HISTORIA QUIETA HISTOIRE IMMOBILE

Transcripción

HISTORIA QUIETA HISTOIRE IMMOBILE
HISTORIA QUIETA
HISTOIRE IMMOBILE
@1993 Ediciones Trike, Montevieo
ISBN: 9974-32-051-8
@ L'Harmattan, 1998
ISBN: 2-7384-6819-5
Alicia Migdal
HISTORIA QUIETA
HISTOIRE IMMOBILE
Ouvrage bilingue français-espagnol
Traduction française de Jérome Dolivet
Préfacé par Albert BenSOllssan
L'Harmattan
5-7,ruede l'École
Polytechnique
75005Paris
- FRANCE.
L'Harmattan Inc.
55,rue Saint-Jacques
Montréal (Qc) - CANADA H2Y lK9
Collection L'Autre Amérique
dirigée par Denis Rolland, Pierre Ragon
Joëlle Chassin et Idelette Muzart Fonseca dos Santos
AGUIRRE Eugenio, Gonzalo Guerrero, 1990.
ARCE Manuel José, D'une cité et autres affaires, 1995.
ARGUETA Manlio, Unjour comme tant d'autres, 1986.
BARETTO Lima, Souvenirs d'un gratte-papier, 1989.
BARETTO Lima, Sous la bannière étoilée de la Croix du Sud, 1992.
BARETTO Lima, Vie et et mort de Gonzaga de Sd, 1994.
BOURGERIE D. , Des ciels d'Amazonie aux berges de l'éternité, 1992.
BRANT Vera, La routine des jours, 1998.
CONSTANTlNI Humberto, Dieux, petits hommes et policiers, 1993.
DIAZ ROZZOTTO Jaime, Le papier brûlé (trad. de J-J Fleury), 1996.
GIL OLIVO Ràmon, L'homme sur la place et autres nouvelles, 1997.
GOSÂLVEZ Raûl Botelho, Terre indomptable (roman traduit du bolivien par Agnès Sow), 1994.
JACOME Gustavo Alfredo, Pourquoi les hérons s'en sont allés, 1998.
JIMENEZ GIRON Adalberto, Les récits de la mort (trad de Andrée
Ducros), 1995.
LAFOURCADE Enrique, La fête du Roi Achab, 1997.
MACEDO Porfirio Mamani, Les vigies, traduit de l'espagnol par Elisabeth Passeda, 1997.
MARTI José, Vers libres. Edition bilingue établie par Jean Lamire, 1997.
MEDINA Enrique (nouvelles argentines traduites par Maria Poumier),
La vengeance, 1992.
MEJIA José, Plus grand que les plus grands..., 1997.
MONTSERRAT Ricardo, La périlleuse mémoire de Tito Perrochet, 1992.
MONTSERRAT Ricardo, Là-bas, la haine, 1993.
OTERO Lisandro, La situation, 1988.
PALLOTINI Renata, Nosotros, traduit du portugais par Jandira Telles
de Vasconcellos, 1996.
POSADAS Carmen, Monfrère Salvador et autres mensonges - Nouvelles - (Traduction de l'espagnol de Sophie Courgeon), 1996.
PRENZ Juan Octavio, Fable d'Inocencio Onesto, le décapité, 1996.
RODRIGUEZ JULIA Edgardo, L'enterrement de Cortijo. Chronique
portoricaine, 1994.DE FRANCISCO Miguel, Armoire de célibataires,
traduit de Michel Falempin, 1996.
RAMOS Saulo, C'était aujourd'hui, 1998.
VERDEVOYE Paul (traduits et présentés), L'abattoir suivi de Soledad,
1997.
Préface
D'Uruguay, cette petite France d'Amérique
où sou.fJla le verbe éloquent
grands Jules
aujourd'hui
- Laforgue
dlsidore
du Sud
Ducasse et des
et Supervielle
-
nous vient
ce récit de la romancière, Alicia Migdal
(1947), qu'il convient de saluer, sinon comme
le Vieil
océan, comme une précieuse rivière du Rio de la Plata.
Alicia Migdal est fille de Montevideo
où elle puise
l'essentiel de son inspiration, de Mascarones (1981) à
Historias de cuerpos (1986), de La casa de enfrente
(1988)
à Historia quieta
(1993).
Ces quatre
résument tout l'univers de la romancière:
titres
le corps, le
masque, la maison d'en face et l'histoire, qu'il faut lire
parfois avec une majuscule, car c'est d'Histoire aussi
qu'elle
est l'enfant,
renVOle, en
un
une histoire douloureuse qui la
cauchemar
tourmentées du génocide juif
incessant, à ces chairs
"Nous souffrons tout dans
notre corps et en relation avec un lieu': a déclaré l'auteur
un jour. Cette ''histoire immobile" se situe, donc, en un
lieu réel Montevideo, et le toposfantasmatique qui peut
être aussi bien une chambre d'hôtel, un nid d'amour
frauduleux,
pitchipoï
ou ce lieu lointain de la mémoire juive, ce
où tant d'êtres qui aspiraient à vivre furent
réduits en cendres, ces cendres mouillées qui hantent
l'imaginaire d'Alicia Migdal et ruinent à jamais son
quotidien.
Migdal, ce patronyme clairement hébraïque, signifie
en hébreu la tour, celle d'un château, la tour de guet, le
haut lieu d'où le regard forcément enjambe au plus loin.
C'est à partir de ce sémantisme attachant, à son insu,
que l'auteur se penche sur ces êtres avides d'aimer, sur ces
corps qui
échappent,
qui
se diluent,
s'estompent,
s'annihilent, et qu'elle ne peut prendre qu'aux mailles
des mots. Car tout ici est affaire d'écriture. L'écriture, la
grande, la véritable aventure. Qui s'inscrit entre deux
séquences, l'initiale qui proclame: "Elle avait besoin des
caresses d'un homme. C'était une exigence subite mais
qui venait de loin': et la terminale qui cone/ut : ''Aucun
homme ne peut me faire souffrir davantage. J'ai perdu
cela". Entre les deux, en même temps que se déroule la
passion et avec elle la confession de la narratrice, le point
de vue se déplace et nousfait passer, non sans pathétisme,
de l'impersonnelle troisième personne au moi aigu, au
moi souffrant. En vérité le regard s est abaissé, et de la
terrible souffrance collective, ravivée par le cinéma ("Elle
avait vu un autre film traitant du génocide des juifi et
une fois chez elle, elle s'allongea sur le lit, immobile "), il a
daigné en grande pitié descendre vers le petit
drame
intime de l'individu. Car c'est une conscience réfléchie et
prégnante qui déroule sesphylactères.
Tout jùit, n'est-ce pas ? La pensée nous échappe et le
corps ne peut jamais être embrassé du regard. Quelle
image au miroir? Jamais la même, toujours étrangère. La
vie ne peut
amoureux,
être saisie que par la caresse, le regard
et cette "unité animale" de l'accouplement
qui remplit le "théâtre vide" de la conscience. Mais
pourquoi ce poids du corps? La réponse tient en cette
terrible phrase: "C'était tout juste un appel instinctif à la
conservation de l'espèce de son corps, des millions de fois
gazé et outragé': Ce récit est donc le constat d'une
échappée,
-
d'une jùite
- évanescence
et porosité charnelle
et la réappropriation du moi par la mémoire et son
procès-verbal: ces cygnes noirs sur la plage blanche, "toute
cette mort rassemblée et solitaire".
Au
paroxysme
du
désir
surgit
l'interrogation
incongrue: "Comment caresser l'intérieur
d'un corps?"
Mais faut-il aller si loin, au bout de l'être? Ne peut-on
se satisfaire
d'une
matérialité
relative,
douillette
enveloppe d'une chair qui sécrète ses humeurs et s'enivre
de plaisir? Certes, mais la romancière demeure enfèrmée
"dans la stupeur de tout vouloir': et si grand est ce désir
qu'il entraîne, du même coup, une vtSton monstrueuse
des choses: la chambre d'amour élargit ses dimensions, la
maison d'en face prend
du volume, et c'est par là
seulement que le corps sera, peut-être,
embrassé dans son
"impossible totalité" . Car ''l'amour remémoré est plus
puissant que l'acte". Nous sommes bien là sur le territoire
du fantasme et du ressassement érotique, qui adopte tous
les déguisements de la souffrance, tous ces "masques
calmes et quotidiens".
L'amour, la mort, que ne l'a-t-on dit? Mais Alicia
Migdal trouve ici les mots qui rattachent, définitivement,
le pathétisme étroitement individuel à la grande tragédie
ontologique:
"Ils faisaient l'amour comme s ïls étaient
libérés de la vie': écrit-elle superbement,
toujours, quel que soit le partenaire,
car il s'agira
de "l'amour des
survivants, l'amour des torturés". En vérité, le passé ne
peut être aboli que par la fonction cannibale de l'amour.
Au plus haut de l'écriture, avec un talent consommé dans
l'ellipse et la litote qui font tenir en si peu de pages une si
grande quantité
d'humanité,
une si belle qualité
de
sentiment, Alicia Migdal sait tirer les leçons de notre
siècle et nous donne ici, non pas un récit sans histoire mais
"une histoire sans récit': une Histoire immobile.
Albert Bensoussan
El amor es malo para la conversacion el amor muerto quiero decir.
,.
L'amour est néfaste à la conversation,. l'amour mort je veux dire.
Cornell
Woorlrich
N ecesitaba que un hombre la acanClara. Era una
exigencia repentina pero que vema de atras.
Habia visto otra pelicula sobre el exterminio de los
judios y cuando lleg6 a su casa se tendi6 en la cama,
inm6vil. Al dia siguiente se despert6 con el sopor y el
sigilo de las penas noctumas. Que alguien la toque, se
ocupe de revivir su cuerpo. No habia deseo de nadie,
s6lo un llamado instintivo para la conservaci6n de la
especie de su cuerpo, millones de veces gaseado y
ultrajado, desnudo en el frio de la pelicula. Toda esa
muerte junta y solitaria.
En realidad siempre se senna como si se le hubiera
perdido un pensamiento. Una noche, entredormida,
habia
tenido
iluminaci6n
una
breve
pequefia
y restallante
recuperar al despertarse.
10
revelaci6n,
que
no
una
pudo
Elle avait besoin d'un homme
pour la caresser.
C'était une exigence subite mais qui venait de loin.
Elle avait vu un autre filin sur l'extermination
des
juifs et une fois chez elle, elle s'allongea sur le lit,
immobile. Le lendemain elle se réveilla, la tête lourde
et remplie des menaces des chagrins nocturnes. Que
quelqu'un la touche, se charge de faire revivre son
corps. Il n'y avait nul désir de personne, c'était tout
juste un appel instinctif à la conservation de l'espèce
de son corps, des millions de fois gazé et outragé, nu
dans le froid du filin. Toute cette mort rassemblée et
solitaire.
En fait, elle éprouvait toujours la sensation qu'une
pensée
lui avait échappé.
endormie,
illumination
Une
nuit,
à moitié
elle avait eu une petite révélation, une
brève et fulgurante qu'elle n'avait pu
recouvrer au réveil.
11
Creyo que el pensamiento perdido se convema, asi,
por su sola desaparicion, en algo que la ttascendia,
algo importante y detinitivo que andaba por ahi sin
ella, suelto en el mundo de las sensaciones y las
palabras no dichas 0 desoidas, una leve trascendencia
sin destino,
sin siquiera
ella misma.
Asi quedaba,
también, después de alg'lln encuentto esporâdico con
él. Algo perdido, recuperado y vuelto a perder en la
cadena del tiempo.
Sin embargo, la mujer conocia bien el mensaje de su
propio cuerpo, que restablecia transitoriamente
fidelidad mayor que la de su conClenCla
entresueiio.
historia
Cuando
entera
desprendida
de
una
0
su
hacian el amor era con la
los
dos,
como otto tegumento
tercera
realidad
de eso que se
llama piel, las pieles. Entonces, frente a él, ella ya no
sabia qué hacer, como acariciarlo y que fuera toda
acariciada y amasada su carne. Tanto conocimiento y
ya no habia sino un tejido denso, duro, compacto.
12
Elle crut que la pensée qui lui avait échappé se
transfonnait,
quelque
ainsi, par
chose
d'important
sa seule disparition,
qui la dépassait,
quelque
en
chose
et définitif qui se trouvait là sans elle,
lâché dans le monde des sensations et des mots non
dits ou non entendus, une légère transcendance sans
destin, voire sans elle. Elle restait dans cet état,
également après une entrevue sporadique avec lui.
Quelque
chose de perdu, récupéré et à nouveau
perdu dans la chaîne du temps.
Toutefois, la femme connaissait bien le message de
son propre corps, qui rétablissait passagèrement une
fidélité plus grande que celle de sa conscience ou de
sa somnolence.
Lorsqu'ils faisaient l'amour, c'était
avec toute leur histoire à eux deux, troisième réalité
détachée comme un autre tégument
de ce qu'on
nomme la peau, les peaux. Alors, face à lui, elle ne
savait que faire, comment le caresser pour que sa
peau fût toute caressée et massée. Un tel savoir et il
n'y avait plus qu'un tissu dense, dur et compact.
13
C6mo acariciar el interior de un cuerpo, ése era el
leve tormento
de ella, leve porque
apenas podia
plantearse en palabras, porque quedaba encerrado en
el estupor de querer todo y paralizarse en la caricia
insuficiente. Mientras estaban juntos, estaban juntos.
Pero nunca completamente,
porque nada sojuzgaba
las cabezas de la tercera realidad. Qué creian estar
haciendo cuando creian apoderarse de un cuerpo. El
placer se transformaba
s610 en acto mental, cada
cuerpo estaba velado por otros y 10 que se podia
retener era infmitamente menor que el sentimiento
inicial que los habia puesto en estado de tensi6n.
Pero la dulce barbara extenuaci6n no retrocedia.
La mujer no podia dominar tampoco las dimensiones
de su cuarto después que él entraba y que salia. El
cuerpo de él absorbia la forma del cuarto y ella,
echada en la cama, s610 10 veia a él, su carne
resistente. No podia verse tampoco a si misma. No
se trataba
de espejos
ni de vidrios
contemplaci6n parcial de su cuerpo.
14
ni de la
Comment
caresser l'intérieur d'un corps, c'était là
son léger tourment, léger parce qu'il pouvait à peine
être énoncé,
parce qu'il restait enfenné
dans la
stupeur de tout vouloir et de se paralyser dans la
caresse insuffisante.
Pendant qu'ils étaient ensemble,
ils étaient ensemble. Mais jamais complètement,
car
rien ne subjuguait les têtes de la troisième réalité.
Que croyaient-ils faire quand ils croyaient s'emparer
d'un corps? Le plaisir ne se transfonnait
qu'en acte
mental, chaque corps était veillé par d'autres et ce
que l'on pouvait en retenir était infiniment moins
fort que le sentiment initial qui les avait mis en état
de tension. Mais le doux et barbare épuisement ne
reculait pas.
La femme ne pouvait pas non plus maîtriser les
dimensions de sa chambre après qu'il fut rentré et
ressorti. Son corps à lui absorbait la fonne de la
chambre et elle, allongée sur le lit, ne voyait que lui,
sa chair résistante. Elle-même ne pouvait pas se voir
non plus. Il ne s'agissait pas de miroirs, ni de vitres,
ni de la contemplation partielle de son corps.
15
Lü que no podia era representarse la totalidad de su
cuerpo como cuerpo, ése era su otto leve tormento,
la imposible
totalidad
de una forma que sentia
objetiva, agudarnente bella y viviente. La mirada era
un acto inacabado que no podia tolerar los cuerpos y
volverlos continuos. La ropa, ademas, como trasmitir
la ropa, hacer que ese exacto pliegue que ella
acariciaba en su vestido fuera recibido con el mismo
escandaloso pudor con que habia sido descubierto.
Cada prenda, cada objeto con su color y su caida, su
estilizacion de la tela y la osarnenta, como hacerlos
participes, mantenerlos en el area enarnorada de la
piel Y desprenderlos
de ella sin que se perdiera el
peso de su toque. Sacarse la ropa era perder una
parte del arnor, que después se recobraba al vestirse
bajo otta molicie, otto olor, otta adherencia. La
desnudez contaba otta historia.
Hada
aiios que vivia sola. Su miedos se habian
desplazado ;
16
Ce dont elle était incapable c'était de se représenter
en totalité son corps en tant que corps, voilà son
autre
léger tourment,
l'impossible
totalité
d'une
forme qu'elle percevait objective, subtilement
belle
et vivante. Le regard était un acte inachevé qui ne
pouvait tolérer les corps et les rendre continuels. Les
vêtements,
de surcroît,
comment
transmettre
les
vêtements et faire en sorte que ce pli imparfait qu'elle
caressait sur son vêtement fût accueilli avec la même
pudeur scandaleuse que lorsqu'il avait été découvert.
Chaque habit, chaque objet avec sa couleur et sa
chute, la stylisation de son étoffe et de son armature,
comment les rendre complices, les maintenir dans la
zone amoureuse de la peau et les en détacher sans
perdre le poids de leur touche. Ôter ses vêtements,
c'était perdre un peu de l'amour, que par la suite l'on
récupérait en s'habillant sur une autre mollesse, une
autre odeur, une autre adhérence. La nudité racontait
une autre histoire.
Elle vivait seule depuis des années. Ses peurs s'étaient
déplacées;
17
habia
dejado
noctumos,
de
sentir
temor
por
los ruidos
la escalera y el rumor de las paredes.
Después que el hombre dej6 de vivir en la casa los
miedos se concentraron
en amenazas mas reales:
encontrado
en la calle, vedo sin que él la viera,
intercambiar
un saludo trivial, hablar como si se
pudiera. Era por la aparici6n de esos miedos nuevos
que podia caminar por la casa, de noche y desnuda,
indiferente a los huecos de la escalera y a las pisadas
sobre otras azoteas que resonaban en la suya.
Los recuerdos se rehadan al mismo tiempo exacto en
que se deshadan. A veces no movia la cabeza de
determinado modo para impedir que cierto recuerdo
se hiciera
presente
y
se
agregara
y quedara
nuevamente pegado a su cuerpo Caveces la mujer se
comportaba
como si los recuerdos
fueran objetos
extemos y otras se quedaba mirando el blanco de la
pared entre dos cuadros pensando en cminto demora
en formarse la imagen persistente de un recuerdo y
cuanto demora en irse,
18
elle avait cessé de redouter
les bruits nocturnes,
l'escalier et la rumeur des murs. Après que l'homme
eut cessé de vivre dans la maison, les peurs se
concentrèrent
en menaces plus réelles: le rencontrer
dans la rue, le voir sans qu'il la vît, échanger un
bonjour banal, parler comme si c'eût été possible.
C'était à cause de l'apparition de ces peurs nouvelles
qu'elle pouvait marcher dans la maison, la nuit et
toute nue, indifférente à la cage d'escalier et aux pas
sur d'autres terrasses qui résonnaient sur la sienne.
Les souvenirs se recomposaient à l'instant même où
ils se décomposaient.
Parfois elle ne bougeait pas la
tête, résolue à empêcher qu'un certain souvenir se fît
présent, s'ajoutât et restât à nouveau collé à son
corps (quelquefois la femme se comportait comme si
les souvenirs étaient des objets externes et d'autres
fois elle demeurait là à regarder le blanc du mur entre
les deux tableaux pensant
persistante
au temps que l'image
d'un souvenir met à se former et au
temps qu'il lui faut pour disparaître,
19
y que nunca se puede estar en la seguridad de que el
objeto no va a entrar de nuevo.)
La casa de enfrente iba a ser refonnada.
Abrieron
puertas y ventanas, de un camian bajaron tablones y
vigas, aparecia
un hombre
de aspecto
eficiente.
Desde su ventana ella pensa otra vez que ahara era
su casa la que estaba enfrente, la casa donde vive una
mujer, y tiene un vitral. Tal vez su casa desaparezca
ahara que la de enfrente vuelve a ser ocupada:
tal
vez el teléfono deje de sonar, el cartero no deje mas
sobres par debajo de la puerta y la gente empiece a
desvanecerse y no logre llegar hasta la puerta.
Una vez, viendo imagenes antiguas de Montevideo
en una pelicula, creya que podria volver a sentirse en
paz en esa ciudad. Aunque la ciudad era huidiza,
igual la mujer se detenia a retener una ventana
antigua, una escalinata, un café de la calle Millan
parecido a los de Buenos Aires,
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