des instruments, des programmes…).
La diversité des politiques publiques pour soutenir le secteur culturel
28
BOURDIEU Pierre, La distinction, Paris : Les éditions de minuits (coll. Le sens commun), 1979, 672 pages
THOENING Jean-Claude, « L’analyse des politiques publiques », in LECA Jean et GRAWITZ Madelaine
(dir.), Traité de science politique, Paris, Presses Universitaires de France, 1985, 4 vol, 2 701 p
30
PAGE Edward C., « The origins of policy », in MORAN Michael, REIN Martin, GOODIN Robert E., Oxford,
Handbook of public policy, Oxford : University Press, 2006, 20 p
29
17
Avant de donner une définition du terme de « politique culturelle », il faut faire le
constat de la diversité des formes que peut prendre le soutien étatique au secteur culturel. De
la « Kulturpolitik » allemande jusqu’à la « politique des biens culturels » en Italie, la diversité
dans les objectifs et les formes institutionnelles de ce soutien est grande, tant il dépend du
contexte politique dans lequel il se développe. Cette grande diversité dans les politiques
publiques de soutien à la culture entraine des difficultés de comparaison. Cependant, à partir
des années 1980, des auteurs ont tenté de construire des typologies pour rendre compte des
principales tendances à l’échelle internationale. Harry Hillman-Chartrand et Claire
McCaughey, par exemple, distinguent quatre types d’orientation de politiques publiques vers
le secteur culturel : l’État facilitateur, l’État mécène, l’État architecte et l’État ingénieur. Dans
le modèle de l’État facilitateur, le secteur public incite des sponsors privés à soutenir le
monde des arts. C’est l’exemple typique des Etats-Unis, où le soutien public au secteur
culturel est complètement décentralisé et passe principalement par des politiques de
réductions fiscales pour inciter les entreprises américaines à financer des projets artistiques.
Dans le modèle de l’État mécène, l’État finance le monde des arts au travers d’institutions
indépendantes, qui attribuent des financements à des projets ou des artistes, via des fonds
publics. C’est notamment le cas de la Grande Bretagne et de l’Art’s Council, un organisme
public non gouvernemental qui prend en charge la gestion culturelle du pays, géré par une
administration indépendante de la fonction publique et financé à distance par l’État central. Le
modèle de l’État architecte, lui, se rapproche de l’exemple français, très centralisé. Les
décisions en terme de politique culturelle sont prises au sommet par des fonctionnaires et c’est
le gouvernement central, via le Ministère de la Culture, qui fixe les grandes orientations pour
l’ensemble du pays. En France, par exemple, le Ministère de la Culture finance directement
les bibliothèques et les théâtres. Enfin, les deux auteurs mettent en avant un dernier modèle :
celui de l’État ingénieur. Dans ce modèle très dirigiste, que l’on retrouve dans les pays
totalitaires, l’État est le propriétaire de tous les moyens de production artistique. Il ne soutient
donc que les institutions artistiques qui vont dans son sens ou qui ont une utilité politique, et il
n’y a pas de liberté artistique. 31
31
HILMAN-CHARTRAND Harry et MCCAUGHEY Claire, « The arm’s length principle and the arts : an
international perspective – past, present and future » in C. CUMMINGS Milton C. (dir.), Who's to pay for the
arts? The international search for models of arts support, New York, N.Y.: ACA Books., 1989
18
Face à ce constat de diversité dans la mise en œuvre des politiques publiques du
soutien au secteur culturel, quelle définition retenir pour notre mémoire ? Et surtout, comment
distinguer une politique publique de soutien à la culture et une politique culturelle ?
De la politique publique pour la culture à la politique culturelle
Pour établir la distinction entre une politique publique pour la culture et une politique
culturelle, nous pouvons reprendre les propos de Phillippe Urfalino : « ce que j’appelle
l’invention de la politique culturelle, c’est finalement la mise en place d’un projet intellectuel,
idéologique – au bon sens du terme, c’est-à-dire d’un ensemble d’idées, de concepts qui
orientent l’action –, et un volontarisme d’Etat associé à ce projet. ». 32 Urfalino donne
l’exemple du projet français porté par André Malraux, à l’origine de la création du premier
Ministère de la Culture français, en 1958. Pour Malraux, « à travers les arts, en s’appuyant sur
eux, l’Etat peut faire quelque chose à la société, il peut essayer de la changer ».33 L’État est
mis au sommet, en prêtant des enjeux sociaux extrêmement importants à la culture, tels que la
démocratisation ou la confortation du tissu social.34. En suivant ces propos, dans ce mémoire,
nous distinguerons donc les politiques publiques de soutien à la culture, qui ne répondent pas
forcément à un volontarisme de l’État central, et la politique culturelle qui implique que l'État
central attribue un rôle très important à l’art et de la culture et qu’il décide de les soutenir
fortement. Nous nous concentrerons donc sur le haut de l’échelon étatique, au niveau du
gouvernement central et national, pour analyser la construction de la politique culturelle
uruguayenne.
Pour mettre en avant ce projet intellectuel d’une politique culturelle, Pierre Muller et
Bruno Jobert puisent dans le cadre cognitif de l’action publique. Ils mettent en avant
l’importance des croyances des acteurs et de leurs répertoires cognitifs et argumentatifs, et
développent ainsi la notion de « référentiel », soit une représentation de la réalité que l’on
veut modifier35. Pierre Muller distingue le « référentiel global » d’une société, soit l’ensemble
de valeurs fondamentales qui constituent les croyances de base d’une société, une sorte de
« détermination structurelle » et le « référentiel normatif ou sectoriel » d’une politique, soit un
32
URFALINO Pierre, L’invention de la politique culturelle, Paris, La Documentation française, 1996, 361pages
Discours du 19 mars 1999, prononcé à l’occasion de l’inauguration de la Maison de la culture d’Amiens).
34
DUBOIS Vincent, La politique culturelle. Génèse d’une catégorie d’intervention publique, Paris, Belin,
collection « Socio-histoires », 1999, 383 pages
35
JOBERT Bruno, MULLER Pierre, L’État en action. Politiques publiques et corporatismes, Paris : PUF, 1987,
242 pages
33
19
ensemble de représentations et de principes d’actions définissant la philosophie d’action des
pouvoirs publics. Ces référentiels sont influés par des contraintes structurelles mais relèvent
aussi de stratégies délibérées et d’un travail de sens par les pouvoirs publics.36 Bruno Jobert,
lui, relève trois dimensions d’un référentiel. D’abord, une dimension cognitive, qui
correspond aux représentations, aux schèmes de perception et autres éléments d’interprétation
causale des problèmes à résoudre. Ensuite, une dimension normative, constituée par les
valeurs dont il faut assurer le respect pour le traitement du problème, sorte de « référents
légitimes ». Et enfin, une dimension instrumentale, qu’il définit comme des modes
opératoires, soit des principes d’action qui doivent orienter l’action37.
Pour aller plus loin dans la caractérisation de la dimension cognitive d’une politique
culturelle, un autre auteur nous paraît fondamental : Paul Sabatier et son concept
« d’Advocacy Coalition Framwork ». Pour lui, une politique publique est « le produit d’un
système de croyances spécifique, issu de la confrontation continue et des compromis
successifs passés entre les systèmes de croyances propres à chaque coalition dans un système
donné ». Il met en avant la notion de « belief système », qu’il définit comme « des valeurs
fondamentales, des représentations sociales de la réalité, incluant la définition de ce qui pose
problème et l’évaluation des divers instruments de résolution du (ou des) problème(s) »38.
Dans le cadre d’une politique publique, pour chaque coalition, il existe plusieurs systèmes de
croyance en concurrence. Un belief system est composé des trois dimensions données par
Bruno Jobert : cognitive, normative et instrumentale. Et ce qui explique la construction ou
l’évolution d’une politique publique, c’est justement la confrontation entre ces différents
« belief system »39.
36
MULLER Pierre, « Les politiques publiques comme construction d'un rapport au monde », in FAURE Alain,
POLLET Gilles, WARIN Philippe (Ed.), La construction du sens dans les politiques publiques. Débats autour de
la notion de référentiel, Paris: L'Harmattan, 1995, pp. 153-179
37
JOBERT Bruno, « Représentations sociales, controverses et débats dans la conduite des politiques publiques »,
in Revue française de science politique, Vol. 42, n°2, 1992, p 219-234
38
SABATIER Paul, JENKINS-SMITH, Hank, Policy change and learning : an Advocacy Coalition Approach,
Westview Press, 1993, 290 pages
39
JOBERT Bruno, «Représentations sociales, controverses et débats dans la conduite des politiques publiques»,
Revue française de science politique, 42 (2), 1992. Cf. également sur ce point Majone (G.), «Policies as
Theories», Omega, 8, 1980, et Young (K.), «Values in the Policy Process», Policy and Politics, 5, 1977
20
Formulation du problème :
Faire de la culture une ressource politique majeure pour le développement d’un pays
ne va pas de soi. Catherine Tasca, ancienne Ministre de la Culture 40 , parle d’une
« malédiction » qui pèse sur le budget de la culture : « la culture, c'est considéré sinon comme
un luxe, au moins comme une dépense sur laquelle on peut rogner sans grands dommages »41.
Cette « malédiction » de la culture peut s’expliquer par le fait que les bénéfices sociaux ou
économiques de l’investissement dans le secteur culturel ne sont pas aussi évidents et visibles
que ceux dans des politiques sociales de solidarité. Cela est d’autant plus vrai si on alloue aux
arts une seule fonction esthétique. Suivant ce schéma, une politique culturelle serait avant tout
une politique relevant du « mécénat » et ne justifierait donc pas d’être une priorité
gouvernementale.
Pourtant, il suffit de lire les différentes publications et rapports produits par la
Direction Nationale de la Culture42, ces dernières années, pour se rendre compte que le
soutien public à la culture est aujourd’hui considérable en Uruguay et que l’État attache une
grande valeur au secteur culturel. Les expressions telles que « développement culturel pour
tous», « importance de la citoyenneté culturelle et des droits culturels », ou « nouvelle
institutionnalité culturelle » y abondent. Entre 2005 et 2010, le budget a doublé et, en 2007, la
Direction Nationale de la Culture - organe ministériel exclusivement en charge de la politique
culturelle du pays - acquiert une autonomie exécutive. De nombreux programmes sont lancés
à travers le pays, pour décentraliser et démocratiser l’accès à la culture. On assiste ainsi à une
grande dynamisation de la politique culturelle de la part du gouvernement central.
Il est également intéressant de constater que ce « tournant » dans la politique culturelle
uruguayenne semble s’appuyer sur les mêmes référents discursifs que ceux diffusés par
l’Unesco, pour promouvoir les expressions culturelles et faire de la culture un outil politique
central dans le développement national. Par exemple, le rapport de gestion de la Direction
Nationale de la Culture du premier gouvernement de Tabaré Vázquez, indique que son
40
Catherine Tasca fût Ministre de la Culture de 2000 à 2002, durant la période de cohabitation entre Jacques
Chirac et Lionel Jospin
41
Interview accordée à Fréderic Says, France Culture, le 05.07.2013
42
La Direction Nationale de la Culture est la direction en charge de l’action culturelle de l’État uruguayen. Elle
est rattachée au Ministère de l’Education et de la Culture.
21
objectif général est de « promouvoir le développement et l’accès à la culture comme outil
d’expression de valeurs nationales dans un pays multiculturel tout comme sa diffusion, en
interaction avec le processus de mondialisation, qui a construit la diversité culturelle de la
société uruguayenne »43. Il semble reprendre directement les principes de la Convention de
l’UNESCO de 2005 dont un des objectifs est « de réaffirmer le droit souverain des États de
conserver, d’adopter et de mettre en œuvre les politiques et mesures qu’ils jugent appropriées
pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles sur leur
territoire » ou de « de promouvoir le respect de la diversité des expressions culturelles et la
prise de conscience de sa valeur aux niveaux local, national et international »44.
Face à ces constats, nous nous demanderons donc : comment expliquer le fait qu’en
Uruguay la culture ait été fortement soutenue par les gouvernements au pouvoir à partir de
2005 ? Comment ce soutien s’est-il manifesté en terme de politiques publiques ?
Pour répondre à ces questions, nous avançons les hypothèses suivantes :
- En Uruguay, l’arrivée du Frente Amplio au pouvoir a déclenché un volontarisme du
pouvoir central pour soutenir la culture et fortement investir dans la politique culturelle
du pays
- Ce soutien est lié à l’idéologie progressiste du parti du Frente Amplio et à ses
connexions avec le monde la culture
- Ces dernières années, la prise en compte de la culture fait l’objet d’une stratégie de
promotion de la part des organisations de coopérations internationales et de
régionalisation
- Cette stratégie a eu un impact sur l’action du Frente Amplio, dans la construction de sa
politique culturelle
Ainsi, notre problématique est que la construction de la politique culturelle
uruguayenne témoigne du phénomène de « glocalisme »45, c’est-à-dire d’une interpénétration
entre l’échelle locale et globale dans la construction d’une politique publique. En effet, la
prise en compte de la culture comme outil de politique publique essentiel au développement
du pays, si elle est déclenchée par un facteur local (arrivée au pouvoir d’un gouvernement
43
Informe de Gestion, Dirreción Nacional de la Cultura, 2005-2010
Présentation de l’UNESCO sur son site Internet : http://www.unesco.org
45
HARMSWORTH Katherine, «  Glocalism: The Growing importance of Local Space in the Global
Environment  », in Canada West Foundation Publication, 2001, 8 pages
44
22
progressiste avec un projet culturel émancipateur), est également influée par des facteurs
globaux (action d’organisations internationales et processus de régionalisation). Notre
paradoxe, ici, est que la mise en place d’une politique culturelle, alors même qu’elle répond à
des enjeux locaux et nationaux très importants (dont la construction identitaire d’une Nation)
peut être influée par des facteurs internationaux, en dehors de l’État.
Pour éclairer ce paradoxe, notre mémoire est construit en deux temps. Nous nous
intéresserons d’abord à l’influence de l’arrivée du Frente Amplio au gouvernement dans la
construction de la politique culturelle uruguayenne. Ici, nous nous interrogerons sur les
changements discursifs (Partie 1) et les avancées tangibles qu’elle a rendues possible (Partie
2). Dans un second temps, nous verrons de quelle manière ce processus a été largement
influencé par des acteurs internationaux (Partie 3).
Méthodologie : comment analyser la construction d’une politique culturelle ?
Les différentes postures de recherche dans l’analyse de la politique culturelle
L’analyse des politiques publiques est aujourd’hui un champ de recherche vaste et
autonome, mais traversé par des tensions et des oppositions, comme ont pu le montrer Daniel
Kubler et Jacques De Maillard46. D’un point de vue historique, l’analyse des politiques
publiques naît dans les années 1930, aux États-Unis, avec la mise en place du New Deal et la
montée en puissance de l’Etat interventionniste. Ici, l’objectif est de savoir si les politiques
publiques fonctionnent et d’aider les décideurs à gouverner : l’acte de recherche est politique.
Ces analyses prescriptives des politiques publiques constituent le mouvement de recherche
des « policy sciences », avec pour figure de proue Harold Laswell. Les années 1960 voient le
développement de recherches sur politiques publiques en Amérique, qui devient un classique
de l’analyse de la science politique. Peu à peu, le chercheur prend de la distance vis à vis du
décideur et adopte un point de vue plus critique : c’est le passage du « policy science »
au « policy analisys ».
En France, ce n’est qu’à partir des années 1970 que va véritablement se développer
46
KUBLER Daniel et DE MAILLARD Jacques, Analyser les politiques publiques, Grenoble : Presses
Universitaires de Grenoble, Col. Politique en plus, 2009, 224 pages
23
l’analyse des politiques publiques, mais elle offre aujourd’hui une grande richesse de travaux.
Les thématiques abordées par ces recherches françaises sont éloignées de celles de la « policy
science » américaine. En effet, elles s’inscrivent plus dans une perspective autour de la
sociologie de l'État et de l’action publique et de la sociohistoire. L’enjeu est de montrer les
tensions contradictoires, les stratégies et les rapports de pouvoir au sein des administrations et
de l'État, ainsi que les processus lents à l’origine d’une politique publique.
En Amérique Latine, l’analyse des politiques culturelles est également tardive : elle
remonte au début des années 1970 et a d’abord été initiée par les experts de l’Unesco, qui
lancent les premières monographies sur les politiques culturelles de ses pays membres à la fin
des années 1960, initiative s’étendant ensuite au champ académique. Contrairement aux
recherches françaises ou américaines, l’analyse des politiques culturelles en Amérique Latine
s’inscrit plutôt dans le champ de l’anthropologie ou des sciences de l’information et de la
communication. Elle a notamment été abordée par le courant des « cultural studies », venu du
Royaume-Uni, une posture de recherche critique qui mêle l’anthropologie, la sociologie à la
communication ou la médiation culturelle.47
Cependant, ces différentes écoles autour de l’analyse des politiques publiques ne sont
pas homogènes et cachent des modèles théoriques et des conceptions différentes. Il n’y a pas
de modèle unique pour analyser une politique, tant l’action publique est un phénomène
complexe, qui fait rentrer une multitude de variables différentes. Le choix de la focale dépend
donc entièrement du chercheur et varie selon les sensibilités de chacun : de l’analyse de la
mise à l’agenda politique à celle des instruments de mise en œuvre jusqu’aux bénéficiaires
des politiques publiques, le champ des possibles est vaste. Pour notre mémoire, nous nous
focaliserons sur deux grands thèmes de recherche, qui nous paraissent les plus pertinents pour
appréhender le cas uruguayen. D’une part, nous emprunterons aux théories du changement
dans l’action publique, qui nous permettra d’analyser la nouvelle tendance dans la
construction de la politique culturelle, avec l’arrivée de la gauche progressiste au pouvoir.
D’autre part, nous nous appuierons sur les écrits autours des phénomènes de transferts dans
l’action publique, pour analyser l’influence de la coopération internationale sur les politiques
culturelles. Nous adopterons donc des outils d’analyse essentiellement empruntés à la science
politique et la sociologie de l’action publique.
47
MORATO Rodriguez, « El análisis de la política cultural en perspectiva sociológica. Claves intriductorias al
estudio del caso español, in Revista de Investigaciones Políticas y Sociólogicas, 2012, p 15-38.
24
Appréhender le changement dans l’action publique
L’analyse du changement dans les politiques publiques est très vaste. Beaucoup
d’études font appel à la sociohistoire, pour mettre en exergue les lenteurs du changement et
l’inertie de l’action publique : c’est l’approche néo-institutionnaliste historique. Mais de telles
études nécessitent un temps de recherche important, qui n’est pas approprié pour un mémoire
de fin d’étude. D’autant plus que ces recherches mettent plutôt l’accent sur un changement sur
le mode limité et progressif de l’incrémentalisme, alors que nous faisons l’hypothèse d’un
changement relativement brutal, due à la réorientation radicale induite par le changement
inédit de la couleur politique du parti de Tabaré Vázquez.
Nous préférons donc nous appuyer sur l’approche de l’analyse cognitive et normative
du changement dans l’action publique, qui se centre plus sur les discours et la mise en œuvre
de l’action publique. Ici, l’auteur de référence est Peter Hall48, qui distingue trois ordres de
changement dans les politiques publiques, bien hiérarchisés. Le premier ordre correspond à un
changement dans le mode d’utilisation d’un instrument d’une politique déjà existante, comme
par exemple le fait d’utiliser de façon plus restrictive un taux d’intérêt. Le deuxième ordre
correspond à la création de nouveaux outils de politique publique, comme par exemple la
création de la Banque Centrale Européenne. Enfin, le troisième ordre, le plus important et
celui qui conditionne les deux autres, est celui du « paradigme » de la politique publique,
c’est-à-dire son orientation générale et les conceptions qui la sous-tendent. Pour lui, un
paradigme est « non seulement les objectifs de la politique et le type d'instruments qui peut
être utilisé pour les obtenir, mais également la nature même des problèmes qu'ils sont
supposés affronter». Ce grand modèle du changement a été complété par d’autres auteurs
comme Joseph Fontaine et Patrick Hassenteufel49. Ils concèdent à Peter Hall l’importance des
changements paradigmatiques et dans les instruments mais ajoutent deux catégories de
changements : les changements dans les réseaux d’acteurs, comme la mise en place ou
l’entrée d’un nouvel acteur et les changements dans les bénéficiaires d’une politique.
Un autre auteur nous paraît fondamental pour étudier le changement dans les
politiques publiques : Paul Sabatier. Pour lui, une politique publique change quand les
48
HALL Peter, « Policy paradigms, social learning, and the State. The case of economic policymaking » in
Britain, Comparative Politics, Vol 25, n°3, 1993, 275-296p
49
HASSANTEUFEL Patrick, « Quelle sociologie du changement dans l’action publique ? retour au terrain et «
refroidissement » théorique », in FONTAINE Jospeh Fontaine, HASSENTEUFEK Patrick (dir.), To change or
not to change. Les changements de l’action publique à l’épreuve du terrain,.), 2002, p. 11
25
rapports entre les « systèmes de croyance » des pouvoirs publics sont modifiés. Il distingue
trois dimensions qui peuvent impacter sur ces systèmes de croyance. Les « deep core », soit
un ensemble d’axiomes normatifs qui forment la philosophie personnelle de chacun (la nature
de l’homme, la notion de ce qui est juste, des valeurs comme la liberté…) et qu’il caractérise
comme étant le noyau central du système de croyance. Il donne l’exemple de la politique
environnementale, en opposant le deep core de la coalition économique (idée de progrès
technique et économique) à celui de la coalition environnementale (préservation de la
biosphère). Il ajoute ensuite l’influence du « near core », soit le noyau superficiel
correspondant aux stratégies de base ou aux options programmatiques et aux positions
politiques liées à la défense du noyau central. Enfin, il souligne la dernière dimension d’un
système de croyance, celle des « secondary aspects », c’est-à-dire l’ensemble des instruments
pour lesquels optent les décideurs dans la mise en œuvre d’une politique.
Tous ces auteurs ont en commun de s’intéresser autant aux discours qu’aux
instruments de mise en œuvre d’une politique publique. Nous appliquerons cette double
posture dans notre mémoire (analyse discursive et normative).
Appréhender les phénomènes de convergence et de transfert de l’action publique
Mais pour questionner l’impact de la coopération internationale dans la construction
de la politique culturelle uruguayenne, nous allons également nous appuyer sur les recherches
qui étudient les phénomènes de transfert et de convergence dans la mise en œuvre des
politiques publiques. Ces études sont dénommées les « policies transfer studies ». Elles ont
toutes en commun de se focaliser sur des sources d’influences externes dans la construction
de l’action publique, sur des facteurs exogènes donc. Elles mettent en évidence l’existence de
phénomène de « transfert », c’est-à-dire le fait qu’un État soit inspiré par un autre État en
matière d’action publique. Plus précisément, pour David Dolowitz et David Marsh, un
transfert est « le processus par lequel des informations et des savoirs concernant les politiques
publiques propres à un système politique – passé ou présent – sont empruntées et utilisées
dans le cadre du développement de politiques publiques dans un autre système politique ».
Pour analyser les influences des politiques entre elles, nous utiliserons deux courants
principaux, éclairés par un article de Thierry Delpeuch50. 50
DELPEUCH Thierry, « L'analyse des transferts internationaux de politiques publiques : un état de l'art », in
Questions de Recherche, 27, Centre d’études et de recherches internationales, CERI, Sciences Politique, 2008,
69 pages
26
D’abord, les recherches qui mettent la focale sur l’échelle « macrosociologique »
(facteurs
politiques,
institutionnels,
idéologiques,
culturels,
socioéconomiques,
technologiques...) pour analyser les phénomènes de convergence ou de transfert. Elles
s’inscrivent dans la mouvance du néo-institutionnalisme sociologique, qui met en évidence
des phénomènes d’imitation de solutions en vogue sur la scène internationale (conformisme
vis à vis d’une idée dominante). Le facteur clé ici est la légitimation : en suivant un modèle de
politique internationale, les hommes politiques nationaux cherchent à préserver leur
crédibilité. Pour décrire ce processus, deux auteurs clés sont DiMaggio et Powell et leur
notion d’isomorphisme, qui qualifie la convergence et l’homogénéisation des acteurs
internationaux dans un même champ organisationnel. L’isomorphisme peut être coercitif
(l’imposition du modèle est verticale grâce à des instruments normatifs), mimétique (le
modèle se diffuse de manière horizontale, via des interactions entre les décideurs) ou normatif
(standardisation des cursus professionnels et éducatifs des décideurs) 51 . Nous pouvons
également relever les travaux d’Yves Dezalay et de Bryant Garth qui, en analysant les
phénomènes d’exportation du « rule of law » et de la bonne gouvernance américaine en
Amérique Latine, ont montré l’importance des acteurs de la coopération internationale (ONG,
fondations philanthropiques). Ces acteurs exportent un modèle qu’ils estiment comme noble.
Mais les auteurs montrent que les gouvernements nationaux receveurs influent sur la
réception d’un modèle. Les effets des influences internationales dépendent donc du contexte
politique national.
Le deuxième courant que nous emprunterons se situe, lui, à l’échelle
« microsociologique » dans le sens où il met l’accent sur les relations d’interactions entre les
acteurs, qu’elles soient interpersonnelles ou interorganisationnelles (stratégies et jeux
d’acteurs, formation de réseaux, phénomènes d’apprentissage...). Ces études sont plus
sociologiques que socio-historiques. Un auteur central est Jack Walker, qui a mis en avant
l’importance des communications horizontales entre les élites politiques en charge de l’action
publique, dans le cadre
d’associations professionnelles, de forums institutionnels de
discussion (congrès, séminaires, voyages d’étude...) ou de journaux spécialisés. Pour décrire
ces lieux de rencontre, Pierre Muller et Bruno Jobert utilisent la notion de « forum » et
« d’arènes de la négociation »52. Les forums sont des lieux de débats publics où les acteurs de
51
DIMAGGIO Paul J, POWELL Walter W., « The Iron Cage Revisited: Institutional Isomorphism and
Collective Rationality in Organizational Fields , in DIMAGGIO Paul J, POWELL Walter W, The New
Institutionalism in Organizational Analysis, Chicago :University of Chicago Press, 1991, p. 63-84
52
JOBERT Bruno, MULLER Pierre, L’État en action. Politiques publiques et corporatismes, Paris, PUF, 1987.
27
la scène internationale et les élites politiques des gouvernements nationaux se rencontrent et
échangent. Les arènes de la négociations, elles, sont privées et exclusivement réservées aux
décideurs. Ces lieux d’interactions personnelles permettent aux idées de s’échanger et donc
aux transferts d’opérer.
Pour notre mémoire, nous ferons le choix d’utiliser ces deux ordres explicatifs, qu’ils
soient macrosociologiques ou microsociologiques.
Notre méthodologie d’enquête
La rédaction du mémoire sera nourrie des différentes lectures et concepts cités dans
cette introduction et notre méthodologie d’enquête empruntera donc principalement à la
sociologie de l’action publique et à la science politique. Face au temps réduit qu’implique la
rédaction d’un mémoire de fin d’études et à l’étendue de notre problématique, notre démarche
ne se veut pas exhaustive mais plutôt qualitative et compréhensive.
Nous confronterons les nombreuses lectures et concepts cités précédemment aux
résultats de sept entretiens semi-directifs53. Nous avons interrogé cinq hommes politiques du
Frente Amplio ayant participé à la construction de la politique culturelle du Frente Amplio:
Ricardo Ehrlich (ancien Ministre de la Culture), Luis Mardones (ancien directeur National de
la Culture), Hugo Achugar (ancien directeur national de la culture), Roberto Elissalde
(directeur des Centres MEC) et Gerardo Grieco (directeur de la Culture à la Mairie). Nous
avons également réalisé un entretien avec Gabriela Pacheco, chargée de mission au pôle
culture du bureau de l’Unesco à Montevideo et Danilo Urbanavicius, professeur en gestion
culturelle et assistant du Doyen de la Faculté de la Culture du CLAEH54. L’objectif était de
pouvoir confronter des points de vue d’acteurs nationaux et internationaux, afin d’avoir une
vision qui soit la plus exhaustive possible (dans la limite de la réalisation du cadre de la
réalisation d’un mémoire de fin d’études). Précisions que ces entretiens ont été largement
facilités par mon stage au Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de
France à Montevideo, qui m’a donné accès à son carnet d’adresse. En outre, ici, nous avons
conscience que les entretiens, peuvent être à l’origine de nombreux bais, comme le filtrage ou
la déformation de la réalité, pour mettre en avant les seuls faits positifs et « porter la parole de
53
54
La retranscription des entretiens est consultable en Annexe 1
Centro Latinoamericano de Economía Humana
28
l’institution »55, surtout quand ils s’adressent à des hommes politiques. En suivant les conseils
de Philippe Laborier et Pascal Bongrand, nous avons tenté de limiter ce risque en interrogeant
exclusivement des hauts dirigeants qui n’occupaient plus leur fonction au moment de
l’enquête.
Nous nous appuierons également sur les deux rapports de gestion des deux
présidences du Frente Amplio à la tête la Direction Nationale de la Culture, publiés
respectivement en 2010 et 2015. En plus de ces deux rapports, nous analyserons des comptes
rendus de réunions, des discours et diverses publications de communication publiées par les
différents acteurs que nous avons évoqués. Ces différentes sources de documentation,
conjuguées à la réalisation des entretiens et à nos lectures, nous permettrons de percer les
grands schèmes cognitifs, normatifs et instrumentaux de la construction de la politique
culturelle uruguayenne depuis 2005.
Nous abordons volontairement une démarche très « top-down »56 dans notre analyse,
en se focalisant principalement sur les décideurs et les gouvernants ayant participé à la
construction de la politique culturelle uruguayenne et beaucoup moins aux destinataires de
cette politique. Notre démarche compréhensive et notre problématique justifie cette approche
par le haut, puisque nous souhaitons avant tout éclairer les conditions de la construction de la
politique culturelle uruguayenne depuis 2005 - et moins sa réception.
55
LABORIER P, BONGRAND P., « L’entretien dans l’analyse des politiques publiques un impensé
méthodologique », Revue française de science politique, vol. 55, n° 1, février 2005, pp. 73-111.
56
En opposition à la démarche bottum-up
29
Première partie
Un changement cognitif : la culture perçue comme moteur de
développement social
Quand Tabaré Vázquez prend le pouvoir en 2005,
c’est la première fois qu’un
gouvernement de gauche accède à la Présidence de la République. Il est élu au premier tour,
avec 50,7% des suffrages exprimés. En outre, la gauche obtient la majorité absolue à la
Chambre des représentants et au Sénat. La classe politique dirigeante est donc entièrement
renouvelée et on assiste à une rupture avec l’idéologie politique libérale des partis au
gouvernement jusqu’alors. En effet, les hommes politiques du Frente Amplio ont une
nouvelle vision du monde, basée sur des idées et des valeurs socialistes et progressistes. Quel
est l’impact de changement dans la définition de la politique culturelle uruguayenne ?
Pour répondre à ces questions, nous commencerons par un rapide état des lieux de
l’action culturelle étatique avant 2005 (I). Puis, dans cette partie nous nous focaliserons sur le
changement cognitif induit par l’arrivée de la gauche au pouvoir. Dans la lignée des écrits de
Paul Sabatier, nous constaterons une rupture dans le « système de croyance » de la politique
culturelle uruguayenne57. Plus précisément, nous discernerons les changements du « noyau
dur » 58 de cette politique, c’est-à-dire un ensemble d’axiomes normatifs qui forment la
philosophie générale du parti (II), et ceux du « noyau superficiel »59, soit les stratégies
normatives et les objectifs liés à la défense du noyau dur (III).
57
SABATIER Paul, JENKINS-SMITH, Hank, Policy change and learning : an Advocacy Coalition Approach,
Westview Press, 1993, 290 pages
58
Ibid
59
Ibid
30
I.
Section introductive : la politique culturelle uruguayenne avant 2005
Pour comprendre en quoi l’arrivée du Frente Amplio a constitué un changement dans
la prise en compte de la culture par le gouvernement central, il faut d’abord que nous ayons
un aperçu de la situation avant son arrivée au pouvoir. Dans cette section, nous constaterons
que, historiquement, la politique culturelle du pays est marquée par le maintien au
gouvernement de deux partis, le Parti Colorado et le Parti Blanco (1), qui mettent en place une
politique culturelle élitiste (2). Cependant, en 1985, le Frente Amplio accède à la Mairie de
Montevideo et permet le déclenchement d’un grand activisme dans l’action culturelle de la
municipalité. En 2005, l’action culturelle de l’État est donc caractérisée par une forte
dichotomie entre, d’une part un désintérêt du gouvernement national, et d’autre part un
activisme municipal (3).
1) Une histoire politique marquée par un bipartisme politique traditionnel
L’histoire politique de l’Uruguay, depuis l’accès à son indépendance en 1830 et la
signature de sa première Constitution, est marquée par la domination de deux partis
politiques, qui se partageront le gouvernement central jusqu’en 2005 : le Parti National (ou
Parti Blanco) et le Parti Colorado60. Le parti Colorado, d’une part, est sûrement le parti dont le
poids historique est le plus important. Il s’est construit autour de la figure de José Batlle
Ordóñez, mais sa ligne idéologique est très difficile à caractériser tant le parti fédère des
mouvances particulièrement hétérogènes, entre les héritiers du « battlisme », ceux qui le
rejettent et ceux qui veulent aller plus loin. De manière générale, son ancrage partisan est la
classe aisée urbaine, qui défend le libéralisme économique et financier ainsi que le libreéchange. Le programme du parti prône par exemple une suppression des charges patronales,
le renforcement du système financier ou le développement d’une industrie exportatrice61. Le
Parti National (ou Parti Blanco), d’autre part, est beaucoup plus conservateur. D’origine
catholique et défendu par les grands propriétaires terriens ruraux de l’intérieur du pays, il
défend le retour les valeurs établies et s’oppose à un fort interventionnisme de l’État62. Il est
60
GARCE ADOLFO, Ideas y competencia política en Uruguay, Montevideo : Trilce (Serie Ciencia Política),
2002, 170p
61
Ibid
62
Ibid
31
également très nationaliste, comme en témoigne la lecture de l’un de ses principes d’action :
« la pratique d’un nationalisme qui affirme le caractère distinctif et propre de notre
communauté nationale »63.
Ce bipartisme, caractéristique indéniable de la politique uruguayenne contemporaine,
a été favorisé par le système électoral du scrutin uninominal majoritaire à deux tours, en
vigueur jusqu’en 199664, qui ne permet pas aux petits partis de peser dans le scrutin et
empêche donc l’alternance politique. D’autant plus que les Partis Blanco et Colorado, nous
venons de le voir, partagent tous deux la croyance forte en la promotion d’un libéralisme
économique décomplexé. Une idéologie libérale commune qui permet le développement de
relations informelles très fortes entre les membres des deux partis, dépassant la compétition
politique. A tel point, qu’on parle parfois de système « blanqui-colorado » . Cette expression,
à connotation fortement négative, met l’accent sur les accords tacites et la continuité politique
induite par ce bipartisme que nous venons de caractériser.
Un bipartisme historique qui accentue donc l’impression de rupture avec l’arrivée de
Tabaré Vázquez au pouvoir. En effet, quand il accède à la Présidence en 2005, il est le
premier homme à être ni un Blanco ni un Colorado depuis 150 ans. C’est également la
première fois qu’un gouvernement progressiste, situé à gauche de l’échiquier politique, prend
la tête du gouvernement.
2) Le développement d’une politique culturelle élitiste
A la fin du XIXème et au début du XXème siècle, les politiques culturelles en
Uruguay sont fortement liées à la création de l’État Nation, à la colonisation et à l’épineuse
question de la négation des traditions culturelles historiques de ce « pays nouveau »
(commune à de nombreux pays latino-américains). En effet, le développement culturel du
pays est lié à l’imposition d’une « haute-culture » par les colons européens, qui se construit en
opposition au monde rural barbare et dépeuplé gaucho et indigène. L’influence des immigrés
63
Extrait des principes généraux du Parti, consultables sur son site Internet : http://partidonacional.org.uy/portal/
DE RIZ Liliana « Uruguay: la política del compromiso », in Cultura, Política y Alternancia en América Latina,
Editorial Pablo Iglesias, 2008, pp. 217-231
64
32
européens dans l’élite politique de l’époque nourrit l’idée que l’homogénéité culturelle est
essentielle pour parvenir à une société plus juste et égalitaire. Ainsi, l’État investit
énormément dans des politiques éducatives d’assimilation et au début du siècle, l’Uruguay
présente le taux de scolarisation le plus élevé d’Amérique Latine. L’effet négatif de cette
idéologie, si elle permet le développement des premières politiques culturelles étatiques, porte
atteinte à la diversité culturelle et aux cultures locales, perçues comme inférieures.
Pendant la première moitié du XXème siècle, l’État Providence se développe dans le
pays, grâce à l’action du président Jose Batlle Ordóñez et de ses successeurs. Les hommes du
« battlismo » prônent l’intervention d’un l’État centralisé dans la régulation de l’économie
pour « que les riches soient moins riches et que les pauvres soient moins pauvres ». Ils
mettent également en place des politiques sociales progressistes et investissent dans
l’éducation. En 1930, grâce à ces lois sociales progressistes et laïques, l’augmentation de
l’éducation de la redistribution, le batllisme fait de l’Uruguay l’un des pays les plus
développés du continent, si bien qu’il est considéré comme la « Suisse de l’Amérique
Latine ». Une politique interventionniste qui s’étend jusqu’au secteur culturel. Ainsi, aux
mains du batllismo, l’État central crée le SODRE : le « Système Officiel de Diffusion, de
Radiodiffusion et de spectacles ». Cette institution a pour but la réalisation, la production et la
diffusion d’œuvre culturelles, et gardera une importance majeure tout au long du XXe siècle.
A cette même période, des institutions comme les Archives Nationales de la Nation, et le
Musée de la Palabra voient également le jour grâce aux financements publics. Enfin, en 1947,
la Comédie Nationale est créée, pour permettre le développement d’une programmation
uruguayenne permanente au Théâtre Solís - principal théâtre de la ville et propriété de la
Mairie de Montevideo. La Comédie Nationale propose également des formations artistiques,
pour les jeunes acteurs du pays. Cependant, dans ce processus de développement d’une
véritable politique culturelle
dynamique, seuls les « beaux-arts » et la haute-culture
européennes sont considérés comme cultes et susceptibles de mériter un soutien de l’État. En
outre, l’intérieur du pays n’est pas concerné par cette effervescence.
Dans les années 1960, la prospérité économique n’est plus de rigueur : une profonde
crise touche le pays, qui fait baisser le poids des investissements étatiques dans la culture,
perçus comme superflus. Des investissements qui ne seront certainement pas facilités par le
coup d’État du 27 juin 1973, qui plonge l’État dans une ère de dictature. Pendant cette
période, la politique culturelle est clairement répressive et l’État a le monopole de la
33
définition du « bon goût artistique ». Une grande quantité d’artistes, d’acteurs, d’écrivains
mais aussi d’intellectuels de gauche sont persécutés, emprisonnées et doivent s’exiler 65.
L’école des beaux-arts est fermée, tandis que des institutions culturelles comme la
Cinémathèque ou le Théâtre indépendant El Galpón deviennent le bastion de la résistance
contre l’État.
3) 1985-2005 : entre un activisme des pouvoirs centraux et une indifférence du
gouvernement central
Depuis la fin de la dictature, la politique culturelle uruguayenne est caractérisée par
une grande dichotomie entre, d’une part, un activisme de l’administration municipale de
Montevideo (menée par la direction de la culture de la Municipalité) et, de l’autre, une grande
apathie de la part de la Direction Nationale de la Culture (direction générale rattachée au
Ministère de l’Education et de la Culture, spécifiquement en charge de la politique culturelle
de l’État central). Cette disparité est accentuée par l’arrivée du Frente Amplio au pouvoir à la
Mairie de Montevideo en 1985, qui a impulsé de grands investissements dans le secteur
culturel, tandis qu’au niveau national, les gouvernements traditionnels66 sont loin de donner la
priorité à la culture. Ricardo Ehrlich estime que « la culture n’a jamais été une urgence pour
les partis au pouvoir »67. Pour Luis Mardones, ce manque d’intérêt des gouvernements
traditionnels pour la culture cache une peur de soutenir un secteur perçu comme le bastion
d’une idéologie de gauche, donc d’opposition. « Pour eux, soutenir la culture, ça serait un peu
comme soutenir ses propres détracteurs »68. Un manque de soutien qui est doublé d’un rejet
du monde de la culture de ces deux partis traditionnels, perçus comme conservateurs. Il
s’inscrit dans le cadre d’une critique plus générale sur la prise en charge de l’artistique par
l’État central, après la dictature.
Ainsi, pour Claudio Rama, « la faiblesse structurelle de la Direction Nationale de la
Culture contraste avec celle du Département de la Culture de l’Intendencia de Montevideo,
65
On estime à plus de 380 000 qui sont forcées à l’exil entre 1960 et 1984, soit presque 14% de la population
Entre 1985 et 2005, les gouvernements centraux alternent entre le Frente Amplio et le Parti National, comme
le montre cette liste des Présidents successifs : Julio María Sanguinetti (1985-1990, Partido Colorado), Luis
Alberto Lacalle (1990-1995, Partido Nacional), Julio María Sanguinetti (1995-200 Partido Colorado), Jorge
Batlle (2000-2005, Partido Colorado)
67
Entretien avec Ricardo Ehrlich, ancien Ministre de l’Éducation et de la Culture entre 2010 et 2015, et Maire de
Montevideo entre 2005 et 2010, Montevideo, le 23 juillet 2015
68
Entretien avec Luis Mardones, Directeur National de la Culture de 2005 à 2010, Montevideo, le 05 juillet
2015.
66
34
dont les moyens financiers sont importants et dont les différents services sont mieux
coordonnés entre eux ». Pour Louis Mardones, jusqu’en 2005, « il est beaucoup plus
prestigieux d’être directeur de la Culture à la Mairie de Montevideo, plutôt qu’être à la tête de
la Direction Nationale de la Culture ». En effet, avant cette date, le budget de la DNC ne
dépasse pas les 15 000 dollars69, soit presque rien. Elle n’a pas d’indépendance exécutive et
tous les programmes qu’elle souhaite mettre en œuvre l’oblige à passer par la direction
générale du Ministère de l’Education et de la Culture. Cela entraine une lourdeur
administrative importante, qui entrave son efficacité70. En outre, son très faible budget rend
quasiment impossible la rémunération de fonctionnaires à l’intérieur du pays. En province, les
politiques culturelles sont donc exclusivement menées par les mairies locales, qui sont
administrativement et politiquement indépendantes et autonomes. Les gouvernements n’ont
de ce fait pas de vision nationale pour la mise en place d’une politique culturelle qui
s’étendrait sur l’ensemble du territoire. Roberto Elissalde parle d’une direction « fragile, tout
petit, avec seulement une représentation à Montevideo et sans budget ». Ce tableau général
très sombre concernant les politiques culturelles des gouvernements centraux doit cependant
être relativisé par l’action d’un directeur de la Culture du Parti Colorado entre 1995 et 2005 :
Thomas Lowy. Diplômé des beaux-arts, il appartient à la branche très progressiste du parti et
croit fortement en la culture. Il permet notamment de renforcer quelque peu le budget culturel
du MEC et d’investir dans les musées du pays71.
Au contraire, au niveau municipal, il existe une tradition de politique culturelle très
dynamique. Elle remonte à l’action d’hommes issus du « battilsme indépendant », courant de
pensée progressiste, situé à l’aile gauche du Parti Colorado 72 . De grands penseurs et
intellectuels, qui impulseront l’action culturelle de la ville. Mais l’activisme de cette action
culturelle municipale a surtout été rendue possible par l’arrivée Mariano Arana (Frente
Amplio) à la tête de la mairie en 1995, avec comme directeur de la Culture Gonzalo
Carámbula, que tous les hommes que nous avons interrogés décrivent comme « un grand
69
Cf. Annexe 4 – Augmentation du budget de la Direction Nationale de la Culture entre 2005 et 2010. Source :
Informe de Gestion, Dirrecion Nacional de la Cultura, 2005-2010
70
VETRALE Silvia et CRUZ FOSTIK Pablo, « Políticas culturales en Uruguay: tendencias y cambios
recientes », in Políticas Culturais na Ibero-América, Salvador : EDUFBA (Collection Cult), 2008. 352 pages.
71
KLEIN Ricardo, « Concepto de cultura y construcción de la identidad nacional en Uruguay », in
ZAMORANO Mariano M., ULLDEMOLINS Z. Zamorano et KLEIN Ricardo ¿Hacia un modelo sudamericano
de política cultural? Singularidades y convergencias en Uruguay, Paraguay y Chile en el siglo XXI, European
Review of Latin American and Caribbean Studies, No. 96, 2014, pp. 5-34
72
RAMA Claudio y DELAGADO Gustavo, El estado y la cultura en Uruguay: análisis de las relaciones entre el
estado y la actividad privada en la producción de bienes y servicios culturales, Publication du Ministère de
l’Education et de la Cutlure, 1992, 140 pages
35
directeur culturel ». Entre 1995 et 2005, de grands investissements pour redynamiser le
secteur culturel de la ville de Montevideo sont lancés. Un activisme d’autant plus important à
prendre en compte que Montevideo concentre plus de la moitié de la population du pays.
Ainsi, le théâtre Solís, qui tombait en ruines est rénové, la salle Zitarrossa est construite. De
grands fonds pour favoriser la création artistique sont débloqués, via des appels à concours où
les artistes sont amenés à participer73. Aujourd’hui, la mairie a un budget particulièrement
important pour la gestion culturelle, si bien que Montevideo est l’une des ville où le budget à
la culture par habitant est l’un des plus important d’Amérique Latine74.
Ainsi, quand le Frente Amplio arrive au pouvoir en 2005, il a déjà tout un passé très
riche dans la mise en place d’une politique culturelle à l’échelle locale. Cependant, nous
l’avons vu, au niveau du gouvernement central, l’histoire de la politique culturelle
uruguayenne est caractérisée par l’inertie de gouvernements traditionnels successifs, qui ne
croient que très peu en la culture. En quoi le changement politique historique induit par
l’investiture de Tabaré Vázquez a-t-il rompu avec cette tradition ?
73
Le Fond Culture Capitale permettait à n’importe quel artiste du pays de répondre à un appel à concours de
l’Intendencia de Montevideo, qui délivrait un prix aux meilleurs projets, via une commission de jury
indépendante.
74
VETRALE Silvia et CRUZ FOSTIK Pablo, « Políticas culturales en Uruguay: tendencias y cambios
recientes », in Políticas Culturais na Ibero-América, Salvador : EDUFBA (Collection Cult), 2008. 352 p.
36
II.
Un changement de référentiel global, plus en phase avec le monde de la
culture
Dans cette section, nous nous montrerons que l’arrivée du Frente Amplio, parce qu’il
est un parti politique situé à gauche de l’échiquier politique, a entrainé un changement dans de
« référentiel », c’est-à-dire une nouvelle représentation du monde, en rupture avec celle des
gouvernements précédents. Dans un premier temps, nous souhaitons caractériser les valeurs,
les principes et les représentations générales qui fondent ce nouveau référentiel (1). Dans un
second temps, nous montrerons que ces croyances générales permettent au Frente Amplio de
nouer des liens privilégiés avec le monde de la culture (2).
1) De nouvelles valeurs, croyances et représentations générales, ancrées à gauche
Le Frente Amplio est né de la lutte contre dictature et regroupe plusieurs partis
dissidents de gauche, qui ont combattu ensemble la répression militaire : le Parti Démocrate
Chrétien, le Parti Communiste et le Mouvement Révolutionnaire Oriental.
Il est donc
composé de mouvances politiques aux idéologies variées, aussi il est difficile de parler de
manière unitaire. Cependant, à la lecture de différents documents programmatiques (dont les
grandes lignes programmatrices du parti pour le gouvernement de 2005-2010, définies par un
Congrès Extraordinaire en 200375) et en discutant avec les différents hommes politiques que
nous avons rencontrés, nous avons retenu plusieurs axes idéologiques généraux, partagés par
l’ensemble des membres du parti.
a) L’importance de la justice sociale
Sur le site Internet76 du parti, qui décrit les grands principes et la ligne idéologique du
parti, il est écrit que « le pilier fondamental du parti est la construction d’une société juste ».
Le parti insiste également sur un deuxième élément primordial : celui de la cohésion sociale
pour réconcilier « les noirs et les blancs, les démocrates chrétiens et les marxistes, les
hommes et les femmes, les conceptions religieuses et les philosophies différentes, les
75
Grandes lineamentos programaticos para el gobierno 2005-2010 « Porque entre todos otro Uruguayos es
posible », aprobado por el IV Congreso extraordinario del Frente Amplio del 20 y 21.12.03
76
Site Internet du parti : http://www.frenteamplio.org.uy
37
travailleurs, les étudiants, les doctorants, les industriels et les commerçants, les civils et les
militaires, les intellectuels et les artistes, en somme tous les représentants du travail et de la
culture, aux porte-paroles légitimes de la nationalité ». Ici, nous constatons que déjà le mot
« culture » apparaît. Pour le Frente Amplio, les grands maux de la société qu’il souhaite
combattre sont : « la pauvreté, l’inégalité, l’émigration, le chômage, la concentration de la
richesse, la désintégration sociale, la perte de l’exercice de la citoyenneté et des valeurs
éthiques ». Au niveau national, le FA réaffirme sa volonté d’une « société meilleure, plus
juste et solidaire », contre l’oligarchie économique qui a fragilisé la société uruguayenne,
aujourd’hui caractérisée par une fragmentation sociale, l’augmentation de la marginalité et de
la précarisation.
Le Frente Amplio se revendique également comme un parti où les politiques sociales
sont une priorité. Elles sont conçues dans une perspective progressiste, pour garantir l’accès à
tous aux besoins fondamentaux. Les grands axes de priorité dans les politiques sociales, tels
que définis par les lignes programmatiques du Parti pour 2005-2009 sont : a) la justice sociale
(pour lutter contre « les inégalités qui ont été aggravées par les politiques des gouvernements
successifs blanqui-colorados »77), b) l’équité et l’inclusion (pour abolir les discriminations en
raison « du genre, du sexe, de l’ethnie, de la condition et de la santé »), c) la participation et la
décentralisation. Le Parti insiste également sur l’importance de l’accès à la santé pour tous, à
la sécurité sociale, et à un logement et un travail digne. Enfin, il met en avant « l’éducation
pour tous et la culture citoyenne ». Nous constatons donc que dans la culture apparaît
directement liée à la citoyenneté pour le FA, dans le sens où elle œuvre pour une meilleure
qualité de vie.
b) La défense des travailleurs
La défense des travailleurs est la deuxième base idéologique et discursive du parti. Pour
Luis Mardones : « la volonté de représenter les travailleurs est l’essence même de la
proposition de notre force politique »78. Ainsi, le système de croyance du Frente Amplio se
fonde sur une conception d’une économie « au service de l’être humain ». Pour le parti,
l’augmentation de la production doit être recherchée, mais dans une perspective de
77
Grandes lineamentos programaticos para el gobierno 2005-2010 « Porque entre todos otro Uruguayos es
posible », aprobado por el IV Congreso extraordinario del Frente Amplio del 20 y 21.12.03
78
Entretien avec Luis Mardones, Directeur National de la Culture de 2005 à 2010, Montevideo, le 05 juillet 2015
38
redistribution pour les laissés-pour-compte et de stabilité des relations économiques et
sociales.
c) La démocratisation de la société uruguayenne
Pour le Frente Amplio, l’importance de la démocratisation de la société uruguayenne est
également très importante. Elle doit être impulsée par un renforcement de la solidarité et de
l’éthique et une réforme de l’État. Pour ce faire, la nécessité d’un État-providence fort est
clairement affirmée par le FA : « l’État permettra de réduire les inégalités sociales du pays et
aura une présence active et directe dans le secteur de l’économie, en développement
fermement sa fonction de redistribution et son rôle régulateur ».79 Le parti insiste donc sur
l’importance de développer une éthique politique et de consolider le caractère démocratique
des institutions publiques, en renforçant la transparence et en combattant la corruption, mais
aussi en militant pour une meilleure participation citoyenne et la recherche de l’horizontalité
dans la prise de décision. Dans nos entretiens, la fragilisation institutionnelle et le manque de
culture démocratique sous les gouvernements traditionnels a été un élément récurrent.
Roberto
Ellisalde,
par
exemple,
nous
a
parlé
d’une
« fragilité
historique
des
institutions uruguayennes en comparaison avec l’Europe » et d’un grande informalité dans la
mise en place des politiques publiques. Il souligne l’importance des « accords tacites » et des
amitiés politiques dans la prise de décision, plutôt que la réponse à un problème clairement
identifié80.
d) Une politique extérieure indépendante
Un autre vecteur idéologique fort du Frente Amplio est la vision d’une politique
extérieure indépendante, basée sur la défense de la souveraineté populaire mais
aussi « favorable à la paix, à l’auto-détermination des peuples, à la préservation de
l’environnement et aux relations entre l’État et les peuples régit par le droit international. ».
Le parti insiste énormément sur l’importance de l’intégration régionale, au travers du
79
Grandes lineamentos programaticos para el gobierno 2005-2010 « Porque entre todos otro Uruguayos es
posible », aprobado por el IV Congreso extraordinario del Frente Amplio del 20 y 21.12.03
80
Entretien avec Roberto Ellissalde, directeur des Centres MEC, Montevideo, le 16 juillet 2015
39
MERCOSUR, pour « l’intégration des peuples d’Amérique Latine »81. Cette intégration ne
doit pas seulement se faire dans le domaine économique, mais aussi dans le domaine social,
culturel et technologique. En effet, il explique également les dangers de la mondialisation
financière qui a fragilisé l’économie nationale uruguayenne82, et de l’impérialisme américain.
Il milite ainsi une « ère anti-hégémonique », en renforçant les relations entre tous les pays de
l’Amérique Latine. Ici, nous comprenons que la revendication d’une identité nationale
indépendante et au cœur du système de croyance du parti.
e) L’importance du progrès social
Enfin, le Parti Amplio est un parti progressiste, dans le sens où Le fait d’être assimilé
à un parti progressiste semble également très important aux yeux des partisans du Frente
Amplio. Pour Gerardo Grieco, par exemple, la volonté de se positionner comme un parti
avant-gardiste en matière de progrès social, vis à vis des autres pays de l’Amérique Latine, est
« indéniable ». 83 Pour lui, les lois comme le mariage pour tous et la dépénalisation de
l’avortement, adoptées en 2012 ou la dépénalisation du cannabis en 2013 répondent
clairement à cette volonté d’être un parti précurseur en matière de progrès sociale, dans un
contexte latino-américain plutôt défavorable à ce type de mesures.
Cette base idéologique du Frente Amplio, progressiste et ancrée à gauche, se
démarque fortement de celle du parti Colorado ou du parti Blanco. Elle est beaucoup plus en
phase avec celle des intellectuels et des artistes, qui fondent le monde de la culture. Ainsi,
nous allons maintenant constater que le Parti Amplio entretient des liens forts avec le secteur
culturel. Cette relation privilégiée est une ressource symbolique pour le parti, élément
important dans la définition de son référentiel global.
81
Grandes lineamentos programaticos para el gobierno 2005-2010 « Porque entre todos otro Uruguayos es
posible », aprobado por el IV Congreso extraordinario del Frente Amplio del 20 y 21.12.03
82
Ici, précisons que ce document a été rédigé un an après une crise financière sans précédents, venue
d’Argentine et qui laisse le pays dans une situation économique critique.
83
Entretien avec Gerardo Grieco, actuel directeur du Sodre, également directeur du Théâtre Solís de 2000 à 2003
et directeur de l’Intendencia de Montevideo, le 01/07/2015.
40
2) Un système de croyance partagé par le monde de la culture
Parce qu’il se situe à gauche de l’échiquier politique, ce système de croyance du
Frente Amplio, progressiste et humaniste, est largement partagé par les membres du monde de
la culture en Uruguay. Des valeurs communes qui permettent au parti d’entretenir des liens
forts avec le secteur culturel et artistique du pays. Cette relation privilégiée est historique
puisque, déjà pendant la dictature, les hommes de gauche, les intellectuels et les artistes
luttaient ensembles contre le régime. Une connivence entre le monde de la gauche et le monde
des arts qui se retrouve, par exemple, dans le discours de soutien à la candidature de Tabaré
Vázquez prononcé au théâtre Galpón par Marguarita Musto en 200484 : « Tabaré tu es dans
notre maison et nous espérons que tu te sentes comme si tu étais chez toi […] Dis clairement
et avec fierté : l’immense majorité des artistes et des travailleurs de la culture en Uruguay ont
toujours été de gauche. Nous, les artistes avons toujours été près du peuple, de l’éducation,
pour la justice, pour la démocratie, contre l’autoritarisme ». Cette relation forte nous a été
confirmée par Luis Mardones, pour qui le Frente Amplio a développé des liens fondamentaux
avec deux catégories de personnes : les travailleurs d’une part et celui des artistes et les
intellectuels de l’autre. Pour lui, ces deux éléments constituent « l’essence même de la
proposition de notre force politique »85. Il décrit la relation du parti avec le secteur culturel
comme celle d’une « famille », faite « de hauts et de bas ». Le Frente Amplio peut être
fortement critiqué par le secteur culturel, mais quand vient l’heure de voter, « il n’y a pas de
doutes » sur le fait que les artistes voteront massivement à gauche. Ce mot de « famille »
montre bien à quel point la relation entre le Parti Amplio et le monde de la culture est forte.
Pour le sociologue Danilo Urbanavicius, cette relation s’explique par la question de la
répartition du capital culturel et économique. En effet, pour les hommes du Frente Amplio,
comme pour les intellectuels et les artistes, « le capital culturel dépasse le capital
économique »86. Si l’on s’intéresse à la sociologie du Frente Amplio, par exemple, nous
constatons que les hommes politiques du Frente Amplio sont majoritairement composés par
des personnes détenant plus de capital culturel que de capital économique. Pour Danilo
84
Cf. Annexe 2 - Discours prononcé le 4 octobre 2004 au Teatro El Galpón, par Marguarita Musto, directrice de
la Comédie Nationale. Le théâtre El Galpón est un théâtre indépendant, figure de la résistance pendant la
dictature.
85
Entretien avec Luis Mardones, Directeur National de la Culture de 2005 à 2010, Montevideo, le 05 juillet 2015
86
Entretien avec Danilo Urbanavicius, sociologue, professeur en gestion culturelle et assistant du Doyen de la
Faculté de la Culture du CLAEH (Centro Latinoamericano de Economía Humana), Montevideo, le 25 juin 2015
41
Urbanavicius, on y trouve ainsi plus « d’instituteurs, de cadres du public, de professions
intellectuelles » tandis qu’il y a plus « de commerçants, de cadres du privé, de chefs
d’entreprise »87 chez les Blanco et les Colorado. En outre, de nombreux hommes politiques du
Frente Amplio sont également des artistes. Hugo Achugar, par exemple, directeur de la
Direction Nationale de la Culture entre 2010 et 2015, est également un grand poète.
Il est intéressant de constater que cette relation privilégiée avec le monde de la culture
fait également l’objet d’un travail de sens de la part de parti, pour en faire une marque
identitaire qui lui est propre - et qui le distingue du Parti Colorado ou du Parti Blanco.
Comme nous l’avons vu en introduction, la notion de « système de croyance » se rapproche
de celle de « référentiel » de Pierre Muller88. L’apport original de cet auteur est de montrer
qu’un référentiel n’est pas seulement un ensemble de croyances propres à un groupe politique
donné mais qu’il fait également l’objet d’un travail de sens délibéré, pour justement donner à
ces croyances une couleur politique. C’est exactement ce qui se passe avec le Frente Amplio,
qui utilise sa relation privilégiée avec le monde de la culture comme marqueur identitaire. Il
va ainsi créer tout un capital symbolique partisan afin de se forger l’identité d’un parti proche
du monde de la culture. La fameuse locution du président Tabaré Vázquez « cultura es
todo »89, dans son discours d’investiture devant le Parlement, est un bon exemple de cette
stratégie. Une autre illustration de ce phénomène est l’importance donnée à la communication
du Ministère de l’Éducation et de la Culture depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir. La
culture est donc une ressource symbolique pour le Frente Amplio, qui permet de renforcer le
sentiment d’appartenance de sa base militante du monde de la culture.
La culture est donc une sorte de marque identitaire, délibérément entretenue par le
parti. Sur quels fondements discursifs cette revendication identitaire se fonde t-elle ?
87
Entretien avec Danilo Urbanavicius, sociologue, professeur en gestion culturelle et assistant du Doyen de la
Faculté de la Culture du CLAEH (Centro Latinoamericano de Economía Humana), Montevideo, le 25 juin 2015
88
MULLER Pierre, « Les politiques publiques comme construction d'un rapport au monde », in FAURE Alain,
POLLET Gilles, WARIN Philippe (Ed.), La construction du sens dans les politiques publiques. Débats autour de
la notion de référentiel, Paris: L'Harmattan, 1995, pp. 153-179
89
Cf. Annexe 3 - Discours d’investiture du Président Tabaré Vázquez devant le Parlement, du 01/03/05
42
III.
Une nouvelle vision de la culture, comme outil de politique sociale
Après avoir analysé le système de croyance et la philosophie d’action générale du
Frente Amplio, dans cette section nous nous intéresserons plus spécifiquement à sa vision de
la culture dans la société, afin d’identifier le « noyau central » de la politique culturelle du
Frente Amplio (1) ainsi que son noyau superficiel (2).
Comme nous l’avons vu, les différents partis traditionnels au pouvoir jusqu’en 2005
ont une vision restreinte de la culture, dans le sens où elle est surtout considérée pour ses
fonctions esthétiques, laissée à l’individualité de la création et du goût. Au contraire, le Frente
Amplio a une vision beaucoup plus large et collective de la culture, qu’il considère comme
« un requis essentiel pour la construction de l’identité nationale et pour le développement
social ».90 L’étude des deux rapports de gestion de la Direction Nationale de la Culture (20052010 et 2010-2015) ainsi que les entretiens que nous avons réalisés ont mis en avant plusieurs
préceptes, à la base de ce changement discursif.
1) Le « noyau central » du système de croyance de la politique culturelle
uruguayenne
a) « La culture véhicule un héritage identitaire, essentiel à la construction de la
société uruguayenne »
Les hommes politiques que nous avons interrogés ont mis en exergue que la
construction politique du pays est récente, puisqu’il n’accède à l’indépendance qu’en 1830.
En outre, le développement de la société uruguayenne s’est basé sur des vagues
d’immigration européenne très importantes, entre 1830 et 1950, notamment venues d’Espagne
et d’Italie, qui vont considérablement influencer la construction identitaire et culturelle du
pays91. Aujourd’hui, 88% des habitants de l’Uruguay ont une descendance européenne. Le
pays n’a donc pas d’identité culturelle propre, puisque tout son processus de construction
90
Grandes lineamentos programaticos para el gobierno 2005-2010 « Porque entre todos otro Uruguay es
posible », aprobado por el IV Congreso extraordinario del Frente Amplio del 20 y 21.12.03
91
LUZURIAGA Juan Carlos, Los procesos inmigratorios en el Uruguay del Siglo XIX: visión de conjunto, in
XIV Encuentro de Latinoamericanistas Españoles : congreso internacional, Santiago de Compostela : Centro
Interdisciplinario de Estudios Americanistas Gumersindo Busto, 2010, pp.1002-1018
43
culturelle est largement influencé par des Nations venant d’un autre continent. En outre,
l’Uruguay n’a pas d’héritage culturel local très marqué, comme l’ont certains de ses pays
voisins qui se sont construits sur des traditions andines fortes, comme la Bolivie, le Pérou ou
le Mexique. Le pays a également connu une vague d’émigration importante au début des
années 2000, à cause de la crise économique dans lequel sombre le pays. Pour Ricardo
Ehrlich, la société uruguayenne souffre ainsi d’un grand « déracinement ». Il voit en la culture
un moyen fort de lutter contre ce déracinement, car « elle véhicule des traditions, des savoirfaire » et « permet de forger des identités »92. Cette vision de la culture, comme porteuse de
traditions et d’identités, est très forte chez les hommes politiques du Frente Amplio et s’est
retrouvée tout au long de nos recherches.
En renforçant sa construction identitaire, la culture permet également à une Nation de
s’exporter à l’international et de mieux s’insérer dans la mondialisation. Elle acquiert ainsi
une certaine indépendance et a plus d’influence sur la scène internationale. Cette vision de la
culture, comme outil « d’empowerment » à l’échelle internationale, est très liée à l’idéologie
générale du parti, qui insiste sur l’importance de la souveraineté nationale. Elle est très mise
en avant quand le Frente Amplio arrive au pouvoir, qui insiste sur l’importance de
l’exportation de la culture uruguayenne dans le monde. Le rapport de gestion de la DNC
2005-2010, par exemple, contient tout un chapitre sur la « valeur ajoutée de l’exportation
culturelle », afin d’améliorer la présence de la culture uruguayenne à l’étranger.
b) « La culture permet l’inclusion sociale et territoriale »
Pour le Frente Amplio, la culture est perçue comme un vecteur d’inclusion sociale,
dans le sens où elle crée un sentiment d’appartenance, que ce soit à une classe ou à un
territoire.93 En effet, elle favorise le vivre ensemble puisque qu’elle permet le développement
d’infrastructures publiques, qui sont souvent des lieux de rencontres et d’échanges. Elle
permet également la réalisation de projets en commun. D’autre part, elle véhicule des idées,
des valeurs, essentielles au développement de tout individu. Rappelons ici que pour Pierre
Bourdieu, la culture est un capital qui peut s’accumuler et se transmettre et qui détermine
92
Entretien avec Ricardo Ehrlich, ancien Ministre de l’Éducation et de la Culture entre 2010 et 2015, et Maire de
Montevideo entre 2005 et 2010, Montevideo, le 23 juillet 2015
93
Informe de Gestion, Dirrecion Nacional de la Cultura : « Desarrollo cultural para todos », 2010-2014.
44
notre position sociale 94 . Le capital culturel existe sous forme d’objets (livres, disques,
tableaux…) mais aussi au travers des diplômes de tout un chacun. Elle a un effet jusque dans
le corps des individus : c’est l’habitus corporel. Le sociologue a également montré que les
pratiques culturelles étaient des pratiques de classe et qu’il existait une « culture légitime »,
détenue par la classe dominante au pouvoir. Très clairement, le Frente Amplio voit également
en la culture un capital, facteur d’inclusion sociale. Tel que le souligne Gerardo Grieco,
directeur du prestigieux théâtre du Sodre (qui pourrait être considéré comme un théâtre
relevant de la « culture légitime » puisque c’est un auditoire qui programme des concerts de
musique classique et les ballets de la compagnie nationale), la culture permet de diminuer les
inégalités. Il nous dit que l’accès à certaines arènes culturelles est parfois réservé à des élites,
accentuant ainsi la fracture sociale. Il insiste donc sur l’importance de démocratiser l’accès à
la « culture légitime » pour tous95.
La vision de la culture comme outil de politique pour l’inclusion territoriale est
également très forte dans le Parti Amplio. Tous les hommes politiques que nous avons
interrogés ont abordé la question de la fracture territoriale du pays, qui apparaît comme
centrale. En effet, l’Uruguay s’est construit historiquement autour de la ville de Montevideo,
où se situait le principal port de la région. Aujourd’hui la moitié de la population du pays
réside dans la capitale. Ricardo Ehrlich parle d’un pays « centralisé à la capitale, où tout se
basait sur le port, où était l’activité culturelle, avec le reste du territoire qui regardait vers
Montevideo ». Pour lui, cette fracture territoriale entraine un clivage entre les résidents de la
capitale et les provinciaux, qui ne se sentent pas appartenir au même pays. Ce sentiment
d’exclusion est vécu par le Frente Amplio comme « un des grands maux de notre temps qu’il
faut combattre »96. Pour le parti, la décentralisation de l’action culturelle a un rôle a jouer
fondamental pour recréer du lien entre les provinces et Montevideo, en développant le
sentiment d’appartenance entre les habitants du pays.
Cette vision de la culture, comme vecteur de cohésion sociale et territoriale a entrainé
le parti à développer un nouveau concept : celui de « citoyenneté culturelle », qui voit en la
culture un droit inhérent à chaque citoyen.
94
BOURDIEU Pierre, La distinction, Paris : Les éditions de minuits (coll. Le sens commun), 1979, 672 pages
Entretien avec Gerardo Grieco, actuel directeur du Sodre, également directeur du Théâtre Solís de 2000 à 2003
et directeur de l’Intendencia de Montevideo, le 01/07/2015).
96
Informe de Gestión Dirección Nacional de Cultura : « Desarrollo Cultural para todos », Ministerio de
Educación y Cultura, 2010-2014
95
45
c) « L’accès à la culture est un droit citoyen »
Le Frente Amplio diffuse largement ce concept de « cuidadanía cultural », que nous
pourrions traduire par « citoyenneté culturelle ». Luis Mardones, qui prend la tête de la
Direction Nationale de la Culture avec l’arrivée de Tabaré Vázquez au pouvoir, nous a
longuement expliqué cette expression97. Elle s’inspire de la « citoyenneté politique » qui
donne des droits civils et politiques, garantis par la Constitution uruguayenne. Pour les
hommes politiques du Frente Amplio, « il était important d’aller plus loin, en garantissant
également des droits sociaux et culturels », faute de quoi le citoyen se voit « amputé d’une
partie de ses libertés ». La citoyenneté culturelle impose donc un droit d’accès démocratique à
des services et des biens culturels de qualité, indépendamment de son statut social ou de sa
position sur le territoire uruguayen, pour que chacun puisse jouir pleinement de la création
artistique.
L’importance de la « citoyenneté culturelle » pour le nouveau gouvernement est telle
qu’en 2009 est créé un pôle portant le même nom au sein de la DNC. Dans son rapport de
gestion pour la période 2010-2015, ce pôle est considéré comme « l’axe fondamental des
politiques culturelles impulsée par la DNC98.
d) « Toute forme de manifestation culturelle doit être également reconnue »
Pour le Frente Amplio, la citoyenneté culturelle implique également que toute forme
de manifestation culturelle soit également reconnue, sans discrimination ou hiérarchisation
entre ce qui relèverait de la culture populaire ou de la culture légitime. Les hommes politiques
que nous avons interrogés ont tous conscience que la légitimité d’une pratique culturelle est
un processus en construction, qui change avec le temps. Pour eux, il ne faut donc jamais
privilégier un type spécifique de manifestation culturelle dans l’action de l’État. Pour
expliciter ce précepte, l’exemple du carnaval est beaucoup revenu lors de nos entretiens. Luis
Mardones, par exemple, nous a expliqué que le carnaval était considéré comme une
97
Entretien avec Luis Mardones, Directeur National de la Culture de 2005 à 2010, Montevideo, le 05 juillet 2015
Informe de Gestión Dirección Nacional de Cultura : « Desarrollo Cultural para todos », Ministerio de
Educación y Cultura, 2010-2014
98
46
manifestation populaire jusque dans les années 1970, « dénigrée par les gens de la haute
société »99. Pourtant, les autorités publiques ont toujours soutenu cette manifestation et elle est
à l’heure actuelle le premier événement culturel du pays, reconnu par tous. Aujourd’hui, le
Carnaval de Montevideo est inscrit au Patrimoine Mondiale de l’UNESCO et en 2007, la
Présidence le considère comme « d ’intérêt national. »100. En outre, pour Gerardo Grieco, il
est crucial de ne pas considérer la culture comme seulement relevant des « beaux arts », car
cela aboutit à une vision appréciative de ce « qui relève du beau ou du moche »101. Selon ses
dires, cette représentation « décorative » de la culture, niant son rôle pour la construction de la
société, est une « vision de droite, qui ne m’intéresse pas ».
Cette conception autour de l’importance de l’égalité dans la considération de toutes les
manifestations culturelles renvoie à la préservation de la « diversité culturelle » nationale. Les
expressions telles que « dans sa totale diversité », ou « dans sa majeures diversité » sont
récurrentes dans le discours du parti sur la culture et apparaissent à de nombreuses reprises
dans les documents que nous avons étudiés. Pour Ricardo Ehrlich, la culture uruguayenne est
diverse, notamment à cause de l’histoire migratoire du pays. Lors de notre entretien, il préfère
ne pas employer le terme « d’identité nationale », car il nie la diversité des identités que
recouvre le pays.
e) « La culture est source de richesse économique »
Les différents entretiens que nous avons menés ont mis en évidence que les hommes
politiques voyaient également en la création un véritable secteur propice au développement
économique. Cette idée correspond à une représentation générale des hommes politiques du
parti, mais également à un argument pour convaincre les décideurs financiers d’investir dans
la culture. Ils développent ainsi tout un discours autour de « l’économie créatrice » et les
« industries créatrices ». Pour eux, la culture crée de l’économie et de l’emploi, via la
marchandisation et la commercialisation de biens et de services culturels. La culture, via
l’artisanat et le tourisme, est également une source de revenus importante. Louis Mardones
montre que c’est un argument qu’il a dû mettre sur la table au moment de négocier le budget
99
Entretien avec Luis Mardones, Directeur National de la Culture de 2005 à 2010, Montevideo, le 05 juillet 2015
Declaración de interés nacional al carnaval uruguayo, 1er Novembre 2007, Présidence de la République.
101
Entretien avec Gerardo Grieco, actuel directeur du Sodre, également directeur du Théâtre Solís de 2000 à
2003 et directeur de l’Intendencia de Montevideo, le 01/07/2015).
100
47
de la Direction Nationale de la Culture : « j’abordais souvent ceux qui décidaient du budget
avec le discours de : « la culture peut vous apporter des investissements et des rendements
économiques ». 102 Pour pouvoir nourrir ce discours, l’homme nous explique que le
gouvernement s’est entouré d’économistes spécialistes de l’économie de la culture, qui ont
produit des enquêtes sur les effets positifs de l’investissement dans la culture sur l’économie.
Ainsi, pour le parti, la culture a une utilité sociale indéniable, fondamentale pour le
développement de la société uruguayenne. Elle mérite donc d’être largement soutenue par le
gouvernement.
f) « La culture doit être soutenue par l’État central »
Ce précepte paraît évident, mais il est important de le rappeler. En effet, il permet au
Frente Amplio de se distinguer des précédents gouvernements, pour qui le soutien à la culture,
nous l’avons vu, était loin d’être une priorité. Il est fortement lié à la vision interventionniste
du parti, pour qui l’État à un rôle crucial à jouer dans la régulation de la société uruguayenne.
Ce rôle de l’État central dans le soutien à la culture a un effet important : celui de passer de
politiques culturelles avant tout locales à la véritable mise en place d’une politique culturelle
nationale. A ce titre, Luis Mardones nous a rappelé que la désignation de « Direction
Nationale de la Culture » est une mesure prise en 2007, sous son administration. Jusqu’alors
elle portait le simple nom de « Direction de la Culture ». Si nous reprenons la typologie de
Mc McCaughey et Hilman-Chartrand énoncée dans notre introduction, pour le Parti Amplio,
l’intervention publique dans le secteur culturel doit suivre le modèle de « l’État
architecte » 103 puisque les décisions en terme de politique culturelle sont prises par le
gouvernement central, qui fixe les grandes orientations, étendues ensuite au reste du pays.
Pour le parti du Frente Amplio, la culture est donc un facteur de construction
identitaire mais aussi d’inclusion sociale et territoriale, un droit inhérent à chaque citoyen
uruguayen, source d’emploi et de revenus…etc. Autant de préceptes qui forment le noyau
102
Entretien avec Luis Mardones, Directeur National de la Culture de 2005 à 2010, Montevideo, le 05 juillet
2015).
103
HILMAN-CHARTRAND Harry et MCCAUGHEY Claire, « The arm’s length principle and the arts : an
international perspective – past, present and future » in C. CUMMINGS Milton C. (dir.), Who's to pay for the
arts? The international search for models of arts support, New York, N.Y.: ACA Books, 1989).
48
dur du système de croyance du gouvernement et qui se distingue clairement des précédents
partis politiques. Nous allons maintenant nous intéresser au « noyau superficiel »104 de ce
système, c’est-à-dire à l’ensemble des nouveaux objectifs et des options programmatiques mis
en place par le gouvernement, découlant directement du noyau dur.
2) La formulation de nouveaux objectifs plus ambitieux
Le Frente Amplio, comme nous l’avons vu, attribue des fonctions très importantes à la
culture, comme facteur essentiel au développement de la société uruguayenne. L’État doit la
soutenir de manière imprescriptible et il va donc développer de nouveaux objectifs, pour
incarner cette nouvelle vision : c’est le « noyau superficiel »105 du système de croyance de la
politique culturelle uruguayenne. Les différents entretiens que nous avons menés, ainsi que
l’analyse de discours et de différents documents gouvernementaux106, ont mis en évidence
plusieurs catégories d’objectifs, que nous allons tâcher de décrire dans cette section.
a) Un objectif principal : donner accès à la culture pour les citoyens
défavorisés et vivant en province
Comme nous l’avons vu, le Frente Amplio alloue à la culture une fonction
d’intégration sociale importante : c’est un capital, qui permet à tout un chacun de se
s’épanouir, mais c’est aussi un droit. Pour les hommes politiques de la Direction Nationale de
la Culture, un des principaux objectifs dans la mise en place de la politique culturelle est donc
de généraliser l’accès à ce capital. Il est intéressant de constater que cette généralisation de
l’accès à la culture, pour les hommes du Frente Amplio, se fait à la faveur de deux catégories
de personnes : les personnes défavorisées et les personnes vivant dans des provinces reculées.
Cet objectif de l’accès à la culture pour tous se retrouve dans les documents gouvernementaux
de la Direction Nationale de la Culture, pour les mandats 2005-2010 et 2010-2015. La
quatrième ligne stratégique de la DNC pour 2005-2010 est « la promotion de la
104
SABATIER Paul, JENKINS-SMITH, Hank, Policy change and learning : an Advocacy Coalition Approach,
Westview Press, 1993, 290 pages
105
Ibid
106
Nous avons eu accès à trois documents principaux : 1) Grandes lineamentos programaticos para el gobierno
2005-2010 « Porque entre todos otro Uruguayos es posible », aprobado por el IV Congreso extraordinario del
Frente Amplio del 20 y 21.12.0, Informes de Gestion, Dirrecion Nacional de la Cultura : 2) 2005-2010 et 3)
2010-2014 (« Desarrollo cultural para todos »)
49
démocratisation de l’accès et de la production de biens culturels et artistiques ». Le rapport de
gestion pour le gouvernement 2010-2015, lui, se nomme explicitement « développement
culturel pour tous ».
La volonté de donner accès à la culture aux personnes défavorisées, qui n’ont pas les
moyens de financer des places de théâtre ou d’organiser des sorties, est bien évidemment liée
à la tradition socialiste du parti, que nous avons déjà explicité. A travers l’objectif d’un accès
à la culture pour tous, c’est donc plus généralement la baisse des inégalités sociales qui est
visée. Mais elle est aussi due au désir de rompre avec l’existence, dans la vision des citoyens
uruguayens, d’un capital culturel dit « légitime » - les arts classiques en particulier – et qui ne
serait pas fait pour les catégories sociales défavorisées. Sur l’ensemble des entretiens que
nous avons réalisés, trois hommes politiques nous ont donné l’exemple de l’Auditorium
Sodre, qui était, avant 2005, exclusivement réservé aux grandes élites du pays.107 Ricardo
Ehrlich nous explique dans son entretien que les politiques culturelles, avant 2005, « était très
centrées vers certaines élites, vers certains secteurs de la population » 108 . Ainsi, pour
l’homme, un des principaux changements avec l’arrivée du Frente Amplio au pouvoir a été de
« vouloir rompre avec tout ça ».
Les hommes politiques ont aussi introduit un nouvel objectif majeur : celui de donner
accès à la culture aux personnes vivant dans les provinces de Montevideo. En effet, la fracture
territoriale, en terme culturelle est très importante, si bien que, pour Ricardo Ehrlich, un des
objectifs majeur de la gauche au pouvoir était de « construire un pays intégré socialement ».
Cet objectif territorial est très important et fait écho à cette vision de l'État central
« architecte » 109 , comme bâtisseur d’une politique culturelle nationale, qui s’étend à
l’ensemble du pays.
107
Entretien avec Gerardo Grieco, actuel directeur du Sodre (également directeur du Théâtre Solís de 2000 à
2003, et directeur de Culture à l’Intendencia de Montevideo entre 1995 et 2000), Montevideo le 1er juillet 2015.
Entretien avec Luis Mardones, Directeur National de la Culture de 2005 à 2010, Montevideo, le 05 juillet 2015.
108
Entretien avec Ricardo Ehrlich, ancien Ministre de l’Éducation et de la Culture entre 2010 et 2015, et Maire
de Montevideo entre 2005 et 2010, Montevideo, le 23 juillet 2015
109
HILMAN-CHARTRAND Harry et MCCAUGHEY Claire, « The arm’s length principle and the arts : an
international perspective – past, present and future » in C. CUMMINGS Milton C. (dir.), Who's to pay for the
arts? The international search for models of arts support, New York, N.Y.: ACA Books, 1989).
50
b) D’autres objectifs importants
Cet objectif de démocratisation de l’accès à la culture est clairement l’objectif
principal et prioritaire du nouveau gouvernement, dans le sens où, nous le verrons, il a donné
lieu à un nombre particulièrement important de programmes pour y répondre. Cependant
d’autres objectifs conséquents sont également à relever, comme :
-
fortement soutenir la création : ici, l’idée est de favoriser la naissance de projets
artistiques uruguayens pour revigorer l’innovation artistique nationale. Les hommes
politiques que nous avons interrogés ont en effet tous regretté le manque d’initiatives
locales avant leur arrivée au pouvoir, impliquant un niveau de développement
artistique très bas pour le pays.
-
améliorer la formation artistique et la gestion culturelle : cet objectif est lié au
précédent dans le sens où il cherche à favoriser le niveau du développement artistique
du pays. C’est surtout le professionnalisme qui est recherché. Luis Mardones nous a
par exemple expliqué que les formations en gestion culturelle dans l’enseignement
supérieure étaient quasiment inexistantes avant son arrivée au pouvoir 110 . Cela
implique que les artistes ne savent pas monter de projets artistiques pour obtenir des
fonds, accentuant d’autant plus leur précarité et leur manque de compétitivité.
-
renforcer l’économie créatrice du pays : développer le secteur de l’industrie créative
est également un enjeu majeur de la gauche au pouvoir, pour générer des revenus et
développer l’économie de la connaissance. Ici, trois secteurs ont été surtout
développés : l’audiovisuel, la musique et l’édition.
-
diffuser la culture uruguayenne dans le monde : cet objectif est une autre des lignes
stratégiques qui apparaît dans le rapport de gestion de la DNC 2005-2010. Le terme
« de valeur ajoutée de l’exportation » de la culture uruguayenne fait également l’objet
d’un chapitre entier du rapport de gestion de la DNC 2010-2015. Il répond aux
nouveaux enjeux introduits par la mondialisation culturelle, que nous avons défini
dans notre introduction et il est lié à l’importance accordée à l’indépendance nationale
dans le discours du Frente Amplio.
110
Entretien avec Luis Mardones, Directeur National de la Culture de 2005 à 2010, Montevideo, le 05 juillet
2015
51
Nous avons donc constaté un changement idéologique, dans le « système de
croyance » et dans le référentiel de la politique culturelle uruguayenne. Ce changement est
porté, au niveau local, par l’arrivée au pouvoir d’un nouveau parti politique progressiste et
socialiste, le Frente Amplio, qui croit en l’importance cruciale de la culture comme facteur de
d’épanouissement social et personnel.
Nous allons maintenant nous interroger sur les
conséquences concrètes de ce changement de référentiel, en nous demandant : quelles actions
et quels programmes ont été mis en place pour favoriser la culture en Uruguay par le Frente
Amplio ?
52
Deuxième partie
Les mesures concrètes mises en œuvre pour défendre ce nouveau référentiel
cognitif
Dans cette section, nous nous intéresserons à l’impact de l’arrivée de la gauche au
pouvoir sur les « secondary aspects »111 de la politique culturelle uruguayenne, c’est-à-dire sur
les options programmatiques et sur les instruments concrets mis en place par le
gouvernement, pour défendre le nouveau « système de croyance »112 que nous avons décrit
précédemment. Ici, nous nous aborderons une démarche qui n’est volontairement pas
exhaustive. En effet, au vu du nombre très important d’initiatives développées dans l’action
culturelle de la gauche au pouvoir, il nous paraissait plus judicieux de se focaliser sur les
instruments « phares » plutôt que de dresser une liste complète, qui nécessiterait la rédaction
d’un mémoire à lui tout seul.
Nous avons constaté que la nouvelle vision de la culture portée par le Frente Amplio
au pouvoir a conduit à la mise en place d’une politique culturelle particulièrement dynamique.
Dans un premiers temps, le gouvernement a permis d’institutionnaliser l’action culturelle de
l’État central, en donnant plus d’importance à la culture dans le corps exécutif de l’État (I). Ce
renforcement du poids institutionnel de la culture s’est accompagné de tout une politique de
décentralisation de l’accès à la culture, vers l’intérieur du pays (II). Enfin, nous constaterons
que le parti a également mis en place des mesures symboliques fortes dès son arrivée au
pouvoir, vecteur de démarcation identitaire (III).
111
SABATIER Paul, JENKINS-SMITH, Hank, Policy change and learning : an Advocacy Coalition Approach,
Westview Press, 1993, 290 pages
112
Ibid
53
I.
L’institutionnalisation de la politique culturelle uruguayenne
L’institutionnalisation des organes publics en charge de la culture est un processus très
important quand on s’intéresse à l’influence de l’arrivée de la gauche au pouvoir car, à ce
sujet, il y a véritablement un « avant » et un « après » 2005. Elle fait directement écho au
nouveau « noyau central et superficiel » du système de croyance de la politique culturelle que
nous avons décrit, qui prête des enjeux extrêmement importants à la culture. Comme le
rappelle Inès de Torres ce renforcement de la configuration institutionnelle culturelle publique
est un acte politique majeur de la part du parti, car il permet de garantir la permanence de son
projet, indépendamment des personnes ou des partis qui le portent113. En utilisant le mot
« institutionnalisation », nous faisons ici référence au terme de « nueva institucionalidad »,
qui est largement utilisé dans le monde politique et universitaire latino-américain. Nous
l’avons retrouvé dans toutes nos lectures. Le terme d’institucionalidad fait plus référence à un
état qu’à un processus. Il pourrait être traduit par « institutionnalité », mais cette expression
n’est pas utilisée dans la science politique française. Augustín Sequella définit ce mot comme
« le niveau de développement de l’ensemble des organes d’administration de l’État,
ministères, services publics, et organismes techniques, qui ont des fonctions dans le domaine
de la culture »114. Nous pourrions ajouter à cette liste les musées nationaux, les bibliothèques
et autres instituts culturels publics à caractère national. Nous décrirons dans cette partie les
actions concrètes de la part du nouveau gouvernement œuvrant à l’institutionnalisation de la
politique culturelle uruguayenne.
1) Le renforcement du poids institutionnel de la Direction Nationale de la Culture
En Uruguay, l’organe culturelles le plus haut placé qui régit les politiques est le
Ministère de l’Education et de la Culture (MEC). Comme son nom l’indique, il n’est pas
seulement responsable de la culture mais prend également en charge l’éducation – ainsi que la
science, la technologie, la justice115 et les droits de l’homme. C’est la Direction Nationale de
113
DE TORRES María Inés, « Cultura, diseño institucional y prácticas democratizantes : algunas reflexiones »,
in Institucionalidad cultural en el Uruguay, Montevideo, Dirección Nacional de Cultura, 196 pages
114
SEQUELLA Augustin, La nueva institucionalidad cultural, Chile : Edeval (Coll. Legislación Comentada),
2008
115
Cette prise en charge de la justice par le MEC peut paraître surprenante. Elle est due à une tradition qui alloue
au MEC la fonction « d’instruction publique » et une vision politique historique qui fait de la prison un lieu de
rééducation.
54
la Culture (DNC), qui s’occupe spécifiquement de la culture au niveau national. Cet organe
étatique dépend directement du MEC et il est aujourd’hui fondamental dans la mise en œuvre
des politiques culturelles en Uruguay.
Comme nous l’avons eu plus haut, avant l’arrivée de la gauche au pouvoir, la DNC
n’avait jamais eu une grande importance, tandis que l’Intendencia de Montevideo
monopolisait le devant de la scène en matière d’action culturelle. Avec l’arrivée de la gauche
au pouvoir, la Direction Nationale de la Culture a vu son poids institutionnel
considérablement renforcé. Tout d’abord, son budget n’a eu de cesse d’augmenter. Selon son
rapport de gestion 2005-2010, il est passé de 16 724 411 dollars en 2006 à 124 767 419
dollars en 2009116, soit une augmentation de 74,6 %. En 2014, le budget assigné à la DNC
atteignait les 226 918 147 dollars, soit presque le double qu’en 2010117. Ces chiffres, très
parleurs, montrent à quel point l’arrivée au pouvoir du Frente Amplio a marqué une rupture
claire avec les gouvernements précédents. Ils incarnent l’importance de développer un organe
étatique puissant par les nouveaux hommes politiques au pouvoir. Pour Luis Mardones,
« c’est la première fois dans l’histoire du pays que la DNC a un budget plus important que
l’Intendencia de Montevideo ». Il ajoute : « avant il était beaucoup plus important d’être
directeur du département de la culture de Montevideo que de la Direction Nationale de la
Culture ». En outre, il faut bien comprendre qu’en plus d’augmenter exponentiellement, le
budget assigné à la culture, pour la période 2010-2015, représentait 49% du budget total du
MEC118 (tandis que seulement 11% de ce dernier étaient alloués à l’éducation). Il y a donc une
ligne politique très claire de la part du Ministère de l’Education et de la Culture pour mettre
en avant le secteur culturel, qui passe devant tous les autres secteurs dont il a la charge.
En 2007, un autre pas important est franchi : la DNC obtient le statut
« d’indépendance exécutive »119. Cela signifie qu’elle a un budget qui lui est spécifiquement
assigné et qu’elle est responsable de ses dépenses. Pour Roberto Elissalde : « elle peut signer
des documents sans avoir besoin de passer par le directeur général, elle est donc beaucoup
116
Cf. Annexe 4 – Augmentation du budget de la Direction Nationale de la Culture entre 2005 et 2010. Source :
Informe de Gestion, Dirrecion Nacional de la Cultura, 2005-2010
117
Cf Annexe 5 – Augmentation du budget de la DNC entre 2010 et 2014. Source : Dirección Nacional de
Cultura : « Desarrollo Cultural para todos », Ministerio de Educación y Cultura, 2010-2014
118
Informe de Gestión Dirección Nacional de Cultura : « Desarrollo Cultural para todos », Ministerio de
Educación y Cultura, 2010-2014
119
Informe de Gestion, Dirrecion Nacional de la Cultura, 2005-2010
55
plus efficace120 ». En outre, elle change de nom : anciennement « Direction de la Culture »,
elle est renommée « Direction Nationale de la Culture ». Ce changement de nom montre à
quel point il est important pour le Frente Amplio que la Direction de la Culture ait une portée
véritablement nationale, qui s’étende à l’ensemble du pays. En son sein, un groupe
interministériel est également crée, pour l’exportation de la culture : le GIPUC.
Cette plus grande autonomie budgétaire et de gestion a permis à la Direction Nationale
de la Culture d’augmenter considérablement ses possibilités d’action opérationnelle dans la
mise en place de la politique culturelle uruguayenne.
2) Le renforcement des grandes institutions culturelles nationales
La Direction Nationale de la Culture n’est pas le seul organe étatique national en
charge de l’action culturelle de l’État uruguayen. D’autres institutions nationales sont
également importantes, comme la Direction des Bibliothèques, des Archives et des Musées
historiques, qui prend en charge les grandes institutions culturelles du pays, telles que le
Musée
Historique
National,
le
Musée
Figari,
les
Archives
Générales,
ou
la
Bibliothèque Nationale. Le SODRE (Service Officiel de Diffusion, de Radiotélévision et des
Spectacles) est également une institution culturelle publique centrale, à qui le MEC alloue une
part importante de son budget. Il gère une des salles de spectacle les plus importantes du pays,
l’Auditorio Sodre, et prend en charge le Ballet National, ainsi que les canaux de radios
publics. Ces diverses institutions publiques dépendent directement du Ministère de
l’Education et de la Culture, qui alloue une grande partie de son budget à leur
fonctionnement. Elles participent donc à la mise en œuvre de la politique culturelle pilotée par
le gouvernement.
Sous le premier mandat de Tabaré Vázquez, une des mesures phares que nous avons
relevé est la reconversion de l’ancienne prison de Miguelete en Espace d’Art
Contemporain121, qui est aujourd’hui le haut-lieu de la création contemporaine uruguayenne,
accueillant chaque année de nombreuses expositions et artistes internationaux de renom
(Fabián Nonino, François Cambe ou Daniel Canogar pour n’en citer que quelques uns). Sous
120
Entretien avec Roberto Ellissalde, directeur des Centres MEC, Montevideo, le 16 juillet 2015.
Site internent du Musée : http://www.eac.gub.uy
121
56
le mandat de José Mujica, de grands travaux de rénovation et de conservation des édifices
sont lancés. Ils permettent la rénovation de dix bâtiments122 : la Bibliothèque Nationale, le
Musée des Archives Historiques, la Direction Nationale des Registres, l’Archive Générale de
la Nation, la Télévision Nationale, le Musée National des Arts Visuels, le Musée Zorilla, le
Musée des Arts Décoratifs, ainsi que l’édifice de la Direction Nationale de la Culture et la
Commission Nationale du Patrimoine.
Ainsi, la gauche du Frente Amplio a considérablement œuvré pour développer les
grandes institutions de la culture en Uruguay, en investissant dans des organismes déjà
existants, délaissés par les gouvernements centraux précédents, ou en en créant de nouvelles.
Elle a également œuvré à la professionnalisation des fonctionnaires en charge de ces
institutions.
3) Des fonctionnaires valorisés et plus compétents
Les entretiens que nous avons réalisés ont mis en évidence que la vie politique
uruguayenne et la construction de politiques publiques souffraient d’un manque de
formalisme important. Tous les acteurs que nous avons interrogés ont rapporté ce manque
d’institutionnalisme dans la mise en œuvre de l’action de l’État. Pour Roberto Elissalde, « les
arrangements tacites »123 dans la mise en œuvre des politiques publiques sont récurrents. Il
nous explique d’ailleurs que lorsqu’il a mis en place le programme gouvernemental des
centres MEC (sur lesquels nous reviendrons dans une prochaine section), il a fonctionné
« plus par intuition politique que par travail scientifique ». Aucune étude de besoin n’a été
réalisée pour mettre en place le programme et l’homme s’est seulement basé sur des
discussions qu’il a pu avoir en se rendant dans les différentes provinces du pays. Pour Ricardo
Klein, ce manque d’institutionnalisme dans la mise en place de la politique culturelle du MEC
est dû à la récente démocratisation du pays, qui est resté enfoncé dans la dictature jusqu’en
1985124. Un autre exemple de cette informalité de l’État uruguayen est le fait que jusqu’en
2005, l’embauche de fonctionnaires sur la base de concours n’est appliquée qu’à
122
Informe de Gestión Dirección Nacional de Cultura : « Desarrollo Cultural para todos », Ministerio de
Educación y Cultura, 2010-2014
123
Entretien avec Roberto Elissalde, directeur des Centres MEC, Montevideo, le 16 juillet 2015.
124
KLEIN Ricardo, « Concepto de cultura y construcción de la identidad nacional en Uruguay », in
ZAMORANO Mariano M., ULLDEMOLINS Z. Zamorano et KLEIN Ricardo ¿Hacia un modelo sudamericano
de política cultural? Singularidades y convergencias en Uruguay, Paraguay y Chile en el siglo XXI, European
Review of Latin American and Caribbean Studies, No. 96 (2014) April, pp. 5-34
57
l’administration centrale. Pour les employés des municipalités locales, la désignation des
contractuels fonctionnaires se fait surtout par affinité politique : « les gens de l’intérieur
étaient habitués à ce que, quand la municipalité travaillait avec une personne, les amis qui
travaillaient avec elle étaient aussi employés ».125 Avant cette date, les fonctionnaires n’étaient
donc pas forcément recrutés sur la base de la pertinence de leur profil avec le poste visé. A
partir de 2005, de grands appels à concours sont lancés pour embaucher des fonctionnaires sur
l’ensemble du territoire. Les recrutements, pour la première fois, se font de manière
démocratique, à travers la Plateforme Uruguay Concursa 126 . Roberto Elissalde nous a
longuement venté les mérites de ce nouveau procédé, qui a été appliqué pour recruter les
nouveaux gestionnaires des Centres MEC au niveau départemental et qu’il qualifie de
« changement historique ».
Cette nouveauté dans le mode de recrutement des fonctionnaires en charge des
institutions culturelles permet d’assurer leur compétences dans la réalisation de leur mission,
et contribue donc à accroitre le niveau de professionnalisme dans la mise en œuvre de la
politique culturelle nationale. Elle a été renforcée par toute une série d’activités de formation,
pour améliorer les compétences professionnelles des agents de l’État en charge de la politique
culturelle. Le rapport de gestion de la DNC 2010-2014 recense six catégories d’agents visés
par ces formations : ceux appartenant à la Direction Générale, à la Direction de la
Coopération Nationale, à Direction de la Bibliothèque Nationale, à l’Archive Général de la
Nation, au Musée Historique National et au Sodre.
Enfin, il convient de constater que le statut des salariés employés par le Ministère de
l’Education et de la Culture a également été revalorisé. Le gouvernement de José Mujica a
ainsi inauguré une politique de hausse salariale importante, de 8% en moyenne127 pour les
employés du MEC, entre 2009 et 2014. Cette augmentation, qui s’inscrit certes dans un
contexte d’inflation et de croissance économique général, témoigne de la volonté de l’État
central de renforcer le statut des employés publics de la culture en Uruguay.
125
Entretien avec Roberto Elissalde, directeur des Centres MEC, Montevideo, le 16 juillet 2015.
Informe de Gestión Dirección Nacional de Cultura : « Desarrollo Cultural para todos », Ministerio de
Educación y Cultura, 2010-2014. La plateforme est consultable sur : https://www.uruguayconcursa.gub.uy/
127
Cf. Annexe 6 – Augmentation des salaires des fonctionnaires entre 2010 et 2015
126
58
4) De meilleurs outils de gestion culturelle et de communication
Il est intéressant de constater que le gouvernement a également amélioré ses
instruments pratiques et les procédures techniques pour mettre en place sa politique culturelle.
Ici, rappelons que tout un champ de l’analyse de l’action publique est réservé aux
technologies de gouvernement, pour analyser l’instrumentalisation de l’action publique. A ce
titre, Charlotte Halpern, Pierre Lascoumes et Patrick Legalès montrent qu’un instrument n’est
pas neutre : il est « dispositif à la fois technique et social qui organise des rapports sociaux
spécifiques entre la puissance publique et ses destinataires en fonction des représentations et
des significations dont il est porteur »128.
Pour le cas du MEC et du Frente Amplio, nos recherches ont mis en exergue qu’un des
instruments majeurs mis en place par le pouvoir a été celui de la communication. Cet effort
témoigne de la volonté de l’État de valoriser son action culturelle, et donc de la justifier. Il est
fortement lié à l’utilisation stratégique de la culture comme marqueur symbolique pour le
parti, que nous avons mis en évidence dans la section précédente. Dans son rapport de gestion
2010-2014, la DNC explique d’ailleurs que l’objectif central de l’investissement dans la
communication est « le rapprochement du ministère avec la population ». A titre d’exemple,
elle a investi dans la rénovation de son site internet, pour le rendre plus attractif et le
moderniser. Les réseaux sociaux ont également été fortement dynamisés129. De plus, une
plateforme interactive a été créée, la « Mapa MEC »130, répertoriant de manière géoréférentiée
l’ensemble des programmes et manifestations proposé par le Ministère, sur tout le territoire
national. Un tel outil, mis en place à travers un site internet et une application mobile, a
permis de faciliter la recherche d’informations culturelles, selon les intérêts et les nécessités
de chacun et donc de faciliter l’accès de la population aux différentes manifestations.
D’autres instruments ont aussi été développés pour faciliter la gestion, liés notamment
à un effort d’informatisation. Par exemple, le gouvernement a développé le « réseau
128
Charlotte, LASCOUMES Pierre, LE GALES Patrick, « Introduction / L'instrumentation et ses effets débats et
mises en perspective théoriques » in L'instrumentation de l'action publique. Controverses, résistance, effets,
Paris, Presses de Sciences Po, coll. « Gouvernances », 2014, 520 p
129
Informe de Gestión Dirección Nacional de Cultura : « Desarrollo Cultural para todos », Ministerio de
Educación y Cultura, 2010-2014
130
La carte est consultable sur : http://www.mec.gub.uy/mecweb/mapa/mec/
59
Redoc »131, un espace de coordination interinstitutionnel pour la gestion des archives et de
sources documentaires, afin d’améliorer la transparence et la circulation de l’information. Un
« Système National d’Information Culturelle »132 a également été inauguré, pour recenser
l’ensemble des industries culturelles du pays et proportionner des informations précises sur la
production culturelle uruguayenne. Ces outils répondent à un souci de moderniser la DNC,
mais également de pérenniser son action dans le temps. Ils contribuent donc fortement à son
institutionnalisation.
Des indicateurs ont également été développés, pour évaluer l’impact de la culture dans
la société uruguayenne. Grâce à un partenariat avec la Faculté des Sciences Economiques, un
projet d’étude de grande ampleur a été réalisé, que l’on pourrait traduire par « Vers un compte
satellite de la culture »133. Il permet la publication d’études pour faire l’état lieux du poids du
secteur culturel dans l’économie culturel, en utilisant la méthodologie de la comptabilité
nationale. Jusqu’alors, deux études ont été publiées, en 2012 et en 2014. En outre, la DNC a
travaillé conjointement avec l’Observatoire des Politiques Culturelles pour réaliser des études
sur la consommation culturelle en Uruguay134. Ses outils statistiques sont des instruments pour
évaluer l’action culturelle de l’État, mais aussi pour la justifier. Ils donnent lieux à des
publications sur Internet et à des opérations médiatiques (conférence de presse, réseaux
sociaux… etc) pour les mettre en avant et les promouvoir auprès de l’opinion uruguayenne.
Encore une fois, ils témoignent de l’utilisation de la culture comme ressource symbolique par
le Frente Amplio.
Dans la mise en œuvre de la politique culturelle uruguayenne, une des influences
majeures de l’arrivée du FA au pouvoir est donc le renfoncement du cadre institutionnel de
l’action culturelle, pour lui donner plus de poids dans le tissu étatique national. Cette action
est directement liée au noyau dur du système de croyance que nous avons précédemment
décrit : en accordant une place centrale à la culture dans la société uruguayenne, le
gouvernement se devait de l’instutionnaliser, pour justement incarner ce précepte.
131
Informe de Gestión Dirección Nacional de Cultura : « Desarrollo Cultural para todos », Ministerio de
Educación y Cultura, 2010-2014
132
Ibid.
133
Hacia una Cuenta Satélite de Cultura : http://cultura.mec.gub.uy/innovaportal/cuenta-satelite-en-cultura
134
« Estudio de Consumos e Imaginarios Culturales en el Uruguay » (2008 et 2014), Dirección Nacional de la
Cultura, MEC
60
II.
La décentralisation de la politique culturelle uruguayenne
Un autre effet majeur dû à l’arrivée du Frente Amplio au pouvoir a été le
développement d’une grande politique de décentralisation culturelle, afin que l’action de la
Direction Nationale de la Culture puisse s’étendre aux provinces du pays et réellement mériter
son nouveau nom. Cette action sur le territoire est l’une des grandes lignes stratégiques mises
en place par le gouvernement de gauche. Elle répond à l’objectif d’un égal accès à tous les
citoyens à la culture et à la création, et fait écho au concept de « citoyenneté culturelle ». Ici,
nous nous intéresserons aux différentes options programmatiques pour relever ce défi que
représente la décentralisation culturelle.
1) Des relations renforcées entre la Direction Nationale de la Culture et les
différents Directeurs de la Culture des départements locaux
Pour permettre à la DNC de décentraliser son action, il lui a fallu améliorer sa
représentation sur l’ensemble du territoire. Dans ce but, une fois que Tabaré Vázquez prend le
pouvoir, des réunions s’organisent avec les Directeurs de la Culture des différentes
Intendencias départementales. En 2006, à Salto, province reculée dans le Nord du pays, se
tient une Assemblé Nationale de la Culture, où participent la société civile, les syndicats de la
culture, des organisations non gouvernementales et des groupes d’artistes 135 . Elle est
fondamentale, car pour la première fois l’exécutif - dont Tabaré Vázquez - y participe. La
préparation de cette assemblée donne lieu à près de quatre-vingts réunions dans la province,
auxquelles participe toutes Luis Mardones136. L’homme s’auto-qualifie d’ailleurs de « très
fédéraliste »137. C’est véritablement la première fois que la DNC s’initie dans les affaires des
départements culturels des gouvernements locaux. Elle implique de nouer des relations avec
le Parti Colorado et le Parti National, mais pour Luis Mardones : « il faut faire des efforts,
sinon tu finis par pénaliser l’ensemble des citoyens »138. Il affirme d’ailleurs avoir de bonnes
relations avec les municipalités locales des partis opposants. Pour Roberto Elissalde, cette
relation avec les gouvernements locaux opposants n’est pas si évidente. Il nous confesse avoir
135
DE TORRES María Inés, « Cultura, diseño institucional y prácticas democratizantes : algunas reflexiones »,
in Institucionalidad cultural en el Uruguay, Montevideo, Dirección Nacional de Cultura, 196 pages
136
Ibid
137
« Yo soy muy municipalista ». Entretien avec Luis Mardones, Directeur National de la Culture de 2005 à
2010, Montevideo, le 05 juillet 2015.
138
Ibid
61
eu des problèmes avec les municipalités de Lavalleja et de San José, où la droite au pouvoir
est particulièrement conservatrice. En effet, les gouvernements de ces départements locaux
traditionnels « avaient peur que se soit une invasion »139. Mais malgré ces oppositions, le
Frente Amplio a toujours persévéré pour ne pas couper le contact avec les gouvernants locaux
opposants : « on ne voulait pas que notre politique soit interprétée comme une politique qui
exclurait certains partis, réservée aux départements du Frente Amplio »140.
Sur le plan
institutionnel, pour incarner ce renforcement des relations entre le MEC et les gouvernements
locaux, se développe le programme de rencontres « Gabinete MEC al interior del pais »141, qui
établit un dialogue direct avec les municipalités départementales, le Ministère et la
population. Lors de ces rencontres, fixées plusieurs fois par an, des échanges de points de vue
ont lieu, ainsi que des retours d’expérience sur les programmes mis en place. Des membres du
Ministère et de la DNC sont présents donc, mais aussi ceux des grandes institutions
culturelles du pays, comme la Bibliothèque Nationale, le Musée Historique ou la Commission
du Patrimoine Culturelle.
2) La développement de « centres MEC » : l’accès à la culture pour l’intérieur du
territoire
Ce renouement des relations entre le Ministère et les gouvernements locaux sur
l’ensemble du territoire ont permis à la DNC de mettre en place des programmes pour
décentraliser l’accès à la culture à l’intérieur du pays. Le plus important de tous est celui des
« centres MEC », dirigé par Roberto Elissalde, avec qui nous avons pu nous entretenir. Il a
permis la construction de 121 centres culturels, dans les dix-neuf départements du pays142. Ces
centres proposent un espace dédié aux activités culturelles, éducatives, de participation
sociale et d’accès aux nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication.
Chaque centre est au minimum équipé de quatre ordinateurs, une imprimante, un scanner, un
téléviseur avec un lecteur DVD, une salle de réunion/d’exposition. Ils permettent ainsi
d’assurer une décentralisation dans l’accès à la culture, puisque des conférences s’y tiennent,
des films y sont projetés et des expositions y sont présentées. Les gestionnaires de ces centres
n’ont pas de lien politique avec le Frente Amplio : « les gens qui travaillent dans nos centres
139
Entretien avec Roberto Elissalde, directeur des Centres MEC, Montevideo, le 16 juillet 2015.
Ibid
141
Cabinet MEC à l’intérieur du pays
142
La liste complète des Centres MEC est consultable sur : http://centrosmec.org.uy/
140
62
n’ont rien à voir avec le gouvernement »143. Cela permet de les rendre plus pérennes, en
assurant leur continuité, en cas de changement politique. Ce programme, de grande ampleur,
est un bon exemple d’action concrète, d’instrument de politique publique, pour donner accès
de la culture à l’intérieur du pays.
Associé à ces centres, le Secrétariat de la DNC pour l’intérieur du pays a fortement
œuvré à la circulation des spectacles et des manifestations culturelles de Montevideo vers
l’intérieur du territoire. Le rapport de gestion de la DNC montre que 18 tournées ont été
soutenues entre 2005 et 2010144, pour un total de 115 manifestations145. De même, Ricardo
Ehrlich nous rappelle qu’aujourd’hui quand le Ballet National réalise un spectacle à
Montevideo, il part en tournée sur l’ensemble du territoire146. Pour l’homme, un des effets de
cette politique est l’engouement culturel provincial autour de ces spectacles : « Aujourd’hui,
les gouvernements locaux, les maires réclament les spectacles. Peut-être que ça, ça a été le
changement, la construction culturelle la plus importante pour la société. »
Afin de renforcer ce programme des centres MEC, une loi est votée en décembre
2005, créant un fond pour la rénovation et la construction d’infrastructure pour le
développement d’activités artistiques et culturelles à l’intérieur du pays. Son budget est de 15
354 000 pesos, soit 489 100 euros147. A travers un appel à concours pour des projets de
rénovation, il a permis de développer tout un réseau de salles culturelles à l’intérieur du pays
(salles de théâtre, musées, centre culturels…).
3) Les usines et les fabriques culturelles : l’accès à la création pour tous
Dans l’effort de décentralisation de la politique culturelle du Frente Amplio, un autre
volet est important : celui de donner la possibilité aux personnes vivant en province de créer
des projets artistiques. Sur quels leviers le gouvernement s’est-il appuyé dans la réalisation de
cet objectif ? Ici, nous nous intéresserons à deux programmes qui nous paraissent
143
Entretien avec Roberto Elissalde, directeur des Centres MEC, Montevideo, le 16 juillet 2015.
Informe de Gestion, Dirreción Nacional de la Cultura, 2005-2010
145
Informe de Gestión Dirección Nacional de Cultura : « Desarrollo Cultural para todos », Ministerio de
Educación y Cultura, 2010-2014
146
Entretien avec Ricardo Ehrlich, ancien Ministre de l’Éducation et de la Culture entre 2010 et 2015, et Maire
de Montevideo entre 2005 et 2010, Montevideo, le 23 juillet 2015
147
Informe de Gestion, Dirreción Nacional de la Cultura, 2005-2010
144
63
particulièrement éclairant sur la manière dont un gouvernement peut, au concret, permettre de
décentraliser l’accès à la création artistique.
Le premier programme, celui des « usines culturelles » a été lancé à la fin du mandat
de Tabaré Vázquez et a permis la construction de centres régionaux pour stimuler la création
musicale et audiovisuelle, à partir de la mise à disposition d’outils d’enregistrement
modernes, adaptés aux nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication.148 Il
s’appuie donc sur l’innovation dans la création artistique. Louis Mardones nous a rappelé
que le coût d’enregistrement pour un groupe de musique provincial peut-être très élevé si il
doit aller enregistrer à Montevideo. Les frais de séjour sont souvent difficiles à assumer pour
les jeunes artistes qui se retrouvent donc privés du droit de création. Pour lutter contre ce
facteur d’exclusion, les usines culturelles permettent l’enregistrement de CD ou la réalisation
de courts-métrages, en mettant à disposition du matériel technologique pour les artistes. Il est
également intéressant de constater que les centres sont situés dans des lieux de vulnérabilité
sociale, comme des hôpitaux, des prisons, ou des quartiers populaires. Cette implantation dans
des lieux difficiles témoigne, une fois encore, d’une croyance fort de la part des hommes
politiques du Frente Amplio au pouvoir d’inclusion et de développement Quelques uns ont été
établis à Montevideo mais la plupart, bien évidemment, se situent en province149.
Les fabriques culturelles, elles, sont des centres de formation et de création, qui
cherchent à valoriser le savoir-faire traditionnel local uruguayens dans la création artistique.
Elles s’appuient donc sur la tradition dans la création artistique. Elles sont également
développées dans des lieux d’exclusion, et notamment les prisons, et s’adressent à des
personnes exclues du système d’éducation ou du monde du travail. En 2014, vingt-cinq
fabriques avaient été crées. Elles sont liées à cette croyance que la culture est une source
d’enracinement.
Grâce à cette section, nous comprenons donc que le Frente Amplio a largement œuvré
à la décentralisation culturelle, en permettant à la Direction Nationale de la Culture d’étendre
son action à l’intérieur du pays, via le renforcement de son dispositif institutionnel.
148
Article : Las fábricas de cultura, Kristel Latecki, El Observador, 27 avril 2012 (article consultable en ligne)
Plus précisément les usines culturelles provinciales sont situées à : Castillos (Melo (Cerro Largo), Artigas,
Paysandú, Durazno, San Carlos (Maldonado), Juan Lacaze (Colonia), Libertad (San José). Source :
149
64
Auparavant, elle n’avait pas assez de poids pour arriver à agir jusque dans les provinces
reculées du pays. Dans la mise en place de cette politique de décentralisation, nous avons
relevé deux types de mesures : celles qui renforcent l’accès à la « création » et celle qui
renforcent la « réception » de biens et services culturels.
Afin de compléter ce portrait de l’action de la Direction Nationale de la Culture sous
le Frente Amplio, il convient maintenant d’analyser des mesures symboliques fortes, qui ont
permis au Parti de faire valoir son attachement au monde de la culture.
65
III.
L’adoption de mesures symboliques, comme outil de marqueur
idéologique
Nos entretiens ont mis en évidence trois mesures phares mises en place par le Frente
Amplio une fois au pouvoir, répondant directement au nouveau système de croyance que nous
venons de décrire. Symboles de l’arrivée de la gauche au pouvoir et de cette importance
cruciale qu’elle accorde au soutien du secteur culturel, ces mesures, adoptées rapidement
après l’investiture de Tabaré Vázquez, incarnent la relation privilégiée de la gauche avec le
monde de la culture.
1) Des fonds pour financer la culture
La première grande loi adoptée par le gouvernement de Tabaré Vázquez est la loi du
« Fondo Concursable para la Cultura », que nous pourrions traduire par la loi du Fond de
financement pour la Culture. Elle est votée le 19 décembre 2005 dans le cadre de l’adoption
du budget national pour la période 2005-2009150. Ce fond, d’un montant total de 470 000
dollars en 2005151, est directement dispensé par l’État pour financer des projets culturels sur
l’ensemble du territoire, selon le principe d’un appel à concours ouvert à tous. Les projets
sont obligatoirement évalués par un jury extérieur au MEC, composés d’artistes et de grands
directeurs culturels. L’objectif principal, ici, est de démocratiser la culture ainsi que l’accès
aux biens culturels, pour stimuler la déconcentration et la décentralisation des activités
culturelles » 152 . Démocratiser l’accès à la création donc, puisque grâce à ces fonds de
nombreux projets artistiques ont pu être soutenus et voir le jour. Entre 2006 et 2014, quatorze
appels à concours ont été lancés, qui ont permis de financer plus de 800 projets artistiques,
dans diverses catégories artistiques
153
(danse, théâtre, arts plastiques, publications,
patrimoine…). Aujourd’hui, il dispose de 630 000 dollars, soit 160 000 dollars de plus que
lors de son lancement154. En outre, il faut noter que les projets qui sont soutenus par ce fond
150
Les fonds sont crées par les articles 238 et 250 de la loi 17.930 de décembre 2005 (sur l’approbation du
Budget National pour 2006-2009) et sont règlementés par le Décret Réglementaire du
151
Entretien avec Danilo Urbanavicius, professeur en gestion culturelle et assistant du Doyen de la Faculté de la
Culture du CLAEH (Centro Latinoamericano de Economía Humana), Montevideo, le 25 juin 2015
152
Présentation du Fond sur le site internet du MEC : http://www.fondoconcursable.mec.gub.uy
153
Fondo Concursable para la Cultura, Analissis y Perspectivas 2006-2010, Direccion National de la Cultura
(MEC)
154
Ibid
66
doivent développer des manifestations gratuites. Il permet donc de démocratiser l’accès aux
biens et services culturels, sur l’ensemble du territoire. Depuis 2010, le Fond est réparti en
fonds régionaux, pour accentuer la participation des artistes situés en province. Il œuvre donc
à la décentralisation de la politique culturelle menée par le gouvernement. Rappelons
également que le jury qui attribue les fonds ne juge pas seulement la qualité artistique du
projet, mais aussi sa viabilité et sa faisabilité. Ainsi, en plus de soutenir financièrement des
projets artistiques, ce fond permet de professionnaliser les artistes, qui doivent remplir les
demandes de subventions selon les normes internationales (avec un budget, une présentation
du projet, un plan de communication, soutiens institutionnels… etc). Cette mesure est une
mesure dans le sens où les fonds semblent aujourd’hui durablement inscrits dans le paysage
culturel uruguayen, dans une dynamique de croissance qui n’a jamais été remise en cause.
Pour Danilo Urbanavicius : « ça a été la grande révolution ». Il correspond clairement au
modèle de l’État Architecte, de Harry Hillman-Chartrand et Claire McCaughey155, où l’État
central a un rôle central et intervient directement dans les affaires culturelles du pays.
La loi n° 17.930 de 2005156 a également créé un deuxième fond d’importance cruciale,
qui correspond cette fois plus au modèle de l’État facilitateur157, où le secteur public finance
les arts à travers l’aide de sponsors privés. C’est le Fond d’Incitation Culturelle (Fondo de
Inventive Cultural)158, dont le slogan est parlant : « investir dans la culture vous apportera
100% de bénéfices »159. L’objectif est « de faire le lien et la coopération entre le secteur
artistique culturel et le secteur entrepreneurial »160. En effet, ce fond est exclusivement financé
par des entreprises du privé. Et pour les inciter à participer, 65% du montant du don est déduit
fiscalement quand il s’agit de projets provenant de l’intérieur du pays (contre 55% pour les
projets à Montevideo).
Les résultats de cette loi sont prometteurs : entre 2012, par exemple, le fond a permis
de récolter 20 millions de pesos, soit plus de 70 000 dollars161. Il a également permis de faire
la promotion du concept de « responsabilité culturelle des entreprises » (au même titre que
155
HILMAN-CHARTRAND Harry et MCCAUGHEY Claire, « The arm’s length principle and the arts : an
international perspective – past, present and future » in C. CUMMINGS Milton C. (dir.), Who's to pay for the
arts? The international search for models of arts support, New York, N.Y.: ACA Books., 1989
156
Articles 235 à 250 inclus
157
Site de présentation du fond : http://www.fondosdeincentivocultural.gub.uy
158
Ibid
159
Ibid
160
Ibid
161 Ibid
67
celui de la Responsabilité Sociétale des Entreprises) pour faire changer les mentalités des
grands entrepreneurs uruguayens, qui investissaient très peu dans le financement de projets
artistiques.
2) Une loi pour la sécurité sociale des artistes
Enfin, l’autre mesure phare du gouvernement de Tabaré Vázquez, a été la loi pour la
sécurité sociale des artistes162. Elle a définitivement entériné la relation du Frente Amplio avec
le monde de la culture et elle est citée par tous les hommes politiques que nous avons
interrogés. Adoptée en 2008, elle permet de consolider le droit du travail dans l’exercice
professionnel de l’activité artistique, en reconnaissant aux artistes le droit à bénéficier d’une
sécurité sociale. Plus généralement, elle donne une définition juridique de l’artiste163 qui,
grâce à elle, acquiert un statut à part entière, protégé par le code du travail uruguayen. Par
exemple, une fois la loi votée, les heures de répétitions sont désormais comptabilisées comme
du temps de travail légal, rendant possible l’exercice d’une cotisation. Elle crée également le
Registre National des Artistes, organe dépendant du Ministère du Travail, chargé de
l’application de cette loi. Elle constitue ainsi une grande transformation structurelle dans le
développement de l’activité artistique en Uruguay.
3) Vers une meilleure exportation de la culture uruguayenne dans le monde
Nous l’avons vu, l’insertion de l’Uruguay dans la mondialisation culturelle est un
élément clé du discours du Frente Amplio. Elle passe forcément par le renforcement de la
présence de la culture uruguayenne dans le monde. L’une des mesures les plus importantes en
ce sens est sûrement la création de l’Institut du Cinéma et de l’Audiovisuel : l’ICAU. Né
d’une une loi datant de 2009, surnommée « Ley de Cine », il permet de « renforcer la
création, la production, et la distribution d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles
162
Loi n°18.384 « Estatuto del Artista y oficios conexos » datant du 17 octobre 2008.
“Se entiende por artista intérprete o ejecutante a todo aquel que represente un papel, cante, recite, declame,
interprete o ejecute en cualquier forma una obra artística, la dirija o realice cualquier actividad similar a las
mencionadas, sea en vivo o registrada en cualquier tipo de soporte para su exhibición pública o privada. Se
entiende por oficios conexos, aquellas actividades derivadas de las definidas en el inciso anterior y que
impliquen un proceso creativo”
163
68
uruguayennes en dehors du pays »164, mais aussi de « faire appliquer la législation existante et
promouvoir l’approbation de nouvelles lois nécessaires à un meilleur du cinéma et de
l’audiovisuel national ». La loi débloque 25 000 000 dollars pour la mise en place d’un Fond
de développement, qui finance des projets de création audiovisuelle ou cinématographique
uruguayens. En outre, l’ICAU a mis en place le programme FAN, pour former dans le
secondaire au développement de contenus audiovisuels, ainsi que le Réseau de Recherche et
d’Action pour la conservation du Patrimoine Audiovisuel. Aujourd’hui, l’Institut œuvre
fortement à la diffusion du cinéma uruguayen dans le monde. Il a ainsi donné naissance à
l’Uruguay Film Commission & Promotion Office - volontairement dénommé en anglais dont le principal défi est de « positionner l’Uruguay et son patrimoine audiovisuel sur la scène
internationale »165. Cet organisme fait la promotion de l’Uruguay comme lieu de tournage
pour la réalisation de films étrangers et assure la promotion du cinéma uruguayen dans le
monde. Il a par exemple permis d’exonérer de TVA les services de distribution de films
uruguayens à l’étranger.
Dans cet effort d’exportation de la culture uruguayenne, en 2009, un deuxième Institut
est également crée par la Direction Nationale de la Culture : l’INAE, l’Institut National des
Arts Scéniques, dont l’objectif est de promouvoir et soutenir les arts scéniques dans le pays166.
Il a permis le lancement du Festival International des Arts Scéniques, où plus de quarante
compagnies étrangères participent chaque année à la programmation. Il également inauguré le
Marché des Arts, une plateforme permettant aux artistes uruguayens de faire la promotion de
leurs œuvres à l’étranger.
Enfin, pour renforcer l’exportation de la culture uruguayenne, le gouvernement a
également œuvré à la consolidation des industries culturelles locales, via le pôle « industries
créatives » de la Direction Nationale de la Culture, en partenariat avec le Ministère de
l’Industrie et du Commerce. Deux secteurs principaux ont été visés : celui de la musique et
celui de l’édition. Concernant le secteur de la musique, un plan de renforcement du cluster de
l’industrie musicale uruguayenne a été lancé, pour dynamiser sa compétitivité, associant des
acteurs du secteur privé et public. Ce plan est passé par la réalisation d’une étude sur l’état de
l’industrie musicale uruguayenne, publiée en 2009, comprenant une liste de mesures pour
164
Ley de Cine Nº 18.284 para la creación del Insituto del Cine y el Audiovisual del Uruguay. Site internet :
http://www.icau.mec.gub.uy
165
Site de présentation de la Commission : http://www.uruguayfilmcommission.com.uy
166
Site de présentation de l’INAE : http://www.inae.gub.uy/
69
améliorer l’industrie musicale du pays (dont la création d’une Agence de l’Exportation de la
Musique Uruguayenne, le renforcement du réseau de disquaires du pays, et un meilleur
marketing à l’international)167. La DNC a également initié le Jour du disquaire, un moment de
célébration symbolique pour promouvoir la musique nationale. En 2012, 20 000 personnes
ont participé à la célébration de cette manifestation168. Des ateliers de formation, ouverts aux
acteurs du monde de la musique, ont également été financées169. Ils portaient sur le marketing
digital, le management des industries musicales, ou les droits d’auteur. En ce qui concerne le
secteur de l’édition, nous avons surtout relevé le développement de la plateforme Books from
Uruguay (BFU)170. Elle cherche à développer la vente de droits d’auteurs de livre uruguayens
pour l’édition ou la traduction en langue étrangère, en développant un catalogue qui répertorie
et diffuse les publications récentes. Tout comme pour la musique, des formations ont été
dispensées pour former au métier d’agents d’édition, à la commercialisation du livre, ou au
marché que représente Internet. Enfin, le Ministère a œuvré au renforcement de la présence
uruguayenne sur de grands festivals du livre internationaux (dont ceux de Francfort,
Guadalajara, Buenos Aires et l’Exposition de Shanghai en 2010).171
Il nous paraissait important de mettre en exergue ces quelques mesures phares, pour
montrer l’importance de l’impact de l’arrivée de la gauche - et de son système de croyance dans le soutien politique au monde de la culture. Ces mesures fortes, porteuses d’un message
clair de la part du gouvernement, sont fortement relayées dans les médias172. Elles permettent
de rapidement positionner le gouvernement comme allié imprescriptible de la culture et de se
démarquer des précédentes présidences. Facteur symbolique de démarcation politique donc,
mais qui permet aussi de renforcer le sentiment d’appartenance du monde de la culture au
parti.
167
Plan de refuerzo de la competividad - Cluster Musica Uruguay, Direccion Nacional de la Cultura, MEC
Informe de Gestión Dirección Nacional de Cultura : « Desarrollo Cultural para todos », Ministerio de
Educación y Cultura, 2010-2014
169
Plan de refuerzo de la competividad - Cluster Musica Uruguay, Direccion Nacional de la Cultura, MEC
170
Site de la plateforme : http://booksfromuruguay.com/web/
171
Informe de Gestión Dirección Nacional de Cultura : « Desarrollo Cultural para todos », Ministerio de
Educación y Cultura, 2010-2014
172
KLEIN Ricardo, « Concepto de cultura y construcción de la identidad nacional en Uruguay », in
ZAMORANO Mariano M., ULLDEMOLINS Z. Zamorano et KLEIN Ricardo ¿Hacia un modelo sudamericano
de política cultural? Singularidades y convergencias en Uruguay, Paraguay y Chile en el siglo XXI, European
Review of Latin American and Caribbean Studies, No. 96 (2014) April, pp. 5-34
168
70
En outre, ce panorama non exhaustif des actions et des programmes développés depuis
2005 permet de visualiser comment les nouveaux gouvernements ont concrètement incarné la
les nouvelles croyances et les nouveaux principes qu’ils portaient, autour de la culture et de
son rôle important dans le développement de nos sociétés. Nous pouvons élargir notre
réflexion en rappelant que le Frente Amplio est également à l’origine de grandes avancées
sociales qui, si elles ne sont pas impulsées par la Direction Nationale de la Culture, ont eu un
effet important sur la culture uruguayenne. La loi qui autorise le mariage homosexuel en 2012
ou celle qui dépénalise le cannabis en 2013 sont de bons exemples. Elles ne font pas parties
de la politique culturelle du MEC en tant que telles, dans le sens où elles touchent à d’autres
secteurs que la culture, mais elles auront, de toute évidence, un impact important sur la culture
uruguayenne.
Ces deux premières parties ont donc témoigné de l’ampleur d’un phénomène
local pour la prise en compte de la culture par les pouvoirs publics : celui de l’arrivée de la
gauche au pouvoir. Si avant 2005, il existait des politiques culturelles au niveau municipal, la
gauche a permis la naissance d’une véritable politique culturelle nationale, dans le sens où,
conçue et pilotée par l’échelon étatique central, elle s’étend désormais à tout le pays. Il ne fait
donc pas de doute que l’arrivée du Frente Amplio au pouvoir a clairement redynamisé la
politique culturelle du pays. Il a déclenché un volontarisme national de la part de l’État central
qui manquait jusqu’alors, pour faire de la culture un outil de politique publique important et
fortement soutenu. Mais cette prise en compte de la culture par les pouvoirs publics est-elle le
seul résultat d’une circonstance locale ? Cette question se pose légitimement car, depuis de
nombreuses années, de grands acteurs internationaux œuvrent à la protection et à la
promotion du soutien à la culture. L’année de l’investiture de Tabaré Vázquez correspond à
celle de la signature de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité́ des
expressions culturelles, acte majeur dans le processus de protection et de promotion de la
culture par les gouvernements locaux. Comment cette influence internationale se traduit-elle
au concret, pour le cas de l’Uruguay ? Quels sont les acteurs et les processus en œuvre ?
71
Troisième partie
L’action d’acteurs internationaux dans la construction de la politique
culturelle uruguayenne
Dans cette partie, nous analyserons donc en quoi la politique culturelle que nous
venons de décrire, si elle est portée par des acteurs nationaux, est également influencée par
toute une mouvance de la scène internationale qui œuvre à la promotion de la culture - et donc
par des processus extérieurs à l’État. Pour ce faire, nous utiliserons la notion centrale de
« transfert » 173, c’est-à-dire le fait qu’un État soit inspiré par un autre État en matière d’action
publique. Nous verrons dans un premier temps quelles sont les organisations en œuvre dans
ce processus de transferts et quels mécanismes elles utilisent. Ici, nous avons repéré deux
types d’organisations centrales : l’Unesco (1) et les organisations de coopération régionales et
ibéro-américaines (2). Dans une second temps, nous centrerons notre propos sur les transferts
de type cognitifs et verrons que ces organisations agissent directement sur le système de
croyance et sur le discours du Frente Amplio (3).
Ici, il faut bien comprendre que le fait que l’Uruguay est encore considéré comme un
« pays à revenu intermédiaire »174. Nous l’avons vu plus haut, les capacités de l’État en
matière de politique publique ne sont pas aussi développées que celles des pays du Nord. En
2005 la Direction Nationale de la Culture manque cruellement de ressources, d’outils et
d’expertise technique dans la mise en œuvre de sa politique culturelle. Ainsi, elle est d’autant
plus ouverte aux organisations extérieures qui lui offrent de l’aider à renforcer son action. Ce
statut de « pays à revenu intermédiaire » lui permet également de pouvoir bénéficier de
programmes d’aide au développement venus de l’extérieur. Il est donc particulièrement
favorable à la réalisation de ces « transferts » de l’international vers le national.
173
Pour David Dolowitz et David Marsh, un transfert est « le processus par lequel des informations et des savoirs
concernant les politiques publiques propres à un système politique – passé ou présent – sont empruntées et
utilisées dans le cadre du développement de politiques publiques dans un autre système politique ».
174
Entretien avec Gabriela Pacheco, chargée de mission au pôle culture du bureau de l’Unesco à Montevideo,
Montevideo le 27 juillet 2015.
72
I.
L’action de l’Unesco pour la prise en compte de la promotion de la
culture en Uruguay
Pour comprendre les phénomènes de transferts de l’international vers le gouvernement
national dans la construction de la politique uruguayenne, nous analyserons dans cette section
l’action d’un acteur international majeur : l’Unesco. Parce que l’organisation fait de la prise
en compte de la culture par les pouvoirs publics un enjeu majeur de son action, elle permet de
saisir les différents processus en œuvre dans l’influence de l’international et dans la
construction en dehors de l’État.
1) Présentation d’un acteur international historique majeur
Dans la construction de la politique culturelle du Frente Amplio au pouvoir, un des
acteurs majeurs dans ce phénomène de transfert de l’international vers le national est sans
aucun doute l’Unesco. Elle est la première organisation citée par les hommes politiques que
nous avons interrogés.
L’Unesco est l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la
culture. Comme son nom l’indique, elle a donc un rôle crucial dans la promotion et la
protection de la culture dans le monde. Elle est créée le 16 novembre 1945, dans le cadre des
Nations-Unies, après le grand traumatisme que fût la Seconde Guerre Mondiale175. Ainsi, sa
fonction première est avant tout de maintenir la paix dans le monde et le dialogue entre les
peuples : « l’Organisation se propose de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité en
resserrant, par l’éducation, la science et la culture, la collaboration entre nations, afin
d’assurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de l’homme et des libertés
fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, que la
Charte des Nations Unies reconnaît à tous les peuples. »176. Renforcer la paix par l’éducation,
la science et la culture donc. Cette idée répond à la volonté, de la part des acteurs de la scène
internationale, de créer une organisation qui dépasserait des accords de coopération
175
Un traumatisme qui se retrouve dans l’acte constitutif de l’Organisation, du 16 novembre 1946 : « Les
gouvernements des États parties à la présente Convention, au nom de leurs peuples, déclarent […] que la grande
et terrible guerre qui vient de finir a été rendue possible par le reniement de l’idéal démocratique de dignité,
d’égalité et de respect de la personne humaine et par la volonté de lui substituer, en exploitant l’ignorance et le
préjugé, le dogme de l’inégalité des races et des hommes »
176
Présentation de l’UNESCO sur son site Internet : http://www.unesco.org
73
économique et politique pour aller plus loin, vers la coopération culturelle. Ainsi, elle ouvre la
voie à une troisième catégorie de droits, après les droits politiques et économiques : les droits
culturels – qualifiés de droits de « troisième génération ». Pour mettre en œuvre son action,
en matière éducative, scientifique et culturelle, l’UNESCO remplit cinq grands types de
fonctions177 : 1) de laboratoire d’idées ; 2) d’organisme normatif ; 3) de centre d’échange
d’informations 4) d’organisme de développement des capacités dans les États membres dans
les domaines de l’UNESCO ; 5) de catalyseur de la coopération internationale178.
Son statut d’organisation appartenant aux Nations-Unies lui confère un pouvoir, une
légitimité et une influence importante, qui est indéniable. Aujourd’hui, elle compte 195 pays
signataires179 et elle a un budget prévisionnel de 507 millions de dollars pour la période 20142017180. Même si l’organisation s’inscrit dans une optique de réduction budgétaire importante,
depuis le départ des États-Unis, ce budget reste conséquent et lui permet la mise en place de
programmes riches et nombreux. Son siège à Paris emploie 2 000 personnes, originaires de
plus de 170 pays. L’organisation dispose également d’un réseau de 59 bureaux hors siège
partout dans le monde, qui embauchent plus de 700 personnes.181. En plus de ces bureaux, elle
compte des instituts spécialisés182, tout comme des centres et des associations et des clubs. A
Montevideo, l’UNESCO a implanté son bureau régional pour la science et la technologie. Il
est l’un des trois bureaux implantés en Amérique Latine, les deux autres étant situés à
Santiago de Chile (pour l’éducation) et à La Havane (pour la culture). Le bureau de
l’UNESCO a Montevideo a été crée en 1949, il a donc une implantation historique dans la
ville. Aujourd’hui, il embauche près de vingt personnes, donc cinq dans le service culturel.
2) La défense de la culture : une mission fondamentale
Comme nous venons de le voir, L’Unesco agit pour la promotion et la défense de
l’éducation, la science et la culture. Quels sont les principes de son action dans le domaine de
177
Plan stratégique à moyen terme pour 2008-2013
Stratégie à moyen terme, 2008-2013, UNESCO
179
Ibid
180
Résolution 37c/5 – Programme et budget approuvé pour 2014-2017, UNESCO
181
Source : représentation de la France à l’UNESCO : http://www.delegfrance-unesco.org/Fonctionnement-de-lOrganisation
182
Comme un Institut pour l’application des technologies de la science et de la communication ou pour le
renforcement des capacités en Afrique. La liste de ces instituts est consultable sur :
http://www.unesco.org/new/fr/unesco/about-us/where-we-are/institutes-and-centres/
178
74
la culture ? Pour répondre à cette question, nous nous sommes procurés le plan de stratégie à
moyen terme de l’organisation, pour la période 2008-2013 183, période qui correspond le
mieux à celle de l’action du Frente Amplio au gouvernement. Il définit les objectifs
stratégiques de l’organisation pour cette période et rappelle les grands principes qui y sont
associés.
Dans un premier temps, il est intéressant de constater que la culture n’est que l’objectif
qui arrive en quatrième position (après l’éducation, le développement durable et l’éthique).
De plus, si nous analysons le budget prévisionnel de l’UNESCO pour 2014-2017 184 :
l’investissement dans l’éducation représente 117 964 600 dollars, celui dans les sciences 95
601 100 dollars tandis que le budget alloué à la culture n’atteint que 54 121 700 dollars. La
culture ne paraît donc pas être la priorité de l’organisation. Dans un deuxième temps, nous
avons étudié les principes de l’organisation, relatifs à la défense de la culture. Son objectif
général est de « promouvoir la diversité culturelle, le dialogue interculturel et une culture de
la paix »185 pour « la prise en compte du rôle essentiel de la culture dans le développement
ainsi que de la promotion et de la protection de la diversité culturelle dans les cadres
internationaux et les plans nationaux de développement. »186. Cet objectif général se décline
en sous-objectifs stratégiques, dont « renforcer la contribution de la culture au développement
durable » et « protéger et valoriser le patrimoine culturel de manière durable : qu’il soit
matériel ou immatériel ». L’effet recherché de ces objectifs est : « l’intégration des principes
de la diversité culturelle et du développement culturel dans les politiques, mécanismes et
pratiques aux niveaux national et régional ». Nous comprenons donc que l’Unesco cherche
directement à influer sur les législations et les programmes nationaux de ses pays membres.
De cette analyse, nous tirerons deux conclusions. D’abord, que pour l’Unesco, la
culture apparaît comme facteur de paix et de dialogue entre les peuples, mais aussi de
développement. La culture, comme facteur de développement pour les pays du Sud, est un
élément fondamental dans le discours de l’organisation. Cette focale est liée à son implication
dans la réussite des Objectifs du Millénaire pour le Développement, huit grands objectifs
humanitaires adoptés par les Nations-Unies, pour lutter contre la pauvreté. Ainsi, elle n’hésite
pas à déclarer : « la diversité culturelle est une force motrice du développement, non
183
Stratégie à moyen terme, 2008-2013, UNESCO
Résolution 37c/5 – Programme et budget approuvé pour 2014-2017, UNESCO
185
Stratégie à moyen terme, 2008-2013, UNESCO
186
Ibid
184
75
seulement en ce qui concerne la croissance économique, mais aussi comme moyen de mener
une vie intellectuelle, affective, morale et spirituelle plus satisfaisante. » 187.
Comment l’Unesco agit-elle pour réaliser cette mission et pour influer sur le
gouvernement uruguayen ?
3) Les moyens d’action de l’organisation
a) Un outil normatif : les conventions
Pour mettre en œuvre sa mission de promotion de la culture, les outils principaux de
l’Unesco sont les sept conventions auxquelles elle a donné naissance depuis 1971 et que nous
a énumérés Gabriela Pacheco, chargée de mission au pôle culture du bureau de l’Unesco à
Montevideo188 :
-
Convention universelle sur le droit d’auteur (1952, révisée en 1971);
-
Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (1954)
(premier protocole en 1954, second protocole en 1999);
-
Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation,
l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels (1970);
-
Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel (1972);
-
Convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique (2001);
-
Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003);
-
Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles
(2005).
Ces conventions ont un caractère normatif, dans le sens où les États qui les signent
s’engagent à en respecter les principes en prenant les mesures nécessaires à leur réalisation.
Pour illustrer cette valeur normative des conventions de l’Unesco, nous pouvons prendre
l’exemple de la Convention sur la sauvegarde du Patrimoine Immatériel, qui demande à ce
que « chaque Etat partie dresse, de façon adaptée à sa situation, un ou plusieurs inventaires du
187
Stratégie à moyen terme, 2008-2013, UNESCO
Entretien avec Gabriela Pacheco, chargée de mission au pôle culture du bureau de l’Unesco à Montevideo,
Montevideo le 27 juillet 2015.
188
76
patrimoine culturel immatériel présent sur son territoire » 189. Cependant, il convient de
préciser que ces conventions ne sont en aucun cas coercitives. Cette absence de pouvoir
coercitif est liée à la volonté de respecter la souveraineté des État, un principe à la base du
travail de l’organisation, que Gabriela Pacheco n’aura de cesse de nous répéter tout au long de
son entretien. Aussi, si les États n’appliquent pas les principes qu’ils se sont engager à
respecter en signant la convention, ils ne risquent rien, si ce n’est un discrédit sur la scène
internationale. Mais si l’Unesco ne peut pas forcer de manière coercitive les gouvernements à
appliquer ses conventions, elle dispose de tout un panel d’outils pour influer sur leur action,
que nous allons mettre en évidence.
b) Les commissions nationales
Pour diffuser son message autour de l’importance de la diversité culturelle auprès du
gouvernement, nous avons repéré un acteur clé que sont les commissions nationales de
l’Unesco. Ce sont des organismes de coopération directement intégrés dans les
gouvernements nationaux, pour faire le lien entre l’organisation et le gouvernement. Plus
précisément, les commissions nationales : « a) coopèrent avec leur gouvernement et les
services, organisations, institutions et personnalités intéressés aux questions relevant de la
compétentes de l’UNESCO ; b) encouragent la participation des institutions nationales,
gouvernementales et non gouvernementales et de personnalités diverses à l’élaboration et à
l’exécution des programmes de l’UNESCO, de manière à faire bénéficier l’Organisation de
tous les concours intellectuels, scientifiques, artistiques ou administratifs qui lui sont
nécessaires c) diffusent des informations sur les objectifs, le programme et les activités de
l’UNESCO et s’efforcent d’y intéresser l’opinion publique. »190
En Uruguay, la commission nationale de l’Unesco est établie dans les bureaux du
Ministère de l’Education et de la Culture et elle est composée par des membres du Ministère.
Pour Gabriela Pacheco, cette commission est très importante car « c’est notre interface directe
avec le MEC et à chaque fois que nous voulons faire quelque chose nous demandons l’aval de
la commission ». Elle permet donc d’établir un contact et un dialogue direct et permanent
189
190
Article 12. 1. Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003)
Article Premier de la Charte sur les Commissions nationales pour l’Unesco
77
entre l’organisation et le gouvernement : c’est le vecteur principal de diffusion des « normes
culturelles » de l’Unesco.
c) La mise en place de programmes d’aide
Les conventions sont également importantes dans le sens où elles débloquent des
fonds, qui permettent la réalisation de programmes et d’action concrètes pour permettre leur
application.
Pour prendre l’exemple de la Convention sur le patrimoine immatériel, Gabriela
Pacheco nous explique que la loi uruguayenne définit seulement le patrimoine comme une
ressource matérielle et palpable. La notion de « patrimoine immatériel » n’est donc pas
maîtrisée par les hommes politiques. Ainsi, l’organisation a cherché sensibiliser et à
familiariser les acteurs gouvernementaux à cette notion, pour qu’ils puissent l’appliquer.
Grace au fond de pour l’application de la Convention, le bureau a pu mettre en place le
programme « Patrimonio Vivo »191, qui proposait des modules et des séminaires de formation
pour sensibiliser à « qu’est-ce que le patrimoine immatériel ? ». Ces formations s’adressaient
directement aux gouvernements, aux directeurs de grandes institutions culturelles et à la
société civile, qu’ils soient uruguayens, paraguayens ou argentins. Une fois le gouvernement
sensibilisé, l’Unesco a également mis à disposition des gouvernements une expertise
technique et juridique, pour modifier les lois nationales. Dans le cas de l’Uruguay, ces experts
travaillent de concert avec la Commission uruguayenne du Patrimoine Culturel de la Nation à
l’élaboration d’une nouvelle loi. Pour l’instant, seul un projet de loi a été rédigé, auquel nous
avons eu accès. Il est intéressant de constater que, dans son article premier, la loi définit le
patrimoine culturel comme étant aussi immatériel : « tous les biens matériels et immatériels
auxquels la société attribue une valeur significative d’intérêt historique, artistique, culturel
dans un sens large »192. Ainsi, à travers le programme, l’Unesco a réussi a influer directement
sur la loi uruguayenne.
Dans la mise en œuvre de la politique culturelle par le Frente Amplio, un autre
programme important a également été mis en place : le programme Viví Cultura, pour « le
191
Projet Patrimonio Vivo, rapport sur le Séminaire 1 « Application de la Convention pour la sauvegarde du
patrimoine culturel immatériel ».
192
Cf. Annexe 7 - Article 1 du projet de loi sur le patrimoine culturel de la Nation uruguayenne
78
renforcement des industries culturelles et l’amélioration de l’accès aux biens et services
culturels en Uruguay », coordonné par l’Unesco. Ce projet a été présenté par l’organisation au
Fond pour la réussite des objectifs du Millénaire pour le développement et a permis de
débloquer 6 648 000 dollars 193. Il a été réalisé en collaboration avec le gouvernement
uruguayen : « avant de mettre en place le projet, nous avons eu toute une phase de dialogue
avec le gouvernement pour étudier les besoins et les nécessités »194. Ce projet a participé au
financement des Usines et des Fabriques Culturelles que nous avons décrites dans la seconde
partie de ce mémoire. Il a également permis l’achat d’équipement technologique pour la
Direction Nationale de la Culture et l’embauche de deux assistants techniques pour le
département des industries créatrices. Une autre réalisation importante de ce programme a été
le développement d’un Système d’Information Culturel pour permettre aux acteurs de la
culture un accès aux informations concernant les industries culturelles du pays et donc
« d’aider à la prise de décision »195. Il se présente sous la forme d’un document de cent treize
pages, qui apportent des informations sur les grands secteurs culturels du pays : l’audiovisuel,
la musique, l’édition, le design, les musées, et les arts scéniques (les acteurs, les chaines de
valeurs, les données chiffrées…). A travers ce programme, réalisée entre 2008 et 2011, nous
constatons donc que l’Unesco a directement influé sur la construction de la politique
culturelle uruguayenne, en offrant un apport financier et technique à la Direction Nationale de
la Culture et en participant à cette institutionnalisation, que nous avons décrite précédemment.
4) Une action qui s’inscrit dans une mouvance internationale généralisée
Il faut également de constater que cette action de l’Unesco est symptomatique de toute
une mouvance internationale générale, portée par des acteurs de la coopération et de la
solidarité pour faire reconnaître la culture comme facteur de développement. Ces grandes
organisations de l’aide au développement prêchent tout un discours autour de la « bonne
gouvernance », dont la prise en compte de la culture dans les politiques publiques fait partie.
Ce discours sur l’intégration de la culture comme ressource stratégique de développement
s’est imposé petit à petit et répond à un processus historique de mise à l’agenda politique. En
effet, rappelons ici qu’au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, le développement est
193
Rapport d’évaluation du programme, Sandra Cesilini Walter Meneéndez Marisa Diaz, Novembre 2011
Entretien avec Gabriela Pacheco, chargée de mission au pôle culture du bureau de l’Unesco à Montevideo,
Montevideo le 27 juillet 2015.
195
Rapport d’évaluation du programme, Sandra Cesilini Walter Meneéndez Marisa Diaz, Novembre 2011
194
79
seulement envisagé d’un point de vie économique, sous un angle très capitaliste. Dans le
contexte du « consensus de Washington », des acteurs comme la Banque Mondiale et le FMI
lancent de grands programmes d’ajustement structurel, accompagnés de mesures pour
libéraliser les échanges mondiaux et les investissements privés. Cependant, dans les années
1990, les conséquences de ces modèles de développement sont sévèrement critiquées. En
Amérique Latine, les pays surendettés n’arrivent pas à rembourser les programmes : c’est la
« décennie perdue ». La critique est d’autant plus sévère concernant la diversité culturelle.
C’est ainsi qu’est apparue la sacro-sainte notion de « développement durable » comme
réponse à cet échec, dont l’avènement a été marqué par la publication du rapport de la
Commission mondiale sur l’environnement et le développement, le rapport de Brutland en
1987. Il met l’accent sur la nécessaire prise en compte de la préservation de l’environnement
dans le développement économique. Le monde du développement et de la coopération
internationale a donc considérablement modifié son discours, avec le concours d’économistes
comme Amartya Sen196 qui rejette la seule dimension monétariste de la pauvreté. Il faudra
attendre quelques années de plus pour que la notion culturelle du développement soit prise en
compte. Ici, plusieurs dates sont importantes, dont notamment le Sommet de Johannesburg en
2002, qui a lancé l’idée de la culture comme quatrième pilier du développement durable - à
côté du pilier social, économique et environnemental. En 2004, un rapport important est
également publié par le PNUD, « La liberté culturelle dans un monde diversifié », insistant
sur l’importance de la prise en compte de la diversité culturelle dans les politiques de
développement. La même année, l’Agenda 21 de la Culture est adopté à Porto Alegre,
premier document mondial pour la prise en compte de la culture à l’échelle municipale,
donnant naissance à la Commission Culture de l’association mondiale Cités et
Gouvernements locaux unis (CGLU). Enfin, un dernier élément important de cette prise de la
culture dans l’agenda du développement a été la création, en 2006, du Fond pour la réussite
des Objectifs du Millénaire pour le développement, avec un volet « culture et
développement », doté d’une enveloppe de 95 millions de dollars, dont l’Uruguay a
directement bénéficié au travers du projet Viví Cultura. L’action de l’Unesco que nous venons
de décrire n’est donc pas isolée sur la scène internationale et elle a trouvé un écho important
dans le monde de l’aide du développement et de la coopération internationale, encore en
progression.
196
BERTIN Alexandre, SEN Amartya, L’approche par les capabilités d’Amartya Sen, Une voie nouvelle pour le
socialisme libéral, Cahier du Gretha, n°2008-9, 2011, 16p.
80
Cette section nous a donc permis de comprendre comment une organisation
internationale telle que l’Unesco a directement influé sur la construction de la politique
culturelle uruguayenne. Nous l’avons vu, l’action de l’Unesco, si elle est avant-gardiste,
s’inscrit dans une mouvance plus générale du monde du développement pour faire intégrer
l’investissement dans la culture dans les politiques publiques. Dans ce phénomène de transfert
de l’international vers le national, nos recherches ont mis en évidence un autre processus
important : celui de la régionalisation.
81
II.
L’action de la régionalisation et la coopération ibéro-américaine
Dans l’analyse de l’influence de la scène internationale vers le national pour la
construction de la politique uruguayenne, nous avons constaté deux autres vecteurs de
transferts très important : la régionalisation (1) et la coopération ibéro-américaine (2). Ces
deux éléments ont en commun de favoriser les échanges entre des pays qui sont proches
culturellement et qui partagent deux langues : l’espagnol et le portugais. Cependant, la
régionalisation est spécifique aux pays appartenant exclusivement au continent latinoaméricain et répond donc uniquement à un dialogue Sud-Sud. La coopération ibéroaméricaine, elle, inclue également le Portugal et l’Espagnol et présente donc à des enjeux
Nord-Sud. Dans cette section nous verrons comment ces processus de coopération, dont les
dynamiques sont différentes, influent sur la construction de la politique culturelle
uruguayenne et quels sont les acteurs en jeu.
1) L’intégration régionale
L’intégration régionale est le processus politique qui « lie des pays géographiquement
proches entre lesquels les relations économiques tendent à s’affranchir des frontières
politiques pour favoriser la formation de marchés intégrés »197. L’intégration politique et
économique des États de l’Amérique Latine est un fait indéniable de l’histoire du continent.
Depuis le milieu des années 1980, nous constatons en effet un accroissement importants des
accords pour faciliter les échanges entre les pays latino-américains, qu’ils soient bilatéraux ou
multilatéraux 198 . Il a été rendu possible par un contexte général de mondialisation, de
libéralisation financière de l’économie et de croissance du commerce mondial dans les années
1990, prôné par des acteurs tels que l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), de
grandes firmes transnationales et globales ainsi que la libéralisation financière de
l’économie199. Pour les pays du continent, le développement des accords de régionalisation
s’inscrit donc dans une perspective d’intégration dans la mondialisation et dans une stratégie
d’ouverture sur l’extérieur pour la promotion des exportations. La régionalisation est donc
197
SIROEN Jean-Marc, La régionalisation de l’économie mondiale, Paris : La découverte, Collection Repères,
128p.
198
DABENE Olivier, « L’intégration régionale en Amérique latine : le Mercosur », in Les Etudes du CERI, n°8,
1995, 41p.
199
HUGON Philippe, « Dix ans de politique de développement économique : échec ou réussite ? » in Revue
internationale et stratégique, n° 41, 2001, 224 p.
82
perçue comme « un vecteur d’insertion compétitive dans les marchés mondiaux »200. Dans ce
processus de régionalisation, l’Uruguay a toujours été un acteur majeur. En effet, ce petit
pays, coincé entre deux grandes puissances que sont l’Argentine et le Brésil, ne dispose pas
d’un grand marché intérieur. Cette caractéristique entraine également une grande dépendance
de l’État sur l’extérieur puisque le pays ne dispose pas de grandes ressources naturelles et
donc d’une grande variété de produits primaire. Cela l’oblige à s’ouvrir sur le monde pour
renforcer ses débouchés économiques.
Il convient également de constater que dans ce processus d’intégration, la question
culturelle semble être la nouvelle problématique de cette dernière décennie. Elle fait face à
l’importance de l’hégémonie culturelle des États-Unis en Amérique Latine et la grande
influence du pays dans la consommation culturelle. Ainsi, pour renforcer l’indépendance des
industries culturelles nationales, l’intégration de politiques culturelles est devenue un sujet de
préoccupation important. A titre d’exemple, dans un discours d’ouverture d’un colloque sur
les politiques culturelles, le secrétaire général de l’ALADI déclare : « la richesse culturelle de
notre continent, héritage des triomphes et des vicissitudes de notre histoire, a souffert de
processus de syncrétisme, d’assimilation et de transformation avec la culture occidentale »201.
Pour George Yúdice, « aujourd’hui on demande à la culture ce que hier on demandait à la
politique ou à l’économie »202.
En quoi cela impacte-t-il la construction des politiques
culturelles nationales ? Pour répondre à cette question, nous analyserons l’action de trois
acteurs régionaux majeurs : l’ALADI, le Mercosur et l’OEA, en mettant en évidence quels
sont les outils qu’ils développent pour promouvoir la protection de la culture et le
développement culturel.
a) L’ALADI
L’ALADI, l’Association Latino-américaine d’Intégration, est créée en 1980 par le
Traité de Montevideo et réunit 13 États d’Amérique Latine et d’Amérique Centrale.203 Son
200
HUGON Philippe, « Dix ans de politique de développement économique : échec ou réussite ? » in Revue
internationale et stratégique, n° 41, 2001, 224 p.
201
Cf. Annexe 9 - Discours d’ouverture d’un séminaire organisé par l’ALADI sur l’importance de l’intégration
des industries culturelles en Amérique Latine
202
YUDICE George, El recurso de la cultura. Usos de la cultura en la era global. Barcelona: Gedisa, 2002,
480p.
203
Les pays membres de l’ALADI sont : le Mexique, l’Équateur, la Colombie, le Venezuela, le Pérou, le Chili, le
Brésil, la Bolivie, le Paraguay, l’Uruguay, l’Argentine, Cuba et le Panama.
83
objectif est : « la promotion et la régulation du libre-échange, l’échange économique et le
développement d’actions économiques qui permettent le développement des marchés »204.
Son action est donc largement restreinte au champ de l’intégration économique. Cet acteur,
fondamental dans le développement de la régionalisation du continent, a d’ailleurs établi son
siège à Montevideo. Cette position souligne à quel point l’Uruguay est un pays important
dans le processus de construction de l’organisation.
En ce qui concerne son action culturelle, il faut constater que le processus
d’intégration de l’ALADI n’est pas resté étranger à la question culturelle. En effet, en 1997,
les pays membres ont signé un accord régional sur la coopération et l’échange de biens dans
les domaines de la culture, de l’éducation et de la science205. Il a deux objectifs : la création
d’un marché commun de biens et de services culturels, certes, mais aussi le développement de
la coopération éducative, culturelle et scientifique pour « améliorer le niveau d’éducation, de
formation et de connaissance réciproques des peuples de la région »206. Cependant, nos
recherches ont abouti à la conclusion que ce deuxième objectif est finalement peu appliqué.
En effet, l’action de l’organisation pour le développement de la coopération culturelle reste
très symbolique. Le seul fait marquant que nous avons relevé est la création de la Journée du
Cinéma, de l’Intégration et de la Culture en 2015 et l’organisation d’un séminaire
international sur les politiques et l’industrie culturelle, que nous analyserons dans une section
ultérieure.
b) Le Mercosur
Au contraire, le Mercosur semble plus entreprenant en terme de coopération culturelle.
L’organisation est née du traité pour la constitution d’un Marché Commun du Sud entre
l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay, signé le 26 mars 1991 à Asunción.
Aujourd’hui, la Bolivie et le Venezuela en font également partie. Le MERCOSUR est
particulièrement important dans le processus d’intégration culturelle, dans le sens où il va plus
loin que la recherche d’une simple intégration économique : il a également un objectif
politique de consolidation démocratique. En effet, le traité d’Asunción établit que : « la libre
204
Article Premier, Traité de Montevideo, 1980
Accord Régional n°7 sur la coopération et l’échange de biens dans les domaines de la culture, de l’éducation
et de la science, 1997
206
Décret pour l’application de l’accord régional n°7, de coopération et d’échange de biens dans le domaine
culturel, économique et scientifique, 1997
205
84
circulation des biens, services et des facteurs productifs entre les pays dans l'établissement
d'un arsenal externe commun et l'adoption d'une politique commerciale commune, la
coordination de politiques macroéconomiques et sectorielles entre les États et l'harmonisation
des législations pour atteindre un renforcement du processus d'intégration »207.
En terme de politique culturelle, le Mercosur adopte en 1996 le protocole d’Intégration
Culturelle du Mercosur, où le principe du « respect de la diversité culturelle » est posé208. Il a
donné naissance au Jour du Patrimoine culturel, le 17 septembre. Nous constatons donc que,
contrairement à l’ALADI, le Mercosur dépasse largement la sphère économique. Le protocole
oblige les Ministres de la Culture de chaque pays membre à se réunir chaque année. Il permet
également l’organisation de séminaires et de colloques sur la coopération économique et
culturelle et le financement de publications croisées sur les industries culturelles de ces pays
membres. D’autres mesures importantes sont à relever, comme la création d’un Centre de
Documentation Musicale du Mercosur ou la mise en place d’un Prix Annuel pour les
créateurs, les réalisateurs, les écrivains, les artistes plasticiens. Enfin, le Mercosur a donné
naissance au SICSUR, le Système d’Information du Mercosur. Le SICSUR œuvre à la
collecte de données culturelles de ces pays membres. Par exemple, il recense pour chaque
pays la part de la culture dans le PIB national, le budget national de la culture…etc. Il a
également permis la construction d’une « carte culturelle » consultable en ligne209, qui recense
les principaux sites classés Patrimoine Mondial de l’Humanité, les salles d’exposition et les
salles de cinéma des États qui ont rejoint l’organisation. En outre, il répertorie les principales
lois en lien avec le secteur culturel de ces pays membres. Enfin, le SICSUR a permis
l’élaboration de publications croisées comme un ouvrage de recherche sur le niveau
d’institutionnalisation de la culture de ses pays membres. De telles mesures sont des outils qui
renforcent les politiques culturelles de pays membres de l’organisation. En effet, grâce à ses
indicateurs, les États peuvent construire des programmes, évaluer leurs effets et formuler des
objectifs. Elles permettent également de comparer les expériences et sont donc des vecteurs
d’influence mutuelle dans la construction de politiques publiques pour la prise en compte de
la culture en Amérique Latine.
207
Traité Asunción pour l’établissement du Mercosur, 26 mars 1991
PALLLINI Verónica, Mercosur cultural : reflexiones acerca de la dimensión cultural de la integración,
Buenos Aires : IDES, Instituto de Desarrollo Económico y Social (Coll Cuadernos para el Debate), 2001, 31p
209
Consultable sur : http://www.sicsur.org/mapa/index.phpq
208
85
Enfin, il convient de constater que le Mercosur Culturel est particulièrement actif
depuis 2010, où il établit ses bureaux dans le Ministère de la Culture argentin. Depuis, il
s’institutionnalise fortement, avec l’élaboration d’une structure organique et d’un règlement
interne. Il a aujourd’hui plusieurs organes exécutifs210 : le Comité Coordinateur Régional
(CCR), le Secrétariat du Mercosur (SMC), la Commission du Patrimoine Culturel (CPC), la
Commission de la Diversité Culturelle (CDC), la Commission de l’économie créative et des
industries culturelles et le Système d’information Culturel du Mercosur (le SICSUR). La
coopération culturelle du Mercosur est donc encore dans une dynamique de développement et
risque de croître singulièrement les prochaines années.
c) L’OEA et de la Commission Interaméricaine de la Culture
Enfin, la dernière organisation d’intégration régionale à influer dans la prise en
compte de la culture par les pouvoirs publics est l’Organisation des Etats d’Amérique (OEA).
Crée en 1948 à Bogota pour « un ordre de paix et de justice, de maintenir leur solidarité, de
renforcer leur collaboration et de défendre leur souveraineté, leur intégrité territoriale et leur
indépendance ».211 Elle regroupe aujourd’hui les 35 États présents sur l’ensemble du territoire
américain. Le fondement de l’action de l’OEA n’est pas l’intégration économique mais la
promotion des droits de l’homme. Elle cherche ainsi à garantir la paix et la sécurité sur le
continent et à consolider la démocratie.
Cet organisme participe activement au développement de l’intégration culturelle en
Amérique Latine. En effet, elle a un pôle « culture », au sein du département « culture et
éducation » de l’organisation. Ce pôle affirme « l’importance des expressions culturelles
pour le développement économique et sociale des peuples »212. Ces grands axes d’actions
prioritaires sont : a) la culture, l’identité et la diversité culturelle, b) la culture et le
développement, c) la préservation et la protection du patrimoine culturel 213. Ici, il faut
constater que ces expressions font directement écho à ceux de l’Unesco ou du Frente Amplio.
Le rôle de l’action culturelle de l’OEA est celui de développer l’échange d’idées,
210
Présentation du Mercosur Cutural sur son site internet : http://www.cultura.gob.ar/acciones/mercosur-cultural/
Article premier de la Charte de l’OEA, 1951
212
Présentation de l’organisation sur son site internet : http://www.oas.org/fr/a_propos/qui_nous_sommes
213
Ces thèmes prioritaires sont présentés sur le site Internet de la Commission :
211
86
d’expériences et de bonnes pratiques dans l’élaboration des politiques culturelles. Pour ce
faire, elle réalise des ateliers sur les échanges d’expérience et produit chaque année un
portfolio des programmes à succès en matière d’action culturelle. Ce portfolio « offre
l’opportunité aux États de membres de partager, d’apprendre et d’adapter leur programmes et
leur pratiques culturelles ». Ils font toujours l’objet de publications téléchargeables sur son
site internet, pour permettre une meilleure diffusion. Chaque année, elle organise également
des réunions pour faire le point sur la prise en compte de la culture dans les politiques
publiques de ses pays membres, qui rassemble des Ministres et des Autorités de la Culture de
ces pays-membres. En 1998, l’OAE a également accouché de la Commission Interaméricaine
de Culture (CIC), organe permanent technico-politique de discussion et de prise de décisions
dans le domaine de la culture. Enfin, l’OEA a permis la création de Banque Interaméricaine
de Développement, qui a elle même développé le Programme Régional de Développement
Culturel, depuis 1994. Il permet de financer des projets pour développer la protection du
patrimoine culturel, des archives, du folklore, de l’artisanat et de la musique. En Uruguay, par
exemple, il a permis la création du Centre d’Art Textile Uruguayen.
Ainsi, nous constatons un processus certain d’intégration culturelle entre les États
d’Amérique, développé avec le phénomène de régionalisation. En offrant des programmes de
financements et une aide technique à la réalisation de la politique culturelle, elle aboutie à des
dynamiques d’harmonisation et d’imitation, qui se retrouve dans l’action culturelle du Frente
Amplio au pouvoir.
2) La coopération culturelle ibéro-américaine, un autre vecteur d’influence
La dernière catégorie d’acteurs internationaux qui a pu influer dans la construction de
la politique culturelle uruguayenne sont les acteurs de la coopération ibéro-américaine. En
effet, en terme d’échange culturel, les relations entre la péninsule ibérique et l’Amérique
Latine sont historiquement très fortes. Rappelons ici que l’Espagne et le Portugal ont été les
deux principaux colonisateurs du continent. Une colonisation qui a laissé des traces
culturelles indéniables et qui a permis le développement de processus de coopération
culturelle entre les pays ibéro-américains.
87
A titre d’exemple à Montevideo, l’AECID (l’Agence de Coopération Espagnole pour
le développement) est très influente. Elle mène de nombreux projets et a implanté un centre
de formation dans Montevideo qui « contribue au développement des capacités des
institutions publiques des pais d’Amérique Latine, à travers la formation de ses
fonctionnaires ». Elle influe donc directement sur les politiques publiques du pays. La
coopération espagnole également construit un centre culturel très influent dans la capitale, qui
a ouvert ses portes en 2010214. Il permet la réalisation d’expositions, mais aussi l’organisation
de conférences et de séminaires de formation. Ces séminaires, souvent destinés à des
gestionnaires du monde de la culture, permettent de professionnaliser le secteur. En plus
d’influer sur le secteur culturel du pays, la coopération espagnole réalise également des
projets en partenariat avec le MEC, grâce à fonds des financements. Nous pouvons donner
l’exemple de deux projets : un programme pour renforcer le niveau d’institutionnalisation des
musées uruguayens, d’un budget de 910 000 dollars215. Il a permis de financer en partie la
réouverture du Musée d’art contemporain, que nous avons évoqué plus haut. Le deuxième
programme « Politiques culturelles inclusives et communication scientifique », lui, bénéficiait
d’un budget de 370 000 euros216. Ce projet, réalisé entre 2007 et 2010, a permis de collaborer
à l’élaboration d’un plan national pour la culture avec les fonctionnaires de la Direction
Nationale de la Culture, via des séminaires de formations. Il a également mis en place un plan
national de sauvegarde du patrimoine culturel, qui a permis le recensement de toutes les
expressions culturelles du pays considérées comme appartenant au patrimoine de la Nation.
Mais en plus de ces relations bilatérales de coopération entre l’Espagne et l’Uruguay,
il existe également des organisations de coopération entre tous les États ibéro-américains,
pour la promotion de la culture. La plus importante d’entre elles est sûrement l’Organisation
des Etats d’Ibéro-américains pour l’Education, la Science et la Culture. Cette organisation a
spécifiquement été créée pour le développement culturel de ses États membres. Sa naissance
remonte à l’année 1949 et elle est la plus ancienne des organisations de coopération ibéroaméricaine. Elle compte vingt-quatre pays membres à l’heure d’aujourd’hui. Le siège central
de l’Organisation est basé à Madrid et l’organisation compte dix-sept bureaux régionaux, dont
un à Montevideo. Son objectif est : « la connaissance, la compréhension mutuelle,
214
Site internet du Centre Culturel d’Espagne à Montevideo : http://www.cce.org.uy
Informe de Gestión Dirección Nacional de Cultura : « Desarrollo Cultural para todos », Ministerio de
Educación y Cultura, 2010-2014
216
Rapport d’évaluation du projet
215
88
l’intégration, la solidarité, la paix entre les peuples ibéro-américains à travers l’éducation, la
science, la technologie et la culture »217. Chaque année, elle organise la « Conférence ibéroaméricaine de la Culture ». Le premier sommet a eu lieu en 1991, pour « consacrer la
reconnaissance politique de l’existence d’une communauté, d’un espace commun ibéroaméricain, qui d’année en année s’est doté d’une force et d’une richesse de contenu »218. Cette
conférence permet aux responsables politiques de la culture de tous les pays membres de
l’association de dialoguer, d’échanger et donc de s’influer mutuellement. De plus,
l’organisation chapeaute l’Observatoire Ibéro-américain de la Culture. Cet observatoire
ressemble au SISCUR : il permet d’actualiser et de recenser des données et des informations
sur le secteur culturel de ses pays membres, comme la réalisation d’enquêtes sur la
consommation culturelle de ses pays membres. Il a également permis l’élaboration des
« comptes satellites de la culture », pour évaluer l’apport de l’économie culturelle dans le
développement économique des pays. Ce programme, comme nous l’avons vu, a été repris
par le Frente Amplio, qui en a fait une mesure phare de la Direction Nationale de la Culture.
Ici, nous constatons que la production de données chiffrées permet de légitimer la mise en
place de politiques publiques de soutien à la culture. C’est un processus qui a largement été
étudié par la science politique. Alain Desorsières, par exemple, montre qu’aujourd’hui la
politique est « gouvernée par les nombres » et que l’émergence de l’État néolibéral, avec ses
objectifs de rendements, a développé la statistique pour en faire « un outil de preuve et de
gouvernement ».219
Enfin, il convient également de relever l’influence d’une dernière organisation très
importante : le Secrétariat Général Ibéro-américain (SEGIB). Elle est née du huitième congrès
des chefs d’états et de gouvernements ibéro-américains, à Santa Cruz en 2003. La SEGIB
accorde une place fondamentale à la coopération culturelle, comme en témoigne la création de
l’Espace Culturel Ibéro-américain par l’organisation, qui coordonne quatorze programmes de
soutien à la culture, les programmes « Ibers »220. Cet espace est d’ailleurs né d’un sommet qui
s’est déroulé en 2006 à Montevideo. Dans son rapport sur la coopération Sud-Sud en
Iberamérique pour l’année 2012, elle déclare que « la coopération culturelle a été un des axe
217
Statuts de l’Organisation, disponible sur son site Internet : http://www.oei.es/estatutos.php
Présentation de la Conférence Ibéro-américaine, sur son site Internet : http://segib.org/es/node/12
219
DESORSIERES Alain, Gouverner par les nombres. L’argument statistique II, Paris : Presses de l’Ecole des
mines (coll. Sciences sociales), 2008, 336 p.
220
Rapport de coopération Sud-Sud en Ibéramérique, SEGIB, 2012
218
89
les plus développés de la coopération en 2011 ». Les « programmes ibers » sont très
importants dans le soutien à la politique culturelle du Frente Amplio et ont été cités par les
hommes politiques que nous avons interrogés. Trois programmes apparaissent de la rapport
de gestion de la direction nationale de la Culture : les programmes « Iberescena »,
« Ibermuseos » et « Ibermúsica » 221 . Ils ont permis de soutenir la politique culturelle
uruguayenne dans trois secteurs : 1) le renforcement de la formation de professionnels, via
des séminaires de formation, 2) le renforcement de la circulation et la promotion de biens
dans les domaines des différents programmes (comme le financement direct de spectacles ou
de disques), 3) le soutien de manifestations culturelles en lien avec les différents programmes
(tel que l’organisation de festivals internationaux).
Ainsi, nous comprenons que l’Unesco et le monde du développement, tout comme les
acteurs de la coopération régionale ou ibéro-américaine, permettent la réalisation de
financements et de programmes d’aide pour promouvoir la prise en compte de la culture par
les pouvoirs publics. Autant d’apports matériels et techniques qui ont influé sur la politique
culturelle uruguayenne. Nous allons maintenant constater que l’action de ces organismes a
également un impact cognitif, via l’imposition d’une « norme culturelle » 222 autour de
l’importance de la protection de la diversité culturelle en Amérique Latine, qui se retrouve
jusque dans le discours du Frente Amplio.
221
Informe de Gestión Dirección Nacional de Cultura : « Desarrollo Cultural para todos », Ministerio de
Educación y Cultura, 2010-2014
222
HEGER BOYLE Elizabeth, MEYER John W., « Modern Law as a Secularized and Global Model:
Implications for the Sociology of Law », in DEZALAY Yves, GARTH Bryant, Global Prescription. The
Production, Exportation, and Importation of a New Legal Orthodoxy,, University of Michigan Press, 2002, p.
65-95
90
III.
L’impact de ces processus sur le système de croyance du Frente Amplio
Il est intéressant de constater que l’action des différents organismes que nous venons de
décrire, qu’ils soient internationaux ou régionaux, paraît agir directement sur le discours du
Frente Amplio et sur le « noyau dur » et le « noyau superficiel » de la nouvelle politique
culturelle uruguayenne. En effet, l’importance de la protection de la diversité culturelle,
qu’elle soit matérielle ou immatérielle, portée par ces acteurs, est un discours que nous avons
retrouvé dans le système de croyance du gouvernement, décrit dans les premières pages de ce
mémoire. Dans cette section, nous nous sommes attachés à définir le processus en œuvre
pour caractériser cette influence cognitive. Tout d’abord, nous décrirons le processus
d’instauration d’une « communauté épistémique » par les acteurs de la scène internationale
(1). Puis nous verrons que cette communauté entraine l’imposition d’une « norme culturelle »
autour de l’importance de la protection de la diversité culturelle par les pouvoirs publics (2).
Enfin, nous constaterons que cette norme se retrouve très clairement dans le discours du
Frente Amplio (3).
1) Le développement d’une « communauté épistémique »
Avec la mondialisation et le développement des relations internationales, nous
constatons un phénomène de circulation des idées politiques entre les États. Les
gouvernements se comparent, les élites se rencontrent et des « solutions d’action publique »
en matière culturelle sont échangées. Pour qualifier ce processus, nous ferons appel à la
notion de « communauté épistémique », définie par Peter Haas, qui désigne « les canaux par
lesquels de nouvelles idées circulent des sociétés vers les gouvernements, et d’un pays à
l’autre »223. Pour l’auteur, ces réseaux permettent d’influer cognitivement dans la construction
d’une politique publique, via des « formes d’apprentissage institutionnelles »224. Dans les
deux sections précédentes, nous avons constaté la constitution d’une « communauté
épistémique » autour de la prise en de la culture en Amérique Latine. Elle est composée,
d’une part, par les experts internationaux des organisations que nous avons décrites, et d’autre
part, par les élites politiques de leurs pays membres. Elle s’appuie également sur tout un
réseau de chercheurs sur les politiques culturelles, comme Edwin R. Harvey ou Néstor García
223
HAAS Peter, «Introduction: Epistemic Communities and International Policy Coordination », in International
Organization, n°46, 1992, p1-35.
224
Ibid
91
Canclini, grandes figures de la recherche latino-américaine sur les politiques culturelles. Cet
ensemble de chercheurs constitue des « think tanks »225, des laboratoires d’idées sur les
politiques culturelles, influents.
Comment cette communauté influe-t-elle sur le système de croyance des gouvernements
au pouvoir ? Nous avons mis en évidence deux vecteurs d’influence : l’organisation de
réunions, de colloques et de séminaires internationaux, lieux d’échanges entre les membres de
la communauté épistémique, et la diffusion de travaux de recherche sur les politiques
culturelles.
a) Les « forums » publics
Dans la réalisation de ces transferts cognitifs de l’international vers le local, une
notion est fondamentale : celle de « forum »226, définie par Bruno Jobert et Pierre Muller. Les
forums sont les lieux où la communauté va « se rencontrer, échanger et s’influer »227. Les
auteurs insistent d’ailleurs sur la publicité de ces forums, qui sont des lieux ouverts où le
débat est public. En Uruguay, une autre illustration typiques de ces « forums » sont les
différents colloques et séminaires internationaux qui se tiennent chaque année. Ce sont des
réunions publiques, organisées par les acteurs de la communauté épistémique, pour débattre et
échanger sur les politiques culturelles. Ils présentent des expériences de politiques culturelles
réussies, des rapports sur le rôle de la culture dans l’économie ou définissent des concepts
comme les « droits culturels » ou la « citoyenneté culturelle ». Ces séminaires se font toujours
en présence de représentants de la Direction Nationale de la Culture ou du MEC et sont même
parfois directement financés par eux. Lors de ces réunions, les acteurs de la politique
uruguayenne échangent donc avec ceux de la communauté épistémique uruguayenne, ce qui
permet aux idées politiques de circuler entre eux.
Nous pouvons donner l’exemple du séminaire qui s’est tenu à Montevideo, le 15 mai
dernier, auquel nous avons pu assister, dans le cadre des Journées du Cinéma, de la Culture et
225
Pour Francois-Bernard Huyghe, un Think Tank est « un «réservoir de pensée», est une organisation, en
principe de droit privé, indépendante, réunissant des experts, vouée à la recherche d’idées ou solutions
politiques nouvelles, et cherchant à peser sur les affaires publiques ». HUYGHE François-Bernard.FrançoisBernard Huyghe, Think tanks, Quand les idées changent vraiment le monde, Vuibert, Décembre 2001
226
JOBERT Bruno, MULLER Pierre, L’État en action. Politiques publiques et corporatismes, Paris, PUF, 1987.
227
Ibid
92
de l’Intégration Latino-Américaine228. Il était organisé par l’ALADI, l’UNESCO, le MEC,
l’ICAU et la Cinémathèque Uruguayenne, dans le cadre de la célébration du Jour Mondial de
la Diversité Culturelle, mais aussi pour célébrer les dix ans de la signature de la Convention
sur la Protection et la Promotion des Diversités culturelles. Le thème du séminaire était : « les
industries culturelles comme outil d’intégration en Amérique Latine ». Dans son texte de
présentation, il est clairement indiqué que « son objectif est la promotion de la culture et
l’intégration latino-américaine » 229 , mais aussi de « tracer des grandes lignes pour
l’orientation et l’approfondissement de la coopération en matérielle d’industrie culturelle »230.
Les titres des ces ateliers sont les suivants231 : « importance des industries culturelles dans le
développement, défis et perspectives pour les industries latino-américaines », « coordination
des efforts pour l’intégration latino-américaine en matière de politique culturelle » ou
« politiques publiques sur les industries culturelles en Amérique Latine : le cas de l’industrie
cinématographique comme outil d’intégration ». L’idée est d’échanger sur des aspects
concrets de politique culturelle (comme des expériences fluctuantes et concrètes en matière de
politique culturelle ou
des instruments de politiques publiques concrets) mais aussi de
débattre sur des éléments plus théoriques (comme le rôle de l’état dans les politiques
culturelles). Lors de ce séminaire, la salle est remplie et les questions fusent. Pendant les
moments de pause et les déjeuners organisés, les acteurs discutent et échangent vivement.
Nous avons également constaté qu’une équipe de cameramen était présente, dans le but de
garder une trace de ce colloque et ainsi pouvoir le diffuser. Ainsi, ce type de colloque, qui
s’est tenu dans les locaux de l’ALADI à Montevideo, est un bon exemple de « forum », où la
communauté épistémique internationale pour la promotion de la culture prend corps. Ces
lieux sont des vecteurs importants dans la réalisation de « transferts » du global au local pour
la définition et la construction cognitive de la politique culturelle uruguayenne.
d) Les « arènes de la négociation »232
Bruno Jobert et Pierre Muller ont mis en évidence un autre de vecteur du transfert de
la communauté épistémique internationale vers le national : les arènes de la négociation.
Contrairement aux forums, les arènes de la négociation sont privées et fermées au public.
228
Cf. Annexe 8 et 9 - Programme du séminaire et son discours d’ouverture
Ibid
230
Ibid
231
Ibid
232
JOBERT Bruno, MULLER Pierre, L’État en action. Politiques publiques et corporatismes, Paris, PUF, 1987
229
93
Elles sont réservées aux élites administratives et politiques des gouvernements et des
organisations que nous avons décrits. Les commissions nationales de l’Unesco sont un bon
exemple de ce type d’arènes. Elles permettent à l’organisation d’influer directement sur le
gouvernement uruguayen, grâce à l’instauration d’un lieu d’échange permanent. Mais nous
pouvons mettre en évidence d’autres types d’arènes, telles que les grandes réunions entre les
élites politiques et culturelles du pays. Les réunions de la Commission Interaméricaine de la
Culture en sont un bon exemple233. La dernière a eu lieu en 2013 à Washington. Elle réunissait
les grands dirigeants du secteur culturel de chacun des pays membres, tels que des Ministres
de la Culture ou des directeurs de départements culturels. Son objectif était de « promouvoir
le dialogue entre les délégués des États membres pour partager des expériences et des
solutions en lien avec le travail de la Commission ». La première journée a eu pour
thématique principale « la culture et le développement » et met en avant les bénéfices de la
prise en compte de la culture dans les politiques publiques. La seconde, elle, est dédiée aux
« ressources de la culture » et présente des exemples d’instruments efficaces pour la mise en
place de politiques culturelles. Lors cette réunion, plusieurs groupes de travail sont formés en
session plénière et les États sont invités à témoigner. Le partage d’expérience s’opère donc.
Ce type de réunion, réservées aux élites politico-culturelles, permet donc à la communauté
épistémique de se rencontrer et peut être considérée comme une source majeure de transfert
de l’international vers le national.
b) La recherche en science sociale et les publications codirigées
Enfin, nous avons constaté que la recherche en science sociale et la publication de
documents et de rapports sur les politiques culturelles sont également très importantes dans la
réalisation de ces transferts entre la communauté épistémique internationale et le système de
croyance des hommes politiques du Frente Amplio. Effectivement, avec la mondialisation,
nous assistons à l’accroissement de la circulation des élites scientifiques et des travaux de
recherches. En effet, les chercheurs uruguayens qui étudient les politiques culturelles le font
souvent sous une perspective comparatrice, en analysent les processus en œuvre dans d’autres
pays. Il existe aujourd’hui, par exemple, un centre de recherche uruguayen spécialisé dans la
233
Cf. Annexe 10 - Calendrier de la cinquième réunion ordinaire de la Commission Interaméricaine de la
Culture.
94
recherche latino-américaine : le Centre des Etudes Interdisciplinaires d’Amérique Latine
(CEIL). Crée en 1985 pour le développement d’études interdisciplinaires sur l’Amérique
Latine, il a pour objectifs : a) promouvoir la connaissance sur les cultures en Amérique
Latine, b) développer des travaux de recherche sur la réalité latino-américaine, c) impulser les
échanges et le dialogue entre les différents chercheurs qui travaillent sur l’Amérique.234 En
outre, de nombreux chercheurs uruguayens vont réaliser leur doctorat en Europe et
s’imprègnent donc de la littérature universitaire étrangère. L’Ambassade de France en
Uruguay, par exemple, a un service de coopération universitaire et scientifique pour favoriser
ces échanges, via l’octroi de bourses destinées aux doctorants uruguayens qui souhaitent
réaliser leurs recherches en France.
Il existe également des publications coécrites, qui se font entre des chercheurs de
différentes nationalités. Nous pouvons donner l’exemple d’une étude élaborée conjointement
par dix pays latino-américains : « Les États la culture : études sur l’institutionnalisation
culturelle publique des pays du SICSUR ». 235 Cette recherche a été financée par le SICSUR
et présente les trajectoires des politiques culturelles de chacun de pays participants236. A
chaque fois,
les équipes de travail sont composées de chercheurs universitaires et de
membres des services culturels des différents gouvernements. Cette publication offre
également un tableau de synthèse générale sur le niveau d’institutionnalisation de la culture
pour chaque pays, dans une démarche comparative assumée. Enfin, il est intéressant de
constater qu’elle se veut particulièrement pédagogique : le document est coloré, avec un grand
effort de mise en page pour faciliter la lecture. On assiste donc à un véritable travail de
vulgarisation de la recherche, pour la diffusion et l’utilisation des résultats auxquels elle a
aboutis. Ce genre de publication est un bon vecteur de diffusion et d’échanges croisés sur les
politiques culturelles, qui permet aux acteurs de la « communauté épistémique »
internationale pour la promotion de la culture de s’influer mutuellement.
Ainsi, les chercheurs en science sociale contribuent à diffuser des idées et des
informations sur la construction de politiques culturelles étrangères, dont les hommes
politiques au pouvoir peuvent ensuite s’inspirer. Cette influence entre recherche et politique
234
Site
de
présentation
Centro
de
Estudios
Interdisciplinarios
Latinoamericanos
http://www.fhuce.edu.uy/index.php/estudios-interdisciplinarios/centro-de-estudios-interdisciplinarioslatinoamericanos/historia
235
Sistema de Información Cultural del MERCOSUR
236
Argentine, Uruguay, Chili, Paraguay; Colombie, Venezuela, Bolivie, Pérou, Equateur, Brésil
:
95
est d’autant plus forte que l’Etat uruguayen entretient avec la recherche universitaire des
relations de collaboration. Par exemple, le rapport de gestion du MEC « 20052010, Desarrollo para todos » a été dirigé par un chercheur de l’UDELAR, l’Université de la
République d’Uruguay – la seule université publique du pays. Cette relation de collaboration
est particulièrement intense dans le champ de la recherche autour de l’économie de la culture,
qui s’est considérablement développée en Uruguay ces dernières années. Louis Mardones
nous a confirmé cette utilisation des publications universitaires portant sur l’économie de la
culture dans la construction de sa politique culturelle. Il affirme ainsi : « quand nous sommes
allés voir le Ministre de la Culture, nous avions réalisé des enquêtes et des études avec un
chercheur en économie de la culture puisqu’il fallait le convaincre que la culture était
créatrice de richesse économique »237. Un autre bon exemple de ce travail de recherche est la
création en de l’Observatoire des Politiques Culturelles, rattachée à la UDELAR238. Son
objectif général est de « renflouer les données sur les pratiques culturelles et générer des
informations statistiques et qualitatives qui contribuent à l’élaboration de programmes
d’action et de gestion culturelle de l’état national ou départemental mais aussi des institutions
privées et non gouvernementales.». 239 Ici nous constatons donc que la recherche est
directement au service du politique.
Nous allons maintenant constater que cette communauté internationale, en se
rencontrant et en échangent, entraine l’imposition de « normes culturelles » de références,
auxquels les États se conforment.
2) L’établissement de « normes culturelles »240
Dans le processus de transfert cognitif de l’international vers le national, Elizabeth
Heger Boyle et John M. Meyer parlent de l’imposition de « normes culturelles » et de
« pressions institutionnelles » de la part des grandes organisations internationales. Ces normes
237
Entretien avec Luis Mardones, Directeur National de la Culture de 2005 à 2010, Montevideo, le 05 juillet
2015.
238
Universidad de la Republica Uruguay, la seule université publique du pays.
239
Site de présentation de l’observatoire : http://www.fhuce.edu.uy/index.php/estudios-interdisciplinarios/centrode-estudios-interdisciplinarios-latinoamericanos/estructura/observatorios/observatorio-universitario-de-politicasculturales
240
HEGER BOYLE Elizabeth, MEYER John W., « Modern Law as a Secularized and Global Model:
Implications for the Sociology of Law », in DEZALAY Yves, GARTH Bryant, Global Prescription. The
Production, Exportation, and Importation of a New Legal Orthodoxy,, University of Michigan Press, 2002, p.
65-95
96
sont liées à l’imposition de grands concepts en vogue, promus par les organisations, et qui
permet aux États d’avoir du crédit sur la scène international. Elles n’ont jamais de caractère
coercitif et pourtant ces normes réussissent à s’imposer car elles permettent de préserver la
réputation des États à l’échelle internationale. Ainsi, la question centrale est celle de la
légitimité : les États intègrent ces concepts dans leurs politiques publiques et leurs discours
pour paraître crédibles aux yeux de leurs voisins. Pour le cas des politiques culturelles, nous
l’avons vu, aujourd’hui ces normes sont : « la culture comme facteur de développement », « la
sauvegarde du patrimoine immatériel » ou « l’importance la diversité culturelle ». Ainsi, les
organisations que nous avons décrites agissent un peu comme des « laboratoires d’idées ».
Pour Gabriela Pacheco, chargée de missions à l’Unesco, « nous ne sommes pas juste un
organisme de financement direct, nous cherchons aussi à promouvoir des concepts et des
idées » 241 . Les organisations internationales n’agissent donc pas seulement pour la réalisation
de programmes de développement, mais cherchent aussi à influer les gouvernements jusque
dans leurs « systèmes de croyance ».
Il est aussi intéressant de constater que « normes culturelles » évoluent avec le temps
et le contexte. Le discours de l’Unesco est un bon exemple de cette évolution. En effet,
l’affirmation au multiculturalisme et la promotion de toutes les cultures dans leur diversité par
l’organisation est en réalité assez récente. Selon Chloé Morel242, dans les années 1940-1950,
le discours de l’Unesco penchait plutôt sur l’importance d’unifier les référentiels culturels
pour permettre le dialogue. C’est le processus de la décolonisation, avec les revendications de
peuples dont les cultures ont été opprimées, alarmant du danger de l’imposition d’un modèle
culturel dominant, qui ont fait prendre conscience aux dirigeants que ce discours doit être
révisé. Ainsi, à partir des années 1960, l’Unesco change son fusil d’épaule et insiste sur
l’importance de préserver la multiplicité des identités culturelles.
Ces normes culturelles se retrouvent-elles dans le discours du Frente Amplio ?
3) Conséquence : le constat d’une influence cognitive
241
Entretien avec Gabriela Pacheco, chargée de mission au pôle culture du bureau de l’Unesco à Montevideo,
Montevideo le 27 juillet 2015.
242
MOREL Chloé, « L’Unesco aujourd’hui », in Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 2009/2 (n° 102), p 131-144
97
La réponse à la question est oui : le système de croyance du Frente Amplio, que nous
avons décrit dans la première partie de ce mémoire, est clairement imprégné des normes
culturelles prônées par les organisations internationales. Ricardo Ehrlich, par exemple, nous
explique qu’il faut soutenir la culture « dans sa diversité la plus totale » et « reconnaître la
diversité sous toutes ses formes »243. La protection de la diversité culturelle, grand précepte
prôné par les organisations que nous avons étudiées, se retrouve donc directement dans la
bouche du Ministre. De même, si nous reprenons le système de croyance du Frente Amplio
autour de la culture (« la culture est source de richesse économique », « toute forme de
manifestation culturelle doit être également reconnue », « l’accès à la culture est un droit
citoyen » ou « la culture véhicule un héritage identitaire, essentiel à la construction de la
société uruguayenne ») nous constatons qu’il correspond parfaitement à celui des
organisations que nous avons étudiées, pour qui la culture est une source de développement.
En outre, cette inspiration cognitive est ouvertement reconnue par les hommes
politiques que nous avons interrogés. Luis Mardones, par exemple, nous a expliqué que
lorsqu’il prend la tête de la Direction Nationale de la Culture, il se base sur la définition de la
culture portée par l’Unesco pour construire son plan d’action quinquennal : « l’Uruguay a
étudié et analysé avec un suivi appliqué les avancées et les développements de l’Unesco.
Nous l’avons eu dans la tête quand est venue l’heure de construire notre programme de
gouvernement de la Direction Nationale. Quand nous avons utilisé la définition de la culture,
nous l’avons prise quasi littéralement sur la base de la définition de l’Unesco. C’est une
influence très marquée »244. De même, le directeur national de la culture Hugo Achugar, dans
la mise en place du programme « fabriques culturelles » s’est inspiré d’une expérience
londonienne, en se documentant sur la question245. Ce phénomène est qualifié de « lessondrawing », c’est-à-dire une « situation où la décision de s'inspirer d'une expérience étrangère
246
est prise par exemple par un gouvernement en dehors de toute contrainte extérieure »
.
243
Entretien avec Ricardo Ehrlich, ancien Ministre de l’Éducation et de la Culture entre 2010 et 2015, et Maire
de Montevideo entre 2005 et 2010, Montevideo, le 23 juillet 2015
244
Entretien avec Luis Mardones, Directeur National de la Culture de 2005 à 2010, Montevideo, le 05 juillet
2015.
245
Gerardo Mantero et Luis Vidal Giorgi, Diálogos sobre políticas culturales en el Primer Gobierno de Izquierda
Monttevideo : Socio Espectacular, 2011, 216 pages
246
DELPEUCH Thierry, « L'analyse des transferts internationaux de politiques publiques : un état de l'art », in
Questions de Recherche, 27, Centre d’études et de recherches internationales, CERI, Sciences Politique, 2008,
69 pages
98
De même, Ricardo Ehrlich affirme que : « il y a une référence majeur, sans aucun
doutes, il y a une identification importante aux objectifs de l’Unesco. Il y a aussi une
identification à l’Organisation des Etats Ibéro-américains pour la Culture, l’Education et la
Science. »247. Il ne fait donc aucun doute que l’imposition de la norme culturelle autour de la
culture et du développement, promue par la communauté épistémique internationale que nous
avons décrite, a influé le système de croyance du Frente Amplio et donc la construction de la
politique culturelle depuis 2005.
Cette partie a donc mis en évidence l’existence d’organisation internationales et de
processus régionaux qui imposent des standards de bonne gouvernance pour la mise en œuvre
d’une politique culturelle, autour d’un discours lié à la culture comme source de
développement. Ces transferts sont liés à l’apport d’un savoir faire technique (instruments de
politiques publiques, formations, expertise juridique…) et à l’imposition de grands concepts
en vogue. Ils sont donc autant matériels que cognitifs. Tous ces éléments, nous venons de le
voir, se retrouvent directement dans le discours et dans l’action des hommes politiques du
Frente Amplio et témoignent donc du phénomène de « glocalisme » dans la construction de la
politique culturelle uruguayenne.
247
Entretien avec Ricardo Ehrlich, ancien Ministre de l’Éducation et de la Culture entre 2010 et 2015, et Maire
de Montevideo entre 2005 et 2010, Montevideo, le 23 juillet 2015
99
Conclusion
Ce mémoire cherchait à comprendre sur quels discours et croyances se fondait la prise
en compte de la culture par les pouvoirs publics. Nous avons fait le constat que, dans la mise
en œuvre d’une politique culturelle, plus les décideurs soutiennent la culture, plus ils lui
attribuent un rôle très large, comme vecteur de développement humain - et non seulement une
fonction esthétique. En terme politique, investir dans la culture c’est l’envisager comme une
source de richesse économique, mais aussi comme un facteur d’inclusion sociale et
territoriale, réducteur d’inégalités. C’est également la considérer comme un vecteur de
construction identitaire, qu’il soit personnel ou collectif, essentiel à l’épanouissement de
chaque individu, et dont la pluralité et la diversité des expressions doivent toujours être
protégées. Ainsi, le choix d’un fort investissement dans une politique culturelle est souvent
porté par des acteurs politiques progressistes, qui croient au bien-fondé de l’interventionnisme
et pour qui l’État central doit être placé au cœur de l’action publique.
Nous avions également pour ambition de saisir comment les pouvoirs publics
pouvaient concrètement soutenir la culture. Nous avons compris que ce soutien prenait
toujours des formes très diversifiées, avec une action plus ou moins centralisatrice de l’Etat. Il
peut, en règle générale, se diviser en deux catégories : les politiques de soutien en faveur des
« créateurs » de la culture et les politiques de soutien en faveur des « receveurs » de la culture.
Le soutien public à la création, d’une part, peut passer par le financement de la réalisation de
projets artistiques (direct ou indirect selon le choix de le déléguer à des opérateurs privés), par
l’investissement dans la formation artistique ou par des règlementations visant à renforcer le
statut de l’artiste. D’autre part, si l’on se penche du côté des receveurs, l’objectif d’une
politique culturelle est d’améliorer l’accès à la culture, par tous ou sur tout le territoire, en
renforçant (ou en créant) des lieux culturels libres d’accès ou en soutenant l’organisation de
manifestations artistiques. Une caractérisation possible, ici, peut être la distinction entre les
politiques de soutien à la culture « créative » et les politiques de soutien à la culture dans son
sens anthropologique, comme le recensement des toutes les expressions culturelles locales ou
la mise en place d’ateliers de production d’artisanat. Ici, le choix des options
100
programmatiques reste cependant soumis au niveau de développement du secteur culturel
national. En effet, une politique culturelle ne répond pas aux mêmes besoins selon qu’elle se
déploie dans un pays où l’industrie créatrice est déjà très développée ou dans un pays où elle
commence à peine à se former. En Uruguay, le monde des arts et de la culture est encore très
précaire quand Tabaré Vázquez prend le pouvoir en 2005. Ainsi, le soutien à la culture a
d’abord dû passer par un renforcement institutionnel et une professionnalisation du secteur.
Concernant nos hypothèses de départ, elles ont toutes été validées par nos recherches.
En effet, nous avons constaté que l’arrivée du Frente Amplio a bien eu un rôle déterminant de
déclencheur pour faire de la culture un objet stratégique de politique publique en Uruguay.
Avant lui, le soutien à la culture n’avait jamais été une priorité des gouvernements centraux,
qui voyaient en elle une ressource purement « décorative » et sans assez de retombées
matérielles. Au contraire, le Frente Amplio, fort d’un soutien partisan de la part du monde
artistique, croit fortement en la culture comme outil de politique sociale, essentiel au
développement de la société uruguayenne. Ainsi, pour reprendre les écrits de Peter Hall248,
nous avons affaire à un « nouveau paradigme de politique publique », puisque le changement
constaté se retrouve « non seulement les objectifs de la politique et le type d'instruments qui
peut être utilisé pour les obtenir, mais également la nature même des problèmes qu'ils sont
supposés affronter »249. Nous avons également mis en évidence que ce nouveau paradigme, si
il est déclenché par un contexte politique national favorable, est aussi influé par une mise à
l’agenda internationale de la culture comme facteur de développement. Elle est liée à la
constitution d’une communauté épistémique mondiale qui assure la promotion de ce
paradigme, constituée de grands organismes internationaux tels que l’Unesco, d’organisations
de coopération et d’aide au développement, mais aussi des acteurs de l’intégration régionale.
Elle influe directement sur le cadre cognitif de la politique culturelle uruguayenne et sur le
discours des hommes au pouvoir, au travers de séminaires internationaux ainsi que de
recherches et publications scientifiques. Elle développe également tout un arsenal d’outils
pratiques de politiques publiques, de formations, d’expertise technique et de financements
pour renforcer la politique culturelle de l’Etat uruguayen.
248
HALL Peter, « Policy paradigms, social learning, and the State. The case of economic policymaking » in
Britain, Comparative Politics, Vol 25, n°3, 1993, 275-296p
249
Ibid
101
Ce mémoire répond donc finalement à un questionnement classique de la science
politique : comment se construit une politique publique ? Les pouvoirs publics sont-ils les
seuls acteurs en jeu ? Le cas de l’Uruguay et de sa politique culturelle montre à quel point, à
l’heure de la mondialisation, l’État n’est plus le seul dépositaire de la puissance publique,
puisque des acteurs extérieurs à lui agissent directement sur la construction de la politique
culturelle. Notre étude est donc révélatrice d’un phénomène de glocalisme et de gouvernance
multi-niveaux dans la construction de l’action étatique. Cependant si, comme nous l’avons vu,
il existe véritablement une « fabrique transnationale » de politique publique, pour le cas de la
politique culturelle uruguayenne, elle ne se fait jamais en dehors l’État, mais toujours en
accompagnement de lui. Nous réfutons donc l’idée d’une « concurrence » 250 de l’échelle
supranationale dans la réalisation de politiques publiques de l’État. En Uruguay, en effet, les
organisations internationales agissent toujours en partenariat avec le Ministère de la Culture,
dans un souci de respect de la souveraineté nationale étatique.
Qu’elle soit influée par des décideurs nationaux ou internationaux, la mise en place de
la politique culturelle uruguayenne reste de toute façon déterminée par l’action d’hommes
politiques. Pour reprendre la typologie de la mise à l’agenda de Philippe Garraud251, elle
répond donc au modèle de « l’exploitation partisane » ou de « l'offre politique », c’est-à-dire à
la capacité́ d’organisations politiciennes – ici nationales et internationales – à s'approprier un
sujet pour en faire un objet de politique, dans l’objectif de consolider leur base partisane. Les
problèmes, et la mise en place de solutions publiques qu’ils impliquent, sont donc amenés
« par le haut », par les décideurs publics. C’est exactement ce qui s’est passé en Uruguay : la
politisation de la question culturelle et la construction d’un discours autour de l’importance de
la prise en compte de la culture est avant tout liée à l’action du Frente Amplio, pour qui le
monde de la culture constitue une de ses plus solides ressources partisanes. Il a donc lui 250
Ces conclusions sont souvent tirées de recherches sur les politiques publiques dans le cadre l’Union
Européenne. Un bon exemple est l’ouvrage suivant : MENY Yves, MULLER Pierre, QUERMONE Jean-Louis,
Politiques publiques en Europe, Paris : l’Harmattan, 1995, 352 pages
251
La typologie de Phillipe Garraud distingue quatre autres modèles de mise sur agenda : 1) la demande sociale:
l'action de groupes de pression ou lobbyistes qui s'efforcent de défendre ou de promouvoir des intérêts socioprofessionnels et/ou une cause plus idéologique; 2) la médiatisation: l'intensité de la couverture médiatique, qui
peut accroître l'enjeu du problème pour l'ensemble des acteurs; 3) la controverse et l'audience du problème: la
présence ou l'absence de conflits, de controverse politique sur le sujet et l'intérêt ou non à rendre public le
problème considéré; 4) les stratégies d'appel à des publics: le recours à la dénonciation et aux discours
revendicatifs sur la scène publique pour influencer et mobiliser l'opinion publique.
GARRAUD Philippe. «Politiques nationales: élaboration de l'agenda», in L'Année Sociologique, vol. 40, 1990,
p. 17-41.
102
même mis à l’agenda la question culturelle, afin de renforcer le sentiment d’appartenance de
sa base militante du monde des arts.
Dans la réponse à notre question initiale, nous avons donc centré notre analyse sous
l’angle des décideurs, des producteurs publics de l’action culturelle, selon une démarche très
« top-down ». En effet, nous cherchions à comprendre les fondements discursifs de la
politique culturelle du Fente Amplio, les moyens d’action à sa réalisation, et les influences
auxquelles elle était exposée, plutôt que les résultats concrets qu’elle a engendrés. Cette
démarche, si elle est justifiée par le choix de notre problématique, est cependant risquée car il
existe souvent un décalage entre le discours et la réalité de l’action, entre les finalités
recherchées d’une politique et ses résultats concrets. Ainsi, cette enquête pourrait s’élargir à la
réception effective par le peuple uruguayen de cette politique culturelle que nous avons
décrite. Nous pourrions nous demander, par exemple, comment en Uruguay les pratiques
culturelles ont évoluées depuis 2005 et plus généralement si la facilitation de l’accès à la
culture a entrainé une véritable « démocratisation culturelle » dans le pays. Une piste de
réflexion féconde, qui ouvre de nouvelles perspectives de recherche.
103
SOURCES
Sources orales :
Entretiens semi-directifs réalisés en Uruguay :
Entretien avec Danilo Urbanavicius, professeur en gestion culturelle et assistant du Doyen de
la Faculté de la Culture du CLAEH (Centro Latinoamericano de Economía Humana),
Montevideo, le 25 juin 2015
Entretien avec Gerardo Grieco, actuel directeur du Sodre (également directeur du Théâtre
Solís de 2000 à 2003, et directeur de Culture à l’Intendencia de Montevideo entre 1995 et
2000), Montevideo le 1er juillet 2015
Entretien avec Luis Mardones, Directeur National de la Culture de 2005 à 2010, Montevideo,
le 05 juillet 2015
Entretien avec Roberto Elissalde, directeur des Centres MEC, Montevideo, le 16 juillet 2015
Entretien avec Ricardo Ehrlich, ancien Ministre de l’Éducation et de la Culture entre 2010 et
2015, et Maire de Montevideo entre 2005 et 2010, Montevideo, le 23 juillet 2015
Entretien avec Gabriela Pacheco, chargée de mission au pôle culture du bureau de l’Unesco à
Montevideo, Montevideo le 27 juillet 2015
Observations ethnographiques :
Observation le 15 mai 2015 : colloque international « Les industries culturelles comme outil
d’intégration en Amérique Latine », qui s’est tenu à Montevideo, dans les locaux de
l’ALADI, dans le cadre des Journées du Cinéma, de la Culture et de l’Intégration LatinoAméricaine.
Sources écrites :
104
Rapport de gestion de la Direction Nationale de la Culture 2005-2010
Desarrollo Cultural para todos, Rapport de gestion de la Direction Nationale de la Culture:
2010, Ministerio de Educación y Cultura, 2010-2014
La liberté culturelle dans un monde diversifié, Rapport mondial sur le développement humain
2004, publié par le PNUD Notre diversité créatrice, Rapport de la Commission mondiale de la culture et du
développement organisée par l'Unesco, Paris, Juillet 1996 Investir dans la diversité culturelle et le dialogue interculturel, Rapport mondial de
l'UNESCO, Paris, 2010
Renforcement des industries culturelles et amélioration de l’accès aux biens et services
culturels en Uruguay, Rapport d’évaluation finale du Fond pour la réalisation des Objectifs du
Millénaire pour le développement.
Actes de la cinquième réunion ordinaire de la Commission Interaméricaine de la Culture.
Porque entre todos otro Uruguayos es posible, Grandes lineamentos programaticos para el
gobierno 2005-2010, aprobado por el IV Congreso extraordinario del Frente Amplio del 20 y
21.12.03
Discours d’investiture du Président Tabaré Vázquez devant le Parlement, du 01/03/05
Proyecto Patrimonio Vivo, rapport sur le Séminaire 1 « Application de la Convention pour la
sauvegarde du patrimoine culturel immatériel », UNESCO, 2010
105
BlBLIOGRAPHIE
OUVRAGES
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relaciones entre el estado y la actividad privada en la producción de bienes y servicios
culturales, Montevideo : MEC, 1992, 140 pages
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Artes, 2012.
Sur les grands concepts utilisés :
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de l’Ecole des mines (coll. Sciences sociales), 2008, 336 pages
FOUCAULT Michel, Surveiller et punir, Paris : Gallimard, 1993, 360 pages
HARVEY Edwin R, Políticas culturales en Iberoamérica y el mundo: aspectos institucionales. Madrid: Tecnos, 1990, 228 pages
JOBERT Bruno, MULLER Pierre, L’État en action. Politiques publiques et corporatismes,
Paris : PUF, 1987, 242 pages
MILLER Tobby, YUDICE George, Política cultural, Barcelona : Gedisa Editorial, 2004, 336
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URFALINO Pierre, L’invention de la politique culturelle, Paris, La Documentation française,
1996, 361pages
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Sur la mondialisation culturelle :
ARJUN APPADURAI, Après le colonialisme. Les conséquences culturelles de la
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UNESCO : http://www.unesco.org
Organisation des Etats d’Amérique : http://www.oas.org
Organisation des Etats Ibéro américains pour la science l’éducation et la culture :
http://www.oei.es/
Mercosur Culturel: http://www.cultura.gob.ar/accio nes/mercosur-cultural/
ALADI : http://www.aladi.org/
Carte culturelle d’Uruguay : http://www.mec.gub.uy/mecweb/mapa/mec/
Fonds d’appel à concours pour la culture : https://www.uruguayconcursa.gub.uy/
Fonds incitatifs pour la culture : http://www.fondosdeincentivocultural.gub.uy
Centres MEC : http://centrosmec.org.uy/
Comptes satlites du MEC Uruguay : http://cultura.mec.gub.uy/innovaportal/cuenta-sateliteen-cultura
Carte culturelle du SICSUR : http://www.sicsur.org/mapa/index.phpq
Centre d’études interdisciplinaires latino-américain :
http://www.fhuce.edu.uy/index.php/estudios-interdisciplinarios/centro-de-estudiosinterdisciplinarios-latinoamericanos
Institut du Cinéma et de l’Audiovisuel http://www.icau.mec.gub.uy
Institut National des Arts Scéniques : http://www.inae.gub.uy/
Centre Culturel d’Espagne à Montevideo : http://www.cce.org.uy
Espace d’Art Contemporain de Montevideo : http://www.eac.gub.uy
113
ANNEXES
114
LISTE DES ANNEXES
Annexe 1 - Retranscription des entretiens .............................................................................. 116
Annexe 2 – Extraits du discours prononcé, par Marguarita Musto, directrice de la Comédie
Nationale, le 4 octobre 2004 au Teatro El Galpón ................................................................. 152
Annexe 3 - Extraits Discours d’investiture du Président Tabaré Vázquez devant le Parlement,
du 01/03/05 ............................................................................................................................. 155
Annexe 4 - Augmentation du budget de la Direction Nationale de la Culture entre 2006 et
2009 (Source : Rapport de Gestion, Direction Nationale de la Cultura, 2005-2010) ............ 157
Annexe 5 - Augmentation du budget de la Direction Nationale de la Culture entre 2010 et
2014 (Source : Rapport de Gestion, Direction Nationale de la Cultura, 2010-2015) ............ 158
Annexe 6 - Augmentation des salaires des fonctionnaires entre 2010 et 2015 (Source :
Rapport de Gestion, Direction Nationale de la Cultura, 2010-2015) ..................................... 159
Annexe 7 - Extraits du projet de loi sur le patrimoine culturel de la Nation uruguayenne .... 160
Annexe 8 - Présentation du séminaire « Les industries culturelles comme outil d’intégration
en Amérique Latine » (Journées du Cinéma, de la Culture et de l’Intégration LatinoAméricaine, Montevideo, dans les locaux de l’ALADI)........................................................ 162
Annexe 9 - Discours d’ouverture du séminaire international « Les industries culturelles
comme outil d’intégration en Amérique Latine » .................................................................. 165
Annexe 10 - Calendrier de la cinquième réunion ordinaire de la Commission Interaméricaine
de la Culture ........................................................................................................................... 167
115
Annexe 1 - Retranscription des entretiens
Index :
1) Entretien avec Danilo Urbanavicius, professeur en gestion culturelle à la Faculté de la
Culture du CLAEH (Centro Latinoamericano de Economía Humana), Montevideo, le 25 juin
2015 ........................................................................................................................................ 117
2) Entretien avec Gerardo Grieco, actuel directeur du Sodre (également directeur du Théâtre
Solís de 2000 à 2003, et directeur de Culture à l’Intendencia de Montevideo entre 1995 et
2000), Montevideo le 1er juillet 2015 .................................................................................... 121
3) Entretien avec Luis Mardones, Directeur National de la Culture de 2005 à 2010,
Montevideo, le 05 juillet 2015 ............................................................................................... 126
4) Entretien avec Roberto Elissalde, directeur des Centres MEC, Montevideo, le 16 juillet
2015 ........................................................................................................................................ 137
5) Entretien avec Ricardo Ehrlich, ancien Ministre de l’Éducation et de la Culture entre 2010
et 2015, et Maire de Montevideo entre 2005 et 2010, Montevideo, le 23 juillet 2015 .......... 143
6) Entretien avec Gabriela Pacheco, chargée de mission au pôle culture du bureau de l’Unesco
à Montevideo, Montevideo le 27 juillet 2015 ........................................................................ 149
116
1) Entretien avec Danilo Urbanavicius, professeur en gestion culturelle à la Faculté de
la Culture du CLAEH (Centro Latinoamericano de Economía Humana), Montevideo,
le 25 juin 2015
Usted se puede presentar ?
He ingresado la primera generación de esta facultad (CLAEH), soy técnico en gestión
cultural. Organice el primer congreso internacional de gestión cultura en Uruguay, y hoy en
día soy asistente del decano el profesor … de la universidad. Estoy haciendo una
investigación sobre la historia de la gestión cultural acá en Uruguay.
Cuando empiezan las políticas culturales en Uruguay?
En realidad, nuestro país tuvo un periodo de dictadura de 1973 hasta 1995 y ahí de políticas
culturales no había nada. En 1985, con la reapertura democrática que asume el Presidente
Julio María Sanguinetti, años anteriores (82-83) había un grupo de personas dentro del Partido
Colorado que era el partido que dio el golpe de estado. Hasta 2005 siempre fueron colorados.
Este grupo a dentro el Batllismo Independiente, que impulso muchas de las políticas y
leyes actuales, bastante progresista para la época. Dentro de este grupo del battlismo
habían un grupo de intelectuales y pensadores de la época que habían formado un
semanario que llamaba el semanario Jaque : Alejandro Blouth, Thomas Lowy... De ese
núcleo muy culto, cuando la intendencia 1985 asume se crea por primera vez la primer
Dirección Nacional de la Cultura al nivel de la intendencia, creada por estas personas
(Alejandro Blout, Thomas Lowy…). Se empiezan a ver las primeras políticas culturales al
nivel municipal hasta 1990. Ya en 19990 la izquierda gana por primera vez la intendencia, el
Frente Amplio, cuyo intendente era Tabaré Vázquez. Allí se continua las políticas y se crean
algunas nuevas. El primer director cultural en la intendencia fue Thomas Lowy, y después él
pasa a ser Director Nacional de Cultura del Ministerio de Educación y Cultura.
Cuando se creó la DNC ?
Si no me equivoco siempre existió, siempre existía.
117
Thomas Lowy sigue realizando algunas políticas culturales que ya existían y algunas políticas
nuevas. Lo que hace importante él: empieza a tomar en serio el tema de la formación cultural:
formar gestores culturales, crear un programa de capacitación... Él hace varias cosas
importantes :
- Las primeras convenciones de todos los directores de cultura de los 19 departamentos del
país donde se empieza a definir algunas líneas. Se empezó a instutionalizar la cultura y las
políticas culturales y a desarrollar la gestión cultural (que ano).
- Ya allí en la intendencia de Montevideo en el ano 1995, asume como intendente estuvo
Tabaré Vázquez y después estuvo el intendente Mariano Arana, arquitecto (1995-2005): él le
dio una inyección muy importante a las políticas culturales y a la cultura de la mano del
director de cultura que era Gonzalo Carámbula. Mariano y Gonzalo desarrollaron un montón
de políticas. Por ejemplo, se abrió la sala Zitarrosa, se reabrió el teatro Solís que era en ruinas.
Le dio una inyección muy importante a nuestra cuidad. Entonces, de 1995-2005 está Gonzalo
Carambulo como director de cultura, acompañado también por Gerardo Grieco que fue el
primer director de la sala Zitarrosa, después el primer director del Teatro Solís, y actualmente
el director del SODRE. En el año 2005, ahí es donde gana el gobierno central: el Frente
Amplio. En 2005, asume como ministro el ingeniero Jorge Brovetto y asume como Director
de Cultura Luis Mardones. Ahí, cuando Luis asume el presupuesto que tenia era de 0 pesos en
el ámbito de la cultura. Entonces, se crea la ley de los Fondos Concursables con la Ley de
Fondos Incentivos Cultural. La ley de los Fondos Concursables lo que maneja son los
fondos públicos. La otra son los fondos privados de las empresas para que apoyen a la
cultura (reducción de impuestos). Por ley, aprobado por el presupuesto quinquenal, se
daron 470 000 dólares a los Fondos Concursables para que la DNC y el MEC apoyaran
proyectos artísticos dentro de la área teatro, danza, artes plásticos, publicaciones,
memoria y tradiciones… Te abre este primer llamado de los Fondos Concursables en 2005 y
empieza realmente los primeros proyectos en 2007. Unos de los objetivo de esta ley es
democratizar el acceso a la cultura porque se pide que todas las actividades que se realicen a
través de estos Fundos Concursables sean gratuitas o que tengan un costo mínimo. Por otro
lado, permiten la profesionalización del sector cultural y de los gestores culturales porque los
artistas se enfrenten a todo lo que implica un proyecto en gestión cultural (presupuesto, plan
de comunicación…). La ley de los Fondos Concursables en esta edición (7e, 8e) se destinan
18 millones de pesos, lo que es 6 millones mas que lo que se destinaba al inicio.
Eso sería el gran cambio?
118
Eso como te decía fue la gran revolución. Fíjate que cuando Luis Mardones ingresa a la
Dirección Nacional de Cultura se encuentra con 0 pesos. De tener 0 pesos a 12 millones de
pesos, hay una gran diferencia. Eso de una manera revolucionó porque llevo muchos
espectáculos de buena calidad al interior de país. Eso también ayudo mucho a la creación de
los centros MEC, es otra política especifica de desarrollo de la cultura.
Hay otras políticas y otros proyectos mas pequeños dentro de la DNC, por ejemplo un
programa que se llama A-ESCENA : la DNC te daba la sala gratis, y vos concursabas para
alquilar la sala. Hay otra que esta vinculada al fortalecimiento de las infraestructuras
culturales en el interior del país. Las salas concursan para arreglar las salas (el escenario, la
iluminación…). Después hay otros fondos : el FEFCA que es el fondo para la formación
artística para finanza los estudios y la formación de artistas en el exterior, durante un ano se le
paga un sueldo al artista para que se enfoque en su arte.
Y todo está vinculado con la ideología socialista?
Fui un poco más atrás del año 2005, porque no es que tampoco no se hacia nada. Algo se
venia haciendo, mas que nada al nivel local, municipal, de la Intendencia. Después en 2005
cuando continua el gobierno de izquierda en la intendencia Y el gobierno central hay una
visión mas nacional que todavía falta muchísimo.
A partir de agosto o septiembre se va a lanzar el plan nacional de cultura. Lo que si sabemos
que durante estos dos primeros anos que para cultura va a ver un poco menos.
Cual es el discurso el objetivo, el principio de todos estos programas ?
Según lo que dice los objetivo de los fondos: el mayor objetivo es el acceso a la cultura y la
descentralización de la cultura. Por eso te decía que esta Montevideo y por otro lado el resto
de los departamentos. Con esta políticas culturales, sobre todo lo de los centros MEC, fue
muy importante para este objetivo.
Al nivel de la cooperación, usted sabe el impacto de los programas de ayuda
internacional en las políticas culturales ?
119
De eso yo no conozco mucho.
Dentro de las políticas que hubo, Uruguay esta dentro del programa IberEscena, IberMedia,
IberMusica : son ejemplos de políticas de cooperación internacional. Esta la Organización de
los Estadaos Iberamericanos que apoyan proyectos. Hoy en día, por ejemplo, los programas
de IberEscena han bajada : es una señal de la importancia que se lea de la cultura.
Ahora tenemos por ejemplo se había empezado a construir : el “Antel Arena. Antes era el
“Cilindro Municipal” que era un espacio polideportivo, se demolió y Antel con la Intendencia
iban a levantar el espacio Antel Arena, un espacio cultural (deporte, cultural…). Se paro la
obra a causa de los recortes. Pero eso no se hubiera recortado en otros ámbitos (el interior, la
industria..). Si hay crisis lo primero que se hace es recortar el presupuesto de la cultura,
cuando hay otros países en el mundo que al revés invierten en la cultura porque ven que es
una inversión y no es un gasto. El caso emblemático tal vez es Medellín en Colombia :
abrieron un espacio cultural enrome con intención de erradicar la pobreza, la violencia. Ellos
son los que mantienen.
Usted opina que todavía falta para hablar de una política cultural bien desarrollada?
Falta la voluntad política. El dinero no, hoy en día Uruguay es en crecimiento económico:
invertimos 43 millones en el “Antel Arena” o en carteras, aeropuertos… Falta decir: la
inversión en cultura es una inversión y no un gasto. Hubo avanzos sin dudas, pero todavía
falta este gran paso para decir vamos un poquito más. Cuando la izquierda paso al poder hubo
un paso.
Uno siempre a medida que va avanzando siempre va pidiendo mas. Es una realidad que
nosotros veníamos de una época de crisis económica entonces cuando asume la izquierda y el
Frente Amplio en el poder de alguna manera hubo que reacomodar todas estas cosas. Habían
otros sectores también en la población mas surgidos en atender y era lo que había que hacer.
Pero ahora que ya es el tercero gobierno de izquierda, pedimos un poco más porque en
definitiva es para mejorar todo.
120
2) Entretien avec Gerardo Grieco, actuel directeur du Sodre (également directeur du
Théâtre Solís de 2000 à 2003, et directeur de Culture à l’Intendencia de Montevideo
entre 1995 et 2000), Montevideo le 1er juillet 2015
Usted se puede presentar ?
Soy Gerardo Grieco empecé con la cultura hace muchos anos en el final dela década dela
ochenta. Siempre uno dice que todo empieza con Tabaré Vazquez.
Cuales fueron los grandes cambios de la política cultural en Uruguay ?
En realidad, hay grandes periodos que se enmarcan. Un hasta el año setenta-setenta y uno,
en Uruguay, en los años 40-30 tuvo unas políticas culturales muy fuertes que lo
desacataron mucho en el continente en el ámbito mundial. Era la suiza de américa, y se
llamaba así justamente por el reflejo de unas políticas culturales que hacían de este espacio
del mundo algo peculiar. Peculiar en sus relaciones, en su cultura, en los cultos que se
consideraban aquellos ciudadanos. En esa época, el Sodre el Teatro Solís, la Comedia
Nacional, la construcción de la institucionalidad del Uruguay fue muy fundamental y se vivió
una época de oro que después fue decayendo hasta el año 1971 - que para hablar desde
cultura se marca que se incendio el Sodre, vino la dictadura militar, unas décadas de
obscurantismo completamente decadente. A la salida de la dictadura militar cuando se
recupera la democracia empieza una nueva etapa bien diferente. Su primer reflejo es en la
intendencia de Montevideo, en la que se crea el departamento de cultura, y en el
gobierno y el Ministerio de Educación y Cultura se genera una cierta institucionalidad.
En esta época fue primero director Tomas Lowy que fue en el periodo colorado. Y después
gano Tabaré Vázquez como intendente. Cuando gano Tabaré Vázquez en realidad el
departamento de cultura que habían creado como tal, lo reduzco en división cultura y estuvo
Mario Delgado como director y después volví a ser departamento de cultura el periodo
siguiente que gano Mariano. Con Arana cobran un impulso especial las políticas
culturales en Montevideo y por reflejo y por competencia al nivel nacional. En donde el
director general de cultura fue Gonzalo Carámbula desde el ano 95 hasta el 2005. Yo trabaje
con director de la división cultura en la intendencia desde el 2005 hasta el 2000. Este periodo
fue genial de vigoroso, porque se reconstruyo la sala Zitarrosa, el Teatro Solís..etc. La
121
descentralización cultural no existía y la armamos. Fue genial, en este momento cobro un
vigor extraordinario todo el murga joven, el carnaval.
En esta época, eso era al nivel local de la independencia de Montevideo. Quería saber si
durante este periodo que tenia también una visión nacional de la cultura ?
Teníamos una visión super nacional de la cultura. La primera asamblea general de la cultura
la hicimos en el año 1996, cuando Montevideo era capital cultural de Iberoamérica. La
segunda la hicimos en Paysandú. Aquellos periodos hay que entenderlo como la intendencia
de Montevideo era un gobierno progresista y el gobierno nacional era un gobierno
conservador entonces la actitud de la intendencia de Montevideo era muy competitiva y muy
hacia lo nacional. Tabaré Vázquez ganó en el siguiente periodo. En la intendencia de
Montevideo incluso se hicieron cosas que hoy que se están transfiriendo al gobierno nacional
(la policlínica por ejemplo). En cultura hicimos todo, todo al nivel nacional, todo lo
proyectamos con si fuera un ministerio de cultura, competíamos.
Entonces hubo un cambio en 2005 si ya había una política nacional ?
En 2005, hubo un cambio grande. El tema de las políticas culturales hay: una zona que esta
referida a la jurisdicción directa de las autoridades de cultura, pero hay una zona de políticas
culturales que es muy transversal también que se mete en otros terrenos. En el primero
gobierno de Tabaré Vázquez para mí por ejemplo las dos medidas más importante que tuvo
fueron de políticas culturales : el plan Ceibal (el acceso a Internet y computadoras para cada
escuela) y la prohibición de fumar en todos los espacios públicos. Con una concepción de lo
que es cultura no artística sino de cómo convivimos. De hecho las artes es una herramienta de
convivencia, de transmisión de pautas éticas, de valores y de estética. En ningún gobiernos
piensan la medidas de dejar de fumar como pautas culturales pero si deberían discutirla con el
ministro de cultura. Igual como la regulación audiovisual o el acceso a internet. Hay cosas
que son de políticas culturales naturalmente que se la atribuyen todos los gobiernos pero que
no pasen por la autoridades de cultura explícitamente. La política cultural es parecida a la
política medioambiental : es muy transversal: requiere capacidades de liderazgo. Gonzalo
Carámbula tenía capacidades de liderazgo muy fuerte en política y por eso lograba a
transversalizar un poco la cosa. Fue un periodo muy importante. Es mas para mi, no había de
122
gobierno de Frente Amplio sin los anteriores de la intendencia y sin las políticas publicas en
cultura de la intendencia de Montevideo.
Ahora al nivel nacional del gobierno la cultura tiene una importancia suficiente?
No suficiente, para nada de suficiente, pero mucho mejor que los gobiernos anteriores.
Muchos escalones arriba de los gobiernos blancos y colorados por lejos. Pero si me parece
que no es suficiente. Todavía no hay un ministerio de cultura, hay un ministerio de educación
y cultura que están muy mezclado y que institucionalmente es anárquico y esta mal desinados
y que tienen problemas orgánicos de todo tipo. Tiene una institucionalidad muy débil, que no
genera, tiene un organigrama anárquico que ni siquiera genera espacios de sinergia entre los
espacios que tienen que colaborar. Entonces esta todo muy fragmentadito, necesitaría una
reestructura institucional enorme para cumplir el rol que tendría que cumplir un ministerio de
la cultura de un gobierno de la izquierda. Esta lejos. Lejos de lo que debería ser pero mucho
mejor de lo que era.
Cual es la visión de la cultura de los gobiernos ?
De las artes es una buena visión. Pero es muy segmentada. A mi no me gusta mirar los artes
aisladamente porque ahí te quedas con una idea de artes, de bellas artes. Es decir “es
lindo o es feo”. Pero su utilidad en la sociedad la limitas mucho al lindo/feo. Las artes
desde su origen, cuando el tipo en la cueva de taberna pintaba a un mamut no era bello
o feo. Era arte al servicio de la construcción comunitaria, social. Ese es el rol del arte: la
construcción social para como convivimos. Meterse en la vida de la gente. Y para meterse
en la vida de la gente, te tenés que meter hasta en el tema del tabaco. Si lo restringís solo a
las artes, te quedan un cosa : es lindo/es feo. Pero delimitas mucho su utilidad social. La
vuelve muy decorativa la cultura. A mi no me interesa, me parece que es una mirada de
derechas. Para hablar ideológicamente, él que empuja mucho la cultura hacia una cosa
decorativa y de bellas artes, del cuadrito para adornar una casa, para decir que lindo y qué
culto que soy. Es muy de derecha. Es una mirada despreciativa de la cultura.
La mirada del otro lado, es decir el arte sirve para construir sociedad, y construir trama y
construir ciudadanía es mucho mas progresista.
Eso fue el mayor cambio?
123
Eso es el mayor cambio, y el otro mayor cambio es: una vocación y voluntad
descentralizadora. Eso es fuerte, y antes era recontra centralista y ahora eso ha cambiado
fuertemente.
Hay una competencia entre el MEC y la Intendencia?
Cada uno tiene su papel ciertamente. Porque en este dos periodos los gobiernos son del Frente
Amplio, cada uno tiene sus matices. En este periodo especial que es María Muñoz la ministra
y Mariana Percovich la directora general de cultura va a ser aún mejor.
Cuál es el papel del Sodre en todo eso?
Ahora hicimos Giselle y vendimos 25 000 entradas y vamos en gira nacional en septiembre y
recorremos en país. Vendimos que el fútbol, es decir el elitismo. Te lo comparo para que
tengas una idea. Sacando el clásico Peñarol/Nacional, no hay ninguno que haya vendido más
que el ballet. Todos juntos no vendieron más que el ballet (de 800 pesos a 200 pesos). Es un
precio que necesitamos cobrar para autosuficientar la producción.
Hay una influencia de la UNESCO en las políticas culturales uruguayas?
No sé si son intercambios sino una línea progresista de tratar de recuperar. El Uruguay era
un país recontra progresista en la época del battlismo en donde las leyes y la legislación y el
avance social era como buscador. Estaba primero en la primera ley de divorcio…etc. Esta
búsqueda de volver hasta a ser adelante en la normativa en el debate mundial (la
diversidad…) esta en el discurso del Frente Amplio ciertamente. No quiero decir que todo
se haga bien pero si pasan cosas.
Es asumido y es parte de la posición política del Frente Amplio, de la izquierda uruguaya
claramente (hasta la ley de la marijuana de Mujica). Era como la necesidad de ser los
primeros mundiales. Eso también es cultural. Le falta el sistema mejorar la institucionalidad
de las autoridades de la cultura para que la transversalidad sea más eficiente. Un ministerio
con mayor profesionalismo y con lideres mucho más fuertes. Profesionalismo y liderazgo de
políticas y de tipos de sean capaces. Es un problema de madurez latinoamericana también. Por
ejemplo, Gonzalo Carámbula fue un grande, pero no fue ministro de cultura porque pusieron a
124
otro por cupos repartos y no sé qué. A veces termina un político medio en un puesto muy
relevante cuando ahí personas mucho más sidonias ocuparían este lugar. Hay zonas técnicas y
de profesionalismo que la deben que ocupar profesionales y técnicos y zonas de liderazgo
políticos que tendrían que ocupar grandes hombres más allá que pertenezcan o no a un sector
político. Entonces, es un problema de madurez, de profesionalismo y de liderazgo. No es un
problema de voluntad.
125
3) Entretien avec Luis Mardones, Directeur National de la Culture de 2005 à 2010,
Montevideo, le 05 juillet 2015
Yo fui el primer director de cultura en el primer gobierno del doctor Tabaré Vázquez.
Efectivamente la izquierda uruguaya había venido sufriendo un proceso de acumulación de
fuerzas a lo largo de décadas, antes de llegar al gobierno nacional. 20 años antes de llegar al
gobierno nacional ya habíamos accedido al gobierno municipal de Montevideo.
Cual es la relación del Frente Amplio con la cultura?
Pero desde los orígenes, en el pensamiento de la izquierda uruguaya ya al principio del siglo
20 aparecían dos componentes con mucha fuerza que hacían como a la esencia misma de
la propuesta de la fuerza política. Uno era su relación con el mundo del trabajo, la
tentativa de representar y expresar a los trabajadores. Y la segunda era la de la cultura.
El mundo del trabajo y el universo de la cultura eran los dos grandes universos alrededor de
los cuales giraba la construcción de las izquierdas uruguayas.
Con una pequnaridad ahí, cuando hablamos de izquierdas en la historia uruguaya. En la
historia del siglo XX de Uruguay hay una buena parte del pensamiento progresista que se
expresa a través del battilsmo histórico en Uruguay. Cuando digo izquierda lo digo en un
sentido amplio y genérico. La gentes culturales intelectuales progresistas en Uruguay,
sobre todo hasta 1950, se mueven alrededor del Battilsmo de José Battle y Ordóñez.
Hay una influencia de la UNESCO en el discurso del Frente Amplio ?
Sobre el tema de la proximidad de nuestra definición de cultura con las definiciones de
UNESCO. Yo creo que si hay una convivencia. Nosotros obviamente habíamos leído y
estudiado muchos los documentos de UNESCO antes de llegar al gobierno. También es
bueno que siendo francesa tengas en cuento otros datos : en el pensamiento político del
doctor Tabaré Vazquez y en su discurso de política cultural él recibe un impacto
también muy importante de una experiencia en política cultural francesa que fue el
Ministerio de la Cultura de Jack Lang en el primer gobierno de François Mitterrand.
Fue un tipo de propuesta de política cultural que acá en Uruguay se siguió con mucha
atención. Se guarda en la memoria eso. Uruguay es un país que mira mucho hacia Francia al
126
nivel cultural y las propuestas al nivel cultural suelen tener resonancias. Vázquez estudio en
Francia.
Justo hoy estaba escribiendo sobre los 60 años del Ballet del Sodre y también ahí también se
abrió una reflexión: la cultura uruguaya es una cultura que se ha construido sobre la base de
un nivel de apertura muy fuerte a la cultura universal. Siempre se ha tenido el recaudo de
tomar distancia de la endogamia. Se considera que hay un cierto peligro, o un cierto riesgo
cuando se afirma exclusión de lo local o lo identitario en desmedro de lo universal. Como
que lo local debe levantarse en oposición a lo local. Es una forma de ser muy uruguaya
revindicar que lo local, o la identidad nuestra, también se construye en forma muy
abierta a legados muy universales. Creo que tiene que ver con la propia forma
demográfica del Uruguay, es una país muy formado por aulas inmigratorias, de manera
tal que nosotros no tenemos tampoco en el contexto de naciones latinoamericanas lo
fuerte componente de identidad local que tu podés encontrar en otras naciones, como los
Mexicanos y su enorme legado de los Aztecas o las culturas Andinas. En ausencia de ese
legado tan pronunciado de carácter autóctono y con el hecho de haber forjado el país sobre
la base de oleadas de inmigrantes, se pauta mucha esta característica de la cultura
uruguaya que es muy abierta al mundo. Cuando uno dice al mundo, obviamente por lo que
es la conformación de nuestra historia como republica, la influencia de la matriz europea es
muy pronunciada. Las oleadas imigrativas más importantes fueron de españoles y
italianos. Obviamente lleva aúna influencia muy importante española y italiana con la
conformación de muchos ingredientes de la cultura uruguaya. Pero,
la cultura
entendida como sinónimo de artes, de pensamiento intelectual, la alta cultura, las bellas
artes, las letras, siempre miraron mucho hacia Francia, casi como sinónimo. En algunas
medidas, ser culto en Uruguay hasta los 50, 60, era un poco ser “afrancesado”.
Eso lleva a que Uruguay haya si estudiado y analizado con un seguimiento muy grande
todos los avances y desarrollos de UNESCO. Nosotros por ejemplo lo tuvimos muy a la
vista a la hora de armar nuestro programa de gobierno y a la hora de diseñar los planes
de trabajo de la primera DNC. Justamente, enfrentados con Jack Lang, nosotros
repasábamos mucho las trayectorias de Malraux y de Lang, y encontramos un discurso
muy importante de Lang, que había tomado el presidente Vázquez : “la cultura es
todo”. Con una quotacion que se podría agregar : cultura es todo en lo que interviene el ser
humano. No todo es cultura, todo es cultura aquello en lo que interviene el ser humano, no ?
Pero luego decíamos: como cometemos una política cultural con una definición tan amplia y
127
tan abstractiva. Se corría un riesgo. Porque cuando alguien quiere en política trabajar sobre
todo corre un riesgo muy grande de no hacer nada. Esa inspiración, esa definición es muy
cierta pero uno tiene que acotar cual va a ser su terreno de trabajo.
Nosotros allí es donde tomábamos los documentos de UNESCO y decíamos : nos
agravan esta definiciones y trabajemos en una políticas cultural que de cuenta del terreno de
las artes, de las letras, del patrimonio, y de las tradiciones. Ese era el universo sobre el que
nosotros decidimos armar todos nuestros proyectos y programas para la gestión en la DNC.
También nos interesaba el tema del pensamiento. Nos interesábamos mucho agregar un
capitulo “Uruguay, país de pensamiento” y trabajar todo el tema él de ver que hay en una
DNC de promover el debate de ideas, las controversias intelectuales, el pensamiento…
Como la cultura se vuelve a ser importante en el gobierno, con que tipo de proceso ?
Más o menos el cronograma es este: las elecciones eran en el mes de octubre. De ahí, el
gobierno se instala en el mes de marzo. Entonces hay un periodo de tres/cuatro meses, en el
cual el presidente hay designa quien va a ser sus ministros y sus directores. Y se empieza a
armar la transición con el gobierno saliente. Allí se empiezan a definir las metas, los
objetivos y los correspondientes planes y programas para cumplir con estas metas. Es un
proceso que se hace ya desde la transición pero es cierto que en la transición todavía uno no
esta instalado en su lugar donde va a estar gobernando los años siguientes y tampoco tiene
todo el acceso a toda la información. Una vez que se produce la tomo de posición es donde
realmente uno está en mejores condiciones de terminar de redondear las propuestas. Hay un
aterrizaje de las propuestas una vez que se accede al gobierno.
Este momento hay una influencia de un discurso internacional ?
Totalmente. Cuando nosotros tomamos la definición de cultura la tomamos casi
literalmente de la definición de UNESCO. Es una influencia muy marcada. Hace poco se
cumplían los 60 años de la UNESCO y nosotros decíamos “la UNESCO es un poco el
organismo internacional preferido de los uruguayos”. A veces uno tiene muchos motivos
para enojarse contra muchos organismos internacionales, pero con UNESCO por lo que
exprese y por que representa nosotros solemos sentirnos muy cómodo, verdad? Hemos
tenido en muchas oportunidades respaldos importantes de UNESCO para muchas líneas
128
de acción. Tanto cuando quisimos promover la declaración de bienes patrimoniales
como el hecho de que la Colonia de Sacamiento fuera declarada patrimonio de la
humanidad o con el tema del tango o del candombe. Pero yo en particular, por ejemplo, en
mi periodo nosotros queríamos impulsar el capitulo del desarrollo de las industrias creativas
en el Uruguay. Y allí UNESCO nos ayudó mucho a nosotros. Lideró a muchas agencias de
cooperación, conseguimos importantes recursos de cooperación internacional para el inicio de
un programa de desarrollo de las industrias creativas. Todo eso lo hicimos la verdad con una
ayuda muy grande de UNESCO acá en Uruguay.
Otros organismos influyeron ?
Se trabaja mucha acá también con la OEI, la organización de estado iberoamericanos, en
cultura es importante la OEI tiene toda una línea de auspicio, de trabajo, de investigación. Ha
ayudado mucho a la profesionalización del sector cultural. Es todo un capitulo el tema de la
profesionalización del sector. Es muy reciente en Uruguay, las carreras de formación
terceras en materia de gestión cultural son muy recientes. Gestión cultural en general,
pero luego las especializaciones por ejemplo “gestión de museo, de patrimonio, de salas
culturales” todo es casi inexistente aun.
Antes del Frente Amplio al poder, ya habían políticas culturales en Uruguay ?
Antes había ido algunos antecedentes valiosos. Por ejemplo, había un director de cultura en
los gobiernos del Partido Colorado, Tomas Lowy, él fue director de cultura en la primera
intendencia de Montevideo después de la dictadura militar. Luego fue director del MEC
algunos años más tarde. En los dos lugares adonde el estuvo, tanto en lo municipal como el
nacional fue muy buena su acción. Siempre ha sido reconocida por sus antagonistas políticas
no? Era de derecha el gobierno, pero Lowy no era de derecha. Era una rara cabeza
progresista con algunas pinceladas incluso que vinculaban su historia intelectual y su
pensamiento anarquista. Sin embargo, siempre se mantuvo a dentro del partido colorado. La
explicación es que una historia del Partido Colorado, donde en la primera mitad del
siglo XX, el battlismo había sido un corriente política muy progresista. Entonces eso
llevó a que muchas décadas después cuando eso ya se había perdido (el partido ya era muy de
derecha) todavía podías encontrar algunas personas de pensamiento progresista, que pensaban
que todavía el partido podía recuperar una vieja tradición progresista. Yo tengo una gran
129
opinión de Tomas. Y él siempre se acerco. Cuando y estuve en la DNC, estaba siempre muy
dispuesto a colaborar. Eso es una característica de la política uruguaya que somos bastante
colaborativos. En comparación con otros países como Argentina, la confrontación es menos
dura.
Cuales fueron los grandes cambios con la izquierda ?
Se cambio por completo el panorama. La lista puede ser interminable, pero puedo mencionar
solo algunos proyectos : se crea por primera vez un fundo nacional de cultura “fondo
Concursables”. Llego se llenaran los “fondo incentivos” o “ley de mezcanga”. Se vota la
primera ley de cine para el desarrollo audiovisual. Se vota también una ley para la
seguridad social de los artistas. En quinto lugar se desarrolla el proyecto de los centros
MEC que instala hasta altura más de 140 centros. Este ministerio no tenia ninguna
unidad descentralizada en el territorio : era casi exclusivamente Montevideana su
acción. En sexto lugar se empiezan a desarrollar un conjunto de actividades como
museos en la noches o boliches en agosto que se han convertido como grandes fiestas
ciudadanas. Muchos proyectos!
Eso necesita un gran presupuesto ?
Necesita mucho presupuesto. Empezamos con muy poco. El presupuesto con él que yo inicie
era bastante restriñido, fue creciendo mucho durante mi periodo y si sigue multiplicándose.
Era también porque fueron años muy buenos al nivel económico. Hubo un crecimiento, pero
se decidió favorecer a la cultura lo que no siempre había pasado.
Quién decidió a este momento ?
Son decisiones de Consejo de Ministros. Yo en mi periodo, tuve mucho respaldo con el
Ministro de Economía, con Astori. En mi experiencia personal, fue como un dialogo
permanente con mucha comprensión y mucho respaldo de su parte. Luego tenia mucho
respaldo en el parlamento con una senadora del FA, Marguarita Perkovit. Pero las decisiones
de cómo se asigna el presupuesto se toman en Consejo de Ministros. Es el presidente
actuando con sus ministros.
130
Después que se va Tomas Lowy de la DNC vienen otros gobiernos que prácticamente los
llevan a zero el presupuesto.
Porque ?
No hay que poner etiquetas. El presidente Sanguinetti con quién nosotros tenían muchas
diferencias y choques no era una persona insensible hacia la cultura. Es un viejo político muy
ilustrado, en el sentido de la ilustración de Francia, del siglo de las luces. Tiene también en su
formación intelectual este respeto de la cultura. Por ejemplo, es en el primer gobierno de
Sanguinetti como presidente de la Republica, que se toma la decisión renovar la sala de
espectáculos del Sodre (que fue cerrado durante 40 años). Ahora hay otros políticos de la
derecha que si tienen un desinterés muy grande por la cultura. Es el caso de los gobierno de
los partidos nacional, del partido blanco. Cual es la razón? Es una razón que tiene que ver
con el estableciente de otra propiedades, no se visualizaba la cultura como una de esas
prioridades. En segundo se puede que hay un componente con un carácter más
ideológico que se visualiza a la cultura como un bastión del pensamiento vinculado de
las izquierdas en Uruguay. Que finalmente termina acentuando el camino hacia el avance
del pensamiento de izquierda acá en Uruguay. Hay buena parte de los sectores del partido
blanco y colorado que ven a la izquierda uruguaya muy asociada con el pensamiento de
izquierda. Entonces como consecuencia darle respaldo a la cultura es como darle respaldo
a sus antagonistas. Aunque siempre vas a encontrar en estos partidos de derecha individuos
que defienden a la cultura.
Cuál es la relación entre la cultura y la izquierda?
Es un fenómeno bastante universal los artistas y los intelectuales están muy vinculados
con la izquierda, pero de una manera muy critica. Nos fustigan muy duramente. No es una
relación simple. Pero cuando llega la hora de hacer un balance y hay elecciones, muy
masivamente los artistas e intelectuales se dan cuenta que más allá de las insuficiencias
el balance es positivo. Es una relación con es distinta a la que tenemos con el mundo de los
trabajadores. También nos critican mucho durante 4 años, pero cuando llega el momento de la
elección no tienen mucha duda de a quién votar en Uruguay. Somos una familia, como en
todas familias hay discusiones hay peleas pero hay lazos familiares indiscutibles.
131
Yo te puedo dar nombres de artistas que no son del FA, ahora si me pedís la lista de artistas
que son de izquierda es interminable, necesitaríamos varios días!
Ahora mismo, los dos directores de cultura que tenemos. Uno es Sergio Mautone el DNC
viene del teatro, el es actor. Y la directora de cultura en la intendencia de Montevideo es
Mariana Perkovitch. Que es directora teatral, dramaturga. En el periodo interior estaba Hugo
Achugar en el MEC y Héctor Guido, también del mundo del teatro (director y actor) en la
Intendencia de Montevideo.
Cómo es la relación entre la DNC y el Departamento de la Cultura en Montevideo ?
Es una relación importantísima. La DNC tiene que relacionarse tanto con la dirección de
cultura de Montevideo como con las DC de las 19 intendencias del Uruguay. Ahora
obviamente la dirección de Montevideo tiene una importancia muy grande, no es una
intendencia cualquiera, tiene un peso, un volumen, una trayectoria y un fortalecimiento
institucional tan grande que es bastante reciente en Uruguay el hecho de la DNC tenga
más presupuesto y más recursos que la intendencia municipal de Montevideo. El cambio
viene con nosotros. En nuestra historia era mucho más importante ser director de
cultura de Montevideo que del MEC. No había una visión nacional, la Dirección de
Cultura del MEC se llamaba dirección de cultura. Pasamos a llamarle dirección nacional
de cultura a partir de mi periodo. Porque obviamente el MEC tenia que asumir competencias
nacionales porque sino todo el resto del territorio del Uruguay quedaba sometido a un
desamparo muy grande. Ya tenemos un desarrollo muy asimétrico en este país. Un 90% de
bienes y servicios culturales se concentran en la capital del país. Uruguay ha sido construido
bastante sobre el modelo francés del centralismo. Sin embargo, yo soy muy municipalita.
También tal vez eso tuvo que ver. En el periodo nuestro jerarquizamos mucho el trabajo en el
interior del país. Está el proyecto de los centros MEC. Yo tuve muchas buenas relaciones
con las municipalidades de otros partidos del partido blanco. Hay que hacer esfuerzos
sino uno acaba penalizando a los ciudadanos.
Al nivel local, ya habían políticas culturales fuertes, no ?
Yo tuve en este gobierno en la Intendencia también. Tabaré Vázquez llega al poder en 1990 y
el antecedente inmediato anterior al gobierno de Vázquez fue la DNC de Lowy. Entonces, el
contraste no fue tan grande había un muy bien antecedente inmediato. Esta intendencia del
132
Partido Colorado fue muy mala en todo salvo en cultura. En lo nacional hay un antes y un
después muy marcado del acceso al Frente Amplio al gobierno. Pero al municipal no es tan
marcada la diferencia porque justamente el antecedente inmediato, Tomas Lowy, fue muy
bueno. El primer gobierno de Vázquez por supuesto tomó decisiones importantes en el campo
de la cultura: por ejemplo, propuestas buenos de fortalecimiento de las redes bibliotecas
varíales populares. Pero yo creo que realmente el despegue grande de la política cultural en la
intendencia de Montevideo no se da tanto en este primer gobierno nuestro. Yo llegue a partir
del gobierno de Mariano Arana, del segundo gobierno municipal, que sucede a Tabaré
Vazquez en la Intendencia de Montevideo. Los 10 años de Mariano Arana, y el Director de
Cultura es Gonzalo Carámbula. El FA vuelve a tomar un impulso muy grande. Tienen
un primer fundo concursable “fondo cultura capital” para el desarrollo de las artes. Es el
momento en el cual se toma la decisión de que el Teatro Solís se clausura y se hace una
inversión muy grande y se reabre en forma magnifica. Se abre la sala Zitarrosa, que tiene un
desarrollo y que cumple un función muy importante de formación de audiencias y de
públicos. Gonzalo lo hace acompañado por Gerdardo Grieco en su primer gobierno. Fue una
dupla magnifica. Unos de los momentos más altos de nuestro desarrollo cultural.
Ahora, usted piensa que faltan cosas en la política cultural de Uruguay ?
Si falta. Creo que ahora lo que hay que hacer es una revisión de todos los mecanismos ya
implantados (los fondos Concursables, incentivos). Estas herramientas tienen que ser
revisadas. Hay disciplinas artísticas que ya fueron desarrolladas y hay otras que ahora
necesitan ser desarrolladas. Todas las herramientas forman su patologías. En política publica
es inevitable. Cualquier medida por lo bien intencionada que sea, 10 años después trajo una
cantidad de beneficios pero desarrolló algunas patologías. Por ejemplo, los Fondos
Concursables llego a que ahora hay toda una generación de jóvenes que son “concurseros”.
Saben desarrollar proyectos técnicamente muy bien formulados pero en alguna altura, uno
tiene que preguntarse si aquella cosa anterior que tenia que ver con creación artística no se
haya una poco resentida detrás del profesionalismo detrás de los que saben hace proyectos.
Hay una cosa que tiene que ver con el arte, anterior a cualquier curso que te ensena a formular
proyectos. Hemos privilegiados proyectos técnicamente muy bien formulados pero a veces en
prejuicio de cierta calidad artistita. Es una visión mía.
133
Luego hay que proseguir la creación de institutos. Como teníamos el instituto del cine (que se
crea en mi periodo), instituto de artes escénicas (Hugo Achugar). A mi juicio, se están
faltando algunos institutos más (del libro y de artes visuales).
La otra cosa que urge es reformar la ley de patrimonio (con una comisión muy antigua).
Usted tiene algunos informes ministeriales que me podrían ayudar ?
Nosotros en el primer gobierno no lo logramos a tener. Ahí es un señal que se viene más
solida la política del gobierno. Sigue habiendo una debilidad institucional muy grande. La
dictadura hizo estragos en la cultura. Tuvo una practica sistemática de destrucción de la
cultura, la persecución, el desmantelamiento, el encarecimiento, la destrucción. Sobrevivieron
algunas instrucciones y se convirtieron en focos de la resistencia en contra la dictadura (la
Cinemateca, el teatro independiente, el editorial Banda Oriental…). Muchas fueron
directamente prohibidas y ilegalizadas. El Teatro del Galpón tuvo que exiliarse en México.
Fueron doce años de la historia del Uruguay. En cultura, construir institucionalidad lleva a
décadas y destruirlo se puede destruir en un instante. Eso lo conversamos mucho con la
Ministra. Pero cuando se destruye después volver a levantar todas esas instituciones y
reconstruirlas leva décadas de nuevo.
Usted piensa que hay una “maldición del presupuesto” en la cultura ?
Es una tentación muy fácil porque uno tiene la sensación que la cultura la podés recortar sin
mayores consecuencias. El problema es que los recortes en cultura, las consecuencias se
hacen sentir cuando pasa el tiempo. Por supuesto si vos cerras un hospital, es un escandalo,
una escuela también. Pero para la cultura no es verdad que sea así sin consecuencias. Son
consecuencias acumulativas que van enfermando.
Como hacer para que la cultura sea importante en la visión de los políticos ?
Es una pregunta fascinante, es difícil de responder. En mi experiencia, yo trabajaba con
distintas aproximaciones. A veces, me acercaba a los de deciden sobre el presupuesto con
un discurso: “la cultura puede traerle inversiones y réditos económicos”. Habíamos
hecho algunas investigaciones : “la cultura da trabajo, la cultura es capital”, con un
economista que había trabajado en la economía de la cultura. Como a ellos les importa
134
la economía y los presupuesto, tenemos que convencerlos de que con la cultura vamos a
hacer que la economía crezca. La economía creativa, las industrias culturales… Es muy
importante en el mundo de hoy donde lo simbólico tiene a veces mucho más valor que lo
material. A veces, algunos economistas respondían más al discurso clásico de “aunque que no
da dinero esto es importante, hay que atender lo hay que salvarlo porque en esto está en juego
la identidad, la libertad…”.
Usted me puede hablar del concepto de “ciudadanía cultural”?
Par nosotros, el enfoque era que tenemos una constitución que garantizaba la ciudadanía
política (el derecho al voto por ejemplo). Luego, habíamos avanzados en lo de la ciudadanía
social : para que un ciudadano tiene realmente todos los derechos que la constitución dice que
tiene que tener, no es suficiente con los derechos políticos sino que hay que avanzar en los
derechos sociales que también hagan efectiva el ejercicio de
la
libertad.
Finalmente
llegamos al concepto de ciudadanía cultural : un avance todavía más en profundiza del tema.
Es que aun teniendo derechos políticos y culturales si no aseguramos la efectiva vigencia de
los derechos culturales, el ser humano sigue siendo un ciudadano mutilado, amputado
en el ejercicio de sus derechos. Son las tres dimensiones : la política, la social y la cultural.
Estos derechos culturales tienen dos sentidos : disfrutar de la creación artística y cultura pero
también que tu propia cultura sea reconocida. Son las dos cosas : es un derecho al acceso
democrático de bienes y servicios culturales, vía una mayor circulación de ellos para que
todos los ciudadanos puedan disfrutarlos. La otra línea es más antropológica : como
hacemos para investir del carácter cultural que es inherente a manifestaciones o a obras
culturales que, por a haber estado desarrolladas en otro lugar del territorio o pertenecer
a su origen en otra etnias o razas, la “alta cultura” no la consideró a lo largo de su
tiempo como manifestaciones culturales jerarquizadas. Sin embargo, si lo son. En
Uruguay, hay el caso emblemático del tango. El tango también fue un producto en su origen
estigmatizado por la alta cultura. Tenia una origen popular. Este caso nos invita a reflexionar
sobre como muchas veces censuramos manifestaciones culturales que luego, 100 años
después, pueden ser reconocidas como mayores manifestaciones culturales de nuestro cultura.
Eso fue el recorrido del tango. El ejemplo de Luciano Supervielle y de bajo fundo : el tango
electrónico. Es extraordinario! Eso habla de la vigencia del tango. Del tango y del carnaval.
Es una tradición que se moderniza. El carnaval, hasta los años 70, las elites ilustradas de
nuestro país consideran que eso no era arte ni cultura. Hoy eso es una discusión superada.
135
Nuestros artistas han tenido en el carnaval una vetada permanente de creatividad y de
inspiración.
Eso es algo de política publica y del tiempo y de los usos. Las políticas publicas son
importantes, esencialmente los que aseguran la diversidad verdad? La no imposición de una
única forma de ver las cosas.
En arte y en cultura, la dicotomía tradición/innovación es unas de las cosas las más
interesantes de la historia del arte. Por un lado, tenés que preservar y potenciar las
tradiciones que vienen de antaña. Eso es la defensa del patrimonio. Defensa y preservar y
defender las tradiciones que percibimos como un legado. Pero por otro lado, siempre hay que
innovar. Innovar pero no al jeja porque sino es un poco de esnobismo y la verdadera
innovación, la que más cuenta en la historia del arte y de la cultura es la que siempre se ha
nutrido de las tradiciones. Incluso cuando la intención es romper abiertamente con la tradición
en el fundo es “todo parricidio, es un homenaje encubierto” porque nadie quiere asesinar a un
padre irrelevante, verdad ?
136
4) Entretien avec Roberto Elissalde, directeur des Centres MEC, Montevideo, le 16
juillet 2015
Cuales son sus vínculos con las políticas culturales?
En principio estuve en la comisión nacional para la UNESCO, de 2005 hasta 2008 como
representante de la sociedad civil (sociedad, información y conocimiento). A partir de 2007,
el ministro del MEC me invitó a participar en proyectos de descentralización y acceso a la
cultura en el interior del país. Desde 2007 empezaron, los primeros abrieron el mayo de 2007
en Florida y en 3 otros departamentos. Habían tres departamentos del Frente y uno del partido
tradicional (durazno). No queríamos que se interpretara como una política que iba excluir
departamentos, solamente reservada para departamentos del Frente.
Usted tenía un vinculo con el gobierno central?
Yo trabajaba en este momento como asesor del Ministerio de Acceso y Vivienda y
Medioambiente. En realidad, la política de descentralización lo única que tenia era un titulo, a
partir de conversaciones con gente, viendo que cosas se necesitaban, entendimos que debía
ser un proyecto de descentralización, o sea basado en capacidades locales, en detectar
capacidades locales y promover autonomía de parte de los institutos locales. Generamos una
estructura basado el trabajo de los coordinadores locales, que fueron elegidos a dedo, no había
un protocolo de acceso al estado (diez ano atrás parece un chiste!). Eso fue un cambio
histórico, sobre al nivel de los departamentos. Porque en Montevideo, ya se hacia que el
gobierno central hacia llamados y concursos. Y la gente del interior estaba acostumbrada
que cuando gobierna uno, los amigos que trabajaban con él salían. Hay un cambio de
actitud políticas que tuvo externalidades muy buenas incluso en el campo educativo.
Cuales fueron las diferentes etapas en el desarrollo de los centros MEC ?
La primera cosa es que MEC estaba todo concentrado en dos lugares: era un ministerio débil,
muy pequeño y solamente con una representación en Montevideo, sin presupuesto. Creo que
la plata para gastos de gestión cultural en 2005 era de 10 000. Toda la DNC tenía 10 000
137
dólares. Cuando Tabaré Vázquez llega al poder, se multiplica por diez el presupuesto general
de la DNC y al mismo tiempo en el presupuesto. Asume el gobierno, hasta julio están
preparando el presupuesto hasta noviembre se vota el 1er de noviembre entra el vigor el
presupuesto, que dura 5 anos. En este periodo se decidió la creación de los centros MEC, se
definió la creación de un programa de acceso a la cultura descentralizado, eso agrego más
fundos para el trabajo en la gestión cultural en el interior.
Quién es responsable de eso ? No es Tabaré Vázquez que decidió solo?
Si. La hegemonía política de la izquierda también era la educación y la cultura entonces la
mayoría de los artistas, de los intelectuales son des izquierda. Todo eso concurso de personas
dijeron que no se puede cambiar un país si no se puede cambiar la cultura. Un consenso que
no viene de un solo hombre. Ante la propuesta del Ministro y de Luis Mardones presento este
programa. Antes, el gobierno central con sus 10 000 $ ayudaba a algunos de sus amigos en el
interior a organizar un Festival. Lo que se planteo el Ministro de Cultura en este momento y el
director NC era llegar a todo el país a través de dos proyectos : uno que se llamaba “Uruguay
a toda costa” (un proyecto de espectáculos musicales gratuitos en toda la costa del país) y “un
solo país”. Eso era hasta que se lanzo el proyecto de los centros MEC. El proyecto fue
previsto con una dotación de 11 millones de pesos por 3 anos (2007, 2008, 2009). El formato
elegido para trabajar, se hizo más por intuición política que por trabajo científico : en
vez de ser una línea de base, estudios sobre los necesidades y gustos: acá no hay nada.
Cualquier cosa que hacíamos, lo importante era no perder tiempo y plata en ir a buscar ya
gestiones culturales locales que empezarían a trabajar con nosotros. A partir de eso, se
hicieron los llamados a concurso para estos gestiones.
Esos centros no cumplieron solamente algo cultural sino que trabajamos con las escuelas,
llevar exposiciones de educaciones científicas. Trabajamos con la Embajada Francesa y con la
embajada española para llevar muestras exposiciones en los centros.
Con la UNESCO también? Había dinero de la ayuda internacional?
No nada. En los centros MEC la única donación de la ayuda internacional fue algunos
televisores de parte de China, y la cooperación española dio algunas formaciones y
exposiciones (del agua y del sol). La cooperación francesa fue similar con exposiciones y
películas. Hubo un caso de cooperación con la embajada de los Estados Unidos, que trajeron
138
un grupo de hip hop hispano hablante. Pero nunca fue una relación institucional y
permanente.
Con UNESCO hicimos algunos trabajos con el tema de la educación digital. UNESCO pago
un seminario (cada centro MEC tiene 5/8 computadoras y equipo digital). Pero no mucho
más. Los fundos de los centros MEC eran presupuestal, del estado.
A partir de 2007, que fueron 4 departamentos, fueron creciendo para llegar ahora a los 90
centros en 2009. Son gestionados por una sociedad y reciben plata: del MEC (los gastos
corrientes y de contratación), de la intendencias departamentales (un local físico, la limpieza y
la seguridad) y de Antel (la mitad del equipamiento electrónico y la conexión internet). Pero
el corazón de todo es el MEC.
Al principio era un poco raro y difícil: los gobiernos departamentales de los partidos
tradicionales tenían miedo que eso fuera una invasión. Pero el formato de nuestra
intervención fue absolutamente republicano, era absolutamente independiente de toda otra
actividad que hacía el gobierno, y tratamos todas las intendencias de manera igual. Eso era un
cambio. Antes de 2005, los fundos creados por la oficina de planeamiento de presupuesto para
la evolución del gobierno central hacia el gobierno departamental era totalmente relacionada
con amistad política. Ni siquiera había una previsión legal, se le daba el dinero a los amigos
y no era un proceso institucional. La relación con las intendencia fue de observación
mutual. Nosotros teníamos la convicción que teníamos que trabajar con todos igual, no era
muy fácil. Con la mayoría lo logramos, con algunos tuvimos dificultades insolubles. Lo peor
fue con el gobierno de Lavalleja y de San José (23:30). No querían centros MEC de
ninguna manera. No era un problema de plata sino una ideología feudal que decía “acá
mando yo y no acepto mande un gobierno de izquierda”. Pero después hubo cambios de
gobierno, más modernos, y pudimos trabajar juntos.
Y ahora que somos en 2015, es más aceptado la descentralización cultural ?
Llegamos a una convivencia razonable, también ayudo mucho el hecho de que la gente que
trabaja en los centros MEC no era vinculados para nada con el gobierno. Fueron elegidos de
manera democrática. También hay un acostumbramiento.
Todavía no hay una cosa única en todas las intendencias que tengan una dirección general de
cultura, algunas tienen, otras no tienen nada o son directamente dependiente del turismo.
139
Falta institucionalidad de la cultura al nivel regional, en todo el país. El hecho de tener
presencia del MEC en todo el país, generó también la necesidad de locutores.
La DNC hace mucho tiempo que existe ?
Existía como una dirección pero no era como una unidad ejecutora. Hoy la diferencia que
tiene es que tiene un presupuesto asignado y es el responsable del gasto, o sea que puede
firmar. Yo cuando trabajaba no había una unidad ejecutora, trabajamos dentro de la unidad
ejecutora central. Todo lo que firmaba lo tenía que firmar el director general. En realidad,
nosotros estábamos en el mismo piso que la dirección general así que no había ninguna
problema, pero los de la DNC todo lo que tenían que firmar tenían que venir acá, dando
vueltas… Además fue un periodo con muchos acuerdos de palabra.
También había otras problemas: para nosotros todas las manifestaciones culturales no tenían
el mismo valor ideológico. Las fiestas tradicionales machistas donde el hombre gaucho es al
centro y que la gente le sigue atrás, a mi no me interesa fomentar. Esta muy cerca lo
ideológico, lo valorativo y lo político. Eso se aplica a toda la línea. Por ejemplo, Uruguay
tiene como patrimonio el candombe y el tango. El candombe, la forma de tocar el tambor
viene de tres familias diferentes tradicionalmente. El grupo asesor tenía que tener
representante de la comunidad y obviamente no se podía esquivar a la familia y se genera los
problemas de representatividad. Con el patrimonio inmaterial es complicado. No se puede
negar la tradición pero al mismo tiempo los valores que tiene el gobierno
(democratización, igualdad en el genero, lo no discriminación al otro…) se negocia. Eso
te lo cuento como forma de inquirir el tema patrimonial y cultural que le tiene que servir a
resto de la sociedad para su desarrollo y no solamente para mantener cosas que ya están. Eso
es lo mismo con las letras del tango, muy machistas que eran representativas de una
época. Ahora queremos excluir esto. Se tiene que promover nuevas letras, un tango más
moderno con músicas contemporáneas.
Ahora la política cultural en Uruguay es suficiente?
Uruguay como país joven tiene debilidades históricas, la institucionalidad no es tan
espesa, tan fuerte como en Francia o en Inglaterra. Nosotros podemos inventar tradiciones
nuevas. La murga, espectáculo de carnaval, era solamente de hombres antes. Hace 30 anos,
140
gente de izquierda, la intendencia intento de cambiar eso, integrando las mujeres… etc. Es un
ejemplo de “tradiciones inventadas”.
Hubo un cambio al nivel de la cultura ?
Hubo una victoria cultural de la izquierda en su formula de entender el país. Llego a permear
el país, hubo por supuesto beneficiados culturales no por un acción del gobierno de derrotar a
determina tradición. Hoy el lenguaje caudillo machista no tiene público.
Es una cuestión estratégica para una concepción republicana es que si bien desde la visión de
la izquierda haya una clase predilecta. Hoy no vas a encontrar en el gobierno personas
recontra la burguesía, el capitalismo, la cultura de los ricos… Ahora toda convive y me parece
que esta bien, yo comparto esta visión: tiene que haber para todos los gustos. Antes se
gastaba la plata para solamente en algunos gustos se gastaba plata que era para la clase
alta.
Cual es la herramienta para eso?
Bueno, los centros MEC era una. Se creo también una dirección de ciudadanía cultural,
que implica el trabajo al nivel cultural : fabricas de cultural, que permite a la gente de trabajar
y de vivir de la cultura. Usinas culturales, fabricas que permiten la grabación de productos
culturales en varios lugares del país. Antes, si uno quería gravar música tenía que ira a
Montevideo y costaba mucho. Hay políticas de sensibilización artística por parte de la DNC y
de los centros MEC: pagar talleristas. El reconocimiento de las diferencias, a las culturas
tradicionales, en el centro del país. El fomentar una diversidad de oferta cultural para que la
gente pueda disfrutar de todos los gustos. Nos interesa que la cultura sea portadora de valores
para la convivencia de los ciudadanos. Entonces, si te resumo el centro del cambio es : no
romper (no hay un quiebre radical con lo anterior) hay un cambio radical de énfasis en
determinadas cosas : el reconocimiento de la diversidad, la partura a nuevas ideas, nuevos
formas, el no depreciar ninguna forma de expresión cultural a priori, y el fomentar la creación
por partes de los actores locales. Eso tiene como resultado una cultura más diversa, menos
hegemónica.
Eso es muy relacionado con la UNESCO ?
141
La izquierda uruguaya es una izquierda europeísta, formada con los valores de la
revolución francesa en al marxismo alemán ingles, por el progresismo europeo. La
tradición soviética acá no era el modelo ni de sociedad ni de política. Entonces todo lo que es
el discurso de los organismos internacionales forman parte del discurso de izquierda que se
fija mucho en lo que sucede en Europa. Al nivel de américa latina, la gran influencia fue la
revolución cubana. Obviamente el discurso internacional influyó la izquierda uruguaya y
era lo que nosotros usábamos como contraposición a las políticas culturales de los
partidos tradicionales. Era la alternativa a lo que existía.
Además, la mayoría de los políticos uruguayos mayores de 60 anos eran todos franceses.
La elite política y cultural de izquierda era francófona y recién después anglófona. Yo fui a
Francia, estudié francés durante 5 años. La cooperación científica y la cooperación cultural de
sobre todo ha mantenido una influencia. Al nivel de la formación, Europa sigue siendo la
fuente principal de doctorados, de maestrías. Eso es una influencia. Además, los intelectuales
uruguayos fueron exilados en Europa durante la dictadura. La elite uruguaya tuvo mucha
influencia de Europa. Los modelos europeos o multilaterales son modelos que la izquierda
tiene asumidos. Nosotros somos un país claríficamente occidental y periférico. El modelo
europeo de izquierda, con una participación del estado más fuerte es una referencia.
142
5) Entretien avec Ricardo Ehrlich, ancien Ministre de l’Éducation et de la Culture
entre 2010 et 2015, et Maire de Montevideo entre 2005 et 2010, Montevideo, le 23
juillet 2015
Como usted considera la cultura?
La concepción de las políticas culturales que se llevó adelante los dos primeros años del
gobierno de izquierda al poder y que me toco a mi ser ministro de educación y de la cultura,
tenían algunas que están basadas en algunas concepciones centrales. Primero, la cultura
como creadora de ciudadanía. No voy a dar muchas detalles porque creo que el concepto es
claro. Hablábamos del concepto de ciudadanía cultural, en tanto al protagonismo y a la
apropiación de toda la gente de la cultura en toda su manifestación y su diversidad, en el
disfrute de la cultura y en la creación cultural. Entonces, eso como ciudadanía cultural pero la
cultura sube ser constructora de ciudadanía plena. El segundo elemento es la cultura como
pilar de la construcción de identidades en plural. Sino pensamos que haya una identidad
nacional hay una pluralidad de identidades que confluyen, que tienen elementos comunes y
que compartimos. Entonces, la cultura como elemento fundamental en el desarrollo de las
identidades. Lo tercero la cultura como elemento central en la integración nacional, en la
construcción de integración y de inclusión. El cuarto elemento: la cultura constructora de
convivencia, de vida compartida. Dos últimos elementos importantes para nosotros: el
vinculo entre político y territorio. Esto es importante por la historia y el presente de
Uruguay. Un país creado con un contingente emigratorio importante, que conoció luego un
periodo prolongado de emigración, por razones políticas y económicas. Pero también un
fenómeno de migración interna permanente en la concepción de un país centralizado en la
capital donde estaba el puerto, donde estaba la actividad cultural, las actividades educativas
centrales, con el resto del territorio mirando a Montevideo. Más allá, el país ha sufrido de una
fractura social profunda y tenía una factura territorial. Uno de los objetivos importante de
la izquierda era construir un país integrado social y territorialmente. Y la cultura está
fuertemente vinculada al territorio por varias razones. Al mismo tiempo la cultura es un
factor de construcción de vínculos, el ser humano, la sociedad con el territorio construye
raigo. Es una palabras que para los uruguayos es muy importante. Creo que la sociedad
contemporánea sufre enormemente del desarraigo, o sea la perdida de raíces por
desplazamientos de territorios o porque se arrancan de las raíces por distintas razones y se
143
pierde la capacidad de echar nuevas raíces. Este desarraigo trae consecuencias personales,
sociales, nacionales diversas. La cultura entonces, y su vinculo con el territorio, la cultura
como creadora de raigo parecía como otro elemento central. Y por ultimo, deje para el final,
pero también es fundamental. Es la cultura como creadora de trabajo, de riqueza. Eso será
otro de los aspectos interesantes.
Usted piensa que eso también tiene que ver con una visión del Frente Amplio, o sea de la
izquierda ?
Creo que ha pido un cambio de rumbo en políticas culturales muy claro con la llegada de la
izquierda la gobierno. La historia de Francia al nivel de las políticas culturales tiene algunos
momentos de ruptura interesantes, con André Malraux (“la cultura es para todos”) o Jack
Lang (“la cultura no es solo les beaux arts, es todo lo que crea la sociedad y las personas”.
Estas dos personas son referentes fuertes en marca rumbos y rupturas. Es la cultura
considerada como la bella arte, el patrimonio… como una actividad que embellece la vida
que testimonia de la creación del ser humano: ver la cultura como parte del ser humano y de
las sociedades. Eso es el cambio. En Uruguay las políticas culturales estaban muy
centradas en políticas para ciertas elites, ciertos sectores de la población. Así se percibía,
no se lograba romper con eso. Ver hoy la sala del Sodre en cualquiera de sus espectáculos,
con un publico diverso, de todas las edades, de todos los sectores de la sociedad. El ballet sale
recoger el país: toda la población disfruta de la belleza, y todos los bailarines se van. Creo que
es eso un poco que la izquierda intento. El cambio de rumbo que introduzcó la izquierda. Al
mismo tiempo, el priorizar del esfuerzo presupuestal en lo que era la inversión en
cultura. En abrir espacios para la cultura, en apoyar actividades culturales de la propia
sociedad en su total diversidad. El otro pilar que marco las políticas culturales de izquierda es
la cultura que tiene que ser concebida al plural, en su total diversidad. Con lo cual hay que
apoyar y preocuparse por la creación cultural en su mayor diversidad. Al mismo tiempo, hay
responsabilidad de quién asume las políticas culturales : lo siguiente : estimular la creación,
estimular busca de los más altos niveles de calidad. Uno se logra o no se logra, pero es
muy importante saber medirse con los niveles de calidad más altos. Es una responsabilidad
que hay que marcar en las políticas culturales. La búsqueda de los niveles más altos de
calidad en absolutamente todas las expresiones y creaciones culturales. Con eso creo que se
comprende que se hizo con los centros MEC, la política del SODRE, del Instituto Nacional
del Cine, con los recursos que un país como Uruguay tenía a esta época.
144
Existen otros instrumentos ?
Las usinas, las fabricas, los fundos culturales también. Las usinas culturales son los
centros de audición de audio y de video que se ha convertido en lugares de estimulo a la
creación. Hugo Achugar decía “la cultura no tiene barreras, fronteras, tranqueras” en la
concepción uruguaya. Tenemos que llegar a eso con las políticas culturales. Las políticas
culturales deben detenerse la puerta en las restas de las instituciones. Hay que llegar a
las cárceles, hay que llegar a los hospitales psicóticos… Entonces, creamos usinas en
cárceles y en hospitales piscatorios. En ninguno de estos casos las usinas eran para la
población que eran a dentro de la institución, era para la población que era a dentro de la
institución y la de a fuera. O sea en la basa aérea de la cuidad de Durazno, donde hay una
usina cultural toda la población de Durazno iba a la basa aérea, también la gente que vivía en
Flores. Después se instalaron usinas en lugares, en zonas, en barrios con problemas sociales y
el impacto ha sido muy importante. Y la creación cultural de esos lugares ha sido formidable.
Atrás de cada una de las iniciativas, hay este esquema: la biblioteca nacional que era un
templo para algunos iniciados, había que sacar la biblioteca nacional para que este al lado en
todo el país.
Para usted cual es la ideología del Frente Amplio?
Llamaría eso una “cultura de izquierda”. Una cultura de izquierda hace referencia a una
historia, a una construcción a través la historia. Es un legado intelectual, un legado cultural
muy fuerte con muchos matices, muy diverso. Es una identidad cultural, de una manera, muy
diversa, y es construcción histórica tampoco es lineal. Eso se centra en una serie de valores
que tienen que ver con el ser humano en la sociedad, con la concepción de que es la dignidad
y de que cada ser humano hace la dignidad del conjunto. La solidaridad es uno de los
pilares de la visión de izquierda y también el concebir como lo piensan las poblaciones
indígenas en América Latina, que tienen valores muy interesantes. Que le preguntan cual
es la mayor riqueza que ustedes tienen, ellos se consideran gente muy rica porque la mayor
riqueza es la pertenencia a una comunidad. Es tener una comunidad propia. El considerar la
pertenencia a una comunidad como riqueza tal vez era otro elemento. Esto implique por
supuesto que el concepto de justicia social sea el concepto motor. Eso es lo que llamaría a lo
que define una sensibilidad, y una opción de izquierda. No lo llamaría ideología porque la
145
ideología que es un construcción intelectual termina de alguna manera enmarcarando,
excluyendo a la propia realidad, redquiere que esa sensibilidad esa cultura de izquierda tiene
una mirada permanente al presente y a la realidad.
Hubo un cambio con La DNC ?
El MEC, por razones históricas tiene varias responsabilidades nacionales, varios ministerios :
educación, cultura, ciencia y tecnología y es parte de la justicia (el “parquet” depende del
MEC). Hace décadas el ministerio era de “instrucción publica” (con el concepto de que
la cárcel era un lugar de reeducación). Después se creó el MEC, creo cuando hubo un
cambio institucional, en 1976. Entonces, el ministerio tiene una seria de direcciones y cultura
era una dirección dentro del viejo MEC desde que se cree. Con el Frente Amplio se gana
mayor independencia. Se creo lo que acá llamamos una unidad ejecutora, que significa que se
le da una independencia presupuestal. Antes, la DNC no tenía un presupuesto propio.
Antes tenías la DNC, el Sodre, la Televisión Nacional y las radios, la Biblioteca Nacional, los
Museos, los centros MEC. Lo que creamos dentro del Ministerio es un gabinete de
cultura donde todo era coordinado y centralizado (cada cual tenia su presupuesto). El
otro elemento que me gustaría matizar es la concepción de que la ciencia forma parte de la
cultura. Separar la ciencia de la cultura corta las posibilidades de desarrollo científico.
Hubo una influencia de la UNESCO ?
Hay una referencia mayor, sin duda hay una identidad importante con los objetivos de
las UNESCO. Hay una identidad importante con los rumbos que esos últimos 10 años
tomó la Organización de los Estados Iberoamericanos para la Cultura, la Educación y la
Ciencia. Hay una gran identificación, estos actores participaron en algo que Uruguay
impulsó. Se hizo una reunión en 2006 cuando Uruguay hizo un aporte importante en lo que se
llamó la Carta Iberoamericana de la Cultura. En la reunión se aprueba la carta y toda
nuestra política está fuertemente vinculada con esto. Lo que nosotros pensamos también lo
pusimos allí. Compartimos enormemente y va a ver que hay una diferencia enorme entre
decirlo, describirlo y hacerlo. Para nosotros, lo que estaba allí, había que hacerlo. La
influencia viene que estemos atentos a lo que se hace en todos lados. Se fueron construyendo
ciertas confluencias en sensibilidades, en proyectos, hay momentos en que hay confluencias y
momentos en que hay divergencias. Hemos vivido en la región al nivel cultural, hemos
146
encontrado la confluencia con las ideas de muchos países de Latinoamérica, que varían
también los gobiernos y cambian sus orientaciones. La referencia central es la carta de los
Estados IberAméricanos.
También hay que decir que el Frente Amplio es al gobierno desde 2005, pero está desde 1990
en Montevideo. Es muy importante, porque frente a lo que era la concepción de la cultura y a
la poquísima inversión del estado en la cultura, la intendencia asumió una fuerte
responsabilidad. Cuando asume el gobierno nacional, todas estas ideas que estoy contando se
fueron construyendo en 15 años en la Intendencia. Fue madurando en la Intendencia. Gonzalo
Carrambula fue el que escribió la carta cultural, el fue director de la cultura de la Intendencia
(1995-2005) hace 10 años en la Intendencia. Es un actor central en la construcción de esta
carta cultural. Eso se construyó no bajo la influencia de la UNESCO, pero además como
participante, como actor motor.
El aporte de Francia en la cultura uruguaya es muy
importante también, en el pasado la Alianza Francesa era un referente cultura. Ahora Paris y
Montevideo tienen relaciones muy fuertes, con los intercambios, las becas artísticas…
Antes, como eran las políticas culturales con la derecha al nivel nacional ?
Antes, con la derecha había un presupuesto muy pequeñito, era una concepción : la
cultura no era una urgencia para el partido. Para el Frente Amplio, la urgencia era la
justicia social, en la concepción de izquierda la cultura se forma parte de esta construcción de
una sociedad justa. Creo que la construcción cultural es algo que se tiene que defender y
proteger. Sin dudas, los temas que más complican a los gobiernos son temas económicos. Yo
creo que si bien la cultura es un desafío político mayor no parece ser lo que conmueve a
ciertos políticos en distintos países. Si miramos a los grandes cambios en la historia cultural
de nuestro país, Uruguay era un país muy conservador en varios aspectos (con la concepción
de los orientaciones sexuales, el consumo de substancia adictivas, el derecho a decidir el uso
del cuerpo de la mujer). Es uno de los primeros país a aprobar la ley del matrimonio
igualitario, la despenalización del aborto,
la legalización del cannabis. Son también
opciones culturales en una sociedad. Hoy Uruguay es un país donde el reconocimiento de
la diversidad bajo todo sus formas si bien no es total es algo que se adquirió. La
concepción de la igualdad del derecho, es una construcción cultural es una opción política.
Son elementos de construcción cultural. Que los niños de un pequeño pueblo en Uruguay
vienen todos a ver un ballet, o cuando sale el ballet y recoge el país, muestra un respecto a la
diversidad. Con eso se va creando referencias y valores que tienen que ver con la vida
147
cotidiana. Pero es todo una construcción cuando hablamos de ciudanía cultural, cuando
hablamos de raigo, de convivencia, de integración, me parece que expresa lo que estamos
diciendo. Lo que también me parece importante es la repuesta de la gente a todas estas
políticas. Ahora, cuando uno constata el gran éxito de que fue Giselle (ballet al SODRE)
: la gente empezó a llenar las salas de espectáculos. Los gobernantes nacionales, los
ministros, los gobernantes locales, los intendentes, la gente reclamaba los espectáculos.
Eso quizás que fue el cambio, la construcción cultural, la más importante para la
sociedad, cuando se empezó a lograr este existo. Pero es frágil. Es el principio, queda
mucho. Pensar en Uruguay como un país donde la cultura crea riqueza, de 3 millones y medio
de habitantes, entonces la cultura tiene que ser creadora de riqueza.
148
6) Entretien avec Gabriela Pacheco, chargée de mission au pôle culture du bureau de
l’Unesco à Montevideo, Montevideo le 27 juillet 2015
Hubo un cambio con la izquierda al poder en la relación de la UNESCO con el estado ?
Nosotros trabajamos más allá de los hombres, de los partidos políticos. Por ejemplo, hoy en
Paraguay es un gobierno “conservador”, pero pudimos llegar a una ley sobre la protección de
los bienes culturales, lo que nunca habíamos conseguido antes. Trabajamos con el estado
uruguayo, así que no nos afectan los cambios políticos. Somos neutros. Si trabajaríamos más
con los gobiernos de izquierda seria un proceso muy injusto y desigual. Creo que hay más
una toma de conciencia al nivel internacional, regional, sobre la importancia de la cultura.
Cómo la UNESCO interviene en la política interior del país ?
Tenemos cuatro áreas de intervención : la educación, la cultura, la ciencia y las tecnicas de
información y de comunicación. La UNESCO, al nivel cultural, tiene siete convenciones
ratificadas por el Uruguay : 1) Protección y promoción de la diversidad de las expresiones
culturales (2005), 2) Salvaguardia del patrimonio cultural inmaterial (2003), 3)
Protección del patrimonio cultural subacuático (2001), 4) Protección del patrimonio
mundial cultural y natural (1972), 5) Prohibir e impedir la importación, la exportación y
la transferencia de propiedad ilícitas de bienes culturales (1970), 6) Protección del
patrimonio cultural en caso de conflicto armado (1954), 7) Convención Universal sobre
Derecho de Autor (1952, 1971). La del patrimonio cultural subacuático no fue ratificada
por el Uruguay y la protección del patrimonio en caso de conflicto armado, por supuesto
no la usamos mucho ya que Uruguay es un país pacificado.
Lo que es divertido, es que también el trabajo de la UNESCO, a veces los gobiernos se lo
apropian, como si fuera una iniciativa de ellos. Pero el príncipe el más importante es la
soberanía : cada país es soberano. Sobre todo, que no tememos elementos coercitivos : no
podemos hacer nada si una convención no es aplicada. Creo que 90% de nuestro trabajo es
diplomático.
Tienen relaciones directas con el gobierno ?
149
Hay un algo muy importante en la acción de la UNESCO sobre el gobierno, que es la
comisión nacional de la UNESOC, que esta en el MEC. Esta nuestra interface directa con el
gobierno y cuando organizamos algo siempre pedimos el aval de la comisión. Trabajamos
mucho con ella. Así que nuestro trabajo es más de influencia cultural, para crear espacios de
diálogos. Al nivel más general, también trabajamos para que la cultura sea reconocida al nivel
de la cooperación nacional. No logremos a que sea inscrita en los Objetivos del Milenarios, ni
en los Objetivos post-2015, pero es también una parte de nuestro trabajo.
Dan una ayuda técnica también ?
Sí, claro ! Cada convención tiene fondos para la realización de proyectos de cooperación que
aplican los objetivos escritos. Por ejemplo, presentamos un proyecto negociado con el
gobierno para apoyar a las industrias culturales y ganamos. Trataba de fortalecer las
instituciones culturales y desarrollar la economía de la cultura en Uruguay. Lo
llamamos el proyecto “Viví Cultura”. En este programa, el papel de la UNESCO era de
liderazgo : coordinamos a todas las agencias de cooperación que participaron del
proyecto y proporcionamos técnicos y expertos. Antes de llevar el proyecto, hubo toda
una fase de dialogo con el gobierno y la realización de un estudio de evaluación de las
necesidades.
Por otro lado, trabajamos mucho a la capacitación y al fortalecimiento de las capacidades. O
sea, no es solamente una ayuda técnica y financiera directa, intentamos también que los
actores puedan participar directamente. Por ejemplo, realizamos el proyecto “Patrimonio
Vivo”, que fueron módulos y seminarios para la sociedad civil y los gobiernos con la ideo
de formar los a “que es el patrimonio inmaterial ?”. Porque en Uruguaya, en la ley, el
patrimonio solamente es descrito como al tangible, palpable, así que había que formar la
gente a esta noción del “patrimonio inmaterial” para que puedan aplicar la Convención
sobre la salvaguardia del patrimonio inmaterial.
Cómo hacer concretamente para que una convención sea aplicada al nivel nacional ?
A ser ratificado, una convención se tiene que convertir en leyes. Por eso, se necesita una
ayuda técnica par desarrollar un marco político favorable, con instituciones,
asignaciones de recursos et normas jurídicas apropiadas. La asistencia en el marco
legislativo es fundamental, necesita análisis, evaluación y a veces adaptaciones para la
150
escala local (cuando son países muy federales como Argentina).
En este proceso, qué papel tiene el estado ?
El estado tiene un papel fundamental, es muy importante que tenga voluntad. Es la base de
nuestro trabajo. Negociamos, hacemos campañas de sensibilización (por ejemplo hicimos una
campana de sensibilización con fotografías sobre la importancia el arte local y convocamos a
la prensa), seminarios justamente para provocar esta voluntad. Trabajamos con la prensa
también.
La idea es de llegar a un consenso al nivel internacional, lo que no es fácil, y por eso tenemos
definiciones muy largas. Por ejemplo, la definición del patrimonio es algo muy largo, nada de
exhaustivo o de específico. Eso permite lograr a un consenso y que cada país construya su
definición propia del termino.
Y la investigación ?
Si también es muy importante. La UNESCO es un “laboratorio de ideas”. No es solamente un
organismo de ayuda directa o de financiación como el PNUD. Queremos lograr a una sinergia
y recoger experiencias. Por ejemplo, tenés los Centros Categoría 2, que están auspiciados por
la UNESCO. Son centros nacionales de investigación sobre temáticas especificas de
investigación o en la búsqueda de soluciones innovadoras para el desarrollo. Tienen acuerdo
oficiales con la UNESCO. Y la idea es la difusión de esos trabajos hacia el gobierno. Por
ejemplo, estos pendrives [elle nous pointe une clé USB], que explican de una manera muy
sencilla lo que es el patrimonio inmaterial, os mandamos al MEC.
Para usted, Uruguay es un país en desarrollo?
Es una pregunta importante. Para nosotros, Uruguay es un país “de renta media”, así que no
es un país prioritario para los fondos. La gran prioridad de UNESCO es África. Pero si
Uruguay sigue un país en desarrollo. Porque si bien tiene condiciones de acceso a los bienes
materiales para necesidades básicas muy alto y un nivel de desigualdad bajo, al nivel de la
satisfacción de cultural y social todavía falta mucho. Acá, trabajamos mucho a la construcción
de indicadores porque es muy importante poder evaluar la situación y las necesidades cuando
se refiere a algo inmaterial, que no se puede cuantificar.
151
Annexe 2 – Extraits du discours prononcé, par Marguarita Musto,
directrice de la Comédie Nationale, le 4 octobre 2004 au Teatro El Galpón
Lunes 4 de octubre de 2004, Teatro El Galpón.
Buenas noches. Bienvenidas y bienvenidos compañeras y compañeros artistas y trabajadores de la
cultura. […] El Galpón siempre fue abanderado de la cultura, del arte y de la solidaridad. Antes, durante
y después de los años tristes para todos los uruguayos.
Agradecemos esta convocatoria de la Presidencia del FA y le damos la bienvenida a Tabaré Vázquez.
Tabaré, estás en nuestra casa y esperamos que sientas que esta casa también es la tuya. Este
es un lugar de trabajo como cualquier otro, de creación colectiva. Es un lugar del arte y de la
cultura. También de la política, en el mejor sentido, que es el hacer colectivo desde lo colectivo y hacia
la sociedad.
Los artistas y los trabajadores de la cultura nunca hemos sido ajenos a la política ni indiferentes a los
problemas del país. De los nuestros han sido Atahualpa del Cioppo, el maestro Julio Castro, Paco
Espínola, Alberto Candeau, el Choncho Lazaroff, Alfredo Zitarrosa, Ibero Gutiérrez y tantos otros que
con su arte defendieron las causas populares y democráticas y por eso padecieron represión, cárcel,
exilio y muerte. No somos nuevos ni advenedizos en política. Nadie ignora dónde han estado nuestras
ideas, nuestro esfuerzo y nuestro corazón en la historia del país. Nadie ignora que los artistas hemos
puesto nuestro talento, nuestras palabras, nuestra música, nuestros trazos y colores y nuestro cuerpo
en defensa de las libertades, de la justicia, de la elemental solidaridad con nuestros hermanos.
Nadie puede sorprenderse de que esta noche estemos aquí, convocados en nuestra casa por el
candidato presidencial de la izquierda. No somos los únicos creadores que tiene este país, pero nadie
puede decir que no sabe quiénes somos, dónde estuvimos siempre, dónde estábamos hace diez,
veinte, treinta, cincuenta años, dónde estamos ahora. Dicho claro y breve y con orgullo: la inmensa
mayoría de los artistas y trabajadores de la cultura del Uruguay fuimos y somos de izquierda.
En las malas, en las buenas y en las peores, los artistas hemos estado junto a los más, junto al
pueblo, junto a la educación, por la justicia, por la democracia, contra el autoritarismo. Los
artistas somos sensibles a la tristeza de los niños de la calle, al dolor de los mayores que de noche se
acuestan sin comer, al sufrimiento de la mujer y el hombre sin trabajo, al desamparo de la familia sin
techo. En estos tiempos de miseria y disolución social, los artistas también sufrimos la misma
marginación económica y la misma desidia por parte de las autoridades del Estado que padece la gran
152
mayoría. Como artistas, además, a nuestras penurias sumamos el dolor por el sufrimiento de nuestros
hermanos.
Nadie puede decir que esta convocatoria lo toma por sorpresa. No puede sorprender que el candidato
presidencial de la izquierda convoque a los artistas. Damos la bienvenida a Tabaré y queremos
decir claramente, para que se oiga y se sepa, que lo apoyamos en las elecciones del 31 de
octubre. Queremos que Tabaré gane las elecciones y sea presidente de los uruguayos. El primer
presidente de izquierda en la historia del país. Eso queremos. No hay dudas, ¿verdad?
Es nuestra obligación reconocer que si bien la relación entre el arte y la política nació hace más de un
siglo con las primeras luchas obreras del país, ha sido siempre una relación no fácil. Por ese motivo a
los artistas nos alegra que un dirigente político nos convoque: nada es fácil pero mucho es posible. No
es de buen gusto recibir a alguien en casa para presentarle reivindicaciones. No haremos eso.
Tenemos muchas ilusiones, muchos planes y energías casi sin límites. El 1o. de noviembre te lo
haremos conocer.
Tabaré, aquí estamos los artistas diciendo nuestro compromiso con la democracia y las necesidades
de los más débiles. Lo decimos abierta, claramente. Nada pedimos para nosotros. Los artistas
trabajamos con símbolos, ayudamos a crear la identidad del país. Somos como la mayoría, obreros
que construyen el país y solamente eso queremos seguir siendo:
Esperamos de tu gobierno el mayor esfuerzo y dedicación para proteger a los más débiles, a quienes
tienen hambre, a quienes están enfermos, a las jefas y jefes de familia que no pueden parar la olla. En
ese esfuerzo contarás siempre con nosotros, con nuestro trabajo, con nuestra capacidad, con el talento
de los nuestros. También te decimos que estaremos atentos a que eso se cumpla.
Nos ponemos a disposición del gobierno de la izquierda para llevar adelante el Plan de Emergencia, en
el entendido de que la inclusión de tantos de nuestros niños y jóvenes que hoy están al margen no se
consigue sin educación y sin cultura. Es necesario, es importante, es imprescindible que nuestros niños
no pasen hambre, no pasen frío, no mueran de enfermedades curables. Pero es necesario e
imprescindible que esos niños tengan un futuro, sean libres, sean capaces de reflexionar, de ser
críticos, de juzgar, de elegir, de crear, de amar. Eso es la cultura. La vida humana existe para ser vivida
en una cultura, en una identidad. Nuestro apoyo tiene una condición: la protección a los más débiles y
que la cultura y el arte lleguen a los más.
Tabaré, algo más, que no es lo menos: nosotros creemos que no habrá democracia ni justicia mientras
no sepamos dónde están nuestros desaparecidos. Para terminar.
Te damos la bienvenida en esta casa con las palabras de alguien que lo dijo de modo definitivo:
No te quedes inmóvil al borde del camino no congeles el júbilo no quieras con desgana no te salves
ahora ni nunca no te salves no te llenes de calma no reserves del mundo sólo un rincón tranquilo no
153
dejes caer los párpados pesados como juicios no te quedes sin labios no te duermas sin sueño no te
pienses sin sangre no te juzgues sin tiempo pero si pese a todo no puedes evitarlo y congelas el
júbilo y quieres con desgana y te salvas ahora y te llenas de calma y reservas del mundo sólo un rincón
tranquilo y dejas caer los párpados pesados como juicios y te secas sin labios y te duermes sin sueño y
te piensas sin sangre y te juzgas sin tiempo y te quedas inmóvil al borde del camino y te
salvas entonces no te quedes conmigo. Son palabras de Mario Benedetti.
Tabaré, los artistas te damos la bienvenida a nuestra casa. Quédate aquí. No te arrepentirás. Gracias.
154
Annexe 3 - Extraits Discours d’investiture du Président Tabaré Vázquez
devant le Parlement, du 01/03/05
01/03/05
DISCURSO DEL PRESIDENTE DE LA REPÚBLICA, TABARÉ
VÁZQUEZ, EN EL ACTO REALIZADO EN EL PALACIO
LEGISLATIVO
PRESIDENTE VÁZQUEZ: Queridos visitantes de países amigos y hermanos, que nos
honran con su visita. Queridas uruguayas y queridos uruguayos:
Como decimos siempre, lo primero es lo primero, y lo primero es agradecer a todos
ustedes las muestras de cariño, de afecto, de respaldo, que tanta falta nos hacen para
llevar adelante la tarea que nos han encomendado. ¡Gracias uruguayos, gracias!
Los actos del 1º de Marzo, y éste en particular, no son solamente fruto del
pronunciamiento ciudadano del pasado 31 de octubre. Son fruto de una larga historia
de sueños, de esperanzas, compromisos y sacrificios de muchas generaciones de
uruguayas y uruguayos.
Nosotros, somos apenas un momento de esa larga historia que, por cierto, no termina
hoy.
Por eso somos muchos más que los que estamos aquí. Junto a nosotros están nuestros
padres, nuestros hermanos, nuestros hijos y nietos, nuestros amigos, nuestros
compañeros, nuestros queridos compañeros.
Y ante la imposibilidad, y ante la imposibilidad de mencionar a cada uno de ellos,
mencionaremos a uno que los representa a todos: el General Líber Seregni.
Queridas uruguayas y queridos uruguayos, como no puede ser de otra manera, el
gobierno que hoy se inicia será el gobierno de todos los uruguayos, y el Presidente que
hoy asume será no solamente el Presidente de todos los uruguayos, sino también la
garantía de que el gobierno será el gobierno de todos y para todos los uruguayos.
No seremos arbitrarios, pero tampoco seremos neutrales. No se puede ser neutral ni se
puede ser indiferente ante la pobreza, ante el desamparo, la desigualdad, la violencia,
la corrupción, la intolerancia.
Este gobierno tiene señas de identidad nítidas e indelebles. Y desde ellas vamos a
gobernar para la sociedad y ello pasa por algo que se llama profundizar, ensanchar,
alargar la democracia y la participación ciudadana en el ejercicio de este gobierno
nacional que debe ser de todos los uruguayos.
Este gobierno será un gobierno de cambios, cambios necesarios, porque aquí hubo un
proyecto de país que se derrumbó sobre los más débiles, y un estilo de gobierno al cual
también la historia le pasó por arriba.
tristeza, una visión?
[…]
Ministerio de Educación y Cultura. La educación y la cultura son mucho más que un
155
Ministerio, son un derecho. Un derecho de todos y durante toda la vida.
La educación, lo dijimos muchas veces, no es solamente escolaridad, y dijimos también
“la cultura es todo”.
En todo caso, el Ministerio se encargará de garantizar que todos los uruguayos tengan
igualdad de oportunidades para ejercer ese derecho.
Y entonces, en educación: primero, reparación inmediata de los locales de los centros
educativos que no han sido mantenidos en los últimos tiempos. Lo que ha motivado la
pérdida de clases o su dictado en condiciones inadecuadas.
Segundo, provisión de cargos docentes para atender las 174 escuelas que cuentan con
mayor deserción y repetición escolar, asegurando -entre otras tareas docentes- que los
primeros años de esas escuelas cuenten con un máximo de 25 niños por grupo. Son, lo
que se necesita, unos 50 cargos que pueden ser provistos sin gastar un solo peso extra,
simplemente reasignando recursos ya existentes, a los que se agregará la provisión de
100 cargos de docencia indirecta, es decir, docentes adscriptos con iguales
consideraciones.
En tercer lugar, como lo hicimos en 1990 cuando invitamos a los trabajadores de la
Intendencia Municipal de Montevideo y ADEOM en participar en los acuerdos del
Intendente con sus directores, vamos a invitar a asistir a un representante de las
Asambleas Técnico Docentes, en los tres Consejos de la Enseñanza Primaria,
Secundaria y Educación Técnico Profesional, a participar de los mismos.
En Innovación, Ciencia y Tecnología para el Desarrollo, en primer lugar, creación e
instalación inmediata de un gabinete de la innovación en el ámbito de la Presidencia
de la República, integrado por los ministerios de las áreas productiva y económica y
coordinado por el Ministerio de Educación y Cultura; entre sus funciones iniciales se
encuentra la elaboración de un plan estratégico nacional de ciencia, tecnología e
innovación, con la más amplia participación de todos los sectores involucrados.
Segundo, creación inmediata de 200 becas para investigadores jóvenes en ámbitos
productivos públicos o privados.
En Cultura: primero, convocatoria de la Asamblea Permanente de la Cultura con
representación de todos sus actores.
Segundo, creación por primera vez en la historia nacional del Consejo Nacional de la
Cultura que proporciona a los gobernantes un ámbito permanente de diálogo e
intercambio con la sociedad civil en el plano de la cultura.
Tercero, diseño e impulso del Plan Estratégico de Cultura hacia el Uruguay Cultural
del 2015. Este plan estratégico definirá metas y objetivos que orienten un proceso de
desarrollo cultural propio con la mayor participación ciudadana.
Y hablando de cultura, quiero hablar de un “Maracanazo”: saludar al cantante
uruguayo Jorge Drexler, ganador del primer Oscar que el Uruguay tiene.
¡Felicitaciones, Jorge Drexler, y muchas gracias!
[…]
Hoy -uruguayas y uruguayos- con humildad, con modestia, los llamo a trabajar juntos
por un Uruguay más fraterno, más solidario, más humano.
¡Viva el Uruguay! ¡Viva el Uruguay, uruguayos, viva el Uruguay!
¡Gracias, muchas gracias!
156
Annexe 4 - Augmentation du budget de la Direction Nationale de la Culture
entre 2006 et 2009 (Source : Rapport de Gestion, Direction Nationale de la
Cultura, 2005-2010)
157
Annexe 5 - Augmentation du budget de la Direction Nationale de la Culture
entre 2010 et 2014 (Source : Rapport de Gestion, Direction Nationale de la
Cultura, 2010-2015)
158
Annexe 6 - Augmentation des salaires des fonctionnaires entre 2010 et 2015
(Source : Rapport de Gestion, Direction Nationale de la Cultura, 2010-2015)
159
Annexe 7 - Extraits du projet de loi sur le patrimoine culturel de la Nation
uruguayenne
PROYECTO DE LEY DE PATRIMONIO CULTURAL DE LA REPUBLICA ORIENTAL DEL
URUGUAY
SECCION -IARTICULO 1- (Declaración de Interés General)
Declarase de interés general la creación y gestión de un Sistema Nacional de Protección del
Patrimonio Cultural, como instrumento de aplicación de las políticas y planes nacionales y
departamentales de protección cultural, ambiental y de ordenamiento territorial.
ARTICULO 2- (Patrimonio Cultural de la República)
El Patrimonio Cultural de la República Oriental del Uruguay está integrado por todos los
bienes materiales e inmateriales a los que la sociedad le atribuye valores significativos de
interés histórico, artístico y cultural en sentido amplio, incluyendo los bienes de interés
arqueológico (terrestres y marítimos); paleontológicos; científicos y antropológicos.
Integran el Patrimonio Cultural de la República Oriental del Uruguay. Entre otros:
a) Los monumentos históricos, artísticos y naturales; las obras arquitectónicas, de escultura o
de pintura, los elementos o estructuras de carácter arqueológico.
b) Los conjuntos: entendiéndose por tales, los grupos de construcciones aisladas o reunidas,
cuya arquitectura en unidad e integración en el paisaje les dé un valor excepcional desde el
punto de vista de la historia, el arte o la ciencia.
c) Los lugares o sitios: que se definen como las obras de las personas u obras conjuntas de
las personas y la naturaleza, los parques, plazas, jardines históricos.
d) Los sitios arqueológicos y os lugares en donde se encuentren yacimientos
paleontológicos.
e)El paisaje cultural: que se define como la superficie territorial continental o marina, en la
cual las interacciones del ser humano y la naturaleza, a lo largo de los años, han producido
una zona de carácter definido, de singular belleza escénica o con valor de testimonio natural,
y que podrá contener valores ecológicos o culturales.
f) El “patrimonio cultural inmaterial” que se puede manifestar, a modo de ejemplo, en los
siguientes ámbitos:
a) tradiciones y expresiones orales, incluido el idioma como vehículo del patrimonio
inmaterial;
b) artes del espectáculo;
c) usos sociales, rituales y actos festivos;
d) conocimientos y usos relacionados con la naturaleza y el universo;
e) técnicas artesanales tradicionales.
[…]
ARTICULO 12 INSCRIPCION EN LA LISTA REPRESENTATIVA DE PATRIMONIO CULTURAL
INMATERIAL.
Los bienes inmateriales de interés cultural serán inscripto en la Lista Representativa de
Patrimonio Cultural Inmaterial que llevará el Instituto del Patrimonio Cultural quien lo
inscribirá en los registros correspondientes, a efectos de asegurar su “salvaguardia.”
Se entiende por “salvaguardia” las medidas encaminadas a garantizar la viabilidad del
patrimonio cultural inmaterial, comprendidas la identificación, documentación, investigación,
160
preservación, protección, promoción, valorización, transmisión, -en especial a través de la
enseñanza formal y no formal- y revitalización de este patrimonio en sus diversos aspectos.
161
Annexe 8 - Présentation du séminaire « Les industries culturelles comme
outil d’intégration en Amérique Latine » (Journées du Cinéma, de la Culture
et de l’Intégration Latino-Américaine, Montevideo, dans les locaux de
l’ALADI)
SIMPOSIO INTERNACIONAL
“Las Industrias Culturales como Herramientas de Integración Latinoamericana”
15 mayo de 2015
Sede de la ALADI
PROGRAMA
Hora
09:30 – 10:15
Actividad
Inauguración
- ALADI-Presidente del Comité de Representantes, Emb. Alejandro
Mernies Falcone.
- UNESCO-Directora Regional, Sra. Lidia Brito.
- ICAU, Directora, Sra. Adriana González.
- Cinemateca Uruguaya, Coordinadora General, Sra. María José
Santacreu.
- Director General para Asuntos Culturales del Ministerio de Relaciones
Exteriores del Uruguay, Emb. Carlos Barros.
- ALADI-Secretario General, Lic. Carlos Alvarez.
- Ministra de Educación y Cultura del Uruguay, Dra. María Julia Muñoz.
10:15 – 11:00
Panel 1: Importancia de las Industrias Culturales en el desarrollo,
desafíos y perspectivas para las industrias latinoamericanas
Expositores:
− Ministerio de Educación y Cultura del Uruguay, señor Sergio Mautone,
Director Nacional de Cultura.
− UNESCO: “Industrias creativas y desarrollo sostenible: oportunidades
y desafíos”, señor Frédéric Vacheron, Especialista de Programa de
Cultura para el Cono Sur y Director de Programa de Villa Ocampo.
− Instituto Nacional de Cine y Artes Visuales de Argentina (INCAA),
señor Alberto Urthiague, Gerente de Fomento.
− Centro Latinoamericano de Economía Humana (CLAEH), señor José
Alonso, Especialista en Economía de la Cultura
Temas a ser abordados:
! ¿Cómo transformar las industrias culturales en una herramienta para
la profundización de la integración regional?
! ¿Cómo hacer para que los Latinoamericanos consumamos más
nuestras industrias culturales?
! ¿Cómo fomentar la producción y distribución de las industrias
culturales de los países miembros?
! Reconversión digital e impacto en las producciones latinoamericanas
162
Moderador: Federico Beltramelli, Coordinador de la Licenciatura en
Comunicación, Facultad de Información y Comunicación, UDELAR
11:00 – 11:15
Preguntas
11:15 – 12:30
Panel 2: Coordinación de esfuerzos
latinoamericana en materia cultural
para
la
integración
Expositores:
- ALADI, señor Christian Leroux, Departamento de Acuerdos y
Negociaciones
- MERCOSUR, señora Nancy Caggiano, Coordinadora de la Secretaría
Técnica de la Reunión Especializada de Cine y Audiovisual (RECAM).
- CAN, señor Elmer Schialer, Director General
- Grupo Iberoamericano de Editores: “Recomendaciones de iniciativas
regionales para la industria editorial latinoamericana”, señor Boris
Faingola. Presidente.
- Doc.Montevideo, señor Luis González Zaffaroni, Director Ejecutivo.
Moderador: José Miguel Onaindia, Consultor - UNESCO.
12:30 – 12:45
Preguntas
12:45 – 14:30
Almuerzo
14:30 – 16:45
Panel 3: Políticas públicas sobre las industrias culturales en
América Latina: el caso de la industria cinematográfica y la
coproducción como herramienta de integración
Expositores:
- Director de Cine y Miembro de la Comisión Directiva de la Asociación
de Directores Argentinos Cinematográficos (DAC), señor Julio Ludueña.
- Cineasta, Vicepresidenta de la Asociación de Directores y Guionistas
de Chile, señora Tatiana Gaviola.
- Coordinador del área de investigación del Instituto Mexicano de
Cinematografía, señor Juan Carlos Domínguez Domingo.
- Productor de la coproducción Uruguay-Colombia, “Anina”.
- Experto venezolano en industrias culturales, señor Said Dahdah Antar.
Temas a ser abordados:
! Rol de los Estados y cómo pueden apoyar el desarrollo de la industria
del cine en Latinoamérica. Balance, experiencias y perspectivas.
! Análisis sobre la exhibición de las producciones. ¿Cómo fortalecer el
circuito alternativo?
! Impacto de las negociaciones internacionales en la industria
audiovisual (compromisos derivados de los Acuerdos Comerciales)
! Qué se puede extraer de experiencias tales como las de India
(Bollywood o Kollywood), Francia, USA (Hollywood), Corea, o Nigeria
(Nollywood), y las desarrolladas en Latinoamérica, la experiencia de
los países miembros, especialmente de Argentina, México y Brasil.
Compartir experiencias.
! ¿Cómo han resuelto los países los retos que plantean las nuevas
plataformas para las producciones latinoamericanas?.
! ¿Cómo hacer para que los latinoamericanos consumamos más
2
163
nuestro cine?
! La coproducción entre las industrias cinematográficas de los países
miembros.
Moderador: Fernando Epstein, Director de la Entidad Programadora
Regional, Red de Salas MERCOSUR.
16:45 – 17:00
Preguntas
17:00 – 17:20
Conclusiones y Cierre del Simposio
- Dr. César Llona, Subsecretario de la ALADI.
- Emb. Emilio Izquierdo Miño, Represente Permanente del Ecuador ante
la ALADI; Coordinador del Grupo de Trabajo Ad Hoc Cine, Cultura e
Integración Latinoamericana.
17:20 – 17:40
Presentación del Ciclo de Cine Latinoamericano
- Cinemateca Uruguaya, señora María José Santacreu, Coordinadora
General y señora Alejandra Trelles, Coordinadora de Programación.
17:40
Brindis
__________
3
164
Annexe 9 - Discours d’ouverture du séminaire international « Les
industries culturelles comme outil d’intégration en Amérique Latine »
Secretaría General
Prólogo del Secretario General de la ALADI
Si algo caracteriza a Latinoamérica, es la profunda y riquísima diversidad de sus tradiciones y
expresiones culturales, pasando por la música, la danza, la gastronomía, hasta llegar a la
literatura y a la producción audiovisual de primer orden.
Esta riqueza, herencia de los azares, triunfos y vicisitudes de nuestra historia misma, en las que
tradiciones y costumbres autóctonas sufrieron procesos de sincretismo, asimilación y
transformación con la llegada de la cultura occidental, y que fue enriqueciéndose igualmente en
virtud de las distintas oleadas migratorias que sufrió el continente americano provenientes de
todo el orbe, ha sido reconocida internacionalmente en multiplicidad de ámbitos.
América Latina necesita articular políticas públicas regionales de gestión cultural que permitan
una verdadera puesta en valor de la creación, al tiempo que la acerquen al consumo popular. Para
ello se necesita que los aparatos estatales de gestión y promoción de la cultura, de los medios de
comunicación y de la empresa privada fortalezcan el rol no solamente creativo que tiene la cultura
dentro de nuestras economías, sino del papel generador de riqueza que juega dentro de
Latinoamérica.
El proceso de integración en la Asociación Latinoamericana de Integración (ALADI) no ha sido
ajeno al fenómeno de la expansión cultural, al comercio de bienes culturales y al impacto de las
industrias culturales en las economías de la región. Por este motivo, los países miembros de la
ALADI suscribieron en 1997 el Acuerdo Regional No 7 sobre “Cooperación e intercambio de
Bienes en las áreas Cultural, Educacional y Científica” que tiene como objetivos fundamentales
1) crear un Mercado Común de Bienes y Servicios Culturales y 2) fomentar la Cooperación
Educativa, Cultural y Científica, con la finalidad de mejorar y elevar los niveles de instrucción,
capacitación y conocimiento recíproco de los pueblos de la región.
Por ello, así como también por la necesidad de reflejar los avances tecnológicos que transforman
sustancialmente la modalidad de producir y consumir bienes culturales, la Secretaría General de
la ALADI viene desarrollando desde el año 2010 diversas actividades con la finalidad de
actualizar y ampliar el Acuerdo Regional No 7, así como también de implementar un Programa de
Cooperación en los ejes de Cultura, Ciencia y Educación, con el apoyo de UNESCO. En este
marco, la ALADI viene desarrollando las “Jornadas de Cine, Integración y Cultura
Latinoamericana”, una de cuyas primeras
cuyas primeras actividades será este Ciclo de Cine Latinoamericano que presentamos a
continuación.
El Ciclo de Cine será precedido por el Simposio Internacional “Las Industrias Culturales como
Herramienta de la Integración Latinoamericana” a realizarse el 15 de mayo de 2015 en la sede de
165
la ALADI. Ambos eventos contarán con la presencia y participación de autoridades y expertos
provenientes del sector público y de la industria cultural de la región, de representantes de
organismos de integración, de Directores de Cine, entre otros, quienes abordarán temas como las
perspectivas actuales para las industrias culturales latinoamericanas, las mejores prácticas en
materia de políticas públicas y la coordinación de esfuerzos entre los mecanismos y esquemas de
integración de la región.
Quisiéramos agradecer a la Cinemateca Uruguaya, al Ministerio de Relaciones Exteriores del
Uruguay, al Instituto del Cine y Audiovisual del Uruguay, así como a la Oficina Regional de la
UNESCO, quienes se convirtieron en socios fundamentales para llevar a buen término estas
iniciativas.
De igual forma, al Embajador Emilio Izquierdo Miño, Representante Permanente del Ecuador
ante ALADI, quién se convirtió en un gran impulsor de las mismas en el seno de nuestra
Asociación.
Carlos “Chacho” Alvarez Secretario General de ALADI
166
Annexe 10 - Calendrier de la cinquième réunion ordinaire de la
Commission Interaméricaine de la Culture
ORGANIZACIÓN DE LOS
ESTADOS AMERICANOS
Consejo Interamericano para el Desarrollo
Integral
(CIDI) QUINTA REUNIÓN ORDINARIA DE LA
COMISIÓN INTERAMERICANA DE CULTURA
21 de marzo de 2013 - Salón José Gustavo Guerrero
22 de marzo de 2013 - Salón Rubén Dario
Washington, D. C.
OEA/Ser.W/XIII.5.6
CIDI/CIC/doc.4/13 rev.3
1 abril 2013
Original: español
CALENDARIO
Objetivos:
•
•
Promover el diálogo entre los delegados de los Estados Miembros para compartir experiencias y soluciones a retos comunes en relación a los temas centrales del Temario acordado. Informar, evaluar y presentar los alcances y oportunidades a futuro del Plan de Trabajo de la CIC 2012-­‐2013, así como discutir y establecer sus prioridades para el siguiente periodo. •
Informar sobre el proceso de diseño del Plan de Acción de la Carta Social de las Américas en el área de cultura. •
Dialogar sobre las propuestas de lugar, fecha, posibles temas y otros aspectos de la próxima Reunión Interamericana de Ministros y Máximas Autoridades de Cultura. Autoridades de la CIC: Presidencia: Perú Vicepresidencias: Canadá, Estados Unidos, Guatemala y Haití Secretaría Técnica de la CIC: Oficina de Educación y Cultura (OEC) Jueves 21 de marzo de 2013
8:30 a.m. – 9.00 a.m. INSCRIPCIÓN DE PARTICIPANTES 167
9:00 a.m. – 9:20 a.m.
SESIÓN INAUGURAL: Bienvenida
Palabras de bienvenida a cargo de:
- V. Sherry Tross, Secretaria Ejecutiva para el Desarrollo Integral
(SEDI) de la Organización de los Estados Americanos.
- Rafael Varón Gabai, Presidente de la Comisión Interamericana
de Cultura y Viceministro de Patrimonio e Industrias Culturales,
Ministerio de Cultura del Perú.
Jueves 21 de marzo de 2013 (continuación)
9:20 a.m. – 9:45 a.m.
PRIMERA SESIÓN PLENARIA: Objetivos de la Reunión e Informe
del Plan de Trabajo de la Comisión Interamericana de Cultura (CIC)
(duración total: 25 minutos)
Objetivos de la reunión y adopción de los proyecto de Temario
(CIDI/CIC/doc.2/13), de Temario Anotado (CIDI/CIC/doc.3/13) y de
Calendario (CIDI/CIC/doc.4/13).
Informe sobre los avances del Plan de Trabajo de la CIC 2012-2013.
- Lenore Yaffee García, Directora, Oficina de Educación y Cultura,
DDHEC/SEDI/OEA, Secretaría Técnica de la CIC.
Comentarios de las delegaciones (10 minutos)
9:45 a.m. – 11:00 a.m.
SEGUNDA SESIÓN PLENARIA: Cultura y Desarrollo: a) Las artes,
la creatividad y las nuevas tecnologías como oportunidades para la
inclusión social y la generación de empleo – Parte I (duración total: 1
hora y 15 minutos)
Temas:
• Creatividad y nuevas tecnologías, contextualización. M. Scott
Poole, Director, Universidad de Illinois, Instituto de Computación
en Humanidades, Arte y Ciencia Social, I-CHASS
• Enfoques Socio-Económicos de Cultura en Canadá. Gordon Platt,
Director Principal de Política Estratégica y Asuntos
Internacionales e Intergubernamentales, Departamento de
Patrimonio Canadiense.
• Presentación del proyecto Animérica. Félix Lossio Chávez,
Director General de Industrias Culturales y Artes del
Viceministerio de Patrimonio Cultural e Industrias Culturales,
Ministerio de Cultura del Perú.
Moderador
- Rafael Varón Gabai, Presidente de la Comisión Interamericana
de Cultura y Viceministro de Patrimonio e Industrias Culturales,
Ministerio de Cultura del Perú.
Comentarios y diálogo de las delegaciones (40 minutos)
11:00 a.m. – 11:15 a.m.
Foto oficial de la Reunión (la Autoridad/Delegado Representante de
cada país)
168
Jueves 21 de marzo de 2013 (continuación)
11:15 a.m. – 12:40 p.m. TERCERA SESIÓN PLENARIA: Cultura y Desarrollo: a) Las artes, la creatividad y las nuevas tecnologías como oportunidades para la inclusión social y la generación de empleo – Parte II (duración total: 1 hora y 25 minutos) Temas:
• Arte e Inclusión Social. Nigel Clarke, Director Ejecutivo de la
Orquesta Nacional Juvenil de Jamaica.
• Desarrollando Nuestras Industrias Culturales…Juntos. Ingrid
Ryan-Ruben, Directora de Cultura, Ministerio de las Artes y
Multiculturalismo de Trinidad y Tobago.
• Fortalecimiento de la inclusión social a través de la cultura:
Comentarios por parte de los Estados Miembros que han
presentado proyectos al Fondo Especial Multilateral del Consejo
Interamericano para el Desarrollo Integral (FEMCIDI) de la OEA.
Moderador
- Diane Haylock, Presidenta, Instituto Nacional de la Cultura y la
Historia de Belize.
Comentarios y diálogo de las delegaciones (40 minutos)
12:40 p.m. – 2:40 p.m.
PROGRAMA DE ALMUERZO. Ofrecido por el Comité Organizador
de los Juegos Panamericanos/Parapanamericanos Toronto 2015, en
colaboración con la Misión Permanente de Canadá ante la OEA.
•
2:40 p.m. – 3:40 p.m.
Presentación sobre el Programa de las Artes y la Cultura de los
Juegos Panamericanos/Parapanamericanos y las posibilidades de
participación en los juegos por los Estados Miembros. A
continuación se servirá el almuerzo.
CUARTA SESIÓN PLENARIA: Cultura y Desarrollo: b) Patrimonio
cultural: protección y preservación para consolidar la identidad
nacional/regional necesaria para el desarrollo integral (duración total:
1 hora)
Presentación del proyecto: Expandiendo el potencial socioeconómico del patrimonio cultural en el Caribe. Fase I: evaluación
de necesidades y selección de proyectos.
- Lenore Yaffee García, Directora, Oficina de Educación y Cultura,
DDHEC/SEDI/OEA.
Jueves 21 de marzo de 2013 (continuación)
- Gustavo Araoz, Socio Principal, Coherit Associates, LLC,
consultora técnica del proyecto.
169
Comentarios y diálogo de las delegaciones (35 minutos)
3:40 pm. – 4:10 p.m.
QUINTA SESIÓN PLENARIA: Carta Social de las Américas:
informe sobre los avances en el diseño del Plan de Acción en el área
de Cultura (duración total: 30 minutos)
Proyecto de Plan de Acción de la Carta Social de las Américas (área
de cultura).
- Maria Claudia Camacho, Especialista Laboral-Coordinadora de la
RIAL, Departamento de Desarrollo Social y Empleo, SEDI/OEA.
Comentarios y diálogo de las delegaciones (15 minutos)
4:10 p.m. – 4:30 p.m.
RECESO (traslado al Museo de Arte de las Américas)
4:30 p.m. – 7:30 p.m.
PROGRAMA CULTURAL Y RECEPCIÓN. Museo de Arte de las
Américas, 201 18th St. N.W., Washington, D.C. 20006.
Programa de Actividades Culturales organizado por la Delegación del
Perú.
• Conversatorio: “Perú: del indigenismo a la interculturalidad”. Dr.
Ramiro Matos, Museo Nacional del Indio Americano del
Instituto Smithsonian; Dr. José Luis Rénique, Universidad de la
Ciudad de Nueva York.
• Exposición de obras selectas de Fernando de Szyszlo. Colección
permanente del Museo de Arte de las Américas.
Recepción ofrecida por la Presidencia de la CIC y la Misión
Permanente del Perú ante la OEA (6:00 p.m.)
Viernes 22 de marzo de 2013
Nota: La reunión se traslada al Salón Rubén Dario. 1889 F St. N.W. Edificio de la Secretaría General
(GSB).
9:00 a.m. – 10:40 a.m.
SEXTA SESIÓN PLENARIA: Recursos para la Cultura: b) Hacia
una armonización de las cuentas de la cultura: avances en la región –
Parte I (duración total: 1 hora y 35 minutos)
Presentación del estudio El impacto económico de las industrias
culturales y creativas en las Américas a cargo de Oxford Economics
comisionado por OEA-BID-British Council.
- Lenore Yaffee García, Directora, Oficina de Educación y Cultura
DDHEC/SEDI/OEA.
- César Parga, Jefe, Oficina de Competitividad, Departamento de
Desarrollo Económico, Comercio y Turismo (OEA).
- Iván Duque, Jefe, División de Asuntos Culturales, Solidaridad y
Creatividad del Banco Interamericano de Desarrollo (BID).
- Paul Smith, Director del British Council, EE.UU.
- Adrian Cooper, Director Ejecutivo de Oxford Economics.
170
Comentarios de Organismos Internacionales.
- Mónica Torres Cadena, Subdirectora Derecho de Autor del
CERLALC.
- Diana Marcela Rey, Directora del Programas de Cultura del
Convenio Andrés Bello (CAB).
Moderador
- Celia Toppin, Secretaria Permanente Adjunta, Ministerio de la
Familia, Cultura, Deportes y Juventud de Barbados.
Comentarios y diálogo de las delegaciones (40 minutos)
10:40 a.m. – 10:55 a.m.
10:55 a.m. – 12:40 p.m.
RECESO
SÉPTIMA SESIÓN PLENARIA: Recursos para la cultura. b) Hacia
una armonización de las cuentas de la cultura: avances en la región –
Parte II (duración total: 1 hora y 45 minutos)
Temas:
• Experiencias exitosas en los Estados Miembros:
- Gabriela Stockli, Responsable de Organismos Internacionales,
Secretaría de Cultura de Argentina.
- Ángel Eduardo Moreno Marín, Coordinador Grupo de
Emprendimiento Cultural, Ministerio de Cultura de Colombia.
Viernes 22 de marzo de 2013 (continuación)
-
Anahí Moyano, Asesora, Ministerio de Cultura y Juventud de
Costa Rica.
• Incrementar el crecimiento económico y promover el desarrollo a
través de la cultura. Comentarios por parte de los Estados
Miembros que han presentado proyectos al Fondo Especial
Multilateral del Consejo Interamericano para el Desarrollo
Integral (FEMCIDI) de la OEA.
Moderador
- Patricia Fernández, Directora de Cooperación Cultural
Internacional, Dirección General de Asuntos Internacionales,
Consejo Nacional para la Cultura y las Artes (CONACULTA) de
México.
Comentarios y diálogo de las delegaciones (50 minutos)
12:40 p.m. – 2:30 p.m.
2:30 p.m. – 3:20 p.m.
ALMUERZO
OCTAVA SESIÓN PLENARIA: Recursos para la Cultura. a)
Financiamiento de la Cultura: responsabilidad e inversión públicoprivada (duración total: 50 minutos)
Temas:
• Incentivos para el sector privado: presentación de las
conclusiones del “Encuentro Iberoamericano sobre Financiación
171
de la Cultura. Una responsabilidad compartida entre el sector
público y privado”. (Realizado en Perú, Noviembre del 2012).
Ana Yañez, Directora, Fundación de Casas Históricas y
Singulares, España.
• Estrategias exitosas para incrementar las alianzas con el sector
privado, y para aumentar su apoyo. Eva Caldera, Presidenta
Adjunta, Partnership and Strategic Initiatives, National
Endowment for the Humanities (NEH), Estados Unidos.
Moderador
- Raúl Castro Zachrisson, Sub-director General, Instituto Nacional
de la Cultura (INAC) de Panamá.
Comentarios y diálogo de las delegaciones (30 minutos) 3:20 p.m. – 3:35 p.m.
RECESO
Viernes 22 de marzo de 2013 (continuación)
3:35 p.m. – 3:55 p.m.
NOVENA SESIÓN PLENARIA: Aspectos relacionados a la Sexta
Reunión Interamericana de Ministros y Máximas Autoridades de
Cultura (duración total: 20 minutos)
Propuestas de lugar, fecha, posibles temas y otros aspectos.
3:55 p.m – 4:35 p.m.
DÉCIMA SESIÓN PLENARIA: Nuevas propuestas y consideración
del Plan de Trabajo de la CIC (duración total: 40 minutos)
Temas:
• La cultura en la Organización de los Estados Americanos: una
retrospectiva (1889-2013).
• Temas prioritarios para la selección de una segunda ronda de
misiones técnicas de cooperación y para la identificación de
prácticas exitosas.
-
Lenore Yaffee García, Directora, Oficina de Educación y
Cultura, DDHEC/SEDI/OEA.
Estados Miembros tienen la oportunidad de ofrecer
propuestas para el Plan de Trabajo de la CIC 2013-2015.
nuevas
Comentarios y debate abierto (20 minutos)
Aprobación del nuevo Plan de Trabajo de la CIC 2013-2015.
4:35 p.m. – 4:45 p.m.
SESIÓN DE CLAUSURA
- Rafael Varón Gabai, Presidente de la Comisión Interamericana de
Cultura y Viceministro de Patrimonio e Industrias Culturales,
Ministerio de Cultura del Perú.
172
TABLE DES MATIERES
Résumé ...................................................................................................................................... 3
Remerciements ........................................................................................................................... 4
Sommaire ................................................................................................................................... 7
Introduction .............................................................................................................................. 8
Première partie
Un changement cognitif : la culture perçue comme moteur de développement social .... 30
I.
Section introductive : la politique culturelle uruguayenne avant 2005 ................................31
1) Une histoire politique marquée par un bipartisme politique traditionnel ..............................31
2) Le développement d’une politique culturelle élitiste ............................................................32
3) 1985-2005 : entre un activisme des pouvoirs centraux et une indifférence du gouvernement
central ............................................................................................................................................34
II.
1)
2)
Un changement de référentiel global, plus en phase avec le monde de la culture .............37
De nouvelles valeurs, croyances et représentations générales, ancrées à gauche ..................37
Un système de croyance partagé par le monde de la culture .................................................41
III. Une nouvelle vision de la culture, comme outil de politique sociale ..................................43
1) Le « noyau central » du système de croyance de la politique culturelle uruguayenne ..........43
2) La formulation de nouveaux objectifs plus ambitieux ..........................................................49
Deuxième partie
Les mesures concrètes mises en œuvre pour défendre ce nouveau référentiel cognitif ... 53
I.
L’institutionnalisation de la politique culturelle uruguayenne .............................................54
1) Le renforcement du poids institutionnel de la Direction Nationale de la Culture .................54
2) Le renforcement des grandes institutions culturelles nationales ...........................................56
3) Des fonctionnaires valorisés et plus compétents ...................................................................57
4) De meilleurs outils de gestion culturelle et de communication .............................................59
II.
La décentralisation de la politique culturelle uruguayenne .................................................61
1) Des relations renforcées entre la Direction Nationale de la Culture et les différents
Directeurs de la Culture des départements locaux .........................................................................61
2) La développement de « centres MEC » : l’accès à la culture pour l’intérieur du territoire...62
3) Les usines et les fabriques culturelles : l’accès à la création pour tous .................................63
III. L’adoption de mesures symboliques, comme outil de marqueur idéologique ..................66
1) Des fonds pour financer la culture .........................................................................................66
2) Une loi pour la sécurité sociale des artistes ...........................................................................68
3) Vers une meilleure exportation de la culture uruguayenne dans le monde ...........................68
173
Troisième partie
L’action d’acteurs internationaux dans la construction de la politique culturelle
uruguayenne ........................................................................................................................... 72
I.
L’action de l’Unesco pour la prise en compte de la promotion de la culture en Uruguay .73
1) Présentation d’un acteur international historique majeur ......................................................73
2) La défense de la culture : une mission fondamentale ............................................................74
3) Les moyens d’action de l’organisation ..................................................................................76
4) Une action qui s’inscrit dans une mouvance internationale généralisée ...............................79
II.
L’action de la régionalisation et la coopération ibéro-américaine ......................................82
1) L’intégration régionale ..........................................................................................................82
a) L’ALADI ...............................................................................................................................83
b) Le Mercosur ...........................................................................................................................84
c) L’OEA et de la Commission Interaméricaine de la Culture ..................................................86
2) La coopération culturelle ibéro-américaine, un autre vecteur d’influence ............................87
III. L’impact de ces processus sur le système de croyance du Frente Amplio ........................91
1) Le développement d’une « communauté épistémique »........................................................91
d) Les « arènes de la négociation » ............................................................................................93
2) L’établissement de « normes culturelles ».............................................................................96
3) Conséquence : le constat d’une influence cognitive ..............................................................97
Conclusion ............................................................................................................................. 100
Sources ................................................................................................................................... 104
Bibliographie .......................................................................................................................... 106
Annexes .................................................................................................................................. 114
Table des matières .................................................................................................................. 173
174

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