acta universitatis palackianae olomucensis facultas philosophica

Transcripción

acta universitatis palackianae olomucensis facultas philosophica
ACTA
UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
PHILOLOGICA 92
ACTA
UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
PHILOLOGICA 92
ROMANICA XVIII
GRANDEUR ET DÉCADENCE
DE LA PAROLE AU XXIe SIÈCLE
GRANDEZA Y DECADENCÍA
DE LA PALABRA EN EL SIGLO XXI
Univerzita Palackého v Olomouci
Olomouc 2007
Vydání sborníku bylo umožněno díky finanční podpoře Nadace ČEZ.
La publication de ces actes a été rendue possible grâce au soutien financier
de la fondation Nadace ČEZ.
La publicación de esta obra ha sido posible gracias al apoyo financiero
de la fundación Nadace ČEZ.
1. vydání
Editors © Slavomír Míča, Radim Zámec, 2007
ISBN 978-80-244-1820-9
ISSN 1802-8713
Table de matières/Sumario
Jitka Uvírová
Introduction
.............................................................
9
ARTICLES/ARTÍCULOS
Athena Alchazidu
Las palabras calladas. El tema de la (in)comunicación en la literatura
contemporánea . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
Václava Bakešová
La parole et le silence. Réflexion sur quelques œuvres d’auteurs
d’orientation chrétienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
José Luis Bellón Aguilera
Lenguaje, literatura, ideología
............................................
Ivo Buzek
Pena y miseria de lexicografía de caló en el siglo XXI
33
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
Virginia R. Delgado Polo
El poder de la palabra: reflexiones sobre el uso de algunas colocaciones en
el ámbito socio-político español actual . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Jana Doležalová
Les manuels d’écriture de scénarios pour les traducteurs de cinéma
55
. . . . . . . . 65
Jolanta Domańska-Gruszka
L’image de soi dans le discours persuasif. Une approche énonciative et
pragmatique à l’exemple de quelques discours tenus par les députés au
Parlement Européen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
Kateřina Drsková
Louis-Ferdinand Céline : entre romans et pamphlets. L’ambiguı̈té d’une
écriture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
Wilken Engelbrecht
Deux visions sur le passé : le problème du temps passé en néerlandais dans
les traductions littéraires tchèques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
Jiří Chalupa
El laberinto del lenguaje embrujado (Estilo posmoderno y literatura:
la oratoria inadecuada de Eduardo Mendoza) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
5
Wojciech Charchalis
Makbara de Juan Goytisolo como novela de decadencia
Joanna Jereczek-Lipińska
De la dégénérescence de la parole politique ?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
Eva V. Johnson
L@s poch@s, los traidores de la lengua traicionados
Alicja Kacprzak
Le nom propre a-t-il une force persuasive ?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147
Jaromír Kadlec
Le français, l’anglais et les langues nationales dans la République
démocratique du Congo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155
Eduard Krč
Las voces y sus portadores en El saltamontes verde de A. M. Matute
. . . . . . 163
Květa Kunešová
La langue littéraire, existe-t-elle, au XXIe siècle ? (la parole dans l’œuvre
d’Amélie Nothomb) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173
Katarína Kupčihová
Soutiens lexicographiques du discours de spécialité. Grandeur ou décadence
des dictionnaires bilingues de spécialité ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
Oľga Lisyová
Aproximación al proceso de desmotivación semántica a diferentes niveles
lingüísticos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189
Paulina Lorenz
Langage du tchat (Internet) : décadence ou évolution de la langue française ?
Zuzana Malinovská-Šalamonová
Grand(splend)eurs et misères de la parole selon L. Salvayre
205
. . . . . . . . . . . . . . . . 217
Andrzej Napieralski
Le vocabulaire de la drogue dans la langue des jeunes en tant qu’exemple
de l’expansion de la langue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225
Miroslava Novotná
L’inspiration par la chevalerie des chansons de geste dans une série de la
bande dessinée Les Tours de Bois-Maury . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237
6
Magda Potok
La banalización del amor: apuntes para una caracterización de la narrativa
femenina contemporánea . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247
Mónica Sánchez Presa
¿Existen palabras intraducibles?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257
Karel Sekvent
Texte littéraire : intentio traductoris
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265
Petr Stehlík
El lenguaje publicitario: ¿fuente de innovación o de corrupción de la lengua?
Monika Strmisková
Mensajes cortos de texto: ¿un nuevo lenguaje?
273
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281
Jiří Šrámek
Le narrataire : à la recherche de l’autre dans la communication littéraire
Bohdan Ulašin
Realidad moderna y su reflejo en el argot del español europeo
. . . 289
. . . . . . . . . . . . . 297
Jitka Uvírová
Le « politiquement correct », la langue de bois – des langues « étrangères »
à traduire ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 305
Silvia Vertanová
¿Cuántos significados se le pueden cargar a una palabra?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . 317
Eva Voldřichová Beránková
L’obsession d’« écrire juste ». Quelques remarques sur le style camusien
. . . . 325
Marie Voždová
Parole et silence dans le roman féminin contemporain : Camille Laurens
et Emmanuèle Bernheim . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 337
Agnieszka Woch
Le pouvoir du mot dans le slogan politique
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345
Lenka Zajícová
La decadencia de las lenguas en el siglo XXI
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 355
Radim Zámec
Guerra y paz en los medios de comunicación
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 365
7
Introduction
«Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde», disait Albert Camus.
Une soixantaine de conférenciers venus de six pays se sont penchés sur les thèmes
suivants pour essayer de trouver des éléments de réponse :
Peut-on parler d’une crise du langage liée à une crise de la civilisation ?
Le langage tend-il à perdre sa valeur, sa force? Les mots trahissent-ils la vérité?
Quelle est la dignité de la parole, quel est son pouvoir, son « poids », sa « portée » ?
La chute du sens, l’aimantation du réel par le virtuel menacent-elles la langue ? La
langue est-elle capable de saisir tous les concepts modernes ?
Certaines écritures romanesques modernes ne reflètent-elles pas déjà au XXe
siècle cette insécurité face au langage, et l’obsession angoissée que les mots ne
trahissent la pensée ?
Trahissons-nous la langue ? Nous trahit-elle ?
Ce recueil apporte les textes des 37 communications présentées en français et en
espagnol lors de notre rencontre printanière à Olomouc. Cet ensemble de réflexions
constitue un éclairage d’autant plus intéressant sur l’usage du langage actuel, si on
le replace notamment dans le contexte de période électorale, si propice à la floraison
de nouveaux mots et à la surabondance du discours en général. Ceci dit, nous avons
bien conscience que le résultat d’un tel colloque ne peur être que partiel.
Pour finir, quelques mots de vif remerciement aux personnes et aux institutions
qui ont permis le financement et la réalisation de ce colloque, notamment par la
mise à disposition de locaux pour accueillir les participants : la splendide chapelle
du Centre des Arts « Konvikt » à la Faculté des Lettres de l’Université Palacký,
l’association Gallica, le service de Coopération et d’Action culturelle de l’Ambassade de France à Prague, VEOLIA Voda Středomoravská vodárenská, a. s.
Nous tenons à y ajouter, avec un vif sentiment de gratitude, nos collègues,
MM. Slavomír Míča et Radim Zámec qui ont apporté à la confection des Actes leur
compétence, savoir-faire et tenacité.
Jitka Uvírová
9
ARTICLES/ARTÍCULOS
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Las palabras calladas. El tema de la
(in)comunicación en la literatura contemporánea
Athena Alchazidu
La última década del siglo XX en España, igual que en el resto de la Europa
Occidental, representa un período de grandes cambios que ofrecen terreno fértil para
nuevos fenómenos sociales, que van surgiendo y creciendo, y que posteriormente
marcarán el comienzo del nuevo milenio. La sociedad moderna ha vivido un enorme
desarrollo en lo referente a las nuevas tecnologías, que cambian considerablemente
la vida de la gente teniendo una serie de consecuencias concretas que, por cierto,
no siempre son positivas.
Entre los problemas más discutidos se encuentran, sin duda alguna, todos aquéllos relacionados con la pérdida de los valores tradicionales, y con unas relaciones
interpersonales cada vez más deformadas. Asimismo, hay numerosos debates alrededor de la creciente influencia de los massmedia en la vida cotidiana, sobre todo
la invasión de la televisión en los hogares de todos los países europeos.
Resulta interesante observar cómo la literatura española finisecular refleja dicha
problemática con todos estos cambios dramáticos que tuvieron lugar en la Península
Ibérica. Numerosos escritores españoles muestran un gran interés por los cambios
sociales mencionados que se convierten en interesantes temas literarios, y éstos
merecen ser estudiados con más detalle.
Son precisamente dichos núcleos temáticos a los que vamos a prestar atención
siguiendo el objetivo de buscar su reflejo en la obra de José Ángel Mañas,1 uno
de los representantes por excelencia de la llamada Generación X.2 En concreto,
nos dedicaremos a su novela Historias del Kronen, finalista del prestigioso Premio
Nadal de 1994, ya que ésta se ha convertido en un auténtico testimonio de la
1 El autor formuló sus opiniones sobre la situación en la escena literaria de los noventa, p. ej., en
un artículo publicado en Ajoblanco declarando la guerra a la literatura oficialesca; es interesante
detectar en el artículo de Mañas el mismo tono provocador que emana de sus novelas. Véase,
Mañas, J. A., «Literatura y punk: El legado de los Ramones», Ajoblanco 108, págs. 38–43.
2 En algunos casos, se utiliza la denominación «Cofradía de cuero» a la hora de hablar sobre
la generación de escritores a la que pertenece Mañas; véase p. ej. Sabas, M., «Narrativa española
tercer milenio. (Guía para usuarios)», en: Páginas amarillas, págs. IX–XXX.
13
sociedad española de los noventa, y su protagonista Carlos, en un cronista ficticio
de toda una generación. Mañas retrata de una forma convincente la vida de los
jóvenes madrileños a finales del siglo pasado, quienes representan chicos y chicas
perdidos en el laberinto de la sociedad moderna. Se trata de jóvenes que ante la
pérdida de la fe en los valores tradicionales, no tienen su propia alternativa, y,
por lo tanto, están tanteando en la oscuridad, inseguros, despistados y muchas
veces desesperados. En el fondo, se trata de individuos desorientados, sumamente
desdichados, sin ilusiones, sin valores. Son jóvenes que llevan una vida llena de
inactividad, de una pasividad embrutecedora, una vida parásita a costa de sus
padres.
En la novela está descrito el proceso de atomización de la sociedad moderna cuando cada uno de los personajes se encierra en su propio mundo, en un microcosmos
que no quiere compartir con nadie más. Aunque estos jóvenes mantienen relaciones
que ellos mismos consideran amistades, podemos comprobar, sin embargo, que en
situaciones críticas en las que la amistad suele someterse a prueba, los protagonistas
en la mayoría de los casos fallan en cumplir con sus amigos. Los personajes están
empeñados en conseguir sus propias metas sin tomar en consideración los intereses
de los demás, trátese de amigos o no.
Vamos descubriendo que el comportamiento de estos protagonistas no supone
un ejemplo del egoísmo o egocentrismo clásicos cuando cada uno se concentra
solamente en sí mismo, sino que, en la mayoría de los casos, se trata de modelos de comportamiento en los que predomina la indiferencia. En ésta radican
actitudes pasivas en situaciones concretas cuando ante un problema los jóvenes
demuestran una falta de interés en intervenir y ayudar al necesitado; o bien, al
contrario, el afán por seguir sus propios objetivos individuales a toda costa, sin
preocuparse por cómo las medidas tomadas puedan influir sobre los intereses de los
demás.
Una de las paradojas más grandes de nuestro tiempo es seguramente el hecho
de que a pesar de todo el gran progreso logrado en el campo de la informática y de
las telecomunicaciones —encarnado en los dos milagros más llamativos del mundo
moderno: el correo electrónico y el teléfono móvil— los miembros de la sociedad
actual se debaten en una crisis cuyas bases hay que buscarlas en el fracaso de uno
de los elementos más importantes de toda la comunidad humana: la comunicación.
El hombre de la sociedad de consumo vive entre dos extremos: por una parte,
sufre todos los efectos de la llamada contaminación acústica (o el smog acústico),
que puede tener múltiples formas: el ruido producido por el tráfico, la música que
suena por todos lados —en los centros comerciales, en los supermercados, en los
cines antes de comenzar la sesión, etc.— terminando con la radio, la televisión y el
equipo de música, todos encendidos a la vez en una misma casa. Dicho sea de paso
que este último es un ejemplo de la contaminación acústica a menudo acompañada
por el miedo al silencio.
A pesar de que los admirables logros del progreso tecnológico nos facilitan la
comunicación, se nos presenta, curiosamente, la paradoja reflejada en el creciente
número de personas que tienen que superar la timidez para entablar contactos
con los demás, y para quienes mantener una conversación con alguien supone un
verdadero esfuerzo, de manera que dichos hechos se convierten en un obstáculo
insuperable que es la causa del fracaso de la comunicación.
14
Prestemos primero atención al tema de la televisión, que a partir de la mitad
del siglo XX va expandiendo su importancia y se convierte no solamente en un
aparato indispensable en un hogar moderno (casi un miembro más de la familia),
sino que además es un fenómeno que va influyendo en numerosos miembros de la
sociedad contemporánea desde su temprana edad.
Veamos cómo Carlos, protagonista de la novela de Mañas, comenta el papel de
la televisión, caracterizando su propia generación: «La cultura de nuestra época es
audiovisual. La única realidad de nuestra época es la de la televisión. [. . . ] Somos
hijos de la televisión como dice Mat Dilon en Dragstorcauboi.»3
La televisión no supone solamente un aparato que ocasionalmente puede proporcionar a sus usuarios información o diversión, sino que se convierte en su permanente acompañante, que en cierto sentido hasta los controla. Son numerosas las
escenas en las que los personajes, sin ver realmente el programa, observan de reojo
la pequeña pantalla en diversos ambientes: en su casa, en los bares, visitando a sus
amigos y parientes, etc.
Para ilustrar lo dicho veamos una escena de la novela de Mañas:
Comemos como siempre sin decir una sola palabra y viendo la tele. El viejo me
pregunta qué he hecho hoy. Le digo que nada y frunce el ceño. En la tele están hablando
de los juegos olímpicos de Barcelona [. . . ]4
Tal y como podemos leer, a la hora de comer la televisión está siempre puesta.
Por lo tanto, cuando la familia se sienta a la mesa, su conversación tiene que chocar
contra la barrera de la atención desviada de los interlocutores. La charla entre los
comensales, un elemento aglutinador en la vida cotidiana de la familia, va por lo
tanto cediendo paso a la televisión como lo comenta el personaje del abuelo.
La televisión es la muerte de la familia, Carlos. Antes la hora de comer y la hora
de cenar eran momentos en los que la familia se reunía para hablar y para comentar
lo que había pasado durante el día. Ahora las familias se sientan alrededor de la tele;
no hay comunicación. La familia se está resquebrajando como célula social. [. . . ] La
familia tradicional está muriendo y es una pena.5
De hecho la televisión tiene una posición dominante en la casa del protagonista,
igual que en muchos otros hogares en diferentes países del mundo occidental. La
televisión con frecuencia usurpa la atención de los miembros de la familia, de modo
que, tal y como lo comenta el abuelo, éstos ya no sienten la necesidad de compartir
experiencias y charlar juntos. Y si alguien habla con la televisión puesta, es muy
probable que no le presten la atención adecuada:
Yo miro la televisión mientras como. El viejo ha dejado de comer y sólo bebe
mientras prosigue su monólogo.6
3 Mañas,
M. A., Historias del Kronen, pág. 42.
pág. 66.
5 Íbid., págs. 84–85.
6 Íbid., pág. 84.
4 Íbid.,
15
La televisión está ocupando un puesto central alrededor del cual se sitúa todo
lo demás. Muchas veces sirve solamente de cortina de fondo para llenar el espacio
de sonidos, sin que nadie les preste atención realmente. Podemos observar que
otras veces, sin embargo, la televisión encendida hace la comunicación simplemente
imposible. Se trata, p. ej., de la escena en la que Carlos, absorto por las noticias del
telediario, ignora por completo a su hermano menor, quien (como podemos suponer)
intenta inútilmente llamar su atención hasta que su madre, irritada, interviene:
«¡Carlos, COÑO! Haz caso a tu hermano, que te está preguntando algo».7 Nadie,
sin embargo, piensa en apagar el aparato, para que puedan hablar tranquilos; al
contrario, como podemos leer a continuación, alguien propone: «Oye. Cambiad de
canal que ya ha terminado el telediario.»(Mañas, 1997, pág. 133).
La crisis de los valores tradicionales, y sobre todo la crisis de la familia tradicional, tienen muchas formas concretas en las que se manifiestan. El respeto a
los padres, la obediencia y la necesidad de guiarse por sus consejos y su voluntad,
comunes y naturales para las generaciones anteriores, han desaparecido casi por
completo. Las conversaciones que mantiene Carlos con su padre documentan una
falta de interés por parte del hijo en comunicarse con su progenitor.
– Dime, Carlos. ¿No piensas hacer nada este verano?
– Nada especial.
– Si quieres te podemos enviar a Francia, como a tu hermana. Así aprendes algo
de francés, que te viene bien. . .
Le explico al viejo que no me interesan los idiomas. Además, es un coñazo viajar.
– ¿Qué no es un coñazo para tí?. . . Dímelo, Carlos, porque yo te juro que no sé
qué hacer contigo. No te entiendo. [. . . ]8
Carlos no le da ninguna respuesta a su padre, no solamente porque no le interesa
conversar, sino además porque él simplemente no la tiene. Su vida despreocupada
gira alrededor de sus salidas nocturnas, sus encuentros con los amigos en diferentes
bares madrileños, sus conciertos bajo el permanente dictado de consumir drogas
para divertirse y disfrutarlo todo a tope.
A continuación de la escena citada en la que el padre le reprocha a su hijo
su pasividad, podemos detectar no sólo el conflicto generacional, sino, además, el
choque entre dos posturas incompatibles.
– Vosotros los jóvenes lo tenéis todo, todo. Teníais que haber vivido la posguerra
y hubierais visto lo que es bueno. . .
Ya estamos con el sermón de siempre. El viejo comienza a hablar de cómo ellos lo
tenían todo mucho más difícil, y de cómo han luchado para darnos todo lo que tenemos.
La democracia, la libertad, etcétera, etcétera. El rollo sesentaiochista pseudoprogre de
siempre. Son los viejos que lo tienen todo: la guita y el poder. Ni siquiera nos han
dejado la rebeldía: ya la agotaron toda los putos marxistas y los putos jipis de su
época. Pienso en responderle que justamente lo que nos falta es algo por lo que o
contra que luchar. Pero paso de discutir con él.
– ¿Pero cómo pretendes que te comprendamos si nunca nos dices nada?
– Yo no necesito comprensión— digo. Necesito tu dinero, eso es todo.
7 Íbid.,
8 Íbid.,
16
pág. 132.
págs. 66–67.
El viejo se ha callado. El silencio se alarga y miro la tele. Está terminando el
telediario.
– Bueno hijo. No quería ponerme a discutir. Dejémoslo.9
Esta escena resulta ser interesante por varias razones. Primero, nos puede sorprender la pasividad del padre, que ni siquiera comenta la conducta imperdonable
de su hijo. Carlos le falta al respeto a su padre sin reparo, comportándose de una
forma deliberadamente descarada. El padre no sólo se queja del comportamiento de
su hijo (una cosa impensable en su propia juventud), sino que además es él quien
finalmente propone reconciliarse.
Segundo, a Carlos no le interesa hablar con su padre. Lo dice explícitamente, no
se preocupa por aclararle sus propias posturas, decirle qué es lo que piensa. Como
lo documenta la escena citada, no le interesa contestar las preguntas que su padre
le hace, y por eso sus parcas respuestas tienen un carácter agresivo y evidentemente
hostil.
Tercero, aunque el protagonista no verbaliza en voz alta lo que piensa, él se da
perfectamente cuenta de la falta de ideales que caracteriza su generación, y que
supone un factor limitador para ellos. A pesar de ello, él se empeña de una forma
alibista en culpar a todos los demás, salvo a sí mismo.
La comunicación entre los protagonistas fracasa con frecuencia por razones externas que tienen el mismo denominador: el ruido. Los personajes se mueven en
diversos ambientes, bares y centros, donde la música es excesivamente alta, por lo
cual resulta imposible oír y entender lo que dice la gente. Para ilustrar lo dicho,
veamos la siguiente escena cuando Carlos se encuentra con una amiga en un bar.
El Barflais es un local oscuro donde la gente baila a ritmo de mákina: la música
es ensordecedora y el color blanco reluce en la oscuridad. [. . . ]
– OYE, CARLOS, ¿QUÉ TAL ESTÁS?
[. . . ]
Le doy dos besos y le digo que qué tal.
– ¿QUÉ?
– QUE QUÉ TAL ESTÁS.
– AY, NO GRITES ASÍ.
– NO ME ESCUPAS AL OÍDO.
– ¿QUÉ? NADA. [. . . ]
Hablamos los dos al mismo tiempo. Yo apenas oigo, lo que me dice, porque la
música está altísima.10
No obstante, como podemos verificar en muchas otras escenas, los propios personajes ponen el volumen muy alto en situaciones cuando lo pueden controlar ellos
mismos, es decir en sus casas o en los coches.
Roberto ha puesto una cinta de bakalao a todo volumen. ¡MÁS ALTO, ROBERTO!
¡MÁS ALTO, COÑO!11
9 Íbid.,
págs. 66–67.
pág. 103.
11 Íbid., pág. 103.
10 Íbid.,
17
La misma falta de interés que Carlos demuestra en las conversaciones con su
padre, se puede vislumbrar en escenas cuando está con sus amigos. No son pocas
las veces en las que Carlos habla de los monólogos de los demás (el de su padre,
el de su abuelo, el de Amalia), ya que él simula escucharles sin prestar realmente
atención a lo que dicen.
«Ahora ya me puedes contar la historia de Chus. Amalia le da un trago a su
güisqui y yo miro el reloj disimuladamente. [. . . ] pongo cara de interés y escucho
vagamente el monólogo de Amalia, que es como la voz en off que ilustra mi toma
de la Gran Vía. De vez en cuando le hago alguna que otra pregunta.»12
Al protagonista no le interesan los problemas de los demás, y ni se preocupa
por disimularlo. Las conversaciones telefónicas (con Martina, p. ej., pág. 124) representan para el protagonista tiempo perdido, porque, según dice él mismo, «no
quiere a ninguno de sus primos». El protagonista, no obstante, demuestra el mismo
desagrado incluso ante las llamadas telefónicas de sus amigos. En una escena concreta se cansa: «Ésta vez dejo el teléfono descolgado. Estoy harto de hacer de
contestador automático.»13
El fracaso de la comunicación como una consecuencia de la falta de interés por
parte de los demás, es causa de muchas frustraciones. En una situación concreta,
uno de los personajes protesta: «¿Qué pasa? ¿No me vais a dejar contar nada?»14
A Carlos, sin embrago, no le molesta tan sólo la necesidad de prestar atención
a alguien y concentrarse en lo que le están diciendo. Aún más le incomoda si le
exigen que intervenga, que opine, que exponga sus ideas. En numerosas ocasiones
Carlos lo expresa abiertamente y dice que prefiere callar, no decir nada, pasar de
discutir. Una de las escenas ejemplares es aquella en la que Carlos está con Amalia,
una chica inteligente que se da cuenta de las limitaciones de las actitudes de Carlos.
– Vamos a hablar un poco.
– Hablar, hablar. Lo que queréis todos es hablar, hablar, hablar y hablar. No os
dais cuenta de que hay gente que refiere no hablar, que no lo racionaliza todo, que
prefiere emoción a la lógica, que prefiere el instinto a la razón. Con hablar no se
soluciona nada.
– Estás muy equivocado. Hablando se comunica la gente, hablando puedes expresar
lo que llevas dentro y comunicarlo es como curarse: evita que el problema se envenene
y se pudra dentro. Ésa es la base de la catarsis. [. . . ] Pero tú [. . . ] no haces más que
cerrarte. No sé lo que te pasa por la cabeza, pero, si no lo quieres decir, desde luego
nadie lo va a adivinar y nadie te va a poder ayudar.
– Hablar, hablar, hablar. Estoy harto de escuchar sermones. Los viejos, tú, Nuria. . .
Parece que os han dado cuerda. Estoy harto de ser conejillo de vuestras divagaciones.
Psicoanalizaos a vosotros mismos y dejadnos a los demás en paz.15
Roberto, uno de los amigos de Carlos, es consciente de esa incapacidad de hablar
sobre temas más profundos, sobre sí mismos. Se da cuenta de que los chicos con
quienes se relaciona, por varias razones, no son capaces de comunicarse. Veamos
12 Íbid.,
págs. 71–72.
pág. 126.
14 Íbid., pág. 102.
15 Íbid., págs. 169–170.
13 Íbid.,
18
cómo comenta ese fracaso de la comunicación en el grupo de sus amigos cuando un
psicólogo le propone que hable sobre sus problemas con ellos.
– Quizás si hablaras con tus amigos. . .
– ¡Ellos qué van a comprender! Usted no los conoce. Con ellos no se habla nunca.
Cuando salimos, contamos chistes, decimos tonterías, burradas, hablamos de tías —eso
siempre— pero nunca hablamos de nosotros. No sé. Llevamos toda la puta vida juntos,
desde el colegio, y es como si no nos conociéramos en absoluto. No nos contamos nunca
nada. No comunicamos, ¿comprende? Por eso vengo a verle, para poder contarle a
alguien mis movidas.16
Asímismo, Roberto se da cuenta de la necesidad de verbalizar lo que le preocupa
y la importancia que tiene el hecho de poder decírselo a alguien. Por eso busca la
ayuda de un terapeuta.
Roberto no es el único personaje que, en este sentido, no comparte las posturas
de Carlos. Sobre todo sus amigas, Nuria y Amalia, con frecuencia intentan hacerle a
Carlos ver sus errores. Ellas representan una actitud razonable y madura, y puesto
que pertenecen a la misma generación, encarnan la esperanza de que la crisis de la
comunicación no es un estado inmutable y que puede superarse.
BIBLIOFRAFÍA
Coupland, D.: Generation X (Tales for an Accelerated Culture). St. Martin’s
Press, New York, 1991.
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16 Íbid.,
págs. 232–233.
19
Las palabras calladas. El tema de la (in)comunicación en la literatura
contemporánea
Resumen
La sociedad del comienzo del siglo XXI está marcada por una serie de fenómenos de los cuales, por cierto, no todos son positivos. Entre los más discutidos
se encuentran los problemas relacionados con la pérdida de los valores tradicionales, la creciente influencia de los massmedia en la vida cotidiana y las relaciones interpersonales deformadas. El hombre de la sociedad de consumo vive entre
dos extremos: por una parte sufre todos los efectos de la llamada contaminación
acústica —muchas veces acompañada por el miedo al silencio— y, por otra parte,
curiosamente, se nos presenta el otro extremo reflejado en el fracaso de la comunicación, la imposibilidad de intercambiar un par de palabras con el vecino. En
la novela Historias del Kronen, del escritor español José Ángel Mañas, uno de los
representantes de la llamada Generación X, aparece dicho tema tratado de una
forma muy interesante, por lo cual merece ser estudiado con más detalle.
Silenced Words. Non-communication in Contemporary Literature
Summary
The society of the beginning of the 21st century is marked by a series of various
social phenomena, though not all of them are positive. Among the most discussed
phenomena belong those related to such problems as follows: the loss of traditional
values, the growing influence of the mass media on everyday life, the deformation
of interpersonal relationships, etc. Members of modern society – the consumer
society, live between two extremes: the effects of the so-called “acoustic smog”,
reflected in the omnipresence of noise, including music played in all sorts of public
places, on one hand, and on the other hand there is the other extreme, curiously
represented in the collapse of communication. The novel Historias del Kronen, by
the Spanish writer José Ángel Mañas, one of the main figures of Generation X,
this topic is dealt with in a very interesting manner. That is why it is worth being
analysed in more detail.
Athena Alchazidu
Ústav románských jazyků a literatur
Filozofická fakulta
Masarykova univerzita
Arna Nováka 1
602 00 Brno
República Checa
[email protected]
20
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
La parole et le silence. Réflexion sur quelques
œuvres d’auteurs d’orientation chrétienne
Václava Bakešová
Le thème de la Grandeur et décadence de la parole au XXIe siècle est très riche,
on pourrait trouver beaucoup de manières de le traiter. Permettez-moi de revenir
tout d’abord à la double compréhension du terme « parole » dans les traditions
différentes. D’une part, dans la tradition grecque, c’est le moyen pour exprimer les
pensées, c’est leur reflet de caractère cognitif servant pour la communication entre
les hommes. À savoir, la notion logos veut dire en grec la raison ou la sagesse, elle
est très abstraite et large. D’autre part, chez les Hébreux, la parole est le procédé
de la relation avec Dieu et par conséquent, avec le monde entier. La notion latine
verbum vient de l’hébreux dábár et elle signifie non seulement la parole ou la pensée,
mais aussi en même temps sa réalisation, un acte. La Parole de Yahvé représente la
puissance, c’est une énergie créatrice qui peut changer le monde. Son caractère est
dynamique.1 Dieu se présente à l’homme au niveau de sa compréhension et en plus,
il utilise les procédés courants du domaine de ses capacités.2 Selon la Bible, définie
comme le recueil des paroles de Dieu, Dieu a créé le monde par la parole (voir
Genèse), Il a parlé à son peuple pour lui révéler son intention du salut du monde
et pour cette raison, finalement, son Amour et son désir de sauver l’homme qu’Il
avait créé s’est réalisé en Jésus Christ. Dans l’épı̂tre de saint Paul aux Hébreux
nous lisons : « Après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis
aux Pères par les prophètes, Dieu, en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé
par le Fils, qu’il a établi héritier de toutes les choses, par qui aussi il a fait les
siècles. »3 « Et le Verbe s’est fait chair et il a demeuré parmi nous et nous avons
vu sa gloire. . . »4 Le verbe n’est pas seulement quelque chose qui est dit, c’est
la substance de l’être, de la communion avec Dieu. Or, la tâche des auditeurs ou
1 Voir
Thomas, P. : Nepomíjející slova, Rome s. d.
de Chardin, P. T. : Le Phénomène humain. En traduction tchèque Vesmír a lidstvo,
Praha 1990.
3 He 1, 1–2. La Sainte Bible, Bruges 1964. Traduite en français sous la direction de l’École
biblique de Jérusalem.
4 Jean 1, 14. Ibid.
2 Voir
21
lecteurs de la Parole de Dieu n’est pas seulement de l’entendre ou la lire, mais de
mettre en pratique ce qu’elle leur dit. Voilà ce qui implique le dynamisme de la
parole dans la tradition hébraı̈que. Néanmoins, les deux traditions se rencontrent.
En regardant l’introduction de l’évangile selon saint Jean, on voit dans la version
grecque d’abord l’utilisation du terme logos qui « était au commencement avec
Dieu. Tout fut par lui et sans lui rien ne fut. De tout être il était la vie et la vie
était la lumière des hommes. »5 Et puis, pour exprimer les situations concrètes
où Dieu agit à travers sa parole, par exemple quelqu’un est guéri, on passe à la
qualification plus concrète rhéma en grec ce qui correspond plutôt au verbe en
latin.
Dans la communication, les paroles sont donc les instruments pour pouvoir formuler les pensées. A notre époque, nous sommes entourés d’informations (média,
publicité, livres, . . . ). On est obligé de faire des choix, ce qui est souvent très difficile.
Il est important d’écrire, de publier les livres, de communiquer, parce que, comme
le dit Helena Třeštíková, documentariste tchèque, dans un interview : « la communication par la parole reste irremplaçable et rien ne l’a supplanté jusqu’ici. »6 C’est
vrai, mais quels critères choisir pour discerner l’importance des messages proposés?
Il existe une théorie dans la théologie que la lutte de l’ homme se passe dans le domaine des pensées (logismos). Václav Ventura rassemble l’enseignement des Pères
de l’Église et parle de huit pensées qui servent de base pour tous les phénomènes
négatifs. L’une d’entre elles est le kenodoxia, les mots vides.7 Qu’est-ce que c’est ?
Chaíl Džibrán dit qu’on parle si l’on n’est plus en paix avec nos pensées.8 Cela
peut alors quelquefois devenir la manière de cacher un combat intérieur, d’éviter
la solitude qui dévoile la vérité sur l’état de la personne et donc de se distraire en
échappant à la réalité pesante. Raymond Devos présente un sketch Parler pour ne
rien dire. Il se moque des discours qui utilisent une quantité énorme de mots, mais
en fait, ne disent rien. « Mesdames et messieurs. . . , je vous signale tout de suite
que je vais parler pour ne rien dire. [. . . ] S’il n’a rien à dire. . . il ferait mieux de
se taire. [. . . ] Et si, vous-mêmes, vous n’avez rien à dire, je veux qu’on le sache !
Je veux en faire profiter les autres. [. . . ] On en parle, on en discute ! »9
Pour prendre une bonne décision, il faut s’arrêter un peu et se retrouver en
silence. Il y a une différence entre un silence extérieur qui est égal à l’absence du
bruit et des sons quelconques et un silence intérieur qui se cache derière « ce bruit
intérieur qui sépare l’homme de ce qui est le plus profond en lui »10 et qui, en
dépendance de sa foi ou de sa volonté, peut être renforcé par la rencontre avec
Dieu ou par une autre expérience spirituelle, afin de vivre une « rencontre de deux
silences, dans une simplicité absolue ».11 Se mettre en silence, c’est une démarche
où plusieurs traditions différentes (chrétienne, bouddhiste, etc.) se réjoignent, et
5 Jean
1, 1–4. Ibid.
H. : « Deník Anny Frankové mě ovlivnil na celý život. . . » [Le Journal d’Anna
Frank a influencé toute ma vie. . . ], Víkend, magazín HN, Prague, le 9 mars 2007, p. 21.
7 Ventura, V. : Spiritualita křesťanského mnišství [Spiritualité du monachisme chrétien],
tome 1, Prague 2006, p. 162.
8 Džibrán, Ch.: Prorok. Zahrada prorokova [Prophète. Jardin du prophète], Prague 1996, p. 53.
9 Devos, R. : Sens dessus dessous, Paris 1976, p. 73.
10 Gira, D. : « Rien n’est plus « parlant » que le silence », Études, tome 406 – 2007/3, p. 39.
11 Cazeaux, J., « La Bible : L’or, le sang, l’espoir », La Parole, l’art, l’écriture, Limoge 1985,
p. 484.
6 Třeštíková,
22
c’est souvent le seul point commun qu’elles valorisent. Dans les deux religions citées, on trouve même des monastères où l’on vit en silence pour méditer les points
fondamentaux de leur spiritualité respective. Dans la tradition chrétienne, rappelons l’ordre des chartreux qui ont radicalement renoncé à la communication au
niveau humain pour être complètement disponibles à celle au niveau spirituel. Ils
divisent leur vie entre la prière, le travail manuel et le silence. « Le silence est non
seulement une obligation mais une servitude qui a pour effet de générer des esprits
vides, attendant l’esprit de Dieu. Les paroles ne doivent servir qu’à l’instruction
auprès du Père Abbé. Le Père Abbé parle et instruit, le disciple se tait et écoute.»12
Récemment, un film sur la vie des chartreux a été tourné par Philip Gröning. Il
s’appelle Le grand Silence et propose une excursion dans un autre monde. Il n’y a
aucune musique dans le film et on parle très peu. . . 13
Comme « rien n’est plus parlant que le silence »14 , nous avons analysé quelques
œuvres d’auteurs, d’orientation chrétienne dans la plupart des cas, en se concentrant surtout sur le thème du silence. Dans l’œuvre de chaque auteur, nous suivons
surtout deux axes: le thème même du silence et la proximité de ce thème avec la période de Noël. Commençons donc par les auteurs qui présentent dans leurs œuvres
directement les symboles bibliques. L’œuvre de Paul Claudel (1868–1955) est un
trésor précieux d’images, d’allusions ou bien de symboles chargés de sens différents.
Il appartient aux convertis français au catholicisme du tournant du XIXe et du XXe
siècles. Lui-même décrit sa conversion (qui s’est déroulée à Noël en 1886 pendant
la prière des Vêpres après la messe solennelle à Notre-Dame de Paris) comme un
événement qui a influencé toute sa vie et toute sa création littéraire. Il comprend
le catholicisme « comme le principe de la joie, du sens et du drame, comme une
‘religion joyeuse’ qui permet d’embrasser le monde entier et tous les êtres créés,
de les aimer grâce à la connaissance d’une force intérieure provenant d’un Ordre
d’au-delà. »15 Dans sa poésie, il exprime la relation de l’homme avec Dieu. Ce sont
des méditations sur des thèmes divers comme la louange du Créateur, le cri du
pécheur vers Dieu, l’observation du monde par rapport à l’ordre suprême, l’admiration des saints, etc. Citons par exemple la réflexion de Claudel sur la quête de
Dieu à travers Ses symboles comme celui des mots, le thème même de ce colloque :
« Mais les mots, s’ils ne servent à parler, à quoi est-ce qu’ils peuvent
servir ?
Et s’ils ne nous restituent ce qui est en eux, à quoi servent le rossignol
et le saphir ?
[. . . ]
Où est-il, ce mot essentiel enfin, plus précieux que le diamant,
Cette goutte d’eau pour qu’elle se fonde en Vous, notre âme, comme
l’amante en son amant ? »16
12 Rotival,
B. : Le temps du silence. Brepols, 1990, p. 20.
p. ex. : Il grande silenzio, DVD, Metacinema Multimedia San Paolo Srl, 2006.
14 Gira, D. : Ibid.
15 Putna, M. C. : Česká katolická literatura 1848–1918 (La Littérature catholique tchèque
1848–1918 ), Praha 1998, p. 607. (Citation originale : Claudel chápe katolicismus „jako princip radosti, smyslu a dramatu, jako ‘náboženství radostného’, které umožňuje objímat celý svět
a všechno tvorstvo, milovat je z vědomí vnitřní síly, dodané nadosobním řádem.)
16 Claudel, P. : La Messe là-bas. Introı̈t. (extrait) In : La Parole, l’art, l’écriture. Les Chemins
de la Foi, Limoge 1985, p. 243.
13 Voir
23
En s’inspirant des vies des saints, Claudel souligne surtout les aspects actuels
pour l’homme de son époque. Par exemple saint Joseph est attaché également au
thème de la présente étude, au silence. «Il est silencieux comme la terre à l’heure de
la rosée.»17 Dans son commentaire, Nicole Échivard dit: « Il était réservé à Claudel
d’exprimer une méditation aussi profonde, fruit de toute son expérience spirituelle,
sur le mystère de Joseph et celui de la Nouvelle Ève; et la parole devient silence.»18
Claudel, à la fin du poème, demande l’intercession de saint Joseph, il l’appelle ainsi:
« Patriarche intérieur, Joseph, obtenez-nous le silence ! » Quelques lignes plus haut
donnent la raison de cette demande : « Pour que Sa lumière ne soit pas éteinte par
notre lampe et Sa parole par le bruit que nous faisons. »19 Et regardons encore une
pièce de théâtre de Paul Claudel, L’Annonce faite à Marie. Le thème du silence
rempli de sens arrive surtout au moment de la rencontre des sœurs Violaine et
Mara. La première, malade de lèpre, mais heureuse de la proximité de Dieu, la
seconde, malheureuse tenant son enfant mort, capable de faire tout pour le sauver.
Tout symboliquement, c’est la veillée de Noël. La scène est très dynamique et forte,
les moments de silence, les sons légers des cloches arrivant au loin, les sonneries
éclatantes et prolongées de trompettes toute proches et les lectures du livre d’Isaı̈e
et de l’Évangile selon saint Luc faites par Mara alternent l’un après l’autre. Puis,
en célébrant la naissance du Sauveur du monde, un miracle s’est produit, l’enfant
de Mara est ressuscité. Nous y rencontrons un silence mystérieux où le Verbe se fait
chair pour sauver les hommes. Cela se passe en secret dans un pays lointain, mais
le miracle de cette nuit peut se passer également dans le cœur ouvert de l’homme.
Violaine a donc pu rendre la vie à sa nièce grâce à sa foi et Dieu a couronné son acte
en changeant la couleur des yeux de l’enfant en signe de cette nuit profondément
silencieuse accompagnée seulement de sons de cloches : « Pax, pax, pax. »20 A-t-elle
apporté la paix au cœur de Mara ? Et in terra pax hominibus bonae voluntatis. . . 21
Un autre écrivain qui admire le silence, c’est cette fois-ci une femme, Marie
Noël, de son vrai nom Marie Rouget (1883–1967), appelée parfois la Muse d’Auxerre. Elle reste un peu à l’ombre des écrivains dont on parle en général, mais son
œuvre poétique et son journal Notes intimes représentent des chef-d’œuvres de la
littérature française. Sa poésie devient selon sa propre parole « “chant de l’âme” :
car c’est la pureté du chant qui est ici chargée de traduire en langage direct toute
la complexité intérieure d’une âme exceptionnelle. »22 Dans ses poèmes du recueil
Les Chansons et les Heures et dans ses contes Le Voyage de Noël et Autres Contes,
elle travaille surtout les thèmes de l’amour, de la solitude, de la joie venant des
mystères chrétiens et bien sûr du silence. Pour Marie Noël « le plus beau chant
est celui qui contient le plus grand silence ».23 Vu le pseudonyme de l’auteur et
le titre de ses contes, il est évident que Noël appartient à ses périodes préférées.
Elle présente d’un côté la joie de l’événement chrétien, la naissance du Sauveur.
De l’autre côté, elle se rend compte qu’il existe un grand nombre de personnes
17 Claudel, P. : « Saint Joseph » Feuilles de Saints. In : La Parole, l’art, l’écriture. Op. cit.,
p. 251.
18 Claudel, P. : La Parole, l’art, l’écriture. Op. cit., p. 251.
19 Claudel, P. : La Parole, l’art, l’écriture. Op. cit., p. 251.
20 Claudel, P. : L’Annonce faite à Marie, Paris 1993, p. 199.
21 L’évangile selon saint : Luc 2, 14.
22 Lemaı̂tre, H. : Dictionnaire Bordas de littérature française, Paris 1994, p. 619.
23 Noël, M. : Notes intimes, Paris 1998, p. 88.
24
qui restent à ce moment-là pauvres, tristes, isolées. La bonne nouvelle pour tous
ces personnages découle de la venue du Christ au monde, c’est la lumière pour leurs ténèbres. Le silence accompagne beaucoup de ces situations, on peut observer
plusieurs dimensions du silence : d’une lourde solitude sans bruit et sans issue vers
une douceur paisible. Avec Jésus de Nazareth, l’espérance pour leur vie est arrivée
aussi dans les paroles des Béatitudes, pour nos héros surtout en : « Heureux les
doux, car ils recevront la terre en héritage. »24 Le silence ou le manque de paroles
sont exprimés par exemple dans les poèmes Chant de Noël ou Visitation. Dans
le premier, un soldat qui se trouve seul au temps de Noël se rappelle de beaux
moments de son enfance :
« Noël ! Dans le vieux lointain mon cœur s’élance !
Et lente, grise, vague, avec cent yeux d’azur,
La Ronde du Passé tourne dans le silence.
Ses revenants doux et fanés longent le mur. »25
Le poème Visitation décrit la scène biblique de la visite de Marie chez Élisabeth,
la future mère de Jean Baptiste. Dans la partie Magnificat, les deux femmes restent
silencieuses l’une en face de l’autre et elles partagent de cette manière les merveilles
que Dieu a faites en elles :
« Mais soudain le miracle a bougé dans leur âme,
Dans leur corps ! Le silence autour a chancelé.
Elle, la jeune fille, elle, la vieille femme,
Tressaillent : leurs petits entre eux se sont parlé. »26
Rappelons encore un des contes où saint Joseph, l’homme qui est devenu presque
le symbole du silence, cherche les justes pour que le royaume puisse être sauvé.
D’abord, il ne trouve personne, mais en regardant sous l’écorce des caractères, il
découvre trois personnages : un sot, une folle et une lourdaude ? Or, il comprend
que ces désignations ne sortent que d’une conception superficielle et qu’il s’agit des
« rois mages » qui apportent à Jésus nouveau-né leurs cadeaux, de l’or (l’honnêteté
de l’un), de l’encens (l’arôme des mains de l’autre) et de la myrrhe (la bonté de la
suivante). A part cela, Marie Noël écrivait aussi un journal intime, elle y a présenté
tout ce qu’elle avait dans le cœur, ses combats intérieurs, ses soucis, ses joies. Ses
amis l’ont encouragée à publier ce témoignage profond qu’elle voulait laisser taire,
écrivant pour se mieux comprendre elle-même, pour pouvoir franchir ce rempart
des pensées diverses, agressives ou stressantes, et se retrouver douce et paisible avec
son Dieu. Notes intimes sont donc publiées en 1959. Père André Blanchet, l’un de
ses critiques, en écrit : « Voici l’un des livres les plus vrais que je connaisse. Une
vie – notre vie à tous – s’y reflète, avec ses jours de soleil et ses temps de pluie,
ses larmes et ses sourires, son ciel, son purgatoire, son enfer aussi. »27
Le silence ou la douceur est inséparablement lié au nom de Bohuslav Reynek
(1892–1971), poète et graveur tchèque. Sylvie Germain le caractérise comme « un
veilleur » /qui/ se tient avec patience, infiniment, à l’orée d’un mystère souverain,
24 Mt
5, 4. La Sainte Bible. Op. cit.
M. : Les Chansons et les Heures. Le Rosaire des joies, Paris 1983, p. 106.
26 Ibid., p. 168.
27 http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Marie Noel
25 Noël,
25
écoutant battre au fil des jours et des saisons, dans les plus humbles choses, le
cœur du monde. Il fut un passeur d’invisible, un conteur d’indicible, un fileur de
lumière.28 La vertu cardinale de la poésie de Reynek est selon Xavier Galmiche
une « quête, parfois douloureuse, de la simplicité évangélique, compassion avec la
nature familière et souffrante. »29 Les poèmes de Reynek reflètent la nature de son
village natal Petrkov, l’ordre de la vie conformément aux saisons, la foi de l’auteur,
sa vie intérieure très riche. Dans les mémoires de ses fils Daniel et Jiří30 , il est
présenté comme une personne qui a aimé la solitude, le silence dans la nature, la
possibilité de vivre avec lui-même, avec son Dieu, avec ses pensées. La vie pratique
était pour lui compliquée, chaque bouleversement que sa famille a dû subir pendant
la guerre ou sous les communistes représentait pour lui un grand sacrifice. Quant à
Noël comme thème suivi de cette étude, Reynek en parle dans ses poèmes comme
d’un événement parmi les autres, il compte plutôt sur une rencontre personnelle
avec l’Enfant (voir par exemple le poème Advent u nás31 ). Or, il n’oublie pas les
habitudes populaires attachées à chaque saison et il a écrit entre autres les «koledy».
Étant solitaire méditatif, il préfère le temps de l’Avent qui lui permet de mener cette
quête du silence en lui-même (dont Xavier Galmiche parle dans son commentaire)
et de rester en attente paisible de l’avenir.
Par contre, sa femme Suzanne Renaud (1889–1964) passe par plusieurs périodes dans sa création poétique en lien avec les épreuves que la vie lui a préparées.
Française venant de Grenoble, poétesse érudite, elle a publié son premier recueil
Ta vie est là en 191932 . La poésie de Suzanne Renaud réunit des sujets du milieu
français et du milieu tchèque. Elle se laisse inspirer par la nature, par les habitudes
populaires et bien sûr aussi par sa foi catholique. Il y a beaucoup de thèmes communs chez elle avec la poésie de son mari, néanmoins, Suzanne Renaud est plus
ouverte, un peu plus joyeuse. Quant au silence, elle en parle dans toute une série de
poèmes : J’écoute dans la nuit, Ce grand pays d’hiver (elle se plaint même de trop
de silence !), D’où vient, d’où vient ce silence sauvage, Chanson de souris etc. Ce
thème du silence passe à travers toute sa création, il a plusieurs raisons, joyeuses
et douloureuses : la mort de sa mère, la beauté de l’amitié, de la nature, la trahison
de Munich, la guerre et le système communiste en Tchécoslovaquie et donc son
emprisonnement dans le pays dont la mentalité lui restait quand même éloignée,
etc. En ce qui concerne Noël, c’est une fête importante pour Suzanne Renaud. Elle
aime l’atmosphère de la nuit de Noël, elle pense chaque fois à toute sa famille et
prie pour ses prochains décédés. Citons l’extrait de son poème Koleda :
« À ce repas invitons l’écureuil,
La mésange avec le bouvreuil
28 Reynek,
B. : Le Serpent sur la neige. Had na sněh, Romarin, op. cit., p. 9.
p. 219.
30 Voir Palán, A. – Reynek, D. – Reynek, J. : Kdo chodí tmami [Qui marche dans les
ténèbres ? ], Praha 2004.
31 Voir Reynek, B. : Básnické spisy [Œuvres poétiques], Zlín 1995.
32 Comme Bohuslav Reynek s’intéressait à la poésie française, il a découvert dans les années
20 cette poésie et il en était touché. Il demande à l’auteur l’autorisation de la traduire, grâce à
leur correspondance réciproque, une amitié profonde s’est épanouie entre eux. Elle l’appelle « une
plante délicate et rare » et pense avec Maeterlinck que « l’amitié sans amour, comme l’amour
sansl’ amitié, sont deux demi-bonheurs qui attristent les hommes ». Après leur mariage, ils ont
vécu toujours une moitié de l’année à Grenoble et l’autre à Petrkov.
29 Ibid.,
26
Et l’arbre neigeux qui balance
Ses lourds falbalas de silence ;
Le monde sera clos par la fenêtre blanche
Pour que Noël se chante au cloı̂tre de nos cœurs ; »33
En 1939, avec un cœur blessé par les événements politiques, par la trahison de
la France, par l’hiver trop dur en Bohème, Suzanne Renaud a publié le poème Noël
qui exprimait le petit espoir qu’on peut trouver en méditant le secret de cette fête,
le silence et une vie intérieure étant fort présents. «Que le souffle du bœuf attiédisse
nos peines/Et ce gel douloureux qui nous défend les pleurs ! »34
Continuons par les auteurs qui ne se disent pas écrivains chrétiens, mais qui
utilisent des thèmes inspirés par la symbolique chrétienne. Nous voulons présenter surtout Sylvie Germain. Dans son œuvre, on trouve beaucoup d’allusions au
christianisme, à la Bible ou même à la liturgie catholique. Elle les introduit dans
les histoires de ses personnages et elle leur ajoute ainsi une dimension spirituelle.
L’auteur est connu en République Tchèque non seulement pour son séjour à Prague
entre 1986–1993, mais aussi pour son admiration du poète Bohuslav Reynek et de
son œuvre. Elle a manifesté son amour dans le livre Bohuslav Reynek à Petrkov35 .
Selon les critiques, le sujet principal des œuvres de Sylvie Germain est la quête du
bien et du mal. Elle accentue la vie intérieure de ses héros, elle leur donne la possibilité de prendre du temps afin de comprendre l’ordre des choses de leur propre
identité dans le contexte de la famille ou de toutes les générations. Elle pousse ses
héros à sortir d’une indifférence assommante et une aliénation d’eux-mêmes. Les
paroles sont pour elle comme une semence36 . Si l’on veut porter du fruit, il faut
attendre et souvent se mettre en silence et prendre patience. A travers les paroles
et le silence, on peut obtenir la guérison. Les héros doivent s’y décider de leur propre volonté, puis, se rendant compte de leurs blessures, ils les ouvrent et acceptent
de ne plus les nourrir. Cela rappelle le processus du pardon dans la relation avec
Dieu ou bien dans chaque autre relation. Cette guérison n’est pas dépendante des
événements extérieurs, elle peut se produire même pendant la guerre, et le comportement des jeunes juives que nous allons encore présenter le prouve. Regardons
plus en détail le silence dans deux romans de S. Germain : Tobie des marais et
La Nuit d’Ambre. Le premier étant le parallèle avec l’histoire biblique de Tobie
exprime l’ « aggiotnamento » des valeurs comme l’audace, le pardon ou la douceur.
La vie des hommes est étroitement liée au rythme de la nature ce qui confirme
l’impression que la nature et les gens forment un ensemble, ils respirent en même
temps, mais aussi ils souffrent ensemble. « Tout est échange, la vie en son entier
et d’infinies façons, palpables, concrètes, et plus encore immatérielles, subtiles. »37
Tobie trouve pour son voyage un accompagnateur qui rappelle l’archange Raphaël
du livre Tobie. Il lui apprend à percevoir le monde non seulement par la raison,
mais aussi par le cœur : « Tu n’aimes pas encore si ta vue ne transgresse pas les
limites du visible, si ton ouı̈e ne perçoit les chuchotements et soupirs du silence,
33 Renaud, S. : Œuvres. Dílo. Romarin. Les amis de Suzanne Renaud et Bohuslav Reynek,
Grenoble 1995, p. 115.
34 Ibid., p. 179.
35 Germain, S. : Bohuslav Reynek à Petrkov, Havlíčkův Brod 2000.
36 Ibid., p. 123.
37 Germain, S. : Tobie des marais, Gallimard, Paris 1998, p. 158.
27
si tes mains ne savent pas effleurer l’autre à travers la distance, l’étreindre dans
l’absence. Non, tu n’aimes pas encore. [. . . ] Tu crois donc si peu à la force des
mots ? [. . . ] as-tu oublié tous ces poèmes que tu lisais et apprenais par cœur quand
tu étais enfant ? Et qu’est-ce que la maladie de Sarra sinon un grand brouhaha de
mots accusateurs qui l’assourdit jour et nuit ? Il te revient de faire taire en elle
ce vacarme incessant. »38 Et voilà, en fait, le silence guérit la jeune fille. L’intention originale du livre biblique Tobie était de montrer une vie en famille, souligner
la foi et l’honnêteté des membres respectifs, or, Sylvie Germain déplace le centre
de gravité vers l’importance du silence. C’est le silence qui a apaisé les cœurs de
Déborah et de son ami, c’est le silence symbolisé par le cœur et la langue d’un
poisson qui a guéri Sarra et ce n’est qu’en silence que l’on peut laisser mûrir en
nous une impression forte, trouver une décision importante. Le silence et l’abandon
peuvent concevoir un sourire qui peut être évident en mer ou sur le tableau qui
devait présenter une souffrance. Il serait sûrement utile d’accepter parfois la parole
de Ragouël (père de Sarra) : « Tais-toi, ne cherche pas à tout comprendre, trop vite,
sinon tu ne connaı̂tras pas l’émerveillement et la surprise. »39
Quant au thème de Noël, il n’est pas explicitement formulé par exemple dans
le roman La Nuit d’Ambre, mais il se répète des scènes où la naissance d’un enfant
a guéri quelqu’un ou l’a sorti de la folie. Cela devient un stéréotype et chaque fois
on se demande si le mécanisme sera le même. Dans la gradation et les différents
types de silences (mystérieux, effrayant, libérateur) on découvre l’un après l’autre
les morceaux d’une mosaı̈que pour obtenir à la fin une image extraordinaire avec le
chant silencieux, mais heureux d’une Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix
sur la terre aux hommes qu’il aime.
On pourrait trouver encore beaucoup d’autres exemples des auteurs et de leurs
œuvres exprimant le silence ou bien travaillant avec la symbolique chrétienne. Tout
au début du XXe siècle, c’est par exemple Joris-Karl Huysmans et sa Cathédrale
qui pourrait servir sans doute de flèche vers la symbolique médiévale de l’art,
cependant, ce serait tout de même un autre chapitre. Dans les années 30 et 40,
c’est encore Antoine de Saint-Exupéry avec ses réflexions diverses d’un aviateur,
ses lettres à sa mère, son Petit Prince à qui le renard dit : « Je te regarderai du coin
de l’œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque
jour, tu pourras t’asseoir un peu plus près. . . »40 ce qui résume, en fait, notre étude
sur la parole et le silence.
Un chapitre à part, ce sont les personnalités des jeunes femmes qui avaient
l’intention de devenir écrivains, alors qu’elles étaient juives – Anna Frank, Edith
Stein ou Etty Hillesum. Etty Hillesum par exemple, une Hollandaise, écrivait un
journal intime pour apprendre à formuler ses pensées avec le désir de devenir un
jour écrivain. Elle veut découvrir la substance des choses à travers les paroles.
Une parole vivante sur la paix ou sur la joie devient chair au cœur de l’homme
qui peut ensuite être heureux malgré les événements extérieurs, même pendant
la guerre. Dans les journaux intimes de ces héroı̈nes du XXe siècle, nous gardons
des témoignages précieux qui peuvent même servir de contrepoids aux différents
38 Ibid.,
p. 190.
S. : Tobie des marais, op. cit., p. 202.
40 De Saint-Exupéry, A. : Le Petit Prince, Paris 1986, p. 69.
39 Germain,
28
« reality show » tant appréciés de nos jours. La réalité de ces destinées et de ce
silence éternel en qui elles sont toutes entrées jeunes, nous donnent le frisson.
Si Paul Claudel présente un silence comme la joie de Dieu puissant à qui rien
n’est impossible et que Marie Noël s’est concentrée plutôt sur la dimension de l’espérance, dans la création de Bohuslav Reynek et de sa femme Suzanne Renaud,
nous rencontrons un silence mystique devant lequel le lecteur retient son souffle.
L’aspect de leur bonne nouvelle passe plus par un sacrifice qui est parfois lourd à
porter, mais qui peut quand même conduire à la paix ou à une harmonie rassurante
avec les personnes autour de nous, avec le milieu où l’on vit et aussi avec les circonstances. La condition pour cette voie difficile est d’accepter qu’à l’extérieur, on
rencontrera des obstacles, mais que, ce qui importe, c’est le cœur et les flammes qui
l’habitent. Si on les garde, elles ne s’éteignent pas et tiennent jusqu’au bout. Cette
méthode d’acceptation de tout ce qui n’est pas agréable pour nous, mais qu’on ne
peut pas changer, c’est le fil qui unit les écrivains analysés avec le message des
œuvres de Sylvie Germain et également avec les héroı̈nes détruites dans la guerre
à cause de leur origine juive : Etty Hillesum, Anna Frank ou Édith Stein. Toutes
les trois obtenaient la grâce de préserver une vie intérieure riche, elles ont conservé
leur feu, leur trésor intérieur, et ceci les a rendues capables de ne pas s’écrouler en
elles-mêmes, mais d’aider les autres, de les encourager. Chaque situation comprend
le bien et le mal, chaque situation est d’une manière ou d’une autre absolue41 .
Chacun peut porter son propre fardeau, mais pourrait tomber sous le poids des
fardeaux des autres qui en chargent leur dos pour pouvoir échapper à la réalité.
Selon Etty Hillesum, l’essentiel, c’est d’apprendre à porter son propre destin, Édith
Stein l’appellerait sûrement la croix. Où est le silence chez ces femmes ? La mort ne
leur a pas rendu possible de continuer leur profession d’écrivain, mais leur disparition a souligné les valeurs qu’elles ont eu le temps de formuler. Pourrait-on les
méditer autrement qu’en admirant leur mission ? Victimae laudes ! 42
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41 Voir
42 Voir
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le titre d’un recueil de poèmes de Suzanne Renaud. (In : Œuvres, op. cit.)
29
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30
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La parole et le silence. Réflexion sur quelques œuvres d’auteurs
d’orientation chrétienne
Résumé
Il existe un grand contraste entre la quantité de mots qui ne disent rien et un
silence qui exprime toutes les dimensions du message communiqué. Cette étude est
une réflexion sur ce thème à l’aide des œuvres de Paul Claudel, de Marie Noël, de
Bohuslav Reynek et de Suzanne Renaud, de Sylvie Germain, d’Antoine de Saint-Exupéry, d’Etty Hillesum, etc. Ces auteurs sont d’une manière ou d’une autre
sensibles au sens propre des mots qu’ils utilisent et à la force du silence. Nous
suivons dans leurs œuvres par exemple le thème de Noël ou bien le travail avec
l’Évangile. Nous cherchons avec eux la dignité de la parole et les sources qui peuvent
la lui rendre. À travers la parole, on peut découvrir la Parole qui touche le cœur
dans le silence. Et le Verbe s’est fait chair et il a demeuré parmi nous et nous avons
vu sa gloire. . . (Jean 1, 14 )
The Word and Silence. Reflection of Some Literary Some Works
of Selected Christian Authors
Summary
There is a difference between a multitude of empty words and a silence that
can express a lot. This study is a reflection of selected literary works by Paul
Claudel, Marie Noël, Bohuslav Reynek, Suzanne Renaud, Sylvie Germain, Antoine
de Saint-Exupéry and Etty Hillesum. These authors are sensitive to the substantial
meaning of the words used in their literary works and the power of silence. This
comparison is based, for example, on the theme of Christmas and the announcement
of the Gospel. The authors look for the dignity of the words that unearth the Word
that touches the heart in silence. . . . The Word became flesh and made his dwelling
among us. . . (John 1, 14 )
Václava Bakešová
Katedra francouzského jazyka a literatury
Pedagogická fakulta
Masarykova univerzita
Poříčí 9/11
602 00 Brno
République Tchèque
[email protected],
[email protected]
31
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Lenguaje, literatura, ideología
José Luis Bellón Aguilera
Estratos arqueológicos de la expresión grandeza y decadencia
Cuando leí el título de este congreso —Grandeza y decadencia de la palabra en
el siglo XXI— pensé que la frase hacía una referencia extraña a un concepto algo
fuera de la circulación teórica: ¿grandeza y decadencia de qué? ¿Se puede hablar de
grandeza y decadencia hoy en el planeta Tierra, destrozado por las contradicciones?
¿De la palabra? ¿Qué se entiende hoy cuando se dice algo tan general y de tantos
significados como la palabra?
Está claro que, con relación a estos conceptos entrelazados de grandeza y decadencia, puede hacerse —de forma relativamente fácil— una genealogía histórica y
señalar un gran número de sus antepasados filosóficos y las huellas que han dejado
en el presente: p. ej., primeramente, Gibbon, autor del famoso libro History of the
decline and fall of the Roman Empire; o Toynbee, o Thomas Carlyle (amigo de
Ralph Waldo Emerson); y por supuesto, un cierto Nietzsche y tal vez un poco
Heidegger y su teoría de que en Occidente habíamos olvidado el sentido del Ser.
Señalaré sin embargo, únicamente, tres estratos teóricos de fondo localizables en
este extraño y rancio sintagma (grandeza y decadencia), y lo haré de delante hacia atrás: primero, obviamente, Spengler, el filósofo alemán autor del autoritario
ensayo La decadencia de Occidente (1923). Este libro, tan importante, posee la
influencia del todavía más importante Giambattista Vico (segundo estrato) y su [el
título tiene tela] Principi di una scienza nuova d’intorno alla natura delle nazioni,
per la queale si ritruovano i principi di altro sistema del diritto naturale delle genti
(1725), conocida como Ciencia nueva1 . En este libro se exponía, como se sabe,
una teoría en espiral de los períodos históricos: habría habido ciclos y etapas en
la historia de la humanidad (sucesión de etapas divina, heroica, humana). En la
1 Giambattista Vico (1668–1744), Scienza nuova (Nápoles, 1725); Edward Gibbon (1737–1794),
History of the decline and fall of the Roman Empire; Thomas Carlyle (1795–1881); Ralph Waldo
Emerson (1803–1882); Oswald Spengler (1880–1936), La decadencia de Occidente (1918–1922,
ed. revisada 1923); Ser y tiempo, de Heidegger, es de 1927 (Historia y conciencia de clase, de
Lukács, de 1923); Arnold Joseph Toynbee (1889–1975).
33
etapa denominada «edades de los dioses», la primera, habrían aparecido la religión,
la familia y otras instituciones; en la segunda (la «edad de los héroes») sería una
clase aristocrática quien dominaría por la fuerza la sociedad. En la última etapa
(«edad de los hombres»), los individuos, gracias a la razón, se rebelan y logran la
igualdad, pero, en el transcurso del proceso, la sociedad empieza a descomponerse y
se retorna al inicio del ciclo. Como se sabe, Vico influyó en muchos teóricos sociales
posteriores, como Montesquieu, Auguste Comte y Karl Marx.
Claro que poco hay en Comte o Marx de lo que realmente subyace al relato de
Vico: un esencialismo pesimista que impregna los textos de los autores que mencioné
al comienzo (Spengler, Carlyle, Emerson, etc.). Entramos aquí en el tercer estrato
de la grandeza y su par opuesto, su decadencia o miseria: Vico se basaba —está
claro— en los mitos de las edades metálicas de Homero y Hesíodo y su genealogía
de las edades como explicación del presente: la edad de oro, de plata, edad de los
héroes, de bronce y de hierro. . . una sucesión de edades en las que se percibe una
degeneración clara. Este es un topos o tema de tratamiento obligatorio para los
poetas del esclavismo antiguo: hermosas manifestaciones de esto hay en las elegías
de Tibulo, en el libro primero de las Metamorfosis de Ovidio, en Virgilio, etc. Por
ej. el mito de la Edad de Oro: era pérdida, pasada, una aspiración utópica: no hace
falta trabajar para vivir y los hombres no se asesinan mutuamente. (No es extraño
que Tibulo cantara con tanta dulzura esta edad de oro perdida, en un mundo
como el suyo, el romano, que había sido desgarrado por las guerras civiles entre
las familias patricias y el pueblo de Roma). El caso es que esta edad originaria
degenera moralmente y desciende a la brutalidad del mundo presente. Señalaba
Marrou hace unos 50 años, en su Historia de la educación en el mundo antiguo (de
1948), que el modelo de circularidad (ascensión – akmê y declive ineluctable) es
el favorito de los antiguos (la edad media es otra historia que no se puede contar
aquí).
Platón, Aristóteles y Polibio utilizaron este pensamiento del descenso moral de
las edades y lo modificaron. En ellos hay una especie de racionalización, pero la
mentalidad mítica todavía permanece (si bien es muy cierto que el materialismo
aristotélico es siempre problemático). Polibio es quizás el de más influencia en
historiadores posteriores serios (desde Tito Livio, básico en la revolución teórica de
Maquiavelo). Polibio habló de un ciclo de tres constituciones: —realeza, aristocracia
y democracia—, de las cuales la mejor es la mixta; luego está la anaciclosis o
generación, culminación y declive en el paso de una a otra constitución. Obviamente
Polibio, bien vinculado a la aristocrática familia de los Escipiones, lo que quería era
demostrar la superioridad política de Roma, embarcada entonces en un proceso de
expansión territorial esclavista y en una guerra a muerte con Cartago por el control
del Mediterráneo (esto es: que el aparente lugar común o tópos del mito de la Edad
de oro tiene un contenido de carácter político que no se puede olvidar a la hora
de su análisis; esto es parte de su lógica productiva, como concepción moral del
hombre). Y es que la historia es la menos inocente de las ocupaciones, menos aún
cuando se filosofiza la historia y se efectúa una alquimia estetizante.
En el sintagma de grandeza y decadencia se localizan, por tanto, estratos míticos, racionales y políticos. De la mitología hesiódica de la transición al esclavismo
al pragmatismo semi-racionalizado de Polibio en el esclavismo pleno. Lo que Vico
hará en el siglo XVIII será elaborar una concepción de la historia a caballo entre el
34
providencialismo organicista y la nueva idea del espíritu humano (quizás por ello
entusiasmaba a Voltaire). Del mundo griego a Vico —y luego a Spengler— hay
una distancia histórica gigantesca, desde el mundo cerrado de las cosmovisiones
antiguas al universo infinito de la racionalidad instrumental. Por tanto grandeza
y decadencia son mitos reapropiados por otras ideologías, desde otras lógicas productivas. La cuestión es qué significa para nosotros hoy ese sintagma, si no es que
somos unos spenglerianos incurables, cosa nada recomendable, sobre todo intelectualmente.
En el hispanismo hemos heredado este concepto de una tradición que incorpora esta representación poética o mítica de la historia a la historia literaria: así
tenemos el Siglo de Oro y la Edad de Plata (me pregunto qué pasará con la Edad
Contemporánea, ¿se la llamará Edad de Bronce?). Las reapropiaciones o re-lecturas
(des-lecturas) son básicamente dos: de la retórica del tiempo de la transición a las
relaciones mercantiles, al romanticismo, positivismo y la fenomenología. En pocas
palabras (para no dilatar la exposición): Lope de Vega se refería a su siglo como
el «Siglo de Oro»; y no hay que olvidar la admiración de Don Quijote en su famoso discurso sobre la Edad de Oro. Como se sabe, a finales del siglo XVIII la
expresión «Siglo de Oro» (los años comprendidos entre 1492 y 1665) ya se había
popularizado y en el siglo XIX la terminó de consagrar el hispanista norteamericano George Ticknor en su Historia de la literatura española. Por supuesto, los
nombres de R. Menéndez Pidal, Pedro Salinas y Dámaso Alonso son los de los
arquitectos de la historia actual de la literatura española. Estos últimos en lo que
se refiere a la edad de plata (es decir, el mito del 98 y el mito del 27). En lo que
a mí respecta, como lector y como profesional, esto son ideas fósiles que habría
que meter en el armario (o vitrina) de las curiosidades de anticuario, pero tengo
la sensación de que es muy difícil, casi imposible, luchar contra unas tradiciones
tan establecidas e incrustadas en nuestras prácticas cotidianas como profesores de
lengua y literatura.
Pero quizás la expresión Grandeza y decadencia de la palabra en el siglo XXI, a
pesar de ese rancio sustrato de conservadurismo decimonónico, sea solo una forma
de constatar, por un lado, lo que fue denominado hace tiempo como el giro lingüístico en filosofía en el siglo XX. Por otro lado, puede ser una forma del campo
académico de plantear su papel respecto al todo social. Algo así como un replantearse nuestra profesión como filólogos, lingüistas, teóricos o historiadores de la
literatura con respecto a los sucesos y contradicciones de la sociedad. Pero parece
también, al mismo tiempo, una afirmación de nuestra propia autonomía como profesionales.
Resulta hoy un tanto extraño (si no cómico), en la sociedad del espectáculo
y de la mercantilización de todas las esferas de la vida social, con el desastre
ecológico evidente y con varias guerras imperialistas en curso, con una situación económica y política insostenible en el llamado Tercer Mundo, hablar de
grandeza y decadencia de la palabra. Y esto además cuando en la sociedad del
espectáculo, como la llamó Guy Debord, domina el lenguaje icónico, con una contradicción: el mercado editorial es bastante fuerte, por no hablar de los cientos
de miles de publicaciones académicas cada año. La sensación es, obviamente, de
futilidad.
35
Qué significa hablar de literatura
Desde hace unas décadas se sospecha que la literatura es mentira. Una mentira
real. Porque los mitos son mentira y verdad al mismo tiempo; son resultado de
la arbitrariedad histórica del Poder y por tanto verdaderos, necesarios para la
circularidad de la reproducción. Pero si eso es verdad, ¿cuál es el sentido de la
teoría crítica contemporánea?
El filósofo español Juan Carlos Rodríguez ha publicado un libro titulado: De
qué hablamos cuando hablamos de literatura (2002). Desde otros planteamientos
(si bien parte de la argumentación está visiblemente tomada —y transformada—
de J. C. Rodríguez) el poeta y profesor Luis García Montero publicó El sexto día –
historia íntima de la poesía española (2000) y —en colaboración con el novelista
Antonio Muñoz Molina— Por qué no es útil la literatura (1993). Los dos casos son
ejemplo de posicionamientos distintos frente al texto literario: un posicionamiento
desmitificador, sociológico, de análisis radicalmente histórico de la dinámica del
inconsciente ideológico, y otro —el segundo, Montero y Muñoz Molina— desde un
lugar teórico que, pese a los descubrimientos científicos, mantiene una fe posmoderna y optimista con relación a la creación literaria (en este caso en la española).
Hay muchos otros posicionamientos: feministas, post-feministas, estructuralistas,
post-estructuralistas, deconstructivos, post-coloniales, y un largo etc.
Frente a la desmitificación o destrucción de las ilusiones subjetivistas y esencialistas de la literatura en el mundo anglosajón, se alzó el gigante Harold Bloom,
desde finales de los 70, como defensor de un corpus de textos clásicos de literatura
que denominó Canon occidental. Este es un viejo debate que todavía hoy continúa.
Según Bloom, había que defender la literatura de los ataques de lo que llamaba la
«escuela del resentimiento».2
La cuestión es bastante compleja. No se trata de dos posicionamientos, sino de
muchos, ni de una bipolarización desmitificación/mitificación, de la confrontación
(algo lejana pero actual) postmodernidad/modernidad (esto es, Gadamer-Lyotard
versus Habermas). Un análisis histórico y sociológico serio muestra que lo que está
aquí en juego es la confrontación entre los mitos de la ideología dominante y su
resistencia a los mismos. Esta confrontación se articula en el interior de lo que el
sociólogo francés Pierre Bourdieu llamó el campo (champ): los conflictos ideológicos
(consciente e inconscientes) se sobredeterminan con las dinámicas de competencia
continua de los campos académicos. De modo que la palabra, en lo que concierne
al campo académico, es un significante marcado por el inconsciente libidinal y el
inconsciente ideológico, a cuyo funcionamiento y circulación en su intercambio se
sobredeterminan la dinámica siempre hobbesiana de los campos sociales: la lucha
por el prestigio y el estatus en ese espacio social con sus propias leyes que es el
campo académico. La palabra es grande y pequeña al mismo tiempo y a la vez
verdadera y mentirosa.
2 La realidad es que la bibliografía relacionada con esta problemática es inmensa, y es muy fácil
perderse en el mar de publicaciones, un stock de información que dificulta sintetizar y obtener
una visión de conjunto, lo que el filósofo norteamericano Fredric Jameson llamaba un «mapa
cognitivo» [cognitive mapping] de la cuestión. Y lo que Max Weber llamó «parcelación de las
ciencias sociales», la especialización (producto de las necesidades científicas), no facilita ningún
intento de síntesis.
36
Claro está que someter el potencial creador de la palabra a este juego hobbesiano, a los mitos inconscientes dominantes y a la inevitable fuerza de lo que Lacan
y Spinoza llaman el deseo es un poco pesimista, por excesivamente determinista y
oscuro: apenas deja lugar para la actuación. Un pesimismo de la inteligencia. Hay
otras alternativas, enmarcadas en opciones y mentalidades racionalistas (el optimismo de la voluntad racionalista), por ejemplo la de Terry Eagleton de La estética
como ideología, un libro de 1990 donde el famoso teórico anglosajón intenta llegar
a un compromiso inestable entre lo que ve como el nescioquid de lo estético, el racionalismo ilustrado y un análisis radicalmente histórico. Su análisis es inteligente
pero su propuesta es un tanto problemática. Otros optimismos de la inteligencia se
encuadran en el horizonte ilustrado-habermasiano.
Thomas McCarthy o la destrucción de la destrucción
En 1991 apareció el trabajo de Thomas McCarthy Ideals and Illusions, subtitulado
On Reconstruction and Deconstruction in Contemporary Critical Theory3 . Se trata
de un análisis y discusión del papel de la teoría crítica [critical theory] en las ciencias
sociales y su relación con las posibilidades de actuación política en el todo social
[political agency]. Volveré a este trabajo, pero antes quisiera discutir una cuestión
de terminología.
Como se sabe, el término ‘teoría crítica’ [critical theory] tiene dos significados.
El primer significado fue el creado por Max Horkheimer y la Escuela de Frankfurt
de ciencias sociales en el ensayo de 1937 titulado Traditional and Critical Theory: la
teoría crítica es una teoría social orientada a la crítica y el cambio de la sociedad en
su conjunto, en contraste con la teoría tradicional, orientada sólo a su comprensión
y explicación. El segundo significado de teoría crítica es el de la teoría usada en la
crítica literaria y en el análisis y comprensión de la literatura y es discutido y analizado por la teoría de la literatura. La teoría crítica literaria no está necesariamente
orientada al cambio social o ni siquiera al análisis de la sociedad, sino al análisis
de textos y de fenómenos textuales. Este segundo significado tomó forma entre los
académicos de literatura en los años 60 y 70, generalizándose y estandarizándose
su uso en los 80, especialmente cuando la teoría usada en los estudios literarios fue
gradual e intensamente influenciada por la filosofía continental europea y la teoría
social y por tanto fue haciéndose cada vez más teórica.
Los análisis de Thomas McCarthy se enmarcan dentro del campo de la teoría
crítica (y filosofía) y de la sociología. Pero son válidos para la teoría crítica literaria
(segundo significado que indicamos antes). El libro contiene una serie de ensayos
sobre Rorty, Foucault, Derrida, Habermas y, cerca del final, una valoración de la
validez de la ética kantiana (el imperativo categórico y la ética trascendental, esto
es, una ética racional y universal) en un mundo sin Dios. En este último ensayo,
sintomáticamente, lee los planteamientos de los teólogos políticos contemporáneos
[contemporary political theologians]. La palabra de Th. McCarthy digamos que
es racional, analítica y política. Como proyecto de trabajo en sociología parece
atractivo, fundamentalmente por la defensa de la teoría de la acción comunicativa y por su concepción de la investigación como investigación-acción; no carece
3 Otros trabajos de McCarthy: The Critical Theory of Jürgen Habermas (1978; 1981; 1984);
Critical Theory (1994), en colaboración con David Hoy.
37
de problemas. La cuestión es que parece operativo fundir ambas críticas (los dos
sentidos), para acabar con la mística del textualismo heideggeriano, por un lado,
pero evitando al mismo tiempo las visiones unidimensionales de un sociologismo
simplón que considera la literatura como un mero epifenómeno de lo social, obviando las reflexiones de los conflictos sociales y las contradicciones en su textura
desarrolladas en la dinámica del nivel ideológico.
Con todo, a parte del interesante y precioso (y casi lacrimógeno) capítulo sobre
la ética, con la figura de Walter Benjamin y Horkheimer y de los teólogos políticos
contemporáneos (¿de la liberación?) como fondo, lo que más me interesa destacar
hoy de este libro es su análisis de los dioses del postestructuralismo (Foucault), de
la deconstrucción (Derrida) y de la filosofía del lenguaje (Rorty), por el tema de
este congreso. Porque en el mundo de la teoría crítica en literatura la influencia de
las teorías (o filosofías) citadas ha sido y es tremenda y, en muchos casos, espantosa.
Cierto que la ola del post-estructuralismo ha pasado, así como la deconstrucción;
hoy domina la ola (o moda) post-colonial (es de destacar cómo están empezando a
oírse títulos de ensayos de corte post-colonial en la República Checa). Pero incluso
hoy los foucaultianos, derridianos y los neorrománticos à la Rorty forman parte
de diferentes escuelas de análisis de textos bien establecidas en el campo académico (sobre todo anglosajón). Y como todas las escuelas de pensamiento (y en
este sentido se podría utilizar la teoría de los campos sociales de Bourdieu) los
neorrománticos, foucaultianos y derridianos son, más frecuentemente de lo esperable, deseable y soportable, más papistas que el papa y se convierten en una secta
plagada de profetas sin mensaje. Si se está al corriente de eso, el libro de McCarthy ofrece un análisis útil de los mismos, sobre todo porque desvela en todos
ellos una raíz última común, agarrada en la racionalidad surgida del siglo XVIII.
En otras palabras: McCarthy plantea que, pese a las pretensiones destructoras de
la racionalidad burguesa en el pensamiento deconstructivista y foucaultiano, su
forma de despliegue del análisis se encuadra en una forma de racionalidad que tiene un origen histórico en el desarrollo de la racionalidad ilustrada. La denuncia
de la razón-instrumental o científico-técnica occidental no obvia un hecho decisivo:
la razón es producida históricamente pero inevitable en nuestros hábitos mentales.
Terry Eagleton, a la hora de exponer su crítica del desbarre posmoderno de los post-heideggerianos, post-derrideanos, post-estructuralistas y otros post-, lo planteó en
términos similares aunque de otra forma:
Si podemos y debemos ser críticos de la Ilustración, es porque la Ilustración nos
ha autorizado a comportarnos de este modo. Aquí, como siempre, el proceso más
intricado de emancipación es el que tiene que ver con nuestra liberación de nosotros
mismos.4
Se trata de un posicionamiento complejo (si bien podría analizarse la genealogía
intelectual de Terry Eagleton como un producto del campo académico anglosajón,
un intento de dar al César lo que es del César y a Dios lo que es de Dios, o sea, una
mezcla de ortodoxia y heterodoxia para evitar la expulsión). El de McCarthy es
también un posicionamiento algo difícil, pues es consciente de la genealogía histórica
4 Eagleton,
38
T.: La estética como ideología, pág. 59.
de la racionalidad crítica. El autor defiende la búsqueda de una interacción comunicativa fundamentada en la búsqueda de significados racionales estables, frente
al relativismo radical del mundo sin sentido surgido tras la muerte de Dios y el
individualismo estético del existencialismo posmoderno (esto es, una forma de narcisismo existencialista, pero no trágico, sino irónico), así como frente a la filosofía
de lo inefable (como llama a la deconstrucción), y todas esas formas de filosofía y
teoría que han llevado a un callejón sin salida de la operatividad política, como si
hoy no se pudiera pensar la política.
El conjunto de ensayos pueden englobarse dentro de una ideología ilustrada
(post-kantismo), si bien la impronta de Habermas es central (la cuestión de si
Habermas ancla su discurso en un compromiso entre el marxismo y los ideales de
la Ilustración es un tema que no se va a tratar aquí).
Rorty, el ilusionado. Derrida, el ilusionista. Foucault y
Habermas
En lo que se refiere a Rorty y Derrida, McCarthy es duro. Su crítica del pensamiento
neorromántico del filósofo norteamericano Richard Rorty es demoledora, y muy
útil para los historiadores de la literatura (sobre todo si se consideran los análisis
neorrománticos de las producciones literarias en el campo literario hispánico de los
últimos años: los novísimos, la poesía de la experiencia, la otra sentimentalidad y
las nuevas tendencias propiamente neorrománticas y posmodernas en literatura).
McCarthy plantea que la política del posmodernisno ha estado dominada por una
estética de la auto-invención, aspiraciones neorrománticas de elaborar la vida propia
como una obra de arte, un individualismo estético que, en su lógica productiva, es
un espejo del individualismo posesivo de la temprana teoría política moderna.
Rorty constituye un representante del ethos posmoderno elitista y excesivamente academizado-estetizado que pretende una depolitización de la teoría y una
política de-teorizada [depoliticized theory, detheorized politics]: «Critical thought is
aestheticized and privatized.»5 Esta estetización del saber es en cierto sentido el
viejo tema del formalismo y la torre de marfil del intelectual recluido en su mundo
de libros y palabras autorreferenciales, en búsqueda constante de capital simbólico
y prestigio en el campo. Recuerda, por supuesto, a las posiciones del norteamericano Harold Bloom y su obsesión por el Canon. Estos personajes de pensamientos
enmohecidos resultan grotescos, como grotesco es el personaje de don Quijote, el
cual se volvió loco por leer demasiados libros inútiles, desconectados de la realidad,
es decir, atravesados por la amnesia histórica. Claro que la absoluta desconexión de
la realidad contemporánea en la locura de don Qujiote se hace simpática y enternecedora, mientras que al leer al neoliberal Rorty o al conservador y reaccionario
Bloom uno tiene la sensación de que no sólo no sienten lo que dicen, sino que dicen
lo que sienten, y no precisamente por quijotismo romántico.
El neorromanticismo no es más que una reelaboración del viejo tópico nietzscheano del sujeto como creador de su propia vida y de la vida como otra de arte,
la vida humana como poema, auto-creada: no más que una robinsonada que se
5 McCarthy, T., Ideals and Illusions – On Reconstruction and Deconstruction in Contemporary Critical Theory, pág. 26.
39
sirve de la ironía como herramienta teórica [ironist-theory] en un mundo sin universales y en la que la sobrevaloración del pensamiento puro no tiene en cuenta
ni las ciencias sociales ni los descubrimientos de las ciencias históricas. La única
idea reguladora es el significante Libertad, convertido, paradójicamente, en significante Amo. Puede tratarse (esto no lo dice McCarthy) de una literaturización de
la práctica teórica o filosófica (resultado de planteamientos de la no-diferencia de
los discursos filosóficos y literarios), o puede tratarse, desde Bourdieu, de un cortocircuito entre el romanticismo literario y la teoría: literaturización de la teoría.
Aunque la idea de la vida como obra de arte y el sujeto autoconvertido en Amo de
sí (especie de aufhebung de la conciencia) sea atractiva pese a las limitaciones éticas
(y la mentira que supone creerse dueño de una propia identidad no-contradictoria),
como planteamiento, obviamente, es inaceptable en cualquier análisis histórico de
la literatura, sobre todo literatura de formaciones sociales pre-capitalistas y de las
sociedades de transición al capitalismo clásico, donde las formas de subjetividad
son otras.
El narcisismo estético conduce a un callejón sin salida teórico y político. A este
respecto, conviene recordar los planteamientos del psicoanalista esloveno Slavoj Žižek, desarrollados en un ensayo sobre el SuperEgo posmoderno, donde describe una
subjetividad capaz de reescribir constantemente y reinventar a placer la narrativa
de su propia vida, obviando las condiciones históricas de esa posibilidad. En este
sentido, respecto al neorromanticismo de Rorty cabe preguntarse si nos las vemos
con los fantasmas del campo literario y cultural, o con la universalización de esos
fantasmas en el todo social. Al análisis de McCarthy y al de Žižek sobre este neorromanticismo cabe enlazar los planteamientos de Moretti (1983), quien señalaba
que en el capitalismo posmoderno los mecanismos de funcionamiento del campo
cultural se han extendido, en cierto sentido, al todo social. La literatura fue desde
su invención en el siglo XVI un lugar privilegiado para la producción del sujeto;
en el capitalismo contemporáneo también lo es el cine, quizás más determinante
incluso (si bien no podemos entrar en las fisuras, que son formidables). Pero sucede que la hipóstasis del sujeto en el capitalismo posmoderno ha podido implicar
la incorporación de la imaginación o la fantasía en los mecanismos inconscientes
con los que los agentes sociales (dependiendo del capital cultural incorporado) leen
el mundo: el Amo no se ve, porque está completamente incrustado en la mirada.
Como si la mirada literaria (analizada por Juan Carlos Rodríguez lo permeabilizara
todo. La película de Bernardo Bertolucci Dreamers (2003, dirigida por Bernardo
Bertolucci y co-escrita por Gilbert Adair) es también un análisis (en estas líneas)
de esta forma de subjetividad contemporánea en relación con el conflicto social (si
bien básicamente es también una reflexión de la relación entre el cineasta y las
luchas sociales).
Respecto a Derrida, McCarthy es igualmente duro, pero quizás se lo toma un
poco más en serio. McCarthy plantea que el texto del creador de la deconstrucción
no es sino un despliegue logocentrista e iconoclasta, finalmente una política de lo
inefable. En Derrida la filosofía es separada de la vida. El intento de supuesta destrucción de la metafísica occidental (a partir de Heidegger) y de deconstrucción de
la racionalidad instrumental puede no ser si no una (otra) forma de romanticismo.
En lo que se refiere a sus efectos en la práctica política y en cómo pensarla, señala
McCarthy lo siguiente:
40
It is sheer romanticism to suppose that uprooting and destabilizing universalist
structures will of itself lead to letting the other be, in respect and freedom, rather
than to intolerant and aggressive particularism, a war of all against all in which the
fittest survive and the most powerful dominate.6
Una deconstrucción simplemente iconoclasta es, como poco, inútil. Para McCarthy, la teoría de Derrida es simplemente un intento de liberar o independizar
la filosofía de las ciencias,7 algo que viene sucediendo desde Hegel. Derrida es prisionero de las prácticas institucionales académicas, pues piensa desde el Canon
filosófico:
To be sure, Derrida at the same time distances himself from the notion of a “canon”, but the canon performs its usual functions. One might well ask why a reading
of Aristotle, Montaigne, Nietzsche, Schmitt, Heidegger, and Blanchot on friendship
should serve as the basis for «thinking the essence of the political» or even of friendship. Why not some other selection of classical texts? Why not discourses that never
achieved classical status for a variety of reasons? Why confine oneself to analysing
discourse in the first place?8
En Politics of Friendship9 Derrida usa a Carl Schmitt, pero olvida su concepción
hobbesiana de la naturaleza humana y del Estado. Derrida quiere pensar lo político vía «thinking of différance», una gramática de la respuesta. Pero la gramática
también es histórica. En este libro de Derrida se ve una retirada de la especificidad de la política y la investigación social. Derrida invoca la philía aristotélica,
pero para comprenderla habría que estudiar la sociedad de Aristóteles: lo que nos
lleva a considerar la importancia de, precisamente, estudiar historia para obtener
alternativas de otras culturas con relación a la actuación política.
El capítulo 2 del libro de McCarthy está dedicado a Foucault y las determinaciones de la escuela de Frankfurt. Según McCarthy, les acerca la crítica, les alejan los
objetivos. En esta sección, por otra parte, vuelve a señalar su optimismo respecto
a la sociedad de la racionalidad ilustrada: el resentimiento de Foucault contra la
sociedad burguesa —argumenta— le impide ver sus logros, por lo que la representa
uni-dimensionalmente como una sociedad disciplinaria (21). Pese al particularismo
nominalista de Foucault, el análisis de McCarthy desvela un universalismo abstracto en sus textos, una huida del análisis basado en el sujeto constituyente que
desarrolla una concepción capilar del poder como coextensivo con lo social. Se
trata, según McCarthy, de una reacción exagerada frente a los fracasos del pensamiento ilustrado y sus sociedades.
Es sintomático, por otro lado, que cuando Foucault trabajaba en los últimos
volúmenes de la historia de la sexualidad desplazara su interés al estudio de las
técnicas de sí [techniques of the self ]. El estudio de una estética de la existencia
en las formaciones sociales esclavistas griegas no era únicamente un estudio de la
eudaimonía (o la cuestión de cómo vivir), sino asimismo una búsqueda con una
lógica de fondo similar a la del neorromanticismo. Lo que los griegos buscaban,
6 Íbid.,
pág.
pág.
8 Íbid., pág.
9 Íbid., pág.
7 Íbid.,
112.
114.
117.
115.
41
señaló Foucault, era una aesthetics of existence: «The problem for them was ‘the
technê of life’. . . how to live. . . as well as [one] ought to live»,10 pero era consciente
de que la ética estaba enlazada a prácticas e instituciones inaceptables: «The Greeks
ethics were linked to a purely virile society with slaves, in which the women were
underdogs whose pleasure had no importance».
Este ser maestro-de-sí [self-mastery] era otra cosa entre los griegos: era el Amo
(escribir sobre la eudaimonía), pero probablemente Foucault era consciente de eso
(al menos de la supresión o tachadura del placer de la mujer y de los esclavos).
En este sentido, el análisis histórico desvela las fallas míticas (ideológicas e inconscientes) de la tendencia neorromántica por una existencia estetizada, estéril
científicamente y por tanto inservible para una reflexión sobre la relación teoría-ética-política.
Reconstrucción de la destrucción
La segunda parte del libro se titula (de forma irónica) «Reconstruction and Critical
Theory», y propone a un modelo habermasiano de las ciencias sociales, frente a
la hermenéutica (por ello analiza el debate entre Habermas y Gadamer a finales
de los años 60). El contexto es aclarado por McCarthy: en un primer momento el
cambio en las ciencias sociales constituyó un ataque del universalismo del positivismo (este es el contexto de la escuela de Frankfurt), pues el positivismo atacaba
también la idea de una teoría crítica de la sociedad. Actualmente la teoría crítica de
la sociedad ha sido atacada por los post-heideggerianos, los post-wittgesteinianos y
diversas corrientes de historicismo y culturalismo.11 El modelo habermasiano es un
re-centramiento de la teoría crítica en este contexto. Ahora bien, McCarthy señala
la necesidad de estudios inter-culturales para evitar un excesivo etnocentrismo (se
trata, de nuevo, del problema del Canon filosófico-literario, fundamentalmente europeo). El resto del libro se enzarza en una discusión sobre la necesidad (que no
ontología) de una ética de corte kantiano en un mundo sin asideros trascendentales.
Está claro que McCarthy, en este excelente libro de ensayos, busca una inestabilidad del sentido y una necesidad de re-contextualizar la racionalidad constituyente.
La razón es producida históricamente por unos conflictos sociales que condujeron a
la racionalidad instrumental y la reificación propia de las formaciones sociales capitalistas. Pero es operativa científicamente y políticamente. No es por tanto extraño
que juegue12 con la famosa tesis 11 de Marx: «Los filósofos no han hecho más que
interpretar de diversos modo el mundo, pero de lo que se trata es de transformarlo.»
Ilusiones de la inteligencia, ideales de la voluntad
El título del libro de McCarthy (Ideales e ilusiones) es, con todo, algo inquietante,
si se lo lee al revés. Existe un cierto empecinamiento en el trabajo: todo lo real es,
debe ser, racional. Pero resulta que no todo lo que es (o debe ser ) racional tiene
por qué existir. Dicho de otro modo: no todo lo que existe, ni mucho menos, es
real por el solo hecho de existir. ¿Y si resultara que todo esto no son más que
10 Íbid.,
pág. 68.
pág. 129.
12 Íbid., pág. 205.
11 Íbid.,
42
ideas e ilusiones? McCarthy, desde Habermas, plantea la necesidad del sentido, la
creencia en el mismo desde el paradigma de una racionalidad habermasiana. Pero
¿de verdad es necesario el sentido? El único sentido es el de la existencia y desarrollo
de las formaciones sociales históricas. Es imposible plantear la existencia de una
ética universal, a no ser que se invoque la religión como soporte, como asidero.
Otra cosa es hacer de una ideología una religión (el siglo XX ha experimentado
esta terrible realidad, y el siglo XXI no ha empezado de otra forma, tanto por
parte del fundamentalismo neoliberal (laico) como del fundamentalismo musulmán
(sacralizado), como si se quisiera repetir la lucha entre la burguesía y el feudalismo).
Otra cuestión es que una ética universalista sea necesaria. Dicho de otro modo: la
racionalidad es el resultado de un proceso histórico, pero es necesaria políticamente.
O quizás la desaparición de la ética sea inevitable, tras el ocaso del pensamiento
religioso y la sacralización en el posmodernismo del carácter proteico y metamórfico
de una subjetividad que cree no tener Amo (cf. el debate sobre la forclusión del
nombre del padre en el psicoanálisis).
Frente a los ideales e ilusiones de McCarthy, demasiado optimista respecto a
la racionalidad instrumental, es posible plantear la fuerza del inconsciente. Curiosamente, las alusiones al psicoanálisis no están en McCarthy, excepto en alguna
ocasión (a la hora de plantear, de pasada la huella de Freud en Foucault). Ciertamente, Fredric Jameson acierta cuando proclama la necesidad de historizar siempre.
Ahora bien, el análisis meramente histórico obvia el conocimiento en el placer y en
la paranoia. Cierto: el placer es producido históricamente, pero por tanto existe.
Y la locura es una forma de conocer, aunque no sea una formulación racional. El
instrumental del psicoanálisis es productivo (cf. Ribes, Olalla, Brooks, Rodríguez,
etc.), además de considerar lo irracional en nuestras prácticas cotidianas y en su
escritura. Pero esta historia excede los límites impuestos por la institución para la
presentación de esta reflexión sobre la pequeñez y miseria de la palabra.
Es necesario historizar siempre, y servirse, para el análisis de la escritura o la
práctica de la escritura, del extrañamiento brechtiano, de la alegoría, del psicoanálisis, convertir el conocimiento en un placer, y el placer en conocimiento. Sin olvidar
que toda estética es una ética y viceversa. La literatura es mentira, porque es un
mito: toda escritura tiene, como objetivo último (consciente o inconsciente) una
cimentación o resistencia a los mitos del Poder. Esto no puede obviarse, por obvio.
Al menos, considerarlo evite quizás que nos convirtamos en meros funcionarios de
la gestión del corpus ideológico de este ridículo mundo feliz del capitalismo tardío.
BIBLIOGRAFÍA
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Bloom, H.: The Anxiety of Influence. Oxford University Press, Oxford–New York,
1975.
Brooks, P.: Body Work. Objects of Desire in Modern Narrative. Harvard University Press, Cambridge (Massachusetts), 1993.
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43
Fredric, J.: Postmodernism, or, The Cultural Logic of Late Capitalism. Verso,
London–New York, 1991.
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Freud, S.: La interpretación de los sueños. Obras completas, vol. 3. Edic. Orbis,
Barcelona, 1988.
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Barcelona, 1988.
García Montero, L.: El sexto día – historia íntima de la poesía española. Debate,
Madrid, 2000.
García Montero, L. – Muñoz Molina, A.: Por qué no es útil la literatura. Hiperión, Madrid, 1993.
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in Contemporary Critical Theory. The MIT Press, Cambridge (Massachusetts)–London, 1993.
Marrou, Henri-Irénée: Histoire de l’éducation dans l’Antiquité. 2 vol. Éditions du
Seuil, Paris, 1981.
Moretti, F.: Signs Taken for Wonders. Verso, London, 1983.
Olalla, A.: La magia de la Razón (Investigaciones sobre los cuentos de hadas).
Universidad de Granada, Granada, 1989.
Olalla, A.: «La novela familiar y la escritura feminista», Letra Clara 7, 1999,
págs. 35–40.
Robert, M.: Novela de los orígenes y orígenes de la novela. Taurus, Madrid, 1973.
Rodríguez, J. C.: De qué hablamos cuando hablamos de literatura. Comares, Granada, 2002.
Rodríguez, J. C.: La norma literaria. Diputación Provincial de Granada, Granada, 1994.
Rodríguez, J. C.: La literatura del pobre. Comares, Granada, 1994.
Rodríguez, J. C.: Teoría e historia de la producción ideológica. Akal, Madrid,
1990.
Žižek, S.: «You May! – About the Postmodern Superego», London Review of
Books 21, 18–02–99, págs. 3–6 (pt. 6).
44
Lenguaje, literatura, ideología
Resumen
El ensayo examina teorías deconstructivas y sociológicas en torno a la literatura
y el lenguaje, partiendo como texto base del ya clásico Thomas McCarthy (1993):
Ideals and Illusions – On Reconstruction and Deconstruction in Contemporary
Critical Theory. Se señala la potencialidad discursiva y política de las diferentes
teorías, proponiendo una tesis al respecto de la potencialidad de la literatura y de
la teoría crítica y sociología de la literatura como discurso analítico y de acción
política (al respecto se discute, brevemente, la propuesta de McCarthy sobre una
ética de corte kantiano).
Language, Literature, Ideology
Summary
This essay examines McCarthy’s book Ideals and Illusions – On Reconstruction
and Deconstruction in Contemporary Critical Theory (1993). It examines the discursive and political potential of the different theories (deconstructive, sociological)
in relation to language and literature, proposing a critical theory in literature as
analytical discourse as well as politically operative (in relation to this, the essay
analyses McCarthy’s explanation of a Kantian system of ethics).
José Luis Bellón Aguilera
Katedra romanistiky
Filozofická fakulta
Ostravská univerzita v Ostravě
Dvořákova 7
701 03 Ostrava
República Checa
[email protected]
45
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Pena y miseria de lexicografía de caló
en el siglo XXI
Ivo Buzek
De acuerdo con el título de este simposio —Grandeza y decadencia de la palabra
en el siglo XXI— presentamos aquí un inventario de palabras, un diccionario, de
una lengua, el gitano español, que puede servir de ejemplo de cómo ésta ha perdido
su fuerza, y se ha rendido ante la hegemonía de la lengua mayoritaria, el español. Sin
embargo, aunque el caló ya parece haber desaparecido, siguen editándose sus diccionarios que, parafraseando uno de los lemas del encuentro, «traicionan y engañan»
a sus usuarios. El objetivo de nuestra comunicación es presentar al público el último
diccionario de caló del que tenemos noticia, Penaró Calorró Pre Siró Plasnó Kurkó
Chimuclañí on Jesumbay/Diccionario Gitano por el Hermano Domingo Gloria a
Jesucristo, de Domingo Duval, publicado en el año 2003 en Linares por la Federación de Asociaciones Culturales Cristianas de Andalucía.
El caló en el siglo XXI
Escasean los documentos sobre el romaní antiguo que hablaban los gitanos en el
s. XV al entrar en el territorio de la actual España. Los primeros documentos que
tenemos datan a principios del s. XIX y revelan que el caló ya entonces llevaba
todas las características de andar en proceso avanzado de convertirse en una lengua
mixta: un limitado léxico romaní con numerosos préstamos de las lenguas romances
que había perdido las características gramaticales de conjugación y declinación
propias y, por lo tanto, se tenía que apoyar sobre construcciones gramaticales del
español. Si abrimos cualquier diccionario de caló que contenga un compendio de
gramática, como por ejemplo el de Quindalé1 o Dávila y Pérez2 , se nos dice que
«á las peculiaridades gramaticales de la lengua original, han sustituido las reglas
de gramática castellana, tanto en sintaxis como en la conjugación de los verbos y
declinación de los nombres».3
1 Quindalé,
F., El gitanismo. Historia, costumbres y dialecto de los gitanos, págs. 49–76.
B., Pérez, B., Apuntes del dialecto caló o gitano puro, págs. 62–84.
3 Quindalé, F., El gitanismo. Historia, costumbres y dialecto de los gitanos, pág. 49.
2 Dávila,
47
A veces, se documentan algunas expresiones fosilizadas que conservan algunos
casos de la antigua flexión romaní. Abundan también ejemplos de calcos del español,
testimonios del estado del alto grado de contaminación o intentos de creación de
palabras deliberada, sin justificación etimológica alguna, por parte de los autores
de dichos repertorios léxicos.
La pérdida de caló llega a extremos insospechados: hace una década M. Román
Fernández4 daba fe de que a lo largo de su investigación de campo dentro de la
población gitana en la provincia de Valladolid fue testigo de un frecuente rechazo,
por parte de sus informantes, a algunas voces netamente gitanas, como gachó ‘hombre, individuo no gitano’, currar ‘trabajar’ o sobar ‘dormir’, que sus informantes
identificaban como pertenecientes al español vulgar, y no al caló.
Por ello sorprende que después de dos siglos de numerosos testimonios de la
pérdida del caló como sistema lingüístico independiente, sigan publicándose hasta
hoy día diccionarios y glosarios del gitano español como si de una lengua viva se
tratara.
En otro lugar hemos atestiguado que esta tradición de diccionarios de caló se
debe ante todo a su naturaleza pirata.5 Es decir, los autores de estas recopilaciones
se copiaban entre ellos sin escrúpulo ninguno. Sin embargo, alguien tuvo que ser el
pionero en la recopilación de todo el caudal léxico del que luego bebían otros sin
citarlo. Este pionero fue, en principio, el inglés George Borrow, viajero, aventurero
y vendedor de biblias ambulante, que fue uno de los primeros en dejar testimonio
del estado depauperado del caló. Pero este ciudadano británico tampoco fue tan
honesto, ya que según Margarita Torrione,6 Borrow saqueó los materiales de investigaciones originales de Luis Usoz y Río, cuyo diccionario luego permaneció inédito
hasta 1987.7
En fin, los datos presentados nos dicen que estamos ante una lengua muerta
que cuenta con una serie de repertorios léxicos que prueban documentalmente la
falta de cordura y de vergüenza de la mayoría de sus recopiladores.
Las características del diccionario de Domingo Duval
Antes de proceder al análisis del diccionario quisiéramos expresar nuestra enorme
gratitud a todo el personal del Centro Sociocultural Gitano-Andaluz en Granada,
y especialmente a su bibliotecario, Sr. D. Antonio Molina García, porque sin su
ayuda probablemente nunca hubiéramos sabido de la existencia del repertorio.
Es muy fácil que el libro se escapara a la atención del investigador. Parece ser
una publicación de tirada limitada, realizada con presupuesto mínimo. De hecho, el
libro no tiene ISBN y lleva todas las características de un trabajo casero, elaborado
por aficionados.
4 Román
Fernández, M., Aportaciones a los estudios sobre el caló en España, pág. 99.
I. (2006), «Piratas, bucaneros y filibusteros de la lexicografía española: el caso de
los diccionarios de caló», comunicación presentada en el Simposio Internacional de Hispanistas,
celebrado en Katowice (Polonia), entre 30 de noviembre y 2 de diciembre de 2006.
6 Torrione, M., Diccionario caló-castellano de don Luis Usoz y Río (un manuscrito del siglo
XIX), pág. 22.
7 Reproducido íntegramente en Torrione, M., Del dialecto caló y sus usuarios: la minoría
gitana de España, págs. 216–289.
5 Buzek,
48
Empezaremos por la caracterización formal de la obra. Se trata de una recopilación unidireccional: español-caló.
Se abre el diccionario con una reducida «Presentación» bilingüe, en caló y en
español, donde el autor hace constar que
Hace treinta años que vengo buscando palabras en la lengua gitana. Todos los
pueblos de España quieren hablar su lengua. ¿Y nosotros porque no lo hablamos? He
hecho este libro para que no se nos olvide nuestra lengua gitana.8
Acabada la «Presentación», empieza inmediatamente el cuerpo del diccionario.
Hemos calculado que la macroestructura del diccionario contará unas 1450 unidades. Aparte de la nomenclatura, se incluyen también varios apéndices: «Números»,9
«Días de la semana», «Meses del año», «Artículos», «Textos bíblicos», «Frases» y
«Saludos».
Llama la atención el apartado de «Artículos», que parece ser un cajón de sastre
donde cabe todo, ya que contiene unidades, unas 600, que uno esperaría dentro del
cuerpo del diccionario:
Un
Unos
Unas
Unir
Yeque
Yeques
Yequís
Diñabelar
En general, la ordenación del material en este diccionario es bastante caótica.
Por alguna razón, quizás por falta de tiempo, no se ha llevado a cabo una ordenación
alfabética rigurosa, lo que dificulta enormemente cualquier consulta que se quiera
realizar.
Parece como si hubiera tres fases de composición del diccionario. La primera
abarcaría la nomenclatura del diccionario, ya que ésta presenta la ordenación semasiológica regular, con algún que otro salto del orden alfabético, esperable dentro
de una obra hecha a mano.
La segunda fase se hace ver al final de cada letra dentro del cuerpo del diccionario, donde vienen sumadas entradas sin ton ni son.
[. . . ]
Ay
Ayer
Ayunar
Azahar
Azúcar
Acercate
Adónde
Adorno
Ajo
Isna
Achaté
Parrotobar
Sustirí
Galuchí
Villela Acoy
Adruque
Lují
Sirí
8 Mantenemos la ortografía original. Las páginas del libro están sin numerar, de allí que no
podemos dar el dato bibliográfico preciso como es habitual.
9 De «uno» hasta «treinta», luego otros múltiplos de diez hasta «noventa», «cien» y «mil».
49
[. . . ]
Aves
Abejas
Ha venido
Aquí
Allí
Aguardiente
[. . . ]
Puliás
Bujañás
Avillao
Acoté
Ayote
Pañalí
La tercera fase quedará reflejada en el apartado de «Artículos», donde tampoco
se ha realizado la ordenación alfabética. Incluso hay entradas que están duplicadas
o hasta triplicadas.
La microestructura del diccionario es muy sencilla. A cada entrada se le suma
un equivalente. Ocasionalmente se acumulan dos o tres sinónimos. No se incluye
ningún tipo de marbetes. La realización tipográfica es también muy sencilla. Se usa
el mismo tipo y tamaño de letra para todo el material a lo largo del repertorio.
Según se ve en el breve listado de ejemplos que hemos facilitado, el diccionario
tampoco respeta la lematización por palabras canónicas. Se lematiza por plurales
de sustantivos o formas finitas del verbo, al libre albedrío del recopilador.
¿Es el hermano Domingo también un pirata?
Comentado así, muy brevemente, el aspecto formal del diccionario, continuaremos
ahora con el análisis de su contenido. Primero, nos centraremos en la comparación
con otros repertorios publicados con anterioridad.
Se trata de averiguar si estamos de veras ante un trabajo original, tal como
sugiere D. Duval en el prólogo, y como nos lo han comunicado los representantes
de la asociación cristiana en Linares que publicó el libro, o si se ha inspirado el autor
en el «método» de sus antecesores y ha copiado sus repertorios sin ruborizarse, igual
que hicieron ellos en su momento.
Hemos cotejado las primeras 50 entradas del diccionario con todos los diccionarios de caló que hemos tenido a nuestra disposición en el momento. Se trata de una
versión modificada de metodología de análisis cuantitativo que ha utilizado A. Ma
Bueno Morales10 para el estudio de los diccionarios decimonónicos de producción
no académica.11
Hemos averiguado que el diccionario presenta pocas coincidencias con los demás
repertorios publicados anteriormente, lo que apoyaría las afirmaciones de los directores de la asociación. Sin embargo, dudamos que haya surgido «de la nada». Dado
el enfoque religioso de la organización, es muy posible que haya tenido en cuenta los
trabajos de G. Borrow,12 A. González Caballero13 y quizás el de P. Moreno Castro
10 Bueno
Morales, A. Ma , La lexicografía monolingüe no académica del siglo XIX.
autora comparaba las primeras 500 entradas de la letra A de todos los repertorios del
s. XIX que logró localizar, lo que le permitió descubrir las «rutas de los piratas lexicográficos»
de entonces, es decir, ver claramente quién copiaba a quién. Dado que Bueno Morales manejaba
inventarios de unas 40 ó 50 000 entradas y nosotros estudiamos un diccionario de unas 1500
entradas aproximadamente, hemos reducido el número de lemas comparados a los primeros 50.
Hemos estudiado los lemas desde A hasta Aj-.
12 Borrow, G., The Zincali, an account of the Gypsies of Spain, págs. 365–412.
13 González Caballero, A., El Evangelio de San Lucas en caló: Embeo e Majaró Lucas
chibado andré caló-romanó, págs. 159–208.
11 La
50
y J. C. Reyes,14 ya que dentro del corpus estudiado se dan tres vocablos en común
que no se documentan en los demás repertorios. Es posible que Duval haya tenido
en cuenta la obra de Moreno Castro y Reyes por ser gitanos, y supuestamente mejores guardianes de la pureza lingüística del caló. Parece que Duval desconocía el
comentario que hizo una vez J. Gutiérrez López15 acerca de este diccionario cuando
lo tachó de una obra de arte y no de lingüística.
Creatividad léxica documentada
Otro aspecto que merece la atención de cualquier persona interesada en el tema, es
la creatividad léxica presente en los diccionarios de caló. En este caso, tampoco el
repertorio de Duval es una excepción y trae algunos ejemplos de creación deliberada sin fundamento etimológico ninguno. Estas voces probablemente inventadas
se podrían dividir en tres grupos. Los integrantes del primero han sido formados
según las leyes de formación de palabras habituales en español. El segundo grupo
resume voces españolas agitanadas y el tercero recoge ya frutos de la imaginación
del autor, o de su informante.
Prefijación y sufijación españolas
Hemos documentado dos ejemplos de prefijación. El primero de ellos es el uso del
prefijo des-, que parece usarse con el mismo valor de negación o privación como
en español: despandar «desatar». El segundo es el prefijo a- usado con el valor de
causatividad: asobar «adormir», que se remonta al verbo sobar «dormir».
La sufijación ya es más abundante. Hemos encontrado algunos adjetivos deverbales, como chanelador «entendedor», derivado a partir del verbo chanelar «entender». Otros casos similares serían jallibao «guisado», derivado de jallibar «guisar»,
y lujoñao «aprobado», procedente de lujoñar «aprobar».
En otros repertorios de caló se documenta el verbo majarar «bendecir», y de
allí viene el adjetivo deverbal majarao «bendito», documentado por Duval. La voz
majarificar «bendecir» sería un verbo deadjetival, ya que en otros repertorios, por
ejemplo en el de Tineo-Rebolledo,16 viene la voz majare «santo, justo», y de allí
majarificar «loar, santificar».
Un ejemplo de derivación nominal sería la voz ujaranza «esperanza», un nombre
deverbal originario del verbo ujarar «esperar».
Aparte de prefijación y sufijación, hemos localizado también un caso de verbo
parasintético. Se combina con el prefijos des- y la terminación verbal -ar.
Es un caso bastante interesante, ya que combina los procedimientos parasintéticos españoles con una actitud «artística», tan abundante en otros diccionarios
de caló. Es la voz desquiñar «descansar», que cuenta también con un derivado
desquiño «descanso». Opinamos que este vocablo podría originar en la voz qué
«casa» y unir así voces que etimológicamente no tienen nada en común. Su única
relación sería cierto parecido formal. No sería la primera vez que ocurre algo así.
En otro diccionario17 hemos encontrado las voces techescar «echar» y destechescar
14 Moreno
Castro, P. – Reyes, J. C., Diccionario gitano. Calo-español. Español-Calo.
López, J., Al encuentro con «a chipí callí», pág. 82.
16 Tieno-Rebolledo, J., Diccionario gitano-español y español-gitano.
17 Borrow, G., The Zincali, an account of the Gypsies of Spain, págs. 382 y 411.
15 Gutiérrez
51
«deshacer», que sugieren derivación por prefijación entre voces que son de origen
completamente distinto.
Derivación agitanada
Duval no recoge muchos términos agitanados, como saludisar «saludar» o mojisardar «mojar», que asustan a los lectores en casi todos los diccionarios de caló.
El único verbo agitanado que creemos que responde a este tipo de creaciones es
voltañar «volver».
Creación artística
Ya hemos apuntado más arriba que a veces es difícil trazar una línea divisoria
entre una simple aplicación de reglas de formación de palabras españolas y una
verdadera creación artística cuyos resultados asombran y desconciertan a los lectores. Suelen ser calcos parciales del español que traducen una parte de la palabra
al caló, mientras la otra se queda «colgada» en el aire, creando así ejemplos sorprendentes de paraderivación. Proponemos llamar aquellos componentes intrusos
paraprefijos y parasufijos. Hemos optado por crear estos términos nuevos para evitar la mezcla, y el siguiente probable malentendido, con los pseudoafijos, afincados
ya en la lexicología española.18
Aunque parece responder al modelo de formación de palabras española, un
ejemplo de paracompuesto como ahocana «ahora» tiene cierta lógica, dado que se
creó a partir de la voz ocana «hora», como en español. No obstante, un resultado
como ocanagimia «oración», es un ejemplo modelo de una «pieza de arte».
Las voces tramistó «también» y tranflima «tampoco» guardan en caló y en
español una similitud sospechosa. Dado que se documentan en otros diccionarios
voces mistó «bien» y flima «poco», opinamos que es probable que nos encontramos
ante dos casos de paracomposición.
La parasufijación también genera palabras interesantes. La voz querento «acento» se deriva con mucha probabilidad del verbo querar «hacer», ampliamente documentado en otros diccionarios de caló.
Otro ejemplo de parasufijación es joventa «sesenta», formado a partir del numeral jove «seis».
Conclusión
El objetivo de esta comunicación ha sido estudiar en su contexto el último diccionario de caló del que tenemos noticias. Hemos llegado a concluir que es una obra
ambigua.
En comparación con otros repertorios del gitano-español, parece romper con
muchos estereotipos que han surgido a lo largo de dos siglos de lexicografía de
caló. Al comparar una selección de su macroestructura con la de otros repertorios,
se nota que no es una simple copia de otras copias centenarias. Tampoco incluye
tantas voces inventadas como los demás. Estos dos hechos, pues, apuntan que Duval
probablemente hizo una mínima investigación de campo, lo que le honra, y mucho.
18 Otaola Olano, C., Lexicología y semántica léxica. Teoría y aplicación a la lengua española,
pág. 100.
52
Por otra parte, la heterogeneidad y desproporción de su macroestructura desvelan que en el mejor de los casos estamos ante un torso deteriorado de un sistema
lingüístico, o sea que hablar sobre una lengua gitana en España es como mínimo,
falso optimismo.
Los defectos y el primitivismo del tratamiento en la microestructura demuestran
que la lexicografía gitana en España sigue en manos de aficionados y diletantes de
toda índole que en vez de contribuir al estudio e investigación de los últimos restos
de la lengua gitana que han logrado sobrevivir, deshonran su tumba.
BIBLIOGRAFÍA
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the Pacific, Honolulu, 2002. [18411]
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Tesis doctoral inédita. Universidad de Málaga, Málaga, 1995.
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española. Ediciones Académicas, Madrid, 2004.
Quindalé, F.: El gitanismo. Historia, costumbres y dialecto de los gitanos. Con un
epítome de gramática gitana, primer estudio filológico publicado hasta el día,
y un diccionario caló-castellano, que contiene, además de los significados,
muchas frases ilustrativas de la acepción propia de las palabras dudosas.
Librería de Victoriano Suárez, Madrid, 1870. [Ed. facsimilar, Librería París–
Valencia, Valencia, 1999]
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Cuadernos de Filología. Anejo 15, Universitat de València, València, 1995.
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del siglo XIX). Université de Perpignan, Perpignan, 1987.
Torrione, M.: Del dialecto caló y sus usuarios: la minoría gitana de España. Tesis
doctoral. Université de Perpignan, Perpignan, 1988.
53
Pena y miseria de lexicografía de caló en el siglo XXI
Resumen
La comunicación estudia el que es, probablemente, el último diccionario de caló
publicado en España, el Diccionario Gitano por el Hermano Domingo Gloria a
Jesucristo, de Domingo Duval, publicado en el 2003. Después de ubicar la obra
en el contexto de los demás repertorios de similar índole, se procede a su crítica
sistemática, siempre en comparación con los demás diccionarios de caló. Se constata
finalmente que el diccionario parece romper con la tradición pirata, tan habitual
en esta área. Tampoco presenta muchas palabras supuestamente inventadas. Sin
embargo, atestigua claramente que estamos, como mucho, ante los últimos restos
de un sistema lingüístico que perdió su autonomía hace mucho tiempo.
Pity and Misfortune of Spanish Gypsy Lexicography
in the 21st Century
Summary
The paper comments on perhaps the latest Spanish Gypsy dictionary, Diccionario Gitano por el Hermano Domingo Gloria a Jesucristo, by Domingo Duval,
published in 2003. After locating the dictionary in its historical and academic context, it proceeds with a systematic critical review. It seems that the dictionary has
finally broken with the tradition of lexicographic piracy and it does not contain
many invented lexical items either. Nevertheless, it shows that the content of the
dictionary is nothing more than a compilation of the last remnants of a linguistic
system which lost its autonomy a long time ago.
Ivo Buzek
Ústav románských jazyků a literatur
Filozofická fakulta
Masarykova univerzita v Brně
Gorkého 7
602 00 Brno
República Checa
[email protected]
54
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
El poder de la palabra: reflexiones sobre el uso
de algunas colocaciones en el ámbito
socio-político español actual∗
Virginia R. Delgado Polo
Las colocaciones han sido estudiadas teniendo en cuenta perspectivas muy diversas, y desde la aparición por primera vez del término inglés collocation en la
década de los cincuenta en los trabajos de Firth, refiriéndose a la coocurrencia habitual de unidades léxicas, son muchas las definiciones que se han ofrecido. Entre
las más recientes cabe destacar, por la influencia que ha tenido en otros estudios, la
que propone Corpas Pastor. Para esta autora son unidades fraseológicas formadas
por dos unidades léxicas en relación sintáctica, que por sí mismas no constituyen
actos de habla ni enunciados y que, debido a su fijación en la norma, presentan
restricciones de combinación establecidas por el uso.1
Pero, sin duda, el aspecto que más se ha discutido es su caracterización con respecto a la fraseología. Hay estudiosos que, a pesar de estas dificultades de análisis,
incluyen las colocaciones dentro de la fraseología. Sería el caso de Corpas Pastor,2
quien defiende esta clasificación, sirviéndose de una definición bastante laxa de la
fraseología, en la que tendrían cabida las colocaciones como unidades fraseológicas
de pleno derecho. Para esta autora, pues, una unidad fraseológica sería una combinación estable de unidades léxicas formada por al menos dos palabras gráficas, cuyo
límite superior se situaría en el nivel de la oración compuesta, caracterizándose por
los rasgos de polilexicalidad, alta frecuencia de aparición y de coaparición, institucionalización, estabilidad (fijación y especialización semántica), idiomaticidad y
variación potenciales.3
García-Page, por otro lado, señala las dificultades que a veces encuentran los
estudiosos a la hora de clasificar estas construcciones, haciendo un repaso de las
∗ Este trabajo se ha visto respaldado por una Beca para la Formación Predoctoral de Personal
Investigador concedida por la Consejería de Infraestructuras y Desarrollo Tecnológico de la Junta
de Extremadura y el Fondo Social Europeo.
1 Corpas Pastor, G., Manual de fraseología española, pág. 66.
2 Corpas Pastor, G., «Apuntes para el estudio de la colocación», LEA 13, núm. 1, pág. 53.
3 Íbid., pág. 167.
55
vacilaciones que se han dado en algunos de ellos.4 Bosque, por su parte, vincula el
problema de su clasificación al hecho de que los especialistas no estén enteramente
de acuerdo en cuál debe ser el campo que abarque la fraseología. Por tanto, la
pregunta acerca de si las colocaciones forman o no parte de la fraseología sólo
podría formularse si se definen con exactitud los límites de la fraseología con las
disciplinas vecinas.5 Este autor prefiere situar el estudio de las colocaciones en la
interfaz léxico-sintaxis, descartando su pertenencia al ámbito de la fraseología.
González Calvo también abunda en esta cuestión, prestando atención a la relación con la sintaxis y situando las colocaciones cerca de las estructuras fijas no
idiomáticas. Sus reflexiones le llevan a afirmar que la disparidad de opiniones a la
hora de definir el volumen fraseológico está condicionada por la perspectiva sintáctica que se adopte frente a las unidades fraseológicas, y por la evidencia de
que no hay una oposición realmente tajante entre expresiones fijas y expresiones
libres. En su opinión, las colocaciones o son unidades fraseológicas no idiomáticas
o son construcciones libres que se acuñan en un momento determinado y que se
repiten como expresiones tópicas en unas determinadas circunstancias.6 Con el tiempo se vería si estas construcciones desaparecen o se convierten en expresiones
lexicalizadas. La condición para considerarlas colocaciones se basaría en el criterio
de la fijación, y mientras la fijación no se estabilizase o institucionalizase, no las
consideraría unidades fraseológicas, sino simplemente formaciones de uso general
o particular (en lenguajes específicos) que se repiten por inercia, por pereza, por
impericia lingüística o como señal de pertenencia a un grupo o una ideología.7
Teniendo en cuenta el grado relativo de fijación que presentan las colocaciones
que analizaremos, seguiremos esta línea para la realización de nuestro trabajo, sin
entrar aquí en mayor polémica al respecto, ya que no es ese nuestro objetivo.
Además, nos limitaremos a estudiar tan sólo colocaciones simples, es decir,
aquellas formadas por dos unidades léxicas relacionadas por un vínculo semántico,
frente a las complejas, en las que el vínculo semántico se establecería entre una palabra y una locución.8 Esta elección está motivada porque, como señala Fernández
Lagunilla, «el uso de estas expresiones constituye uno de los rasgos que sirven para
distinguir la lengua en la comunicación política como una modalidad lingüística
especial y para caracterizar el discurso político como un discurso incitativo más
que informativo».9 Su importancia reside en su grado de lexicalización (mayor o
menor según la estructura) y los valores connotativos que pueden llegan a adquirir
y que servirían para apoyar una determinada ideología o forma de ver la realidad.
También recordarían a los eslóganes, instrumentos esenciales en la publicidad y en
la propaganda política.
Quizá sea la vinculación con la ideología uno de los aspectos menos tratado por
la disciplina fraseológica, aunque no por ello deja de resultar atractivo. La creación
4 García-Page,
M., «De los fines y confines de la fraseología», en: Actas VII Jornadas de
Metodología y Didáctica de la lengua española: las unidades fraseológicas, pág. 29.
5 Bosque, I., «Sobre el concepto de ‘colocación’ y sus límites», LEA 23, núm. 1, pág. 21.
6 González Calvo, J. M., «Fraseología y sintaxis», en: Actas del Simposio Internacional de
Hispanistas, (en prensa).
7 Íbid.
8 Íbid.
9 Fernández Lagunilla, M., La lengua en la comunicación política II: La palabra del poder,
pág. 54.
56
de este tipo de combinaciones puede servir al emisor para influir en la actuación
del receptor. Por ello, es importante en los ámbitos en los que la persuasión juega
un papel importante, como es el caso de la publicidad o la política.
A este último ámbito, al de la política nos acercaremos, a través de las colocaciones, ya que en él se aprecia con gran claridad la relación entre palabra y poder,
un aspecto que no ha pasado desapercibido para los estudiosos. Entre las obras
más recientes que han tratado este aspecto podemos citar la editada por Miguel
Metzeltin y Margit Thir,10 y las de Marina Fernández Lagunilla.11 En este discurso
se reflejan las circunstancias socio-políticas que atraviesa una sociedad, ofreciendo,
al mismo tiempo, una determinada visión del mundo. Por ello, está estrechamente
vinculado a las ideologías. Interesa investigar lo que tales colocaciones dicen, lo que
quieren decir con lo que dicen, las actitudes que se adoptan al decirlas y al imponer
decirlas, y lo que silencian.
Para realizar y comprender adecuadamente el análisis de estas colocaciones será
necesario tener en cuenta que nos limitaremos a su estudio en el español de España y
de forma general, si bien resultaría interesante realizar un análisis comparativo con
el léxico de países de Hispanoamérica en un estudio más profundo. Esto conlleva,
además, situarse en unas determinadas coordenadas históricas y culturales, sin
las cuales no se entendería la importancia del uso de estas colocaciones en un
determinado momento.
El discurso político ha sido ampliamente tratado en múltiples trabajos.12 Nuestro estudio tan sólo pretende ser un acercamiento a este tipo de discurso a través
del análisis de varios ejemplos de colocación, que con el tiempo podrían llegar a
quedar fijados.
Para realizar nuestro corpus, hemos tomado ejemplos de la prensa escrita, ya
que es en los medios de comunicación donde el lenguaje político encuentra su mejor
medio de difusión y expresión. En concreto, hemos extraído las colocaciones de los
ejemplares de las ediciones nacionales de los días 14 al 26 de noviembre de 2006 de
dos de los periódicos con más tirada de España: El Mundo y El País. Además de
por su destacada difusión y por su elevado número de ventas, nos interesan porque
siguen líneas editoriales diferentes: al primero correspondería una conservadora y
al segundo una social-demócrata.
Para comenzar nuestro análisis creemos imprescindible hacerlo con una colocación cuyo significado nos remitiría a la base de creación de otras muchas: políticamente correcto (El Mundo, 19–XI–06, pág. 10). Las voces de este tipo aparecen con
frecuencia en el terreno sociopolítico. Con esta fórmula califican algunos políticos
10 Metzeltin, M. – Thir, M., eds., El poder. Análisis del discurso político español e hispanoamericano.
11 Fernández Lagunilla, M., La lengua en la comunicación política I: el discurso del poder;
Fernández Lagunilla, M., La lengua en la comunicación política II: la palabra del poder.
12 Podemos citar entre otros los siguientes: Núñez Cabezas, E. A. – Guerrero Salazar, S., El
lenguaje político español; López Eire, A. – Santiago Guervós, J. de, Retórica y comunicación
en la política; García Godoy, M. T., El léxico del primer constitucionalismo español y mejicano
(1810–1815); Fernández Lagunilla, M., La lengua en la comunicación política I: el discurso
del poder; Fernández Lagunilla, M., La lengua en la comunicación política II: la palabra del
poder; Santiago Guervós, J., El léxico político de la transición española; Rodríguez, F., Prensa
y lenguaje político; Alvar, M., coord., El lenguaje político; Rebollo Torío, M. Á., Introducción
al vocabulario político republicano y franquista 1931–1971.
57
el discurso de otros, de forma negativa obviamente, aunque paradójicamente sirve
para definir aquello que es acorde con las normas sociales de corrección de actitud
y de pensamiento. La clave estaría en que, aplicado al lenguaje, podríamos afirmar
que se trata de un eufemismo del propio término eufemismo, que podría definirse
como «cualquier voz o expresión que sustituye a otra que, por razones diversas, resulta inapropiada para el hablante y el oyente en un determinado contexto».13 Su
aspecto más destacado es el dinamismo, basado fundamentalmente en el contexto
y en su función como recurso destinado a reducir tensiones diversas. Esto lo convierte en un fenómeno lingüístico muy complejo. De la influencia del contexto en el
eufemismo da fe el hecho de que prácticamente cualquier palabra puede valer como
sustituto eufemístico en una situación determinada.14 Como veremos en algunos
ejemplos, estas expresiones son habituales en la política para camuflar otros términos o, simplemente, para presentar la realidad de una manera determinada que
facilita la adhesión a una determinada ideología. Como afirma Lechado García, la
política es uno de los campos más fecundos en la creación de eufemismos y de mayor incidencia social. Las formas diplomáticas y protocolarias propician la creación
de expresiones que atenúen el valor, a menudo agresivo, aunque no necesariamente
malsonante, de algunos hechos y situaciones relacionados con esta actividad.15 Políticamente correcto será la única colocación que analizaremos formada por un
adverbio y un adjetivo. El resto pertenecerán al tipo sustantivo + adjetivo o sustantivo + de + sustantivo.
Sin duda, uno de los temas que más preocupa en los últimos tiempos a la
sociedad española y que aparece de forma casi constante en los medios de comunicación es la llamada violencia de género (El Mundo, 19–XI–06, pág. 16; 24–XI–06,
pág. 18; 25–XI–06, págs. 22 y 23; 26–XI–06, pág. 26. El País, 25–XI–06, pág. 17;
26–XI–2006; 26–XI–06, pág. 41). Esta colocación es la denominación que se utiliza
de manera casi unánime para referirse a la violencia que ejerce el hombre sobre
la mujer en el contexto de una relación de pareja. En primer lugar, advertimos
que género es un anglicismo semántico que procede de gender, pasando así a tener
una acepción restringida y convirtiéndose en un eufemismo para señalar la diferencia de sexo. Este género se refiere, por tanto, a la oposición femenino/masculino,
aunque en español esta distinción sólo puede aplicarse a un concepto gramatical.16
En cuanto a la estructura, resultaría redundante si se refiriera a cualquier género
de violencia, aunque creemos que no es el caso, porque ya se da por hecho que la
violencia siempre es de algún género, de algún tipo.
Minoritaria para hacer referencia a este fenómeno es la utilización de otras colocaciones como violencia sexista (El País, 24–XI–06, pág. 44; 26–XI–06, pág. 41),
violencia machista (El País, 24–XI–06, pág. 44; 26–XI–06, pág. 41) o violencia sobre la mujer (El País, 25–XI–06, pág. 17). Otros incluso han llegado a hablar de
violencia criminal machista (El País, 25–XI–06) y de terrorismo familiar (El País,
26–XI–06), que añaden la connotación de delito, de crimen y de quebrantamiento de
la ley. A propósito de este último aspecto, la ley que se ha aprobado recientemente
13 Lechado
García, J. M., Diccionario de eufemismos, s. v. políticamente correcto.
pág. 21.
15 Íbid., pág. 15.
16 RAE, Diccionario esencial de la lengua española, s. v. género.
14 Íbid.,
58
ante el grave aumento de este delito, ha recibido el nombre de Ley integral de violencia de género, lo que contribuirá a aumentar el grado de fijación de esta colocación.
Por paralelismo con esta colocación también encontramos construcciones similares
en otros ámbitos como violencia escolar (El Mundo, 16–XI–06, pág. 3), que hace
alusión al maltrato entre alumnos en los centros escolares. También podríamos relacionarla con otra colocación claramente eufemística y contradictoria in terminis.
Nos referimos a discriminación positiva. Esto se debe a que la colocación violencia de género se está fijando casi exclusivamente en una dirección, es decir, sólo
se utiliza para la violencia del hombre sobre la mujer, si bien se da el caso contrario, aunque en los medios de comunicación estos datos estadísticos pasen casi
desapercibidos.
Volviendo a la colocación que aquí nos interesaba, violencia de género, podemos
afirmar que frente a otras opciones posibles que concretarían más el ámbito en el
que se da la violencia o quienes la provocan, ésta es la que se está fijando en buena
parte debido al uso constante que hacen de ella los políticos y los periodistas. Este
uso, sin duda eufemístico, parece querer esconder una realidad que por su crueldad
se prefiere esconder bajo una denominación que no identifica ni al agresor ni a
la víctima y que nos impide asociarla a un determinado colectivo, quizá con la
intención de no caer en la generalización.
Siempre dentro del ámbito político-social, encontramos otra estructura colocacional que llama nuestra atención: memoria histórica (El Mundo, 19–XI–06, pág. 10
y 22; 23–XI–06, pág. 21; 24–XI–06, pág. 14). Su trayectoria ya es larga, no se trata
en absoluto de una expresión novedosa y su aparición en el corpus de diarios elegidos se debe a la aprobación de la Ley de Memoria Histórica, con la que se pretende
conseguir un reconocimiento legal de todas las víctimas que sufrieron la acción represiva del régimen dictatorial. Esta colocación sólo la encontramos en El Mundo
en noticias vinculadas al deseo por modificar esta ley. Esto no extraña si tenemos
en cuenta que desde sectores conservadores respecto a esa ley que hay «un perdón
histórico» y a la vez «un olvido colectivo» que «puede ser, además, políticamente
correcto» (El Mundo, 19–XI–06, pág. 10). El término histórica es percibido, por
tanto, como una voz eufemística. Podríamos decir lo mismo de memoria, porque se
referiría al recuerdo de una época concreta, que tiene que ver con el conocimiento y
no con una experiencia vivencial. Además, esta memoria histórica se identificaría
unas veces con la Segunda República y otras con la Dictadura Franquista.
Pero quizá la estructura que más haya sido recogida en la prensa y haya aparecido en boca de los políticos en los últimos meses es proceso de paz (El Mundo,
14–XI–06, pág. 1; 15–XI–06, págs. 12 y 14; 16–XI–06, pág. 5; 17–XI–06, pág. 9;
18–XI–06, págs. 10, 11 y 12; 19–XI–06, págs. 1, 11 y 14; 20–XI–06, págs. 1 y
10; 21–XI–06, págs. 8, 9 y 14; 22–XI–06, págs. 10 y 12; 23–XI–06, págs. 9 y 10;
24–XI–06, pág. 8; 25–XI–06, págs. 11, 12 y 14; 26–XI–06, págs. 1, 12, 13, 16 y 22.
El País, 15–XI–06, págs. 24 y 25; 16–XI–06, pág. 24; 17–XI–06, pág. 18; 18–XI–06,
págs. 23 y 25; 19–XI–06, págs. 1 y 19; 21–XI–06, pág. 17; 22–XI–06, pág. 23;
23–XI–06, pág. 21; 25–XI–06, pág. 22, 26–XI–06, pág. 28). Esta colocación ya ha
sido utilizada en otros ámbitos, pero en el contexto en el que la tratamos se ha
intensificado su uso dentro de unas circunstancias concretas que, obviamente, condicionan su significado. Esta expresión comenzó a utilizarse poco después de la
llegada del PSOE al gobierno en el año 2004 para referirse a su nuevo plan para
59
acabar con el terrorismo. Esta denominación es claramente una declaración de intenciones en la que se señala el fin de tales acciones: conseguir la paz, el final del
terrorismo. De su alto grado de fijación, al menos en el momento actual, da cuenta la aparición independiente en algunas ocasiones de «el proceso» (El Mundo,
19–XI–06, pág. 14; 25–XI–06, págs. 12 y 14. El País, 15–XI–06, pág. 24; 17–XI–06,
págs. 15 y 16; 19–XI–06, pág. 19; 24–XI–06, pág. 21; 25–XI–06, pág. 23; 26–XI–06,
pág. 28), en textos donde no se llega a citar de forma expresa tal colocación. Llama
la atención la elección, en absoluto arbitraria, de la palabra paz, por su fuerte
connotación positiva. Este tipo de vocablos no ha pasado inadvertido para los estudiosos del lenguaje político. Marina Fernández Lagunilla se refiere a ellos como
palabras-símbolo.17 Esta categoría englobaría nombres propios y nombres comunes,
que a su vez pueden pertenecer al vocabulario político técnico o al léxico común,
como sucede en el caso que nos ocupa. Esto hace que puedan aparecer formando
parte de lemas, consignas o eslóganes políticos. Independientemente de que aquí
se dé o se llegue a dar este caso, lo importante es, como señala esta autora, que
la palabra o la unidad sintagmática no es utilizada por su contenido denotativo
primario, sino sobre todo por su valor connotativo, por los contenidos secundarios
o implícitos, así como por los efectos perlocutivos que produce, dirigidos más al
sentimiento que al razonamiento.18 Se trata, pues, de seducir y convencer.
La colocación proceso de paz se recoge en el corpus de los dos diarios elegidos.
La diferencia la hallamos en un aspecto muy sútil: en el diario El Mundo siempre
se utilizan la letra cursiva o las comillas. Este tratamiento especial o marcado que
se hace de la colocación, frente a El País, donde nunca aparece así, está en consonancia con la valoración negativa que hacen los más conservadores de ella. Incluso
podemos llegar a leer «el mal llamado proceso de paz» (El Mundo, 16–XI–06,
pág. 5; 22–XI–06, pág. 10; 26–XI–06, pág. 12), donde se alude de forma directa a
la inadecuación del término, ya que para describir dicha acción, este sector prefiere referirse a ella como un «proceso de negociación política» (El País, 21–XI–06,
pág. 21), dejando a un lado las connotaciones que conllevaba dicha colocación. Si
la forma de nombrar es objeto de discusión y enfrentamiento entre políticos, podremos afirmar que la utilización de una u otra colocación conllevará en cualquier
caso una determinada adscripción ideológica.
La otra cara de la moneda la tenemos en la definición del grupo que ejerce
ese terrorismo que se desea atajar. En este caso, parece haber un mayor consenso.
Podemos citar varias formas para referirse a él como organización terrorista (El
Mundo, 14–XI–06, pág. 8; 18–XI–06, pág. 10; 26–XI–06, pág. 1. El País, 17–XI–07,
pág. 18), organización armada (El País, 17–XI–06, pág. 18), organización criminal (El País, 21–XI–06, pág. 1), grupo terrorista (El Mundo, 14–XI–06, pág. 8)
y banda terrorista (El Mundo, 14–XI–06, pág. 10; 21–XI–06, pág. 14; 26–XI–06,
pág. 1. El País, 15–XI–06, pág. 24; 18–XI–06, pág. 25). Estas cinco colocaciones
que hemos registrado tienen en común una connotación negativa, aunque no en todas encontramos también ese tipo de denotación. En las colocaciones organización
terrorista, organización criminal y grupo terrorista, los adjetivos marcan ese carácter negativo, puesto que los nombres tienen en ese sentido un contenido neutro.
17 Fernández Lagunilla, M., La lengua en la comunicación política II: La palabra del poder,
pág. 22.
18 Íbid., pág. 23.
60
En el caso de banda terrorista ambos términos tienen esa connotación negativa.
En organización armada no podríamos hablar de esa misma connotación sin tener
mayor información sobre aquello a lo que se refiere, porque en otros casos, por
ejemplo, esta estructura se ha utilizado para referirse a grupos de liberación. Su
consideración positiva o negativa dependerá del uso que se haga del lenguaje, del
sentido que se le quiera dar y, en general, del contexto en el que se emplee.
Por último, trataremos dos colocaciones relacionadas con un tema de mucha
actualidad en España: la inmigración. Aquí, como ya hemos comprobado en otros
ámbitos, los distintos puntos de vista también tienen su reflejo en la forma de denominar. En El Mundo aparece como inmigración ilegal (22–XI–06, pág. 20). Con
este adjetivo se describe de forma tajante este fenómeno como «contra la ley», es
decir, sería una inmigración ilegítima. Las connotaciones que conllevaría este término serían claramente negativas. En cambio, en El País, para referirse al mismo
hecho, emplea el término irregular, inmigración irregular (14–XI–06, pág. 30). El
adjetivo irregular también tiene una connotación negativa, pero aquí ya no estaríamos ante un caso de ilegitimidad, sino simplemente fuera de la regla, contrario a
ella o simplemente que no sucede común y ordinariamente. La consideración del
mismo hecho es, pues, claramente distinta y en ella quedan reflejadas distintas ideologías, distintas formas de acercarse al mismo hecho, lo que tendría consecuencias
en la actuación dentro del ámbito político y en la imagen que se da de él.
Después de analizar estos casos de colocación que pertenecen al contexto socio-político español, no podemos pensar que el lenguaje tienda en absoluto a perder su
fuerza, sino que puede llegar a convertirse en un arma poderosa en manos de quien
la utiliza. En el terreno político, en el que la persuasión es esencial, el lenguaje
se convierte en la herramienta perfecta para ofrecer una determinada visión de la
realidad e influir en la percepción que el receptor tiene de ella. No hay que olvidar
que hablar es hacer, con las consecuencias que ello conlleva. En este contexto, las
colocaciones parecen un aliado perfecto por su carácter unitario y su estructura
cercana al eslogan. Sólo con el paso del tiempo comprobaremos si estas estructuras
mantienen su status actual en una zona fronteriza entre la fijación y la combinación libre, si desaparecen o si, por el contrario, avanzan hacia un mayor grado de
lexicalización y pasan a la historia como palabras testigo de una época y de una
forma de ver el mundo.
BIBLIOGRAFÍA
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61
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Santiago Guervós, J. de: El léxico político de la transición española. Universidad
de Salamanca, 1992.
El poder de la palabra: reflexiones sobre el uso de algunas colocaciones
en el ámbito socio-político español actual
Resumen
Uno de los ámbitos en los que se aprecia con más claridad la relación entre palabra y poder es, sin duda, el discurso político. En él se reflejan las circunstancias
62
socio-políticas que atraviesa una sociedad, ofreciendo, al mismo tiempo, una determinada visión del mundo. Por ello, está estrechamente vinculado a las ideologías.
El discurso político ha sido ampliamente tratado en múltiples trabajos. Nuestro
estudio pretende ser un acercamiento a este tipo de discurso a través del análisis de
varios ejemplos de colocación. Entendemos como tal la combinación formada por
varias unidades léxicas en relación sintáctica, que no constituyen, por sí mismas,
actos de habla ni enunciados y que, debido a su fijación en la norma, presentan
restricciones de combinación establecidas por el uso, generalmente de base semántica. En este caso, nos referiremos sólo a colocaciones simples, es decir, a aquellas
formadas por dos unidades léxicas.
Los ejemplos serán tomados de la prensa, ya que es en los medios de comunicación donde el lenguaje político encuentra su mejor medio de difusión y expresión.
Entre los casos que analizaremos están algunas colocaciones de candente actualidad
en el panorama político-social, como el llamado proceso de paz.
Word Power: Reflections About the Use of Some Collocations
in the Current Spanish Socio-political Context
Summary
One of the fields in which the relationship between the word and power is more
clearly appreciated is, no doubt, political speech. In this kind of discourse the
socio-political circumstances that a society is going through are reflected, showing,
at the same time, a certain vision of the world. For this reason, it is closely linked
to ideologies.
Political speech has been widely discussed in many studies. Our paper tries to
be an approach to this type of speech through the analysis of several examples of
collocation. We understand it as the combination formed by several lexical units
in syntactical relation, which do not constitute by themselves either speech acts or
enunciations and that, because of their fixation to the norm, present restrictions of
combination established by use, generally with a semantic basis. In this case, we
will refer to simple collocations only, in other words, those formed by two lexical
units.
The examples will be taken from newspapers, because it is in the mass media
that political language finds the best way of spreading and expression. Among the
cases that we will analyse there are some red-hot collocations in the socio-political
panorama, such as the one known as the peace process.
Virginia R. Delgado Polo
Departamento de Filología Hispánica y Lingüística General
Facultad de Filosofía y Letras
Universidad de Extremadura
Avda. de la Universidad s/n
10071 Cáceres
España
[email protected]
63
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Les manuels d’écriture de scénarios
pour les traducteurs de cinéma
Jana Doležalová
Le texte filmique
La traduction de scénarios de cinéma ne présente rien de nouveau dans notre pays.
Pourtant, on peut toujours voir ou entendre (cela dépend si on regarde un film
doublé ou sous-titré) de graves fautes ou non-sens découlant soit de l’incompréhension du traducteur soit de sa maladresse de traiter le texte du scénario comme
un texte qui est destiné à être dit par un acteur à un spectateur. C’est bien la
spécificité majeure du scénario filmique et de la pièce de théâtre, parmi d’autres
textes. Les textes dramatiques sont déjà écrits « pour la bouche » ; leurs auteurs en
sont bien conscients et c’est ce que leurs traducteurs devraient savoir et respecter,
eux aussi.
Déjà le fait que tous les textes dramatiques soient écrits pour être prononcés à
haute voix pose beaucoup de questions et de tâches pour les deux – l’auteur et le
traducteur. Il faut toujours retenir une troisième personne dans la mémoire – celle
du représentateur, l’acteur.
Le texte des répliques a un caractère «oral»: son souffle, son rythme, son énergie,
son impact sonore, etc., c’est-à-dire le texte a « une corporalité, une vocalité, une
respiration » spécifiques à chaque personnage, et il est aussi important de se rendre
compte qu’il doit être perceptible à toute une salle. Il est donc évident que des
capacités très particulières sont exigées du traducteur d’un tel texte.
Si on peut dire que « le gros » de la traduction en général est de transmettre
aux destinataires (spectateurs) étrangers le même effet qu’ont les destinataires de
la langue de départ, le traducteur de cinéma devrait découvrir les intentions de
l’auteur et de son film (une œuvre par laquelle il veut exprimer quelque chose et
avoir une influence sur les spectateurs) et aussi connaı̂tre les moyens par lesquels
on peut acquérir tel ou tel effet au cinéma. Il n’existe pas de vrais manuels pour
les traducteurs de cinéma (sauf quelques remarques ou notes dans les œuvres sur
la traduction en général ou sur le cinéma), pourtant il existe des manuels pour les
65
auteurs des scénarios filmiques (p. e. Michel Chion: Ecrire un scénario, 1985; Francis Vanoye : Scénarios modèles modèles de scénarios, 2002 ; Jean-Marc Rudnicky :
Ecrire un court métrage, 2006). Pourraient-ils être d’un grand secours pour les
traducteurs des films ?
Ecrire/Traduire un scénario
Dans un manuel d’écriture de scénarios on peut trouver beaucoup d’informations
intéressantes et importantes, non seulement pour l’auteur du cinéma mais aussi
pour le traducteur de ce genre particulier. En lisant un tel livre, on apprend surtout
ce que cela veut dire un scénario, quelle structure il peut avoir, quels sont les
moments essentiels dans un film, on comprend des termes spéciaux et pourtant de
base comme « tournant », « climax », « accroche », « flash-back » etc.
Le traducteur des films devrait connaı̂tre les parties et les temps forts du scénario pour comprendre la valeur qu’ont les dialogues ou les mots de telle ou telle
situation dans le film. Il s’agit d’une valeur réelle parce que tous les mots sont dits
(et écrits dans le scénario) avec une certaine intention, ils ne sont pas là seulement
pour être dits mais pour produire un effet, pour mettre une autre petite pièce dans
la mosaı̈que qui est le film. Un dialogue qui semble n’ avoir aucune importance au
moment où il est dit peut signifier (et dans la plupart des cas il signifie) une chose
nécessaire pour la clarté des actions dans le film un peu plus tard.
Un manuel de scénarios montre comment il faut écrire pour séduire les spectateurs, captiver leur attention, ne pas laisser tomber dans l’ennui une minute de
film. Le traducteur, n’a-t-il pas le même but ?
Michel Chion, écrivain et scénariste français, dans son livre intitulé Ecrire un
scénario qui pourrait être un très bon exemple d’un manuel de l’écriture de scénarios, appelle trois autres scénaristes à la rescousse pour parler des fonctions du
dialogue du cinéma, qui sont les suivantes (Chion, 1985, p. 83–85) :
selon Field :
– faire avancer l’action,
– communiquer des faits et des informations au public,
– établir leurs relations les uns avec les autres,
– révéler les conflits et l’état émotionnel des personnages,
– commenter l’action ;
selon Swain :
– donner une information (sans arrêter l’action),
– révéler une émotion,
– faire avancer l’intrigue,
– caractériser le personnage qui parle, mais aussi celui qui l’écoute ;
selon Stempel :
– être crédible,
– être intéressant,
– faire avancer l’action,
– caractériser les personnages,
– être drôle,
– avoir une dimension d’implicite, de « subtext » (sens entre les lignes).
66
Selon Chion le dialogue filmique doit être :
– dynamique et non statique,
– émotionnel et non rationnel,
– engagé dans un but (les personnages ne devraient pas parler seulement
pour parler),
– censé refléter le personnage,
– beaucoup plus bref, beaucoup plus concentré que le dialogue réel (le
dialogue ne doit pas avoir la densité d’un texte écrit).
Toutes ces fonctions et les exigences sur l’écriture des dialogues du cinéma
doivent être respectées par le traducteur. Lui aussi, dans sa propre langue et avec
des moyens appropriés, devrait chercher à « créer » des dialogues séduisants pour
les spectateurs en gardant dans sa mémoire les fonctions décrites ci-dessus.
Les parties et les temps forts du scénario
Pour esquisser la conception de l’œuvre dramatique comme succession de courbes
et de variations d’intensité, servons-nous encore une minute du livre Ecrire un
scénario par Michel Chion, qui traite ce thème de façon bien compréhensible.
Suivant son analyse on peut fixer dix points constitutifs du scénario (du film) :
progression continue, climax, scènes et sèquences, actes, exposition, accroche, dénouement, happy end, coup de théâtre, flash-back.
Prennons maintenant deux de ses points comme exemples et essayons de capter
leur importance et d’en déduire les conséquences, non seulement pour le scénariste
mais, vu notre but, pour le traducteur de cinéma :
Progression continue
« . . . la tension dramatique doit être conçue pour aller en croissant, jusqu’à
la fin, jusqu’au « climax », donc les événements les plus frappants et surtout les
émotions les plus fortes, sont prévus pour être donnés à la fin du film, au terme
d’une montée. . . »1
La loi de progression continue veut que « chaque caractérisation grandisse jusqu’à la fin, que chaque émotion soit graduellement accentuée et que chaque décision
soit plus lourde de conséquences »2 et il est indispensable que le traducteur y pense
tout le temps au cours de son travail sur le scénario, pour ne pas négliger l’effet
que l’auteur développe.
Par exemple, si l’auteur fait disputer ses personnages plusieurs fois (surtout si
leurs disputes font le grand thème du film), qu’il aggrave leurs rencontres et pose
dans leurs bouches des paroles de plus en plus violentes, le traducteur (qui s’en
aperçoit !) doit suivre cette ligne montante et trouver les expressions adéquates
pour chaque niveau de disputes.
1 Chion,
2 Chion,
M. : Ecrire un scénario, p. 139.
M. : Ecrire un scénario, p. 205.
67
Climax
« . . . le moment du scénario où le conflit entre le désir du personnage et les
dangers qu’il court atteint son point culminant. . . »3
Le plus couramment, le climax se situe vers la fin et après lui, il n’y a que des
scènes de résolution et de détente. « Il donne une issue à l’histoire, en amenant le
personnage principal à la fin d’un épisode particulier de sa vie, »4 mais il n’est pas
obligatoirement une scène violente, il lui suffit d’être forte émotionellement.
D’après Chion « on peut créer un temps fort avec une action ou une réplique
simples et banales, si elles sont amenées d’une certaine façon et chargées d’un
certain sens. »5
Le traducteur doit inconditionnellement reconnaı̂tre le point culminant et y être
très sensible, en quête des mots qui définissent toute la situation brûlante. Il faut
faire attention en traitant ces mots et en leur cherchant des équivalents convenables.
On travaille à ce moment-là sur l’aboutissement d’une série de crises dont le climax
est la plus importante !
Autres ouvrages utiles
Quant aux livres qui traitent le texte filmique et le film en général, et dont les
destinataires sont surtout les auteurs ou bien les amateurs de cinéma, on ne doit pas
se limiter seulement aux manuels de l’écriture de scénarios. Il existe de nombreux
ouvrages (provenant surtout de la France ou des Etats-Unis) qui pourraient être
utiles pour les traducteurs de cinéma.
Citons, par exemple, Des dialogues de cinéma (2004) où Jean Samouillan traite
le dialogue filmique avec ses particularités, donne de divers points de vue sur le
film (c’est-à-dire, comment et qu’est-ce que ressent et perçoit l’auteur, le personnage et son représentateur-acteur et le spectateur) et montre beaucoup d’exemples
concrets. Un autre ouvrage assez intéressant pour les traducteurs de scénarios peut
être Le Language cinématographique par Marcel Martin (1985) où on peut trouver aussi quelques remarques sur le doublage et les sous-titres. Pour comprendre
le personnage filmique, l’œuvre de Howard M. Gluss et Scott E. Smith, traduite
en français comme Psychologie des personnages, peut offrir bien des informations
utiles.
Conclusion
Il peut sembler que le traducteur de scénarios devrait être en même temps le
scénariste ou le réalisateur, ou tous les deux. Une telle personne faite de trois serait
évidemment le cas idéal mais cela n’arrive pas. Le traducteur transmet le travail
du scénariste au réalisateur (réalisateur de doublage). Bien qu’il y ait ce réalisateur
qui est le vrai auteur de la version doublée, le traducteur ne devrait pas présenter
pour lui seulement un médiateur (entre deux langues), vu que le réalisateur ne parle
pas souvent la langue du film originel. Connaissant la construction du scénario, ses
3 Chion,
M. : Ecrire un scénario, p. 140.
M. : Ecrire un scénario, p. 140.
5 Chion, M. : Ecrire un scénario, p. 141.
4 Chion,
68
parties fortes et les principes de son écriture, le traducteur peut contribuer à un
doublage réussi pour une part plus large que par une simple traduction mot à mot.
Il est certain que la lecture des manuels pour les scénaristes ne resout pas tous
les problèmes qu’implique la traduction de textes filmiques. Pourtant un tel livre
peut représenter un grand secours pour les traducteurs. Le scénario est un texte très
particulier ; il est destiné à être dit et il est destiné aussi à être perdu, déchiré, jeté,
mis à la poubelle. . . Tous les dialogues dits en langue de départ ou celle d’arrivée
ne sont conservés que dans le film, à l’écran, dans les bouches des acteurs. Si c’est
le film, le seul porteur des mots qui doivent être traduits, n’est-il pas nécessaire
pour les traducteurs de connaı̂tre ce que sont un film et son scénario ?
BIBLIOGRAPHIE
Chion, M. : Écrire un scénario. Cahier du cinéma Livres/I.N.A., Paris 1985.
Gluss, H. M. et Smith, S. E. : Psychologie des personnages. Dixit, Paris 2006.
Vanoye, F. : Scénarios modèles modèles de scénarios. Nathan, Paris 2002.
Rudnicky, J.-M. : Écrire un court métrage. Dixit, Paris 2006.
Martin, M. : Le Language cinématographique. CERF, Paris 1985.
Samouillan, J. : Des dialogues de cinéma. L’Harmattan, 2004.
Příručky psaní scénářů pro filmové překladatele
Resumé
Překlad filmu má v České republice dlouhou tradici a stále se těší poměrně dobré
úrovni. Pokud dojde k pochybení na straně překladatele, což se většinou odvíjí
od nedostatečné znalosti jazyka, jeho zvláštností, idiomů apod., žádná rada není
dost dobrá, jen neustálé studium a prohlubování znalosti jazyka. Cílem příspěvku
je doporučení všem, kteří se o překlad filmové a televizní tvorby zajímají, jak
i jinak zkvalitnit práci na scénáři. A to užším seznámením se s takovým materiálem.
Jelikož neexistují opravdové učebnice věnované překladu scénáře, překladateli může
být užitečná literatura určená pro samotné tvůrce scénáře. Scénář je text velice
speciální a práce na něm, včetně překladu, má své zvláštní nároky. Pochopení
struktury scénáře, jeho zásadních momentů a technik nevyřeší samozřejmě všechny
problémy, se kterými se během své práce překladatel setkává, může ale znamenat
přínos a pomoc jeho tak specializované činnosti.
Textbooks on Screenwriting for Film Translators
Summary
When speaking of screenplay translation, it is necessary to know what the
screenplay is. It is essential to take into consideration the specific form of such a
text, its purpose, its relation to the scene, sound and especially to the actors who
are supposed to perform this text aloud. Film translators need to know the most
69
important moments of the screenplay to understand the seriousness and the sense
of various sequences of the work.
For that purpose film translators should read the books that deal with screenplays – textbooks on screenwriting.
It is obvious that reading textbooks on screenwriting cannot resolve all the
problems that can appear during the translation of a film but such a book will
certainly contribute to high-quality work on the part of translators.
Jana Doležalová
Katedra romanistiky
FF UP v Olomouci
Křížkovského 10
771 80 Olomouc
[email protected]
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ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
L’image de soi dans le discours persuasif.
Une approche énonciative et pragmatique
à l’exemple de quelques discours tenus
par les députés au Parlement Européen
Jolanta Domańska-Gruszka
Notre objectif est de présenter certaines stratégies discursives à visée argumentative-persuasive repérées dans les textes des eurodéputés francophones dans le
Parlement Européen. Il s’agit des discours prononcés devant les députés et ensuite
placés sur le site Internet du Parlement.1
Nous avons restreint notre analyse à un aspect particulier à savoir la construction de l’image de soi par l’orateur en fonction de l’auditoire visé et en fonction
des valeurs idéologiques et politiques prônées. Le cadre méthodologique de notre
analyse est celui de l’analyse du disocurs avec les éléments de pragmatique cognitive
et théorie de l’énonciation.
1
L’image de soi ou ethos dans la tradition rhétorique
L’image de soi était connue sous l’appelation des mœurs oratoires ou ethos des
Anciens :
« On persuade par le caractère (ethos) quand le disocurs est de nature à rendre
l’orateur digne de foi, car les honnêtes gens nous inspirent une confiance plus
grande et plus prompte [. . . ] Mais il faut que cette confiance soit l’effet du discours,
non d’une prévention sur le caractère de l’orateur. »2
Ekkehard Eggs (Eggs, 1999) reconnaı̂t à l’ethos aristotélicien la double dimension à la fois morale qui comprend les vertus morales comme l’honnêteté et
celle stratégique qui relève des habitudes et des mœurs et qui consiste à s’exprimer
de façon appropriée. À ce dilemme posé par Aristote si et pour quelle raison il faut
choisir entre l’image de soi que l’orateur crée lui-même dans et par sa parole ou
celle qui nous vient de la connaissance préalable de sa personne nous répondrons
1 http://www.europarl.eu.int
2 Aristote
: Rhétorique, 1356a, Paris, 1991.
71
que les deux sont inséparables dans le disocurs politique. En effet, un politicien
intervient toujours en fonction de ses engagements politiques connus ou facilement
reconnaissables par ses interlocuteurs3 . L’image qu’il crée de soi est fonction des
valeurs politiques communes à lui et à son auditoire et d’une stratégie discursive
adéquate, adaptée au contexte de l’énonciation.
La conception aristotélicienne est reprise par Perelman (Perelman, 2000) comme
instrument d’analyse dans son Traité de l’argumentation où la notion d’ethos apparait quand il est question de la nécessité pour l’orateur de s’adapter à son auditoire
ce qu’il faut comprendre comme le besoin de construire une image fiable de sa
personne en fonction des valeurs prêtées à l’auditoire.
1.1
Ethos dans la pragmatique sémantique et la théorie de
l’énonciation
Nous parlons ici de l’image de soi et de l’autre qui accompagne tout échange social et, dépassant l’intentionnalité des sujets parlants (elle est bien sur contenue
dans le projet sémantico-pragmatique du locuteur), fait partie des pratiques socio-culturelles, elle se situe dans la compétence culturelle des partenaires de l’allocution. K. Kerbrat-Orecchioni parle de « l’ensemble des images valorisantes que l’on
tente, dans l’interaction, de construire de soi-même et d’imposer aux autres »4 .
Pour O. Ducrot et pour K. Kerbrat-Orecchioni l’ethos transparait au niveau
seul de l’énonciation, à travers les marques de l’énonciation telles que déictiques,
modalisateurs, termes évaluatifs : « L’ethos est rattaché à L, le locuteur en tant
que tel : c’est en tant qu’il est à la source de l’énonciation qu’il se voit affublé
de certains caractères qui, par contrecoup, rendent cette énonciation acceptable
ou rebutante. »5 L’image de l’orateur est une fiction de discours, l’ethos est situé
dans l’énonciation, il n’est que rarement explicité dans l’énoncé. Cet ethos pragma-sémantique, Ducrot le divise en explicite ou montré que l’on recconaı̂t à l’emploi de
la première personne, accompagné de la fonction ou même du nom propre moi, de
Gaulle et en ethos implicite, insinué celui qui est inféré à la base des exclamations,
du lexique évaluatif et des valeurs posées par l’énonciation, valeur sensées être
communes à l’orateur/énonciateur et à son auditoire.
1.2
Ethos dans l’analyse du discours
Pour D. Maingueneau (Genèses de Discours, 1984, L’Analyse du discours 1991,
Analyser les textes de communication 1998) la notion d’ethos sert à présenter le
processus général de l’adhésion des sujets à une certaine prise de position discursive.
Il est à souligner que selon Maingueneau l’ethos est lié à l’énonciation et non
au comportement extra-discursif du locuteur, ses marques sont répérables dans
3 Ceci n’empêche pas une création politique ex nihilo réussie d’un politicien ce qui était le
cas d’un certain Stan Tymiński venu du Pérou pour se présenter aux élection présidentielles en
Pologne en 1991 et qui a réussi à imposer son image de défenseur des plus démunis et d’homme
extérieur aux coteries politiques locales. Il est entré dans le deuxième tour (en éliminant entre
autres le premier premier ministre non communiste Tadeusz Mazowiecki) pour affronter Lech
Wal˛esa. Heureusement la raison n’a pas quitté les Polonais dans ce deuxième tour.
4 Cité d’après Amossy, R., Images de soi dans le discours, Lausanne 1999, p. 14.
5 Ducrot, O., Le dire et le dit, Paris 1984, p. 201.
72
l’énonciation et ne sont pas explictées dans l’énoncé, « l’ethos se montre, il ne se
dit pas »6 , un positionnement rigoureux que le linguiste va modifier dans la suite.
L’énonciateur se dote d’un certain statut qu’il doit faire partager à son co-énonciateur et ce statut est sensé légitimer son dire, réfléter sa position hiérarchique et compétences encyclopédiques, un politicien par exemple, peut s’adresser
à ses élécteurs en homme du peuple, en homme d’expérience, en technocrate, en
défenseur des droits de l’homme, défenseur de la nation, en vrai Français, Polonais
ou Tchèque.
Le disocurs doit mobiliser le destinataire ou plutôt le co-énonciateur (pour souligner son rôle actif dans la construction du sens) pour participer à certain univers
de sens. « Le pouvoir de perusasion d’un discours tient pour une part au fait qu’il
amène le lecteur à s’identifier à la mise en mouvement d’un corps investi de valeurs
socialement spécifiés »7 .
Toutefois l’analyse du discours ne s’arrête pas à la fonction persuasive de l’ethos
qui est aussi considéré comme partie constitutive de la situation d’énonciation. Maingueneau parle dans Image de sois dans le discours de la scène d’énonciation qu’il
subdivise en scène englobante (statut pragmatique du discours, type de discours :
religieux, littéraire, scientifique etc.), scène générique (une institution discursive,
genre de discours: l’éditorial, le sermon, l’article scientifique) et scénographie qui est
une situation de parole plus au moins conventionnalisée qui valorise culturellement
l’échange, c’est un mode d’existence dans l’interdiscours, comprise dynamiquement
comme cadre et comme processus (dans une scène englobante politique ayant pour
scène générique un tract éléctoral, un cadidat pour se présenter à ses électeurs
peut choisir une scénographie de défenseur des droits de l’homme, défenseur de
l’idéntité européenne, défenseur de la nation, de jeune libéral dynamique, de vieux
combattant du parti etc.).
L’ethos participe de la scénographie. C’est au moment de proposer la description
de la scénographie de Maingueneau admet que l’image de soi ne tient pas que de
l’énonciation : « Ce sont les contenus déployés par le discours qui permettent de
spécifier et de valider la scène et l’ethos mêmes à travers lesquels ces contenus
surgissent »8 (c’est nous qui soulignons).
1.3 Idéologie et cognition politique
L’ethos ne peut pas se limiter à l’énonciation seule, le contenu, l’énoncé, le dit en
est constitituf au même titre que les marques subjectives de l’énonciation. C’est
dans l’énoncé que se trouve explicité le corps de valeurs communes que le locuteur
doit invoquer pour proposer une image de soi fiable et convaincante pour ses co-énonciateurs. Le discours politique est un discours idéologiques par excellence :
« [. . . ] les idéologies constituent la base ‘axiomatique’ des représentations sociales
d’un groupe et contrôlent – à travers des attitudes sociales spécifiques puis à travers
6 Maingueneau, D., « Ethos, scénographie, incorporation », in : Amossy, R., Images de soi
dans le discours, Delachaux et Niestlé, Lausanne 1999, p. 77. Il faut toutefois souligner que
Maingueneau distingue entre ethos discursif et ethos prédiscursif qui concerne les représentations
que le public se fait au préalable de l’ethos de l’énonciareur avant qu’il ne parle, ceci concerne le
domaine des stéréotypes et attentes plus au moins conscientes de l’auditoire.
7 Maingueneau, D., Analyser les textes de communication, Paris, 1998, p. 81.
8 Maingueneau, D., Ethos, scénographie, incorporation, in Images de soi dans le discours,
sous la direction de R. Amossy, Delachaux et Niestlé, Lausanne, p. 85.
73
des modèles mentaux personnels – les discours des individus et les autres pratiques
sociales des membres du groupe. De cette manière, les idéologies constituent la
ressource nécessaire à la coopération, la coordination et la cohésion au sein du
groupe, ainsi qu’à la gestion des relations de compétition, de conflit ou de lutte
entre des groupes ».9
La politique est un domaine social idéologique par excellence, les idéologies
contribuent largement à la production et la réception des discours politiques et
c’est avant tout dans et par le discours politique que les idéologies se manifestent
et peuvent être observées, analysées et décrites.
1.3.1
Model pragmatique du contexte dans le corpus analysé
Nous comprenons le contexte comme une vision de situation de communication
subjective mais réflétant des contraintes culturelles et historiques européennes en
l’occurence. Nos locuteurs se comportent en tant que membres du Parlement Européen, leur co-énonciateurs ont le même statut politique, le débat tient lieu dans
le bâtiment du Parlement Européen à Strasbourg, le sujet débattu concerne l’ouverture des négociations avec la Turquie en vue de son accès prochain à la CE10
et il se repartit sur trois sessions tenues respectivement le 13 décembre 2004, le
29 septembre 2005 et le 13 décembre 2006. C’est cette forme de contextualisation
pragmatique qui permet d’articuler les idéologies des politiciens à leurs discours.
Car, comme le constate Van Dijk les textes ou les paroles sont une manifestation
explicite des idéologies mais la source de ces dernières, ses porteurs sont les gens,
les politiciens et tous les autres participants de la scène politique.
Le model contextuel pragmatique ainsi définit permet de contrôler les actes de
parole (promesses de politiciens, menaces de la part de l’opposition, remontrances),
la sélection de l’information (l’adhésion de la Turquie à la CE), le niveau de style du
discours politique (lexique subjectif, lexique et syntaxe formels, figures rhétoriques,
exclamations).
2
Analyse du corpus : l’ethos ou scénographies repérés
(1) Image/ethos : Maı̂tre à remontrances
[. . . ] L’adoption de ce rapport, que nous souhaitons, doit avoir des conséquences
politiques. Je demande tout d’abord à la Commission de ne plus jouer à cache-cache et de produire, le 8 novembre, un rapport véridique et non pas un conte
9 Van Dijk, T., « Politique, Idéologie, Discours », Semen 21, 2006, p. 73–102 ; dans le même
article Van Dijk définit idéologie comme ressources cognitives socialement partagées (ibid. p. 79),
fondement des représentations sociales partagées par un groupe (ibid. p. 74) ; Van Dijk distingue
entre dimension sociale de l’idéologie qu’il définit comme représentations mentales des groupes,
socialement partagées et relativement stables et sa dimension individuelle, subjective de modèles
mentaux des membres d’un groupe qui sont basés sur l’idéologie, qui sont spécifiques et subjectifs
et qui contrôlent le discours et d’autres pratiques sociales dans une situation donnée (ibid. p. 79).
10 Les titres exactes des session sont les suivents: décembre 2004: Progrès réalisés par la Turquie
sur la voie de l’adhésion, septembre 2005: Ouverture des négociations avec la Turquie – Protocole
additionnel à l’accord établissant une association entre la Communauté économique européenne
et la Turquie, suite à l’élargissement, décembre 2006 : Stratégie d’élargissement et principaux
défis 2006–2007 – Les aspecte institutionnels de la capacité de l’Union européenne à intégrer les
nouveau États membres.
74
pour enfants dont elle est coutumière dans ce domaine. Je demande au Conseil des
ministres de regarder la situation avec lucidité et courage et d’envisager de marquer
un arrêt dans des négociations dont le sens échappe aujourd’hui au commun des
mortels. [. . . ] (Jacques Toubon, 26. 09. 06)
Efftes cherchés : se distancier par rapport à la Commission et au Conseil Européens, ridiculiser les effets de leur travail (vocabulaire subjectif dévalorisant), voter
contre le rapport
Auditoire visé : les adversaires et les sceptiques
(2) Image/ethos : Defenseur des pays/peuples opressés par la Turquie
a) [. . . ] On voit bien que la négociation se fera, comme nous l’avons toujours
dénoncé, aux conditions de la Turquie et non aux conditions de l’Europe. Les
libertés, les droits, la non-reconnaissance du génocide arménien, la situation
dans le pays kurde et enfin le refus de reconnaı̂tre Chypre. [. . . ] (Jacques
Toubon, 28. 09. 05)
Effets cherchés : dénoncer les revers des négociations(On voit bien que la
négociation se fera [. . . ] aux conditions de la Turquie et non aux conditions
de l’Europe), voter contre
Auditoire visée : les adversaires
b) [. . . ] Il s’agit en premier lieu de l’application effective des normes démocratiques, comme du respect effectif des droits civiques et des droits humains
internationalement reconnus. Cela inclut naturellement les droits civiques,
politiques et culturels des minorités, et d’abord des Kurdes. Une dimension
que le projet de compromis qui nous est soumis, et qui est par ailleurs, largement satisfaisant, a de façon étonnante et très regrettable, passée sous
silence. Or, il est fondamental à nos yeux que la Turquie renonce définitivement à toute idée de solution militaire de la question kurde, qu’elle reconnaisse la dimension politique du conflit et qu’elle favorise la réconciliation,
particulièrement avec les Kurdes qui ont renoncé au recours aux armes. Il
s’agit dans le même esprit d’obtenir de la Turquie, à l’opposé de toute forme
de nationalisme, qu’elle accepte de regarder son histoire en face en reconnaissant le génocide arménien. [. . . ] (Francis Wurtz, 28. 09. 05)
Effets cherchés : attirer l’attention sur le non-respect de différents droits en
Turquie, mettre en avant les valeurs démocratiques (respect des droits civiques et humains) et universelles (réconciliation).
Auditoire visé : critiques envers les pratiques dénoncés, favorables à l’entrée
de la Turquie
(3) Image/ethos : optimiste inconditionnelle
[. . . ] L’Europe aura besoin demain d’une véritable reconstruction. Nous serons aux
côtés de tous ceux qui voudront refonder le projet européen pour donner corps enfin
à une Europe politique et démocratique. [. . . ] (Marielle De Sarnez, 28. 09. 05)
Effets cherchés : indiquer un avenir radieux, encourager à voter pour
Auditoire visé : les partisans inconditionnels de l’élargissement
75
(4) Image/ethos : les « sachants plus » ou partisans de la theorie du complot
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les représentants des nations d’Europe, les souverainistes français voteront bien entendu contre ce rapport, mais nous
voudrions souligner le caractère irréel de ce débat ; au fond, nous savons bien que
la décision a déjà été prise, non pas en 1999 à Helsinki, non pas même en Europe,
mais à Washington, plusieurs années auparavant, et qu’elle a d’ailleurs été annoncée par le Président Clinton en visite à Istanbul en 1997. (Paul Marie Couteaux,
13. 12. 04)
Effets cherchés : discréditer les engagements de la Commission et du Conseil,
voter contre.
Auditoire visé : les adversaires de l’élargissement.
(5) Image/ethos : réconciliateur exigeant
Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, contrairement à mon prédécesseur, je demeure, comme beaucoup d’entre nous, convaincu que l’adhésion de la
Turquie à l’Union est essentielle pour assurer la réconciliation, la paix et la sécurité
dans toute la région, pour contribuer à l’effort de démocratisation et de développement de ce pays et, surtout peut-être, pour montrer à un pays musulman que, s’il
respecte les droits de l’homme, il a sa place dans une Union de pays démocratiques.
Mais la tâche est très ardue, comme ce débat le montre, car il y a des forces hostiles
en progrès et qui œuvrent à l’échec. (Michel Rocard 28. 09. 05).
Effets cherchés : approuver les engagements des Institutions européennes, manifester les valeurs universelles (la paix, la réconciliation, la sécurité) et démocratiques(droits de l’homme).
Auditoire visé : les partisans de l’élargissement mais aussi un auditoire indirect
qui est le gouvernement et le peuple turc
(6) Image/ethos : majorette (cheerleader )
Monsieur le Président, Monsieur le Commissaire, le processus échouera si les négociations que vous conduisez et les progrès qu’elles engendrent sont passés sous
silence. Décrivez, expliquez-vous, il vous faut lutter sur deux fronts ! Le front de
vos partenaires turcs, et celui de l’opinion publique européenne. Combattez sur les
deux et ne l’oubliez jamais ! (Michel Rocard, 28. 09. 05)
Efftets cherchés : encourager les efforts de la Commission et du Conseil, donner
une instruction de vote.
Auditoire visé : Commission et Conseil mais aussi, de façon indirecte, les combattants de ses propres rangs
(7) Image/ethos : disculpeur
[. . . ] La Turquie a connu une histoire très violente au XXe siècle. Elle en garde
de lourdes traces, à Chypre, dans ses rapports avec les peuples arménien et kurde
et aussi, dans son organisation sociopolitique interne, toujours très marquée par
le poids de l’armée et de la police, qui restent toutes-puissantes. Nous le savons
tous. Aussi bien, de nombreuses nations aujourd’hui membres de l’Union ont, elles
76
aussi, connu des gouvernements totalitaires, fascistes ou communistes, ou des gouvernements coupables de graves collaborations avec une puissance occupante. L’édification de l’Union est, par rapport à cela, un processus de réconciliation. (Michel
Rocard, 13. 12. 04)
Effes cherchés : justifier voire relativiser les mauvaises actions des dirigeants de
l’Etat turc
Auditoire visé : les hésitants, les indécis
(8) Image/ethos : la meilleure élève
Vous savez, dans ce Parlement, il y a trois groupes, et on l’a bien vu aujourd’hui.
Il y a ceux qui ne veulent pas de la Turquie et le font clairement savoir et qui
se sont frotté les mains, qui ont même brandi des cercueils.
Il y a un deuxième groupe : ceux qui se résignent à un mariage de raison, en
se disant qu’après tout, c’est un grand pays, c’est un carrefour pour les ressources
énergétiques, il possède de l’eau, c’est un ami des États-Unis, il s’est montré correct
durant la guerre d’Irak en ne s’en mêlant pas et, que tout compte fait, il reste encore
pour chaque pays 71 occasions d’opposer son veto durant les négociations.
Et il y a un troisième groupe et ce troisième groupe, auquel j’appartiens, croit en
ce projet. Mais comme un véritable projet politique et d’ouverture vers une Europe
tolérante, pluraliste et qui s’ouvre à la diversité. (De Keyser Veronique 28. 09. 05)
Effets cherché : renforcer les rangs de partisans et discréditer les opposants (se
sont frotté les mains, ont brandi des cercueils)
Auditoire visé : les décidés mais aussi les hésitants
(9) Image/ethos : désappointé par le projet de l’union européenne
Merci à la présidence britannique, dont le seul bilan sera celui d’avoir subi la
pression américaine pour l’adhésion de la Turquie. Cette Europe se refuse à se
prononcer sur ses frontières, où est passé notre projet européen d’intégration ? On
nous dit que cette adhésion est nécessaire pour notre économie et notre sécurité. Eh
bien, dans ce cas, proposons à la Turquie un partenariat stratégique pour un projet
fort de coopération avec cette première couronne de l’Europe que constituent la
Russie, nos nouveaux voisins de l’Est, la Turquie et le Maghreb. La Turquie n’a pas
vocation à rejoindre l’Union européenne. La vérité nécessite d’avoir le courage et
la détermination d’exiger que l’ouverture des négociations puisse déboucher sur ce
partenariat. Malheureusement, l’Europe poursuit sa fuite en avant avec la lâcheté
que nos concitoyens n’acceptent plus. (Grossetête Françoise, 28. 09. 05)
Effets cherchés : exprimer la méfiance face aux agissements des institutions
européennes
Auditoire visé : les indécis, les adversaires
3
Conclusions
Les discours parlementaires cités se caractérisent tous par une fonction persuasive,
leur objectif est de manifester les valeurs politiques représentées par son propre
partis ou par soi-même et aider/mobiliser l’auditoire à prendre une décision sous
forme de vote. Nous sommes d’avis, et avons essayé de le montrer dans cet article,
77
que l’image de soi ou l’ethos constitue une preuve, un argument dont le fonctionnemet se fonde sur des processus inférenciels et cognitifs qui ne sont pas différents
des processus pragmatiques typiques d’interprétation des énoncés.
En termes d’analyse du discours, les quelques interventions des députés européens se laissent décrire comme faisant partie de la scène englobante qui est celle de
discours politique, la scène générique qui est celle d’une intervention parlementaire
qui se réalise en scénographies diverses : celle de maı̂tre à rémontrances, défenseur
des pays/peuples opressés, optimiste inconditionnelle, « sachants plus », réconciliateur exigeant, majorette, disculpeur, la méilleure élève, désappointé.
Toutes ces dénominations-étiquettes ont été inventées par nous en fonction des
contenus véhiculés et valeurs politiques explicitées, en fonction des actes de parole
accomplis (encourager à voter oui, dénoncer les agissements obscures, renforcer le
morale dans ses propres rangs) et aussi en fonction du vocabulaire et expressions
subjectives valorisantes ou dévalorisantes.
Or, il nous parait que l’image, l’ethos de l’énonciateur constitue un de ces caractères qui, bien choisi, se basant sur des valeurs reconnues par une communauté,
contribuent au succès du discours persuasif. Les orateurs, au moins certains d’entre
eux, veulent influer sur les opinions des autres parlementaires lesquelles, le moment
venu, se traduiront en acte de voter pour ou contre. Si je dis certains c’est que pour
les autres la tâche consiste à renforcer le morale dans les rangs ou simplement
donner une instruction de vote. Mais les uns comme les autres, procèdent non seulement par une argumentation plus au moins rigoureuse, par des appels directs
mais aussi par la construction discursive d’une image de soi susceptible de leur
conférer l’autorité.
Cet ethos, pour etre efficace, doit etre accroché aux valeurs admises par l’auditoire :
« [. . . ] toute argumentation dépend, pour ses prémisses comme d’ailleurs pour
son déroulement, de ce qui est accepté, de ce qui est reconnu comme vrai, comme
normal et vraisemblable, comme valable : par là elle s’ancre dans le social, dont la
caractérisation dépendra de la nature de l’auditoire »11 .
Quelles sont les valeurs, ces évidences ou croyances sur lesquelles se basent les
images de soi des parlementaires, les scénographies qu’ils ont mis en marche, quelle
est la doxa commune à l’énonciateur et ses co-énonciateurs ?
Ceux qui sont partisans de l’adhésion de la Turquie ont chosi l’image – ethos,
selon les étiquettes-dénominations que nous avons proposées – de disculpeur, de
réconciliateur exigeant, de majorette, de la meilleure élève, préconisent les valeurs
d’ouverture sur d’autres peuples et même civilisations, considèrent la démocratie
comme système universel : « un véritable projet politique et d’ouverture vers une
Europe tolérante, pluraliste et qui s’ouvre à la diversité » (De Keyser Veronique).
Il s’agit des politiciens qui partagent la même idéologie, ils croient en progrès des
peuples vers un idéal éthique (démocratique), se montrent compréhesifs – autant
de valeurs pour attirer un auditoire qui croit en projet politique européen, qui croit
en démocratie sans frontières et le progrès c’est-à-dire la marche des peuples vers
cet idéal démocratique, même s’il reste encore des choses à faire.
11 Perelman,
78
Ch., Rhétoriques, Bruxelles, 1989, p. 362.
Les ethos qu’empruntent les adversaires ou les sceptiques : celui de maı̂tre à
remontrances : « Je demande au Conseil des ministres de regarder la situation avec
lucidité » (J. Toubon), de défensseur des pays/peuples opressés par la Turquie, de
désappointé ou de « sachants plus », partagent une hiérarchie de valeurs sociales
(= idéologie) différente : la responsabilité historique des peuples, la justice doit être
rendue, l’identité européenne est une priorité par rapport à l’élargissement qui peut
constituer une menace, méfiance face à la domination américaine.
BIBLIOGRAPHIE
Amossy, R., L’argumentation dans le discours, Armand Colin, 2006.
Aristote : Rhétorique. Librairie Générale Française, Paris, 1991.
Ducrot, O., Le dire et le dit, Les Editions de Minuit, Paris, 1984.
Eggs, E., «Ethos aristotélicien,conviction et pragmatique moderne» in Amossy, R.,
Image de soi dans le discours, Delachaux et Niestlé, Paris Lausanne, 1999,
pp. 31–49.
Krebrat-Orecchioni, K., L’Enonciation. De la subjectivité dans le langage. 4ème
édition. Armand Colin, Paris, 2006.
Maingueneau, D., Analyse du discours, Hachette, Paris, 1991.
Maingueneau, D., Le contexte de l’oeuvre littéraire. Enonciation, écrivain, société. Dunod, Paris, 1993.
Maingueneau, D., Analyser les textes de communication. Dunod, Paris, 1998.
Maingueneau, D., « Ethos, scénographie, incorporation » in Images de soi dans
le discours, sous la direction de R. Amossy, Delachaux et Niestlé, Lausanne,
1999, pp. 75–100.
Perelman, Ch. – Olbrechts-Tyteca, L., Traité de l’argumentation, la nouvelle
rhétorique. Editions de l’Université de Bruxelles, 2000 (1ère édition 1958).
Perelman, Ch., Rhétoriques, Editions de l’Université de Bruxelles, 1989.
Van Dijk, T., Politique, Idéologie, Discours, Semen 21, 2006, pp. 73–102.
http://www.europarl.eu.int
L’image de soi dans le discours persuasif. Une approche énonciative et
pragmatique à l’exemple de quelques discours tenus par les députés au
Parlement Européen
Résumé
L’article constitue une tentative de repérage de certaines stratégies persuasives
observables dans les discours des députés européens. Ont été analysées les interventions parlementaires au sujet de l’adhésion de la Turquie à la CE dans leurs versions
écrites, placées sur le site Internet du Parlement. Il s’agı̂t de l’image de soi ou ethos
79
que les locuteurs empruntent pour rendre leur parole plus persuasive. La notion
d’ethos est présenté à partir de sa source antique (Aristote) et ensuite on propose
ses acceptions contemporaines en linguistique (Ducrot, Kerbrat-Orecchioni, Maingueneau). Les neuf images/ethos proposés sont analysés en termes de l’analyse du
discours (scène englobante, scène générique et scénographie), de pragmatique cognitive (idéologie, structure contextuelle pragmatique) et l’énonciation (expressions
subjectives axiologiques): désappointé, la meilleure élève, disculpeur, majorette, réconciliateur exigeant, « sachant plus », defenseur des pays/peuples opressés par la
Turquie, optimiste inconditionnelle, maı̂tre à rémontrances. On essaie ensuite de
montrer quelles sont les valeurs politiques et universelles défendues par les stratégies ainsi définies (ouverture vers d’autres pays/peuples, responsabilité historique,
réconciliation, défence de l’identité européenne, défence des droits de l’homme)
ainsi que les objectifs pragmatiques visées (encourager à voter pour ou contre,
donner une insctruction de vote, donner une image positive de son parti politique,
dénoncer les agissements des institutions enropéennes).
The Image of Oneself in Persuasive Discourse. An Enunciative and
Pragmatic Approach Following the Example of Some Discourses By
the Members of the European Parliament
Summary
The article constitutes an attempt to locate certain observable persuasive strategies in the speeches of the European deputies. Parliamentary interventions about
the accession of Turkey to the EC in their written version, placed on the website
of the Parliament, were analyzed. They acted on the image of oneself or ethos
that speakers choose to make their words more persuasive. The concept of ethos
is presented starting from its ancient source (Aristotle) and then its contemporary
meanings in linguistics (Ducrot, Kerbrat-Orecchioni, Maingueneau) is given. The
nine images/ethos suggested are analyzed in terms of the analysis of the speech
(including scene, generic scene and scenography), of pragmatic cognition (ideology,
pragmatic contextual structure) and the énonciation (axiologic subjective expressions): disappointed, the best pupil, exculpator, cheerleader, demanding reconciler,
“knowing more”, defender of the peoples/countries oppressed by Turkey, unconditional optimist, master of admonishing. The article then tries to show which are
the political and universal values defended by the strategies thus defined (openness
towards other countries/people, historical responsibility, reconciliation, defending
the European identity, defence of human rights) as well as the pragmatic objectives
concerned (to encourage to vote for or against, to give an instruction to vote, to
give a positive image of a political party, to denounce the intrigues of the European
institutions ).
Jolanta Domańska-Gruszka
Instytut Filologii Romańskiej
Wydzial Neofilologii
Uniwersytet Adama Mickiewicza
Ul. Wieniawskiego 1
61-712 Poznań
Pologne
[email protected]
80
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Louis-Ferdinand Céline : entre romans et
pamphlets. L’ambiguı̈té d’une écriture
Kateřina Drsková
«Céline est une masse magnétique d’une telle puissance
qu’elle en arrive à dérégler plus d’une boussole. »1
L’œuvre littéraire de Louis-Ferdinand Céline semble concentrer en elle les deux
notions antithétiques qui circonscrivent le thème du présent colloque : grandeur et
décadence. Dit avec Henri Godard, selon le point de vue adopté on peut nommer
la langue célinienne « soit bonheur d’expression, saveur dont on s’enchante, soit
insuffisance de maı̂trise et relâchement ; signe de liberté ou de vulgarité ; enrichissement de la langue ou sa mise en péril.»2 Il en est de même du côté thématique de
cette œuvre : faut-il y voir plutôt pessimisme, cynisme, haine ou bien lucidité, humanisme, émotion ? Ces ambiguı̈tés qui sont suffisamment connues traversent toute
l’œuvre célinienne et en font même l’unité. Je me propose d’évoquer ici une autre
ambiguı̈té liée à l’œuvre célinienne, qui, cette fois, divise cette œuvre en deux sous-ensembles majeurs dont on a du mal à concevoir la coexistence et la relation : les
romans (textes déclarés tels par l’auteur) et les écrits polémiques (les pamphlets).
Les romans
L’œuvre romanesque de Céline s’ouvre en 1932 et comprend deux séries de romans:
ceux avec le narrateur Ferdinand – Voyage au bout de la nuit (1932), Mort à crédit
(1936), Guignol’s Band I (1944), Guignol’s Band II – Le pont de Londres (1964) –
et ceux dont le narrateur s’identifie explicitement à l’auteur – Féerie pour une autre
fois (1952), Casse-pipe (1948), Normance (1954), D’un château l’autre (1957), Nord
(1960) et Rigodon (1969). Ces deux séries d’œuvres romanesques sont séparées par
la publication de quatre pamphlets parus entre 1936 et 1941.
Alors que les romans de Céline sont bien connus, constamment réédités et traduits en de nombreuses langues, il n’en est pas de même pour ses pamphlets.
1 Godard,
2 Godard,
H. : Céline scandale, p. 23.
H. : Céline scandale, p. 31.
81
La publication des pamphlets
Mea culpa, le premier des pamphlets de Céline, est publié en 19363 chez Denoël
et Steele en un volume avec La vie et l’œuvre de Semmelweis, la thèse de Céline
consacrée au médecin hongrois Philippe Ignace Semmelweis. A la différence des
pamphlets suivants, Mea culpa est un texte court (une trentaine de pages à peine
alors que Les Beaux draps en compte plus que 200 et les deux autres plus que 300
chacun) qui s’en prend au communisme. Il a été écrit suit au séjour de Céline à
l’URSS.
En 1937, peu après le départ de Bernard Steele et le retrait de son nom de la
raison sociale des éditions, est publié par Editions Denoël le pamphlet Bagatelles
pour un massacre 4 , suivi en 1938 par L’École des cadavres 5 . En 1941, Les Beaux
draps 6 sort aux Nouvelles éditions françaises (fondées par Denoël en 1940). Pendant
l’occupation, ces ouvrages ont connu de nombreuses rééditions et réimpressions, y
compris des éditions illustrées.7 Les pamphlets ont atteint des tirages importants
pour l’époque : M.-C. Bellosta, en s’appuyant sur la Bibliographie des écrits de
Louis-Ferdinand Céline, mentionne qu’ « un relevé établi par les éditions Denoël fin
1947 donne un tirage total de 86 642 exemplaires pour Bagatelles pour un massacre,
de 38 281 exemplaires pour L’Écoles des cadavres, et l’on parvient à un total de
44 035 exemplaires pour Les Beaux draps. »8
Les pamphlets, on le sait, demeurent jusqu’à nos jours interdits de publication, à
l’exception de Mea culpa, qui a d’ailleurs été repris dans Cahiers Céline 7: Céline et
l’actualité, 1933–1961 (1987 ; nouvelle édition augmentée 2002). On sait peut-être
moins que cette interdiction n’émane pas des autorités officielles mais de l’auteur
lui-même. M.-C. Bellosta constate : « Que tant d’exemplaires aient été imprimés,
cela suppose aussi que cette entreprise éditoriale ne rencontra en son temps presque
aucun obstacle officiel. De fait, avant la victoire des démocraties, avant que, le
5 janvier 1945, les trois pamphlets ne figurent sur une liste des Ouvrages à retirer
de la vente établie par le Contrôle militaire des Informations (du ministère de
la Guerre), la diffusion de ces œuvres ne fut que fort peu entravée. »9 Certaines
restrictions ont été même dues à la volonté de l’éditeur et de l’auteur. La feuille de
garde de la 22e édition de L’École des cadavres porte, sur une étiquette collée, la
note suivante: «L’ÉCOLE DES CADAVRES n’est pas dirigée contre les personnes.
Elle attaque une politique. Afin de couper court à toute polémique particulière,
l’auteur et l’éditeur de ce livre ont résolu, d’accord, de supprimer les pages 17 et
18, 121 et 122, 301 et 302 de cette édition et de toutes les éditions qui suivront. »10
3 Mea
Culpa est mis en vente le 28 décembre 1936.
en vente le 26 décembre 1937, avec une bande-annonce : « Pour bien rire dans les
tranchées. »
5 Mise en vente le 24 novembre 1938.
6 Dans la collection « Les juifs en France ». Mise en vente le 28 février 1941.
7 Bagatelles pour un massacre, rééditions en 1941 et 1943 (édition illustrée), L’École des cadavres, rééditions en 1941 et 1942 (édition illustrée). Réimpressions nombreuses des Beaux draps.
D’après Bellosta, M.-C. : « Rééditer les pamphlets ? », Magazine littéraire hors-série 4, 2002,
p. 71. et Tettamanzi, R. : « Étudier les pamphlets. », Magazine littéraire 317, janvier 1994, p. 52.
8 Bellosta, M.-C. : « Rééditer les pamphlets ? », Magazine littéraire hors-série 4, 2002, p. 70.
9 Ibid., p. 71.
10 Céline, L.-F. : L’École des cadavres, 22e édition, 1938, page de garde.
4 Mise
82
En mai 1939, Céline et Denoël ont décidé de suspendre la vente de Bagatelles
pour un massacre et de L’École des cadavres (la suspension n’a pourtant duré
que quelques mois). L’École des cadavres a ensuite été condamné en juin 1939
par le tribunal correctionnel, suite à la plainte d’un médecin ; un passage du livre
a dû être supprimé et il a fallu payer une amende et des dommages et intérêts,
sans qu’aucune restriction à la vente ou à l’impression soit imposée. La vente des
Beaux draps a été interdite en zone libre en décembre 1941 et quelques dizaines
d’exemplaires ont été saisis.11
De retour en France, suite à son périple allemand et à la détention au Danemark,
Céline a décidé de ne plus autoriser la publication des trois pamphlets antisémites
et son ayant droit actuel respecte sa volonté.
L’antisémitisme des pamphlets
Quant au contenu des pamphlets, ouvertement raciste et antisémite, qui demeure
aujourd’hui l’argument principal contre la réédition de ces textes, les opinions sont
partagées : d’aucuns pensent que le racisme célinien est daté, particulier à son
époque et par conséquent dépourvu de pouvoir persuasif, d’autres ne partagent
pas cet avis.12 L’origine même du racisme du docteur Destouches reste également
ambiguë. D’après les uns, il était dû au milieu et à l’éducation. Pascal Pia cite
Marcel Aymé: «Céline était issu de ce milieu de petits commerçants parisiens, tous
plus ou moins antisémites, parce qu’au temps où ils étaient employés de commerce,
le juif symbolisait pour eux le patronat et qu’après s’être établis, ils avaient trouvé
en lui un redoutable concurrent accusé de ruiner le petit négoce avec le concours de
la banque juive. »13 Or, Pasacal Pia même ne partage pas cette opinion et rappelle
que les patrons des grands magasins qui représentaient une concurrence écrasante
pour les petites boutiques, n’étaient pas juifs. L’antisémitisme aurait été était plus
répandu dans la classe ouvrière avec laquelle les parents de Céline n’auraient eu
que peu de relations. « A mon sens, le hasard seul, une série de petits hasards
peut-être, on fait de Céline un antisémite, mais ce qui n’est pas accidentel, c’est
le désespoir congénital et, si l’on veut, métaphysique, dont son antisémitisme a
constitué l’une des expressions. »14 Quant à ces petits hasards, Pia fait allusion
au déboires que Céline a connus en tant qu’employé au dispensaire de Clichy (de
1929 à 1937). En effet, François Gibault, le biographe de Céline, en fait mention
dans Le temps des espérances 15 ainsi que d’un autre épisode datant de la même
période16 . Plusieurs fois Céline a été redevable de sa situation à l’aide de quelques
11 Bellosta,
M.-C.: «Rééditer les pamphlets?», Magazine littéraire hors-série 4, 2002, pp. 70–76.
M.-C. Bellosta remarque à ce propos : « Les tableaux que Céline trace du Juif et de son
emprise sur la société et l’histoire pourraient àtre contresignés par quelques fanatiques actuels. »
13 Cahiers de l’Herne No 5. Cité par Pia, P. : « L’art de se mettre dans son tort. », Magazine
littéraire hors-série 4, 2002, p. 69.
14 Pia, P. : « L’art de se mettre dans son tort. », Magazine littéraire hors-série 4, 2002, p. 69.
15 « Dès l’ouverture du dispensaire de Clichy, Ichok [Juif d’origine lituanienne, naturalisé
français en 1928] en fut nommé médecin-chef et Louis Destouches ne comprit jamais qu’on
lui ait préféré ce juif qu’il disait n’àtre ni français, ni médecin. . . et certains affirment qu’il en
fit un abcès de fixation. » Gibault, F. : Le temps des espérances, p. 284.
16 Tout en travaillant au dispensaire de Clichy, Céline était employé, entre 1928 et 1937, au
laboratoire Biothérapie. Après la publication de Bagatelles pour un massacre, le président du
conseil d’administration, M. Alpérine qui était juif, « lui fit alors comprendre qu’il ne pouvait
rester plus longtemps dans cette maison. » Gibault, F. : Le temps des espérances, p. 291.
12 Ibid.,
83
Juifs influents : c’est grâce à Ludwig Rajchman que Céline a été engagé en 1924
comme médecin de la section d’hygiène de la Société des nations et en 1928, toujours
sur la recommandation de Rajchman, le professeur Léon Bernard (représentant de
la France à la section d’hygiène de la SDN) l’a accueilli dans son service à l’hôpital
de Laennec, alors que Céline était dans une situation financière lamentable, son
cabinet médical marchant très mal.17
Toujours est-il que les pamphlets de Céline s’inscrivent dans le contexte des
années 30 du 20e siècle, où la société française connaı̂t, à partir de 1931, une dépression économique, des affaires comme celle d’Alexandre Stavisky (juif d’origine
russe, coupable d’une vaste escroquerie financière, dite le scandale juif ; Céline en
fait mention dans Bagatelles pour un massacre, p. 61) et où les passions antisémites
et xénophobes s’attisent. En 1938, suite à quelques crimes commis par des étrangers, l’opinion publique s’inquiète au sujet de la présence des étrangers en France ;
ainsi, en mai 1938, le ministre de l’Intérieur signe-t-il « des décrets qui renforçaient
le contrôle policier des étrangers, punissaient plus lourdement les contrevenants,
réorganisaient dans un sens restrictif l’octroi et le renouvellement des cartes d’identité [. . . ] »18
J.-F. Lavis, se penchant sur la composante idéologique des écrits céliniens, se
demande : « y a-t-il rupture entre Voyage au bout de la nuit et Bagatelles pour un
massacre? Le pamphlet Bagatelles pour un massacre assure-t-il ou non la continuité
de l’entreprise célinienne engagée avec le roman Voyage au bout de la nuit ? »19
La même question peut se poser quant à l’écriture célinienne : y a-t-il rupture
ou continuité entre les premiers romans de Céline et ses pamphlets ? Et entre les
pamphlets et la deuxième série de romans céliniens ?
Les écrits polémiques de Céline sont relativement peu connus du fait de leur
accessibilité problématique, mais ne sont pas pour autant introuvables. Néanmoins
cette situation a contribué à les mythifier en quelque sorte et à les envelopper
de mystère. D’autant plus, sans doute, en dehors de la France où l’on ne dispose
souvent que d’une image «seconde main» de ces textes. En 2006, Petr Dytrt écrit à
l’occasion de la publication en tchèque du premier volume de la biographie de Céline
par Gibault: «Surtout les pamphlets, la deuxième composante principale de l’œuvre
de Céline à côté des romans, demeurent voilés de mystère. Il faudra attendre encore
longtemps pour voir ce mystère enfin levé, vu le ton de confrontation virulent de ces
écrits. »20 Autre conséquence est une vision réductrice de ces textes, qui se résume
par l’équation pamphlets = antisémitisme, alors que « ces livres sont en effet des
pots pourris de thèmes divers »21 – et de genres divers. En effet on y trouve des
arguments de ballets, une nouvelle, des chansons, des vers ; Céline y traite aussi
bien de son voyage en Russie que de la littérature, de la critique littéraire, de la
presse, de l’Exposition et d’autres, mais tous ces sujets sont toujours en relation
avec sa propre personne, le touchent personnellement et ne tardent pas à ramener la
17 Gibault,
F. : Le temps des espérances, p. 292.
M. – Nouschi, A. – Schor, R. : La France de 1914 à 1940, p. 130.
19 Lavis, J.-F., Une écriture des excès: Analyse sociologique de Voyage au bout de la nuit, p. 10.
20 «Zejména pamflety, druhá stěžejní část Célinova díla hned po románech, jsou nadále zahaleny
rouškou tajemství a na jejich rozkrytí bude třeba vzhledem k jejich ostře konfrontačnímu tónu ještě
dlouho čekat. » Dytrt, P. : « Céline před koncem času nadějí. », Literární noviny 30/2006, p. 11.
C’est nous qui traduisons la citation en français.
21 Godard, H. : Céline scandale, p. 90.
18 Agulhon,
84
réflexion immanquablement au même thème: les sentiments antisémites de l’auteur.
L’antisémitisme est réellement au cœur de ces écrits. En ce sens Céline procède très
systématiquement, ou plutôt obstinément, c’est ce qui tient lieu de logique dans
ces textes autrement fort incohérents.
L’écriture des pamphlets
Juger les pamphlets sur le plan idéologique est une question difficile et épineuse
que je n’oserais pas aborder ; j’ai l’intention me pencher sur leur côté littéraire, plus
précisément stylistique. Quant au plan littéraire, Pierre-Edmond Robert affirme :
« Le lecteur d’aujourd’hui constatera que Voyage était déjà un pamphlet, un écrit
théorique, tandis que Bagatelles, avec la correspondance et Entretiens [avec le professeur Y ], participe aussi de l’autobiographie et, ébauche d’une théorie de la littérature, renvoie à la fiction. La boucle est bouclée.»22 Également Henri Godard, dans
sa Poétique de Céline, décèle, dans le domaine esthétique, une continuité évidente :
« les pamphlets [. . . ] jouent un rôle dans l’évolution de cette œuvre. Mais, sur la
plupart des points qui touchent à la poétique, [. . . ] les questions n’y sont pas posées dans les mêmes termes, et les principes qui régissent l’élaboration du style y
sont mis au service d’une finalité qui est de l’ordre de l’action, puisque le but est
d’infléchir le cours des événements en modifiant les conceptions des lecteurs. »23
Dans cet ordre d’idées Godard constate la même continuité au niveau thématique,
tout en relevant l’absence de caractère militant dans les écrits ultérieurs de Céline :
«Lorsque dans les romans Céline revient sur ces sujets, il n’y a plus ni prosélytisme
ni l’investissement affectif et fantasmatique qui rendent, à l’heure actuelle encore,
si pénible la lecture de la plus grande part des pamphlets. »24
Sur le plan de la narration, ce qu’apportent les pamphlets c’est le changement du
statut du je. Le je de Bagatelles est désigné aussi bien par le prénom de Ferdinand
(auquel correspondait déjà le je de Voyage au bout de la nuit et de Mort à crédit )
que par le nom même de Céline. « Les pamphlets ont ainsi joué [. . . ] un rôle capital
dans la transformation progressive de l’œuvre romanesque. Ils ont été le lieu et ont
fourni l’occasion du surgissement d’une identité d’auteur sur le seuil de laquelle
était jusqu’alors resté le narrateur des romans. Après eux, revenant au roman,
Céline conservera cette identité, même il la complètera et la précisera [. . . ] »25
En considérant le style des pamphlets on constate qu’ils contiennent tous les ingrédients de ce qu’on a l’habitude d’appeler le style célinien, tant sur le plan lexical
que syntaxique. Lexique populaire et argotique, vulgarismes, termes dépréciatifs
et injures, déformations et néologismes. Les injures sont nombreuses, vu l’hostilité
déclarée de ces textes. Absurdement c’est Céline qui se sent offensé et discriminé :
« c’est contre le racisme juif que je me révolte, que je suis méchant, que je bouille,
ça jusqu’au tréfonds de mon benouze26 ! . . . Je vocifère! Je tonitrue!»27 Les injures
et les vulgarismes sont la réalisation de l’agressivité langagière au moyen de laquelle
s’exprime cette révolte. Si en matière de vulgarismes la gamme d’expressions est
22 Robert,
P. E. : « Une théorie de la littérature. » Magazine littéraire hors-série 4, 2002, p. 78.
H. : Poétique de Céline, p. 14.
24 Ibid., p. 364.
25 Ibid, p. 293.
26 Pantalon (arg.).
27 Céline, L.-F. : Bagatelles pour un massacre, p. 72.
23 Godard,
85
relativement restreinte et limitée le plus souvent aux termes à connotation scatologique (merde, chier, foutre, cul, canaille, emmerdeur etc.), en matière d’injures
Céline déploie tout son talent, surtout qu’il ne se limite pas aux injures traditionnelles mais utilise différents procédés :
• accumulation et télescopage de termes injurieux (un sale truand vicieux, un
sale hystérique emmerdeur 28 )
• figures de style amplifiant l’effet des injures (allitération : face de fausse gouine 29 – la gouine = femme de mauvaise vie, prostituée ; face de fumier 30 ,
brutes bornées 31 ; homéotéleute : Honteux prostateux ! 32 )
• transformation en injure des mots originellement non injurieux ou simplement dépréciatifs (larves, rats) en les soulignant par un point d’exclamation.
Dans certains cas il reprend même ses créations lexicales antérieures (Pustulents ! 33 – cet adjectif créé par Céline à partir de pustulation se trouve déjà
dans Voyage et dans Mort à crédit et est mentionné en tant qu’hapax par le
TLF informatisé)
• création d’injures nouvelles (la critique pantachiote et culacagneuse 34 , bourreau superborgiesque 35 [= Staline], Dollardières espèces ! 36 [au sujet de certains Français]).
Non seulement que Céline déploie une gamme incroyable d’injures originales, la
spécificité tient aussi dans leur usage. En effet Céline injurie les autres (et non seulement les juifs comme l’on pourrait croire vu le caractère antisémite des pamphlets ;
il s’attaque aussi bien à ses compatriotes non-juifs, ses « frères de sang ») mais
à part cela il met bien souvent dans la bouche des autres des injures adressées à
lui-même. De cette façon il déclenche et justifie sa propre violence envers les autres,
afin qu’elle prenne une allure de défense légitime.
Les pamphlets sont particulièrement riches en néologismes, et non seulement
dans le domaine des injures. Les créations néologiques et diverses déformations lexicales participent du comique de ces textes aussi bien que de leur ton sarcastique et
rebelle, comme dans l’extrait suivant où Céline ironise sur le statut d’écrivain: «Un
raffiné valable [. . . ] officiel [. . . ] doit [. . . ] troufignoliser l’adjectif. . . goncourtiser. . .
merde ! enculagailler la moumouche, frénétiser l’Insignifiance, babiller ténu dans
la pompe, plastroniser, cocoriquer dans les micros. . . »37 ou dans celui où il s’en
prend aux Français : « A force de fluctuat vous finirez par merdgiturer ! »38
28 Ibid.,
p.
p.
30 Ibid., p.
31 Ibid., p.
32 Céline,
33 Céline,
34 Ibid., p.
35 Ibid., p.
36 Céline,
37 Céline,
38 Céline,
29 Ibid.,
86
45.
29.
45.
53.
L.-F. :
L.-F. :
26.
51.
L.-F. :
L.-F. :
L.-F. :
École des cadavres, p. 12.
Bagatelles pour un massacre, p. 15.
École des cadavres, p. 22.
Bagatelles pour un massacre, p. 11.
École des cadavres, p. 39.
Il est évident que le comique et le rire céliniens sont présents également dans les
pamphlets et que sur le plan de la langue, ils naissent des mêmes procédés qui les
font surgir dans les romans. Pourtant le comique des pamphlets est difficilement
acceptable et même difficilement avouable étant donné son association aux idées
d’antisémitisme et de haine.
Sur le plan sémantique se font remarquer par leur fréquence et par leur variété
les mots et expressions appartenant au champ lexical du scatologique, du répugnant
(les textes regorgent de merde, fiente, ordures, égout, gangrène, . . . ) et du vilain
(aliénation, connerie, imposture, vil, lâche, bas, . . . ).
Si dans Mort à crédit, qui précède les pamphlets, c’est le côté syntaxique qui
domine, où se situe l’essentiel de l’invention de l’auteur, dans les pamphlets c’est
incontestablement le côté lexical.
A propos du plan syntaxique H. Godard laisse entendre, sans entrer en détails, une certaine régression. Certes, la syntaxe des pamphlets est assez pauvre.
Céline renonce à utiliser systématiquement la dislocation, le que explétif, l’incise,
ses principales trouvailles dans Voyage et surtout dans Mort a crédit ). Certes, il a
systématiquement recours à quelques procédés syntaxiques relativement primitifs –
il profère ses idées à coups d’énumérations, de répétitions, d’exclamations, d’exagérations, utilisant le plus souvent la simple juxtaposition. Cela ne pourrait pas être
autrement, car ce qu’il présente n’est pas une argumentation logique, cohérente et
ordonnée. Il cherche à agir sur le lecteur d’une toute autre manière. Robert Poulet
désignant le discours des pamphlets de « jaillissement de borborygmes » est persuadé que l’apparente négligence de ce style dissimule en réalité un sévère contrôle
auquel n’échappe pas le moindre point d’exclamation.39 Car, d’autre part, c’est au
cours des pamphlets que semble s’élaborer le fameux style célinien émotif, violent,
« le style au plus sensible des nerfs ! C’est de l’attentat ! »40 , caractérisé par l’éclatement de la phrase, son caractère elliptique, l’invasion des trois points – les traverses
de ses « rails émotifs »41 –, les points d’exclamation en abondance. C’est ainsi que
Charles Plisnier, écrivain et essayiste belge, a pu écrire au sujet de Bagatelles pour
en massacre, tout en condamnant son contenu : « si j’analyse [. . . ] sa syntaxe, sa
terminologie, ses sonorités, je constate qu’elles créent justement cette incantation,
par laquelle le lecteur est mis en état de moindre résistance devant son entreprise.
Écrit dans un français traditionnel et correct, le pamphlet de Céline perdrait une
grande partie de sa vertu. »42
Afin d’illustrer les propos précédents, voici un court extrait de Bagatelles pour
un massacre, il s’agit d’une description de la ville de Paris :
« La seule banlieue possible d’une ville de quatre millions d’habitants c’est la
mer. La mer seule est assez puissante, assez généreuse pour assainir quotidiennement ce terrible infernal ramassis, cet effrayant conglomérat de pourritures orga39 Poulet,
R. : « Les Beaux draps [1941]. », Le Nouveau Journal [Bruxelles], 20 mars 1941.
Robert Poulet était un écrivain, journaliste et critique d’origine belge, exilé en France après la
seconde guerre mondiale, éditeur du Pont de Londres, la seconde partie de Guignol’s Band.
40 Céline, L.-F. : Entretiens avec le professeur Y, p. 86
41 « Mes trois points sont indispensables ! [. . . ] Pour poser mes rails émotifs ! . . . simple comme
bonjour ! . . . sur le ballast ? . . . vous comprenez ? ils tiennent pas tout seuls mes rails ! . . . il me
faut des traverses ! . . . » Céline, L.-F. : Entretiens avec le professeur Y, p. 94
42 Plisnier, C. : « Bagatelles pour un massacre. Un livre génial et malfaisant. », L’Indépendance
belge, 19 mars 1938.
87
niques, inhalantes, expirantes, chiatiques, fermenteuses, fébricilantes, virulogènes.
La ville la plus malsaine du monde, la plus emboı̂tée, la plus encastrée, infestée,
confinée, irrémédiable, c’est Paris ! dans son carcan de collines. Un cul-de-sac pris
dans un égout, tout mijotant de charognes, de milions de latrines, de torrents de
mazout et de pétrole bien brûlants, une gageure de pourriture, une catastrophe physiologique, préconçue, entretenue, enthousiaste. Population à partir de mai, plongée,
maintenue, ligotée dans une prodigieuse cloche aux gazes, littéralement à suffoquer,
strangulée dans les émanations, les volutes de mille usines, de cent mille voitures
en trafic. . . les dégagements sulfureux, stagnants de milion de chiots, absolument
corrodée, minée, putréfiée jusqu’en ses derniers hémoblastes, par les plus insidieuses, les plus pernicieuses ordures aériennes. . . Ventillation nulle, Paris un pot
d’échappement sans échappement. »43
En guise de conclusion
Au terme de la présente communication, le sujet est loin d’être épuisé, car le cas de
l’œuvre célinienne et de la place qu’y tiennent les pamphlets est particulièrement
complexe. Il n’y a sans doute qu’un moyen d’y voir clair: mieux connaı̂tre ces textes
pour les débarrasser du mystère et de leur réputation démoniaque, les considérer
sans parti pris et sans émotions. Henri Godard, que j’ai souvent cité en sa qualité
de spécialiste de l’œuvre célinienne, a – à mon sens – le mérite d’avoir montré la
voie dans son traité Céline scandale, où il propose une analyse systématique et
objective du rapport romans – pamphlets et romans – pamphlets – morale et du
scandale que les pamphlets ont suscité et continuent à susciter, soixante ans après.
BIBLIOGRAPHIE
a) écrits de Céline :
Céline, L.-F. : Bagatelles pour un massacre. Éditions Denoël, Paris, 1937.
Céline, L.-F. : L’école des cadavres, 22e édition, Éditions Denoël, Paris, 1938.
Céline, L.-F. : Les Beaux draps, Nouvelle éditions françaises, Paris, 1941.
Céline, L.-F. : Entretiens avec le professeur Y, collection Folio, Gallimard, Paris,
2006.
b) monographies :
Agulhon, M. – Nouschi, A. – Schor, R. : La France de 1914 à 1940. Nathan,
Paris 1993.
Gibault, F. : Céline : 1894–1932. Le temps des espérances. Mercure de France,
Paris, 1985.
Gibault, F.: Céline: 1932–1944. Délires et persécutions. Mercure de France, Paris,
1985.
43 Céline,
88
L.-F. : Bagatelles pour un massacre, p. 237.
Godard, H. : Poétique de Céline. Gallimard, Paris 1985.
Godard, H. : Céline scandale. Gallimard, Paris, 1994.
Lavis, J.-F. : Une écriture des excès : Analyse sociologique de Voyage au bout de
la nuit. Balzac – Le Griot éditeur, Montréal 1997.
c) articles :
Bellosta, M.-C. : « Rééditer les pamphlets ? », Magazine littéraire hors-série 4.
2002, pp. 70–76.
Dytrt, P. : « Céline před koncem času nadějí. », Literární noviny 30/2006, p. 11.
Pia, P. : « L’art de se mettre dans son tort. », Magazine littéraire hors-série 4, 2002,
pp. 67–70.
Plisnier, C. : « Bagatelles pour un massacre. Un livre génial et malfaisant. »,
L’Indépendance belge, 19 mars 1938.
Poulet, R. : « Les Beaux draps (1941). », Le Nouveau Journal [Bruxelles],
20 mars 1941.
Robert, P.-E. : « Une théorie de la littérature. », Magazine littéraire hors-série 4,
2002, pp. 76–78.
Tettamanzi, R. : « Étudier les pamphlets. » Magazine littéraire 317, janvier 1994,
pp. 50–52.
d) sites :
http://www.thyssens.com – site consacré à Robert Denoël (créé par Henri Thyssens,
libraire liégeois)
Louis-Ferdinand Céline: mezi romány a pamflety.
Dvojí podoba jednoho autorského stylu
Resumé
Louis-Ferdinand Céline vstoupil do literatury roku 1932 svojí románovou prvotinou Cesta do hlubin noci. Následovala série dalších románů, přerušená v letech
1936 až 1941 čtyřmi polemickými texty, protikomunistickým Mea culpa a antisemitskými pamflety Maličkosti k vraždění (Bagatelles pour un massacre), Škola
mrtvol (L’École des cadavres) a Pěkná brynda (Les Beaux draps). Pamflety vyšly
ve své době v relativně vysokých nákladech, po válce však sám autor jejich další
vydávání zakázal. Tento zákaz platí dodnes. Pamflety jsou dnes obtížněji dostupné
a proto také málo známé. Nabízí se otázka, zda se vydělují z Célinova literárního
díla, či jsou naopak jeho nedílnou součástí. Pokud jde o stylistickou rovinu, zdá
se, že představují důležitou etapu vývoje Célinova stylu, právě zde se utváří autorův známý emotivní styl. Jeho podstatnou složkou je i slovní zásoba. V pamfletech
89
jsou hojně zastoupeny výrazy hrubé, vulgární, skatologické, zvláštní složku tvoří
nesmírně rozmanité a vynalézavé urážky. Célinovy lexikální kreace jsou mnohdy
zdrojem jazykové komiky, nicméně ve spojení s nenávistným obsahem textů jde
o humor těžko přijatelný.
Louis-Ferdinand Céline : Between Novels and Pamphlets.
The Ambiguous Character of One Author’s Style
Summary
Louis-Ferdinand Céline entered literature in 1932, publishing his first novel
Journey to the End of the Night. The series of his next novels was interrupted in
the years 1936 to 1941 by four polemic texts: the anticommunist Mea Culpa and
the anti-Semitic Bagatelles pour un massacre, L’École des cadavres and Les Beaux
draps. Quite a large number of copies of the pamphlets were printed, but after
the war, the author himself forbade their further publication. This prohibition still
remains valid today. The pamphlets are quite hard to obtain, and therefore they
are not well known. Do they stand apart from Céline’s literary works or are they an
integral part of them? Concerning the style, they seem to be an important stage of
the evolution of Céline’s writing, contributing to the creation of the author’s famous
emotional style. A specific vocabulary is its main component. In the pamphlets,
many rude, vulgar and scatological terms can be found, and especially a great
variety of insults. Céline’s lexical creations are often comical, but in these texts
full of hate and racism this humour is hardly acceptable.
Kateřina Drsková
Katedra románských jazyků a literatur
Pedagogická fakulta
Jihočeská univerzita v Českých Budějovicích
Jeronýmova 10
371 15 České Budějovice
République Tchèque
[email protected]
90
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Deux visions sur le passé :
le problème du temps passé en néerlandais
dans les traductions littéraires tchèques∗
Wilken Engelbrecht
Introduction
Si un néerlandophone fait pour la première fois connaissance avec une langue ouest-slave comme est le tchèque, il est impressionné par le système casuel. Le tchèque
a sept cas, trois de plus que l’allemand, la langue dans les Pays-Bas pas trop aimée
à cause de la guerre mondiale, et ce qui est pire – les Tchèques les emploient tous.
Après quelque temps on se fait aux cas, mais c’est la façon d’usage temporel
des langues slaves qui est encore plus compliquée. Le système verbal est fondé sur
l’aspect. De l’autre côté, les étudiants tchèques et polonais ont assez de problèmes
à comprendre les différences entre tous les types de temps du passé en néerlandais.
La quintessence du problème est le caractère différent des deux langues. Le
tchèque est une langue synthétique, laquelle définit les relations dans la phrase au
moyen des désinences, tandis que le néerlandais est une langue analytique, où la
place des mots dans la phrase est décisive et où les désinences ont presque disparu.
En d’autres termes, d’un point de vue indo-européen le tchèque est une langue
avec une grammaire plus « archaı̈que », comme le néerlandais a eu dans un passé
plus lointain.1 Comme toutes les langues slaves, le tchèque est dans le domaine
morphosyntaxique plus proche de l’indoeuropéen.
Si le néerlandais était une langue purement analytique sans traits de l’aspect,
il serait plus aisément compréhensible pour les gens originaires d’une autre famille
∗ Je veux remercier ici Mme. Vladena Hecková (Grenoble) de sa révision linguistique française
et Mme Kateřina Křížová (Olomouc) et M. Ton van der Wouden (Leiden) de leurs remarques sur
le problème de l’aspectualité en tchèque et en néerlandais.
1 Loey, A. van : Schönfeld’s historische grammatica van het Nederlands. Zutphen 19596 ,
pp. 157–180, sur l’aspect p. 158.
91
linguistique. Le problème est, que ce n’est pas le cas.2 L’aspectualité, comme la
définit la grammaire normative néerlandaise académique Algemene Nederlandse
Spraakkunst (Grammaire générale du Néerlandais), joue un rôle assez important
dans le néerlandais. Le néerlandais, ainsi que les langues romanes, ont la structure
temporelle plus compliquée que les langues slaves. Ceci peut causer les difficultés de
compréhension aux gens de cette deuxième famille de langues. Dans la traduction
en langue slave le point de vue peut se déplacer considérablement par rapport au
dessein originel de l’écrivain néerlandophone.
Dans cet article je veux définir d’abord la conception de l’ «aspectualité» pour le
néerlandais et pour le tchèque. Puis je donnerai un sommaire du développement du
système temporel néerlandais à partir du néerlandais ancien jusqu’au néerlandais
moderne. Après je confronterai ce système avec le système aspectuel tchèque. Pour
terminer, je voudrais vous proposer quelques exemples des changements sémantiques, dus aux problèmes aspectuels. Nous allons voir ensemble trois extraits de
textes littéraires écrits par des écrivains néerlandais renommés et leurs traductions
faites par trois traductrices fameuses.
Définitions de l’aspectualité
La grammaire académique du néerlandais ANS définit la conception de l’aspectualité ainsi :3
L’aspectualité d’une phrase reflète notre idée de la structure temporelle interne
de la situation, à laquelle cette phrase se rapporte. C’est à dire : l’aspectualité dit
quelque chose sur la délimitation de la phrase dans le temps et sur la façon dont
nous devons comprendre le cours de la phrase et sa construction temporelle interne.
Cette structuration n’est pas présente dans la situation même, mais est attribuée
par nous par notre choix des éléments dans la phrase, qui rendent la situation en
question. Donc l’aspectualité de la phrase indique comment le concept est structuré,
qui nous avons d’une certaine situation.
Ensuite l’ANS donne quelques classifications, sur lesquelles je reviendrai plus
tard dans ma comparaison avec la langue tchèque. La grammaire académique
tchèque Mluvnice češtiny définit l’aspect de cette manière :4
L’aspect est défini comme le moyen morpholexicologique non-conjugué du verbe,
lequel fait part de la fonction réflexive du verbe. Vu son caractère l’aspect se trouve
à la frontière de la grammaire et du lexique. Pour cela il est considéré normalement comme une catégorie lexicogrammaticale ou grammaticolexicale. D’ailleurs,
2 Les anciennes grammaires slaves disent, que les langues germaniques n’ont pas d’aspect, voir
par exemple Beneš, E. : Základní mluvnice němčiny. Praha 19622 , p. 176 ; Czochralski, J. :
Verbalaspekt und Tempussystem im Deutschen und Polnischen. Eine konfrontative Darstellung.
Warszawa 1975, pp. 13, 208. Les ouvrages modernes slaves avouent une certaine notion d’aspectualité dans les langues germaniques, voir Morciniec, N. : Zarys gramatyki niderlandzkiej. Wroclaw
19956 , pp. 81–82. Par contre le linguiste néerlandais Henk Verkuyl et ses étudiants affirment, que
les langues germaniques ont l’aspect justement comme les langues slaves, voir Mlynarczik, A. –
Verkuyl, H. : « Hoe Germaans is het Pools aspect en hoe Slavisch het Nederlands ? », Neerlandica
Wratislaviensia 12 (1999), pp. 135–158 ; Mlynarczik, A. : « Aspectuele overeenkomsten tussen
het Pools en het Nederlands », Nederlandse Taalkunde 6 (2001), pp. 272–289.
3 Haeseryn, W. et al. : Algemene Nederlandse Spraakkunst 2, Groningen & Deurne 19972 ,
p. 1 662.
4 Petr, J. et. al. : Mluvnice češtiny 2, Praha 1986, p. 179.
92
l’aspect n’est pas de moyen syntaxique, mais son usage syntaxique est subordonné
au contexte et à la structure de la phrase ; par exemple l’aspect peut être une condition pour les différences de temps, modalité, genre verbal ou notre notion d’une
situation comme actuelle ou non-actuelle.
Donc la définition tchèque dit en effet d’une manière un peu plus compliquée
le même que la grammaire néerlandaise. Néanmoins, nous ne savons encore pas
comment l’aspect fonctionne pratiquement.
Développement historique
Afin de vous faire comprendre la situation, je me retourne avec vous à la période
où le néerlandais fût encore jeune. Le verbe du néerlandais ancien – la période
entre environ 750 et 1 150 après Christe – eut quatre modes, l’infinitif, l’indicatif,
le conjonctif et l’impératif, et seulement deux temps, le présent et le prétérit. Le
présent indiquait aussi le futur et le prétérit marquait toutes les situations du
passé.5
La possibilité d’indiquer des événements futurs au moyen d’un verbe présent
fonctionne aussi en néerlandais moderne, voir des phrases comme :
Morgen ga ik naar school. (Demain je vais à l’école)
Cette situation est normale en tchèque. Le tchèque fait normalement usage d’un
verbe perfectif dans le présent pour indiquer un événement futur.
Zítra jdu do školy. (Demain je vais à l’école)
Le néerlandais ancien exprima la notion du parfait avec le préfix gi-. Donc la
forme gesag put signifier ik heb gezien (j’ai vu). Les patrons verbaux périphrastiques
du type verbe auxiliaire hebben ou zijn en combinaison avec le participe passé
se développaient déjà dans le néerlandais ancien pendant le neuvième siècle. La
différence en formation des temps parfaits entre les verbes transitifs et intransitifs
date de la même période. C’est aussi une chose inconnue dans les langues slaves.
L’interprétation normale est, que la phrase ik heb het huis gekocht (j’ai acheté la
maison) signifia d’abord ik bezit het huis in gekochte staat (je possède la maison
puisque je l’ai achetée), et que le sujet ik fut combiné plus tard avec le participe
gekocht. Aussi la formation du futur périphrastique au moyen de sullen date déjà du
néerlandais ancien, bien qu’il n’ait apparu qu’à la fin de cette période, au onzième
siècle.6
La formation du futur périphrastique et des formes passives pendant les treizième et quatorzième siècles a conclu le système temporel néerlandais. Il paraı̂t
schématiquement ainsi :
5 Wal, M. van der – Bree, C. van: Geschiedenis van het Nederlands, Utrecht 19942 , pp. 71–78,
96–99, 143–147. Quak, A. : « Oudnederlands », dans : Toorn, M. C. van den et al. : Geschiedenis
van de Nederlandse taal, Amsterdam 1997, p. 37–68, spécialement pp. 55–59, 61–64.
6 Wal – Bree (1994), pp. 152–153. Plus en profondeur : Duinhoven, A. M. : Middelnederlandse
syntaxis synchroon en diachroon 2. De werkwoordgroep. Groningen 1997, pp. 276–288.
93
passé
o. v. t.
(l'imparfait)
imparfait
présent
o. t. t.
(le présent)
futur
o. t. t. t.
(le futur)
parfait
v. v. t.
(le plus-que-parfait)
v. t. t.
(le passé composé)
v. t. t. t.
(le futur antérieur)
Officiellement les temps imparfaits rendent les instants et les temps parfaits
rendent les périodes conclus. Le système est donc formé comme une copie exacte
du système latin :
Temps
passé
présent
futur
Temps imparfaits
Néerlandais
Latin
Onvoltooid
Imperfectum
verleden tijd
Onvoltooid
Praesens
tegenwoordige
tijd
Onvoltooid
Futurum
tegenwoordig
toekomende tijd
Temps parfaits
Néerlandais
Latin
Voltooid
Plusquamverleden tijd
perfectum
Voltooid
Perfectum
tegenwoordige
tijd
Voltooid
Futurum
tegenwoordig
Exactum
toekomende tijd
Confrontation du néerlandais avec le tchèque
En cas d’application systématique de ce principe il est assez compréhensible pour
les étudiants de langue slave. Mais pourquoi le néerlandais peut-il souvent employer
un temps imparfait aussi bien qu’un temps parfait ? Quel temps doit-on employer
en traduction pour rendre l’intention exacte ?
La langue tchèque a formellement les mêmes notions temporelles comme le
néerlandais, donc passé, présent et futur :
passé
èas minulý
présent
èas pøítomný
futur
èas budoucí
La différence des deux langues est, que le tchèque ne peut pas exprimer directement par le verbe les notions du consecutio temporum, c’est-à-dire, la notion
que quelque chose doit être finie avant qu’une autre chose puisse se réaliser.7 Le
néerlandais emploie le système imparfait × parfait pour exprimer ces notions.
Le tchèque fonctionne d’une autre manière. La différence la plus importante verbale est celle de la perfectivité (dokonavost ) et de l’imperfectivité (nedokonavost ).
Une situation perfecte est une situation limitée. La situation est présentée comme
7 Karlík, P. et al.: Příruční mluvnice češtiny, Praha 20032 , p. 315. Karlík, P. et. al., Mluvnice
češtiny 3, Praha 1987, pp. 382–383, dit explicitement, que les verbes tchèques ne peuvent jamais
exprimer des temps chronologiquement exactement définis.
94
accomplie ou laquelle sera finie avant de l’effectuation du contenu sémantique.8
Pour le tchèque c’est la forme basale du verbe. La notion de l’imperfectivité rend
une situation sans bout inhérent. C’est-à-dire que la situation peut continuer ou le
parleur peut laisser à côté la notion finie/infinie. Voir :
perfectif
Poté, co jsem mu dal
korunu, odešel
Odejde hned, jakmile
mu dám korunu
imperfectif
dával jsem mu korunu
(ale odmítl ji).
dávám mu korunu
budu mu dát korunu
traduction
Après que je lui avais
donné une couronne, il
est reparti
Dès que je lui aurai
donné une couronne, il
repartira
traduction
Je lui donnai une
couronne (mais il l’a
refusée) (après que) je
lui avais donné une
couronne, . . .
Je lui donne une
couronne
(maintenant/dans un
instant)
Je suis en train de lui
donner une couronne
Je lui donnerai une
couronne
interprétation
Il a le coin
Il aura le coin
interprétation
Nous ne savons pas, s’il
a le coin encore
Il obtiendra le coin
(mais je ne sais pas ce
qu’il fera, s’il
l’acceptera ou non)
L’action est transférée
au futur non défini
Comme dans notre exemple la plupart des verbes tchèques existent dans deux ou
plusieurs formes parallèles avec la même signification sémantique, mais exprimant
divers aspects. Ces aspects sont perfectifs × imperfectifs et dans l’imperfectivité
existe encore une itérativité (une action se répétant non-actuelle) × action (purement) imperfective (l’action est nommée sans identification exacte de sa terminaison) :9
verbe
+perfectif
(dát)
–perfectif
+itératif –actuel
(dávat)
–itératif
(dávat, povídat)
8 Ibid., p. 318, voir aussi Haeseryn (1997), p. 1 662, et Šticha, F. : « Čas slovesný (tempus) »,
dans : Karlík, P. et. al. : Encyklopedický slovník češtiny, Praha 2002, pp. 61–62.
9 Schéma donné par Petr, J. et al. : Mluvnice češtiny 2, Praha, 1986, p. 180. Voir pour
« itérativité » vs. « Aktionsart » aussi Nübler, N. : « Iterativnost (frekventativnost, násobenost,
opkaovanost) », dans Karlík (2002), pp. 188–189.
95
À côté des verbes dans deux ou trois versions, formant la version perfective ou
imperfective au moyen d’un préfixe ou suffixe, le tchèque a deux types de verbes
ayant seulement une forme aspectuelle. Ce sont les verbes modaux qui ont souvent
seulement une forme imperfective et qui forment la version perfective par un autre
verbe, et les verbes d’emprunt du latin comme organizovat et studovat, qui ont
formellement aspects doubles. Les derniers peuvent former une forme spécifique
perfective par addition d’un préfixe : zorganizovat, dostudovat.
Les exemples donnés par la grammaire académique néerlandaise ANS, nous
permettent de conclure que l’interprétation imperfective ou perfective en néerlandais dépend fortement des circonstances. Cet aspect est tout à fait sans rapport
au temps usé. La seule chose qui importe, est le bout inhérent ou non-inhérent de
la situation.10 Voici des situations sans bout inhérent (donc de l’aspect partout
imperfectif ) :
Kaj liep in het Zwarte Woud (Kay marchait dans le Forêt Noir > imperfectif –
Peut-être Kay marche là-bas encore)
Erik bleef maar tegen de bal schoppen. (Éric donnait des coups de pied au
ballon > action répétée)
Petra is lang. (Petra est grande > une situation non finie)
En néerlandais chaque situation imperfective se change après sa terminaison
automatiquement dans une situation perfective.
Kaj heeft in het Zwarte Woud gelopen (Kay a marché dans la Forêt Noire >
perfectif – maintenant il ne marche pas là)
Suite d’une situation de bout inhérent est aussi perfective :
Kaj reed zijn auto stuk (Kay a détruit sa voiture > perfectif – il ne peut plus la
conduire, l’auto est cassée)
Erik schopte tegen de bal (perfectif – un instant promptement terminé).
Petra at een appel op. (un instant terminé déjà au moment d’observation).
Par contre dans les langues ouest-slaves la temporalité est dans la plupart des
cas définie par le contexte :11
Tous les deux phrases Když šel za ní, zapomínal na vše et Když šel za ní,
zapomněl na vše signifient : Du moment, qu’il viendra chez elle, il oubliera tout.
Čekali jsme na ulici, peut signifier dépendant du contexte : Nous avons attendu
dans la rue ; nous attendions dans la rue ou nous attendı̂mes dans la rue.
Quelques exemples littéraires
Cette différence du point de vue donne des difficultés d’interprétation surtout dans
les traductions littéraires. Je donne maintenant trois exemples, dans lesquels je
confronte le texte néerlandais avec la traduction tchèque.
Le premier texte est du roman de Margriet de Moor Eerst grijs dan wit dan
blauw (Gris d’abord, puis blanc, puis bleu).12 C’est le moment où Robert Noort se
10 Haeseryn
(1997), p. 1 662–1 663 avec les exemples présentés ici.
(2002), p. 529 ; Karlík (2003), pp. 319–320.
12 Le roman est traduit en français par Marie Hooghe comme Gris d’abord puis blanc puis bleu.
Paris 1993.
11 Karlík
96
souvient de la disparition de sa femme tchèque Magda. Il s’agit d’un récit avec une
alternance du présent de narration, du parfait et imparfait :13
« Hij heeft diep geslapen. Gespreide armen en benen, open mond, grondeloze
overgave. Een bleekrode zon klimt boven de bollenvelden omhoog, het is nog vroeg,
het is een vroege ochtend in mei 1980, de avond tevoren heeft hij ontdekt dat zijn
vrouw verdwenen is. Nu probeert hij, half wakker, het hoofd weggedrukt in het kussen, met hand en tand vast te houden aan de comfortabele wereld van zijn droom.
Geen twijfel, geen misverstand, geen verraad. Het weten houdt gelijke tred met het
waarnemen. Er is geen enkele noodzaak je al te zeer te bekommeren om de levende
en de dode dingen : je maakt er deel van uit en dat is dat.
Ineens betrekt zijn gezicht. Zijn borstspieren verkrampen. Op volle sterkte
heeft de informatie van zijn geheugen hem getroffen : toen hij gisteren tegen tienen thuiskwam, moest hij teruglopen over het tuinpad en de voordeur met zijn
sleutel openen ; hij stapte op kranten en post ; in de donkere kamers hing een geur
van afwezigheid ; van de honden was geen spoor te bekennen. »
La traductrice tchéco-néerlandaise Magda de Bruin a fait cette traduction :14
« Spal tvrdě. Rozhozené ruce a nohy, otevřená ústa, bezedné odevzdání. Načervenalé slunce šplhá nad tulipánovými poli, je ještě brzy, je časné ráno v květnu
1980, večer předtím zjistil, že jeho žena zmizela. Teď se pokouší v polobdělém stavu,
s hlavou vtlačenou do polštáře, zuby nehty zadržet pohodlný svět svého snu. Žádná
pochybnost, žádné nedorozumění, žádná zrada. Vědomí udržuje krok s vnímáním.
Není potřeba příliš se trápit s živými a mrtvými věcmi : jsi jejich součástí a to je
všechno.
Náhle se zakaboní. Prsní svaly se stáhnou. Informace pamětí ho zasáhla plnou
sílou : když včera kolem desáté přišel domů, musel se vrátit po zahradní pěšince
a otevřít klíčem přední vchod ; šlápnul na noviny a na poštu ; v tmavých pokojích
se vznášel pach nepřítomnosti ; po psech ani vidu, ani slechu. »
Madame De Bruin se sert pour le présent de narration néerlandais dans le deuxième alinéa – betrekt, verkrampen – des formes imperfectives, parce que c’est le
résultat qui compte en tchèque. Le sens néerlandais est, néanmoins, plutôt perfectif.
Le problème est, qu’il n’existe pas de formes perfectives tchèques pour le verbe betrekken (s’assombrir) dans cette signification, mais il existe pour verkrampen (se
crisper) – en tchèque křecovitě se svírat, mais ce verbe fait une traduction moins
poétique. Un problème semblable concerne la phrase suivante. Le texte néerlandais
parle d’un souvenir qui lui a frappé avant les réactions corporelles instinctives. Puis
13 Moor, M. de: Eerst grijs dan wit dan blauw, Amsterdam 199421 , p. 63. Traduction française:
« On avait le sommeil profond. Les mains et jambes déployés, bouche ouverte, à corps perdu. Un
soleil roussâtre grimpe sur champs de tulipes, il est encore tôt, au petit matin du mai 1980, le soir
précédent il a constaté, que sa femme a disparu. Maintenant il essaie dans un état mi-réveillé, sa
tête enfouie dans l’oreiller, de retenir pied à pied le monde confortable de son rêve. Pas de doute,
pas de malentendu, pas de trahison. La conscience marche du même pas avec la perception. Il
n’est pas nécessaire de se torturer trop avec les choses vives et mortes : tu es leur partie et c’est
tout. Toute à coup son visage s’assombrit. Les muscles pectoraux se crispent. L’information de sa
mémoire lui affectait à pleine force : quand il est retourné hier sur les dix heures à la maison, il
devrait se retourner par la petite allée de jardin et ouvrir la porte d’entrée à la clef ; il marchait
dans les journaux et dans la poste; dans les chambres sombres s’imposait une puanteur d’absence;
des chiens rien à écouter ou voir. »
14 Moorová, M. de : Šedá, bílá, modrá. (traduit par Magda de Bruin-Hüblová). Praha 2000,
p. 55.
97
l’imparfait vif raconte le contenu de ce souvenir et ainsi parvient, qu’il se souvient
de toute la situation. Que le souvenir lui a frappé avant les réactions physiques, est
concevable pour la plupart des lecteurs tchèques. L’information est morfologiquement sur le même plan que les imparfaits qui décrivent le contenu du souvenir.
La vivacité et l’immédiateté de l’originel néerlandais se perdent néanmoins dans la
traduction.
Le deuxième texte est du roman De Aanslag (L’attentat) de Harry Mulisch.15
Dans la scène du premier épisode, juste avant l’attentat, le garçon Anton médite
sur une capsule laquelle a été conservée en Amérique dans l’an 1938 afin d’être
cachée pour une période de 5 000 ans :16
« Niemand zei iets. Ook buiten was geen geluid te horen. De oorlog was er altijd al geweest en zou er altijd zijn. Geen radio, geen telefoon, niets. De vlammetjes
suisden ; nu en dan klonk een zacht plofje. Met een sjaal om, zijn voeten in een
voetenzak die zijn moeder had gemaakt van een oude boodschappentas, las hij een
artikel in Natuur en Techniek. Op zijn verjaardag had hij de ingebonden, tweedehands jaargang 1938 gekregen. ‘Een Brief aan ons Nageslacht’. Op de foto keek een
groep welgedane amerikanen in hemdsmouwen omhoog naar een grote, glanzende
huls in de vorm van een torpedo, die verticaal boven hun hoofd hing en zodadelijk
vijftien meter diep in de grond zou worden neergelaten. Pas over vijfduizend jaar
zou de huls geopend mogen worden door het nageslacht, dat dan een indruk zou
krijgen der menselijke beschaving ten tijde van de Wereldtentoonstelling te New
York. [. . . ] Alle belangrijke bibliotheken en musea in de wereld hadden een oorkonde gekregen, waarop de plek van de met beton dichtgestorte ‘eeuwige schacht’
was aangegeven, opdat zij te vinden zou zijn in de zeventigste eeuw. Maar waarom,
vroeg Anton zich af, moest er juist tot het jaar 6 938 worden gewacht ? Kon het
niet al eerder interessant zijn ? »
Comme il fait plusieurs fois dans son oeuvre, Mulisch joue ici avec les temps
conditionnels et échange le parfait et le futur. Dans la traduction d’Olga Krijtová
le passage est devenu ceci :17
« Nikdo nic neříkal. Ani zvenčí nebylo nic slyšet. Jako by tu válka byla odjakživa
a měla trvat navždycky. Žádný rozhlas, telefon, nic. Jen plaménky syčely a občas
15 Le roman est traduit en français par Philippe Noble, Pocket 19861 ; Actes Sud, Éditions Babel
19931 , 20012
16 Mulisch, H. : De aanslag. Roman. Amsterdam 198311 , p. 18–19. Traduction française :
« Personne ne disait rien. Aussi à l’extérieur il n’était rien à écouter. Comme s’il fait déjà guerre
de toute éternité et si la guerre devrait durer pour les siècles. Pas de radio, pas de téléphone, rien.
Seulement les petites flammes frémiraient; de temps en temps crépitaient. Il était là avec un cache-nez autour de son cou et ses pieds dans la chancelière, que maman avait cousu d’un vieil sac à
provisions, et lisait un article dans le magazine Nature et technique. Comme cadeau d’anniversaire
il avait reçu l’ancienne année reliée du 1938. L’article s’appelait Une lettre à la génération future.
Une groupe des Américains riches, habillés seulement dans chemise sans veston, regardaient sur
la photographie en haut vers une grande armoire brillante de forme d’un torpédo, laquelle était
suspendue au-dessus de leurs têtes et que serait mise dans un instant sous terre. Apparemment
cette armoire devrait être ouverte pas avant cinq milles ans, enfin que la génération future puisse
faire connaissance avec le développement humaine du temps de l’Exposition Universelle de New
York. [. . . ] Toutes les bibliothèques et musées importantes du monde recevaient des actes dans
lesquels était indiquée la place, oů est le ‘puits éternel’ fermé par béton, enfin qu’il soit possible
de le trouver dans le soixante-dixième siècle. Anton mourait d’envie de savoir, pourquoi attendre
exactement jusqu’à l’an 6938. Comme si n’intéressait personne plutôt ! »
17 Mulisch, H. : Atentát. (traduit par Olga Krijtová). Praha 1986, p. 15.
98
tiše prskly. Seděl s šálou kolem krku a nohama v nánožníku, který mu maminka
ušila ze staré nákupní tašky, a četl článek v časopise Příroda a technika. K narozeninám dostal vázaný antikvární ročník 1938. Článek se jmenoval Dopis budoucímu
pokolení. Skupina blahobytných Američanů jen v košilích bez saka se na fotografii
dávala vzhůru na velkou lesklou schránku ve tvaru torpéda, která jim visela kolmo
nad hlavou a měla být co nevidět spuštěna patnáct metrů pod zem. Otevřít se prý
smí až za pět tisíc let, aby se budoucí pokolení mohla seznámit s lidskou vzdělaností
z období Světové výstavy v New Yorku. [. . . ] Všechny důležité knihovny a muzea na
světě dostaly listiny s udáním místa, kde byla zalita betonem „věčná štola, aby se
podle toho dala najít v sedmdesátém století. Anton by rád věděl, proč se musí čekat
zrovna až do roku 6398. Jako by to nikoho nemohlo zajímat dřív! »
Les plus-que-parfaits ont disparu dans la traduction tchèque. Le premier « hadden gekregen » est remplacé par un prétérit perfectif, tant que le deuxième « was
aangegeven » est changé en un attribut. Le passage suivant « opdat. . . » a dans
le tchèque exactement le même sens. Les deux dernières phrases paraissent drôles
dans leur traduction exacte tchèque, parce que le lecteur tchèque ne comprend pas
le sens de tous ces subjonctifs. Afin de retenir un peu d’atmosphère de la rêverie
du garçon Anton, Krijtová fait usage de la forme ancienne by byl věděl, laquelle
indique un peu l’aspect perfectif de l’instant.
Le dernier exemple est de l’anthologie Alle verhalen de Jan Wolkers,18 traduit en
tchèque par la plus importante traductrice contemporaine du néerlandais Veronika
Havlíková. Dans le récit De dominee met de strooien hoed (Le pasteur au chapeau
de paille) nous voyons le narrateur avec sa famille sur la plage. La mère distribue
des brioches aux membres de la famille, mais le narrateur n’en pas envie:19 (Wolkers
1981 :105) :
« Ik had geen zin om te eten. Ik trok stukken van het broodje en wierp die, als
vader niet keek, naar een hond met een dikke kop en korte kromme poten, die op
een afstand hongerig naar ons stond te kijken. Ik gooide ze iedere keer iets verder
van hem af, zodat hij steeds dichterbij kwam om het brood op te eten. De slijmerige
kwabben aan zijn onderkaak kwamen vol zand te zitten. »
Il s’agit d’un texte ayant dans le néerlandais un caractère très imperfectif. La
traduction tchèque est formulée ainsi :
« Neměl jsem chuť k jídlu. Ulamoval jsem kousky housky a házel je, když se
otec nedíval, psovi s velkou hlavou a malýma křivýma nohama, který nás zpovzdálí
hladově pozoroval. Hodil jsem je vždycky kousek dál, takže musel jít pořád blíž, aby
mohl housku sníst. Hlenité laloky na spodní čelisti se mu obalily pískem. »
En employant une série de verbes imperfectifs – ulamovat, házet, dívat se –
la traductrice évoque l’atmosphère de l’originel néerlandais. La traduction tchèque
Hodil jsem je. . . pour l’originel néerlandais Ik gooide ze. . . , où la traductrice a choisi
18 Ce récit est traduit en français par Lode Roelandt, « Le pasteur au chapeau de paille, ». Les
lettres nouvelles, No spécial 1975.
19 Wolkers, J. : Alle verhalen. Amsterdam 1981, p. 105. Traduction française : « Je n’avais pas
d’envie de manger. Je tirais des pièces de mon pistolet et les jetais, quand le père n’a pas regardé,
à un chien de grosse tête et des pattes courtes courbées, qui nous regardait d’une certaine distance.
Chaque fois je jetais les pièces un peu plus loin de lui, afin qu’il s’approchait de plus en plus pour
manger le pain. Les plis muqueux de sa mâchoire inférieure s’emballaient de sable. »
99
un verbe perfectif pour traduire le verbe néerlandais itératif. C’est-à-dire qu’elle
présente la situation comme une série des événements conséquents et conclus.
Conclusion
Le néerlandais est une langue, où l’alternance des temps composés et imperfectifs
indique le sens de la situation par définition exacte des moments dans la série
des événements. Cette façon plutôt trop directe de s’exprimer du néerlandais est
pour les gens de langue slave difficile à traduire. De l’autre côté un texte slave
peut avoir dans la traduction néerlandaise un effet plus orné qu’il soit entendu
par l’auteur en réalité. La réception de la littérature étrangère dépend bien de la
capacité du traducteur, de son compréhension des nuances dans le texte source et
de son aptitude de les rendre dans leurs équivalents exacts dans le texte cible.
BIBLIOGRAPHIE
Haeseryn, W. et al.: Algemene Nederlandse Spraakkunst Band 2. Groningen & Deurne 19972, chap. 30 « Aspectualiteit » (pp. 1 661–1 677).
Karlík, P. et al. : Encyklopedický slovník češtiny. Praha 2002.
Karlík, P. et al. : Příruční mluvnice češtiny. Praha 20033 .
Petr, J. et al. : Mluvnice češtiny. Praha 1986–1987, 3 vols.
Toorn, M. C. van den et al. : Geschiedenis van de Nederlandse taal. Amsterdam
1997.
Vandeweghe, W. : Grammatica van de Nederlandse zin. Leuven & Apeldoorn
20012 .
Wal, M. van der – Bree, C. van : Geschiedenis van het Nederlands. Utrecht 19942 .
EXEMPLES TEXTUELS
Moor, M. de : Eerst grijs dan wit dan blauw. Roman. Amsterdam 199421 (1e
édition 1991).
Moorová, M. de: Šedá, bílá, modrá. (traduit par Magda de Bruin-Hüblová). Praha
2000.
Mulisch, H. : De aanslag. Roman. Amsterdam 198311 (1e édition 1982).
Mulisch, H. : Atentát. (traduit par Olga Krijtová). Praha 1986.
Wolkers, J. : Alle verhalen van Jan Wolkers. Amsterdam 1981.
Wolkers, J. : Model. (traduit par Veronika Havlíková). Praha 1997.
100
Dvě vize na minulost : problém nizozemských minulých časů v českých
literárních překladech
Resumé
Příspěvek porovnává časový systém nizozemštiny se systémem českého vidu.
Autor prezentuje stručný přehled obou systémů a „aspektuality
podle oficiální
definice akademických mluvnic obou jazyků (Haeseryn 1997, Petr 1986, Karlík
2003). Dále prezentuje tři textové příklady (De Moor, Mulisch, Wolkers), které
ukazují, jak praktická neexistence tzv. consecutio temporum v češtině může změnit
význam původního nizozemského textu.
Two Views on the Past: the Problem of the Past Tense in Dutch in
Czech Literary Translations
Summary
The paper confronts the temporal system of the Dutch language with the aspectual system of the Czech language. First, both systems are presented and a
definition of aspectuality is given according to the academic grammars of both
languages (Haeseryn 1997, Petr 1986, Karlík 2003). Three examples are given
(De Moor, Mulish, Wolkers) to show how the absence of the so-called consecution
temporum in Czech can change the sense of the original Dutch text.
Wilken W. K. H. Engelbrecht
Katedra nederlandistiky
FF UP v Olomouci
Křížkovského 10
771 80 Olomouc
République Tchèque
[email protected]
101
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
El laberinto del lenguaje embrujado
(Estilo posmoderno y literatura:
la oratoria inadecuada de Eduardo Mendoza)
Jiří Chalupa
«La vida no ofrece a nadie una segunda oportunidad y si la ofreciera, siendo los mismos que somos,
no nos serviría para nada.»
Eduardo Mendoza
«Si la novela es buena, tanto las preguntas como las respuestas son irrelevantes», dice John Irving en la Introducción a su famosísima novela El mundo según
Garp.1 Aquí podría dar por terminada mi ponencia aún antes de empezarla porque,
claro está, no tiene mucho sentido comentar novelas malas, por más que abunden
en nuestro mundo. Pero supongamos por un rato que el renombrado escritor estadounidense se ha equivocado esta vez, y que, a pesar de su escéptico agnosticismo
literario, puede tener cierto sentido indagar en la estructura de una buena novela,
o de unas buenas novelas, en nuestro caso. Ya en su primera gran obra La verdad
sobre el caso Savolta (1975), Eduardo Mendoza ha demostrado de un modo más
que convincente que entre sus principales virtudes pertenece la capacidad de utilizar y mezclar con una admirable maestría diferentes discursos y estilos narrativos.
El sofisticado e irrepetible juego lingüístico de Mendoza luego se irá desarrollando
sobre todo en su tríptico El misterio de la cripta embrujada (1979), El laberinto de
las aceitunas (1982) y La aventura del tocador de señoras (2001), novelas repletas
de situaciones surrealistas y personajes caricaturescos. Es una trilogía de textos
sobre los cuales los críticos difieren bastante a la hora de encasillarlos: ¿son parodias de la novela negra2 y del relato gótico, una picaresca del siglo XX, un nuevo
género de literatura postmoderna o simplemente una manera de entretener a los
1 Irving,
J., El mundo según Garp, pág. 9.
lo menos, en parte lo son, sin duda alguna; recordemos inolvidables metáforas en el pleno
estilo antiMarlowe, como p. ej.: «–Ni una maña o te dejo la cara más aplastada que el producto
interno bruto.» Mendoza, E., El laberinto de las aceitunas, pág. 13.
2 Por
103
lectores y a sí mismo por parte de un autor que se siente un poco cansado de la
gran literatura? Y el concierto estilístico mendoziano culmina con la absurda sátira titulada Sin noticias de Gurb (1990), probablemente la novela más original de
toda la ciencia-ficción hispana. Si bien, a primera vista, las alucinantes aventuras
del pseudodetective X (no sabemos con certeza cuál es su nombre verdadero, y en
cuanto a su auténtica identidad, perfectamente cabría utilizar el adjetivo borrosa),
protagonista de la trilogía arriba mencionada, no tienen mucho que ver con la frenética búsqueda de un extraterrestre extraviado en la Barcelona preolímpica, un
lector atento pronto llegará a la conclusión de que hay evidentes puntos comunes:
en primer lugar, una visión crítica —y paródica al mismo tiempo— de la sociedad española observada y analizada en coordenadas cronológicas y sociopolíticas
muy concretas; en segundo lugar, el incesante esfuerzo de Mendoza por descubrir
y ensayar todas las posibilidades estilísticas que ofrece el español en sus mil y una
variantes sociolingüísticas. Los cuatro textos rebosan de ironía que a veces roza
los límites de un sarcasmo inmisericorde, todo sazonado con un humor bastante
especial y específico. Y precisamente éstos son los fenómenos a los que queremos
dedicar nuestro artículo.
Lo que más destaca en el estilo de Mendoza es su peculiar procedimiento estilístico que consiste en ofrecer al lector un inusitado y sorprendente espectáculo en el
cual los personajes recurren a unos registros lingüísticos que no les son propios ni
por su condición intelectual, ni por su extracción social. Pongamos como ejemplo al
protagonista estrambótico de la trilogía policíaca, un hombre supuestamente loco,
encerrado en el manicomio, un ser pobre que vive al margen de la sociedad, si
no ya directamente fuera de ella, un personaje con claras inclinaciones pedófilas,
careciente de una mínima educación. Presionado por las circunstancias, este individuo se transforma en accidental detective —o quizás antidetective— que pasa
por las más originales y disparatadas aventuras, obteniendo a modo de recompensa
un par de botellas de Pepsi-Cola, su bebida preferida. Un lector acostumbrado a
la literatura tradicional esperaría —y exigiría— que tal personaje se expresara en
términos adecuados a su estatus. Para su gran sorpresa, no obstante, ocurre todo
lo contrario y nuestro antihéroe picaresco habla de la siguiente manera:
Siempre he sido partidario, no sé si con error o acierto, de resolver por mí mismo
los problemas que la suerte ha ido erigiendo a mi paso. Los resultados a la vista están.
Esta vez, no obstante, ni soy yo el único implicado en este lío ni son mis fuerzas
tales que aun delirante osara medirlas con las de un adversario que a todas luces nos
sigue, nos espía y amenaza y lo seguirá haciendo hasta que logre llevar a término sus
maléficos propósitos o sea vencido en su terreno.3
Hace décadas, algo parecido —aunque un tanto distinto al mismo tiempo—
podía leerse en Tiempo de silencio de Luis Martín Santos y los críticos literarios
de aquellos tiempos bautizaron aquel método como oratoria inadecuada. En el
caso de Mendoza, podemos rastrear una técnica análoga. El protagonista de su
trilogía posee una increíble capacidad de mimetismo e improvisación y sabe imitar,
cuando se lo propone, el modo de hablar de casi todas las clases características que
componen la sociedad de sus tiempos, y como no es ningún tonto, muchas veces
3 Mendoza,
104
E., El laberinto de las aceitunas, pág. 162.
utiliza este recurso para salir ileso de los numerosos líos en los que se mete sin
parar:
Soy, en efecto, o fui, más bien, y no de forma alternativa sino cumulativamente, un
loco, un malvado, un delincuente y una persona de instrucción y cultura deficientes,
pues no tuve otra escuela que la calle ni otro maestro que las malas compañías de
que supe rodearme, pero nunca tuve, ni tengo, un pelo de tonto: las bellas palabras,
engarzadas en el dije de una correcta sintaxis, pueden embelesarme unos instantes,
desenfocar mi perspectiva, enturbiar mi visión de la realidad. Pero estos efectos no
son duraderos; mi instinto de conservación es demasiado agudo, mi apego a la vida
demasiado firme, mi experiencia demasiado amarga en estas lides.4
En palabras de José Colmeiro: «el protagonista sin nombre. . . se adapta de
manera camaleónica a las más diversas situaciones fingiendo personalidades diferentes, cambiando de nombre, utilizando variados disfraces y apropiándose de los
códigos lingüísticos ajenos más indicados según la ocasión y el interlocutor.»5 La
pronunciada tensión entre lo alto del lenguaje utilizado y lo bajo de la situación
descrita es continua. Así describe nuestro protagonista la situación que se produce
cuando experimenta eyaculaciones en público: «mis sueños. . . fueron tomando un
cariz marcadamente erótico y culminaron en una incontrolable emisión seminal,
para instrucción de los niños que en el vagón había.»6 El X es muy consciente del
enorme poder del lenguaje y lo aprovecha, a su modo, para arreglárselas en un
mundo en el que sin engaños y trucos siempre llevaría las de perder.
Estamos firmemente convencidos de que en el caso de Mendoza esta oratoria
inadecuada no es puro entretenimiento y mero juego intelectual, sino una manera
sofisticada de ridiculizar eficazmente los cánones, reglas, esquematismos y prejuicios de nuestra gran civilización occidental. Sin duda alguna, Eduardo Mendoza
puede ser considerado uno de los príncipes del posmodernismo español. Y el posmodernismo suele emprender frecuentes y duros ataques contra el legado del pensamiento metafísico basado en la idea —o tal vez la obsesión— de que el sentido
del universo, de la existencia de las cosas, de la vida humana está escondido en
algún texto (la Biblia, el Corán, las obras completas de Carlos Marx, los artículos de Bakunin o de Milton Friedman, etc.), y la única tarea de los intelectuales
radica en la interpretación correcta de dichos textos. El posmodernismo dice que
cualquier descripción del mundo es al mismo tiempo interpretación y valoración
de éste. Y cada descripción inevitablemente contiene también una prescripción de
cómo debería ser este universo. Por lo tanto, cualquier descripción y prescripción
es necesariamente individual y puede poseer un valor y una validez exclusivamente
relativos. Lo malo y peligroso es que cada versión del mundo tiende a aceptar sólo
las descripciones y prescripciones que la confirman de alguna manera y de allí la
inquisición, la censura, los manicomios soviéticos para los mentalmente enfermos
que se atrevieron a criticar el socialismo comunista, etc. Desde este punto de vista,
el régimen menos malo resulta ser la democracia liberal (por más sosa, mediocre y
corrompida que nos pueda parecer) porque protege a través de las leyes también a
4 Mendoza,
E., El misterio de la cripta embrujada, pág. 15.
J. F., La novela policiaca española. Teoría e historia crítica, pág. 202.
6 Mendoza, E., El misterio de la cripta embrujada, pág. 89.
5 Colmeiro,
105
los herejes que ofrecen unas interpretaciones nuevas e inquietantes, y nos hacen ver
lo limitadas que son nuestras versiones del mundo. Las grandes catástrofes de la
historia humana —el exterminio de los indios, las cazas de las brujas europeas, las
guerras religiosas, el nacismo, el comunismo estalinista, etc.— son resultados de la
inquebrantable fe de ciertos hombres en su versión del mundo y de su incapacidad
total de oír y contemplar las de los demás. La tradición cristiana del Occidente
durante muchos siglos hacía confiar a los hombres en que la historia de la humanidad es un continuo progreso, un camino hacia la perfección, una expedición hacia
la solución final, más o menos paradisíaca. Los filósofos del posmodernismo niegan
que la historia pueda desembocar en semejantes orgías de satisfacción, y pretenden
desarticular la percepción de lo histórico como sucesión. Si con el tiempo podemos
llegar a una sociedad donde se respeten un poco más los derechos humanos, donde
los jueces sean un poco más imparciales y donde el conocimiento de la realidad
sea un poco más objetivo, ya será más que suficiente. Mas mucho cuidado, porque
los mismos filósofos advierten que a lo mejor los hombres son incapaces incluso de
ponerse de acuerdo respecto a cómo es y debe ser un juez más imparcial, en qué
consiste un conocimiento más objetivo, etc. De esto se desprende que la principal
tarea de los defensores del posmodernismo es la de relativizarlo todo y subrayar
que cualquier objetividad es una objetividad de alguien que sirve a alguien, alguien
puede abusar de ella. Sólo de esta manera es posible evitar que los buscadores de
una objetividad absoluta se rompan mutuamente las cabezas. Tal vez lo que deban hacer los intelectuales es ir elaborando y ofreciendo al público sus versiones e
interpretaciones, describir el mundo basándose en lo que ellos mismos consideran
importante y valioso. El lector, el receptor, ya por su propia cuenta, elegirá lo que
le guste, lo que le parezca interesante o útil teniendo en cuenta que la verdad no
suele encontrarse en un punto equidistante entre las versiones presentadas, sino
en unas coordenadas inesperadas y sorprendentes. Dicho en otras palabras, Josep
Picó señala que la posmodernidad se da «como la crítica al discurso ilustrado y su
legitimación racional».7 Y Andreas Huyssen añade que «aquel optimismo inicial en
torno a la tecnología, los medios de comunicación y la cultura popular había dado
paso a unas valoraciones más sensatas y críticas: la televisión como contaminante
más que como panacea».8 En los sesenta, Jan Werich, un actor, escritor y muy original filósofo checo, resumió elegantemente esta postura relativista hacia el mundo
y el hombre, cuando a la pregunta «Nuestro universo, ¿tiene límites o no? ¿Cuál
de las dos opciones le convendría más a la humanidad?», respondió: «Creo que me
vendría muy bien un café».
El mismo Mendoza parece encajar bien dentro de esta clase de pioneros posmodernistas. En una entrevista de hace un par de años decía: «[Soy] un hombre de
principios, pero nunca me he tomado en serio ninguna ideología».9 Entre escéptico,
sarcástico y un poco cínico se muestra también consigo mismo. Así comenta sus
estudios de Derecho: «Nunca quería ser abogado [. . . ] Era porque sí estaba en la
tradición familiar y porque había que pertenecer al mundo universitario [. . . ] por
7 Picó,
J., Modernidad y postmodernidad, pág. 38.
pág. 211.
9 Entrevista a Eduardo Mendoza: Harguindey, A. S., «Mi primera lectura del ‘Quijote’», El
País, 18–04–1998.
8 Íbid.,
106
una especie de inercia de tobogán hice el Derecho».10 Y nuestro autor exige que
igualmente los lectores no se tomen demasiado en serio sus textos. Comentando su
novela La ciudad de los prodigios, lo exponía con mucha claridad:
[Es una historia que] nunca deja tranquilo al lector. El que se cree que es una
broma, tiene que llegar a pensar en algún momento que aquello es verdad. Y el que
cree que es verdad, en algún momento tiene que pensar: Me están tomando el pelo.11
Es lo que a mediados de los noventa Germán Gullón formulaba con las siguientes palabras: «la obra de arte posmoderna [en la que] encontramos lo real y lo
imaginario conjugados»;12 y, a lo mejor, no se equivocaba mucho Raymond Federman cuando ya hace veinticinco años afirmaba: «toda distinción entre lo real y
lo imaginario, entre lo conciente y lo subconciente, entre el pasado y el presente,
entre la verdad y lo no verdadero, será abolida».13 El mezclar continuamente los
lenguajes formales y populares, incluso en un mismo párrafo, forma parte de esta
tomadura de pelo. Si hojeamos las páginas de El misterio de la cripta embrujada,
enseguida nos encontraremos ante una muy peculiar mezcla de lo culto y ultraculto
—impetrar (rogar con suma humildad), columbrar (en vez de deducir o conjeturar), peculio (dinero o capital), ayuso (en el sentido de debajo de; una palabra
que incluso el DRAE marca como un término en pleno desuso)— con lo coloquial o
incluso vulgar —fetén (auténtico, bueno), casarse de penalty (casarse porque la novia está embarazada), trempera (erección), pelársela (masturbarse)— una mezcla
que es constante y a veces resulta bastante chocante. Mendoza dice al respecto:
Cuando trabajaba de traductor simultáneo, hablaba dos españoles muy distintos
entre sí. Uno en las sesiones formales y otro con mis compañeros. . . la convivencia de
estos lenguajes me parecía muy interesante. El resultado es muy chocante y te das
cuenta hasta qué punto vivimos en mundos separados.14
Recurriendo a su dominio indudablemente magistral de todos los registros del
castellano, Mendoza se ríe —y nos invita que participemos en la burla— del mundo
falso y vacío de la alta política. Así habla el alcalde de Barcelona, prototipo de un
«buen político» de nuestros tiempos:
Ciudadanas y ciudadanos, amigos míos, permitidme interrumpir vuestra vacía
cháchara para explicaros el motivo de esta convocatoria intempestiva y del sablazo
que la acompaña. Hace un momento nuestro gentil anfitrión, el amigo Arderiu, a quien
tanto debemos, sobre todo en metálico, me decía que el tiempo vuela. Al amigo Arderiu
10 Entrevista a E. Mendoza: Anónimo, «De lector a traductor»,
http://www.clubcultura.com/clubliteratura/clubescritores/mendoza/entrevista.htm,
[publicado: 25–06–2002].
11 Entrevista a E. Mendoza: Anónimo, «Cuestiones de estilo»,
http://www.clubcultura.com/clubliteratura/clubescritores/mendoza/entrevista4.htm,
[publicado: 25–06–2002].
12 Gullón, G., «El porqué de la literatura», pág. 37
13 Cit. por Bradbury, M., La novela norteamericana moderna, pág. 294.
14 Entrevista a E. Mendoza: Anónimo, «Cuestiones de estilo»,
http://www.clubcultura.com/clubliteratura/clubescritores/mendoza/entrevista4.htm,
[publicado: 25–06–2002].
107
Dios no le ha conseguido muchas luces; todos estamos de acuerdo en que es un imbécil.
Pero a veces, pobre Arderiu, dice cosas sensatas. Es cierto: el tiempo vuela. Acabamos
de guardar los esquís y ya hemos de poner a punto el yate. Suerte que mientras nos
rascamos los huevos la bolsa sigue subiendo. Os preguntaréis, ¿a qué viene ahora esta
declaración de principios? Yo os lo diré. Se avecinan las elecciones municipales. ¿Otra
vez? Sí, majos, otra vez. . . No hace falta que os diga que me presento a la reelección.
Gracias por los aplausos con que sin duda recibiríais este anuncio si no tuvierais las
manos ocupadas. Vuestro silencio elocuente me anima a seguir. Sí, amigos, vuelvo a
presentarme y volveré a ganar. Volveré a ganar porque tengo a mis espaldas un historial
que me avala, porque lo merezco. Pero sobre todo porque cuento con vuestro apoyo
moral. Y material. No será fácil. Nos enfrentamos a un enemigo fuerte, decidido, con
tan pocos escrúpulos como nosotros, y encima un poco más joven. Arderiu tenía razón:
el tiempo vuela, y hay quien pretende aprovecharse de esta enojosa circunstancia. Los
que pretenden tomar el relevo alegan que ya hemos cumplido nuestro ciclo, que ahora
les toca a ellos el mandar y el meter mano en las arcas. Tal vez tengan razón, pero
¿desde cuándo la razón es un argumento válido? Desde luego, no es con razones con
lo que me moverán de mi poltrona.15
Aquí, nos vuelve a la memoria el clásico esperpento valleinclanesco: si quiero
vislumbrar y descifrar una realidad deformada y distorsionada, tengo que utilizar
un espejo cóncavo. El alcalde de Barcelona habla con una sinceridad que en un político real y realista de nuestros tiempos es imposible observar, pero, por otro lado,
todos intuimos que en el fondo de las almas y los corazones de muchos líderes de
la Patria pululan precisamente las ideas que acabamos de escuchar de la boca del
gran prócer barcelonés. Mendoza pone al descubierto el lenguaje hueco y automatizado, mas sumamente eficaz, que blanden como un arma poderosa los numerosos
embaucadores mentirosos. Presenciemos la escena de Sin noticias de Gurb en la
que un extraterrestre despistado aprende en una agencia inmobiliaria cómo se hace
un verdadero bisnes:
10.00 Entra en la sala una señorita, y nos hace formar en tres grupos: a) el de
los que quieren comprar un piso para habitarlo, b) el de los que quieren comprar
un piso para blanquear el dinero negro y c) el de los que quieren comprar un piso
en la Villa Olímpica. Una pareja con un lactante y yo formamos el grupo a. 10.15
Los integrantes del grupo a somos conducidos a un despacho sobrio. A la mesa se
sienta un caballero de barba blanca, cuyo aspecto rezuma probidad. Nos explica que
la coyuntura es difícil, que hay más demanda que oferta y viceversa. Nos insta a
renunciar al engañoso binomio calidad-precio. Nos recuerda que esta vida no es más
que un valle de lágrimas de alto standing. A medio sermón se le desprende la barba
postiza, que arroja a la papelera.16
Mendoza es un maestro insuperable del arte de ridiculizar con su salvaje ironía
lingüística toda una institución en un espacio minúsculo. Aquí viene la imagen de
la policía española en tiempos de plena transformación postfranquista:
–Queda usted detenido y confiscado su maletín – me dijo uno de los policías–.
Tiene usted derecho a llamar a su abogado y, si lo precisa, a un intérprete, en el bien
15 Mendoza,
16 Mendoza,
108
E., La aventura del tocador de señoras, págs. 132–133.
E., Sin noticias de Gurb, pág. 50.
entendido de que el Estado español no se hace cargo de los gastos en que por todo
ello se pudiere incurrir. Y ahora tira palante, mamarracho.17
En aquel espejo esperpéntico podemos observarnos incluso a nosotros mismos
con nuestras obsesiones y manías, precisamente en aquel momento en el que un
alienígena va asimilando nuestro estilo de vida, es decir, se está humanizando:
07.00 Me peso en la báscula del cuarto de baño. 3 kilos, 800 gramos. Si tenemos en
cuenta que soy intelecto puro, es una barbaridad. Decido hacer ejercicio cada mañana.
07.30 Salgo a la calle dispuesto a correr seis millas. Mañana, siete; pasado, ocho, y
así sucesivamente. 07.32 Paso por delante de una panadería. Me compro una coca de
piñones y me la voy comiendo mientras regreso a casa. Que corra otro.18
La parodia llega muy lejos, y no se salva nadie y nada. ¿No sonará en el siguiente
párrafo un eco sarcástico de los grandes tremendistas de la posguerra?
No diré que recuerdo, sino que revivo como si aún estuviera inmerso en ellas, las
noches frías de invierno, tibias de primavera, en que toda la familia se recogía bajo
la luz cobriza de un candil en espera de que el canto del gallo nos trajera un nuevo
día y mejor fortuna. Mi padre liaba cabizbajo sus pitillos de estiércol seco, incapaz
de hablar después de haber pasado ocho horas cantando el Cara al Sol a la puerta
de la Delegación de Obras Públicas en un vano intento de conseguir empleo. Mamá,
agotada por los interminables quehaceres del hogar y, sobre todo, por las asiduas y
fogosas atenciones de que su primo le hacía objeto, pero siempre laboriosa, remendaba
y limpiaba, para revenderlos luego, los condones usados que mi primita y yo habíamos
repescado con un cazamariposas en el punto en que desembocan las cloacas en el
Llobregat, cerca de casa. Cándida tejía; rezongaba la cerda empachada de basura y a
través de las paredes se filtraban, cadenciosos, los eructos del vecino.19
La implacable risa de Mendoza no se detiene ni siquiera frente a las últimas cosas
de la vida humana; así reza la esquela de un gran hombre de negocios asesinado en
La aventura del tocador de señoras:
Manuel Pardalot i Pernilot
natural de Olot
Presidente de la sociedad El Caco Español
Falleció ayer a la edad de 56 tacos habiendo
recibido siete tiros y la bendición papal.
Sus afligidas ex esposas Montserrat, Jeniffer,
Donatella, Tatiana Gregorovna, Liu Chao Fei
y Monserrat bis, su hija Ivet y demás familiares,
socios, colaboradores, empleados y amigos ruegan
una oración por el eterno descanso de su alma.20
17 Mendoza,
E.,
E.,
19 Mendoza, E.,
20 Mendoza, E.,
18 Mendoza,
El laberinto de las aceitunas, pág. 119.
Sin noticias de Gurb, pág. 87.
El laberinto de las aceitunas, págs. 169–170.
La aventura del tocador de señoras, pág. 83.
109
Lo característico del posmodernismo es también la búsqueda de nuevos enfoques
y nuevas perspectivas. En Mendoza, encontramos elocuentes ejemplos de este proceder. En su trilogía, nos presenta la ciudad de Barcelona vista y ponderada por el
paciente de un sanatorio psiquiátrico que lleva muchos años encerrado en el manicomio, y, por lo tanto, siempre se ve obligado, al principio de su nueva aventura,
a redescubrir la metrópoli que, mientras tanto, había cambiado notablemente. La
perspectiva de un delincuente nato cuya hermana se gana la vida como prostituta, un delincuente que contínuamente entra en conflictos con la ley y la policía,
y prácticamente carece de amigos, si no contamos con los que se hace a lo largo
de sus recientes pesquisas. A través de sus ojos, observamos la vida de la Ciudad
Condal y el resultado es una crónica muy original de la vida catalana y española en
una época muy concreta de su historia. El misterio de la cripta embrujada se está
resolviendo en los primeros años de la transición, el argumento de El laberinto de
las aceitunas se desarrolla en los años ochenta, es decir, en el marco del peculiar
capitalismo socialista introducido por el PSOE. La aventura del tocador de señoras
ofrece el panorama de los noventa cuando España definitivamente deja de ser un
país posfranquista y se reintegra plenamente en el mundo monumental de la civilización occidental. Por cierto, un hecho que queda corroborado, entre otras cosas,
por un elevado número de tiroteos y asesinatos, fenómenos que en las dos novelas
—y tal vez en las dos épocas— precedentes más bien escaseaban. El relativismo
deliberado de un Mendoza posmoderno nos enseña que no hay valores prestablecidos, tal vez ni siquiera haya valores dignos de tal denominación, o, al menos, no los
hay allí donde nosotros solemos buscarlos. Las apariencias engañan, una sabiduría
que queda muy eficazmente demostrada en la escena en que el protagonista de
El laberinto de las aceitunas emprende su rápida metamorfosis en un banquero.
El historiador retirado don Plutarquete le presta su único traje presentable, y la
Emilia completa su atuendo recurriendo a un truco pragmático:
La Emilia, haciendo gala del sentido práctico que adorna a las mujeres, encontró
un cordel e improvisó un cinturón. Don Plutarquete me brindó sus zapatos, pero no
me entraron. Como de todos modos los calcetines eran negros, di por hecho que nadie
se percataría de la ausencia de calzado. Cogí el maletín y dediqué unos segundos a
soñar despierto que era un ejecutivo que zarpaba de su hogar rumbo al banco para
contribuir al bienestar de la nación. ¡Qué lástima!, dije para mis entretelas, que las
circunstancias me hayan sido adversas, porque hay que admitir que tengo estampa.21
Y al lector enseguida se le ocurre una pregunta casi inevitable: en nuestro mundo
real, ¿hace falta —en ocasiones— mucho más que un maletín, zapatos caros y una
postura decidida para desempeñar con éxito el papel de un ejecutivo ajetreado?
El continuo analizar —y poner en tela de juicio— los axiomas de nuestra soberbia
civilización es aún más patente en el caso de Gurb, ya que para los dos protagonistas
extraterrestres la humanidad es una auténtica «fauna exótica».
Los seres humanos son cosas de tamaño variable. Los más pequeños de entre ellos
lo son tanto, que si otros seres humanos más altos no los llevaran en un cochecito,
no tardarían en ser pisados. . . por los de mayor estatura. Los más altos raramente
21 Mendoza,
110
E., El laberinto de las aceitunas, pág. 123.
sobrepasan los 200 centímetros de longitud. Un dato sorprendente es que cuando
yacen estirados continúan midiendo exactamente lo mismo. Algunos llevan bigote;
otros barba y bigote. Casi todos tienen dos ojos, que pueden estar situados en la
parte anterior o posterior de la cara, según se les mire. Al andar se desplazan de
atrás a delante, para lo cual deben contrarrestar el movimiento de las piernas con un
vigoroso braceo. Los más apremiados refuerzan el braceo por mediación de carteras
de piel o plástico o de unos maletines denominados Samsonite, hechos de un material
procedente de otro planeta.22
Mendoza, con un placer evidente, se burla también de nuestra alta tecnología:
«Dispone de medio de transporte de gran simplicidad estructural, pero de muy
complicado manejo denominado Ford Fiesta.»23 Mas su burla se orienta hacia un
conjunto mucho más variado de blancos:
21.30 Decido prescindir (sólo por hoy) de mi lista de lecturas y me meto en la cama
con una novela de misterio de una escritora inglesa que goza de gran predicamento
entre los seres humanos. El argumento de la novela es harto simple. Un individuo, al
que, para simplificar, llamaremos A, aparece muerto en la biblioteca. Otro individuo,
B, intenta adivinar quién mató a A y por qué. Después de una serie de operaciones
carentes de toda lógica (habría bastado aplicar la fórmula 3(x2−r)n±0 para solucionar
el caso de entrada), B afirma (erróneamente) que el asesino es C. Con esto el libro
concluye a satisfacción de todos, incluido C. No sé lo que es un mayordomo.24
A primera vista en estos textos de Mendoza predomina lo absurdo, esperpéntico
y carnavalesco, pues así reza la carta de confesión de un presunto asesino:
Estimado juez:
Por la presente confieso en términos irrevocables y sin que medie coacción alguna que
fui yo quien mató al señor Manuel Pardalot a quien Dios tenga en su santa gloria con
una pistola y en pleno ataque de psicoterapia. Las circunstancias del crimen son las
ya sabidas: lo de la puerta del garaje y todo lo demás que omito para no alargarme.
Estoy arrepentido pero si lo volviera a hacer lo haría de la misma manera.
Un saludo afectuoso25
Mas nosotros intuimos que en el fondo se esconde mucho más; la sonrisa a
veces se vuelve amarga, el juego se convierte en un triste escepticismo, el humor
desenfadado recuerda la sensación de desamparo y desconsuelo: «Apelaría al amor,
a la verdad y a la justicia y a otros valores absolutos si éstos fueran mi brújula, pero
no sé mentir cuando se trata de principios. Si supiera, no sería una escoria como he
sido toda mi vida.»26 Indagar en lo que somos, de dónde venimos, y hacia dónde
caminamos no siempre es una tarea grata, aunque estas pesquisas se lleven a cabo
mediante una farsa burlesca llevada hasta su límite. El protagonista detectivesco de
la trilogía mendoziana es considerado por la sociedad un loco, pero, como antaño en
las obras de Quevedo, el lector con el tiempo tendrá que enfrentarse con la duda de
22 Mendoza,
E., Sin noticias de Gurb, págs. 16–17.
pág. 14.
24 Íbid., pág. 51.
25 Mendoza, E., La aventura del tocador de señoras, pág. 171.
26 Mendoza, E., El misterio de la cripta embrujada, pág. 77.
23 Íbid.,
111
si el loco es nuestro antihéroe, o más bien la gente que lo rodea. No por casualidad
advierte Eduardo Mendoza «El humor es el lenguaje del desencanto».27
BIBLIOGRAFÍA
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México, 1983.
Colmeiro, J. F.: La novela policiaca española. Teoría e historia crítica. Anthropos, Barcelona, 1994.
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parodia posmoderna», España contemporánea 6, núm. 2, 1993, págs. 73–82.
Giménez Micó, M. J.: Eduardo Mendoza y las novelas españolas de la transición.
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1986.
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2003.
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Resina, J. R.: El cadáver en la cocina. La novela criminal en la cultura del desencanto. Anthropos, Barcelona, 1997.
Santos Botana, E.: La narrativa de Eduardo Mendoza y la posmodernidad: un
análisis textual. Publicacions de la Universitat Autónoma de Barcelona, Barcelona, 1997.
27 Eduardo Mendoza entrevistado por Ángel S. Harguindey: Mi primera lectura del ‘Quijote’,
El País, 18–04–1998.
112
El laberinto del lenguaje embrujado (Estilo posmoderno y literatura: la
oratoria inadecuada de Eduardo Mendoza)
Resumen
En nuestro artículo intentamos mostrar, analizar y comentar el peculiar procedimiento estilístico que utiliza Eduardo Mendoza en sus novelas El misterio de la
cripta embrujada, El laberinto de las aceitunas, La aventura del tocador de señoras
y Sin noticias de Gurb, procedimiento que, recurriendo aquí al término que los
críticos hace unos cuarenta años solían aplicarle a la prosa de Luis Martín Santos, bautizamos como oratoria inadecuada. Dicho fenómeno consiste en el hecho de
que los personajes continuamente recurren a unos registros lingüísticos que no les
son propios ni por su condición intelectual, ni por su extracción social. Tratamos
de probar que dicha oratoria inadecuada no es sólo un juego intelectual del autor
sino una manera de ridiculizar eficazmente los cánones, reglas, esquematismos y
prejuicios de nuestra gran civilización occidental.
Labyrinth of Bewitched Language (Postmodern Style and Literature:
the Inadequate Oratory of Eduardo Mendoza)
Summary
The article endeavours to demonstrate, analyse and comment on the peculiar
stylistic method used by Eduardo Mendoza in his novels El misterio de la cripta
embrujada (The Mystery of the Bewitched Crypt), El laberinto de las aceitunas
(The Labyrinth of the Olives), La aventura del tocador de señoras (The Adventure
of the Powder Room) and Sin noticias de Gurb (No News from Gurb). It is a
method which we have called an inadequate oratory, resorting to the term that the
critics, about forty years ago, used to describe the prose of Luis Martín Santos.
This phenomenon consists in the following procedure: the characters of the novels
are continuously applying linguistic registers which do not correspond with their
intellectual and social conditions. We endeavour to prove that this inadequate oratory is not a mere intellectual game on the part of the author, but an effective way
to ridicule and satirize the canons, the rules, the schematisms and the prejudices
of our great western civilization.
Jiří Chalupa
Katedra romanistiky
Filozofická fakulta
Univerzita Palackého v Olomouci
Křížkovského 10
771 80 Olomouc
República Checa
[email protected]
113
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Makbara de Juan Goytisolo
como novela de decadencia
Wojciech Charchalis
En el libro El furgón de cola, publicado en París en 1967, Juan Goytisolo «postula el rompimiento de lazos que para los autores españoles constituyen los hábitos
tradicionales de uso de las construcciones lingüísticas y estilísticas anacrónicas y
antiguas, de la manía de observar la corrección de lengua y la belleza de la enunciación, por lo que los protagonistas de la novela parecen no tanto pertenecer a la vida,
como al mundo artificial de mala literatura».1 En el libro siguiente, esta vez en una
novela, Señas de identidad, con las palabras de Álvaro Mendiola dice: «si escribo un
libro en el futuro, lo haré en una lengua extranjera», lo que es sin duda un anuncio
de cierre de una etapa en la creación literaria de Juan Goytisolo. Podemos observar
una realización de este anuncio en la novela Makbara; no se trata únicamente del
desenfrenado uso de palabras, frases o hasta párrafos enteros en lenguas extranjeras (inglés, francés o árabe, pero también en latín, lo que probablemente debe
simbolizar diferentes culturas que aparecen en las páginas de esta novela), sino,
sobre todo, una nueva comunicación en el nivel semiótico, completamente atípica
para la literatura española. Esta novela representa algo absolutamente nuevo en la
literatura española y, probablemente, en la europea, y su innovación es visible tanto
en la esfera de la macro-estructura de la novela (¿será esto todavía una novela?),
como en su micro-estructura, es decir, en su aproximación libre a las reglas de
puntuación, pero, ante todo, en la elección de los temas y de su libre tratamiento.
El propio autor muchas veces (entre otras, en una conversación privada conmigo
en octubre del año 2005) ha explicado que este libro tiene como propósito rendir
homenaje a los «contadores de historias» de la plaza Xemaá-El-Fná de Marraquech,
tomar la palabra en la discusión sobre la salvación de la literatura oral, de la que
Goytisolo es un partidario convencido, entre otros, en el foro de la UNESCO. Por
tanto, el autor tomó el papel de un contador, de manera que se queda de pie
rodeado por el público, en la así llamada en árabe halca, y a todo precio intenta
llamar la atención del público. Es por eso que en todo el libro observamos un
1 Sawicki,
P., «Posfácio», en: Goytisolo, J.: Znaki tożsamości, pág. 459.
115
fuerte componente lúdico, sobre todo el humor y el erotismo, que aparecen en el
texto con una cierta regularidad para mantener el interés de los supuestos oyentes.
La situación imaginaria, creada de esta manera, hace que el autor improvise la
historia al instante utilizando para el propósito los elementos accesibles a mano, y
hace también que se concentre en los temas del amor y del sexo de forma muchas
veces chocante, perversa, asombrante y, por consiguiente, a su manera, atractiva
para el público.
El autor nos enseña que en el contar de la historia lo más importante es el acto
de la creación, el acto de contar, el tiempo presente, el aquí y ahora: el futuro y el
pasado no tienen ningún sentido, lo importante es salir del tiempo lineal y entrar
en el tiempo de la ficción, en el juego de la literatura.
Este principio influye en el estilo específico propuesto por el autor: el flujo de
conciencia con diálogos entrelazados en el texto. El estilo es esmerado y exige del
lector una gran concentración, como la exige la lectura en voz alta, además de
una modulación adecuada de la voz dependiendo de los personajes que toman la
palabra.
Es interesante notar que los elementos del estilo elaborado por Juan Goytisolo
en Makbara están de acuerdo con los principios de la estilística de la más primitiva
literatura oral de los árabes analizada por Julian Adolf Świȩcicki:
El árabe percibe en un instante las imágenes que aparecen delante de sus ojos; por
eso, está muy contento cuando consigue meter un conjunto de detalles encontrados
en los límites exiguos de las expresiones cortas, que por su lado corresponden muy
bien a la construcción de la lengua árabe. [. . . ] las piezas más grandes parecen antes
un agregado de diferentes episodios que forman un todo orgánico [. . . ] El abuso de
la fantasía y del espíritu, característico de todo el mundo oriental, se manifiesta aquí
con toda su fuerza. [. . . ] Aunque los poetas árabes frecuentemente se expresan de una
forma demasiado enigmática, gracias a sus abundantes antítesis y otras manifestaciones del habla, su estilo se caracteriza por poseer gran gracia y expresividad. Este
estilo epigramático de la poesía normalmente va acompañado de la broma, el chiste y
la sátira [. . . ]2
Fuera del estilo específico que está presente en casi todo el texto, tal vez con
excepción del último capítulo y de algunos pasajes en inglés y francés, encontramos
referencias directas a la literatura oral a lo largo de todo el texto. Ya en la primera
página está puesto el epígrafe: «A quienes la inspiraron y no la leerán», que ya en
sí es una reverencia en dirección de los tradicionales halaiquí de la plaza principal
de Marraquech.
En el capítulo tres, titulado Cementerio marino, el autor nos presenta una
descripción de la vida y de la figura de un halaiquí, en el que podemos reconocer
al protagonista principal de la novela, aunque posea rasgos que aparentemente no
le corresponden. Se debe prestar atención al hecho de que cada capítulo, aunque
presenta las siguientes etapas de la historia amorosa de la misma pareja, concede
a los personajes unos rasgos un poco diferentes, lo que se puede justificar con la
situación momentánea en la que se encuentra el contador de la historia, es decir,
con la dinámica del cuento en el presente. Es por eso que el protagonista principal,
2 Swiȩcicki,
´
116
J. A., Historia literatury arabskiej, págs. 43–45.
de vez en cuando, trabaja en una tenería de Marraquech y es extremamente feo,
mientras que en el tercer capítulo es un «contador de historias» y extremamente
hermoso, a pesar de no tener orejas como aquel de la tenería. Este caos aparente en
la construcción de los personajes también cumple el papel de justificar la supuesta
oralidad del texto.
En el último capítulo, el autor expresis verbis presta homenaje a Juan Ruiz
Arcipreste de Hita, el antiguo juglar español del siglo XIV, autor del Libro de
buen amor, el más grande representante de la literatura de este tipo en España.
Sin embargo, el elemento más importante referente a esta cuestión es el fragmento
que pone final a la historia del amor en el fin del capítulo penúltimo, titulado
Noticias del más allá. El autor se descubre como juglar, revela que todo aquello
que acabamos de oír (leer) es una ficción contada en la plaza. Dice de sí mismo
que es un halaiquí nesrani, por tanto, un juglar nazareno, esto es, cristiano, y nos
proporciona la clave según la cual debemos leer esta novela:
[. . . ] pero yo, el halaiquí nesrani que les ha referido la acción, asumiendo por turno
voces y papeles, haciéndoles volar de uno a otro continente sin haberme movido un
instante del corro fraternal que formamos, no puedo confirmar la certeza de ninguna
de las versiones con todo, el oficio tiene sus exigencias, y como el público suele gustar
el final alegre, me inclino a sostener la hipótesis más amena [. . . ]3
Todo es, por tanto, una ficción, inventada al instante y contada únicamente
para agradar al público. J. Goytisolo es como una Ariadna que desenrolla su hilo,
por el cual vamos nosotros siguiendo su historia. Sin embargo, en cierto momento,
la Ariadna se transforma en una araña que hila una rebuscada red de la historia,
nos atrae para dentro de sus complicados laberintos. Y nos espera allí, riéndose
con sorna de nosotros por detrás de su máscara. Porque cuando ya estamos en el
centro, cuando ya tocamos el núcleo, encontramos tan sólo un vacío.
En el penúltimo capítulo, el autor, por boca del narrador, nos informa de que
no sabe cómo acabó la historia que está contando. Por tanto, ¿cuál fue el sentido
de contarla? ¿Para qué nos ha llevado el autor por este laberinto, esta red primorosamente hilada? ¿Cuál es la esencia escondida de esta historia? Volvamos a
considerar el epígrafe de la primera página y concentrémonos en el último capítulo,
titulado Lectura del espacio en Xemaá-El-Fná.
El autor se identifica con un creador de la literatura oral de la plaza Xemaá-El-Fná y durante todo el libro, de forma evidente, utiliza las técnicas de la literatura
oral. Sin embargo, no se olvida de su proveniencia, de sus raíces cristianas (nesrani)
y no cae en los errores que comenten, por ejemplo, los autores latinoamericanos o
africanos del así llamado realismo mágico, quienes, rechazando la cultura occidental,
adoptan el punto de vista de los «nativos», lo que tiene que dar necesariamente
resultados de una artificialidad chocante. Goytisolo no sólo no rechaza la cultura
de Occidente, sino que no reniega de sí mismo: simplemente se pone unas máscaras
del juglar, siempre nuevas, pero bajo ellas siempre continúa siendo él mismo, lo que
podemos observar ante todo en el primor y frescura de la lengua.
3 Goytisolo,
J., Makbara, pág. 195.
117
Tenemos en esta novela fragmentos escritos en francés, inglés o árabe, pero
también en latín; tenemos neologismos y palabras pertenecientes a diferentes registros de la lengua en sus significados básicos, contemporáneos, pero también en
significados arcaicos o regionales. Por ejemplo, en la descripción de los canales en
el capítulo Aposentos de invierno, el autor consigue el efecto cómico gracias al
empleo de los latinismos para describir el mundo de las personas que viven en los
canales (por eso las madrigueras de los habitantes de los canales las llama triclinium o lectum, puestas al lado de las mesas para un manjar exquisito, que consiste,
por su parte, en sopa enlatada Campbell’s calentada en los tubos de calefacción
llamados calidarium, el agua que cae de los tubos es recogida en el impluvium,
etc. Este recurso permite transformar un texto naturalista y angustiante en una
lectura accesible y agradable. Goytisolo, como Valle-Inclán, disfraza los horrores
con su humor sorprendente para que el lector quiera leer su texto.
No vamos a citar ejemplos de refinamiento de la lengua, porque éstos son muy
abundantes y visibles desde la primera hasta la última página. Por otro lado sí
nos gustaría, brevemente, repasar los neologismos que, en la mayoría de los casos,
hacen referencia a la terminología erótica o política y a las virtudes de la sociedad
de Europa y de los EE.UU. En ambos casos, seguramente, se hace uso de la ironía
y del humor, aproximándose a estos asuntos con gracia. Así, tenemos: una confiada ciudad eurocrataconsumista,4 residencias grangatsbianas,5 mujeres de caras
antisegregacionistas6 o abrahamlincolnianas,7 o eróticos: cuelgacuelga,8 o el pasaje
del capítulo del capítulo Sightseeing-tour:
[. . . ] el as de ases las está pasando en grande con su princesa rubia, y les deseamos de
todo corazón a los dos
un lindo din dindín
un espeluznante tiquitiqui
un gran bacilón
un lima-y-lima terrible
un maxi-dinguilindón de lo más dulce y sabroso.9
Es importante también reparar en el ágil uso de la «nuevahabla» comunista en
conjunto con la estilística del discurso eclesiástico en la descripción del «Más Allá»,
lo que une los dos estilos en uno. Esta operación se ha hecho de forma magistral
y constituye una espectacular representación verbal del Paraíso construido por
Goytisolo, que en el fondo es un país burocratizado comunista. Cómo lo consigue
el autor lo podemos verificar en el siguiente pasaje:
[. . . ] fijar periódicamente nuevas y más audaces metas, transmitir las directrices
por vía jerárquica, vigilar su cabal cumplimento por parte de coros inferiores: fomentar
en éstos un sano espíritu de emulación y servicio personal voluntario: llevar las máximas y preceptos del Guía y la Mediadora a los rincones más apartados [. . . ] impedir
4 Íbid.,
pág. 15.
pág. 87.
6 Íbid., pág. 60.
7 Íbid.
8 Íbid., pág. 16.
9 Íbid., pág. 118.
5 Íbid.,
118
que se cuele algún error de dicción susceptible de adulterar la correcta interpretación
del texto, asegurarse de la obediencia y fidelidad de los cuadros intermedios, concretar
con ellos la fecha en que los objetivos serán victoriosamente alcanzados: billones de
Paternosters, trillones de Avemarías [. . . ] promocionar oportunamente el ejemplo de
algún celador especialmente abnegado que triplicó espontáneamente la cifra de preces
asignada a los de su coro y función [. . . ]10
Los ciudadanos procedentes de los así llamados países poscomunistas seguramente encontrarán en este pasaje frases y conceptos familiares. Lo sorprendente es
que Goytisolo utiliza este estilo para describir el Paraíso; el autor parece colocar
el esquema comunista por encima de otra realidad y hay que decir que, con cierta
inquietud, constatamos que el esquema se asienta en nueva situación de forma ideal,
causando un efecto de un humor fantástico.
La novela es también innovadora cuanto a los temas a los que hace referencia,
que hemos dividido de la manera siguiente:
Temas de primer plano:
literatura oral, su belleza, significado, ambiente
Temas de segundo plano:
crítica de la sociedad occidental
crítica de los países de la así llamada democracia popular
crítica de la Iglesia
apología de la sencillez de la vida en Marruecos
romper los tabúes de la vida sexual
crítica de varios movimientos de contestación de las sociedades occidentales
diferente actitud hacia el sexo en diferentes sociedades
Temas de tercer plano:
reencuentro de las culturas de Europa y del Magreb, y más concretamente, de España y Marruecos, varias historias amorosas
Los temas de primer plano los hemos tratado hablando del estilo y de la lengua
de la novela, por eso mismo vamos a pasar directamente al segundo plano. El surgimiento de estos temas es resultado de la americanización galopante de la sociedad
española en la segunda mitad de los años 70, cuando España se encontró en una
encrucijada entre América, los países democráticos de Europa y los así llamados
países socialistas. Una transformación pacífica del gobierno autoritario, comenzada
con la muerte del Generalísimo y el nombramiento como jefe de Estado de Juan
Carlos I, les ahorró a los españoles las experiencias revolucionarias por las cuales
había pasado Portugal un año antes. No obstante, en el nivel del debate público,
con certeza aparecían cuestiones de orientación política y de la adhesión al bloque
oriental, por lo menos en los medios de la extrema izquierda. Por medio de Makbara,
Goytisolo participa en esta discusión, pero no toma partido en el mundo binario
del período de la Guerra Fría, es más, propone un regreso a la común herencia de
la cultura arábigo-andaluza, que constituye para él la esencia de lo hispánico. La
10 Íbid.,
pág. 184.
119
España franquista y pos-franquista rechaza esta herencia, como máximo la trata
como una mercadería que se vende a los turistas extranjeros de los países más ricos
como elemento del folclore; la imagen de las relaciones hispano-árabes es absolutamente artificial, desprovista de sus raíces, irreal, una imagen grotesca. No obstante,
la convivencia de siglos de cristianos, musulmanes y judíos en la Península Ibérica y
en la costa sur del mar Mediterráneo creó una cultura homogénea, una cultura que
constituye la base tanto de la España moderna, como de Marruecos. Una cultura
evidente, visible bajo la capa de lo contemporáneo.
La crítica de la sociedad occidental es especialmente visible en el primer capítulo, titulado Del más acá venido y Sightseeing-tour. En el primer caso, se trata
de la capital de la cultura mundial, París, y en el segundo se trata de Pensylvania,
una de las ciudades de provincia de los EE.UU. En ambos capítulos podemos ver
perfectamente la división binaria en lo bueno, auténtico, sincero (simbolizado por
un inmigrante bereber y por una excursión de los marroquíes de la plaza Xanaá-El-Fná) y de lo malo, falso, artificial, hipócrita, bajo y pequeñoburgués. La falsedad
y la decadencia del mundo occidental están yuxtapuestas aquí con la sencillez y
vitalidad de Marruecos. Europa se presenta como una sociedad pequeñoburguesa,
políticamente correcta, holgazana y narcisista; los EE.UU. son una sociedad obsesionada por un sexo extraño, por el consumismo, la publicidad y un progreso mal
entendido, desprendido de humanismo. En definitiva, se trata de una sociedad en
la que se rechazan todos los valores y virtudes tradicionales, tales como el amor
o la familia. Es, así, una sociedad completamente hedonista, desprendida de la libertad por causa de una carrera constante en busca de beneficios y de progreso,
gobernada por las modas, dirigida por los especialistas de la publicidad y el marketing. Su ideal es la juventud eterna, un cuerpo de atleta y la productividad y el
consumismo llevados hasta los extremos de lo absurdo, obsesión de corregir aquello
que es imposible corregir, porque esta sociedad es ideal.
De una obsesión parecida padecen los gobernantes del Paraíso, que forma un
modelo perfecto de un país burocratizado de la así llamada democracia popular.
El autor consiguió captar muy bien la «nuevahabla» de la sociedad comunista y
al mismo tiempo la adaptó para la orden ideal del Paraíso, dando a entender que
el modelo comunista y católico de la sociedad son dos creaciones totalitarias y,
aunque aparentemente están muy lejos el uno del otro, no difieren así tanto en lo
que se refiere a su estructura y estética.
Sin embargo, parece que el tercer plano de la novela es el más importante.
La historia, aparentemente simple, de un árabe y una europea (o mejor dicho un
transexual europeo), se transforma en un símbolo del nuevo encuentro de las dos
culturas. Toda esta historia está contada por los amantes, cuando se encuentran
después de muchos años de separación. Ya se habían encontrado antes, en la edad
de la inocencia y la búsqueda y durante muchos años se habían echado de menos.
Finalmente, se encuentran en los canales de una ciudad norteamericana; él ha sido
desheredado y rechazado por el mundo occidental; ella, tras muchas aventuras,
está definitivamente liberada del comunismo y catolicismo ortodoxos, así, Goytisolo
junta dos sistemas de organización de la sociedad. Se encuentran cara a cara, viejos
y deshechos, indefensos, poseyendo tan sólo su amor, deseando reencontrarse de
nuevo, juntarse, amarse, lo que finalmente hacen, simbólicamente, en los canales del
sumidero de una ciudad provinciana de los EE.UU. Este es el mensaje simbólico más
120
importante de este libro: rechacemos el pasado con sus ideologías, rechacemos el
mundo «eurocrataconsumista», «antisegregacionista», «abrahamlincolniano» que
nos ahoga, que se nos impone para el futuro. Rechacemos todo esto y busquemos
en nosotros mismos lo mejor que tenemos, nuestras raíces comunes, que abrazan
las tierras de éste y de aquel lado del Mediterráneo; encontremos estos elementos
del mundo y vida tranquilos, próximos a nosotros, desprendidos del falso lustre y
de ideologías artificiales, elementos que todavía sobreviven en Marruecos. Si bien
podemos encontrar este mensaje en varios lugares de la novela, donde mejor queda
representado es en la siguiente cita:
[. . . ] el velo transparenta la gloriosa fruición de sus labios, los ojos te alcanzan como
disparos a quemarropa: cejas recargadas de rimel, escueto lunar en el pómulo, voz
rauca y sensible, romántica interpretación de Morocco al fin estás aquí, te aguardaba
desde hace largo tiempo, horas días semanas meses años, sabía que vendrías, volverías
a mí, al punto mismo donde nos encontramos, amémonos como posesos, no importa
que otros miren, calentaremos los huesos de las tumbas, los haremos morir de pura
envidia, todo el makbara es nuestro, lo incendiaremos, arderá con nosotros, perecerá,
pereceremos, vivos, convulsos, abrasados.11
No está desprovisto de significado el hecho de que los amantes se encuentren en
el cementerio, no por casualidad se habla sobre la espera de años en el cementerio
y el calentamiento de los huesos en las tumbas. La makbara del título simboliza
aquí la unión del pasado con el futuro, el eterno dualismo del Eros y Thanatos y,
al mismo tiempo, la makbara constituye un humus, un fundamento vivificador, en
el cual nacerá una vida nueva.
La novela de Goytisolo tiene su origen en la observación de la decadencia general. El autor postula la necesidad de renovación de la literatura española, la cual
insiste en el uso de las formulas petrificadas de la estructura y lengua. Así, lo que
quiere conseguir en Makbara es precisamente el regreso a las raíces, a la literatura
oral tradicional, la cual, por su lado, también enfrenta su muerte, está condenada
a desaparecer. Por otro lado, Goytisolo postula la necesidad de renovación social.
Enfrentando la decadencia de los valores sociales tradicionales, lo que está simbolizado por los EE.UU, y por caídas de las grandes utopías: el tradicional sistema
social de España basado en la omnipotencia de la Iglesia, así como por el comunismo, que también está en decadencia. La única idea que ve el autor para el futuro
consiste en un regreso nostálgico a las raíces del «Siglo de Oro», a lo auténtico y
modesto, que encuentra únicamente en Marruecos. Marruecos, en el cual ve no sólo
la belleza y una vida «verdadera», sino también —o tal vez y sobre todo— a sí
mismo como español, y a España.
BIBLIOGRAFÍA
Goytisolo, J.: Makbara. Mondadori, Barcelona, 1995.
Goytisolo, J.: Znaki tożsamości. WL, Kraków, 1983.
11 Íbid.,
pág. 43.
121
Sawicki, P.: «Posfacio», en: Goytisolo, J.: Znaki tożsamości. WL, Kraków, 1983.
´
Swiȩcicki,
J. A.: Historia literatury arabskiej. Drukarnia A. T. Jezierskiego, Warszawa, 1901.
Makbara de Juan Goytisolo como novela de decadencia
Resumen
El artículo trata de varias facetas de la decadencia que podemos encontrar en
la novela de Juan Goytisolo, Makbara. Se hace un análisis de los temas de la crítica
de la sociedad occidental, sociedad comunista, política, progreso, iglesia católica en
yuxtaposición con la cultura islámica de Marruecos para pasar al tema del estado
de la cultura de España contemporánea. Por consiguiente, se llega a la conclusión
de que la temática del libro encuentra su imagen en el lenguaje del libro a todos
los niveles (semántico, fraseológico, sintáctico y morfológico). El análisis lleva a la
conclusión de que Makbara es una imagen de la decadencia de la sociedad europea
a todos los niveles arriba referidos y, como tal, lleva también a la decadencia de
la lengua y literatura en general, forzando al autor a buscar nuevas formas de
expresión literaria.
Makbara by Goytisolo, a Novel of Decadence
Summary
The paper treats various manifestations of decadence that we can find in the
novel Makbara by Juan Goytisolo. We analyze the subjects of the critics of Western
society, communist society, politics, progress, the Catholic Church in juxtaposition
with the Islamic culture of Morocco and then we pass to the subject of the state
of culture in contemporary Spain. Consequently, we draw the conclusion that
the subjects of the book find their reflection in the language of the novel on the
levels of semantics, phraseology, syntax and morphology. The analysis leads to the
conclusion that Makbara is an image of decadence in all the levels referred to and
that subsequently lead to the decadence of the language and literature, which leads
the author to look for new forms of literary expression.
Wojciech Charchalis
Akademia Morska w Gdyni
ul. Morska 81–87
81-225 Gdynia
Polonia
[email protected]
122
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
De la dégénérescence de la parole politique ?
Joanna Jereczek-Lipińska
Le pouvoir s’acquiert et s’exerce par les mots et c’est encore plus vrai aujourd’hui qu’avant. Quelles en sont les conséquences sur la parole politique et pourquoi
parle-t-on régulièrement à des intervalles plus ou moins éloignés de dégénérescence
du discours politique ? Certes, l’évolution est en cours celle qui fait que le discours
politique n’est plus ce qu’il était il y a encore très peu.
Ce texte est le fruit des recherches portant sur le discours politique en général
et plus particulièrement sur celui des candidats à la présidence en France en 2007.
Il relève de l’analyse discursive et logométrique de diverses formes de la discursivité
employées par les politiques en vue de l’obtention du pouvoir. Cet article s’inscrit
ainsi dans la lignée des travaux de S. Bonnafous, D. Mayaffre, de P. Charaudeau,
de Cotteret et de C. Salavastru. L’objet est ici de discuter l’hypothèse de la dégénérescence du discours politique. Pour ce faire, après avoir analysé les différents
arguments qui sous-tendent cette thèse, nous allons illustrer un de ces aspects sur
le corpus constitué de différentes interventions de F. Bayrou pour le confronter aux
résultats obtenus de l’analyse des prises de parole de Nicolas Sarkozy et de Ségolène
Royal. Pour constater l’évolution, ce corpus sera confronté aux résultats d’analyses
effectuées sur le discours de gauche et de droite dans l’entre-deux-guerre et sur le
discours présidentiel sous la Ve République. En outre, les constats obtenus à l’issue
de l’analyse des deux rivaux de F. Bayrou, à savoir celui de Ségolène Royal et de
Nicolas Sarkozy permettront également de comprendre encore mieux ce que les uns
qualifient de « phénomène Bayrou » et les autres d’un exemple flagrant parmi tant
d’autres d’un discours politique en crise.
Suivront les discussions sur cette hypothèse de crise que traverserait le discours
politique d’aujourd’hui.
123
1
De la pensée à la communication politique
La politique n’est plus ce qu’elle était et ceci aussi bien dans sa forme que dans
les thématiques abordées puisque chaque époque appelle ses mots et ses thèmes.
Certes, l’évolution est en cours, celle notamment qui fait que d’aucuns évoquent la
chute voire même la fin du discours politique.
Quels sont des arguments les plus souvent cités en faveur de cette thèse? Il est à
noter d’emblée que bien souvent, l’on arrive à cette conclusion avec des arguments
opposés, tel est le cas de l’aspect évoqué par P. Charaudeau (2005) selon lequel
la classe politique serait coupée du peuple et c’était considéré à l’époque comme
un signe direct de sa déchéance. Aujourd’hui, d’aucuns estiment justement que
le discours politique serait trop proche du public, viserait donc de se rapprocher
dans l’esprit de proximité. L’enjeu étant de rendre ce discours accessible. Ceci
serait d’ailleurs une des causes de son extrême simplicité. D’autres caractéristiques
en découlent, notamment le fait qu’il devient de moins en moins dense dans le
contenu et de plus en plus ancré dans le « ici » et le « maintenant » en touchant
les problèmes de tous les jours qu’un président n’aurait pas à traiter une fois élu.
En effet, le passage s’opère entre l’abstrait et le distant, le solennel d’antan vers le
concret, proche et familier d’aujourd’hui.
Dans sa forme, on voit apparaı̂tre de nombreuses images. En effet, des métaphores et analogies en font le discours iconique. En outre, l’emploi des mots banals
et ordinaires remplacent le goût d’une belle formule, d’un mot juste et bien dit. Le
discours perd de sa solennité, de sa distance qu’il détenait grâce à l’autorité et au
prestige de la fonction.
Le discours politique sert à mettre en scène plutôt celui qui parle en le mettant
bien devant le contenu du propos. Désormais, tout échange entre politiques est un
débat de personnalités plutôt que débat d’idées. En d’autres termes, c’est un débat
entre politiques et citoyens car on a évacué tous les intermédiaires – les adversaires
politiques et les journalistes politiques.
Ce sont le dire sur le dit ainsi que l’ethos avec le pathos qui construisent le
logos. Autrement dit, l’émotionnel prend le dessus sur le rationnel. Mais surtout,
à l’ère d’internet où donc l’interactivité et l’échange sont de mise, le discours politique devient justement interactif, réactif, parfois même improvisé, décontracté
donc surtout pas préconstruit, qui relève beaucoup plus de cet oral spontané et
relâché que de l’écrit soigneusement préparé avec des mots bien pesés. Ce discours
est bien souvent imprégné de l’humour et rempli d’anecdotes et de commentaires
en aparté pour paraı̂tre en connivence avec le public.
Et enfin, l’argument le plus souvent évoqué et celui qui nous intéresse le plus ici
est la vacuité politique et idéologique. En effet, nous assistons à la dépolitisation et
à la désacralisation du discours politique. Il s’agira pour nous de démontrer quelles
stratégies d’évitement emploie-t-on pour ne pas tomber dans un débat d’idées ou
de projets politiques. Or, traditionnellement le politique servait de relais entre la
doctrine et les citoyens. Aujourd’hui les clivages et les frontières s’estompent et
le brouillage s’installe. Et comme l’identification se fait par et dans la différence,
beaucoup d’entités politiques perdent leur clarté et donc par là même l’efficacité.
Le discours tend vers l’unification et devient creux. La prudence et la convenance
sont de mise.
124
F. Bayrou semble porter le plus de ces caractéristiques, mais il n’était pas pris
au sérieux jusqu’au moment où un des sondages a démontré l’intérêt croissant pour
ce politique ; tout en sachant que le sondage reflète l’opinion mais génère également
des phénomènes.
Nous sommes passés de la pensée politique à la communication politique et là
encore, en quelques étapes notamment le transfert s’est opéré de la communication
des projets et des idées à la communication tout court dans le sens d’échange
d’informations ou plutôt d’émotions. Car il s’agit désormais de savoir communiquer,
échanger, discuter, faire participer dans un débat avant d’inciter à aller voter. Les
gens, à partir du référendum sur le Traité de Constitution, se sont invités au débat.
Il n’est plus question de ne pas leur donner la parole.
Car celui qui parle a le devoir de s’adapter et d’adapter son discours à celui à qui
il s’adresse même si aujourd’hui cette cible paraı̂t être plus multiple et hétérogène
que jamais. On ne s’adresse pas à un public bien déterminé mais à tout le monde.
Ainsi, Nicolas Sarkozy par exemple utilisait les références gauchistes et n’arrêtait
pas de rappeler qu’il se voulait représenter beaucoup plus qu’un seul parti politique
en l’occurrence l’UMP.
Et comme l’enjeu est de toucher le plus grand nombre, les interviews sont rapides
et superficielles, le contenu effectif minime, on assiste au zapping thématique (La
raison du plus sport, le pacte écologique et bien d’autres encore). On vise plutôt
l’attractivité de la forme, la communication efficace, directe et instantanée plutôt
que la profondeur des idées.
2
Le descriptif du corpus et la méthodologie de la
recherche
Le corpus est constitué des interventions de F. Bayrou (toutes formes confondues)
lors des meetings, des interviews dans la presse ou sur les plateaux de télévision
durant la période de précampagne et de campagne électorales présidentielles de
2007. Au total, une cinquantaine de discours soit 90 000 occurrences ont été soumises à une double analyse, discursive et logométrique. Ce corpus a fait l’objet d’un
traitement informatique visant à obtenir le calcul par occurrence des noms, des
verbes et des pronoms personnels. Les données statistiques concernant les substantifs ont permis de constater les grandes thématiques et le positionnement s’il y a
lieu politique et idéologique. La récurrence des pronoms et des verbes va révéler la
volonté d’engagement, la volonté d’impliquer le public.
Quant à l’analyse discursive, ont été pris en compte le contexte de l’énonciation,
les caractéristiques du locuteur, les caractéristiques sémantiques de l’énoncé ainsi
que les productions et réceptions de ces discours. Cette analyse discursive a été
ensuite affinée et concrétisée par les études de type statistique dont les résultats
ont été confrontés à ceux obtenus par Damon Mayaffre (2000, 2004) et impliquant
les Présidents de l’entre-deux-guerres et sous la Ve République. Le corpus analysé
est comparatif et contrastif (F. Bayrou vs. N. Sarkozy et S. Royal) et diachronique. Nous écartons de cette présentation, tout jugement quant à la validité des
arguments présentés.
125
3
La compétence idéologique – les formes du brouillage
politique
L’objet est de circonscrire cette chair lexicale se rapportant à l’expression idéologique et donc cette compétence idéologique telle qui a été évoquée par D. Slatka
(Slatka, 1971, p. 110) du candidat F. Bayrou par rapport à ses deux adversaires
en observant l’usage des mots reconnus significatifs d’une appartenance partisane.
Nous avons ainsi étudié la fréquence d’un mot en calculant le nombre total et relatif
d’occurrences (en contraste avec les deux autres corpus) ainsi que les cooccurrences
de ce même mot, à savoir le sens donné par le locuteur. Ensuite ont été étudiées
les propriétés distributionnelles. Il est vrai, comme l’a indiqué D. Mayaffre, « qu’à
défaut de pouvoir créer de toute pièce un lexique, il s’agit de créer un codage pour
attribuer aux signifiants traditionnels des signifiés adéquats ». (Mayaffre, 2000 :99)
Il est clair qu’aujourd’hui la compétence idéologique se mesure à l’évitement et le
non-emploi des mots relevant de l’idéologie. En effet, nous avons affaire au clivage
qui s’estompe et au brouillage politique qui s’installe. Le brouillage politique servirait à rendre moins nettes les frontières entre différentes forces politiques dont
l’objectif premier n’est plus d’être le relais entre le politique et le citoyen.
Voici donc les résultats d’analyse prouvant ce brouillage politique à travers
les marqueurs, le socle commun du discours présidentiel, la redistribution lexicale
et la grammaire politique et ceci dans le but de révéler les idées, les opinions,
l’engagement, l’implication et le positionnement du candidat par rapport au public.
3.1
Les marqueurs
Les marqueurs seraient pour nous les termes dont l’usage est significatif d’une
appartenance partisane. Parcourons les marqueurs historiques de la gauche et de
la droite. Traditionnellement, la gauche était un discours partisan, très marqué
politiquement et idéologiquement. Statistiquement parlant ce sont le « parti » ainsi
que le « nous » renvoyant au parti, au collectif et l’omniprésence des termes en –
isme et en – iste qui priment.
La droite, par contre, c’était depuis toujours un discours moins typé, moins
marqué, avec ce culte de l’histoire, l’omniprésence du chiffre, l’emploi du passé
composé et donc c’était le discours de l’accompli. Dans ce contexte, plusieurs mots
valorisants pour la gauche avait cette connotation dépréciative à droite, c’est le cas
par exemple du suffixe – iste.
Pour constater ce qu’il en est dans les discours de la gauche et de la droite
d’aujourd’hui, nous nous proposons d’étudier l’emploi ou l’évitement des mots à
charge idéologique. Dans l’esprit de l’idée qu’aucun choix linguistique n’est innocent
en politique.
L’item « politique » (le politique, la politique, ou sa forme adjectivale) sont
tout aussi fréquents dans les trois corpus mais dans le sens de conduite des affaires
publiques. En d’autres termes, N. Sarkozy et S. Royal l’emploient pour constater
une politique en crise ce qui débouche sur les solutions. En voici un échantillon
d’exemples :
S. R. – «Il suffit de regarder l’état du monde et de la France : jamais on n’a eu
autant besoin de politique capable d’imposer des règles justes, un ordre social juste,
126
et de remplacer par des sécurités durables les désordres et les anciennes protections
mises à mal [. . . ]
L’action politique souffre, à ce niveau, d’une crise des résultats qui exaspère les
Français.» (25. 08. 06).
N. S. – « Je veux une politique qui rende possible ce qui est nécessaire. Je
propose de changer de politique ! » (03. 09. 06)
« Ici, à Bordeaux, je suis venu parler de ce dont les candidats à l’élection présidentielle ne parlent jamais parce que la politique a fini par se confondre avec la
gestion. » (01. 03. 07)
« J’ai voulu aussi que la politique cesse de chercher dans l’idéologie les réponses
toutes faites aux questions que lui posent les Français. » (11. 02. 07)
Par contre, il y a très peu d’occurrences de «politique» dans le sens de stratégie
de combat idéologique. Seulement dans le corpus de F. Bayrou où ce registre de
combat politique semble omniprésent : « La politique existe. Les défis sont là mais
la politique existe. J’en viens à ma conclusion. Si nous continuons à traiter les
problèmes sous l’angle stupide et dépassé de droite contre gauche, UMP contre PS,
nous n’avons aucune chance de sortir le pays du drame dans lequel il vit. Je sais
les forces qui ont intérêt à ce que cela dure ainsi. D’abord, les deux en question.
C’est un monopole à deux. Une fois à toi, une fois à moi. » (25. 01. 07)
« Naturellement parce que notre pays a besoin d’un changement d’approche
politique. Je n’ai jamais oublié que ce n’est pas seulement un combat politique,
jamais pensé que ce fut seulement un combat de parti, un combat. . . et d’élection.»
(07. 02. 07)
De ces exemples, résulte le fait que F. Bayrou n’a pas peur d’aborder la politique
dans son sens de combat idéologique en reprochant aux deux autres candidats de
faire semblant de ne pas le faire tout en le faisant.
L’item « parti » est tout aussi intéressant à cet égard. En effet, dans les interventions de S. Royal à part les quelques occurrences lors des rivalités socialistes
à l’investiture, la fréquence est quasi inexistante alors que l’étude de D. Mayaffre
sur le discours de la gauche de l’entre-deux-guerre démontre son omniprésence. En
effet, ce discours fort identitaire s’identifiait au parti. N. Sarkozy s’en sert rarement
et toujours avec une teinte dépréciative (la fréquence de 5 %) : « Lorsqu’il s’agit de
la France il n’y a plus de parti. » (11. 02. 07)
«Parce qu’elle dispose de la légitimité populaire, parce que nul ne peut y être élu
en restant enfermé dans son camp, dans son parti. J’ai changé parce qu’à l’instant
même où vous m’avez désigné j’ai cessé d’être l’homme d’un seul parti.» (11. 02. 07)
F. Bayrou sur-utilise le terme « parti », à travers ce suremploi il vise à dénoncer
le « clanisme » des deux partis PS et UMP :
« Naturellement parce qu’il a vécu vingt-cinq ans de cet affrontement absurde,
de cet antagonisme stérile entre deux partis, l’UMP et le PS ». (07. 02. 07)
Face à ce mot qui devient de plus en plus marqué et dépréciatif et qui fait trop
penser au parti socialiste, les politiques se servent des stratégies d’évitement. On
trouvera ainsi tout une série de synonymes : famille politique, entité politique, le
personnel politique, un grand courant politique, un camp politique.
Le troisième item dont l’emploi nous avons observé dans nos corpus était « l’idéologie/idéologique ». Nous en avons relevé 2 occurrences chez S. Royal, 3 chez
N. Sarkozy et 0 chez F. Bayrou.
127
Tous les emplois relevés rendent cet item péjoratif :
S.R.
«Comment lutter contre le désordre des choses et la naturalisation des inégalités
sans s’opposer aux idéologies de la résignation qui s’emploient à les justifier ? »
(25. 08. 06)
« Ma conviction est à l’inverse de cette idéologie insidieuse. . . » (29. 09. 06)
N.S.
« Une partie de la gauche a fait sienne cette idéologie du jeunisme et des 35 h
forcées [. . . ] On ne sauvera pas l’humanité en faisant de l’écologie une idéologie
totalitaire [. . . ] » (03. 09. 06)
« J’ai voulu aussi que la politique cesse de chercher dans l’idéologie les réponses
toutes faites aux questions que lui posent les Français. » (11. 02. 07)
L’item a fini par devenir marqué péjoratif, d’où son absence dans le corpus de
F. Bayrou qui n’a pourtant pas peur d’utiliser d’autres mots significatifs d’appartenance politique.
L’item « partisan » est absent dans le corpus de S. Royal et très peu présent
chez N. Sarkozy alors qu’il est relativement fréquent chez F. Bayrou. Ainsi, dans les
discours de N. Sarkozy on verra 2 occurrences avec une connotation dépréciative :
«Il ne s’agit pas de faire quelques opérations superficielles ou quelques combinaisons
partisanes. » (11. 02. 07)
«Je veux leur dire par-delà les engagements partisans que j’ai besoin d’eux pour
que tout devienne possible. » (14. 01. 07)
Dans le corpus de F. Bayrou, nous avons constaté la fréquence relative importante du terme « partisan » et un emploi contradictoire qui s’étale de la teinte méliorative à la coloration péjorative: «Je suis partisan de la liberté de l’enseignement»
(09. 01. 07)
« Je suis partisan que l’on se tourne vers les entreprises. » (27. 02. 07)
« Je ne veux pas d’arbitres qui soient en réalité partisans. Nous ne voulons pas
d’une télévision partisane. » (25. 01. 07)
« Je ne connais pas un homme politique en France qui puisse dire qu’Alain
Duhamel a eu dans sa manière de travailler, de choix partisans ou tendancieux. »
(17. 02. 07)
Ensuite notre attention a été portée vers les items suffixés en « -isme » et en
« -iste » qui connotent l’idéologie.
Dans le corpus de S. Royal ces items sont quasi inexistants, les seuls relevés sont:
le court-termisme, le sectarisme, le libéralisme, le socialisme alors qu’il sont nombreux dans le corpus de N. Sarkozy : le jeunisme, le socialisme, le sectarisme ; et
même le communisme, le stalinisme – « Quand je cite Léon Blum, ce visionnaire
qui avait compris dès le début des années 20 que le communisme mènerait au
stalinisme, je n’ai pas le sentiment de trahir mes valeurs » (11. 02. 07), le corporatisme, l’égalitarisme, le capitalisme, le gaullisme, le paritarisme, l’extrémisme, le
fanatisme, le racisme.
Il convient de remarquer ici que les marqueurs discursifs de F. Bayrou sont
justement souvent suffixés en « -isme », d’où : le clanisme, le pluralisme, l’ultra
libéralisme, le sectarisme, l’olympisme, etc. « Je ne regarde pas les choses de la
vie avec la simplicité ou le simplisme qui sont défendus à certaines tribunes ».
(27. 02. 07)
128
Ainsi, il suremploie le -isme, tellement évité par ses deux adversaires politiques
et teinté de l’esprit péjoratif.
Nous avons écarté de nos études les mots comme le pessimisme et l’optimisme
réputés neutres quant à l’expression partisane.
Quant aux mots en « -iste », encore une fois alors que S. Royal et N. Sarkozy
les évitent, F. Bayrou semble les préférer, il n’a pas peur d’employer les termes tabous pour les deux autres : socialiste, communiste, érémiste, idéaliste, progressiste,
gauchiste, étatiste, utopiste, etc.
En outre, nous avons tenté de circonscrire les références aux noms des partis
(UMP/PS/UDF) et aux noms de leurs représentants : Nicolas Sarkozy, Ségolène
Royal et François Bayrou.
Dans tout le corpus de S. Royal, nous n’avons relevé aucune référence à «UMP»
et très peu d’occurrences à son propre parti – « PS », elle n’emploie pas non plus
de noms de politiques (pas avant le deuxième tour à partir duquel sa stratégie
discursive à ce niveau change considérablement). N. Sarkozy évoque 2 fois le nom
de son parti :
« Je leur ai demandé à tous de faire cet effort de comprendre que je ne devais
pas être le candidat de la seule UMP » (11. 02. 07)
« Je demande à vous tous de comprendre que je ne serai pas que le candidat de
l’UMP. » (14. 02. 07)
Enfin, nous avons constaté la fréquence la plus importante dans le corpus de
F. Bayrou :
« la guerre perpétuelle PS/UMP » (09. 01. 07)
« Si nous continuons à traiter les problèmes sous l’angle stupide et dépassé de
droite contre gauche, UMP contre PS, nous n’avons aucune chance de sortir le pays
du drame dans lequel il vit [. . . ] Quand il y a alternance, et ce fut le cas à toutes
les élections, petite alternance, UMP-PS, PS -UMP, mais on va leur proposer cette
fois-ci, une grande alternance. » (25. 01. 07)
« Nous ne voulons pas d’un état-UMP. Nous ne voulons pas d’un état-PS [. . . ]
Le premier tour de l’élection présidentielle, que c’était joué et que l’on pouvait leur
annoncer à l’avance le nom des deux finalistes et que Nicolas Sarkozy et Ségolène
Royal, l’UMP et le PS et le Sarko/Ségo et Ségo/Sarko, cet aller et retour, c’était
leur destin qui était fixé et que, désormais, il leur restait à choisir entre les deux
candidats officiels » (07. 02. 07)
« Il a épuisé les forces du pays dans une querelle incessante entre l’UMP et
le PS, préoccupés uniquement de ‘flinguer’ ce que proposait le parti au pouvoir
lorsqu’ils étaient dans l’opposition et, quand il y avait une alternance, de détruire
ce qu’avaient fait les prédécesseurs ». (05. 03. 07)
Alors qu’il n’y a pas d’attaques personnelles directes entre les deux candidats,
pas de combats d’idées ni de confrontation de projets, quelques allusions discrètes
seulement, F. Bayrou les attaque tous les deux, il se situe en opposition et en
confrontation. Mais comme l’identification se fait par la différence, il cherche à se
positionner dans ce cadre préétabli. Ainsi, F. Bayrou est le seul qui se pose explicitement en rival, avec un ton ironique, polémique et une forte personnalisation.
129
3.2
Le socle commun
Le socle commun ce sont des mots que l’on retrouve dans tout discours présidentiel
qu’il soit de gauche ou de droite. C’est un ensemble de termes « obligatoires »
du discours présidentiel, en l’occurrence La France, les Français, L’Europe et bien
d’autres. Nous en avons sélectionné les deux premiers car leur usage chez les trois
laisse transparaı̂tre les visions respectives du pays. Il faut admettre d’emblée que
les fréquences sont comparables, et c’est l’usage qui fait apparaı̂tre la différence de
perception car le sens d’un terme se trouve dans la somme de ses emplois. Ainsi,
nous avons étudié les occurrences et les cooccurrences des items – « la France » et
« les Français », en voici quelques exemples :
S. R. « les Français sont créatifs, ils ont du talent, je parcours la France et ma
région, je vois ces foules sentimentales et joyeuses . . . » (16. 09. 06)
« Car nous croyons à la France, à ses talents, à son potentiel, à sa jeunesse [. . . ]
La France, je la vois créative, innovante mais bridée de trop de lourdeurs bureaucratiques et fragilisée par un Etat qui se désengage ». (29. 09. 06)
« Magicienne non, mais c’est la France qui est magicienne, je crois que la France
a beaucoup de talents qui sont aujourd’hui verrouillés, étouffés dans une espèce de
bureaucratie tatillonne. » (17. 10. 06)
N. S « La France qui travaille et qui se lève tôt le matin ». (22. 06. 06)
« La France sera réveillée par ceux qui se lèvent tôt, par ceux qui retroussent
leurs manches » (03. 09. 06)
« Je veux m’adresser à cette France qui n’en peut plus de faire des efforts et
dont on ne parle que pour la culpabiliser [. . . ] La France qui travaille beaucoup et
à celle qui ne travaille pas assez. » (22. 06. 06)
F. B « Si la France choisit d’être à ce point silencieuse devant des enjeux aussi
lourds, et qui la concernent, si elle renonce à ce point à être dérangeante, alors elle
n’est pas vraiment la France [. . . ] être la France, c’est ne pas renoncer à déranger,
à faire entendre une voix différente qui défend ses intérêts, bien sûr, mais aussi les
intérêts des faibles, des opprimés, des oubliés. » (09. 01. 07)
Ainsi, la France pour S. Royal est un ensemble d’individus-experts des situations
qui les concernent et rempli d’idées, de talents et de potentiel. N. Sarkozy voit la
France en ceux qui font des efforts pour d’autres qui n’en font pas assez. C’est la
France qui travaille contre la France qui est créative. Et enfin la France de F. Bayrou
c’est celle qui ose dire non au scénario préétabli. La France qui ose aller à l’encontre
de ce qui est imposé est c’est d’ailleurs F. Bayrou qui en fournit l’exemple, et en
ceci il prétend incarner la France.
Ces différences de vision de la société française ne sont pas dues ou ne sont pas
présentées comme étant dues à l’idéologie que présuppose le programme prôné par
chacun des trois candidats.
3.3
La redistribution lexicale
A travers l’analyse de notre corpus, nous avons constaté plus d’une fois ce que nous
qualifions de redistribution lexicale c’est-à-dire le transfert de mots associés traditionnellement à une famille politique vers le camp adverse. Ainsi, le mot « ordre » a
été jusqu’à là considéré comme un mot de la droite – la preuve en est l’appellation
du parti de droite – Le Parti de l’ordre. Pourtant lors de cette campagne, l’item
130
« ordre » apparaı̂t 4 fois plus souvent dans le discours de S. Royal et constitue
même la trame de son discours tout en faisant parti de son slogan politique : un
ordre juste.
N. Sarkozy en emploie moins, ses seules occurrences sont : « Mes valeurs sont
celles de la droite républicaine. Ce sont des valeurs d’équité, d’ordre, de mérite,
de travail, de liberté, de responsabilité. Je veux parler de l’ordre. L’ordre, c’est le
principe selon lequel tout ne se vaut pas. L’ordre, c’est l’échelle des valeurs qui est
reconnue, les devoirs qui sont inséparables des droits» (11. 02. 07) alors qu’il évoque
les valeurs de la droite traditionnelle avec des références historiques. F. Bayrou
n’a pas recours à ce mot. Il ne participe d’ailleurs pas dans cette redistribution
lexicale en se forgeant un langage bien particulier et spécifique. Il ne s’accapare pas
des mots des autres et ne piétonne pas sur le terrain « lexical » des deux autres
candidats. Le même phénomène concerne les items «sécurité», «travail» ou adjectif
«social». Cette redistribution lexicale a pour but de brouiller les habitudes lexicales
et thématiques d’un camp donné. Ceci participe donc de ce brouillage politique dont
il est question dans cette recherche.
3.4 La modération grammaticale
Observons comment la grammaire participe à cette dépolitisation et brouillage
politique. Ainsi, nous nous proposons d’étudier le jeu de pronoms personnels qui
ont toujours joué un rôle important dans le discours politique, ensuite l’analyse
des verbes les plus fréquents sera tout aussi instructive à notre égard et enfin
les phénomènes de syntaxe permettront également de mesurer la dimension des
évolutions.
Le discours politique participe à la mise en scène du politique d’où le jeu de pronoms personnels et les différents procédés énonciatifs. Commençons par le pronom
personnel « nous » considéré comme le mot le plus politique de la langue française.
On remarque la prédominance du « nous » qui est passé de ce héros collectif
renvoyant à la famille politique, aux militants ou au gouvernement. Il est le plus
souvent relatif aujourd’hui à « nous » englobant tout et chacun.
S. R. « Seule, je ne peux rien, mais si nous sommes de plus en plus nombreux,
alors tout devient possible ! » (16. 09. 06)
N. S. « Je vous demande par dessus tout de recommencer à espérer parce que
si nous sommes ensemble, unis, déterminés, tout sera possible. » (03. 09. 06).
Et ce « nous » collectif et rapprochant créant l’esprit de connivence est omniprésent dans le discours des trois candidats alors qu’il était traditionnellement
représentatif de gauche. F. Bayrou fait parfois exception en utilisant le « nous »
renvoyant aux citoyens par opposition aux responsables politiques :
« Mais nous, Français, sommes un peuple de citoyens : nous ne céderons pas
à votre matraquage. Et il nous reste toujours une liberté, celle de nous exprimer
librement dans notre pays de liberté. » (09. 01. 07)
L’emploi du « vous » phatique – l’allocutif est tout aussi intéressant à notre
égard en sachant que le dialogue se déroule désormais non pas entre paires, c’est-à-dire politiques ni entre le politique et le journaliste politique (servant de relais
pour le public) mais de plus en plus souvent ce dialogue et échange s’instaurent
avec les électeurs. Il s’agit de nouer une relation et de maintenir le contact tout en
échangeant :
131
S. R. « Vous savez, moi ma conception de la politique, c’est de regarder les
choses telles qu’elles sont et non pas se bercer avec des formules ou faire croire qu’il
n’y a pas de problème. » (17. 10. 06)
N. S. « Vous voulez la vérité ! Cela tombe bien : je refuse le mensonge ! »
« Vous voulez être libres ! Vous avez raison. Sachez que cette liberté se mérite.
L’ignorant ne peut pas être libre. » (03. 09. 06)
F. B. « Vous riez mais c’est la vérité. » (09. 01. 07)
Alors que chez les deux premiers, on voit plutôt une simulation qu’un dialogue
effectif par contre F. Bayrou propose réellement un échange.
L’omniprésence du « je » et de sa forme tonique confirme le fait que les discours
sont signés et la subjectivité assumée. Les discours sont pris en charge par le locuteur et pas forcément par sa famille politique. Ceci est également un signe direct
de cette dépolitisation en cours.
Ainsi, le jeu de pronoms personnel donne l’importance croissante accordée à la
fonction phatique dans ce discours, on observe le souci d’ancrer le discours dans
l’immédiat, de l’accrocher à la réalité. Alors qu’avant, c’était plutôt la distance qui
régnait avec un niveau d’abstraction assez élevé, maintenant un passage s’opère
vers le concret d’où de nombreux exemples, le recours au vécu, les citations et enfin
les témoignages.
Arrêtons-nous sur les verbes car ils contribuent à la désacralisation du discours
politique. Les plus fréquents sont les verbes énonciatifs et performatifs : dire, répéter, affirmer, penser et ensuite les verbes modaux: pouvoir, croire, vouloir, devoir.
En d’autres termes, c’est le dire sur le dit en terme de croyances, de volonté de
dire plutôt que d’engagements partisans et idéologiques. Quand un politique dit
« je vous dis que » son propos reste irréfutable car il ne s’engage en rien, il ne fait
que dire.
Viennent ensuite les phénomènes de syntaxe qui marquent le passage vers la
politique sans idéologie. Il est à noter que le mode conversationnel élaboré sur
les blogs ne reste pas sans impact sur le discours politique en dehors de la toile.
Alors que les traits typiques de l’oral sont relativement discrets chez S. Royal et
N. Sarkozy, F. Bayrou fait effet de proximité, de franc-parler, de spontanéité et
d’improvisation :
« Je vous parle sans papier et je parlerai sans papier pendant toute cette campagne électorale. Parce que je veux qu’on retrouve la vérité du rapport direct entre
responsables politiques, candidats et citoyens. » (09. 01. 07)
Son discours est imprégné de l’humour, il est parsemé d’anecdotes, de digressions, de dits sur le dire, de touches d’humour et de commentaires ironiques en
aparté :
« Le Canard enchaı̂né hier a sorti une information – entre nous, heureusement
que le Canard enchaı̂né existe pour qu’on apprenne des choses. Je suis obligé de le
dire parce que c’est un journal qui n’a pas toujours bonne réputation. » (09. 01. 07)
« La Cour, c’est : « qui n’est pas avec moi est contre moi », la carotte et le bâton.
Si tu es docile avec le pouvoir, il assurera tes succès. Si tu es indocile, prépare toi
au placard et aux ténèbres de l’oubli. » (09. 01. 07)
Il n’hésite pas à employer les mots banals, de tous les jours, la syntaxe simple.
C’est de l’oral spontané alors que chez ses adversaires, nous avons affaire à l’écrit
oralisé. La légitimité du discours politique fondée sur la distance n’est plus de mise.
132
Quant à l’emploi temporel, ce sont le présent de l’indicatif avec les valeurs de
présent actuel et générique et le passé composé exprimant le présent accompli, qui
priment ce qui permet d’ancrer le discours dans l’immédiat du moment. La présence
assez marquée du futur chez F. Bayrou casse cette tendance : je ferai. . . Le discours
politique se doit être effectif et actualisant pour marquer la puissance pragmatique.
Le discours devient verbal et modal, la rhétorique devient énonciative et performative – je veux, je crois, je dis, je répète, ces arguments sont irrécusables. Ces
formules prennent plus d’espace que le contenu. Nous avons affaire à un paraı̂tre-agir.
Le discours de N. Sarkozy et de S. Royal présentent chacun une touche novatrice,
mais c’est le discours de F. Bayrou qui s’inspire le plus ou se laisse contaminé (c’est
selon) par le langage Internet et blog. En outre, F. Bayrou cherche à se démarquer
des deux autres candidats et il se glisse partout sur les terrains délaissés par ses deux
rivaux. Ce qui fait sa belle montée dans les sondages qui reflètent les attentes des
gens tout en générant un comportement déterminé. Son élimination du deuxième
tour montre tout de même qu’il a trop anticipé sur les attentes du public. Ce dernier
en élisant N. Sarkozy a choisi une rhétorique la plus classique de cette offre.
Certes, le discours politique change de nature et de fonction. Le politique a
besoin de visibilité comme l’a constaté J.-M. Cotteret « le pouvoir appartient aux
plus apparents », d’image et de lisibilité de son projet politique.
4
De la dégénérescence à la recherche d’une nouvelle forme
de performance discursive
Beaucoup de chercheurs et ce depuis toujours, et plus particulièrement ces derniers
temps avec des études sur le discours de J. Chirac ont abouti au constat du discours
politique en crise. Mais pour S. Bonnafous, le sentiment du déclin de la rhétorique
est un « lieu commun » ressenti à toutes les époques par les esprits nostalgiques.
Comme l’indique D. Mayaffre « Plutôt que de parler, de manière axiologique, de
‘dégénérescence’, il convient de considérer les changements de l’art oratoire que
chaque mutation socio-économique ou culturelle provoque et conditionne. Ici sans
aucun doute l’ère des masse média a modifié fondamentalement la donne du discours politique. » (2004 :187)
Le discours politique s’appauvrit ainsi de mots porteurs de sens politique pour
laisser une place à une structure énonciative. C’est le discours qui est devenu iconique en cessant de nourrir le débat d’idées pour donner à voir et à entendre
un président se mettant en scène en train de parler. (D. Mayaffre, 2004 :47). Le
brouillage politique et cette dépolitisation semblent participer d’une évolution politique et discursive générale et être un chemin vers une nouvelle forme de performance discursive. En effet, Aristote considère que c’est au locuteur qu’il importe
de s’adapter à son public car ce n’est pas le public qui devrait faire un effort
de compréhension. Surtout qu’il est de moins en moins enclin à écouter de longs
développements politiques bien construits. Le succès de l’acte discursif et sa performance sont dépendants de la qualité de la relation entre l’orateur et l’auditoire. La
beauté du discours a longtemps été interprétée comme un signe de respect envers
son public.
133
Comme le remarque D. Mayaffre (2004 :44) du discours conceptuel, descriptif,
théoricien, idéologue, l’on arrive au discours pratique et pragmatique. Et le centre
de gravité des discours se déplace des finalités de la politique vers les moyens de
la politique. L’ère des penseurs est passée, le moment est à la communication, à la
pragmatique, à la gestion.
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de l’Antiquité et de la fin du XXe siècle ? dans Bonnafous et alii. (s. d.),
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http://www.desirsdavenir.org
http://blog-ump.typepad.fr/blog
http://www.sarkozynicolas.com/index.php
http://sarkozyblog.free.fr
134
De la dégénérescence de la parole politique ?
Résumé
Le pouvoir s’acquiert et s’exerce par les mots, quelles en sont les conséquences
sur la parole politique et pourquoi parle-t-on régulièrement à des intervalles plus
ou moins éloignés de dégénérescence du discours politique ? Ce texte est le fruit des
recherches portant sur le discours des candidats à la présidence en France de 2007.
Il relève de l’analyse discursive et logométrique de diverses formes de la discursivité
employées par les politiques en vue de l’obtention du pouvoir. A partir de là nous
proposons de discuter cette hypothèse de crise du discours politique d’aujourd’hui
qui se refléterait à travers le phénomène du brouillage politique.
The Degeneracy of Political Discourse
Summary
This text is a result of the discursive and statistical analysis of various forms of
the discourse employed by politicians for obtaining political power. From there we
propose to discuss a hypothesis concerning the degeneracy of political discourse.
The discussion is based on the political discourse used during the presidential campaign of 2007 in France.
Joanna Jereczek-Lipińska
Uniwersytet Gdański
Filologia Romańska
Bielańska 5
80-851 Gdańsk
Pologne
fi[email protected]
135
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
L@s poch@s, los traidores de la lengua
traicionados∗
Eva V. Johnson
Gloria Anzaldúa, poeta, activista, escritora feminista y una figura importante
de los estudios poscoloniales de América del Norte, a la cual voy a citar a menudo
a lo largo de mi estudio, nos ofrece una perspectiva desde dentro, una perspectiva
de una latina, hispana, mexicano-americana, chicana, en fin, de una pocha, en
su brillante colección de ensayos Borderlands/La Frontera: The New Mestiza, que
escribió en su lenguaje:
Deslenguadas. Somos los del español deficiente. We are your linguistic nightmare,
your linguistic aberration, your linguistic mestizaje, the subject of your burla. Because
we speak with tongues of fire we are culturally crucified. Racially, culturally and
linguistically somos huérfanos – we speak an orphan tongue.1
Hoy, el tema principal es la grandeza y la decadencia de la palabra en el siglo
XXI. El objetivo de mi trabajo es tratar de reflexionar sobre algunas de las preguntas propuestas para esta conferencia: ¿existe una crisis del lenguaje relacionada
con la crisis de la civilización? ¿nos traiciona el lenguaje? ¿nosotros traicionamos
al lenguaje? Espero que mi ponencia titulada L@s poch@s, los traidores de la lengua traicionados haga reflexionar sobre las dos últimas preguntas, porque el título
mismo de mi charla deja ver que estará, sobre todo, basada en las paradojas. Voy
a hablar sobre la crisis del lenguaje(s) en el caso del pocho que mejor se conoce
por el término Spanglish porque representa probablemente el fenómeno lingüístico
más importante de los Estados Unidos de nuestros días.
Los datos aquí utilizados pertenecen al proyecto más amplio que ha tenido lugar
principalmente en la Universidad de Los Ángeles, California, desde enero de 2005
hasta prácticamente hoy. El enfoque principal del proyecto que he llamado Chicana
Voice, o sea, Voz Chicana, se basa en la investigación sobre las actitudes hacia el
uso del lenguaje y la formación de la identidad de las latinas.
∗ El
uso de la @ en el término l@s poch@s designa tanto el género masculino como el femenino.
G., Borderlands/La Frontera: The New Mestiza, pág. 58.
1 Anzaldúa,
137
Los latinos en los EE.UU.
Según los datos obtenidos del Censo de los Estados Unidos, casi 33 millones de
latinos eran residentes de los EE.UU. en el año 2000. En otras palabras, una de
cada 8 personas en los EE.UU. es de origen hispano (es importante notar que los
datos no incluyen a los puertorriqueños ni a los inmigrantes ilegales). Los latinos se
han convertido en el grupo étnico más creciente de la población norteamericana, y
en 2003 sobrepasaron a los afroamericanos convirtiéndose en la minoría más grande.
Los factores que influyen en el crecimiento de la población son: fertilidad, esperanza
de vida y red de inmigración. El porcentaje más alto de los latinos se encuentra en
el suroeste de los EE.UU., Nueva York, Ilinois y Florida. Casi tres cuartos de la
población latina está formada por los descendientes de mexicanos.
Los estudios realizados en Los Ángeles demuestran que en el año 2010 la población latina sobrepasará en número a los blancos. Algunos autores ya se refieren
a Los Ángeles como a la capital chicana de los Estados Unidos.
¿Quiénes son los latinos, hispanos, chicanos y pochos?
Aunque existe una fuerte tendencia a considerar a la población hispana como homogénea y monolítica, nada puede estar más lejos de la realidad. Dento de este
grupo existen muchas diferencias que no se pueden sobrestimar. Entre ellas figuran:
país de origen, edad en la que emigraron a los EE.UU., si son legales o ilegales y el
nivel cultural y económico, por mencionar sólo algunos.
En América Latina conviven todas las razas: hay blancos, negros, asiáticos,
indígenas, y aunque la mayoría de ellos sea de color de bronce, muchos no lo son.
Entonces, nos podemos preguntar: ¿qué es lo que tiene en común un cubano blanco
con un negro de Puerto Rico? ¿un indio recientemente llegado a los EE.UU. con un
mexicano que lleva viviendo en Tejas durante generaciones? Aunque la mayoría de
ellos hable español, algunos no lo hablan. Aunque muchos son católicos, algunos no
lo son. El hecho de ser hispano no es una categoría racial ni étnica, sino cultural.
En esto se encuentra el aspecto más revolucionario.
El término hispano como tal se hizo popular en el año 1973 durante el gobierno
del presidente Nixon, y dividió a la nación norteamericana en cinco grupos: nativos/esquimales, asiáticos, blancos, negros e hispanos; cinco cajas ordenadas y bien
definidas. ¿Pero podemos simplificar tanto la identidad como el lenguaje de esta
manera? Intentaré responder a esta cuestión en la parte en que hablaré sobre las
ideologías del lenguaje.
Por ahora, para los propósitos de esta conferencia, basándome en mi propia
investigación, utilizaré el término identidad de la siguiente manera:
• Latino: es un término que abarca a todas las personas que provienen o tienen
lazos con América Latina, y es más aceptable que el término siguiente.
• Hispano: al igual que el término latino, se utiliza para denominar a todos
los hipano-hablantes; sin embargo, subraya la conexión con España, y, para
algunos, tiene una connotación negativa porque implica la conquista.
138
• Mexicano-americano: se pone énfasis con el guión que una persona es tanto
mexicana como americana; para algunos, significa vivir en la frontera tanto
física como metafórica.
• Chicano: contiene una carga política y de orgullo que proviene de la época
del movimiento de los años 60 y 70.
• Pocho: un término derrogatorio utilizado para denominar a las personas de
la descendencia mexicano-americana.
El pocho-el traidor
Gloria Anzaldúa, describe al pocho: «Pocho, cultural traidor, you’re speaking the
oppressor’s language by speaking English, you are ruining the Spanish language.»2
El pocho significa literalmente descolorido, pero también la fruta podrida. Hablar
el pocho o utilizar los pochismos significa hablar un español híbrido utilizado por
la segunda o tercera generación de los hispanos en los Estados Unidos.
L@s poch@s, traidores de México
Los hispanohablantes, en general, acusan a los pochos de hablar un lenguaje contaminado y de ser la vergüenza del idioma de Cervantes. Jitka Crhová en su estudio
nombrado Actitud hacia la lengua, describe la situación complicada de la gente que
vive en las zonas fronterizas de México y los Estados Unidos; dice:
[. . . ] los residentes de estas zonas son vistos por la población del interior del país
como pochos, término peyorativo que se utiliza para referirse a un mexicano que vive
en los Estados Unidos y ha olvidado su lengua materna. La palabra tiene un matiz
valorativo negativo, si es empleada por los mexicanos, y la utilizan para calificar a un
individuo que no puede mantener los dos idiomas (inglés y español) separados.3
Los mexicanos consideran a los mexicano-americanos traidores de su cultura,
unos mal educados que no pueden mantener el español y el inglés separados, y,
así, destruyen la lengua. Está claro que muchos mexicanos perciben el mal uso del
español y el del inglés como una mezcla de ambos porque, según ellos, perpetúa los
estereótipos sobre los mexicanos como flojos e ignorantes. Por tanto, reaccionan
de una manera negativa frente al uso del Spanglish aunque en algunas ciudades
fronterizas, y también en la parte mexicana, hay una tendencia creciente a utilizar
las palabras, como por ejemplo troca en vez de camión (de inglés truck ).
L@s poch@s, traidores de América
Basándome en un artículo de Samuel P. Huntington, llamado The Hispanic Challenge, voy a resumir los puntos claves por los que él considera a los pochos traidores del sueño Americano, representado, según Huntington, por los valores anglo-protestantes; dice:
2 Íbid.,
pág. 55.
J., Actitud hacia la lengua, pág. 103.
3 Crhová,
139
The persistent inflow of Hispanic immigrants threatens to divide the United States
into two peoples, two cultures, and two languages. Unlike past immigrant groups, Mexicans and other Latinos have not assimilated into mainstream U. S. culture, forming
instead their own political and linguistic enclaves — from Los Angeles to Miami —
and rejecting the Anglo-Protestant values that built the American dream. The United
States ignores this challenge at its peril.4
Huntington acusa a los inmigrantes de ser persistentes en la inmigración (inmigración ilegal), excesivamente fértiles, poco interesados en la educación, resistentes
a aprender inglés, resistentes a la asimilación.
Para el propósito de este trabajo, me voy a enfocar en la situación lingüística
de los Estados Unidos esperando aclarar algunos factores que causan los prejuicios
aquí presentados. En primer lugar, es muy importante señalar que la situación demográfica se refleja claramente en la lingüística, y que el español se ha convertido en
la lengua más hablada después del inglés en los EE.UU. Además, es preciso destacar
que tanto como el sincretismo demográfico y cultural surge el sincretismo lingüístico. Fernando Peñalosa, en su libro titulado Chicano Sociolinguistics, explica el
término pocho o pochismos desde el punto de vista lingüístico describiéndolo como
«un español mezclado con palabras inglesas».
Spanglish, el idioma del poch@
Hoy en día, el término pocho ha sido sustituido por el término Spanglish. El Spanglish fue utilizado por primera vez por el lingüista puertorriqueño Salvador Tió en
los años 40, y representa una mezcla de Spanish y English. Tió también utlizó la
palabra Englañol; sin embargo, ésta nunca se ha hecho popular. De vez en cuando,
se pueden escuchar también nombres, como por ejemplo Tex-Mex, Cal-Mex, Tejano
(Texas), Caló, Chicano/a Spanish, Border Slang, Pachuco. Lo que está claro es que
el fenómeno lingüístico abarca una amplia gama de mezcla entre el español y el
inglés, y que lo hablan, ante todo, los latinos en los Estados Unidos. Ha surgido
gracias al gran contacto fronterizo entre los Estados Unidos y México o en las
grandes comunidades bilingües y por la necesidad de comunicar y reflejar la nueva
realidad que los mexicanos experimentan en los EE.UU. Los focos de esta práctica
lingüística son las zonas fronterizas con México, el sur de California, Nuevo México,
Tejas, Florida, Puerto Rico y Nueva York.
Entonces, tanto como existe una gama de colores de piel de los latinos: desde
los blancos hasta los negros, y todo lo que cabe dentro de eso; existe también
una gama muy amplia de Spanglish: desde el español más o menos estándar con
algunos vocablos ingleses incorporados hasta el inglés más o menos estándar con
algunos vocablos españoles, y todo lo que hay entre ello. Por lo tanto, una persona
totalmente bilingüe de Los Ángeles que utiliza de manera espontánea el cambio
de código en la mitad de su frase, el que según muchos estudios se considera una
habilidad, y refleja el dominio de ambas lenguas; habla el Spanglish. Una persona
monolingüe que vive en la zona fronteriza de México, y habla español introduciendo
palabras del inglés españolizadas como mopear o la troca lo habla también.
4 Huntington,
140
S. P., «The Hispanic Challenge», Foreign Policy X, 2004, pág. 1.
Aunque el término Spanglish se ha hecho popular, es contínuamente atacado por
los lingüistas como tal. Lo atacan por muchas razones: el problema más grave, desde
el punto de vista lingüístico, es que junta fenómenos lingüísticos muy diferentes,
como el cambio de códigos y la mezcla de los códigos, los préstamos, el contacto
lingüístico o el bilingüismo. Algunos lingüistas han descrito el Spanglish como:
• Interlenguaje
• Criollo o pidgin
• Dialecto del español
También en el campo académico existe un debate apasionado sobre el Spanglish.
Algunos opinan que el Spanglish ataca y contamina la lengua de Cervantes, otros
creen que el Spanglish será la futura lengua de las Américas. Para concluir, voy a
repetir algunas de las características importantes del Spanglish:
• No es uniforme
• Representa una colección de situaciones lingüísticas
• Los hablantes o sus antepasados provienen de diferentes partes del mundo
hispanohablante
• En los EE.UU., surgen variedades del Spanglish
• No existe una norma o un Spanglish original
«There is no one Chicano language just there is no one Chicano experience.
Chicano Spanish is as diverse linguistically as it is regionally.»5 Según mi punto de
vista, lo único claro es que para hacer un análisis correcto de este fenómeno, hay
que tener siempre en cuenta la compleja situación lingüística de los EE.UU. junto
con su contexto político-económico.
Ideologías del lenguaje
«Ethnic identity is twin skin to linguistic identity – I am my language» dice Gloria
Anzaldúa y continúa: «So if you want to really hurt me, talk badly about my
language».6
Las ideologías del lenguaje polemizan, sobre todo, el prestigio preasumido que
tiene una forma de hablar sobre la otra. Es muy importante notar que formalmente
no existe una clara distinción entre una lengua y un dialecto. Max Weinreich propuso un famoso aforismo «una lengua es un dialecto con un ejército y una marina».
En otras palabras, la lengua está siempre estrechamente ligada a las ideologías del
lenguaje inherentes al uso y la aplicación del lenguaje mismo. Paul Kroskrity, especialista en la antropología lingüística, describe las ideologías del lenguaje como
5 Anzaldúa,
6 Íbid.,
G., Borderlands/La Frontera: The New Mestiza, págs. 58–59.
págs. 58–59.
141
múltiples y construidas a partir de unas perspectivas político-económicas específicas, que al mismo tiempo, influyen en las ideas culturales sobre el idioma.7
La presencia de las ideologías del lenguaje es inevitable, y hay que tenerla en
cuenta, sobre todo, haciendo el análisis de una situación lingüística tan compleja
como la de los EE.UU.
Basándome en el análisis de Bonnie Urciuoli y su libro Exposing Prejudice
Puerto Rican Experiences of Language, Race, and Class, me voy a concentrar en
la situación de l@s poch@s. Uricoli explica que las condiciones que crearon las
situaciones bi- o multiculturales en las sociedades poscoloniales y posindustriales
han sido siempre agresivamente politizadas.8 Pone énfasis en el hecho de que el
lenguaje no siempre es inocente y transparente, sino que muchas veces refleja las
relaciones de dominación. Pierre Bourdieu habla sobre las relaciones entre la lengua
y el poder, y describe el lenguaje como el capital simbólico que: «[. . . ] encierra
la pretensión de ser escuchado, e incluso crecido y obedecido, y que sólo puede
ejercer su específica eficacia en tanto que pueda contar con la eficacia de todos los
mecanismos (la imposición simbólica de la orden y la consigna, pero también el
discurso ritual, la simple comunicación, la amenaza, o el instituto) que aseguran la
reproducción de la lengua dominante y el reconocimiento de su legitimidad».9 De
este modo, tanto como el capital económico o político, también el lenguaje legítimo
se convierte en una forma de capital. Surgen ciertos objetos de la economía política
del idioma que se reflejan a través de la comunicación de la gente, o sea, como la
gente expresa sus valores, utiliza palabras y frases. Éstas están construidas a través
de las relaciones del poder burocrático, económico, racial o su combinación.
Susan Gal, en su artículo titulado Language and Political Economy, llama la
atención sobre los estudios recientemente realizados en la sociolingüística que exploran el papel que tuvo el lenguaje en la colonización, expansión capitalista, formación
del Estado, relaciones entre las clases y la política de la dependencia económica.10
Pero será natural para la gente tener la tendencia a intentar convertir las cosas
complejas y complicadas en unos objetos claramente definidos. Lo mismo ocurre en
el caso del lenguaje. La gente tiene la tendencia a cosificar, o sea, convertir en cosas
las condiciones lingüísticas y sociales que la rodean, y en las que vive. Y cuando la
gente expresa prejuicios hacia la lengua de los otros, lo hace, según Uricloi, a través
de la cosificación. Entonces, tanto la identidad como el lenguaje se convierten en
una caja bien definida donde cada cosa tiene su lugar sin tener en cuenta que en la
vida real esto ocurre excepcionalmente. Las lenguas no siempre están bien definidas
y separadas y los casos de homogeneidad y fronteras rígidas son hoy en día más
que raras.
En los casos de las sociedades, sobre todo, bi- y multiculturales las relaciones
de poder se hacen más visibles y se reflejan necesariamente en cómo hablan las
personas sobre la lengua, raza y clase en cuestión. En el caso de los Estados Unidos,
7 Kroskrity, P. V., «Language Ideologies», en: Duranti, R., eds.: A Companion to Linguistic
Anthropology, pág. 497.
8 Urciuoli, B., Exposing Prejudice Puerto Rican Experiences of Language, Race, and Class,
pág. 4.
9 Bourdieu, P., ¿Qué significa hablar? Economía de los intercambios linguísticos, pág. 46.
10 Gal, S., «Language and Political Economy», Annual Review of Anthropology 18,
págs. 345–346 y 349.
142
el español está seriamente cosificado con respecto al inglés, que representa el idioma
de valor. Lo que a primera vista parece una clasificación de los idiomas, se convierte
en una clasificación de sus hablantes. Cuando un grupo de hablantes pasa a ser
objeto de juicio, los prejuicios surgen fácilmente, y a estos hablantes se los juzga
como lingüísticamente incompetentes. Este hecho lleva a considerar la mayoría de
los latinos en los EE.UU. como tales, su habla como rota, mezclada, fuera del lugar,
y sus acentos como fuertes y no agradables para el oído. Al mismo tiempo, el habla
refleja las malas costumbres, y la flojera de estos hablantes.
En general, el español y sus variantes se convierten en el idioma marcado y el
inglés estándar representa la lengua natural y no marcada, al igual que el hecho de
ser blanco, de clase media y, en el mejor de los casos, hombre, heterosexual, sano.
Estas observaciones no provienen de la observación lingüística sino que son juicios
hechos sobre la raza, etnicidad y clase.
Con esto, volvemos a Huntington, que ve a los latinos como un grupo étnico que
rechaza asimilarse, que no quiere aprender inglés y rompe las reglas de Good Old
America, porque se supone que el sueño americano es accesible a todos aquellos que
quieran trabajar duro, educarse y ganar dinero, porque se supone que en los EE.UU.
todos tienen la misma oportunidad de no sólo aprender el idioma de América, el
inglés estándar, o sea, el lenguaje no marcado, sino también tener la identidad
americana, o sea, la identidad no marcada. Lo cual, para un latino no es siempre
posible.
Urciuoli revela en su libro que, hagan lo que hagan, los grupos étnicos (otros
que los WASP, o sea, white anglo-saxon protestant ), en el mejor escenario, pueden
tener éxito como un grupo étnico bueno, que más o menos se asimila, o como un
grupo étnico que fracasa. De todas formas, por muchas razones muy obvias, nunca
pueden lograr ser no-marcados.11
La vida en la frontera y la identidad nueva
«Chicano Spanish is not incorrect language, it is a living language.»12 Ed Morales
escribe expresando las voces de l@s chican@s: «We didn’t cross the border, the
border crossed us».13
Así, en vez de perpetuar la connotación negativa del término pocho como el
descolorido, blanqueado o pálido, visto por los mexicanos como tan sólo una mala
imitación del mexicano verdadero,14 Ed Morales ofrece otra explicación del término
que sugiere una nueva dimensión, y ofrece un punto de vista desde dentro, de un
chicano. A los pochos los describe así:
The word pocho, which means faded or pale in coloring, suggests the nausea of
transmigration, the onset of vertigo from being pulled back and forth across the border
11 Urciuoli,
B., Exposing Prejudice Puerto Rican Experiences of Language, Race, and Class,
pág. 38.
12 Anzaldúa, G., Borderlands/La Frontera: The New Mestiza, pág. 55.
13 Morales, E., Living in Spanglish: The Search for Latino Identity in America, pág. 20.
14 Rerefencia al tratado de Guadalupe Hidalgo del 1848 con el que acabó la guerra entre México
y los EEUU, y se estableció la frontera entre dos países con la mayor discrepancia económica del
mundo: la frontera creada por el Río Grande. A causa de este acto, México perdió casi la mitad
de su territorio y los residentes de estas zonas pasaron a ser de noche al día ciudadanos de los
EEUU.
143
by a desire to embrace the dynamic North Americanism while retaining the deep
spiritual sentimentality of the South.15
L@s poch@s —los traidores, traicionados por todos, tanto por la tierra madre,
México, como por la adoptiva, los EE.UU.— están creando una nueva identidad y
un lenguaje nuevo. Ambos surgen de la necesidad.
Vivimos en un tiempo en el que los valores tradicionales junto con las estructuras del poder se están derrumbando. Lo mismo ocurre con las fronteras entre los
Estados y con las fronteras entre las lenguas. Todas estas cajas bien definidas
poquito a poco están dejando de existir. Sin embargo, en este tiempo de crisis,
surgen también nuevas identidades. Gracias a esta metamorfosis podemos ver que
tanto como el término chicano se ha convertido en un marcador de orgullo de los
latinos durante el el Movimiento de los 60. y 70, también la manera de hablar de
los chicanos se está convirtiendo progresivamente en un marcador de su identidad.
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L@s poch@s, los traidores de la lengua traicionados
Resumen
En el artículo, exponemos la formación de la identidad y la variante lingüística
de los mexicano-americanos (para el propósito de este estudio en particular, utilizamos el término poch@ ). Sugerimos que dentro del dicho grupo existen muchas
diferencias; entre ellas, tanto la cuestión de la identidad, como las diferencias entre las maneras de hablar, que no se pueden sobrestimar. Revisamos, desde varios
puntos de vista, las opiniones sobre los poch@s y su manera de hablar. Resumimos algunas características de Spanglish (aquí denominamos como el Spanglish
el idioma de los poch@s) que representa probablemente el fenómeno lingüístico
más importante de los Estados Unidos de hoy. El tema principal del trabajo es
el poch@ visto como traidor de la lengua traicionado. Primero, hacemos constar
que los mexicanos consideran a los mexicano-americanos traidores de su cultura,
unos maleducados que no pueden mantener los dos idiomas, el español y el inglés,
separados, y, así, destruyen la lengua. En segundo lugar, ofrecemos el punto de
vista de los EE.UU. basándonos en el artículo de Samuel P. Huntington llamado
The Hispanic Challenge.
Basándonos en la teoría de Pierre Bourdieu que describe el lenguaje como «capital simbólico», y la cosificación del lenguaje y sus hablantes descrita por Bonnie Urciuoli, el trabajo toma en consideración no sólo la situación compleja de la
proximidad geográfica de México y los Estados Unidos, dos países con la barrera
económica más grande del mundo, sino también el contacto cultural y sobre todo
lingüístico. Para concluir, planteamos la posibilidad de la emergencia de nuevas
identidades que surgen de la vida fronteriza, tanto la física como la mental.
145
L@s Poch@s, the Traitors of the Language Betrayed
Summary
This paper discusses the formation of identity and varieties of speech used by
Mexican-Americans (for the purpose of this particular paper, the word poch@ has
been used). According to this paper, there are many differences among the speakers
and the importance of their speech cannot be underestimated. Various views on
poch@as and the way they speak are reviewed from different perspectives. Also
presented is a summary of key characteristics used to define the most important
linguistic phenomenon in the United States – Spanglish (here the term is used
to describe the language of poch@s). The underlining topic of this paper places
emphasis on poch@s as the traitors of a language betrayed. Described first from a
Mexican perspective, poch@s are considered traitors to the Spanish language and
Mexican culture. This is followed by the US view, as represented by S. Huntington
in his article “The Hispanic Challenge”. In an effort to address the presented
concerns, this paper focuses on the ideologies behind the use of a particular variety
of a language. Using Pierre Bourdieu’s theory of “language as symbolic capital” and
Bonnie Urciuoli’s “objectification” of language and its speakers, the paper uncovers
the complex situation of not only geographical, but also cultural and language
contact between Mexico and the USA – two states with one of the largest economic
disparities in the world. As a final point, the possibility of the emergence of new
identities from those living in hyphenated or borderline states, is also discussed.
Eva V. Johnson
Katedra romanistiky
Univerzita Palackého v Olomouci
Křížkovského 12
771 80 Olomouc
República Checa
[email protected]
146
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Le nom propre a-t-il une force persuasive ?
Alicja Kacprzak
Parmi les grandes inquiétudes de l’humanité, qui reviennent périodiquement, il
existe aussi celle de la crise de la civilisation. Actuellement, au début du troisième
millénaire, dans le monde dominé par des technologies modernes et leurs langages,
cette inquiétude s’accompagne aussi de la hantise de la crise des langues naturelles.
On se pose ainsi la question si les langues sont encore capables d’exprimer le monde
actuel, si elles ne perdent pas de leur force.
Cependant, ni les langues, ni en particulier les lexiques ne sauraient perdre
de leur force, car celle-ci décide de leur expressivité et constitue ainsi une base
nécessaire de chaque code. Il est vrai cependant qu’à chaque époque cette force
peut revêtir des formes différentes.
Il semble que l’époque actuelle ait créé un instrument linguistique de force
particulière : le nom de marque. Appelé aussi nom déposé, pour la raison de sa
monoréférentialité, il appartient à la catégorie du nom propre. Ainsi les noms de
marque tels que Benetton, Renault, Dior (à ne pas confondre avec les noms de
produits de cette marque, par ex. une Renault) sont des noms propres tout autant
que des anthroponymes, tels que Pierre et Dupont, ou que des toponymes, tels que
Prague et Paris.
On note évidemment l’existence de plusieurs Dupont, de plusieurs Pierre, même
de plusieurs Prague et Varsovie, mais ils ne forment pas des classes d’objets définissables à l’aide d’un même répertoire de traits sémantiques. Pour les noms de
marque, la situation est encore plus stricte : c’est la loi qui décide qu’il n’y a pas
plusieurs sociétés portant le même nom, il n’y a donc qu’une seule société Benetton,
Renault, Dior.
Le nom propre, quelle que soit la méthodologie appliquée, est considéré comme
vide de sens : sa signification est indéfinissable par rapport aux autres éléments du
système pour les structuralistes ; il ne correspond non plus à aucun schéma mental,
à aucun prototype pour les cognitivistes. Cet asémantisme n’empêche pas le nom
propre de remplir plusieurs fonctions, décrites traditionnellement comme :
147
1. déictique, définie comme celle qui consiste à désigner d’une manière unique
un individu unique, par ex. Françoise, l’Espagne. En réalité, cette fonction
est parfois contestée, surtout dans le cas des anthroponymes dont le nombre
est de loin inférieur au nombre d’individus. En effet, le champ d’appellations
individuelles est limité par plusieurs facteurs: des restrictions administratives
ou religieuses (par ex. listes de prénoms acceptés par l’état civil ou l’église) ;
l’usage (par ex. transmission de nom de famille aux enfants); la mode (par ex.
les modes des prénoms). Les noms de marque semblent remplir la fonction
déictique d’une manière plus restrictive : des dispositions juridiques interdisent qu’un nom déposé d’une firme soit utilisé par une autre firme, par
conséquent, les noms tels que Benetton, Canon, Fnac ne se réfèrent qu’aux
sociétés en question. C’est grâce au nom de marque que le client identifie la
firme avec ses produits parmi tant d’autres. Ainsi, parmi plusieurs marques
de glaces, certains clients chercheront les glaces de la marque Bertillon, ou
parmi plusieurs marques d’ordinateurs à utiliser seulement ceux de la marque
Apple.
2. sociale, définie comme celle qui consiste à sanctionner l’existence dans une
communauté d’un être ou d’un objet en lui attribuant un nom, par ex. Bénédicte XVI, Queen Elisabeth. Ainsi, le célèbre boxeur américain, Cassius
Clay, s’étant converti à l’islam, a pris le nom de Mohamed Ali pour marquer
son appartenance à la communauté musulmane. Les nouveau-nés, les animaux domestiques, même certains objets, comme les bateaux et les cloches,
en recevant un nom subissent de cette façon un acte de socialisation. D’une
manière évidente, le nom de marque remplit aussi la fonction sociale : chaque
firme doit porter un nom, ce qui est à la fois exigé par la loi et demandé par
le marketing. L’attribution d’un nom à une firme permet de reconnaı̂tre son
existence sur le marché et dans les consciences des clients potentiels.
3. classificatoire, définie comme celle qui sert à classer l’individu dans un système, par ex. Louis XIV. Le nom propre indique l’appartenance de l’individu
en question à un ensemble particulier. Tel est le rôle des noms de famille, par
ex. Dupont dans le système unilinéaire, ou Lopéz Sanchéz dans le système
bilinéaire. Telle est aussi la valeur de l’attribution des prénoms commençant
par la même lettre dans les élevages de chevaux. Le nom propre peut même
indiquer la position que l’individu occupe dans un ensemble, comme c’est le
cas de l’otecestvo ‘nom de père’ dans le système russe, par ex. Sergeı̈evic ‘fils
de Sergeı̈’ dans Ivan Sergeı̈evic Volkov, voire de l’attribution de numéro dans
des dynasties, par ex. Charles Quint. Cette fonction est bien visible aussi dans
les noms des filiales de sociétés, qui sont constitués par le nom de la société-mère, auquel est adjoint un autre nom en supplément, par ex. Pechiney –
Ugine – Kuhlman, filiale de Pechiney, Fiat-Polska, filiale de Fiat.
4. symbolique, définie comme celle qui vise à évoquer certaines valeurs idéologiques ou magiques importantes pour la communauté, par ex. Wuk, Bożydar,
Liberté, Industrializacja, Solidariusz, Hong Jun. Un nom peut être donné
en souvenir de quelqu’un ou de quelque chose, pour rendre hommage, mais
aussi pour protéger celui qui le porte ou encore pour le pourvoir de qua-
148
lités considérées comme souhaitables par une communauté socioculturelle.
Cette fonction est remplie par des anthroponymes, prénoms et noms évocateurs connus par la majorités des langues et des époques, par ex. Dragan,
Bogumil, Dieudonné, Elektrifikacja, Solidariusz, Hong Jun ‘Armée Rouge’,
mais aussi par des toponymes, comme Aleksandria, Stalingrad, Karl-Marx-Stadt. La fonction symbolique a souvent été exploitée dans les appellations
de firmes en Pologne Populaire, avant les changements politiques de 1989.
Il s’agissait d’évoquer de grands symboles de cette époque, comme dans le
cas du nom de l’aciérie Huta Lenina ‘Aciérie Lénine’, ou de la mine Manifest Lipcowy, ‘Manifeste de Juillet’, pour commémorer dans ce dernier cas le
premier manifeste du pouvoir communiste en Pologne publié en juillet 1944.
Cet usage, qui a presque disparu après 1989, semble subsister dans les noms
comme Solidarność ‘Solidarité’, firme de confiserie.
En ce qui concerne les noms de marque, il est sûr cependant que leur valeur
dépasse les fonctions traditionnelles du nom propre. Comme le dit Robert Galisson
dans son Dictionnaire des noms de marques, dans la situation économique où l’offre
doit créer la demande (et non pas comme avant, où la demande créait l’offre), et
où la demande n’est jamais assez importante du point de vue du producteur, celui-ci s’efforce de susciter chez le consommateur des besoins qu’il ne soupçonnait pas
chez lui-même. Le choix de l’appellation de la marque est le premier des moyens qui
peuvent être employés par le producteur à cette fin, car « la marque est aujourd’hui
le terrain d’élection des prestidigitateurs du verbe » (p. 46) : le nom de marque
acquiert de cette façon encore une fonction, celle de persuader.
On définit d’habitude la fonction persuasive comme une variante particulière de
la fonction conative: elle vise à influencer les pensées ou/et les actions du récepteur,
mais d’une façon indirecte et dissimulée. Le nom de marque doit donc attirer et
retenir l’attention d’un client potentiel et faire en sorte que celui-ci choisisse la
marque en question.
Comme tout instrument de persuasion, le nom de marque agit en faisant appel
à la raison et à l’émotion, mais il serait très difficile, dans la plupart des cas, de
dissocier les éléments intellectuels des éléments émotionnels. Les uns et les autres
se complètent d’une manière très étroite, surtout que la valeur du nom est souvent
basée sur une connotation. Tel est le cas du nom de bureau de tourisme spécialisé
de voyages en Grèce, Itaka ‘Ithaque’, qui évoque explicitement une ı̂le grecque et
implicitement un abri, en faisant appel au mythe d’Ulysse voulant retourner à
Ithaque, sa patrie aimée, après la guerre de Troie.
En quête d’efficacité, différents moyens persuasifs, c’est-à-dire différents types
d’arguments sont mis en oeuvre par les marques :
Argumentum ab utili : le nom de marque suggère l’utilité de l’établissement en
question. C’est le cas des noms de marque dont le caractère est le plus purement
informatif, par ex. Visa, Imigrant, firmes d’aide aux immigrés ; Kolo-Serwis ‘Pneu-Service’, firme de pneus ; Bellafruta, firme fruitière ; Wȩdlinka ‘Charcuterie’, firme
de charcuteries, etc.
Argument ad carotam : le nom de marque comporte une promesse. C’est le
cas où l’argument à l’utilité acquière une valeur plus accentuée, par ex. quand
parmi différentes activités de la firme, le nom de marque met en relief celle qui est
149
la plus désirée par le client ; notamment les dénominations de certaines banques
comportent l’item crédit, par ex. Crédit Lyonnais, Crédit Foncier, Bank Kredytowy,
ou l’item caja, caisse, par ex. Caixa de Catalunya, Caisse d’Epargne. Il en va de
même dans la dénomination d’un bureau d’aide financière comme Help.
Argumentum ad amicitiam : le nom de marque suggère un caractère amical
de l’établissement en question ; c’est le cas des cliniques vétérinaires qui portent
des prénoms familier d’animaux, par ex. Bobik, Reksio, ou des écoles maternelles
comme Familia, des maisons de retraite comme Pomocna Dloń ‘Main Aidante’.
Argumentum ad passiones, ad superbiam (à la vanité) : le nom de marque met
en relief des valeurs considérées par le récepteur comme celles auxquelles il aspire. Notons ici à titre d’exemple la grande mode en Pologne de noms de marque
comportant l’élément euro-, avant l’accession à l’Union Européenne, par ex. Euro
Kominki ‘Euro Cheminées’, Euro Myjnia ‘Euro Lavage’, Euro Tytoń ‘Euro Tabac’,
Euro-Baby ‘Euro-Nanas’, Eurobut ‘Eurochaussure’, etc. Les noms de marque insistent sur la qualité « européenne » du produit offert.
Argumentum ad antiquitatem : le nom de marque fait appel à l’ancienneté vraie
ou supposée de la firme en question, à l’usage de bonnes vieilles procédures. Dans
le cas des noms de pharmacies, on choisit souvent les noms d’herbes qui évoquent
de telles procédures médicamenteuses, par ex. Arnica, Belladonna, Rumianek ‘Cammomille’, Dziewanna, etc.
Argumentum ad fidem : le nom de marque fait appel à la foi du récepteur. C’est
le cas de la chaı̂ne de radio catholique en Pologne, Radio Maryja.
Argumentum ad metum (de peur) : le nom de marque est basé sur un élément
évoquant force, courage, vaillance. Tels sont les noms de firmes de sécurité, par ex.
Strażnik ‘Gardien’ qui insistent ainsi sur le caractère sécuritaire de la firme.
Argumentum ad reverentiam (de respect) : le nom de marque profite de la valorisation positive d’un élément sur lequel il est basé, par ex. Socrates, bureau d’aide
financière, Gracja, salon de robes de mariage, Hipokrates, clinique et pharmacie.
Il est clair après cette analyse que les noms présentés ci-dessus n’ont rien
d’accidentel; en choisissant les arguments, l’émetteur se réfère à la grille des valeurs
reconnues par le récepteur. Cependant leur force ne repose pas toujours seulement
sur l’argumentation exploitée. Dans beaucoup de cas, c’est aussi par leur forme,
que l’on cherche à influencer la conscience du récepteur.
Parmi les procédés formels, il convient d’énumérer tout d’abord l’emprunt. Il
s’agit dans ce cas vraiment de l’emprunt de luxe, c’est-à-dire de la situation où
le mot emprunté double le mot indigène et il s’agit donc seulement d’utiliser une
forme considérée comme plus prestigieuse. Dans ce cas, les noms de marque puisent
leur force de la connotation positive liée à la langue source et à son pays d’origine.
La plus grande partie des exemples recueillis évoque l’anglais, ce qui donne
souvent lieu à des appellations complexes, par ex. Sun-line, esthéticienne, Hair-well,
coiffeur, Sun Holliday, bureau de tourisme, Andy-Fashion, vêtements en cuir, Go
Sport, chaı̂ne de magasin d’équipement sportif ; Beverly-Hills, photographe, Scholl
of Modern Languages, école de langues Net-gate, City-net, informatique et Internet.
Dans certains domaines, l’allusion est ciblée sur une autre langue, par ex. l’italien et le français sont considérés comme des langues de la mode luxueuse, par ex. :
Bellissima, robes de mariage, Artisti-Italiani-Milano, vêtements, Bijoux Brigitte,
150
bijoutier. On rencontre aussi des cas, dans lesquels deux langues se mélangent,
comme dans Grand Full, tuyauterie.
Les noms de marques, dans lesquels le radical indigène est accompagné d’un
morphème étranger, se situent à la limite entre l’emprunt et la dérivation. La
priorité revient dans de tels cas à l’élément – ex, comme dans Oknex ‘fenêtre + ex’,
Kajtex ‘Gaétan + ex’, Tomex ‘Thomas + ex, etc. D’autres morphèmes sont par ex.
Best-, comme dans Best Meble ‘Best Meubles’, Inter, comme dans Inter Prasa
‘Inter Presse’, -eria, comme dans Kobieteria ‘Femme + -eria, etc.
L’analyse des exemples ci-dessus montre la richesse des procédés aussi bien
sémantico-pragmatiques que formels exploités lors de la création de noms commerciaux. Ces appellations qui ont pour but de persuader constituent en même temps
à nos yeux un exemple du pouvoir de la langue de notre époque, et en particulier
du nom propre. Celui-ci semble avoir acquis une force expressive qu’il n’avait pas
auparavant, comparable dans une certaine mesure à d’anciennes formules magiques
ou incantatoires.
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général. Études de métalexicographie. Éd. Nümeyer, Tübingen, 2001.
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Paris 7 – Denis Diderot, Paris, 2002.
151
Czy nazwa wlasna ma moc perswazjyjna̧ ?
Streszczenie
Ani jȩzyk, ani slownictwo nie moga̧ utracić swej sily wyrazu, ponieważ to ona
decyduje o ich wartości ekspresywnej i stanowi przez to podstawȩ każdego kodu.
Jednakże prawda̧ jest, że w każdej epoce owa sila może przybierać inne formy. W
niniejszym artykule mowa jest o ekspresywności nazwy wlasnej handlowej i jej roli
w marketingu.
Tradycyjnie uważa siȩ, że nazwa wlasna spelnia nastȩpuja̧ce funkcje :
1. deiktyczna̧ ;
2. spoleczna ;
3. klasyfikacyjna̧ ;
4. symboliczna̧.
U progu XXI wieku, jest jednak pewne, że na tej liście należy jeszcze umieścić
funkcjȩ perswazyjna̧, kluczowa̧ w przypadku nazw handlowych.
Nazwy te w istocie nie sa̧ przypadkowe: ich sila jest zwia̧zana tak z ich forma̧, jak
i znaczeniem, poprzez te znaki, ich twórcy chca̧ wplywać na świadomość odbiorcy
(czyli potencjalnego klienta).
Z tej wlaśnie perspektywy przebadany zostal w artykule korpus nazw handlowych. Pokazano jakie środki jȩzykowe zostaly użyte w celach perswazyjnych
w analizowanych nazwach. Badanie to dowiodlo, że wybór nazwy handlowej nie
jest rzecza̧ przypadku i że jest on motywowany przez szereg argumentów opisanych
z punktu widzenia retoryki.
Does a Name Have Its Own Persuasive Power?
Summary
Neither language nor vocabulary can lose its expressive power as it decides their
expressive value and by this it constitutes the basis of every code. However, the
truth is that in each age this power may take other shapes. The topic of this article
refers to the expressiveness of a commercial name and its role in marketing.
It is traditionally thought that a proper name has the following functions:
1. deictic;
2. social;
3. classifying;
4. symbolic.
152
On the verge of the 21st century it is sure that this list also needs to mention a
persuasive function, which is the key one when referring to marketing names.
These names are indeed not accidental: their power is linked to their form
just as much as to their meaning, and through these signs, their creators want to
influence the recipient’s consciousness (ergo a potential client).
A body of brand names has been examined from just this perspective. It has
been shown what means of language were used in the names that were analyzed.
The research has proved that choosing a marketing name is not random but on
the contrary it is motivated by a series of arguments specified from the rhetorical
point of view.
Alicja Kacprzak
Katedra Filologii Romańskiej
Uniwersytet L
ódzki
ul. Sienkiewicza 21
91-114 L
ódź
Pologne
[email protected]
153
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Le français, l’anglais et les langues nationales
dans la République démocratique du Congo
Jaromír Kadlec
1
Situation géographique
La République démocratique du Congo avec ses 2 345 095 km2 (environ 33 fois les
dimensions du Benelux et 4 fois celles de la France) est le troisième plus grand
pays africain (derrière le Soudan et l’Algérie), et le douzième pays au monde par sa
superficie. Le Congo démocratique (Congo-Kinshasa) est limité au sud par l’Angola
et la Zambie, à l’est par la Tanzanie, le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda, au
nord par le Soudan et la République centrafricaine et à l’ouest par la République
du Congo (Congo-Brazzaville). La République démocratique du Congo est située
à la frontière des pays « francophones » et « anglophones ». Le français est la
langue officielle des pays qui entourent le Congo-Kinshasa au nord et à l’ouest
(Centrafrique, Congo-Brazzaville) tandis que l’anglais est la langue officielle dans
les pays qui entourent la République démocratique du Congo – à l’exception du
Burundi et du Rwanda, petits pays francophones – à l’est et au sud-est (Ouganda,
Tanzanie, Zambie). L’Angola a pour langue officielle le portugais, et le Soudan
l’arabe.
2
Histoire
À la différence du Burundi et du Rwanda, administrés par les Allemands, le Congo
est dominé dès le début de la colonisation par les Belges. En 1885, Léopold II,
roi de Belgique, crée l’État indépendant du Congo. Son union avec la Belgique est
purement personnelle car le Congo a été propriété privée du souverain Léopold II.
En 1908, Léopold II, discrédité par la révélation des atrocités commises sous son
autorité par les compagnies coloniales, doit céder sa colonie privée à la Belgique.
L’indépendance du Congo belge est déclarée en 1960. Les cinq premières années du
Congo indépendant sont caractérisées par la guerre civile (assassinat de Patrice Lumumba en 1961) et la sécession des provinces riches (Katanga, Kasaı̈, Bas-Congo).
En 1965, à la suite d’un coup d’État, Joseph-Désiré Mobutu accède à la présidence
de la République. En 1997, Mobutu est renversé par les troupes rebelles, commandées par Laurent-Désiré Kabila qui se fait proclamer chef de l’État. Le président
Kabila est assassiné en 2001 et remplacé par son fils Joseph Kabila.
155
3
Population et situation linguistique
Le Congo, peuplé de près de 59 millions d’habitants, peut être considéré comme
le deuxième pays « francophone » du monde après la France (Il est même probable que la population du Congo soit déjà supérieure à celle de la France). Le
Congo n’est pas un pays homogène du point de vue linguistique et ne fait pas
partie des pays qui sont multilingues avec une langue dominante (le wolof au Sénégal, le sango en Centrafrique). Avec plus de 220 langues parlées sur son territoire,
il est l’un des pays les plus multilingues du monde (il occupe la troisième place
derrière le Nigéria et le Cameroun). Sur le plan linguistique, il faut distinguer
au Congo les langues ethniques (ou congolaises), les langues dites nationales et
la langue officielle. Pratiquement tous les Congolais pratiquent une diglossie (langue ethnique + langue nationale) ou une triglossie lorsqu’ils connaisssent en plus le
français (ou l’anglais). Seule une vingtaine de langues congolaises comptent plus
de 100 000 locuteurs. Les quatre langues nationales (le kikongo, le lingala, le swahili et le tshiluba), toutes d’origine bantoue, bénéficient grâce à l’administration,
la justice, l’enseignement et les médias d’une plus grande expansion au niveau
national et divisent le pays en quatre zones linguistiques. Elles sont aujourd’hui
utilisées comme langues maternelles ou comme langues secondes par 80 % de la
population. Parmi les langues nationales, c’est le swahili, langue comptant le plus
grand nombre de locuteurs d’Afrique noire (environ 50 millions), qui est le plus
répandu. Environ 41 % de la population congolaise vit dans la zone swahilophone
et maı̂trise le swahili. Sur l’ensemble des locuteurs du swahili, langue officielle de
l’Ouganda et de la Tanzanie, 30 % l’ont comme langue première et 70 % comme
langue seconde. À peu près 26 % de la population congolaise est concentrée dans la
zone lingalophone (dont seulement 20 % a le lingala comme langue première), 17 %
dans la zone kikongophone (dont 35 % a cette langue comme langue maternelle)
et 16 % dans la zone tshilubophone (dont la moitié a le tshiluba comme langue
première).
Selon l’article 6 du projet de Constitution congolaise de 1998, les langues officielles devaient être le français et l’anglais. Cette disposition était un geste politique,
un cadeau destiné à calmer les revendications des milices armées « anglophones »
qui contrôlaient une grande partie de cet immense pays. Selon l’article 123 de ce
texte, le français, l’anglais et les quatre langues nationales devaient constituer les
langues officielles du parlement congolais. Cela signifiait que le gouvernement congolais devait traduire la Constitution et les lois dans les six langues. Finalement, le
projet de Constitution n’a pas été approuvé, et selon l’article 4 de la Constitution
de 2003 et l’article 1er de la Constitution de 2006, le français reste la seule langue
officielle du pays et le kikongo, le lingala, le swahili et le tshiluba sont les langues
nationales. La Constitution de 2003 n’a pas adopté de mesure relative à l’emploi des
langues nationales au parlement et les lois ne sont encore rédigées qu’en français.
Néanmoins, l’article 142 de la nouvelle Constitution de 2006 impose la publication
des lois en français et dans toutes les langues nationales dans un délai de soixante
jours à compter de la date de leur promulgation.
Tous les textes officiels sont promulgués exclusivement en français. Les cours
et les tribunaux travaillent en français. Les parties peuvent s’exprimer dans les
langues congolaises, néanmoins tous les actes ne sont rédigés qu’en français.
156
Au Congo, le français domine dans l’enseignement primaire et s’impose comme
langue d’enseignement dans le secondaire et le supérieur. Mais à la différence des
années soixante et soixante-dix où les étudiants universitaires à Kinshasa employaient le français même hors des cours et en étaient fiers (l’emploi du français faisait
partie de leur identité et était un des signes distinctifs de leur appartenance à l’élite
sociale), aujourd’hui ils communiquent entre eux – de même que les soldats – en
lingala (le lingala est la langue traditionnelle de commandement des mercenaires et
de l’armée congolaise bien que depuis l’arrivée des Kabila au pouvoir, c’est aussi le
swahili qui commence à être employé par les militaires). Ces deux langues nationales
donnent l’impression d’être privilégiées par rapport au tshiluba et au kikongo.
Les étudiants communiquent en français, s’ils n’ont pas de choix (communication
avec les professeurs) ou lorsqu’il leur manque le vocabulaire en lingala (sciences,
technique, politique internationale). En parallèle, la culture en langues nationales
(musique) – surtout en lingala – se développe et fait du lingala une langue à la mode.
Les étudiants utilisent le lingala de préférence même en parlant des conférences et
des cours donnés en français. Le français est utilisé surtout par les étudiants en
lettres. Et ce sont les jeunes étudiants d’aujourd’hui qui vont probablement définir
la politique linguistique de l’État congolais dans l’avenir. Depuis l’époque coloniale
jusqu’aux années soixante-dix, la maı̂trise du français donnait accès à un emploi
bien rémunéré et à l’ascension sociale. Aujourd’hui, on peut rencontrer dans les
grandes villes congolaises (et africaines en général) beaucoup de diplômés qui sont
au chômage, ce qui a un impact négatif sur l’image du français qui n’est plus lié
à la promotion sociale et à la prospérité économique. Il ne faut pas oublier aussi
que depuis l’instauration de la dictature mobutienne, la connaissance du français
n’est plus le critère le plus important pour accéder aux postes importants dans
l’Administration et le niveau de français des « élites » est en baisse (comme presque
partout en Afrique noire).
4
Percée de l’anglais au Congo sous les Kabila
La région des Grands Lacs subit les offensives politiques et linguistiques des pays
anglophones ayant pour objectif, entre autres, d’y imposer la langue anglaise. La
position et l’avenir du français au Burundi, au Rwanda et au Congo, pays traditionnellement francophones, sont menacés. Plusieurs facteurs jouent contre le
français. À la différence de la France qui était dotée d’une politique coloniale linguistique développée (beaucoup plus que celle de l’Allemagne, par exemple) portant
sur l’assimilation linguistique, et l’imposition de la langue coloniale à la population
colonisée, la Belgique, petit pays avec des possibilités plus limitées et sans tradition coloniale, n’a pas eu de politique linguistique coloniale digne de ce nom. Les
Belges pratiquaient comme les Allemands l’administration indirecte, accordaient
une place importante aux langues africaines dans l’administration des colonies, et
laissaient l’initiative dans le domaine de l’enseignement aux missionnaires. De plus,
la Belgique est un petit pays bilingue, et l’administration coloniale avait même l’intention de diviser le Congo en deux parties (francophone et néerlandophone). Des
missionnaires francophones et néerlandophones ont travaillaient dans les colonies.
La position du français et du néerlandais en Belgique à l’époque de la colonisation,
et surtout au début du colonialisme belge, n’était pas équitable, ce qui s’est ma-
157
nifesté aussi dans les colonies. Les administrateurs étaient généralement de langue
française et les postes moins importants étaient occupés par les néerlandophones.
Le rôle des missionnaires dans les colonies belges était primordial, et beaucoup
plus important que dans les colonies françaises, parce que l’État belge n’a décidé
que très tard de s’impliquer dans l’éducation de la population africaine (dans les
années cinquante du XXe siècle). Les élites prêtes à prendre le pouvoir au moment de la déclaration de l’indépendance étaient donc inexistantes (à la fin des
années cinquante du XXe siècle, le système éducatif n’avait produit que 15 universitaires congolais, aucun médecin, ni ingénieur, mais avait formé plus de 500
prêtres) parce qu’à la différence de la France ou de la Grande-Bretagne, les Belges
n’avaient pas sélectionné et formé de successeurs qui auraient défendu les intérêts
des colonisateurs après leur départ. Les missionnaires avaient pour objectif principal d’évangéliser les Africains et non de diffuser la langue du colonisateur. Pour
cette raison, ils privilégiaient l’enseignement dans les langues africaines, ce qui a
posé des problèmes aussi dans les colonies françaises (au Cameroun, par exemple)
où les missionnaires ne respectaient pas les ordres de l’Administration coloniale
interdisant l’enseignement dans les langues locales. La Belgique ne disposait pas
d’une armée importante, et la colonisation a été réalisée avec des mercenaires étrangers communiquant entre eux en swahili ou en lingala. Le français était la langue
de la colonisation ce qui était en même temps un avantage mais aussi un inconvénient (« mauvais souvenirs » de la colonisation brutale au Congo). Aujourd’hui, la
Francophonie est assez mal perçue au Congo (la France a soutenu Mobutu et pour
cette raison, certains intellectuels congolais méprisent la France et le français, et
prévoient son éviction par l’anglais), mais surtout au Burundi et au Rwanda à cause
du rôle de la France dans le génocide de 1994 au Rwanda, et le français est considéré comme un « mal nécessaire », hérité du colonialisme, pour la communication
avec l’extérieur.
Selon les enquêtes menées en 2002 par le professeur Kasoro Tumbwe, 44,8 %
des Congolais interrogés préfèrent maı̂triser l’anglais contre 41,3 % des habitants
du pays qui privilégient le français. Manifestement, les Congolais sont d’avis que
l’anglais est plus facile à apprendre que le français. Le prestige de l’anglais est
élevé surtout chez les immigrés des pays anglophones, les hommes d’affaires, les
scientifiques et les jeunes. La percée actuelle de l’anglais est également consécutive
à l’image positive que la population a de cette langue. L’anglais a au Congo (et
dans les anciennes colonies belges en Afrique en général) l’image d’une langue de
civilisation moderne, sans passé colonial. La langue française et l’appartenance au
monde francophone n’ont pas apporté la richesse et la stabilité politique souhaitée
et plusieurs Congolais (surtout les jeunes) pensent que c’est l’anglais qui leur ouvrira la porte de la prospérité. 75 % des jeunes Congolais choisiraient d’apprendre
l’anglais comme langue étrangère contre 16 % qui seraient pour le français. Malgré ces données pessimistes, les Congolais restent encore attachés au français car
79,3 % des Congolais interrogés sont contre la suppression du français, contre 16 %
pour la suppression. Habitués à la coexistence de plusieurs langues, ils opteraient
plutôt pour un double emploi du français et de l’anglais en tant que « langues de
culture ».
Néanmoins, la langue anglaise commence à pénétrer dans le pays. Elle est
présente surtout dans la région du Katanga (essentiellement dans sa capitale Lu-
158
mumbashi) où l’affichage en anglais est de plus en plus fréquent. La région subit
l’influence des pays frontaliers anglophones et de l’Afrique du Sud d’où sont importés des produits (véhicules ayant leur volant à droite). Les anciennes colonies belges
développent aujourd’hui des relations politiques, économiques, culturelles et universitaires avec les pays anglophones, surtout avec l’Afrique du Sud, inexistantes à
l’époque de l’apartheid, ce qui a, bien évidemment, des conséquences linguistiques.
Mais l’anglais n’est pas encore une langue très répandue au Congo. Au Congo,
2 % de la population maı̂trise très bien le français et 1 % l’anglais. L’anglais est
la langue étrangère la plus enseignée dans les écoles (plus de 10 départements
universitaires d’anglais). Kabila II, président congolais, a été élevé dans les pays
anglophones, et a nommé à des postes importants ses alliés des pays anglophones et
anglophiles qui l’avaient aidé à reprendre le pouvoir. Joseph Kabila maı̂trise mieux
l’anglais et le swahili qu’on entend de plus en plus dans les bureaux à Kinshasa à
la place du français et du lingala, langue préférée de Mobutu. Son pays développe
des relations avec les pays anglophones voisins, et il est entré comme premier pays
francophone dans la Southern African Development Community, structure regroupant 11 pays africains de langue anglaise et l’Angola et le Mozambique, anciennes
colonies portugaises. Mais pendant la campagne électorale de 2006, Joseph Kabila
n’a pas employé l’anglais (même dans la partie orientale du pays, que certains considèrent anglophone ou au moins anglophile). Il a prononcé des dizaines de discours
en français ou en swahili car son lingala est toujours problématique. Selon Kabila,
le lingala n’est que l’une des langues nationales du Congo. Répondant à ceux qui
critiquaient son mauvais niveau en lingala il a dit qu’il parlait le swahili, langue
majoritaire du pays, ce qui était largement suffisant. En même temps, il a demandé
à ceux qui lui reprochaient de ne pas encore maı̂triser suffisamment le lingala, s’ils
parlaient tous bien le swahili.
5
Conclusion
La position du français dans les anciennes colonies belges en Afrique est moins favorable et plus vulnérable que dans les autres pays africains de langue française situés
plus au Nord bien que parmi les trois anciennes colonies belges ce soit le Congo où
le français est le mieux implanté. Cela est dû au caractère spécial de la colonisation
du Congo qui en a fait une quasi-colonie de peuplement, tandis que le Rwanda et
le Burundi sont d’avantage des colonies d’exploitation, au taux d’urbanisation plus
élevé, sans parler de la composition ethno-linguistique homogène de la population
au Burundi et au Rwanda. Le Congo vit une étape de transition en matière de politique linguistique. Toute la région subit pour des raisons géopolitiques l’influence
de la langue anglaise. Quant au Congo, un pays avec un potentiel économique très
important, qui est au centre des intérêts économiques des grandes puissances, il est
extrêmement difficile de prévoir son évolution dans le domaine linguistique qui est
étroitement liée à l’évolution dans les domaines politique et militaire. Une grande
partie du pays était contrôlée par des soldats étrangers de langue anglaise, et si les
pays voisins anglophones et anglophiles réussissaient à s’implanter définitivement
au Congo, l’importance de la langue anglaise augmenterait et le pays pourrait être
séparé en parties anglophone et francophone. Les opposants au président Kabila
protestent contre l’orientation du Congo vers les pays anglophones et demandent
159
que les quatre langues nationales deviennent – à côté du français – les langues
officielles du pays. Il semble que la France soit mal vue dans la région et que la Belgique et la Francophonie aient oublié depuis longtemps les pays de langue française
situés dans la région des Grands Lacs. Au moment où les pays anglophones envahissent la région, la Belgique et les institutions de la Francophonie commencent à
renouer les relations interrompues avec les anciennes colonies belges en Afrique, et
à renouveler l’influence culturelle et politique perdue. Il faut espérer qu’il n’est pas
déjà trop tard.
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Francouzština, angličtina a národní jazyky
v Demokratické republice Kongo
Resumé
Ve svém příspěvku se zabýváme jazykovou situací a postavením francouzštiny,
angličtiny a národních jazyků v Demokratické republice Kongo. Pozornost je věnována jejich statutu a užívání v zákonodárství a školství. Pozice francouzštiny
v oblasti Velkých jezer není tak pevná jako v jiných severněji položených afrických
frankofonních zemích. Kongo, Burundi i Rwanda jsou z geopolitických důvodů vystaveny vlivu angličtiny. Je velmi obtížné odpovědět na otázku, jak se bude dále
vyvíjet vztah mezi oběma evropskými jazyky v Kongu, neboť to závisí na dalším
vojenském a politickém vývoji v oblasti. Francie nemá v regionu dobrou pozici
a Belgie na své bývalé kolonie poněkud zapomněla. V době, kdy sem pronikají anglofonní země a s nimi i jejich jazyk, se Belgie a frankofonní instituce snaží obnovit
přerušené vztahy a získat opět vliv v oblasti Velkých jezer. Otázkou zůstává, zde
již není pozdě.
French, English and National Languages in the
Democratic Republic of Congo
Summary
The paper deals with the language situation and the position of French, English
and national languages in the Democratic Republic of Congo. Attention is paid to
their status and use in legislation and education. In the area of the Great Lakes,
the position of the French language is not as stable as in other, more northerly,
African French-speaking countries. For geopolitical reasons, the Congo, Burundi
and Rwanda are exposed to the influence of English. It is very difficult to answer the
question how the relation between both these European languages will develop in
the Congo, since this depends on future military and political developments in the
area. France does not have a good position in the region and Belgium has rather
“forgotten” its former colonies. In the period when English-speaking countries,
as well as their language, are penetrating this region, Belgium and Francophone
institutions are trying to renew relations and to regain their influence in the region
of the Great Lakes. The question remains: is it too late?
Jaromír Kadlec
Katedra romanistiky
Filozofická fakulta
Univerzita Palackého v Olomouci
Křížkovského 10
771 80 Olomouc
République Tchèque
kadlec@ffnw.upol.cz
161
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Las voces y sus portadores
en El saltamontes verde de A. M. Matute∗
Eduard Krč
Es bien sabido que la selección de voces (vocablos) en una obra literaria está
estrechamente relacionada con el carácter de la propia obra (irónico, lírico, popular,
etc.), con la idiosincrasia de los actantes (hombres, mujeres, niños), con la procedencia, cultura, formación, profesión, vocación de los personajes que influyen en su
manera de expresarse, de comunicar con otras personas.
Cuando leemos el cuento El saltamontes verde1 de A. M. Matute, se nos abre
un mundo firmemente anclado en la imaginación y los sueños infantiles, es decir,
un mundo que recompensa la soledad y el alejamiento, y, consecuentemente, lleva
al protagonista a la búsqueda de universos ficticios.
El lenguaje del cuento (igual que el de los otros cuentos) atraviesa espontánea
y naturalmente una profunda intimidad personal. Por ello, una de las funciones
usadas con más frecuencia es la afectiva. Al lector le conmueve la incapacidad de
hablar de Yungo en el cuento, la búsqueda desgraciada de su voz, su imposibilidad
de comunicarse con los demás.2
La afectividad se manifiesta a través de muchos indicios: al principio del texto se
nos explica la situación familiar del protagonista: Yungo es un huérfano adoptado
∗ Este artículo fue preparado en el marco del proyecto de investigación «Pluralidad de cultura
y democracia», MSM 6198959211.
1 El libro de cuentos de A. M. Matute titulado Todos mis cuentos, contiene un total de nueve
cuentos de distinta extensión. El saltamontes verde aparace por primera vez en 1960, reeditado
en 2000. Su cuarta edición aparece en noviembre 2003.
2 Yungo, un huérfano sordo, salva la vida al saltamontes y éste, para recompensar su ayuda,
intenta llevarle a distintos lugares como al mercado de animales y de productos de artesanía, al
teatro de muñecos donde vive un hombre triste del guiñol y otros pueblos. Desgraciadamente,
Yungo se entera de que el saltamontes fue encargado de robar su voz. Para recuperarla, Yungo
debería matarlo, y esta idea le hace luchar mucho consigo mismo. Al fin, se da cuenta de que le
falta valor para aplastar al saltamontes. Cuando ve que el viento le coge su mapa del Hermoso
País, alcanza a aferrarse al papel que le aleja a su país soñado.
Igual compasión despiertan los suguientes cuentos: el amor no correspondido del Caballito Loco,
las maldades y el miedo provocado por Carbonerillo (Caballito Loco), o la vergüenza y tristeza
de Gabriela (Sólo un pie descalzo), etc.
163
por una granjera rica, después del accidente de sus padres. Se siente muy afectado
por su incapacidad física: como no tiene voz, los niños prescinden de él en sus juegos,
no le piden que les ayude en los trabajos. De este modo, Yungo está siempre solo,
soñando con un Hermoso País, junto con sus animales y flores queridos. La ausencia
de la voz del protagonista se identifica aquí con la búsqueda de la felicidad y es el
leit-motiv de todo el cuento.
«[. . . ] sabía que en algún lugar estaría [su voz], quizás aguardándole. Y muchas
veces soñaba con ello [. . . ].» (pág. 9)3
Estilísticamente, la voz, es decir su ausencia y su búsqueda, cumple la función múltiple: sirve como soporte estructural, denominador común que unifica el
argumento entero y da plena individualidad al protagonista Yungo.
En el cuento elegido, el narrador nos conduce al mundo infantil (la vida en la
granja), y, también, al mundo de los adultos (el Pueblo Grande y otros pueblos
durante el viaje), ambos mundos respresentan dos concepciones distintas de la
vida. Como consecuencia lógica, resulta una tensión implacable y profunda. Por
un lado, están los chicos sanos, que crecen sin sufrir ninguna incompetencia ni
incapacidad física o mental, que cometen más o menos travesuras; por otro lado
está el resto, es decir, el mundo representado por el protagonista, Yungo, o por el
saltamontes y otros desgraciados. El saltamontes interpreta el papel de lazarillo y da
esperanza a los pobres que aspiran a recuperarse, les conduce a varios pueblos para
subrayar la disparidad del mundo. Como suele suceder en los cuentos fantásticos,
el protagonista, el personaje débil (está privado de voz), tiene una compensación:
la habilidad de entenderse con toda la flora y fauna.
Respecto a la estructura del cuento, se pueden distinguir tres niveles de discurso,
identificados con tres «voces» distintas:
1. La voz del narrador con su doble función
2. La voz del saltamontes
3. La voz de la gente
Ad 1 A. El primer nivel es representado por la voz del narrador, omnisciente,
que nos guía por el hilo argumental. Se trata de un lenguaje literario, influido por
elementos contextuales como el histórico, el social. La función referencial es la más
relevante. Cabe decir que se sirve de frases típicamente descriptivas que suele usar
la gente culta.
Ad 1 B. Por otra parte, el narrador intermedia la voz de Yungo cuyos pensamientos se mueven con mucha naturaleza al borde del mundo real y suprareal; aparecen
bastantes adornos literarios, es decir, figuras literarias, de palabra, de suspensión
o de significado, igual que, construcciones textuales con frases más densas y peculiares. El vocabulario es variado; va desde el nivel coloquial al nivel poético:
«[. . . ] Una gran indignación se le despertó viendo lo que iban a hacer los chicos
del granjero Nicolás.» (pág. 13)
3 Todas
164
las citas se refieren al cuento El saltamontes del libro arriba mencionado.
«Y un viento recién despertado empezó a soplar sobre la charca, volviendo borrosas
las imágenes.» (págs. 13–14)
Una de las características expresivas del narrador es el constante uso de una
riquísima gama de colores:
«ramitas verdes, una misteriosa luz color esmeralda, dos ojos diminutos como dos
finísimas y largas agujas de oro, resplandecientes ramas del fondo de la charca, sus
guijarros de colores, mariposas blancas y negras, tejados rojizos y azules, los hermosos
gallos blancos, cabellos dorados [. . . ].» (págs. 9–12)
Este juego cromático sigue potenciado y evocado mediante una elección sútil
de verbos que subrayan el efecto lumínico como «brillar», «lucir», «resplandecer»,
«iluminar», etc.
Podemos decir que «esta voz», la intermediaria, es de un registro bastante
poético, por un lado da al texto un matiz externo muy alegre, plácido y positivo;
por otro, en contraste, le da un matiz negativo, desagradable, triste, de acuerdo con
la situación descrita. Hay paralelismos antitéticos que aluden al estado anímico:
«[. . . ] palabras como orugas peludas, en hilera, mordiéndose la cola» (pág. 6);
«sus palabras virutas de madera como las que salen del escoplo de los carpinteros»
(págs. 18–19); «las voces eran diablillos negros», «las voces eran cáscaras de avellana,
hierbas secas o piedras redondas, que rodaban por el terraplén, hacia el río.» (págs. 20–
21)
También aparecen muchas comparaciones binarias y trinarias, que resaltan y
agregan una belleza evocadora musical, visual, fonética y acústica:
«[. . . ] la voz de la guitarra era como un eco mudo, como un resplandor, la voz-cuervo, las voces como copos de ligera nieve, las voces como plantas llamadas dientes
de león.» (pág. 21); «las palabras se volvían pájaros de mirada estúpida, la voz se
convirtió en una alegre cometa de papel amarillo.» (pág. 23)
Como podemos notar, la autora selecciona palabras precisas y adecuadas que
pueden provocar una emoción y un afecto peculiares, excepcionales. Entre las frases
poéticas podemos citar una gran cantidad de expresiones que aluden a la fauna, a
la flora o al cosmos en general.
«[. . . ] en el fondo resplandecían ramitas verdes como extraños y diminutos barcos
naufragados.» (pág. 12); «las ramas de los árboles empezaron a moverse, murmurando
algo.» (pág. 13); «en el cielo había tantas estrellas que nadie hubiera podido contarlas,
ni siquiera pasando la noche en vela, con la espalda contra la hierba.» (pág. 22)
En resumen, la intimidad concebida expresamente entre el protagonista Yungo
y la naturaleza no revela solamente la faceta artística del narrador, sino también
la psicológica. Contiene conceptos interiores como odio, amor, pasión, humildad,
vanagloria, depresión, entusiasmo, enfermedad o salud, sensibilidad espiritual y
gusto o disgusto personal, etc. Podemos explicitar que el estado de ánimo del
protagonista se encuentra en una constante depresión en relación con la actitud
165
hacia la gente: predomina la soledad, la tristeza, el aislamiento; su contacto con la
naturaleza le lleva a superar la depresión, le da la posibilidad de afirmarse en un
ambiente que no le castiga, al contrario, le proporciona confianza en sí mismo.
No hay muchos personajes que estén dispuestos a ayudarle. La granjera, «una
mujer ambiciosa, con la cabeza llena de cuentas y cálculos», de vez en cuando siente
«una punzada de compasión, pero pronto se cansa» (págs. 9–10). El dominio de
los hijos de los granjeros, apoyado por la riqueza y poder, se manifiesta de una
forma cruel, incluso sádica: martirizan a los animales, les persiguen con piedras y
palos y pegan a los chicos más débiles (se trata del mundo del hombre violento y
salvaje). El saltamontes, uno de los pocos que se proponen a echarle la mano a
Yungo, guarda el secreto de la voz hasta el último momento.
Como podemos ver, la palabra «voz» constituye la palabra clave, además está
reiterada explícitamente como un lema a través del texto completo:
«¿Aún deseas encontrar tu voz?» (págs. 16, 21); «Has comprado la voz de esa
guitarra. ¿No te basta?» (pág. 20); «¿De verdad, de verdad deseas recuperar tu perdida
voz?» (pág. 29)
Ad 2. El saltamontes es un personaje de potencia mágica, representante del
mundo irreal, misterioso, es un ser complejo cuya mentalidad consiste en difundir
un poder benéfico, armoniza discordias, disputas, inquietud entre los seres tanto
humanos como animales. Posee capacidades sobrenaturales. El saltamontes explicó:
«Cuando naciste, yo fui encargado de robar tu voz. De este modo debía andar por
el mundo y deslizar en los oídos de los desgraciados un poco de esperanza.» (pág. 29)
Este personaje lleva a cabo la verbalización de pensamientos, reflexiones de
Yungo y también sirve de intermediario de varias personas del cuento, ayuda a los
demás a reponerse física y psíquicamente mediante su propia estrategia personal
de susurrar mentiras a la gente, a los animales. Sin embargo, todas las mentiras
son positivas y benéficamente calibradas:
«¡Viejo y estúpido saltamontes! ¿Por qué has llenado de mentiras la cabeza del
caballito bayo? ¿Qué otra cosa mejor os ocurría, tontos y atolondrados pájaros? –
dijo el saltamontes. Vosotros le hicisteis temblar de miedo y le llené de esperanza.»
(pág. 17)
«Y los pájaros lo reconocen: ¡Tal vez, bien pensado, no eran mentiras lo que
dijiste!» (pág. 17)
Si consideramos esta voz más de cerca, llegamos a darnos cuenta de que sucede
aquí una bifurcación curiosa: la voz del chico, Yungo, se entrelaza con la voz del
saltamontes, que, de hecho, cumple el papel de su alterego:
«El saltamontes dice: Entonces, déjame en el suelo y aplástame bajo tu pie. Yo
soy tu voz.» (pág. 29)
Para comunicarse con los demás Yungo emplea varios modos de expresión menos
la vocal (las palabras): él mira, siente lástima, ve, siente un pesar, mueve la cabeza
166
o asiente con la cabeza, escucha con gran atención, piensa, mira con sorpresa, se
expresa con sus ojos, a veces usa una ramita para escribir su mensaje, usa actitudes
corporales, etc.; sustituye la propia voz tocando la guitarra:
«Yungo, como no podía hablar, volvió a tocar la guitarra» (pág. 26); «La guitarra
era muy suave y dulce como la voz del viento en el cañaveral» (pág. 26)
Yungo se concretiza a través de la voz del narrador o del saltamontes:
El saltamontes pregunta: «¿Aún deseas encontrar tu voz, Yungo?» «¡Ya sé que lo
deseas mucho!» (pág. 16); «El saltamontes leyó sus pensamientos: Sí, deseo encontrar
mi voz.» (pág. 17)
No obstante, hay más personajes que reinterpretan su voz interior, que le suplen
y traducen sus sentimientos o describen sus movimientos (la granjera, los chicos).
Además, hay paralelismos y contradicciones entre los dos personajes como por
ejemplo: Yungo alegra a la gente con su guitarra (en vez de la voz), el saltamontes
brinca sus consuelos al oído de los desgraciados.
«[. . . ] deslizando en los oídos de los desgraciados un poco de esperanza: ‘No tiembles así, pobre caballito bayo. Tú eres muy hermoso, y, en cuanto te vean los muchachos
del ganadero, te querrán [. . . ].» (pág. 17); «Yungo [. . . ] pulsó las cuerdas de la guitarra [. . . ]. Todos levantaban la cabeza hacia Yungo, y le miraban con ojos llenos de
amor y agradecimientos. [. . . ] el más anciano de los árboles dijo:
‘Nunca nos alegró nadie con palabras como éstas.» (pág. 19)
Los dos están siempre dispuestos a ayudar a los demás, pero la vida de uno
se complementa con la vida del otro. Yungo puede recuperar su voz a costa de la
muerte del saltamontes.
El nivel predominante de la lengua del saltamontes y de Yungo, pertenece al
registro estándar: podemos encontrarlo en los discursos del protagonista con la
naturaleza, con la fauna y la flora, en los diálogos entre Yungo y el saltamontes, y
entre ambos y otros personajes del cuento.
Elementos impresionistas y las enunciaciones implícitas de
Yungo
Gracias a la plenitud emocional de Yungo y su convivencia íntima con la naturaleza:
«[. . . ] él conocía el lenguaje de las flores, de los pájaros y del viento; un lenguaje
mudo, sin voz, como el suyo propio.» (pág. 12)
Participan en las conversaciones los animales y las flores y pueden expresar
sus opiniones cuando se confrontan con el mundo humano. Así dejan entrever su
faceta benéfica y amable. Nos encontramos ante una rica variación individual de
la expresión, una pléyade de palabras con una fuerte carga poética que puede
estimular varios matices.
167
Para Yungo: «[. . . ] los árboles empezaron a moverse, murmurando algo [. . . ]»
(pág. 13); «El oído tan fino como los árboles, como los animales del bosque, etc.
¡Fíjate en las palabras! Yungo vio que de la boca del traficante salían pompas de
jabón que subían hacia el cielo.» (pág. 16); «Ya ves, ¡qué falsas y malvadas son ésas!»
(pág. 16)
No cabe duda de que del mayor interés es el modo que emplea la autora para traducir sensaciones, estímulos y apariencias sugestivas. En la cabeza del protagonista
Yungo, pasan las siguientes ideas:
«[. . . ] hablaba con el guardabosques; y su voz era como cuando se descose la
esquina de un saco lleno de grano y escapa el trigo igual que un río de oro.» (pág. 16);
«¡Fuera de aquí, haragán, mendigo!, sucede que: El cielo se oscurecía, porque un
pájaro negro y pesado como un cuervo voló sobre ellos.» (pág. 20); «Y sus palabras
(del muchacho ladrón, embustero y ambicioso) nocturnas se volvían pájaros de mirada
estúpida, y murciélagos, que volaban torpemente y se daban golpes contra las paredes
del carro.» (pág. 22); «Y su voz se convirtió en una alegre cometa de papel amarillo que
empezó a elevarse sobre las colinas [pregunta sobre el desayuno]» (pág. 23); «[. . . ] todo
el aire se llenaba de aquellas voces: como relámpagos y oscuros truenos rodando hacia
los bosques [el niño lloraba en brazos de su madre]» (pág. 23); «Luego, de la gran
boca llena de oro del ganadero, Yungo vio caer piedras negras como carbones. En
vez de elevarse en el aire como las palabras del traficante, caían al suelo, pesadas,
siniestras.» (pág. 16); «Por todas las aldeas y lugares, Yungo veía las palabras de los
hombres y de la mujeres, que en su mayoría eran pompas de jabón, o piedras, o algo
peor: oscuras y viscosas manchas negras, que se deslizaban boca abajo y producían
repugnancia. Alguna vez, un muchacho muy joven, o una criada, o un campesino
solitario, tarareaba una canción, y entonces la voz era un manantial pequeño y lleno
de sol. [. . . ] o diablillos negros.» (pág. 20)
Como podemos ver en estas expresiones, para traducir percepciones personales,
Yungo capta la voz en una forma transformada metafóricamente y busca connotaciones de mucho dinamismo sensorial. La materialización de la voz, es decir, de
las palabras, demuestra una fuerte inclinación de la autora hacia el impresionismo
poético.
En este típico ejemplo del fenómeno llamado sinestesia,4 el carácter descriptivo
de las expresiones arriba mencionadas evidencia e integra, como elemento fundamental, la percepción visual (oscuro/claro, pompas de jabón, diablillos negros,
manchas negras, viscosas, etc.).
Hay otro elemento importante que implica la percepción acústica:
«[. . . ] la voz, piedras negras que salen de las bocas, caen al suelo.»
La percepción olfatoria/visual:
«[. . . ] de la boca brota una extraña flor con gran perfume.» (págs. 16–17)
4 Sinestesia: recurso poético consistente en una transposición de sensaciones, es decir, en la atribución de una sensación a un sentido que no le corresponde. Estébanez Calderón, D., Diccionario
de términos literarios, pág. 997.
168
La palabra clave, la voz, está regularmente distribuida a lo largo del cuento y
trae consigo también una constante asociación con el vuelo (la voz-cuervo, la voz –
cometa de papel, la voz – murciélago, pájaro de mirada estúpida, la voz relámpago,
etc.) coincide con la imagen volátil del protagonista Yungo:
«[. . . ] pero el papel brillaba como una estrella, y al cogerlo entre sus manos se
remontó como un extraño y maravilloso pájaro.» (pág. 30)
Ésta es una imagen típicamente impresionista, que ha perdido todos los límites,
todas las fronteras, y aparte de los aspectos acústico-visuales, extiende la localización espacial virtual, la finalidad imaginativa.
Queda claro que Yungo desea mucho recuperar su voz, se le ponen diversas
pegas para disuadirle de este intento:
«[. . . ] tú habrás perdido la voz, pero tu oído es más fino que el de los demás
muchachos. Tú tienes el oído tan fino como las cañas del río [. . . ].» (pág. 14)
En suma, esta serie de ejemplos sostiene que predominan las sensaciones visuales, en especial las cromáticas y acústicas; ambas conectadas estrechamente con
la sensación de movimiento. Estas referencias acusan pensamientos y símiles del
protagonista y el entrecruzamiento que tienen los personajes con las voces. En el
resto de descripciones ambientales, tal como las presenta el narrador, se presencian
actitudes más bien expresionistas de dolor, de placer, que hilvanan percepciones
como materia deductiva, con efectos onomatopéyicos, armonía imitativa y elementos lógicos.
«Yungo se alejaba y procuraba esconderse en algún lugar apacible. Entre las varas
del huerto, o allí, en el bosque, donde nadie fuera a decirle cosas estúpidas o malvadas;
o [. . . ] truenos ruedan.» (pág. 10)
Asimismo, encontramos recursos expresionistas que se identifican especialmente
con la descripción, de la vida, del mercado o de las andaduras épicas de la gente.
La dicotomía social (el mundo malo-bueno) se recrea en las imágenes antitéticas de
colores: negro/blanco; del estado de ánimo: triste/alegre, dolor/placer, de elementos
acústicos.
«Oyeron cómo cantaban los gallos en el pueblo y las mujeres empezaban a trajinar
y el titiritero a dar gritos pidiendo sus botas y el vino [. . . ].» (pág. 22)
Durante el acto de despertarse, se hace muy sugestiva la sucesión acústica de
cantar, trajinar, dar gritos, que acentúa el acople de la t, y la g con la r, b y v. Un
claro acercamiento expresionista se puede notar en la aliteración:
«¡Vete de aquí, con los horribles ruidos de esa horrible guitarra!» (pág 20)
Menos frecuente resulta la traducción del efecto que surge con la combinación
de elementos impresionistas y expresionistas:
169
«(Las mujeres) encendieron una gran hoguera, que les iluminaba las caras y hacía
brillar sus ojos; y se sentaron en trono al fuego. Los perros husmeaban a su alrededor,
y aquí y allá, entre la hierba, brillaban cascotes de botellas, o un papel de estaño, de
esos que sirven para envolver el chocolate.» (pág. 22)
Las llamas de la hoguera actúan aquí como un sujeto vivo, animado y logran insuflar la sensación ilumínica (sinestesia), mientras que los truenos ruedan registran
toques de recurrencia fonética, es decir, las tendencias expresionistas.
La captación impresionista se lleva a cabo también mediante los datos temporales o espaciales subjetivos. No se precisan, como mucho se determinan varias
estaciones del año calendario como «era primavera», «una vez existió», etc., pero
sin concretar más.
Esto ocurre incluso en el caso de la granjera que no podía recordar en qué
año ni día nació Yungo, el protagonista. La denominación de lugares resulta muy
entrelazada con la imaginación sensorial (el Pueblo Rojo, el Hermoso País, el Pueblo
Grande), donde se pierden nexos prácticos y se imponen imágenes impresionistas.
Mentiras
El mundo fantástico que se nos acerca, va estrechamente acompañado con mentiras
e hipérbolas. El saltamontes aprovecha la ocasión y llena de mentiras la cabeza de
los animales que se encuentran en apuros: p. ej. el caballo bayo, el pobre sapo, etc.
Sin embargo, el saltamontes defiende sus discursos mentirosos como algo que
puede hacer mucho bien. Él vuelve a indicar de una manera rotunda la vanidad de
las palabras, su falsedad y malvad. Acentúa repetidas veces:
«Ya ves qué vanas son las palabras [. . . ]. Ya ves que no son gran cosa las palabras
de los hombres, etc.» (pág. 16)
Para conseguir un efecto benéfico, el saltamontes edifica una estrategia de
engaños. La verdad y la mentira son objeto de una manipulación sofisticada y
gradual. Utiliza tan llamadas «mentiras blancas», término inventado por «Scott
Peck»5 , puesto que no producen ningún daño evidente.
Ad 3. La voz de la gente (chicos, vendedores, . . . )
Son discursos dialógicos antagónicos como los que tienen lugar entre el mudo y los
chicos de la granja, entre la gente del mercado, entre el titiritero y los demás.
Topamos con una lengua rebajada de nivel, una lengua de registro coloquial, o
eventualmente, de subregistro vulgar:
«Los chicos de la granja: Quita de ahí, chico, no te hagamos daño. Vete de ahí,
atontao, dijo el mayor de los chicos. ¡Calla, mamarracho! — decía el alfarero. ¡Llora,
5 Según este psicólogo las mentiras se dividen en blancas y negras. Las mentiras blancas confirman una realidad, cuya parte sustancial queda oculta. En nuestras relaciones sociales este tipo
de mentiras es generalmente aceptable, ya que no se dice la verdad que daña, logramos no tocar el punto más débil del hombre. La mentira negra es una mentira evidente. Scott Peck, M.,
Nevyšlapanou cestou, págs. 48–49.
170
llora, tonto de remate! ¡Bien puedes llorar tus grandes tonterías! ¡Fuera de aquí, haragán, mendigo, pordiosero! — chilló la mujer. ¡Vete de ahí, rapaz, con tus monsergas!»
(pág. 10 y 20)
Todas estas enunciaciones expresan el mundo afectivo, el mundo que caracteriza
el enfado, la ira, el odio, el malestar, es decir, que predomina la faceta negativa
del hombre que saca al exterior su estado de ánimo. Este rasgo es clave, en todo el
texto no desaparece el tono anímico personal, que puede ser completado por una
abundancia en frases, comentarios, notas. Con la evocación de varios estados de
ánimo, la autora cumple una de las exigencias del cuento infantil (mucha sensibilidad) y acentúa ciertos principios como la búsqueda de la justicia, la lucha contra
el mal, etc.
Conclusiones
Gracias a frecuentes alusiones al tiempo, a la naturaleza, al viento, al agua, al
bosque, incluso a la voz de Yungo, resulta que el cuento de A. M. Matute (igual
que los demás) posee una entonación lírica muy fuerte. Se puede notar una fuerte
tendencia personal hacia el empleo de palabras diminutivas (currito, despacito,
puertecilla, animalillo, ramita, etc.).
Aparecen bastantes ejemplos donde el uso de los complementos de tiempo y de
espacio coincide fielmente con el uso habitual de la voz típica en cuentos de hadas:
«Una vez existió [. . . ]» (pág. 9); «hubo un tiempo [. . . ]» (pág. 9)
Hay bastantes discursos subjetivos y afectivos de carácter fuertemente impresionista. Incluso, encontramos imágenes, cuya transferencia al sujeto receptor sugiere
un gran dinamismo (aspecto kinestésico). Hay una serie de imágenes metafóricas
que operan con un carácter simbólico, acústico, visual, olfatorio, y que intentan
sugerir un paralelismo antitético en los estados anímicos de los personajes. En el
cuento elegido de A. M. Matute reaparecen sinestesias y vocablos sugestivos de
singular potencia que contribuyen a una gran variedad de niveles estilísticos (desde
el nivel coloquial, que es menos frecuente, hasta la lengua estándar, culta). En el
estilo de la autora es posible verificar la incidencia de lo subjetivo y lo emocional,
que se superpone sobre la razón. Tal como lo ve el protagonista:
«Yungo vio que de la boca del habitante salían pompas de jabón que subían hacia
las nubes [. . . ]» (pág. 16); «[. . . ] más pompas de jabón subían en el aire y más negros
carbones caían al suelo [. . . ]» (pág. 16)
Todo el contenido del cuento se asocia íntimamente con la voz, que representa
el núcleo, el determinante que hace gravitar, fundir y relacionar a su alrededor la
estructura y la anécdota. La voz como algo tan indispensable en la vida del hombre
reafirma J. F. Mira diciendo que:
«[. . . ] existe una idea central que las gentes tienen el espíritu, y que el lenguaje es
el órgano que lo transmite y expresa»,6 lo que plenamente coincide con la afirmación
de Johann Gottfried Herder: «Con el lenguaje se ha creado el corazón de la gente».7
6 Mira,
7 Íbid.,
Joan, F.: «A history of Europe. Culture, languages, nations», Transfer 1, págs. 10–11.
págs. 10–11.
171
BIBLIOGRAFÍA
Estébanez Calderón, D.: Diccionario de términos literarios. Ed. Alianza, Madrid, 1999.
Matute, A. M.: Todos mis cuentos. Ed. Lumen, Barcelona, 2000.
Mira, J. F., «A history of Europe. Culture, languages, nations», Transfer 1, 2006,
págs. 10–11.
Scott Peck, M.: Nevyšlapanou cestou. Argo, Praha, 1993.
Las voces y sus portadores en El saltamontes verde de A. M. Matute
Resumen
En el cuento de A. M. Matute El saltamontes, aparece una variedad interesante de voces: cada voz sostiene su propia característica. La «voz» de Yungo, el
protagonista, ofrece al lector un matiz de especial interés, es decir, acusa una actitud impresionante, que destaca el funcionamiento sensorial. Se comparan algunos
ejemplos de sinestesia con las actitudes expresionistas.
Voices and Their Bearers in El Saltamontes Verde by A. M. Matute
Summary
A variety of interesting voices is presented in the story The green grasshopper,
by A. M. Matute: each of the voices has a specific characteristics of its own. The
protagonist Yungo’s “voice” offers the reader a really ingenuous shade, thanks to
its impressionist attitude and sensual application. Some examples of synesthesia
are compared with the expressionist forms.
Eduard Krč
Katedra romanistiky
Filozofická fakulta
Univerzita Palackého
Křížkovského 10
770 00 Olomouc
República Checa
krc@ffnw.upol.cz
172
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
La langue littéraire, existe-t-elle, au XXIe siècle ?
(la parole dans l’œuvre d’Amélie Nothomb)
Květa Kunešová
Les interprétations du thème de ce colloque – Grandeur et décadence de la parole au XXIe siècle – peuvent être différentes. J’y ai vu surtout deux voies possibles:
une réflexion sur la parole comme telle, qui, en littérature, implique surtout les
problèmes du dialogue, et d’autre part, la parole, par conséquent la langue en tant
qu’objet d’une évaluation, positive ou négative. Le mouvement de ma réflexion qui
commence dans un sens large d’abord se dirige finalement vers le concret. De la
langue de littérature je passe à la parole de l’auteur, à son art de dialoguer avec
le monde par l’intermédiaire de ces œuvres. La structure de ce dialogue est l’objet
des analyses de plusieurs romans d’Amélie Nothomb.
En 1955, lors d’un colloque, l’historien de la langue, Gérald Antoine s’est posé
une question semblable : Où va notre langue littéraire ? Dans la réponse il déclare :
« Sans une langue, il n’y aurait pas de littérature, sans une littérature, il n’y aurait
pas de langue. » Il parle de l’indépendance, c’est-à-dire interactions entre la langue
et la littérature – car, dit-il : « La langue est aussi fluctuante que la réalité. »1 Ce
n’est pas cependant une invention du XXe siècle. Chez Vaugelas : « L’Usage est le
Roy, le tyran, l’arbitre et le maistre des langues. »2 L’écrivain est celui qui choisit
son langage. Ce choix cependant n’est rien d’immuable. Dans les intentions de la
linguistique et de la science du texte modernes « le langage est par lui-même une
investigation » – pour citer un auteur contemporain.3
Pareillement à tous les phénomènes naturels et sociaux, le langage représente
une réponse à l’appel qui le conditionne. L’essence de cet appel qu’il soit fait de
l’extérieur ou de l’intérieur détermine le langage. Le dialogue de l’auteur avec le
monde ou avec soi est cet usage inconditionné de la parole.
Le dialogue – situation entre paroles – cet échange de base est un concept linguistique, littéraire et philosophique. La forme préférée par les philosophes, le dialogue
fait penser immédiatement aux dialogues socratiques qui donnent en quelque sorte
1 Gauvin,
L. : La fabrique de la langue. Editions du Seuil, Paris, 2004, p. 7.
p. 76.
3 Quignard, P. : Rhétorique spéculative. Gallimard, 1995, p. 22.
2 Ibid.
173
l’essence de philosophie. A savoir, c’est une recherche commune où le maı̂tre forme
l’élève : on ne peut obtenir une bonne réponse que par poser de bonnes questions,
des questions bien formulées. Au XXe siècle le concept du dialogue a été analysé
par le philosophe existentialiste juif Martin Buber au sens stricte du terme. Son
ouvrage de 1923, traduit en français en 1938, est intitulé Le Je et le Tu.
Pour qu’un dialogue existe, il faut qu’il y ait un interlocuteur. Comme dans la
philosophie, le dialogue linguistique ainsi que littéraire est une réalité dialectique
et médiatrice, faite de mouvement et de marque, visant l’être et la plénitude. C’est
Julia Kristeva4 qui a remarqué à quel point l’idée de dialogue linguistique avait préoccupé les formalistes russes. Ils insistaient sur le caractère dialogique de la communication linguistique et affirmaient que le monologue, comme «forme embryonnaire»
de la langue commune était postérieure au dialogue.
Chez Bakhtine, le dialogue peut être monologique – et ce qu’on appelle monologique est souvent dialogique. Pour lui le dialogue n’est pas seulement le langage
assumé par le sujet. C’est aussi l’écriture où on lit l’autre. Ainsi le dialogue bakhtien désigne l’écriture à la fois comme subjectivité et comme communicativité ou
comme intertextualité ; face à ce dialogue, la notion « personne-sujet de l’écriture »
commence à s’estomper pour céder la place à une autre, celle de « l’ambivalence de
l’écriture »5 . Le terme « ambivalence » pourrait être appliqué à la permutation de
deux espaces que l’on observe dans la structure romanesque – espace dialogique et
espace monologique.
Sylvie Raban, dans son ouvrage Fictions de présence,6 introduit l’hypothèse
du désir narratif. La parole, la voix, le dialogue restaurent la réalité et assurent la
co-présence. Lise Gauvin qui analyse le discours direct chez les auteurs littéraires
à travers plusieurs siècles dans son ouvrage La fabrique de la langue, remarque des
différences entre les personnages qui ont le privilège de parler au style direct et
ceux dont la parole est narrativisée.
Le discours direct et la forme dialogique sont des moyens d’expression privilégiés
dans les œuvres d’Amélie Nothomb. Cet écrivain, qui a étonné pour la première
fois en 1992 par son roman Hygiène de l’assassin, surprend chaque année par son
infatigable assiduité en publiant un roman par an, tous écrits dans un style brillant
et rythme rapide. L’authenticité des histoires racontées est accentuée par les dialogues, souvent même basée sur les dialogues. Le premier roman a attiré l’attention
des lecteurs et de la critique notamment grâce au style d’interview. Il s’agit d’une
histoire simple : un écrivain, mortellement malade, lauréat du Prix Nobel, est interrogé par les journalistes. Selon Sophie Raban, le discours direct présente les
éléments de la réalité. Le dialogue est une mimésis d’un discours antérieur. Chez
Nothomb, cependant, on a l’impression d’assister à la scène du dialogue, tellement
le lecteur est entraı̂né dans la communication.
L’art de la conversation s’efface et l’entretien se transforme de plus en plus en
un combat intellectuel à l’intrigue de romans policiers. La justesse de chaque mot
s’insère dans la pensée comme un clou et la construction du drame s’élève devant
les yeux des lecteurs. L’analyse de la confession devient de plus en plus raffinée.
4 Kristeva,
J. : Sémiotiké. Editions du Seuil, Paris, 1969, pp. 86–87.
J. : Sémiotiké. Editions du Seuil, Paris, 1969, p. 87.
6 Raban, S. : Fictions de présence. Honoré Champion, Paris, 2000, p. 134.
5 Kristeva,
174
Décortiquer la vérité, tel est le but du questionnement successif, unique, qui connaı̂t
une gradation propre à une tragédie classique. Le dialogue selon Nothomb est un
duel, dont les armes puissantes sont l’ironie, la satire, l’hyperbole. Le côté physique,
la monstruosité du corps, concrétise et incarne la pensée distorse. Suivons un extrait
du dialogue entre l’écrivain et la journaliste. La situation se dramatise par un pari :
celui qui perd, va ramper vers l’autre. La jeune femme a gagné :
« –Vous vivez dans une sphère étrangère à la mienne. Il est normal que
vous ne puissiez me comprendre.
–Votre condescendance me touche. Rampez.
–En fait, je suis beaucoup plus tolérant que vous : je suis capable d’admettre que vous viviez avec d’autres critères. Pas vous. Pour vous,
il n’existe qu’une seule manière de voir les choses. Vous avez l’esprit
étroit.
–Monsieur Tach, soyez certain que vos considérations existentielles ne
m’intéressent pas. Je vous ordonne de ramper, point final.
–Soit. Mais voulez-vous que je rampe ? Auriez-vous oublié que je suis
impotent ?
–C’est juste. Je vais vous aider. »7
Comment ne par comparer avec le dialogue des personnages du maı̂tre
de cette forme du 18e siècle :
« Lui : Indépendamment de cette métaphore qui me déplaı̂t dans ce
moment, et qui ne me déplaira pas dans un autre.
Moi : Quelle singularité !
Lui : Il n’y a rien de singulier à cela. Je veux bien être abject, mais
je veux que ce soit sans contraindre. Je veux bien descendre de ma
dignité. . . Vous riez ?
Moi : Oui, votre dignité me fait rire.
Lui : Chacun a la sienne ; je veux bien oublier la mienne, mais à ma
discrétion, et non à l’ordre d’autrui. Faut-il qu’on puisse me dire :
rampe, et que je sois obligé de ramper. C’est l’allure d’un ver, c’est
mon allure: nous la suivons l’un et l’autre, quand on nous laisse aller,
mais nous nous redressons quand on nous marche sur la queue. »8
La langue de l’auteur contemporain mis en parallèle à celle de Diderot peut
mener à une constatation surprenante. On trouve presque la même allure, le même
entrain.
La création littéraire de Nothomb des années 1990 se caractérise de cette forme.
Dans le roman Les Catilinaires9 un couple de retraités est obligé de recevoir leur
voisin désagréable qui ne parle pas du tout. Dans les réactions de deux personnages menacés par le visiteur on pourrait se rappeler l’interrogation socratique qui
prétend déterminer et trouver une bonne et précise réponse grâce à la question bien
posée. Cependant, les questions du couple, bien ciblées, se heurtent au silence du
visiteur comme à l’épiderme de l’hippopotame.
7 Nothomb,
A. : Hygiène de l’assassin. Albin Michel, Paris, 1992.
D. : Le neveu de Rameau, Paris 1967, pp. 94–95.
9 Nothomb, A. : Les Catilinaires. Albin Michel, Paris, 1995.
8 Diderot,
175
J’aimerais, à ce moment-là, faire une parenthèse, pour rappeler, la deuxième
fois aujourd’hui, les années 1950. Non seulement Gérald Antoine se posait des
questions sur la langue et l’expression littéraire. Nathalie Sarraute a cherché de
nouvelles voies dans la représentation de la réalité. Ses « tropismes », expriment-ils
la pensée humaine mieux que la conversation traditionnelle ? Peut-on penser que le
silence et les moyens non verbaux de la communication dans l’œuvre de Nothomb
sont des parallèles des tropismes bien que la parole d’auteur, d’Amélie Nothomb,
par sa structure est plus proche des dialogues de Diderot que des dialogues des
nouveaux romanciers ?
Le silence et la parole, les débuts de l’usage de la langue figurent dans le roman
Métaphysique des tubes. A. Nothomb décrit les sentiments d’une toute petite fille
à l’état où on commence à penser et à devenir un être humain.
Dans son goût pour les oppositions, Amélie Nothomb a un don d’inventer des
titres de ses romans, comme par exemple Cosmétique de l’ennemi. Son écriture
pourrait être appeler « écriture de l’adversité ». L’auteur même d’ailleurs a déclaré plusieurs fois que ce qui est le plus important pour l’homme, c’est l’existence de l’ennemi. Dans le roman en question, l’adversité engendre le discours :
en fait, la conversation à laquelle nous assistons est échangée entre deux hommes dans la salle d’attente d’un aéroport. Cette conversation farcesque dévoile
la vie du personnage qui fait confession à l’autre. Le dialogue s’y prête le mieux
parce qu’il valorise chacun des arguments. Rien n’est plus simple, rien n’est plus
dur et brutal que la parole. On apprend néanmoins au détour d’une réplique
que les deux personnages ne sont en réalité qu’une seule et unique personne.
Cet échange de paroles n’était que le débat de quelqu’un avec sa propre conscience.
En considérant la création littéraire d’Amélie Nothomb dans son ensemble, on
peut constater que la forme dialogique des premières œuvres cède à la forme monologique. D’ailleurs, Cosmétique de l’ennemi présente déjà un seul sujet dédoublé. La
conscience dialoguant avec l’autre, menacé par l’autre rappelle les existentialistes,
devient une seule personne.
Le narrateur à la première personne apparaı̂t déjà dans la Métaphysique des
tubes, le roman où la parole à une position spécifique. L’histoire vue, vécue et
racontée par une petite enfant surprend par la vision particulière et drôle des autres
de la part d’un sujet qui apprend à communiquer.
Le personnage solitaire qu’on trouve dans l’un des derniers romans de Nothomb, Le journal d’hirondelle, prouve qu’Amélie Nothomb abandonnera peut-être
la forme dialogique et est en train de chercher d’autres types de narration romanesque. Ce roman est une déception en quelque sorte. Tandis que dans les romans
précédents les conversations brillaient des propos pleins d’ironie, d’humour et manifestaient la culture et les connaissances de l’écrivain, ce roman surprend par le
ton fade et le rythme monotone. Malgré les critiques qui lui reprochent son style
« surfait », un peu la vieille France, il faut apprécier cette rigueur et maı̂trise de la
parole.
Pour conclure je voudrais revenir au langage et à la langue littéraire, à cette
langue que l’auteur utilise comme réponse à l’appel de son moi créateur. Je crois
qu’on peut la voir dans l’optique de la citation suivante : « Les paroles usuelles sont
176
comme des vêtements qui dissimulent, alors que le langage littéraire est le langage
nu jusqu à l’effroi ».10
A la fin du 18e siècle, dans son Discours sur l’Universalité de la langue française,
Rivarol fait l’éloge de cette langue dont les qualités générales sont l’ordre et la
clarté. Or, Gustave Lanson, en 1908, dans son L’Art de la prose, distingue entre la bonne et la belle prose. La bonne prose est celle de la clarté et netteté,
élégance, géométrie, de l’exactitude ; belle prose, néanmoins, est celle qui rivalise avec les arts visuels ou avec la musique. Dans cette optique, si je peux faire
un jugement, l’écriture d’Amélie Nothomb pourrait se référer à la bonne littérature.
La grandeur et la décadence de la parole ne sont qu’à être considérées rien
d’autre qu’hyperboles. En tant que pôles extrêmes d’une réalité, elles représentent cependant une opposition, une confrontation qui à la base de tout dialogue.
BIBLIOGRAPHIE
Nothomb, A : Hygiène de l’assassin, Albin Michel, Paris, 1992.
Nothomb, A. : Le sabotage amoureux, Albin Michel, Paris, 1993.
Nothomb, A. : Les combustibles, Albin Michel, Paris, 1994.
Nothomb, A. : Les Catilinaires, Albin Michel, Paris, 1995.
Nothomb, A. :Péplum, Albin Michel, Paris, 1996.
Nothomb, A. : Attentat, Albin Michel, Paris, 1997.
Nothomb, A. : Mercure, Albin Michel, Paris, 1998.
Nothomb, A. : Stupeur et tremblements, Albin Michel, Paris, 1999.
Nothomb, A. : Métaphysique des tubes, Albin Michel, Paris, 2000.
Nothomb, A. : Cosmétique de l’ennemi, Albin Michel, Paris, 2001.
Nothomb, A. : Journal d’Hirondelle, Albin Michel, Paris, 2006.
Diderot, D. : Le neveu de Rameau, Garnier-Flammarion, Paris, 1967.
Gauvin, L. : La fabrique de la langue. Editions du Seuil, Paris 2004.
Kristeva, J. : Séméiotiké. Editions du Seuil, Paris, 1969.
Lanson, G. : L’art de la prose. Table ronde, Paris, 1996 (1ère éd. – 1908).
Quignard, P. : Rhétorique spéculative. Gallimard, Paris, 1995.
10 Quignard,
P. : Rhétorique spéculative. Gallimard, 1995, p. 58.
177
Raban, S. : Fictions de présence. Honoré Champion, Paris, 2000.
Zunkir, M. : Amélie Nothomb de A à Z. Editions du Grand Miroir, Paris, 2003.
Internet, La page de Trismégiste, [email protected]
Existuje literární jazyk, a to v 21. století ?
(jazyk promluvy v díle Amélie Nothombové)
Resumé
Příspěvek si klade otázku existence literárního jazyka, na kterou se snažili odpovědět již lingvisté a literární vědci 50. let 20. století. Formální kritéria kladená
na literární tvorbu se během staletí uvolnila natolik, že literární jazyk mnohdy kopíruje jazyk mluvený, který jako prostředek dorozumívání, preferuje nebo potlačuje
některé jazykové a stylistické prostředky. Tento vztah je však oboustranný. Téma
konference – význam „parole
, mluveného slova a jazyka komunikace, se v literatuře
promítá jednak jako specifický odraz této komunikace a jednak, v obecné rovině,
jako dialog autora se světem. Literární jazyk je prostředkem tohoto dialogu. Dílo
Amélie Nothombové představuje příklad dialogické formy jako prostředku k vyjádření autorčina názoru na konfrontační charakter lidských vztahů. Dialog je takto
chápán jako výměna názorů a předpokládá dva odlišné a často nepřátelské póly. Je
to stav opozice, základ klíčového konfliktu a zápletky díla, ale i nutný střet postav,
jejichž podoba a charakter během komunikace nabývají stále zřetelnějších rysů.
Právě v dialogu se tento vztah tvoří, vyhrocuje a vrcholí.
Does the Language of Literature Exist, and in the 21st Century?
(the language of Discourse in the Works of Amélie Nothomb)
Summary
The aim of the article is to reflect the very wide question of literary language,
which was already being analyzed during the fifties of the 20th century. In the
course of centuries it was proved that the language of literature, despite strict formal traditional criteria, had always reflected the spoken language, an important
instrument of understanding and communication on the usage level of which certain linguistic and stylistic means are preferred or, on the contrary, rejected. The
topic of the conference being the importance of “parole” – speech, the language
of communication, is reflected in literature as a specific type of communication,
a dialogue between the author and the world. The language of literature is an
instrument of this dialogue. The novels by Amélie Nothomb present the dialogical
form as an expression of the author’s opinion concerning the principle of confrontation in human relations and on the other hand, the actual language used in the
dialogue, on which the style of Amélie Nothomb is based. The dialogue supposes
178
two antagonistic points; it is seen as a struggle between them. It is a state of opposition, the basis of the conflict between the characters, whose portraits become
clearer and clearer. It is by means of the dialogue and in the dialogue that their
mutual relations are formed, coming to a head and culminating.
Květa Kunešová
Oddělení francouzského jazyka a literatury
Katedra anglického jazyka a literatury
Pedagogická fakulta
Univerzita Hradec Králové
Rokitanského 62
500 03 Hradec Králové
République Tchèque
[email protected]
179
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Soutiens lexicographiques du discours
de spécialité. Grandeur ou décadence
des dictionnaires bilingues de spécialité ?
Katarína Kupčihová
Avant de développer notre sujet, il convient de se poser la question suivante :
comment les lexicographes définissent-ils leur propre produit ?
L’explication de l’entrée dictionnaire, élaborée par les auteurs de la nouvelle
édition du Petit Robert (2003), nous informe qu’il s’agit d’un « recueil d’unités signifiantes de la langue (mots, termes, éléments, . . . ) rangées dans un ordre convenu,
qui donne des définitions, des informations sur les signes [. . . ] ». En ce qui concerne
le dictionnaire bilingue, « il donne la traduction d’un mot d’une langue dans une
autre en tenant compte des sens, des emplois ».1
Étant donné nos objectifs, il nous semble utile de noter encore que l’ouvrage
ne donnant que les mots principaux y est désigné comme lexique ou vocabulaire et
celui qui contient les mots difficiles ou peu connus est un glossaire (lexique d’un
domaine spécialisé).2
Une autre source définit le dictionnaire comme «un ouvrage de référence énumérant des mots simples ou composés (morphèmes libres, expressions lexicalisées),
classés sous leur lemme (ou entrée), accompagnés de leurs définitions ou de leurs
équivalents dans une autre langue. Un dictionnaire bilingue ou dictionnaire de traduction est un dictionnaire indiquant les équivalences des mots et/ou expressions
entre deux langues différentes ». 3
Compte tenu de la complexité des problèmes que les lexicographes doivent
affronter, il faut constater que la lexicographie n’est pas uniquement une science
à part entière, mais que c’est également un art, un art difficile exigeant des connaissances et des techniques particulières. Dans ce contexte, la tâche du lexicographe rédigeant un dictionnaire bilingue de spécialité est d’autant plus difficile qu’il
1 Le Nouveau Petit Robert. Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française.
Paris 2003.
2 Ibid.
3 http://fr.wikipedia.org
181
est obligé d’associer un terme de la langue source et son équivalent dans la langue
cible.
Dans le cas des dictionnaires juridiques bilingues, objet de nos réflexions, l’auteur (ou les auteurs) se retrouve non seulement face au bilinguisme, mais aussi face
au bijuridisme, puisque les réalités juridiques, si l’on compare par exemple la France
et la Slovaquie, diffèrent, ce qui entraı̂ne la nécessité d’une approche pluridisciplinaire, c’est-à-dire la coopération de linguistes, en l’occurence de lexicographes, et de
juristes. Les deux systèmes juridiques, tout en ayant des traits communs, présentent des différences considérables dues aux traditions, à l’évolution historique et
sociale du pays donné. « Le droit est un des systèmes d’organisation sociale les
plus anciens et les plus structurés [. . . ]. Il est donc le reflet de ce que l’on appelle
communément une culture ».4
Le rôle du lexicographe en quête de la solution des problèmes liés aux écarts
culturels est peu enviable. Celui d’un traducteur qui ne dispose pas d’ouvrages
lexicographiques fiables l’est encore moins, peut-être.
Pour l’instant, la production de dictionnaires juridiques bilingues, éventuellement plurilingues (comme le dictionnaire de Le Docte), en République tchèque
mais surtout en Slovaquie, reste relativement limitée. Pour cette raison, chacun
des ouvrages de ce genre, publié récemment, suscite de la part des utilisateurs de
la curiosité et en même temps de la reconnaissance, ainsi que de l’admiration à
l’égard des auteurs. Malheureusement, il arrive parfois – plutôt rarement, il faut
le dire – que l’enthousiasme initial de l’utilisateur reçoive un coup dur, que ses
attentes soient déçues. À notre avis, tous ceux qui s’étaient précipités sur le Dictionnaire – tant attendu – du droit des Communautés Européennes en quatre
langues (anglais-tchèque-français-allemand), élaboré par des juristes (1997), ont
ressenti, en le feuilletant, une profonde déception.
Le dictionnaire en question dont nous avons présenté une analyse détaillée au
Colloque international d’études françaises5 ne correspond – à l’exception du mot
recueil – à aucune des définitions citées au début de notre contribution. En comportant un nombre stupéfiant de fautes et d’erreurs orthographiques et grammaticales, d’inexactitudes au niveau de l’équivalence, il va à l’encontre de toutes les
méthodes et règles lexicographiques que l’on peut imaginer. Nous nous limiterons
à l’énumération de ses défauts les plus frappants. Les fautes orthographiques consistent dans l’absence des accents, les accents incorrects, l’absence de l’apostrophe,
l’omission d’une lettre, la substitution d’une lettre, dans les apostrophes et les lettres supplémentaires que l’on ne peut prendre pour des coquilles qu’avec beaucoup
de fantaisie. Au niveau grammatical, il faut souligner en premier lieu le désordre
dans le genre des adjectifs où à côté du masculin tchèque figure le féminin français
(přiměřený–adéquate, rĎzný–diverse), où le genre des noms et des adjectifs dans
les syntagmes ne s’accorde pas (relations internationaux, coopération policier ), où
la préposition qui suit le verbe ou bien une construction verbo-nominale manque
presque systématiquement et ainsi de suite.
4 Gémar, J.-C. : « Langage du droit, dictionnaire bilingue et jurilinguistique. Le cas du Dictionnaire de droit privé. Private Law Dictionary du Québec : Traduire ou exprimer le droit ? », in :
Les écarts culturels dans les dictionnaires bilingues, Paris 2003, p. 176.
5 Kupťihová, K., « Analyse critique d’un dictionnaire de spécialité », in : Études françaises en
Slovaquie, Bratislava 2004, pp. 189–194.
182
L’une des règles fondamentales appliquée dans chaque dictionnaire repose sur
le fait qu’à un verbe on associe un verbe, à un nom un nom, etc., c’est-à-dire, on
respecte l’accord de la catégorie lexico-grammaticale des mots entrées et de leurs
équivalents dans la langue cible. Or, dans le dictionnaire analysé, nous trouvons,
à plusieurs reprises, comme équivalents de verbes tchèques les formes nominalisées
françaises, éventuellement le nom tout seul : podat Ôalobu–introduction d’un recours, poskytnout pĎjťky–émission d’emprunt (avec la confusion entre emprunt et
prêt ), stanovit sazbu–fixation du taux, koupit–achat.
Si nous comparons les équivalents tchèques et français, nous découvrons de
telles absurdités que la qualité des textes dépouillés, ayant servi de source d’équivalents, paraı̂t forcément douteuse. Il est difficile de comprendre, comment les
erreurs, dont nous citons quelques exemples, ont pu échapper aux spécialistes qui
ont effectué la révision linguistique. Du reste, la participation d’un linguiste à la
rédaction de l’ouvrage rend le lecteur plutôt perplexe. Les exemples les plus étonnants sont : provozní náklady–compte d’exploitation ; podmínky zaměstnání–régime
applicable aux autres agents ; zaměstnat–avoir recours a ; rybolov–pêcherie ; Ôadatel o licenci–bénéficiaire de la licence ; návrh na vyslovení nedĎvěry–nation de
censure; provozování dopravy–rendre des services de transportation; vystupovat před
soudem–rester en justice ; odvolání–démission ; opatrný dohled–contrôle prudentiel ;
sociální dávky–pondération, etc.
Pour ce qui est du choix des mots entrées, le dictionnaire contient un nombre
relativement élevé de mots appartenant au lexique courant sans liens spécifiques
avec la terminologie du droit des Communautés Européennes (rivalités séculaires,
conscience, calculer, continent, créateur, jour, désirer, destin, exister, craindre,
jeunesse, enseignement ).
Ce recueil chaotique de mots, d’expressions et de termes, intitulé fièrement
dictionnaire, est, à notre connaissance, le seul échantillon dans la production lexicographique tchèque et slovaque auquel il est tout à fait légitime d’appliquer l’un
des mots clés de ce colloque : décadence. En tant qu’exemple de grandeur, on peut
lui opposer, dans un autre domaine de spécialité, le Dictionnaire de commerce en
deux volumes (français-tchèque et tchèque-français) de Josef Dubský, Václav Vlasák
et Ota Dubský (1998). D’ailleurs, il est regrettable que les auteurs du Dictionnaire
du droit des Communautés Européennes en quatre langues ne se soient pas inspirés
de la tradition lexicographique tchèque dont les qualités sont indéniables et qu’ils
n’aient pas opté par exemple pour le Dictionnaire de commerce comme point de
départ méthodologique.
Dans la mesure où en Slovaquie les dictionnaires de spécialité sont toujours assez
rares, les ouvrages lexicographiques importés de la République tchèque représentent
une aide inestimable pour les traducteurs et interprètes. Jusqu’à la parution du
Lexique juridique français-slovaque et slovaque-français en 2005, on ne trouvait,
sur le marché slovaque, à l’exception de la version slovaque du dictionnaire de Le
Docte (1997), aucun autre dictionnaire juridique digne de ce nom.
Le Lexique juridique français-slovaque et slovaque-français (Lexique, ci-après)
est le résultat d’une coopération étroite entre les équipes de juristes français et
slovaques. Afin de l’élaborer, « des magistrats, juges consulaires, universitaires,
fonctionnaires ont puisé tant dans leur expérience des textes communautaires que
dans de nombreux ouvrages français et slovaques ou divers dictionnaires juridiques
183
étrangers ».6 Les auteurs le qualifient de lexique bilingue de terminologie juridique
en évitant soigneusement, et à juste titre, le terme de dictionnaire. Effectivement,
l’ouvrage comprenant au total 2500 mots clés – termes juridiques généraux, termes
juridiques du droit européen et public, du droit pénal, du droit civil et commercial –
correspond, du point de vue des méthodes appliquées, plutôt à la définition du
lexique qu’à celle du dictionnaire.
Dans le Lexique, les mots entrées sont classées par ordre alphabétique, les
deux parties n’étant pas complètement symétriques, parce que le lexique français-slovaque contient un certain nombre de termes qui relèvent uniquement du droit
français, comme par ex. le Conseil d’Etat, la Cour de justice de la République, les
prud’hommes, le tribunal de police, le tribunal des conflits etc. Pour cette raison,
deux méthodes lexicographiques s’y conjuguent : traduction et explication.
La façon dont les entrées des deux langues y sont présentées est relativement
éloignée de la conception lexicographique traditionnelle et elle reflète d’une part,
une participation modeste (ou quasi inexistante) de linguistes à l’élaboration du
Lexique en question, d’autre part une inspiration évidente par les ouvrages spécialisés, publiés en France, tel le Lexique des termes juridiques (2005) de la maison
d’édition Dalloz ou d’autres mentionnés dans la bibliographie.
Quant au choix des entrées, il correspond, à quelques exceptions de près, à la
notion de termes, des mots du lexique général y figurant tout de même, comme par
ex. achat et le verbe acheter, base, coutume, élargissement, grève, gréviste, indépendance, promesse, solennel ; krajina, minister, názor, obyťaj, peniaze, prezident,
vláda, zvyk.
Ce n’est qu’en traduisant un texte concret que l’on se rend compte des lacunes
dans un dictionnaire. Comme nous traduisons plus fréquemment du slovaque en
français, nous avons constaté que dans la seconde partie de l’ouvrage analysé, il
manque les termes suivants : bod obÔaloby, dozorujúci prokurátor, dôkazná núdza,
chránený svedok, inštitút (korunného svedka), nápravná skupina, orgány ťinné v
trestnom konaní, skutková podstata, splnomocniteů, trestná sadzba, trestné konanie, trestný poriadok, trestný zákon, zahladenie, zahladiĽ.
Dans le lexique français-slovaque, on ne trouve pas : action civile, action personnelle, action réelle, barreau, chambre criminelle, code civil, code pénal, code
de procédure pénale, condamnation avec sursis, droit commun, droit judiciaire,
enquête judiciaire, jugement contradictoire, magistrature, mandement, pénal, procurerur (à la différence de délégué du procureur ), saisie-attribution, sommation de
payer, vices du consentement.
La lecture attentive de l’ouvrage dévoile deux petites erreurs grammaticales,
à savoir l’omission de la préposition de dans la construction droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes et l’absence du pronom dans le verbe pronominal se repentir.
L’équivalent français du terme vzájomné uznávanie est incomplet (e mutuelle).
Il s’agit probablement d’une faute d’impression.
L’alphabet slovaque n’est pas respecté là où l’adjectif záchytný précède le verbe
zaťaĽ.
Deux termes français, délit continué et infraction par unité de but, ont le même
équivalent slovaque, c’est-à-dire pokraťovací trestný ťin, cependant à côté de ce der6 Op.
184
cit. p. 15.
nier figure uniquement le terme français délit continué ce qui provoque l’incertitude
de l’utilisateur n’ayant pas une formation juridique.
Pour rendre l’orientation plus facile dans le lexique, les auteurs auraient pu
adopter le classement habituel des termes multiverbaux, c’est-à-dire de ceux issus
du procédé de formation syntaxique et indiquer d’abord les termes ayant pour
déterminant un adjectif (en classant les adjectifs par ordre alphabétique) et ensuite
les termes dont la structure formelle comprend un substantif + une préposition + un
substantif, éventuellement un infinitif et en dernier lieu, les constructions verbo-nominales dans lesquelles entre le substantif donné (voir les entrées comme acte,
action, droit, peine, recours, etc. de même que akcia, daň, dediť, dôkaz, návrh,
právo, zmluva et autres dans le lexique slovaque-français).
La remarque suivante concerne le traitement des entrées homonymes et polysémiques où les différentes acceptions d’un terme homonyme ou polysémique ne sont
pas séparées, éventuellement marquées par des chiffres. C’est le cas, entre autres,
de l’homonyme action. Les termes complexes comportant le substantif action ayant
le sens de « titre cessible et négociable représentant une fraction du capital d’une
société de capitaux (action nominative, action au porteur )»7 et le substantif action
désignant le « pouvoir légal de s’adresser à la justice, en permettant à chacun de
lui soumettre une prétention et à l’adversaire d’en discuter le bien-fondé (action
personnelle, action réelle) »8 devraient former, à notre avis, deux parties distinctes
de l’entrée. Les entrées polysémiques, dans les deux parties du lexique, sont organisées de façon similaire (droit et právo, procédure, správa, etc.). Cette présentation
de termes complexes dans lesquels le membre déterminé est soit polysémique soit
homonyme caractérise les dictionnaires ou lexiques de spécialité comme par ex. le
Lexique des termes juridiques (2005) déjà mentionné.
Les sources françaises de termes juridiques que les auteurs ont utilisées pour
constituer leur corpus, de même que les différences entre les systèmes juridiques
des deux pays ont influencé également les méthodes appliquées. Quand le terme
français n’a pas de correspondant direct en slovaque, son sens est présenté sous
forme de définition explicative, ce qui est du point de vue de l’utilisateur fort utile.
Il faut cependant noter que les explications sont parfois démesurées. A titre d’exemple, nous citons les entrées aliments, avocat, curatelle, faillite. De cette manière,
l’ouvrage en question réunit la langue du droit et la langue sur le droit, une sorte
de métalangue.
Même si l’on ne peut le désigner par le mot grandeur, le Lexique juridique
français-slovaque et slovaque-français, qui remplit un vide dans la lexicographie
slovaque, est une contribution précieuse au travail des traducteurs de textes juridiques. La suppression des fautes et des erreurs mentionnées ci-dessus, ainsi que la
prise en compte des suggestions de la part des utilisateurs pourraient nettement
améliorer la qualité du Lexique dont une nouvelle édition est envisagée.
Pour conclure, nous voulons exprimer notre conviction que la lexicographie bilingue de spécialité, comme beaucoup d’autres domaines de l’activité humaine,
marche vers la grandeur. La publication du Dictionnaire italien-slovaque d’économie, de droit financier et commercial de Ján Taraba et de Mária Tarabová (2003),
7 Le Nouveau Petit Robert. Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française.
Paris 2003.
8 Ibid.
185
élaboré avec les méthodes lexicographiques les plus modernes, contenant 5 365 mots
clés, en est la preuve.
BIBLIOGRAPHIE
Gémar, J.-C.: Langage du droit, dictionnaire bilingue et jurilinguistique. Le cas du
Dictionnaire de droit privé. Private Law Dictionary du Québec : traduire ou
exprimer le droit ? In : Les écarts culturels dans les dictionnaires bilingues.
Honoré Champion, Paris, 2003, pp. 173–189.
Kupťihová, K.: Analyse critique d’un dictionnaire de spécialité. In: Études françaises en Slovaquie. Univerzita Komenského, Bratislava, 2004, pp. 189–194.
Dictionnaires :
Dubský, J. – Vlasák, V. – Dubský, O. : Francouzsko-ťeský a ťesko-francouzský
obchodní slovník. SPN, Praha, 1998.
Taraba, J. -Tarabová, M. : Taliansko-slovenský slovník ekonómie, finanťného
a obchodného práva. Slovenské pedagogické nakladateůstvo – Mladé letá,
Bratislava, 2003.
Tichý, L., Král, R., Zemánek, J., Svoboda, P. : Čtyřjazyťný slovník práva Evropských spoleťenství. Linde, Praha, 1997.
Francúzsko-slovenský a slovensko-francúzsky právnický slovník. Lexique juridique
français-slovaque et slovaque-français. Ministerstvo spravodlivosti Slovenskej republiky, Bratislava, 2005.
Le Nouveau Petit Robert. Dictionnaires Le Robert – VUEF, 2003.
Lexique des termes juridiques. Éditions Dalloz, Paris, 2005.
Site internet :
http://fr.wikipedia.org
Soutiens lexicographiques du discours de spécialité grandeur ou
décadence des dictionnaires bilingues de spécialité ?
Resumé
V príspevku sú na príklade dvoch prekladových právnických slovníkov ilustrované úskalia dvojjazyčnej odbornej lexikografie so zameraním na výber lexiky a na
použité lexikografické metódy.
186
Lexicographic Support for Specialty Discourse. The Rise and Fall of
Bilingual Specialised Dictionaries
Summary
Analyzing two bilingual legal dictionaries, we highlight the drawbacks of specialised bilingual lexicography. Our investigation focuses on the choice of lexical
units and the methods used.
Katarína Kupčihová
Katedra francúzskeho jazyka a literatúry
Inštitút románskych a klasických filológií
Filozofická fakulta
Prešovská univerzita
ul. 17. novembra 1
080 01 Prešov
Slovaquie
[email protected]
187
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Aproximación al proceso de desmotivación
semántica a diferentes niveles lingüísticos
Oľga Lisyová
Motivación
Para explicar el término de motivación recurrimos a la teoría de Ferdinad de Saussure, famoso lingüista ginebrino, sobre la arbitrariedad del signo lingüístico. Según
Saussure, cada signo ling. es arbitrario. Esto quiere decir que no hay ninguna relación ni lógica, ni racional entre el significante, la parte material de la palabra, y su
significado, la parte ideal. Se debe a las convenciones creadas por la tradición y el
uso. No hay ninguna razón intrínseca por la cual el conjunto de sonidos sucesivos
mesa designe «un mueble por lo común de madera, que se compone de una tabla
lisa sostenida por uno o varios pies» lo que significa que los signos ling. presentan,
en su mayoría, falta de motivación. A propósito de la motivación, Saussure afirma
que, incluso en los casos más favorables, la motivación no es nunca absoluta; para
el autor, son relativamente motivados los signos que mantienen relaciones asociativas con otros signos de la lengua. Por consiguiente, se presentan en la lingüística
moderna algunos casos de motivación semántica detectados desde la perspectiva
sincrónica. Por un lado, se trata del caso que Saussure designa como relaciones
sintagmáticas interiores, es decir, las palabras derivadas cuyo significado generalmente se desprende de la palabra base: vaquero, sinvergüenza, limonero. También a
este grupo podemos añadir las palabras compuestas ortográficas (el rompecabezas,
el sabelotodo, el abrelatas, ojinegro), las lexías complejas con diferentes grados de
motivación semántica (guardia civil, brazo de gitano, pájaro niño, estrella del mar )
y los casos de transposición categorial (ciego–el ciego, deber–el deber, corriente, la
corriente). Por otro lado, son relaciones asociativas que comprenden la creación
del significado figurado de palabras mediante el mecanismo de desplazamiento metafórico: patas de la mesa, brazo del río, el puente que forman los días festivos con
los fines de semana, la rueda de prensa, etc.; ambos casos presentan una motivación secundaria. Con lo cual, los únicos vocablos que pueden ser designados como
motivados primariamente, son las onomatopéyicas (tic-tac, cua-cua, crujir).
189
Concepto de desmotivación
El proceso opuesto al de motivación lo presenta la desmotivación semántica.
A continuación, presentamos cómo caracterizan este proceso algunos expertos en el
tema. Según el filólogo eslovaco Furdík, los signos lingüísticos de mucha frecuencia
de uso presentan diferente grado de desmotivación y es un proceso continuo; en
cambio, los vocablos de poca frecuencia son claramente motivados (Furdík, 28).
Otro lingüista eslovaco, Krupa, sostiene que el signo lingüístico convencional, que
se caracteriza por falta de una correlación entre su forma y el concepto, forma el
grupo más numeroso en el sistema de la lengua. El autor observa que:
En la lengua se realiza un incesante desplazamiento desde el nivel conceptual hacia
el nivel formal. La estructura interior de la forma del signo se construye sobre la base
conceptual de tal manera que algunos elementos originariamente motivados pierden
el valor de la correspondencia básica, la transparencia o la motivación exterior conque
la forma que les pertenece se reduce al mero elemento divisorio formal.1
Lo expuesto nos podría servir de modus operandi para intentar explicar los
procesos de gramaticalización, vaciamiento semántico completo, lexicalización y
fraseologización que afectan al léxico a diferentes niveles de la lengua. Lo que
tienen en común los procesos mencionados son las causas que los provocan, es decir,
el factor del tiempo y el de la frecuencia de uso de tal o cual unidad de la lengua;
y eso sin diferenciar si se trata de una palabra simple, lexía compleja o unidad
fraseológica. Las consecuencias de los procesos mencionados llevan a las unidades
léxicas a convertirse en signos convencionales y, en el caso de los fraseologismos,
a su idiomatización que, por su parte, supone un desgaste semántico, es decir, su
desmotivación. Ello conlleva cambios semántico-gramaticales de índole diferente.
Sin embargo, cabe mencionar que estamos hablando de un proceso que comprende
el desgaste semántico gradual. Se trata de un continuum que se desarrolla en varias
etapas. El grupo más numeroso abarca diferentes unidades léxicas y fraseológicas
que están a medio camino de la pérdida de su motivación. Estas etapas presentan diversas irregularidades de carácter gramatical y desviaciones semánticas, por
ejemplo, la metaforización, tanto de las unidades léxicas como fraseológicas.
Principales mecanismos de desmotivación semántica
Con lo dicho pasamos a la definición de los principales mecanismos de desmotivación
semántica que, aunque afectan a los signos ling. a diferentes niveles de lengua,
coinciden en los principios básicos de realización de dicho proceso.
Esquema general:
gramaticalización (tiempos comp., voz pasiva, perífrasis verb.,
preposiciones compl.)
Desmotivación vaciamiento completo sem.-gram. (interjecciones, los nombres
semántica
propios formados a partir de los nombres comunes)
lexicalización (lexías complejas, recategorización, transposición)
fraseologización (combinaciones fras., unidades fras., fusiones)
1 Krupa,
190
V., Metafora na rozhraní vedeckých disciplín, pág. 168. (traducción, O. L.)
Como ya hemos podido observar, el desgaste semántico tiene varios mecanismos
de desmotivación. Hemos mencionado la gramaticalización, lexicalización y fraseologización de las unidades léxicas y fraseológicas de diferente naturaleza estructural.
Antes de pasar al análisis del primer método del proceso de desmotivación,
examinemos brevemente los casos designados por Saussure.
¿Motivación o desmotivación?
Como hemos podido observar, F. Saussure, presenta tres casos de motivación,
aunque tampoco se trata de una motivación absoluta. Son las palabras derivadas cuyo significado generalmente se desprende de la palabra base y las palabras
formadas mediante relaciones asociativas que comprenden la creación del significado figurado mediante la metaforización. Ambos casos presentan una motivación
secundaria, o sea, condicionada por la base formativa o el significado originario
de la palabra base, las cuales, a su vez, también son inmotivadas. El único caso
cuando se trata de las palabras con motivación primaria lo presentan las palabras
onomatopéyicas. Examinemos, pues, brevemente, cada caso e intentemos averiguar
hasta qué grado podemos considerar estas entidades motivadas.
Las onomatopeyas
Ahora bien, el caso de motivación semántica que analizamos ahora, presenta el
único caso documentado en lingüística en el que la motivación semántica de la
palabra está condicionada de manera directa o indirecta por la realidad extralingüística. Nos referimos al procedimiento reconocido por la mayoría de lingüistas,
aunque también con cierta reserva, de la onomatopeya. Onomatopeya (del griego
onoma – nombre, peyes – hacer), según El Diccionario de Lingüística moderna,2
son unidades léxicas cuyo significado está relacionado con las propiedades acústicas del significante. El caso más claro es el de las palabras que imitan con sus
significantes los ruidos o sonidos de la naturaleza: crac, splash, plof.3 Los autores
sostienen que es un fenómeno graduable y destacan tres clases de procedimientos:
a) la imitación simple del sonido, es decir, palabras creadas por reproducción o
imitación total del sonido (crac, miau, guau);
b) la adaptación del sonido, llamada onomatopeya cinética (parte de la dinámica
que estudia el movimiento), esto es, palabras creadas imitando los rasgos
sonoros más destacados, de acuerdo con las reglas fonotácticas de la lengua;
c) el simbolismo sonoro; la literatura crea estas últimas, llamadas onomatopeyas
fonoestilísticas explotando los recursos del lenguaje, por ejemplo, con la colocación sucesiva de palabras que comienzan o contengan un f se creará el
efecto de viento, si es r el de tambores o tormenta.
A primera vista, el caso que provoca menos dudas es el de la motivación simple4
o primaria.5 Deberíamos de esperar, pues, que como la realidad extralingüística no
2 Alcaraz
Varó, E. – Martínez Linares, Ma A., Diccionario de Lingüística, pág. 459.
págs. 410–411.
4 Íbid., pág. 459.
5 Ullmann, S., Semántica; Ullmann, S., Significado y estilo.
3 Íbid.,
191
se diferencia según los países ni las lenguas y que los perros españoles ladran de la
misma manera que los rusos o chinos, y que las vacas mugen también en todas las
tierras sin preocuparse en que país están, a la hora de imitar los sonidos naturales
su representación en cada lengua no se diferenciara. Sin embargo, en la práctica
nos enfrentamos con un procedimiento distinto de lo esperado. De argumento puede
servir el hecho de que en varias lenguas el mismo sonido se trasmita de manera
distinta, aunque los seres humanos portadores de cada lengua dada posean el mismo
aparato auricular. La causa de este procedimiento la podemos buscar en la manera
propia de cada lengua de ‘envolver, vestir’ el sonido natural de acuerdo con las reglas
fónicas y ortográficas propias de ella. García Diego nota que: «La onomatopeya no
es exactamente una simple imitación de los sonidos naturales, sino la conversión
de éstos en palabras con una alfabetización de los sonidos naturales ajustados al
alfabeto de cada idioma».6 Tal vez ésta es la razón por la que el mismo sonido
producido por el mismo perro en español es gaun, gaun; en ruso es gav, gav; en
holandés waf, waf; el gallo ruso hace kukuriku, y el español quiquiriquí. A este
propósito Coseriu observa que los sonidos de animales, igual que los ‘gritos’ del
hombre, tienen siempre el carácter convencional y tradicional, o sea, el carácter
de los símbolos convencionalmente aceptados por una comunidad. En caso de las
onomatopeyas, el lenguaje humano trata de imitar o reproducir ruidos naturales,
pero cada lengua lo realiza de su propia manera. Así, por ejemplo, la voz del pato se
imita de modo totalmente diferente en distintos idiomas: español: cua–cua, catalán:
mech–mech, francés: cuin–cuin, italiano: quac–quac, rumano: mac–mac, alemán:
quick–quick, danés: rap–rap, ruso: kria–kria.7 Para un extranjero que no posea el
código de una lengua dada la imitación, a primera vista obvia para un nativo, le
resultará totalmente opaca, ya que su lengua natal ha ajustado el mismo sonido
según las leyes fónicas y ortográficas aceptadas por su comunidad lingüística.
Hay otro factor que rompe la idea de la imitación absoluta, que reside en que
no todos los sonidos son claros y bien divisibles. Algunos de éstos presentan una
cadena sucesiva de sonidos difícil de separar e imitar. Los sonidos que la lengua
es capaz de divisar e imitar con recursos disponibles, por lo menos de una manera
afín, son pocos en comparación con la multitud de sonidos naturales y mecánicos
de la realidad extralingüística.
El grupo que despierta nuestro interés es el segundo, o sea, el de las palabras tradicionalmente llamadas onomatopéyicas secundarias8 o cinéticas.9 Según Alcaraz
Varó, se trata de las palabras creadas imitando los rasgos sonoros más destacados,
de acuerdo con las reglas fonotácticas de la lengua (chirriar, maullar, murmullo,
susurrar, ladrar ). Analicemos, pues, dichas voces que por su naturaleza morfológica son derivadas, supuestamente ora de los sonidos que imitaban algunos sonidos
naturales, ora a partir de las palabras que designaban el resultado de la acción
imitativa indirecta.
(1)
chirriar – 1. dar sonido agudo de una sustancia al penetrarla un calor intenso,
2. rechinar, ludir una cosa con otra, 3. chillar los pájaros, 4. cantar desentonadamente
6 García
de Diego, V., Diccionario de voces naturales, pág. 20.
E., Introducción a la ligüística, pág. 13.
8 Ullmann, S., Semántica; Ullmann, S., Significado y estilo.
9 Alcaraz Varó, E. – Martínez Linares, Ma A., Diccionario de Lingüística, pág. 459.
7 Coseriu,
192
maullar – dar maullidos el gato (maullido – voz de gato)
murmullo – ruido que se hace hablando cuando no se percibe lo que se dice
susurrar – 1. hablar quedo, produciendo un murmullo, 2. empezarse a divulgar
una cosa secreta, 3. fig. moverse con un ruido suave, el aire, el arroyo
ladrar – dar ladridos el perro (ladrido, voz que forma el perro, fig. murmuración,
censura 2. amenazar sin acometer).
Lo que podemos constatar con seguridad es que la motivación de estas voces
desde la perspectiva sincrónica está perdida, es decir, ha sufrido un desgaste semántico. García Diego10 presenta un claro ejemplo de la pérdida de la motivación de
algunas palabras onomatopéyicas que se realiza en la lengua con el correr del tempo
y la frecuencia de su uso. Así, la voz onomatopéyica clo, clo de la llueca evolucionó
de la palabra cloca directamente formada sobre la base de onomatopeya directa
que perdió su carácter y su forma. Hoy nadie sabría relacionar la llueca con su voz.
Actualmente tampoco vemos una causa por qué las abejas zumban, los becerros
berrean, los loros garren y las ranas croan. Estos casos presentan una aproximación
fónica muy lejana al sonido natural y su significado es totalmente opaco para la
persona no interesada. Al contrario, las lenguas eslavas, especialmente, la eslovaca
y la rusa presentan un mayor grado de motivación en las palabras designadas como
onomatopeyas secundarias. Éstas, por su mayoría, siguen señalando la dependencia
semántica directa de los sonidos naturales: en ruso miau miau–miaúkať ; en eslovaco mňau mňau–mňaukať (maullo de gato); en ruso gav gav–gavkať en eslovaco
hav hav–havkať (ladrido del perro); en ruso y en eslovaco kva kva–kvákať (el canto
de rana); en ruso kria kria–kriakať, en eslovacokrá krá–krákať (el grazno de pato);
en ruso kap kap–kapať , en eslovaco kvap kvap–kvapkať (sonido producido por goteo
de agua), etc.
El proceso contrario de la creación léxica lo presentan las palabras con un marcado valor estilístico creadas a partir de la imitación de sonidos. Nos referimos a la
creación individual de diferentes autores que recurren a ciertos sonidos y repetición
de éstos para plasmar los recursos lingüísticos en las imágenes fónicas.
Motivación y desmotivación a nivel morfológico: los
derivados, compuestos y transpuestos; proceso de
desmotivación de los derivados
En relación con los signos lingüísticos motivados, hemos mencionado los vocablos
cuya motivación se desprende de la base formativa. Nos enfrentamos con dicho
proceso en varias ocasiones. La motivación semántica secundaria condiciona el valor
conceptual de las palabras dotadas de diferentes formas gramaticales, o sea, las
derivadas, las compuestas, las transpuestas. La frecuencia de uso de cada de las
entidades recién formadas causa un desgaste semántico que corre en varias etapas.
Consideramos oportuno notar que la desmotivación semántica de palabras a nivel
morfológico en no pocas ocasiones se convierte en un factor paralelo al proceso de
la recategorizacón. La recategorización gramatical afecta a vocablos de diferentes
categorías y por eso presenta una enorme fuente de enriquecimiento de la lengua.
El valor semántico de diferentes partes de la oración con uso frecuente lleva a
10 García
de Diego, V., Diccionario de voces naturales, pág. 25.
193
la pérdida parcial o total de su motivación semántica de una manera gradual y,
al final, las palabras adquieren los rasgos gramaticales de la clase receptora. Nos
referimos, por ejemplo, a la recategorización de los adjetivos relacionales derivados
a partir de otras clases de palabras (denominales, deverbales, deadverbiales) que
muestran una tendencia progresiva a pasar a la clase de los adjetivos calificativos
que, en su mayoría, muestran un grado de desmotivación muy alto. Los adjetivos
relacionales forman un grupo adjetival que es semánticamente transparente y con
los rasgos semánticos y gramaticales peculiares:11
(2)
calle → callejero
bosque → boscoso
luna → lunar
deslizar → antideslizante
tarde → tardío
delante → delantero, etc.
Existe otro tipo de adjetivos relacionales que se caracteriza por cierta ambigüedad significativa. Esta ambigüedad se presenta como un síntoma importante del
proceso de desmotivación parcial que, como ya hemos mencionado antes, se distingue por la ramificación semántica mediante el mecanismo asociativo y por las
irregularidades gramaticales, ya que o bien posee los rasgos gramaticales una vez
de los adj. relacionales, o bien de los calificativos según el contexto:
(3)
la pieza teatral (perteneciente o relativo al teatro – adj. relacional)
el gesto teatral (el gesto afectado – adj. calificativo)
la carga explosiva (que hace o puede hacer explosión)
el carácter explosivo (carácter que se manifiesta por la explosión súbita y violenta
de ciertos afectos de ánimo)
reunión familiar (de familia – adj. relacional, íntimo – adj. calificativo)
agregado diplomático (perteneciente a la diplomacia – adj. relacional)
el tono diplomático (circunspecto, sagaz, disimulado, adj. calificativo)
Es evidente que el significado metafórico lo adquieren las palabras ya arraigadas
en la lengua y con mucha frecuencia de uso. En cambio, los neologismos, los vocablos recién creados igual que las palabras de poca frecuencia de uso no muestran
este rasgo semántico (a excepción de la creación de metáforas conscientes). Furdík
denomina a los adjetivos de significado ambiguo relacionales-calificativos. Estos se
encuentran a medio camino de la recategorización completa. Otro paso del proceso
de desmotivación semántica acompañado de recategorización lo forman los adjetivos que el autor mencionado llama calificativos – relacionales, cuya motivación
semántica queda transparente desde la perspectiva sincrónica, aunque la acción del
desgaste semántico es tan relevante que estos ya forman parte integrante de los adjetivos calificativos totalmente recategorizados con el conjunto completo de rasgos
gramaticales correspondientes a esta clase de palabras (como son la gradualidad, la
11 Demonte, V., «El adjetivo: Clases y uso. La posición del adjetivo en el sintagma nominal»,
en: Gramática Descriptiva de la Lengua Española. Vol. 1, pág. 138; Lisyová, O., «Adjetivos
relacionales: sus particularidades semánticas y gramaticales (1)», Filologická revue 4, págs. 30–41.
194
formación de los adverbios de calidad, la derivación de los verbos de cambio de estado y la derivación de los sustantivos de calidad), por ejemplo: amistoso, amable,
brillante, cariñoso, corriente, penoso, peligroso, celeste, etc. El punto culminante
de dicho proceso son los adjetivos calificativos puros totalmente desmotivados sincrónicamente que presentan una alta frecuencia de uso en la lengua: grande, tenso,
fijo, lleno, harto, bajo, rojo, etc.
Esquemáticamente podemos ilustrar este proceso al nivel morfológico mediante
la sucesión siguiente:
Esquema (1)
Adj. R. → Adj. R.-C. → Adj. C.-R. → Adj. C.
Adj. R. – adjetivo relacional
Adj. R.-C. – adjetivo relacional-calificativo
Adj. C.-R. – adjetivo calificativo-relacional
Adj. C. – adjetivo calificativo
Proceso de desmotivación semántica de los vocablos
formados mediante la transposición categorial
En este caso se trata de los procedimientos conocidos en lingüística como sustantivación, adjetivación y adverbialización. Se trata del enriquecimiento léxico mediante
la transmisión de las palabras con su forma intacta de una clase de palabras a otra.
Este proceso, como los anteriores, también es gradual. Hay casos de transposición
ocasional por el antojo de un locutor, lo que en español es más habitual gracias a
la flexibilidad de la lengua (en las lenguas eslavas este procedimiento no presentan tanta productividad ni flexibilidad). El español permite el traspaso libre tanto
de los infinitivos, como de los adjetivos, adverbios y pronombres a la clase de los
sustantivos, se trata del proceso de sustantivación o nominalización. Mediante el
artículo neutro lo se ofrece la posibilidad de sustantivar de una manera situacional
cualquier adjetivo calificativo o adverbio de modo según la intención del hablante
con la única limitación de la lógica incluidas sus formas de graduación.
(4)
Mira lo azul que está el cielo.
A mi me encanta lo rápido que reflexiona este chico.
Quizás, el caso más productivo y divulgado lo presenta la sustantivación del infinitivo que con su recategorización adquiere los rasgos morfo-sintácticos del sustantivo, aunque también con dependencia directa del grado de desmotivación y pérdida
de los rasgos verbales. Sin embargo, como observa Pérez Vázquez, en las estructuras
infinitivas del español que pueden ejercer las mismas funciones que un sustantivo,
no encontramos una construcción unitaria sino dos construcciones muy diferentes:
en una el infinitivo tiene un comportamiento nominal, en la otra un comportamiento verbal:
(5)
a. Ese desvergonzado mentir de Luís me pone nerviosa (infinitivo nominal)
b. El mentir Luís desvergonzadamente nos traerá problemas (infinitivo verbal)12
12 Pérez Vázquez, E., «Infinitivo nominal e infinitivo fosilizado», en: Actas del II Congreso de
la Sociedad Española de Lingüística, págs. 243–245.
195
A su vez, el infinitivo en (6), según la autora, es el «infinitivo lexicalizado»
llamado también «fosilizado».
(6)
a. El deber de María es cuidar la casa
b. Los deberes de María son cuidar la casa y a alos niños
El infinitivo nominal debe interpretarse como un sustantivo deverbal de proceso, aunque conserva algunas características propias de los verbos; en cambio, el
infinitivo fosilizado se comporta como un sustantivo deverbal de resultado. Así,
aunque la autora no se encarga de analizar el proceso de la pérdida gradual de
los rasgos verbales primarios de infinitivo como consecuencia de su desmotivación
procesual, muestra explícitamente este proceso. La recategorización completa del
infinitivo lleva a la adquisión de nuevos rasgos gramaticales, en nuestro caso del
sustantivo (la posibilidad de formar plural, llevar diferentes tipos de modificadores,
ejercer funciones sintácticas del sustantivo en la oración).
El español permite la sustantivación espontánea de todo tipo de palabras,
incluso de las partículas que en este caso adquieren un significado objetivo especial:
(7)
Ignoro el porqué de su comportamiento.
Hay que pensar en el pro y el contra de este asunto.
El interrogado se ha limitado en contestar con un sí y con un no.
No son casos los raros en los que nos encontramos en español con la sustantivación de toda una frase u oración:
(8)
A mi me cae muy mal su constante irse y venir sin presentar ninguna explicación.
Sus hijos son unos dámelo todo.
Pero estas creaciones son inestables y efímeros, desaparecen poco después de
ser creadas. Se encuentran en la periferia lingüística sin aproximarse al núcleo de la
lengua. No obstante, la frecuencia del uso de algunas de ellas lleva, por un lado, a su
desgaste semántico hasta formar unidades sólidas, en ocasiones poco transparentes
y, por otro lado, a formar unidades fonéticamente reducidas con elementos solidarios
de diferente grado de cohesión. Estas creaciones la lengua las utiliza tanto con los
fines denominativos, como también las designaciones con un matiz connotativo:
(9)
el sabelotodo (que presume de sabio sin serlo, connotat.)
el catacaldos (persona que emprende muchas cosas sin fijarse en ninguna, connotat.)
el lavavajillas (máquina para lavar, denot.)
el espantapájaros (espantajo que se pone en los sembrados para ahuyentar los
pájaros, denot.)
el hazmerreír (persona que por su figura ridícula y su porte extravagante sirve de
diversión para los demás, connotat.)
el vaivén (la corriente del aire, denot.)
el quehacer (negocio, ocupación, tares que ha de hacerse, denot.)
Lo dicho arriba nos invita a analizar otro tema directamente relacionado con el
proceso de nuestro interés, nos referimos a la creación de compuestos y al proceso
de su desgaste significativo. A continuación presentamos las etapas más relevantes
de dicho proceso.
196
Motivación y el proceso de desmotivación de los compuestos
(Observaciones sobre las palabras compuestas, las lexías
complejas y las locuciones nominales)
El diferente grado de desmotivación semántica lo podemos observar en las formaciones morfológicas, llamadas compuestas. En la bibliografía referida a este tipo de
formación de palabras encontramos dos tipos de entidades compuestas, unas de estructura unificada, designadas como ortográficas y otras pluriverbales o sintagmáticas (según Lang, Varela Ortega). Las últimas provocan numerosas discusiones, dado
que algunos lingüistas atribuyen las unidades pluriverbales (o lexías complejas)13 al
dominio de la lexicología y el proceso de su desmotivación semántica a la lexicalización; otros, tratándolas como locuciones nominales, preposicionales o adverbiales,
etc. les ponen la etiqueta de las unidades freseológicas o fraseologismos y al proceso
de su desgaste semántico lo denominan como fraseologización.
Respecto a este problema Shmelov sostiene que:
Al lado de combinaciones que aparecen en la lengua según las reglas de combinabilidad léxica y sintáctica, en diferentes lenguas hay combinaciones que es necesario
incluir en el vocabulario porque existen como unidades de nominación integras e igual
que las palabras son reproducibles. En algunos casos son conjuntos nominativos reproducibles de las realidades, para las cuales la lengua no dispone de palabras especiales
(compárense: elezna doroga, stiralna maxina, antiny glazki, a diferencia de xossse, holodilnik, margaritki). En otros casos se trata de cierto tipo de
sinónimos expresivos de palabras o conjuntos de palabras de carácter analítico (compárense: vodit za nos – obmanyvat; postavit v tupik – ozadaqit; tnut
kanitel –delat qto-libo dolgo; tnut lmku – delat tlu rabotu).
Los conjuntos léxicos del primer tipo (lexías complejas) y las locuciones del segundo
(expresiones idiomáticas) constituyen las unidades específicas del fondo léxico de la
lengua y pertenecen a la fraseología, son unidades fraseológicas, locuciones fraseológicas o fraseologismo.14
A nuestro modo de ver, los conjuntos léxicos del primer tipo (lexías complejas)
sería conveniente incluirlos en el dominio de lexicología porque su función primordial es denominativa; por otro lado, las locuciones del segundo tipo (expresiones
idiomáticas) desempeñan un papel más bien expresivo y, por eso, constituyen las
unidades pertenecientes a la fraseología, son unidades fraseológicas, locuciones fraseológicas o fraseologismos. No obstante hay que notar que los lindes de esta división
son demasiado vagos y no impenetrables.
Así, pues, la lexicalización es un proceso mediante el cual un sintagma o incluso
una oración se convierte en un lexema o lexía estable. La lexicalización como muchos
procesos ling., debe considerarse como continuum en que hay formas sintácticas
completamente estabilizadas como unidades léxicas y otras que lo están en determinadas posiciones.15 Son muchos los autores que intentan sistematizar enorme y
diverso material léxico-fraseológico mostrando preferencias por diferentes criterios,
13 Bartoš, L., «Observaciones sobre las llamadas colocaciones», en: Sborník prací Filozofické
fakulty Brněnské univerzity L 25, pág. 58.
14 Shmelov, D. N., Sovremennyj russkij jazyk. Leksika, pág. 288. (traducción, O. L.)
15 Alcaraz Varó, E. – Martínez Linares, Ma A., Diccionario de Lingüística, pág. 377.
197
entre los cuales los más frecuentes y usables son la fijación, la prefabricación, la
reproducibilidad, la cohesión de los elementos de la unidad, la insustituibilidad de
los constituyentes y la idiomaticidad. No obstante, la preferencia por tal o cual
criterio o grupo de estos se diferencia según autores, lo que, en casos, lleva a opiniones opuestas a la hora de atribuir cierta lexía compleja o unidad fraseológica a
uno u otro grupo (véase, Corpas Pastor, Bartoš, Vinogradov, Shmelov, etc.). Falta,
entonces, la unanimidad entre los estudiosos sobre qué unidades plurileximáticas
considerar como lexicalizadas y cuáles son las fraseologizadas.
El problema de las unidades pluriverbales y su relación con las palabras tradicionalmente designadas como compuestas plantea un problema más, ¿se las puede
considerar como compuestos (aunque con un modificador sintagmático)? ¿Se trata
en este caso de la formación léxica, fraseológica o morfológica? Este problema
merece una mayor atención porque los estudiosos no han llegado a una solución
satisfactoria. Nuestra concepción no es sino una propuesta que espera un examen
más detallado en futuros estudios. Suponemos que para contestar a esta pregunta
hay que analizar la génesis de este proceso. Como punto de partida podría servir la
postulación de que cada una de las entidades compuestas originariamente formó un
sintagma libre ocasional. La frecuencia de uso llevó a su lexicalización acompañada
por los rasgos característicos de este proceso que son la cohesión de sus elementos,
su fijación relativa o absoluta y su reproducibilidad en la lengua dada. Este proceso
lleva consigo una inevitable desmotivación semántica gradual. En la etapa primaria de lexicalización se nota la pérdida significativa de uno de sus elementos y más
tarde de todo el conjunto. Ahora bien, ¿cómo afecta la distribución de los rasgos
que acabamos de mencionar al problema de qué combinaciones léxicas pueden ser
consideradas palabras compuestas, cuyo análisis pertenece al ámbito morfológico y
cuáles son las lexías complejas que constituyen más bien entidades pertenecientes
al ámbito de lexicología?
Sostenemos que la solución de este problema podemos buscarla en el grado
de desmotivación semántica de dichas combinaciones. Esta es la razón por la que
consideramos que se debe hablar de la formación morfológica excepcionalmente
en aquel caso en el que las lexías complejas se lexicalizan hasta el grado máximo
de tener tanto un significado único como su forma. Eso nos lleva a dudar sobre el
estatus de los compuestos sintagmáticos en función de la palabra compuesta. Bien es
verdad que la palabra es «un corte arbitrario practicado en la frase, y [. . . ] ésta como
última unidad indivisible del sistema expresivo que llamamos lenguaje»,16 entonces
en strictus sensu sólo podemos incluir entre vocablos compuestos a las palabras
gráficamente unidas: la coliflor, la hojalata, (el) ferrocarril. El resto de las frases, en
nuestro caso nominales, pertenecerán al ámbito de la creación léxica o fraseológica.
En cuanto a las entidades cuyos constituyentes muestran una doble escritura o
la escritura mediante guión, se puede suponer que éstas se encuentran en medio
camino de la lexicalización completa: casa cuna/casa-cuna, coche cama/coche-cama, cuba libre/cubalibre, latinoamericano/latino-americano. Casares distingue
las palabras compuestas de las lexías complejas, a las que pone la etiqueta de «las
combinaciones binarias de carácter estable» y las analiza bajo el término locuciones
nominales. El renombrado lexicógrafo dice al respeto:
16 Alarcos,
198
Llorach E., Gramática de la lengua española, pág. 50.
Desde nuestro punto de vista, que es el de lexicógrafo, hemos de examinar una
cuestión previa que afecta al grado de consolidación de las voces compuestas. Cuando
la fusión de los componentes puede considerarse definitivamente consumada, el tratamiento del signo verbal resultante y su colocación por orden alfabético, son causas que
no ofrecen dificultad; pero en los demás casos conviene proceder con mucha cautela,
puesto que siempre hubo y ha de ver un periodo fluctuante, una etapa de transición
desde que inicia el acercamiento mutuo de dos o más vocablos hasta que se unen
con un vínculo indestructible, sacrificando alguno de ellos, y a veces ambos, su figura
individual.17
En cambio, Lang respecto a ello opina que:
Una interpretación más completa de la composición, aceptada por lo general en
los distintos análisis sobre la formación de palabras, es la que ignora la restricción
formal de la palabra y considera como compuestos todos aquellos sintagmas cuyos
constituyentes no están gráficamente unidos por que, sin embrago, constituyen una
unidad semántica y mantienen relaciones sintácticas semejantes a las que presenta una
estructura frástica u oracional:
buque + escuela → buque escuela
máquina + de + escribir → máquina de escribir
contestador + automático → contestador automático18
Lang19 reconoce la vaguedad de la definición de compuestos lo que expresa en
la cita siguiente:
El principal problema radica en decidir qué sintagmas de entre los muchos que
podrían considerarse compuestos deben ser clasificados indudablemente como tales y
cuáles son los sintagmas ‘libres’ en una estructura sintáctica normal.20
El lingüista presenta varios criterios para poder precisar el término del compuesto sintagmático lo que merece, según nuestro punto de vista, un análisis más
detallado. El criterio fundamental, según el autor es el semántico, o sea, el sintagma
«debe representar una unidad semántica coherente referida a nuevos conceptos
u objetos».21 La idea del proceso de lexicalización el autor la ilustra mediante
los siguientes ejemplos aunque sin hacer hincapié explícitamente al grado de su
lexicalización:22
(1)
huelga patronal
patrulla antirruidos
vale descuento
hilo musical
17 Casares,
J.: Introducción a la lexicografía moderna, pág. 93.
Mervyn, F.: Formación de palabras en español, pág. 94.
19 Nota: Lamentablemente el autor no presenta su propia opinión sobre el tema y designa cualquier tipo de la frase pluriverbal como ‘compuesto’.
20 Ibíd., pág. 93.
21 Ibíd.
22 Ibíd.
18 Lang
199
patas de gallo = patas de gallo
ojo de buey = ojo de buey
llave inglesa = llave inglesa
(2)
El segundo criterio relevante según Lang, es el de la frecuencia de uso. Respeto
a ello el autor dice que:
«Si los elementos constituyentes no suelen ser frecuentemente utilizados conjuntamente en una misma estructura sintagmática, no puede adquirir la categoría de
compuesto, aunque semánticamente estén unidos, como ocurre con los siguientes
ejemplos:
libro de cocina
casa hospital
farola de jardín
restaurante espectáculo»23
Aquí notamos ciertas contradicciones. Pese a lo dicho arriba, el autor presenta
el ejemplo de libro de cocina como un compuesto posible «debido a su coherencia
semántica y su repetida utilización como sintagma». Esta afirmación nos parece
bastante dudosa desde el punto de vista tanto de la forma como del significado de
dicho sintagma. Los lazos entre los elementos de estos sintagmas son demasiado
frágiles y admiten ciertas alternancias formales: libro de cocina/libro de recetas
(al contrario: libro amarillo, libro de caja); casa de huéspedes/o casa hospital;
farola de jardín/farola de calle, parque, etc.; restaurante espectáculo/restaurante
con espectáculos. Este caso se puede definir como el primer paso hacia lexicalización
del sintagma. Si consideramos la palabra compuesta como la unidad mínima de la
lengua con un significado y una forma unitaria y, en este caso específico, como el
punto final de la lexicalización, estos ejemplos provocan ciertas dudas.
El tercer criterio para determinar el estatus léxico y el grado de cohesión semántica es el criterio sintáctico. El autor observa que «Cuando el constituyente nuclear
no puede ser sustituido por otro, el sintagma adquiere el estatus del compuesto».24
guerra fría
*lucha fría
pelea fría
El lingüista alemán considera este hecho como uno de los decisivos para poder
revelar la cohesión léxica y semántica. Respeto a esta afirmación hacemos notar que
los sintagmas libres también presentan ciertas preferencias léxicas y escogen de toda
una serie sinonímica un vocablo concreto sin pretender llegar a ser compuestos: el
terreno boscoso/*el terreno forestal. Sostenemos, además, que el problema de la
combinabilidad de tal o cual palabra con otra en la lengua está vinculado con
características tales como son las diferencias de intensidad del rasgo expresado, de
su valor expresivo y de la esfera estilística de su uso:
deporte hípico, la cría caballar, el rostro caballuno, la ola ecuestre (poet.)
expresión de cara = expresión de rostro = expresión facial = expresión de semblante
23 Ibíd.,
24 Ibíd.
200
pág. 94.
En algunas ocasiones el significado de una u otra palabra sinonímica posee
un significado más amplio o más concreto lo que influye tanto en la elección del
sinónimo, como en el significado de toda la frase: el amor fraterno = el amor de(l)
hermano.
Resumiendo los argumentos y los criterios expuestos por Lang a favor de los
compuestos sintagmáticos, deducimos que éstos no presentan los rasgos definitorios
cruciales para poder atribuirlos a las palabras compuestas. Lo que sí se puede
aceptar con mucha reserva es que éstas se encuentran al comienzo de su camino de
lexicalización, aunque desde el corte sincrónico sea muy difícil de predecirlo. Los
postulados de ambos eruditos muestran, pues, opiniones diferentes si no opuestas
sobre qué agrupaciones léxicas considerar como palabras compuestas.
Las entidades así formadas presentan diferentes grados de motivación y lexicalización, unas con una motivación relativamente transparente: boquiabierto, ojinegro,
cabizbajo; otras, en cambio, con una motivación semántica menos perceptible: cualquiera, el vaivén, el aguardiente, el altavoz, el cumpleaños, el girasol, el pelagallos.
La frecuencia de uso de tal o cual combinación de palabras, a nuestro parecer,
lleva consigo el proceso de desmotivación con el que está estrechamente ligada la
cuestión de la ortografía de dichas palabras.
Ahora bien, ¿hasta qué punto los argumentos del autor nos parecen razonables y
cuáles provocan dudas? Coincidimos con el autor en sus observaciones en cuanto a
las diferencias entre el grado de lexicalización y metaforización de los constituyentes
o de toda la frase, pero según nuestro modo de ver, jamás podemos hablar de
palabra compuesta, el término lexía compleja o denominación compleja nos parece
más adecuado.
Esquemáticamente el proceso de desmotivación y transformación del sintagma
nominal en una palabra compuesta podría tener el aspecto siguiente:
Esquema (2)
SN → LC → PC
SN – sintagma nominal
LC – lexía compleja
PC – palabra compuesta
Conclusiones
En las líneas generales hemos intentado mostrar el proceso de desmotivación semántica que ocurre en la lengua con una dependencia directa de la frecuencia de uso
de tal o cual unidad léxica y fraseológica. Este proceso corre a diferentes niveles de
la lengua y afecta de una manera gradual tanto a unidades monoléxicas como a pluriverbales. Los procesos mencionados se realizan mediante diferentes mecanismos:
lexicalización, gramaticalización y fraseologización, conque el punto culminante de
dicho proceso lo representa el vaciamiento total semántico del vocablo o unidad
léxica (por ej. palabras y frases interjectivas). Así, por ejemplo, el proceso de lexicalización puede llevar, por un lado, a la plena morfologización de una unidad
pluriverbal (el caso de los compuestos ortográficos). Por otro lado, la frecuencia
de uso y reproducibilidad de las unidades léxicas de cualquier estructura lleva a la
201
solidaridad de sus constituyentes, su desgaste semántico y así, a su gramaticalización (el caso de las locuciones prepositivas, marcadores discursivos, construcciones
verbo-nominales, perífrasis verbales). Observamos el mismo proceso en el ámbito
fraseológico donde las locuciones siguen el proceso continuo de la desmotivación
semántica a partir de las combinaciones libres hasta locuciones idiomáticas. El
grupo más abundante de las unidades de cada clase lo constituyen las entidades
que están a mitad de camino de su formalización. Esta etapa se distingue por las
irregularidades de carácter gramatical y semántico (ambigüedad semántica).
BIBLIOGRAFÍA
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Alcaraz Varó, E. – Martínez Linares, Ma A.: Diccionario de Lingüística. Ariel,
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Shmelov, D. N.: Sovremennyj russkij jazyk. Leksika. Prosvesčenie, Moskva, 1997.
202
Ullmann, S.: Semántica. Aguilar, Madrid, 1967.
Ullmann, S.: Significado y estilo. Aguilar, Madrid, 1978.
Vinogradov, V. V.: «Ob osnovnych tipach frazeologičeskich jedinic v russkom
jazyke», en: Sbornik ‘A. A. Shahmatov’. Moskva–Leningrad, 1947.
Aproximación al proceso de desmotivación semántica a diferentes
niveles lindüísticos
Resumen
En presente estudio pretendemos analizar los procesos de gramaticalización,
lexicalización y fraseologización con vista al criterio de desmotivación semántica.
Opinamos que este criterio, a la par con los analizados habitualmente en la bibliografía al respecto, está privado de la atención merecida. La desmotivación semántica es patente a diferentes niveles lingüísticos y lleva a los cambios de índole
diferente. La frecuencia de uso de tal o cual signo lingüístico o combinación de
palabras lleva a su desgaste y desmotivación semántica. Ésta presenta un proceso que puede encontrarse en relaciones de dependencia con otros procedimientos
como desplazamiento metafórico, recategorización gramatical, vaciamiento semántico completo y, en caso de unidades pluriverbales, la cohesión de sus elementos,
reproducibilidad e idiomaticidad. Lo expuesto nos podría servir de modus operandi
para intentar explicar los procesos de gramaticalización, lexicalización, fraseologización y vaciamiento completo del léxico según los casos desde la perspectiva
sincrónica. Sin embargo, cabe mencionar que estamos hablando del proceso que
comprende el desgaste semántico paulatino o gradual que incluye diferentes etapas
de transformación. Todo lo expuesto arriba confirma que en la lengua se realiza
un incesante desplazamiento desde el nivel conceptual hacia el nivel formal de tal
manera que algunos elementos originariamente motivados pierden el valor de la
correspondencia básica, la transparencia o la motivación exterior conque la forma
que les pertenece se reduce al mero elemento divisorio formal.
Towards the Interpretation of the Process of Semantic Demotivation
on Different Linguistic Levels
Summary
In this study, we present an attempt to analyze the processes of grammaticalization, lexicalization, and phraseologization with respect to the criterion of semantic
demotivation. In our opinion, this criterion has been given insufficient attention in
the literature. Semantic demotivation is evident on different levels of language and
determines changes of various kinds. The frequency of the use of language signs
and word associations leads to their semantic depreciation and, consequently, to
demotivation. Demotivation is a process which correlates with other phenomena,
203
such as metaphorical displacement, grammatical recategorization, and the total
loss of motivation; in the case of multiword names there occurs cohesion and, subsequently, idiomatization. The given factors can serve us as modus operandi in
the explanation of the processes of grammaticalization, lexicalization, and phraseologization, and the absolute loss of motivation from the vision of synchrony. It
should be noted, however, that we are discussing a process that leads to successive
demotivation and assumes several stages. The process of demotivation confirms
that language is in permanent motion from the meaning to the form.
Oľga Lisyová
Katedra španielskeho jazyka a literatúry
Inštitút románskych a klasických filológií
Filozofická fakulta
Prešovská univerzita v Prešove
Ul. 17. novembra 1
080 78 Prešov
Eslovaquia
[email protected], [email protected]
204
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Langage du tchat (Internet) : décadence ou
évolution de la langue française ?
Paulina Lorenz
Certains pensent que les propriétés graphiques de la variété de français utilisée
par les « tchatteurs » dans leurs échanges « internautiques » est un danger supplémentaire, et pour eux-mêmes dans la conquête des diplômes, et pour la langue
française, laquelle risque d’être « défigurée » par ces jeunes en une seule génération.
Ces censeurs incriminent la contamination de la langue parlée par ces jeunes, avec
ses élisions de voyelles (e, u, surtout), la disparition du ne de négation, les constructions assertives dans l’interrogation (comme il est possible de le faire à l’oral
par la mélodie). Mais surtout le danger viendrait d’une tendance à la suppression
des consonnes muettes qui marquent des phénomènes morphologiques (conjugaisons, accords), et l’emploi exclusif de l’argot dans la création lexicale.
Qu’en est-il exactement de ce danger ? Il est vrai que les tchatteurs entre eux
déforment de plus en plus la langue française. Nous examinerons en détail ces déformations. Celles-ci vont-elles se généraliser ? Si l’on considère l’histoire du français
on peut le craindre ou s’en réjouir. Ce n’est pas la première fois que des phénomènes
discursifs sociaux – on dit maintenant : « des besoins médiatiques nouveaux » – ont
« destructuré » la langue française pour en élaborer de nouvelles formes. La période des Maires du Palais, au VII◦ siècle, où le latin vulgaire se pidginisait avec
le francique, et surtout la longue période de six siècles qui a suivi les Serments de
Strasbourg (842) ont connu des créolisations puis des relexifications latines qui ont
suscité les cris d’alarmes des érudits de l’époque dans le medium de la copie adaptative au dialecte du copiste et l’intervention de Conciles dans le medium du prêche
et des actes de prière et de contrition. A plusieurs reprises les milieux populaires,
durant les fléaux ou les révolutions, et surtout les délinquants ont élaboré des argots
(« la cour des miracles », François Villon, la Fronde, la Révolution, la Commune de
Paris). En ce qui concerne la créolisation et surtout la relexification latino-grecque
beaucoup de transformations ont subsisté, de nouvelles apparaissent tous les jours.
Mais pour l’argot on ne relève dans le discours écrit « tchat » que peu de nouvelles
créations. Néanmoins l’ensemble emprunts au latin et au grec, emprunts à l’anglais déjà argotique, créations, a été souvent qualifié de jargon. Les imprimeurs du
205
XVIe siècle, Rabelais, du Bellay, dans les média romanesques ou poétiques, puis au
XVIIe encore Molière dans les média dramatiques (notamment dans Les Précieuses
ridicules, Les Femmes Savantes, Le Bourgeois Gentilhomme) condamnent la verbocination latiale1 , la Préciosité, et ce que de nos jours on appellerait la langue de
bois, laquelle n’est en fait qu’un mélange de tendances verbocinatives, précieuses
et érudites de la communication politique ou entrepreneuriale. Les tchatteurs sont
les héritiers d’une longue tradition d’actions sur la langue.
N’y a-t-il pas aussi des conséquences bénéfiques dans la passion de converser par
Internet? La rapidité de la communication, la concision de l’information, l’économie
de place occupée dans le discours, l’économie d’argent, tous ces facteurs-là conduiraient à une reforme de l’écrit qui est peut-être utile à la diffusion et la conservation
de la langue française ? Cette réforme en effet souhaitée à plusieurs reprises par de
nombreux francophones est assez douteuse par la voie politico-juridique habituelle.
Si l’on considère les années 1988–1989 sous le gouvernement de Michel Rocard,
on relève une longue discussion entre les linguistes, les professeurs de français, les
journalistes, l’Académie Française et les hommes politiques destinée à régler ce
problème ; on y a même constaté que les jeunes francophones, contrastivement avec
les hispanophones qui mettent deux ans pour dominer l’orthographe de leur langue,
passent dix années de leur vie en dictées et rédactions avant que certains d’entre eux
ne parviennent à écrire correctement le français. Le débat s’est finalement conclu
par une absence de véritable réforme et par la création du Conseil Supérieur de la
Langue Française – organisme plutôt conservateur. Tous ces opposants ont invoqué
le risque de défigurer la langue et de la couper de son histoire. Les tchatteurs n’ont
pas ces scrupules et rapprochent souvent l’écrit de l’oral.
Il faut donc étudier aussi l’action des déviations linguistiques sur les discours
tchattés, puis celle des propriétés sociolinguistiques de ces discours par rapport aux
discours en français standard. Enfin, on devra évaluer la position des défenseurs de
l’intégrité de la langue française en face de ceux qui mobilisent Internet au profit
de leur volonté de réforme de cette langue.
Les propriétés linguistiques des discours tchattés.
• Corpus A : – Ge fé dais fotes si je voeux
– Hello !
– Mais bordel il faut se reveiller les gas le français s’est fini, personne ne
parle français en dehors de la France, c’est l’anglais maintenant
– question de newbie a quoi le « you are a lamer » sert-il ? ?
– cherche le fichier MSWINSCK .OCX .Urgent, si z avez (normaleùent c
dans Windows\syystem)..msg mc
– et ?
– comment ?
– je ne sais pas ce que c’est l’angle laid – numero 6 test pour script et virus –
Mode change « -b* !*[email protected] » on france by kafeine
1 Création lexicale empruntée au latin ou calquée sur le latin : expression créée par Geoffroy
Tory et copiée par Rabelais, pour les deux avec une valeur péjorative.
206
– has been kicked off channel france by KŜpecial (tu m’irrites drôlement toi !)
– on parle aussi francais ailleur
– Mode change.
– comme ca
– châle pas
– ca declenche une attauq de virus mutants ?
– retourne dans tes boules à mites !
• Corpus B (incomplet à cause de sa longueur) :
5ornella1005 met une grooosse baffe à maxophe !
2demineur > ki veu faire un demineur sur msn avec moi
5maxophe fait un gros bisou à ornella1005 !
10 encouche s’appelle maintenant dadaoo7.
6ornella1005 > coucouuuuuu
6ornella1005 > t la ossi
2Niki0404 > coucouuu
2Niki0404 > oui :)
6ornella1005 > je t’aime :x
6maxophe > tout des salopes
10 maxophe a été éjecté(e) du salon par Chat-Land ! Motif : Surveillez vos
paroles !
2demineur > ]moi osi
2Niki0404 > je t’aime aussi trééééééééééééééééééééééé fort
6ornella1005 > okkkkkkk
6ornella1005 > pk on sfaipo engueule ? :)
2Niki0404 > lol
6ornella1005 > [1]personne
2Niki0404 > [1]y’a pa de modo
6ornella1005 > oui
6ornella1005 > ms on flodd :)
6ornella1005 > flood
2Niki0404 > tu peut flooder ici :)
6ornella1005 > geniallllllllllllll
6ornella1005 > demineur > c un jeu de vieux :)
2Niki0404 > lol
6ornella1005 > lol regarde
207
6ornella1005 > ds le salon
6ornella1005 > 20-25 :)
6mathildedu13 > salut a tous
6mathildedu13 > moi c mathilde
6mathildedu13 > est ce kil y a kelkun
6mathildedu13 > svp
6mathildedu13 > est ki a des gars
6mathildedu13 > sur ce chat
2Niki0404 > je sui homo
2Niki0404 > pour flood bb
2Niki0404 > n’importe koi :)
6ornella1005 > je c :p
2Niki0404 > c laid ce tchatche non ? :p
6ornella1005 > revoila :)
2Inconnu6498 > salut les filles
2Inconnu6498 > 11c mort ici
6bombelia 29 > 9,1jeune demoisel recherch un mec mortel
6chaita > slt
6chaita > tu ve du sexe
2rocklee47 > chaita > oui un pote a moi
2rocklee47 > parle a vince 47 qan il sera la
2rocklee47 > mdr
2rocklee47 > nn c une blag
2rocklee47 > kc
6essentielle > lol et moi je decouvre
6ornella1005 > j v :’(
2Niki0404 > oui mon coeur :)
6ornella1005 > je taime tres fort :)p
2karim 0502 > salut
Nous allons commencer par évaluer l’importance du phénomène « tchat » dans
deux échantillons prélevés sur deux sites à deux mois d’intervalle. Pour le premier,
le corpus A, sur 15 répliques de 143 mots on compte 20 phénomènes de tchat. Si
l’on considère l’introduction des mots anglais : 37 soit 27 %. Détails des statistiques
d’ écriture : s’est fini (c’est fini), g (je), z(vous avez), c(c’est), ailleur(s), ca(ça),
fé (fais), fotes (fautes), vœux (veux), dais (des) 10, mots bizarres : gas, attauq,
châle, l’angle laid 4, abréviations : msg (message), mc (merci) 2, négation : châle
208
pas 1, argot et langue vulgaire : bordel, boules à mites 2 l’absence d’accents : reveiller 1, mots anglais 17. Donc le français tchatté semble limité : on est loin d’une
sténographie ou d’une transcription fidèle du parler.
Le corpus B présente les caractéristiques suivantes: Sur 795 mots on compte 233
phénomènes de tchat, soit 29 %. Les statistiques montrent donc avec une probabilité
raisonnable que le pourcentage des phénomènes de tchat se situe autour de 30 %
(27 % dans A et 29 % dans B). Le tchat a donc une certaine influence sur la graphie;
mais des Internautes visiblement peu cultivés dans notre corpus font parfois plutôt
des fautes d’orthographe que des modifications délibérées.
Nous en venons maintenant à une description détaillée des phénomènes linguistiques qui caractérisent ces deux corpus dans leurs tentatives de rapprocher l’écrit
de l’oral. Une tradition en effet montre que la démarche des « réformateurs » vise à
ce rapprochement. Le relevé qui suit présente les différents domaines de la langue
qui sont concernés.
– Supression de e caduc – j vois pas, j suis pas, tu pas [tu passes] oui jte
cherchez, ptite-fleur, trankil, jeune demoisel recherch un mec mortel, une blag, j
v’, bo goss ki parl sex, tout des salopes, k i ve fair un demineur avec moi, on sfai
engueule
– Archigraphème U (supression) – ta pas compris, t’as fin, tu ve du sexe, une
blag, ki parl, kel courage, yak kk alor ?, tu fai koi ?, pk [pourquoi], trankil, qan il
sera la ? est ce kil y a kelkun
– Archigraphème O (représenté par le graphème O) – Bo, ossi
– Suppression des graphons – alor, tou le monde, je mange pa (le pas de marcher), y’a pa de modo, comen, commen, di, tu vien d’où, ils ont suffer, je te di
bonsoir, tu me cherche, ki veu faire, je sui, tu di, ta di, on revien, tu t sen bien ?,
tous le monde, tu devrais t’appeller [préjudice pour la morphologie orale], on sfai
engueule, aller les mecs vener me parler, tu me cherche, tu parle de koi ? a peu
pré, mange du pin, ta mère est démontée
– Archigraphème J (représenté par le graphème G) – G rien di encore
– Archigraphème C (représenté par le graphème K) – Koi, ki, pourkoi, ke,
komen, kan, avek
– On relève également quelquefois l’absence de signes diacritiques et d’espacements – t d’ou, tres fort, c a moi ta di oui, [c’est à moi tu as dit oui],mon pote a
moi, tutemontralacam, parle a vince47, il sera la, je taime tres fort, di le si je te
temmerde, a peu pré, ca va ?
Enfin, on observe une fréquente syntaxe relâchée
– interrogation « mélodique » – tu vien d’où < d’où viens-tu, tu fais koi ? < que
fais-tu qu’est-ce que tu fais ? ya kk alor ? < y a-t-il quelqu’un alors ?est-ce qu’il y
a quelqu’un alors, ? on discute de koi ici ? < de quoi discute-t-on ici ?, tu parles de
koi ? < de quoi parles – tu ?tu ve parlerkoi ?
< de quoi veux-tu parler ?, koi de bo ici ? < qui y a-t-il d’intéressant ?, moi c
mathilde < moi, je suis Mathilde
– Ellipses – Je cherche un mec de 14 ans a peu pré et bo goss ki parl sex et ki
a msn [qui parle du sexe et qui a un msn] ellipses des déterminants : Plus question
de vous critiquer sur votre ortographe [il n’est plus question] ellipse du suntagme
verbale
209
– négation sans ne – j vois pas, j suis pas, ta pas compris, t’as pas oublié ?,
je te connais pas, tu fais pas attention, je mange pa, y’a pa de modo, on est pas
habitué
– Détachements – Lol et moi je découvre [je me découvre en même temps que
lol] C laid ce tchatche non ? [Ce tchat est laid, n’est- ce pas ?]
On voit à travers ces exemples que certaines altérations sont beaucoup plus acceptables que d’autres car elles présentent moins de risque de déformer la langue :
tels sont les remplacements du Qu et de C par K, l’ interrogation mélodique,la
négation sans NE, les détachements, les ellipses. . . C’est d’un point de vue sociolinguistique qu’on peut affiner l’étude de ce problème.
Les propriétés sociolinguistiques des cyberlangages
Le français connaı̂t un véritable divorce entre l’écrit et l’oral, d’où une volonté
moderne de diminuer l’écart par un rapprochement de l’écrit au profit de l’oral. La
tradition humaniste au contraire ne se souciait guère que de l’écrit des savants et
des gens de lettres. Depuis la fin du XIX◦ siècle, des commissions se sont consacrées,
presque en vain la plupart du temps, à des projets de simplification de l’écrit. ; à
leur tour, les « jeunes révolutionnaires d’Internet » y pensent et font des essais.
Nous avons donc au moins quatre groupes sociaux qui peuvent avoir des opinions
sur le tchat. Les fanatiques pratiquants, les partisans d’une action très modeste, les
partisans d’une réforme importante, les adversaires les uns au nom de la tradition
nationale, les autres pour des raisons pédagogiques.
Certaines réformes paraissent possibles « sans préjudice » pour la langue. Ainsi
on peut citer :
– la suppression de certaines consonnes muettes, celles qui n’entraı̂nent pas une
confusion entre les homophones : alor, tou, pa (j’ mange pa), comen. . .
– certaines absences de signes diacritiques et d’espacements (t’es d’ou, tres fort)
– la négation double pourrait disparaı̂tre, seuls resteraient pas ou rien. . . Le ne
manquerait cependant pour exprimer certaines nuances : je crains qu’il ne vienne
– l’élision de E et du U devant consonne pourrait devenir correcte (j vois pas,
j sais pas, t’as fini). . . etc. comme les font les Anglais pour le O, p. ex. I don’t (I
do not), You weren’t (You were not). . .
– l’utilisation de K à la place de QU et C quand il se prononce [k] kom l’ cha
ki vient kan l’ chien kit la kontré. . . ce serait l’utilisation d’une lettre qui pour
l’instant ne sert à rien
– la spécialisation de J pour le son [ž] et de G pour le son [g] l’ jéni des jeunes
gérira l’ mond d’ la gèr, j’ dois jérer les jens pluto k’ leur arjen
D’autres réformes paraissent impossibles du point de vue de la sauvegarde de
la langue, dans sa morphologie et sa syntaxe :
– avec préjudice pour la morphologie (nombre, genre, temps, modes, personnes,
etc.) ki veu faire, tu vien d’où, ils ont suffer
– avec préjudice pour lexicologie (non distinction des homophones) a peu pré,
mange du pin, ta mère est démontée
– On relève également quelquefois l’absence de signes diacritiques et d’espacements. c a moi ta di oui, [c’est à moi tu as dit oui],mon pote a moi, tutemontra-
210
lacam, parle a vince47, il sera la, je taime tres fort, di le si je te temmerde, a peu
pré, ca va ? La lecture devient trop difficile.
En ce qui concerne l’argot décider de l’accepter ou de le refuser dépend de
beaucoup de facteurs. S’il s’agit du terme qui signifie : langage cryptique à l’origine
celui des malfaiteurs, du « milieu » (PR*) étendu ensuite à certaines professions,
il est évident que la société française ne peut guère l’accepter que comme terme
technique pour les spécialiistes : ex. flooder (ce terme désigne le fait (ou l’action)
d’envoyer une telle quantité de messages dans un canal ou une boı̂te à lettres, que
celui ou celle-ci sera saturé(e) et deviendra inutilisable.), un modo (modérateur :
est une personne qui surveille les discussions d’un Forum Internet.) Si au contraire
on retient la signification linguistique : emploi commun : langue familière contenant
des mots argotiques passée dans la langue commune (PR*) il est évident qu’il s’agit
d’un enrichissement populaire de la langue que peu à peu tout le monde emploie en
allant jusqu’à la possibilité d’apparaı̂tre comme un grossier personnage, ex. j’en ai
marre, mec, meuf, bordel, baffe, salope, engueuler, emmerder, pote, éjecter, chialer,
faire gaffe, chambouler.
Il y a plus d’un siècle – parfois plusieurs – que ces mots ont pénétré dans la
langue populaire. Par ailleurs, les internautes constituent un groupe qui comme
beaucoup de groupes dans l’histoire, les uns pour crypter les autres pour se distinguer sont de grands créateurs de langue argotique, ex. flooder, un modo, Chat-Land, Chat. On observe maintenant une généralisation de leur emploi : certains
journalistes des médias, les candidats aux élections dans leur campagne, certains
professeurs. . . La communication médiatique portant sur des choses sérieuses, graves même, gagne de la popularité en parlant de SDF, de pauv mec, de gars d’la
cloche faut v’nir à leur secours puis poursuit c’est pour mettre un terme à cette
discrimination sociale, à cette injustice quasi génétique, qu’il nous faut œuvrer quotidiennement, patiemment, cordialement avec toute l’intelligence de nos cerveaux
unis dans cette immense, mais indispensable entreprise de charité démocratique et
pieuse dans sa laı̈cité.
La troncation fait partie des procédés de création argotiques Ex. les stats
(les statistiques), ‘jour (bonjour), pseudo (pseudonymes) Il s’agit d’un procédé
qui fait partie du langage courant (auto < automobile ; vélo < vélocipède, télé <
télévision. . . ) C’est aussi un procédé de raccourci. Les procédés de raccourci et de
prise de notes sont utilisés depuis longtemps par les étudiants, les journalistes, les
secrétaires et surtout par ceux qui ont inventé la sténographie.
– L’imitation de la sténographie, essentiellement la siglaison : ama : à mon avis,
amha : à mon humble avis, apv : assez pour vivre (réponse à “ça va ?”, japv : juste
assez pour vivre) asv : âge ? sexe ? ville ? Il ne faut pas oublier que la siglaison par
suppression de voyelles est un procédé hérité de la période la plus reculée de l’indo-européen, au moment où il était proche des langues sémitiques dans lesquelles
les consonnes portent l’essentiel du sens lexical, c’est le cas de bcp < beaucoup,
tps < temps, tjrs < toujours, cf. arabe moderne mqm < maqam (arabe : genre modal
de la musique arabe), hzdj < hazadj (divertissement musical pour amuser le public)
On ne note pas nécessairement les voyelles car le sens est dans mqm, hzdj. Les
gens qui prennent des notes (les journalistes, les participants à des colloques. . . )
connaissent ce procédé depuis longtemps. Dans les corpus A et B du tchat nous
avons : Bcp, beaucoup ; ds, dans ; dsl, désolé ; fr, faire ; jms, jamais ; mc, merci ;
211
msg, message ; pcq, parce que ; pk, pourquoi ; pr, pour ; qd, quand ; qqn, quelqu’un ;
slt, salut ; tps, temps ; svp, s’il vous plaı̂t ; tt, tout.
Par un code lettres + chiffres, on atteint la limite du langage cyber : A 1 2 c 4 :
(à un de ces quatre) Nombre + lettres de l’alphabet
Ce discours linguistique et sociolinguistique « révolutionnaire » pourrait-il constituer à la longue une menace pour la langue française ?
Avant de parler de menace, il faut savoir si la majorité des francophones souhaitent conserver la langue telle qu’elle est encore enseignée dans les écoles : la langue
des écrivains des XIX◦ et XX◦ siècles. Un test pour s’en rendre compte a été passé
en 1988 et 1989 sous le gouvernement de Michel Rocard. Ce Premier Ministre a
consulté l’Académie Française, les écrivains, les enseignants, surtout les professeurs
d’Université réunis en commission. La réponse a été pratiquement négative puisque
la tolérance à l’égard d’une réforme ne s’est guère bornée qu’aux accents circonflexes. Il est vrai que les difficultés qu’on rencontre dans l’écriture de la langue
deviennent sans doute les facilités pour la lecture comme le pense Gérard Bastien
*citant Michel Violet* :
“Les illogismes, les incongruités, les irrégularités, les marques redontantes, les
lettres muettes, les consonnes doubles, les homonymies, les traces étymologiques,
etc., qui font de l’écriture un exercice aussi difficile sont autant d’aides apportées
à la lecture. Tout ce qui rend improbable la graphie d’un mot facilite, en revanche,
son repérage, son identification visuelle et l’exercice d’anticipation, processus fondamental de la lecture.”
Gérard Bastien continue cette réflexion avec Nina Catasch* :
« La simplification attenuerait la fonction de ségrégation sociale d’une orthographe difficile. De nos jours, certains pédagogues pensent que les difficultés de
l’orthographe compensent les difficultés du latin et de la morale dans la formation
des élèves, en particulier dans l’éducation à l’effort.On ne peut concevoir qu’une
simplification étroite et une réforme modérée. Pour l’essentiel le système actuel
fonctionne correctement si l’on accepte le double fonctionnement phonographique
et morphographique. »
Certaines difficultés de la langue française constitueraient même un excellent
moyen de dévéloppement intellectuel. En tout cas, si on souhaite réaliser certaines
réformes utiles il faut savoir se limiter. G. Bastien avec certains linguistes montre
les réformes qui seraient souhaitables. Deux ou trois types de changements sont
envisageables
• version minimaliste : débarasser l’orthographe de ses scories, émondages, ajustement.
– accents : événement deviendrait évènement, médecin, . . . , mèdecin
– mots composés : normaliser l’écriture des traits d’union actuellement
irrégulières on a en effet : contre-pied, contrepoids, contre-jour, contresens.
– rendre les familles de mots régulières comme celles de : combattre, . . . ,
combatif, courir, . . . , courrier
• modérniser ; dépoussiérer – renoncer à l’accent circonflexe
212
– supprimer les consonnes doubles du type : appelle, professionnalisme
– supprimer l’accord du participe passé avec avoir
• Leconte et Cibois supprimer toutes les „lettres grecques
, les consonnes doubles, tous les pluriels seraient en S et non pas en X, les mots feminins prendraient un E à la fin.
Si l’on admet que certaines modifications seraient d’un rapport positif pour
l’apprentissage et la diffusion de la langue française, beaucoup pensent qu’elles
doivent être limitées. Une certaine complexité en effet semble favorable à la lecture
et à la formation des jeunes selon quelques pédagogues de la langue française. Bon
nombre d’indices du tchat montrent qu’on ne fait pas disparaı̂tre certaines lettres
dans la siglaison : tps, bcp, ds, jms, tjs, Or, ces lettres sont celles qui n’apparaissent
pas à l’oral [tâ, boku, dâ, žamε, tužuR] La figure des mots est un medium de la
lecture. Il y a des observations faites sur le tchat qui peuvent éclairer la pédagogie
de la lecture, mais celle de l’écriture. . . c’est un tout autre problème.
Et surtout, il faut se rendre compte maintenant que, assez récemment, par le
canal du web on communique de plus en plus par l’oral et la caméra. Est-ce que
dans quelques années l’écriture qui semblait retrouver son antique essor ne sera
pas de plus en plus rare ? Restera peut-être la question financière : la conversation
risque de rester beaucoup plus chère que l’échange scriptural en tchat.
On dit assez souvent de nos jours que les jeunes ont leur propre langage et
nous devons souligner qu’il s’agit bien d’un langage et non pas d’une langue. Les
jeunes continuent d’utiliser la langue française. Certes, les admirateurs de la langue
française reconnaissent que les jeunes lui font subir nombre de contorsions, mais
guère plus que les médecins, les psychologues, les psychiatres ou les pédagogues,
lorsqu’ils se parlent entre eux. Le langage jeune est une des multiples façons de
se servir de la langue. Une langue fonde l’identité mais un langage peut, lui aussi,
être l’intégrateur d’un groupe linguistique, soutenir une revendication d’identité.
C’est le cas, par exemple, des jeunes des banlieues, qui utilisent des expressions
inconnues des autres milieux, et pour lesquels le français académique enseigné est
ressenti par eux comme la langue du pouvoir et de l’autorité.
On sait que le propre du langage, est d’évoluer et de créer du nouveau, car,
selon Saussure, “le temps change toute chose : il n’y a aucune raison pour laquelle
la langue échapperait à cette loi universelle”. Et c’est à partir de cette phrase
qu’Aurélia Dejond pose le problème de l’apparition du langage cyber. Ce nouveau
langage qui s’est créé depuis l’avènement de l’Internet et son utilisation par un plus
grand nombre d’adolescents, lui apparaı̂t comme nécessaire pour notre société, en
traduisant un besoin, une envie de communiquer autrement. Ce cyberlangage ou
langage cyber n’est pas une sous-langue, mais un langage parallèle dans le sens qu’il
complète le français traditionnel et qu’en aucun cas il ne vise à le remplacer. Il s’agit
donc d’un complément consacrant certains supports, dont le Net et le téléphone
portable aussi.
La communication électronique n’est en fait que la cybercommunication :
Pour être plus précis, le terme de communication électronique englobe deux
types de communication :
213
– la communication par la voie de l’internet (courriel électronique, forum de
discussions, messagerie instantanée, tchat) ;
– la communication par le réseau GSM (Global System for Mobiles communications. C’est la norme européenne de téléphonie cellulaire numérique devenue
mondiale grâce au succès de constructeurs tels Nokia, Ericsson, Sagem ou Alcatel),
c’est-à-dire le SMS.
Par ailleurs, il ne faut pas tomber dans l’erreur : ce ne sont pas < les jeunes
des banlieues > qui sont les inventeurs des procédés, mais les jeunes en général qui
font des études secondaires ou supérieures et qui ont déjà une pratique du langage,
l’habitude de prendre des notes et une connaissance non négligable du vocabulaire
et des expressions. Il y a rarement du verlan, très peu de nouvel argot.
Néanmoins, on trouve beaucoup de fautes qui ne relèvent pas de l’écriture
phonétisante : c’est probablement le cas de certains de nos exemples :
S’est fini, attauq, On y ajouterait en parcourant quelques textes d’un très bon
niveau d’idées :
J’aurait dis, il est impossible de justifié, je diriat
Il y a une décadence de l’apprentissage de la langue française surtout au niveau
de l’orthographe ; ce n’est certainement pas le tchat qui va y remédier.
BIBLIOGRAPHIE
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Bastien, G. : Orthographe, Les bienheureux de la complexité in Le Croqant nr. 7,
1990.
Bazin, H. : Plumons l’oiseau, Paris, Grasset, 1966.
Burney, P. : L’ortographe, Paris, PUF, Que sais-je 1967.
Catach, N. : Les Délires de l’ortographe, Paris, Plon, 1989.
Cavanna, M. : Allons voir si la rose, Paris, Belfond, 1989.
Charmeux, E. : L’ortographe à l’école, Paris, CEDIC, 1979.
Dejond, A. : La Cyberl@ngue française, Renaissance du Livre (24 février 2002).
Gajos, M. : Reprezentacje graficzne w dydaktyce jȩzyka obcego Wydawnictwo Uniwersytetu L
ódzkiego, 1995.
Hagège, C. : Le français et les siècles, Paris, Odile Jacob, 1987.
Leconte, J. – Cibois, P. : Que vive l’ortographe !, Paris ; Le Seuil, 1989.
Nordon, D. : Sans accent in Le Croqant nr. 7, 1990. nr. 25, Paris 1989.
Pierozak, I. : Le “français tchaté” : un objet à géometrie variable ? In Langage et
société nr. 104 – juin 2003.
Saussure, F. de (1915–1959) : Cours de linguistique générale, Paris, Payot, 1915.
Tahar, B. : Le Monde de l’éducation, octobre 1989.
214
The Cambridge Survey IV, Cambridge Univeristy Press, 1989.
Thimonnier, R. : Le système graphique du français, Paris, Plon, 1967.
Violet, M., in : les Actes de lecture, revue de l’association française de lecture,
No 25, Paris 1989.
Yus, F. : Ciberpragmatica. El uso del lenguaje en Internet. Ariel, 2001.
Les dictionnaires :
Le Nouveau Petit Robert, Dicorobert, 1993.
Dictionnaire de linguistique, Dubois, J., Giacomo, M., Guespin, L., Marcellesu, J.B., Mével, J.-P., Larousse, 1973.
Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Ducrot, O., Todorov, T., Edition du Seuil, 1972.
Langage du tchat (Internet) : décadence ou évolution de la langue
française ?
Résumé
Certains pensent que les propriétés graphiques de la variété de français utilisée
par les tchatteurs dans leurs conversations est un danger supplémentaire et pour
eux-mêmes dans la conquête des diplômes et pour la langue française qui risque
d’être « défigurée » par ces jeunes en une seule génération. Ils incriminent la contamination de la langue parlée plutôt vulgaire, avec ses élisions de voyelles (e, u,
surtout), la disparition du ne de négation, les constructions assertives dans l’interrogation (comme il est possible de le faire à l’oral par la mélodie). Mais surtout le
danger vient d’une tendance à la suppression des consonnes muettes qui marquent
des phénomènes morphologiques (conjugaisons, accords), et l’emploi de l’argot.
N’y a-t-il pas des conséquences bénéfiques dans la passion de converser par
Internet? La rapidité de la communication, la concision de l’information, l’économie
de place occupée dans le discours, tous ces facteurs là conduiront peut-être à une
reforme de l’écrit qui est probablement utile à la diffusion et la conservation de la
langue française ?
Cependant, il ne faut pas oublier comme nous montrent certains chercheurs
(p. ex. Nina Katash) qu’une certaine complexité en effet semble favorable à la
lecture et à la formation des jeunes selon quelques pédagogues de la langue française.
Nous étudierons successivement l’action des déviations linguistiques sur les discours tchatés, puis celle des propriétés sociolinguistiques de ces discours par rapport
aux discours en français standard. Enfin, nous examinerons la position des défenseurs de l’intégrité de la langue française en face de ceux qui mobilisent Internet
au profit de leur volonté de réforme de cette langue.
215
Media Language “Chat” and SMS: Decline or Evolution of the
Language?
Summary
Some people think that the graphic properties of the variety of French used by
chatters in their conversations are a danger for themselves in their obtaining of
formal qualifications and to the French language, which is likely “to be disfigured”
by these young people in only one generation. They accuse them of contamination
through the rather vulgar spoken language, with its elisions of vowels (E, U, especially), the disappearance of [[ne]] of negation, and declaratives in questions (as
it is possible to do itin speech by means of intonation). But especially the danger
comes from a tendency to suppress the silent consonants which mark morphological
phenomena (conjugations, agreement), and the use of slang.
Are there no beneficial consequences of internet communication? Perhaps the
speed of communication, the conciseness of information, the saving of space occupied in speech, all these factors may lead to a reform in writing which is probably
useful for the spread and the conservation of the French language.
However, it should not be forgotten, as certain researchers (for example, Nina
Katash) that a certain complexity is actually favorable to the reading and the
training of young people, according to some teachers of the French language.
We will study the influence of linguistic deviations on communication via chat,
then the sociolinguistic properties of this type of communication compared to standard spoken French. Finally, we will examine the position of the defenders of the
integrity of the French language and compare it to those who suggest that internetinfluenced language will act to reform the language.
Paulina Lorenz
Katedra Filologii Romańskiej
Uniwersytet L
ódzki
Ul. Sienkiewicza 21
90-114 L
ódź
Pologne
paula [email protected]
216
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Grand(splend)eurs et misères de la parole
selon L. Salvayre
Zuzana Malinovská-Šalamonová
C’est toujours pareil chez les intellos [. . . ] Ils
parlent, ils parlent. Sans savoir. Faut-il resusciter l’éclat de la parole ou proscrire les papotages
poisseux portant sur les papouilles ?
Réfléchir sur la parole lorsqu’on est littéraire peut surprendre, car littérature
sous-entend écriture, et écrire, comme le montre la psycholinguistique, n’est pas
parler. Cependant entre ces deux activités différentes il y a des liens plus ou moins
étroits.1 Même si l’écriture prend parfois ses distances à l’égard de la parole, celle-ci,
à des degrés différents, est toujours présente dans l’écriture. L’ auteur de Splendeurs et misère des courtisanes n’essaie-t-il pas de transcrire l’accent juif alsacien
de Nucingen ou l’argot de Vautrin ? Le parlé ne bruit-il pas dans l’écriture d’un
Céline, d’un Queneau, d’un Millet ? La littérature française s’inspire de la parole,2
s’organise autour d’elle et souvent se conçoit comme sa mimesis. Cette tendance est
très forte dans la littérature contemporaine qui non seulement fait de la parole un
thème central et récurrent mais qui produit souvent l’effet de la pure transcription
des voix, comme l’illustre l’œuvre de l’écrivaine française Lydie Salvayre (1948).
La problématique de la parole est intimement liée à la vie de Lydie Salvayre,
auteur de quatorze romans.3 Psychiatre et fille de refugiés espagnols entrés en
France en 1939, Lydie Salvayre passe son enfance dans le Loir-et-Cher, d’abord
dans une ferme communautaire des Républicains espagnols, puis à Auterive, petite
bourgade non loin de Cintegabelle. Ses parents, devenus ouvriers agricoles par la
1 Fumaroli note qu’autrefois parler et écrire étaient un tout. Voir: Fumaroli, M.: La Diplomatie
de l’esprit, Paris 1991, p. 298–301.
2 Voir Fumaroli, M. : « Littérature et conversation : la querelle Sainte-Beuve-Proust », Autrement 1999, pp. 102–122.
3 La Déclaration, 1990, La Vie commune, 1991, La Médaille, 1993, La Puissance des mouches,
1995, La Compagnie des spectres, 1997, Quelques conseils utiles aux élèves huissiers, 1997, La
Conférence de Cintegabelle, 1997, Les belles âmes, 2000, Le Vif du vivant, 2001, Et que les vers
mangent le bœuf mort, 2002, Contre, 2002, Passage à l’ennemie, 2003, La méthode Mila, 2005.
217
force de l’Histoire, incapables de faire le deuil de l’Espagne, parlent peu. Si la mère
communique avec sa fille en lui chantant les chansons espagnoles, le père, véritable
macho autoritaire, s’enferme dans le silence de sa douleur. Ce fier descendant d’une
riche famille de propriétaire terrien andalou, peu habitué à travailler, n’acceptera
jamais sa nouvelle situation sociale et, à la grande honte de ses filles scolarisées
à l’école fran˛caise, n’apprendra jamais le fran˛cais.4 Sont ainsi à l’origine de l’écriture de Lydie Salvayre le souvenir du père5 , autoritaire, taciturne et violent mais
surtout le souvenir de la honte de mal parler une langue peu usitée dans le milieu
familial.
La problématique de la parole devient moteur de l’écriture de Lydie Salvayre
qui – si elle puise dans le vécu, son enfance ainsi que son expérience de psychiatre –
n’écrit ni des autobiographies ni des autofictions. Bien au contraire, l’écrivain cache
les éléments du vécu soigneusement transformés et éparpillés dans les fictions. Hostile à la confession personnelle,6 Salvayre fait l’éloge de la fiction. À l’époque ou les
récits intimes et « authentiques » sont à la mode, elle réhabilite la fiction, probablement convaincue que c’est grâce à la fiction que l’on arrive à dire l’indicible et
que c’est par le truchement de la fiction que l’on peut dire la vérité, car « Mundus
est fabula [. . . ] Le monde est une fable. » Autrement dit, ce sont les « mensonges »
qui révèlent « la vérité illogique des choses. »7
La thématique de la parole est omniprésente dans les fictions de Salvayre. Souvent ses romans peuvent se lire comme des réflexions sur la puissance et la faiblesse
de la parole. Ainsi par exemple le narrateur de La Méthode Mila n’arrive ni à raconter l’agonie de sa vieille mère, ni à communiquer avec elle, car elle ne s’exprime
plus « normalement » : « le mode gémissant a envahi toute son expression parlée. Sa
voix est devenue pleurarde. Pleurarde et acrimonieuse. »8 Cependant, au lieu de la
confier à un personnel formé pour apprendre « aux vioques [. . . ] à mourir sans faire
de potin »9 , il s’adresse à une voyante qui console, par la parole et par le goût des
fables, et le fils et la mère. La misère de la parole mais aussi sa grandeur potentielle
sont représentées dans le Passage à l’ennemie, roman qui – à l’aide du personnage
de Dulcinée, mutique et inaccessible, qui « entend la langue des bêtes et celle des
enfants mieux que celle des hommes »10 – évoque aussi les limites de la parole,
souvent apauvrie, abêtie, pleine de « révulsants barbarismes », réduite « aux mots
de la racaille ».11 C’est en parlant que Louisianne de La Compagnie des Spectres
essaie d’empêcher sa mère folle d’hurler, et l’huissier de procéder à la saisie. C’est
encore à la parole que s’accroche le narrateur dans La Puissance des mouches lor4 Voir l’entretien avec L. Salvayre. « Contre la guerre des langues », Le Matricule des Anges,
No 26, pp. 20–22.
5 La figure paternelle ambigue est fréquente dans l’œuvre de P. Modiano, hanté par « ce progéniteur obscur et troublant » comme le fait remarquer Eva Beránková dans son article « La
topographie de la mort chez Patrick Modiano», Rencontres françaises – Brno 2003, actes du 6ème
séminaire international d’études doctorales, Brno 2004, pp. 63–69. Citation tirée de la page 64.
6 Sa voix narrative le dit ouvertement, voir p. ex. La Méthode Mila, p. 15 : « J’ai horreur de
ceux-la qui écrivent en trempant la plume dans leur intimité, c’est-à-dire dans leur merde. »
7 Salvayre, L. : La Méthode Mila, Paris 2005, p. 197.
8 Ibid., p. 25.
9 Ibid., p. 75.
10 Salvayre, L. : Le Passage à l’ennemie, p. 113.
11 Ibid., p. 12.
218
squ’il essaie d’expliquer son acte au juge etc.12 Même si « la parole des hommes est
toujours imparfaite, boiteuse et malhabile. Toujours un peu ratée. Toujours un peu
minable. Excepté des livres. Et encore »13 , explicite la voix narrative, (con)fondue
cette fois-ci avec celle de l’auteur, pour parler à travers la littérature ou « dans la
littérature » de la littérature.
La parole « vacille et se montre impuissante à restituer le magnifique chatoiement » des « esprits ».14 Toutefois et même si « l’on vit, de plus en plus, sans se
parler »15 , on ne peut pas s’en passer complètement. Tant que l’on existe, tant
qu’on vit avec les autres, on ne peut pas complètement renoncer à la parole, aussi
«chétive et boiteuse»16 soit-elle: tel est le «message» des romans de Lydie Salvayre.
Mais ce n’est pas seulement le choix de thèmes qui montre l’attention de l’écrivain à la parole. L’intérêt accordé par Salvayre à la parole est visible également sur
le plan de la narration confiée aux personnages. Définis avant tout par leur parole,
ces personnages-voix miment le discours oral avec tout ce que cela sous-entend :
digressions, temps d’arrêt, changements de sujet, de rythme, de registre, de ton.
Parfois la narration produit l’effet d’ un véritable échange de voix: ainsi par exemple
La Médaille, roman qui donne à voir les enjeux du pouvoir que la parole véhicule,
est composé de « sept allocutions » faites par les représentants de la direction d’une
entreprise à l’occasion de la remise des médailles aux meilleurs travailleurs, suivies
des « réponses des médaillés ». Souvent la narration fait croire qu’elle est sollicitée
par un allocutaire : tel l’huissier dans La Compagnie des Spectres qui parle très
peu, ou le juge de La Puissance des mouches qui écoute en silence la déposition
de Pascal, voire tout un public « muet » assistant à La Conférence de Cintegabelle,
roman-monologue, hilarant mais inquiétant, sur le rôle de la conversation dans la
société française. Cette conception de la narration assurée par une seule voix n’a
pourtant pas pour conséquence une homophonie monocorde, monotone, uniforme,
bien au contraire. D’abord, la même voix narrative varie, devient tour à tour grave,
violente17 , agressive, insistante, triste, plaintive, pathétique mais elle peut être aussi
douce, tendre, émouvante, drôle, grotesque, ironique. Ensuite, dans la voix forte,
prédominante du narrateur, d’autres voix sont audibles. Elles viennent du monde
extérieur,18 bruissent dans la narration qu’elles complètent, relativisent. Les voix
d’illustres ancêtres19 résonnant dans les livres que Salvayre « dévore », mais aussi
des voix de quidam, les mots « savants » et imprimés, mais également les mots
saisis au vol dans un café20 ou prononcés au hasard d’une rencontre, toutes ces
12 D’autres exemples pourraient être cités pour illustrer que la parole vue dans ses contradictions
est au centre de tous les textes de L. Salvayre.
13 Salvayre, L. : Le Passage à l’ennemie, Paris 2003, p. 142.
14 Salvayre, L. : La Puissance des mouches, Paris 1995, p. 94.
15 Salvayre, L. : La Conférence de Cintegabelle, Paris 1999, p. 11.
16 Salvayre, L. : La Puissance des mouches, Paris 1995, p. 94.
17 À propos de la « violence du langage » (p. 37) voir l’article de Josef Fulka « Langage,
littérature et pouvoir chez Roland Barthes » in : Actes du 8ième séminaire international d’études
doctorales. Prešov 2004, pp. 36–39.
18 Comme par exemple celle, agressive et rare du père, véritable hantise et menace permanentes,
pesante et présente par son absence.
19 Par exemple celle de Descartes, Pascal, Beckett, Cervantes et bien d’autres penseurs, poètes,
romanciers.
20 L’ auteur aime écouter les conversations dans les cafés. Ainsi, une des idées-clés de La Puissance des mouches est la retranscription d’une phrase entendue pas un café parisien.
219
voix multiples, différentes, changeantes donnent un concert, participent à une symphonie, constituent une polyphonie vocale en renforçant la polysémie des textes
de Salvayre. La représentation de la parole dans son inépuisable diversité permet
à l’écrivain – qui n’aime pas parler, surtout de son œuvre et surtout en public,21
mais qui aime écouter parler les autres, « converser » en silence avec les grands
écrivains et philosophes comme avec les « petites gens » – d’évoquer le monde
dans sa multiplicité, sa complexité parfois contradictoire et sa constante mutation
qui pourtant n’apporte pas de remèdes aux éternels problèmes de l’existence. Car
qu’est-ce qu’exister dans ce monde « qui est tout et qui est rien ? »22 Comment
« prendre l’appui sur le néant ? »23 Il n’y a pas d’autre réponse que la « solitude
atroce », le « silence du néant qui vous écrase », « l’esprit qui s’ouvre à Dieu et
Dieu ne vient pas »24 , la « frayeur » du « silence éternel des espaces infinis », « la
puissance des mouches » et d’autres thèmes pascaliens que Salvayre retravaille en
artiste.
Salvayre donne à voir la parole d’une part, dans son importance et sa grandeur,
et, d’autre part, dans sa misère impuissante. D’importance essentielle, car relevant
de la culture et non pas de la nature/barbarie, la parole différencie l’homme de
l’animal et du végétal, d’où sa grandeur incontestable. Inhérente à l’homme, elle
est l’emblème de l’homme et également la conditio sine qua non de l’existence
humaine, d’une existence digne de l’homme épanoui. Pour Salvayre parler c’est
être. Il faut parler pour être dans l’univers romanesque de l’auteur inspiré peut-être du « parlêtre »25 de Lacan. Ainsi ceux qui ne parlent pas chez Salvayre –
et ils sont bien nombreux – ne vivent pas mais vivotent sans dignité. Réduits
souvent à l’état de corps souffrants, marqués par la maladie ou la vieillesse, ils
sont présentés à l’état végétatif avec l’accent mis, dans la représentation, sur les
fonctions physiologiques du corps : par exemple Lucienne qui aimait manger et
détestait parler – d’ailleurs elle « n’avait à son actif qu’une centaine de mots »26
et autant son derrière était considérable, autant sa parole était discrète27 – dont le
corps, énorme et paralysé, n’était « que plaies vives », ne poussait à la fin de sa vie
(mais « une vie cruellement privée de plaisirs locutoires est-ce encore une vie ? »28 ),
une vie de « baleine échouée sur le lit »29 que de « longs gémissements de bête. »30
Ne pas parler est présage de la fin de l’être, de la mort, le mutisme est signe de
maladie, de mal-être, de blessure profonde jamais cicatrisée : telle Dulcinée dont le
beau corps qu’elle offre généreusement et sans mot dire garde un horrible souvenir
d’enfance, tels les personnages enfermés dans les hôpitaux psychiatriques ainsi que
les autres, souvent coupés du monde et confinés dans un silence, d’ailleurs parfois
21 Invitée
à présenter ses livres devant le public, à lire les extraits, l’écrivain semble mal à l’aise.
L. : La Puissance des mouches, Paris 1995, p. 132.
23 Ibid., pp. 159, 169, 171 et al.
24 Ibid., p. 133.
25 Nous n’avons pas l’occasion de vérifier notre hypothèse fondée sur l’analyse des textes de
Salvayre, vus en rapport avec sa formation de psychiatre, toutefois cette inspiration lacanienne
peut être inconsciente et non intentionnelle.
26 Salvayre, L. : La Conférence de Cintegabelle, Paris 1999, p. 23.
27 Ibid., p. 35.
28 Ibid., p. 101.
29 Ibid., p. 67.
30 Ibid., p. 30.
22 Salvayre,
220
plus éloquent que la parole. Toutefois, chez Salvayre la maladie n’a pas toujours
pour corollaire le mutisme. Les traumatismes peuvent provoquer également une
loquacité, souvent fatiguante et déplacée : ainsi dans La Compagnie des spectres,
Mélie Rose, marquée à jamais par les événements survenus pendant l’Occupation31 ,
profère des imprécations contre l’huissier qu’elle prend pour son ancien bourreau
etc.
Il est à noter que Salvayre, confrontée quotidiennement dans sa profession de
médecin aux corps/âmes malades, représente l’homme avant tout comme un corps :
fragile, vulnérable, « un assemblage branlant, disloqué » qui est en même temps
« le temple du Saint-Esprit ». Parfois une partie du corps humain, minutieusement représentée, comme par exemple la bouche, figure fréquente chez l’auteur,
fait ressortir sa pensée. Salvayre représente cependant cette partie haute, publique et noble du corps, associée couramment à la parole, comme « le début du
tube digestif »32 , assurant les fonctions physiologiques, primaires, communes à tout
organisme vivant. Ainsi par exemple la femme du narrateur, dans l’incipit de la
Déclaration, « engouffre les mets sans distinction de hiérarchie ni de qualité avec
la voracité du fou qui attend [. . . ] la patée », elle « enfourne » sa « ration sans
dire un mot. »33 La bouche caricaturée, ironisée ne signale pas forcément l’organe de la parole. Loin d’être cette partie privilégiée par laquelle on séduit et
s’affirme face aux autres,34 la bouche ainsi vue n’est ni l’image de la présentation
de soi où se condense l’identité sociale, ni le point d’honneur de tout individu.
Muette, mastiquant mécaniquement les mets, la bouche symbolise la déchéance
humaine, l’abaissement de l’homme, son « refus de la civilité, un pilier porteur de
la vie sociale ».35 Elle est l’emblème de l’ impuissance de l’homme, de son manque
de volonté de parler, d’exprimer ses sentiments, dont deux, l’amour et la haine,
sont les plus importants pour l’existence. Si le mari dans La Conférence de Cintegabelle souffre « l’enfer devant cette carence [. . . ] de paroles d’amour »36 , c’est
parce que sa grosse Lucienne lui oppose « un silence à peine troublé par son broiement masticatoire et de faibles éructations »37 ou l’injurie en lui interdisant de
parler.38 Si le mari-narrateur qui aime beaucoup parler – dans le roman il tient
d’ailleurs en haleine tout un public auquel il présente l’importance de la conversation – est une des figures de la grandeur de la parole chez Salvayre, sa femme
représente la misère de la parole, cette parole incapable de nommer les choses,
de dire l’essentiel, qui reste, en dépit des efforts parfois déployés, indicible, incommunicable. « De quoi ? Finissait-elle par crier lorsque je l’interrogeais sur un
chapitre de notre vie [. . . ] On aurait pu croire [. . . ] qu’elle ne prêtait nulle attention à mes paroles [. . . ] mais Lulu prenait simplement le temps de considérer
une pensée sous toutes ses facettes pour la réduire, ensuite à son noyau dur : De
31 Le poid des événements du passé sur la vie présente inspire aussi Modiano, voir Beránková, E. : « La topographie de la mort chez Patrick Modiano », Rencontres françaises – Brno
2003, actes du 6ième séminaire international d’études doctorales, Brno 2004, pp. 63–69.
32 Salvayre, L. : La Déclaration, Paris 1990, p. 95.
33 Ibid., p. 8.
34 Bourdieu, J. : La Domination masculine, Paris 1998, pp. 32–35.
35 Salvayre, L. : La Déclaration, Paris 1990, p. 8.
36 Salvayre, L. : La Conférence de Cintegabelle, Paris 1999, p. 100.
37 Ibid., p. 40.
38 Ibid., p. 84 : « Mais tu vas la boucler, tu vas la fermer » etc.
221
quoi, qu’est-ce ? Sorte de concentré du questionnement socratique. Premier canon de la Critique selon Emmanuel Kant. De quoi qu’est-ce ? Réduction claire
et facilement mémorisable de notre perplexité devant la débacle du sens. De quoi
qu’est-ce ? »39
Faible, misérable et en même temps grande et forte, la parole peut blesser40
voire tuer, mais aussi soigner, apaiser. Elle peut garder l’homme dans un « monde
logique, ordonné »41 , le mettre à l’abri de la mort, le séparer du chaos, du néant, du
vide, comme elle peut également le précipiter dans le monde de « l’éternel silence. »
Rempart contre le néant mais aussi contre la violence, la barbarie42 , exutoire,
remède contre les maux, moyen de résistance, la parole n’est pourtant pas dépourvue de danger. Surtout si, mensongère, manipulatrice, calculatrice, « fasciste »43 ,
elle ne sert que le pouvoir, l’emprise sur les autres.44
Comme si, en représentant la parole, L. Salvayre s’inspirait de Blaise Pascal
avec qui elle aime « parler » dans ses romans.45 Comme si, elle aussi, se tenait « à
califourchon » [. . . ] sur « ce paradoxe infernal » de la parole, sans « essayer pour
autant de le résoudre par un quelconque subterfuge. »46 Faible et forte, immense et
misérable, « cet immonde fumier » et « ce lys de l’âme », la parole est vue dans la
complexité et complémentarité. Exactement comme le monde, ce monde qui « est
rien, dis-je, car le monde est vicieux, car le monde est immonde, car il est noir de
sang et tout grouillant de mouches, ce qui revient à dire qu’il n’existe pas. Mais,
dans le même temps, il est tout, parce qu’il est tout ce que l’homme connait, le lieu
où il peut aimer et espérer d’un incorrigible espoir que le bien triomphe et que le
bonheur l’emporte. »47
BIBLIOGRAPHIE
Barthes, R. : Leçon, Paris 1978.
Beránková, E. : « La topographie de la mort chez Patrick Modiano », Rencontres
françaises, actes du 6-ième séminaire international d’études doctorales, Brno
2004, pp. 63–69.
Bourdieu, P. : La Domination masculine. Paris 1998.
39 Ibid.,
p. 78.
cette femme qui aimerait mieux que son mari la gifle en public plutôt qu’il l’appelle
par ce « surnom affreux » de Toutoune. Voir : Ibid., p. 43.
41 Salvayre, L. : La Déclaration, Paris 1990, p. 111.
42 Les personnages violents ne parlent pas mais cognent, surtout les pères ou les maris.
43 Barthes, R.: Leçon, Paris 1978, p. 14. Voir aussi l’article de Josef Fulka «Langage, littérature
et pouvoir chez Roland Barthes » in : Actes du 8ième séminaire international d’études doctorales.
Prešov 2004, pp. 36–39.
44 Salvayre donne à voir aussi le pouvoir manipulateur de la parole utilisée uniquement dans le
but de dominer les autres, voir p. ex. les figures des parents autoritaires, des psychiatres, mais
aussi des écrivains contemporains.
45 Surtout dans La Puissance des mouches, mais aussi dans La Méthode Mila où elle « déclare
la guerre » à Descartes à qui elle reproche d’avoir « ignoré de l’homme sa mélancolie, son gout du
tragique, ses lubies, ses guimauves et ses petits grabuges intérieures » ; voir : p. 14 et s’approche
de la vision pascalienne de l’homme.
46 Salvayre, L. : La Puissance des mouches, Paris 1995, p. 132.
47 Ibid., p. 133.
40 Comme
222
Fulka, J. : « Langage, littérature et pouvoir chez Roland Barthes » in Actes du
8-ième séminaire international d’études doctorales. Prešov 2004, pp. 36–39.
Fumaroli, M. : La Diplomatie de l’esprit, Paris 1991.
Fumaroli, M. : « Littérature et conversation : la querelle Sainte-Beuve-Proust »
Autrement 1999, p. 102–122.
Salvayre, L. : La Déclaration, Paris 1990.
Salvayre, L. : La Puissance des mouches, Paris 1995.
Salvayre, L. : La compagnie des spectres, Paris 1997.
Salvayre, L. : La Conférence de Cintegabelle, Paris 1999.
Salvayre, L. : Le Passage à l’ennemie, Paris 2003.
Salvayre, L. : La Méthode Mila, Paris 2005.
Salvayre, L. : « Contre la guerre des langues », Le Matricule des Anges, No 26,
pp. 20–22.
„Lesk a bieda reči: L. Salvayre
Resumé
Článok uvažuje nad prozaickým dielom súčasnej francúzskej spisovateľky L. Salvayre. Psychiatrička a dcéra španielskych prisťahovalcov, ktorí sa nikdy nenaučili
správne rozprávať po francúzsky, má mimoriadne silný vzťah k hovorenej reči.
Reč, vypovedané slovo, jeho sila ale i slabosť, jeho moc i nemohúcosť nie sú však
len témou autorkiných románov, lež hovorovosť významne ovplyvňuje i románovú
formu.
Greatness and poverty of speech: L. Salvayre
Summary
Lydie Salvaire, a contemporary French author and a psychiatrist, is a daughter
of Spanish immigrants who never mastered French. She demonstrates a strong
affection for the spoken language in her novels. The speech, the power and the
weakness of the spoken word are not only one of the main preoccupations of this
writer, but also influence the form of the novel, which is the focus of our article.
Zuzana Malinovská-Šalamonová
Katedra francúzskeho jazyka a literatúry
Inštitút románskej a klasickej filológie
Filozofická fakulta
Prešovská univerzita
Ul. 17. novembra 1
080 78 Prešov
République slovaque
[email protected]
223
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Le vocabulaire de la drogue dans la langue
des jeunes en tant qu’exemple de l’expansion
de la langue
Andrzej Napieralski
1
La langue et la culture, la formation de la réalité par la
langue
C’est notre langue qui décide de ce qu’on perçoit, c’est notre langue qui préjuge
ce que nous pouvons apercevoir et considérer comme objectivement existant, c’est
aussi notre langue qui décide comment nous comprenons les objets qui sont soumis
à notre réception. Quant on pense à la réalité qui nous entoure, on ne la considère
pas comme la « réalité objective en général », mais nous évoquons ici le terme de
« réalité humaine ». L’objectivité de notre réalité ne nous est pas imposée, c’est
nous qui la trouvons et c’est nous qui la construisons, les choses qui constituent le
monde dans lequel nous vivons commencent à exister au sens social dès le moment
où nous savons les nommer et les appeler.
W. von Humboldt a dit que: «On pense, comme on parle, mais en même tant on
parle comme on pense »1 . La réalité est déterminée par la langue, par un code qui
aide les gens à percevoir le monde par le biais de ce code. Il est vrai que les gens ne
discernent pas tous le réalité de la même manière. La culture est un facteur essentiel
à la conceptualisation du monde. D’après la théorie de B. L. Whorf et E. Sapir les
actes particuliers de l’emploi de la langue sont enracinés dans la culture. Nous avons
affaire ici à une relation entre la forme de la pensée qui est la langue, et la forme
du comportement qui est la culture. Il est quasiment impossible d’étudier la langue
sans connaı̂tre l’environnement culturel dans lequel fonctionne cette langue, notamment il est inenvisageable de comprendre une culture sans connaı̂tre les coutumes
langagières de cette communauté. La culture hip-hop est un phénomène quasiment
jeune, car elle existe depuis à peine une trentaine d’années. Certains jeunes forment
des communautés (groupes de pairs) qui cohabitent ensemble grâce à un mode de
1 Schaff,
A : Gramatyka generatywna a koncepcja idei wrodzonych, Warszawa 1972, p. 12.
225
vie commun, une vision du monde partagée et un code langagier connu seulement
par les initiés. Si on renvoi cela aux mots de W. von Humboldt que: «[. . . ] l’homme
vie dans le monde qui l’entoure [. . . ] seulement tel, dont l’image est comprise dans
la langue »2 , nous pouvons en déduire que l’image du monde que se font les jeunes
partisans de la culture hip-hop est réalisé par la langue dont ils se servent. Il y a
ici une relation réciproque entre le langage qui détermine le comportement et les
habitudes de ces jeunes, le comportement qui influence le vocabulaire utilisé par
les adeptes de cette culture. D’après E. Sapir : « [. . . ] le monde réel est dans une
grande mesure bâti inconsciemment sur les habitus langagiers d’un groupe précis.
Il n’y a jamais deux langues qui se ressemblent assez pour pouvoir les considérer
en tant que représentant la même réalité sociale [. . . ] »3 . Il faut signaler que les
membres de la communauté hip-hop dans chaque pays, où une telle communauté
s’est formée, parlent la langue nationale de ce pays tout en utilisant un registre
populaire disons même argotique, incompréhensible parfois par les locuteurs de
cette langue nationale. Il faut souligner que les gens qui parlent différentes langues
perçoivent différemment la réalité, car les langues qu’ils parlent conditionnent leur
perception sensuelle ainsi que leur façon de penser. Cette constatation peut aussi
être pertinente pour certaines communautés (par exemple hip-hop), car la variation
de leur langue fait que leur image du monde est différente. Notre façon d’éprouver
le monde dépend de la langue, la langue détermine les limites de ce monde et elle
donne des significations aux objets qui se trouvent dans ce monde4 . Est-ce que la
langue est « le créateur » du monde ou est-ce que la langue n’est qu’ « un outil »
qui sert aux hommes pour expérimenter le monde ? La théorie déterministe (la
langue en tant que créateur) ne s’applique pas aux variations de la langue, en ce
qui concerne le vocabulaire de la drogue (ainsi que le vocabulaire récent comme
par exemple le FCC5 , l’argot des jeunes en Pologne), c’est plutôt à l’homme qu’il
faut faire honneur, en admettant qu’il a su adopter l’outil (la langue) à son but
(l’organisation du monde). Cette conception qui défini la langue dans le cadre des
compétences (Chomsky) et de la parole (Saussure) nous montre que les limites de
notre monde (FCC, argot des jeunes en Pologne) ne sont pas fermées ni déterminées par la langue, mais au contraire, c’est nous qui les fixons (les limites) et nous
les changeons grâce à la langue. La fonction de communication a ici une énorme
influence sur la conceptualisation de la réalité qui est imposée par la langue, cette
fonction tâche de répandre notre propre imagination de la réalité aux autres ce qui
fait que la conceptualisation de la réalité est révisée. La langue forme la réalité
grâces aux communautés linguistiques qui sont à l’origine de certaines cultures qui
dérivent de la norme en lui accordant de nouvelles limites. La langue est soumise à
la variation, les facteurs sociolinguistique tels que : le temps, la diversité sociale et
la diversité géographique font en sorte que la norme perd son pouvoir, ce qui provoque une expansion de la langue qui influence la réalité. Il est vrai que toutes les
2 Bernstein, B : « Socjolingwistyka a spoleczne problemy ksztalcenia », Jȩzyk i spoleczeństwo,
Warszawa 1980, p. 88.
3 Sapir, E : Kultura, jȩzyk, osobowość, PIW, Warszawa, 1978, p. 88.
4 Kwaśnica, R : « Rzeczywistość jako byt sensu. Teza o jȩzykowym tworzeniu rzeczywistości »,
Jȩzyk a kultura tom 1, Wiedza o Kulturze, Wroclaw, 1991, p. 44.
5 Goudaillier, J.-P.: Comment tu tchatches!, dictionnaire du français contemporain des cités,
Maisonneuse&Larose.
226
langues sont soumises aux changements culturels causés par le temps et le changement des mentalités, cela concerne surtout la langue orale qui varie en fonction des
usagers qui l’emploient. La communauté linguistique est déterminée par le territoire, c’est-à-dire la zone géographique où l’on se trouve ou l’espace dans lequel
on vit (voisinage). Les membres d’une communauté se caractérisent par le partage
des mêmes normes appréciatives et par la même vision du monde, ils expriment
ces points de vue grâce à la langue ainsi par exemple les habitants des banlieues
parisiennes on repris le verlan qui forme leur identité communautaire. La langue
constitue un outil essentiel de repérage entre membres d’une telle communauté. Le
pouvoir de ce qu’on peut appeler « la mode linguistique » est inestimable, parfois
nous avons affaire à une situation où les mots et les expressions sortent à l’extérieur
d’un sociolecte appartenant à un groupe. Ce mot (ou cette expression) se font alors
connaı̂tre par le grand public, grâce à la culture de masse (le cinéma, le rap) et
sont ensuite repris et utilisés en tant que nouveaux lexèmes « branchés ». La réalité
est telle que de plus en plus de jeunes parlent le verlan, ce code qui fut d’abord
utilisé par les jeunes des cités est maintenant connu par le reste de la société grâce
au grand nombre de jeunes locuteurs qui utilisaient ce code. Il faut alors constater
que le verlan est un manifeste d’une partie de la société (les dominés) qui lutte
pour une meilleur situation socio-économique, leur façon de parler (code) est le
résultat de la réalité dans laquelle ils vivent (coutumes illicites du type « drogues »)
c’est pourquoi nous pouvons constater que la culture est un facteur essentiel de la
propagation de la langue donc elle permet à la langue de refléter la réalité.
2
La culture des jeunes et leur code, reflet de la réalité par
le vocabulaire
D’après Sapir la culture c’est un ensemble de significations que se transmettent
les membres d’un groupe à travers les interactions existant dans ce groupe. D’une
certaine façon les gens qui se considèrent comme partisans de la musique et de la
culture hip-hop peuvent être aperçus comme un groupe. Il faut dire qu’aujourd’hui
« hip-hop » connote surtout la musique rap, mais il ne faut pas oublier que cela est
toute une culture de danse (le break, le smurf), une mode vestimentaire (casquette
retournée, blouson avec la capuche), un art de dessiner (graffiti) et un langage argotique adapté pour crypter le message qui est destiné seulement aux partisans de
cette « lutte sociale ». Cette culture bien qu’elle soit plutôt récente, évolue très vite
dans toutes ces formes, prenons l’exemple de la mode vestimentaire et l’évolution
du « porter la casquette ». Au début la casquette était portée d’une manière normale c’est-à-dire avec la visière en avant, puis pour montrer l’attitude rebelle la
visière était mise en arrière, avec l’apparition de nouveaux groupes et de nouvelles
tendances la visière était portée du côté, entre temps il y avait la mode de plier la
visière, et aujourd’hui la mode suggère de porter une casquette un peu trop petite
sur le bout de la tête d’une façon normale avec la visière dépliée et avec un bandana
au-dessus. « Le langage représente le plus fidèle reflet de la vivacité d’une culture.
Elle développe comme les autres éléments culturels, un sentiment d’appartenance,
une identité collective, une reconnaissance, la possibilité de communiquer, de s’affirmer et de ce protéger »6 . Le code qu’utilisent certains jeunes est dans la plupart
6 Bazin,
H : La culture Hip-hop, Paris, 1995, p. 47.
227
des cas crypté et connu seulement par les membres de la communauté précise. Il
est nécessaire de mentionner que la plupart des groupes de pairs sont hostiles au
reste de la société, car ils se sentent opprimés et menacés par celle-ci. Le langage
prend dans un cas pareil une fonction crypto-ludique, qui permet à ces jeunes de
rester isolé dans leur propre milieu. L’appartenance à une « microsociété » n’est pas
donnée à tout le monde, les jeunes sont divisés en « branchés » et « paumés », La
distinction entre « les branchés » et « les paumés » apparaı̂t dans chaque communauté jeunes, parfois elle n’est pas nommée comme par exemple en Pologne où on
peut observer deux types d’adolescents qui se conduisent selon différentes valeurs
sociales appropriées. Ils se reconnaissent à travers les loisirs, les occupations qu’ils
partagent et ils savent distinguer quelqu’un qui leur ressemble de quelqu’un qui
sera considéré comme « pas branchés », mais il n’y a pas de dénominations qui
pourraient designer et distinguer les deux attitudes. Chez les jeunes des cités en
France, le verlan argotique est surtout utilisé pour se défendre contre ceux qui ne
sont pas censés connaı̂tre ce vocabulaire c’est-à-dire par exemple les policiers et les
instituteurs. D’habitude, les jeunes dans leurs échanges verbaux, n’utilisent pas seulement le verlan, celui-ci n’intervient que dans le cas d’une menace de l’extérieur,
et c’est la fonction cryptique qui réagit à ce moment. « Avec les profs, on parle
à la ‘soutenue’, mais quand un keum [mec] de la téci [cité] se fait serrer par les
kisdés7 [policiers], il parle ascom [comme ça] ».8 La place des mots vulgaires est
très importante dans la langue des jeunes, elle se manifeste non seulement dans les
discours narratifs, mais aussi dans les différents types d’échanges verbaux comme :
vannes, insultes, compliments, remerciements, et même actions de saluer. Le vocabulaire des jeunes en général diffère beaucoup de la langue standard, certaines
coutumes comme l’échange des vannes sont un phénomène intéressant et spécifique
pour la langue des jeunes. « Le terme « vanne » – d’usage populaire plus ou moins
argotique – désigne communément toutes sortes de remarques virulentes, de plaisanteries désobligeantes et de moqueries échangées sur le ton de l’humour entre
personnes qui se connaissent ou du moins font preuve d’une certaine complicité »9 .
Les vannes donnent aux jeunes la possibilité de s’insulter sans conséquences négatives. Cette expérience est connue dans plusieurs communautés jeunes d’autres
pays (notamment en Pologne), elle est basée sur le principe de pouvoir charrier ses
pairs tout en acceptant leurs répliques. Les vannes sont souvent jetées en série, il
y a tout un ensemble de modèles avec des schémas à suivre. L’insulte qui normalement est considérée comme un outrage d’autrui perd sont caractère injurieux, ce
phénomène est contraire aux règles de la politesse qui règnent dans la plupart des
sociétés. Nous pouvons observer que dans la mentalité des groupes juvéniles, il y
a une forte opposition à tous ce qui est norme et socialement correct. Certaines
occupations des jeunes surtout ceux qui ont un caractère illicite comme: le vol ou le
braquage, la revente ou la consommation de la drogue possèdent un champs lexicales très varié et adapté pour constituer un code connu seulement par les personnes
concernés. C’est une nécessité pour eux, car cela leur permet de ne pas être compris par les représentants de la justice. Les mots argotiques utilisés par les rappeurs
7 Verlan
du type S2 S3 S1 de « déguiser », les policiers en civile.
D : Le cœur de banlieue, Paris, 1997, p. 156.
9 Ibid., p. 173.
8 Lepoutre,
228
ressortent le plus souvent de leur bled10 , ils sont promus dans les chansons grâce
auxquelles ils se font connaı̂tre par le grand public. Le mécanisme de la répartition
des nouveaux lexèmes et des nouvelles expressions n’est pas tout à fait clair, mais
on peut faire une hypothèse que : les nouveaux mots sortent d’un milieu précis
(p. ex en France de la banlieue), ce sont souvent des termes empruntés aux langues
de l’immigration (Pays du Maghreb, Afrique, Portugal etc.), ces mots s’impriment
dans le répertoire verbal des habitants du milieu. Ensuite un groupe de rap issus de
ce milieu les utilise dans une chanson et ils se font connaı̂tre à un public plus vaste
et plus décentralisé. Il est difficile de prévoir l’échelle de la popularité d’un mot, il
peut être adopté dans certaines régions et refusé dans d’autres. Si le mot propagé
possède une forte influence, avec le temps il ne sera plus traité comme argotique,
mais il trouvera sa place dans les dictionnaires de langue. Par exemple le mot bled
d’origine arabe a vite gagné une telle popularité qu’il réside aujourd’hui dans Le
Grand Robert. D’une certaine façon les gens qui se considèrent comme partisans
de la musique et de la culture hip-hop peuvent être aperçus comme un groupe.
La drogue est une des grandes thématiques de l’argot, vu que sa consommation
est très fréquente chez les jeunes et qu’elle n’est pas autorisée par la loi, il y a
eu une énorme expansion des mots et des expressions qui touche le domaine de la
drogue. Nous allons essayer de voir comment se fait l’expansion de la langue grâce
au vocabulaire de la drogue.
3
Analyse et synonymie du vocabulaire de la drogue
Le vocabulaire argotique présent dans les chansons rap est strictement lié aux
grandes thématiques de l’argot, c’est pourquoi il y a le plus de synonymes pour les
dénominations de celles-ci (femme, policier, drogue, galère sociale). Le langage de
la culture hip-hop est souvent obscène, mais cela est son trait pertinent de sorte
qu’il y a parfois des glissements sémantiques de valeur qui ne sont pas compris ni
acceptés par tout le monde (par exemple le mot anglais «dog» (chien) est utilisé par
certains locuteurs du parler « vernaculaire noir américain »11 en tant que synonyme
pour « ami »).
Nous allons partir du concept que la langue reflète la réalité, autrement il n’y
aurait pas autant de synonymes ni de mots de la thématique que nous allons aborder.
3.1 Niveau paradigmatique
Nous allons voir ici les commutations possibles sur l’axe paradigmatique, essayer de
voir les différences qui existent entre l’argot des jeune et les appellations standard.
Le vocabulaire de la drogue qui est en voie d’évolution vu son caractère illicite est
en modification constante, des dizaines de termes apparaissent dans ce vocabulaire,
beaucoup d’autres deviennent vieillis et disparaissent de l’usage. Souvent, pour des
raisons diverses, des termes différents coexistent en se rapportant au même référent.
Ces raisons peuvent être multiples : soit il s’agit du vocabulaire argotique qui est
en concurrence avec la langue officielle et le standard, soit il s’agit du décalage
10 D’après le Grand Robert – (1934). Fam. (Un, des bleds). Village éloigné, isolé, offrant peu de
ressources.
11 Labov, W : Language in the Inner City, tr. fr. Le parler ordinaire, Paris, 1978.
229
entre le vocabulaire employé aujourd’hui et celui qui été en vogue un peu plus
tôt (variantes chronologiques), il y a aussi tout un éventail de mots cryptés qui
possèdent un signifiant déjà existant, mais qui se réfère à de nouveaux signifiés.
1. Variantes de niveaux
A. les noms des drogues :
Ci-dessous voici un tableau, ou nous pouvons observer que l’argot des jeunes
et beaucoup plus varié, grâce aux procédés de formation des mots nouveaux
il y a un choix énorme pour designer la même chose. La synonymie est très
importante dans la communication entre les jeunes, cette diversification permet aux jeunes de se repérer dans leur communauté et bien sûr la fonction
cryptique est ici décisive.
Appellations standard :
Argot des jeunes :
a) Marihuana, haszysz (marijuana,
haschisch)
a) ganja, zielone, grass, material,
staff, weed, siano, hasan
b) Amfetamina (amphétamine)
b) biale, feta, speed
c) LSD
c) listek, papier, znaczek, kwas,
acid
d) Ecstasy
e) Kokaina (cocaı̈ne)
f) Heroina (héroı̈ne)
d) drops, groszek, guzik, pigulka,
tabletka, bulka
e) puder, śnieg, proszek
f) bra̧z, brown sugar, Kompot
B. Métaphores
a) COULEURS
• feta (sens propre : fromage grec) ‘amphétamine’
• śnieg (sens propre : neige) ‘drogues en poudre’
• biale (blanc) – est utilisé pour designer les drogues dures du type
amphétamine ou cocaı̈ne, cela varie selon les consommateurs.
• bra̧z (marron) – on utilise cette couleur pour designer l’héroı̈ne,
l’expression anglaise ‘brown sugar’ est à l’origine de cette dénomination,
• siano (sens propre : le foin) ‘marijuana de qualité médiocre’
• zielone (vert) – la couleur verte a une connotation très profonde
avec la marijuana
b) CONSISTANCE
• proszek et proch (sens propre : poudre et poudre à canon) ‘tous les
drogues en poudre’
• puder (sens propre : poudre) ‘en général les drogues blanches’
230
• kompot (sens propre : boisson à base de fruits de couleur rose) ‘une
dérivée de l’héroı̈ne’
• papier (sens propre : le papier) ‘LSD’
c) FORME
•
•
•
•
•
•
•
•
znaczek (sens propre : un timbre-poste) ‘LSD’
listek (sens propre : un petit papier) ‘LSD’
bulka (sens propre : un petit pain) ‘ecstasy’
drops (sens propre : un sucre d’orge) ‘ecstasy’
groszek (sens propre : un petit pois) ‘ecstasy’
guzik (sens propre : bouton) ‘ecstasy’
pigulka (sens propre : pilule) ‘ecstasy’
tabletka (sens propre : comprimé) ‘ecstasy’
C. Emprunts :
• weed (< ang. weed ‘mauvaise herbe’) ‘marijuana’
• ganja (< hindou. ganja) ‘marijuana’
• grass (< ang. herbe) ‘marijuana’
• acid (< ang. acid ‘acide’) ‘LSD’ d’où le mot kwas (acide) calque de
l’anglais
• speed (< ang. speed) ‘amphétamine’
• brown sugar (< ang. brown sugar) ‘héroı̈ne’
• staff (< ang. staff) ‘matériau’ pour designer la drogue en général
2. Variantes chronologiques
Mots du passé
• marycha (< de marijuana, on peut aussi considérer ce mot comme une
variante du diminutif du prénom Maria > Marysia) vs ganja, weed, tofana (antonomase de Acqua Tofana fameuse empoisonneuse)
• skrȩt (une cigarette roulée) vs blant, lolek
Exemples les plus récents :
• warzywniak (sens propre : le légumier ; le dealer qui distribue ziele (les
herbes)).
• Eska (ecstasy ; contraction de ecstasy, mot en vogue)
3. Variantes cryptiques
• Ziolo (sens propre : herbe fine) ‘marijuana’
• Material (sens propre : matériau) ‘drogues’
231
• Kwas(sens propre : acide) ‘LSD’
• Baton (sens propre : tablette de chocolat) ‘un joint’
• Mentos (sens propre : marque de bonbon) ‘ecstasy’
• Koszulka (sens propre : T-shirt) ‘sachet dans lequel on distribue les drogues’
• Hasan (sens propre : prénom masculin de l’Orient) ‘haschisch’
3.2 Niveau syntagmatique
Nous allons étudier ici les combinaisons lexicales qui se présentent dans le vocabulaire des jeunes, nous allons voir les modifications qui se produisent et qui
provoquent l’apparition de nouveaux lexèmes. Le vocabulaire de la drogue subit de
nombreuses modifications de forme, la dérivation et la troncation sont les procédés
les plus fréquents dans la formation des nouvelles formes lexicales.
1. Dérivation
a) Suffixes diminutifs : -ka, -awka, -ik
• baczka vs baka ‘marijuana’
• gandziawka vs ganja ‘marijuana’
• koksik vs kokaina ‘cocaı̈ne’
b) Suffixes augmentatifs : -a, -cha
• Ganda vs ganja ‘marijuana’
• pigula vs pigulka (une pilule) ‘ecstasy’
c) suffixation « quasi-étrangère »
• gandzitsu (< gandzia ‘ganja’ + jap. ? -itsu) vs marijuana
• naturlish (< natura ‘marijuana sans produits chimique ajoutés –
naturelle’ + all. -ish)
2. Troncation
a) apocope
•
•
•
•
hasz vs haszysz ‘haschisch’
baka vs bakalie (‘noix de cajou’) ‘marijuana’
lol vs lolek ‘un joint’
koka vs kokaina ‘la cocaı̈ne’
b) apocope + ressufixation
• Tabsy vs tabletki (pilules) ‘ecstasy’
• Lok vs lolek ‘un joint’
• Koko vs kokaina ‘cocaı̈ne’
c) apocope + aphérèse
• Feta vs amfetamina ‘amphétamine’
232
d) aphérèse
• baka vs tabaka (tabac à priser) ‘marijuana’
• tyki vs narkotyki ‘drogues’
3. Emploi des sigles :
• XTC – ecstasy
• THC – tétrahydrocannabinol (cannabis)
On peut remarquer que dans le cas de plusieurs lexèmes nous avons affaire
à une resuffixation, cela résulte du caractère de la langue casuelle qui prête une
grande attention aux suffixes pour garder le genre nécessaire. La suffixation se fait
spontanément, la tendance est d’ajouter des suffixes qui faciliteront la déclinaison.
Un grand nombre de mots nouveaux proviennent de la néologie sémantique. Il faut
admettre que nous ne pouvons pas parler de décadence de la parole en regardant
les exemples de synonymie qui apparaissent par exemple dans le vocabulaire de
la drogue, cela prouve que la langue et le lexique sont en expansion constante.
Toutes les langues sont soumises aux changements culturels causés par le temps et
le changement des mentalités, parmi les exemples des noms de drogues la plupart ne
sera plus utilisée dans une dizaine d’année, mais ceux qui vont s’enracinés le mieux
dans la culture et dans l’usage trouverons un jour leur place dans les dictionnaires de
langues. Il faut constater que la langue reflète la réalité par le bais des locuteurs et
de la culture qui les influence, aussi longtemps que la culture hip-hop va influencer
les gens le vocabulaire sera en expansion et il va muter. La langue est strictement
liée avec la culture donc sa survie va dépendre de celle de la culture de laquelle elle
est née.
BIBLIOGRAPHIE
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http://www.slang.elo.pl. le 26/01/2007
http://www.univ.gda.pl/slang/ – Slownik polskiego slangu on-line de WIDAWSKI
Maciej. Le 30/12/2006
Le vocabulaire de la drogue dans la langue des jeunes en tant
qu’exemple de l’expansion de la langue
Resumen
Depuis les travaux de W. von Humboldt et puis de B. J. Whorf et d’E. Sapir,
on admet que la langue constitue un reflet de la réalité. A la fois, les langues ne
meurent pas, mais elles évoluent. Les idiomes sont en explosion constante et les
sociétés ont un besoin permanent de s’exprimer de façon adaptée à leurs besoins,
ce qui donne lieu à l’apparition de nouvelles variétés du langage. Les codes des
jeunes réunis autour de la culture hip-hop en constituent un exemple intéressant.
La richesse formelle et sémantique des vocabulaires en question, par ex. en français
ou en polonais, illustre en même temps un énorme écart par rapport à la norme
lexicale de la langue standard.
A travers l’étude du vocabulaire lié à la drogue dans l’argot des jeunes Français
et Polonais, nous nous proposons de montrer comment et dans quelle mesure la
langue reproduit la réalité et son évolution constante. Les nouvelles formes lexicales
naissent par le besoin de nommer de nouveaux objets, rites, situations en vogue
chez les jeunes d’aujourd’hui.
234
The Drug Vocabulary in Speech of the Young as an Example of the
Expansioon of the Language
Summary
Since the works of W. von Humboldt and B. J. Whorf and E. Sapir, we have
admitted that language constitutes a mirror of reality. Languages don’t die, but
they evolve. Idiomatical words are in constant expansion and societies need to
express themselves in a way adapted to their necessities, and, as a result, new
varieties of language appear. The codes of the young, united around the hip-hop
culture, are an interesting example of this phenomenon. The formal and semantic
richness of the vocabularies we mentioned, for example in French or Polish, shows
us an enormous deviation towards the lexical norm of the standard language.
By studying the vocabulary concerning drugs in French and Polish youth argot,
we aim to show how and to which degree language reflects reality and its constant
evolution. New lexical forms appear to name new objects, activities, and situations
that are in vogue in the lives of young people nowadays.
Andrzej Napieralski
Katedra Filologii Romańskiej
Uniwersytet L
ódzki
Wyzwolenia 17a, m34
95-070 Aleksandrów L
ódzki
Pologne
[email protected]
235
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
L’inspiration par la chevalerie des chansons de
geste dans une série de la bande dessinée
Les Tours de Bois-Maury
Miroslava Novotná
Les chansons de geste et les bandes dessinées : deux pôles de l’évolution littéraire incomparables à première vue sérieuse. S’agit-il de la décadence des genres
littéraires, de leurs sujets et conséquemment de leur langage ? Pour répondre aux
questions posées, il faut d’abord analyser quelques questions partielles :
1. le rôle d’un tel grand genre comme la chanson de geste, grande poésie nationale épique, son rôle contemporain et le rôle actuel de la bande dessinée ;
2. l’influence du public ;
3. transposition de certaines qualités des chansons de geste dans la bande dessinée des points de vue de la thématique, de la composition et du langage.
La littérature française nationale au sens propre du mot commence à partir du
XIe siècle par l’épopée. Les relations entre vassal et suzerain sont au centre de
l’attention des trouvères qui créent alors des chansons de geste, du latin gesta
désignant les exploits guerriers.
Successivement, les chansons de geste acceptent également les aventures extravagantes et merveilleuses, mais l’héroı̈sme reste toujours au centre de tous les événements des chansons de geste. L’auditoire suivant des trouvères aimait entendre
des exploits où les chevaliers et leurs compagnons devaient affronter des adversaires
assez souvent plus nombreux. Les chevaliers sont célébrés soit qu’ils vainquent, soit
qu’ils perdent, La Chanson de Roland en est une preuve la plus fameuse. Le public était ainsi réduit à l’écoute des trouvères et des jongleurs, accompagnés par la
vielle, sorte de violon à trois cordes. Au cours des siècles, la fantaisie du public a
été animée par des scènes peintes sous la forme de miniatures dans les manuscrits,
de statues des cathédrales gothiques ou de vitraux.
La Chanson de Roland, la première chanson de geste et en même temps la chanson la plus célèbre, a inspiré des artistes de tous les domaines. Dans la littérature,
237
le personnage de Roland se trouve dans un immense poème de Matteo Maria Boiardo Le Roland amoureux, dans un long poème héroı̈-comique de Ludovico Ariosto
Le Roland furieux, dans Le Cor d’Alfred de Vigny, dans La Légende des siècles de
Victor Hugo ce sont les poèmes Le Mariage de Roland et Le Petit Roi de Galice
et encore – sous une forme modifiée – dans une série de bandes dessinées, appelées
Les Tours de Bois-Maury.
Dans ce cas il s’agit d’une transposition différente: le héros principal – Aymar de
Bois-Maury – est un personnage fictif ayant presque la même origine que Roland.
Aymar de Bois-Maury est un chevalier d’honneur tenant à sa foi, à sa solidarité
envers ceux qui souffrent. Il est un des chevaliers errants, un des « donquichottes ».
Mais ce chevalier intrépide a un compagnon, un écuyer qui s’appelle Olivier. Les
relations entre Aymar et Olivier rappellent sans doute les relations entre Roland
et Olivier. De plus, à la question qui est en fait Roland, Jean Dufournet dans son
commentaire de La Chanson de Roland écrit : « Roland n’est défini que par ses
conquêtes, pas par les terres dont il a hérité et s’il parle de l’honneur dû au lignage,
rien n’est précisé de ce lignage. Or, la légende raconte qu’il serait le fils incestueux
de Charles avec sa sœur. »1
L’auteur de la série Les Tours de Bois-Maury, Hermann Huppen ne se tient pas
aux détails historiques. Ce qui est le plus important, c’est l’ambiance de l’époque
du Moyen Age, plus précisément du Haut Moyen Age. Sur les pages d’Internet,
nous pouvons lire la caractéristique suivante : « C’est l’époque du Moyen Age sans
complaisance : ici on se bat, on torture, on souffre, la vie est dure, la mort facile.
Dans un style de dessin fait de puissance et d’élégance, Hermann,2 impose une
version épique de l’histoire. Chanson de geste, odyssée d’un monde en devenir. Les
Tours de Bois-Maury à voir, à lire et à savourer. »3
Quel est le rôle de la bande dessinée dans le monde des lecteurs contemporains ?
Ou, d’un autre côté, quel rôle la chanson de geste, ou au sens large n’importe quel
ouvrage de la littérature « classique », accomplit-il aujourd’hui ?
La chanson de geste est considérée comme la première forme littéraire profane
écrite en langue française. Il s’agit de la forme médiévale issue de l’épopée latine.
Elle est également la transposition dans le monde guerrier des récits hagiographiques des siècles précédents. Entre autres, elle ouvre au lecteur contemporain la
possibilité d’étudier les relations entre le passé et le présent, de reconnaı̂tre « cette
grande littérature » comme une partie du patrimoine culturel. De l’autre côté de
1 Dufournet,
J. (1993), p. 37.
simple pseudonyme de l’auteur Hermann Huppen.
3 Hermann, de son vrai nom Hermann Huppen, né le 17/07/38 à Bévercé (Belge) ; scénariste et
dessinateur. Après son apprentissage en ébénisterie, il travaille quinze jours dans une ébénisterie
avant d’aller chez un architecte. Il suivra des cours du soir de dessins en architecture et en
décoration à l’Académie des Beaux-Arts de St. Gilles. A 18 ans, il part pour le Canada avec sa
famille. Quatre ans plus tard, il décide de rentrer à Bruxelles. Il se marie en 1964. Son beau-frère
Philippe Vandooren, futur directeur éditorial de Dupuis, dirige alors une revue scoute (Plein feu)
à laquelle Hermann livre sa première histoire.
Engagé pour un essai, dans le studio de Greg, il réalise quelques unes des Histoires de l’oncle
Paul. A partir de 1966, Greg écrit pour Hermann, la série Bernard Prince. Hermann réalise encore
quelques histoires vraies. Il dessine les deux premiers albums de la série Jugurtha. En décembre
1969, Hermann publie la série Comanche qu’il réalise avec Greg.
En 1982, Hermann a choisi le Haut Moyen-Age pour sa série Les Tours de Bois-Maury qui est
publiée dans le journal Vécu.
2 Le
238
l’univers littéraire, la bande dessinée s’ouvre au présent et au futur, surtout quant
à la forme.
La Chanson de Roland est ancrée dans la conscience de la plupart des gens
comme la littérature « obligatoire », nationale, sérieuse. Il n’y a pas beaucoup de
gens qui lisent La Chanson de Roland pour se distraire, qui la sortent de leur sac
pour passer le temps. La Chanson de Roland est une base parfaite de la littérature
française, une grande marche dans la hiérarchie des ouvrages littéraires. La bande
dessinée présente un nouveau degré dans l’évolution de la littérature non seulement française. Il faut toujours continuer à chercher, à inventer d’autres formes, de
nouveaux genres et styles.
La chanson de geste affirme ainsi l’importance de la littérature et de la culture
médiévale en général, établit une échelle de valeurs dont la grande partie perdure
jusqu’à nos jours. La bande dessinée peut confirmer ces valeurs en les transposant
dans de nouveaux « décors ».
En même temps, du point de vue du lecteur contemporain, la chanson de geste,
c’est-à-dire La Chanson de Roland, et la bande dessinée, à savoir Les Tours de
Bois-Maury, peuvent mettre en doute certaines de ces valeurs, comme par exemple
le sens des batailles, la conception du Moyen Age comme une grande époque du
christianisme, époque grandiose de Charlemagne à côté de la conception contradictoire de Hermann Huppen. D’ailleurs, les avis des lecteurs, publiés sur les pages
d’Internet, le confirment.4
Il est peut-être possible de constater que le public pour lequel la série des Tours
de Bois-Maury est destinée, est avide des actions héroı̈ques de la même manière
que le public médiéval. Les notions comme l’héroı̈sme, la fierté, la vassalité, le
christianisme perdurent. Mais le public du XXIe siècle est beaucoup plus instruit
que le public du Moyen Age. La littérature a marqué une longue période de son
évolution des premiers genres littéraires jusqu’à nos jours, où la bande dessinée est
considérée plutôt comme un genre en marge des belles lettres. Thierry Groensteen5
dans une de ses études constate: «Le temps où la bande dessinée était vilipendée par
les bons esprits, confisquée par les enseignants et interdite dans les bibliothèques
publiques est révolu. Les critiques qui lui étaient adressées naguère vont aujourd’hui
à la télévision et aux consoles de jeux, tandis que la bande dessinée en vient à
apparaı̂tre, aux yeux de certains pédagogues, comme le dernier rempart contre
l’analphabétisme. »
Il est indiscutable que grâce à la bande dessinée il est possible d’approcher
presque tous les genres littéraires. De plus, la bande dessinée ne connaı̂t pas la
forme unique, mais multiple, variée et parfois surprenante. 6
Quant à la transposition des traits caractéristiques des chansons de geste dans
la bande dessinée, nous pouvons découvrir des relations intéressantes. La Chanson
de Roland a été écrite trois siècles après un événement historique. Les épisodes des
4 http://www.bdgest.com/forum/bdgest/Bande-Dessinee-Franco-Belge/
Les-Tours-Bois-Maury-HERMANN-sujet-29296-1.htm
5 Docteur en lettres modernes, éditeur et théoricien reconnu de la Bande Dessinée, Thierry
Groesnsteen a été le directeur du musée de la Bande dessinée d’Angoulême, il en dirige la revue
« 9ème Art » et les Éditions de l’an 2.
http://wwwphp.ac-orleans-tours.fr/littecole37/article-imprim.php3 ?id article=27.
6 Plus voir : http://www.fabula.org/revue/cr/425.php.
239
Tours de Bois-Maury sortent en général de la fantaisie de leur auteur. La base réelle
des récits est quand même inspirée de certains éléments transposés des chansons de
geste : les croisades, les pèlerinages en Terre Sainte, à Jérusalem, les pèlerinages à
Saint-Jacques-de-Compostelle, la cruauté des batailles au Moyen Age, la solidarité
des combattants, non seulement celle des chevaliers.
Tandis que La Chanson de Roland est une composition héroı̈que, nationale au
vrai sens du mot, relevant de la fierté et aussi de l’auditoire écoutant le chant et
l’histoire d’un trouvère, l’auteur des Tours de Bois-Maury est plus impitoyable :
il présente le Moyen Age comme l’époque cruelle où les seigneurs luttent les uns
contre les autres et il ne s’agit pas toujours de luttes des chrétiens contre les paı̈ens,
mais aussi de combats entre les seigneurs chrétiens en raison de la fortune ou du
pouvoir. C’est l’époque où les pauvres et le peuple asservi subissent la volonté de
leur seigneur, où les gens sont torturés sur la base de simple suspicion, violés et
assassinés. Leurs sorts n’ont le plus souvent pas d’issues. Hermann n’épargne pas
non plus les hommes d’église qui sont souvent fanatiques et usent de la cruauté
pour asseoir leur pouvoir. Les traits communs des chansons de geste en général et
des épisodes des Tours des Bois-Maury ont un point de contact dans le personnage
d’un chevalier chrétien, hardi et fidèle à sa conscience et à sa conviction.
La série Les Tours de Bois-Maury peut être subdivisée en trois périodes, trois
parties et un intermède intitulé Sigurd. Dans les cinq premiers albums, les lecteurs
suivent les destins croisés du chevalier Aymar de Bois-Maury, de son écuyer Olivier
et de Germain, un maçon devenu chef d’une bande de maraudeurs à la suite d’une
injustice que Aymar n’a pas réussi à réparer entièrement. Dans les cinq albums
suivants, Aymar part pour la Terre Sainte. Accompagné de chevaliers qui cherchent
surtout à faire fortune, Aymar va découvrir d’autres peuples, d’autres individus
parfois mystérieux comme par exemple Seldjouki. Il semble qu’après le dixième
album, Hermann ait voulu arrêter la série. Il a donc terminé un cycle, puis a repris
une série d’albums qui suivent une partie des parcours de quelques descendants
d’Aymar de Bois-Maury. C’est ainsi que nous retrouvons avec un jeune Aymar
vers 1325 en Sicile dans Assunta, puis en Espagne avec un Rodrigo aux origines
obscures.7
Outre Olivier, le compagnon fidèle d’Aymar de Bois-Maury, dans la série il
y a encore un autre personnage influencé sans doute par des héros ou plutôt des
héroı̈nes si rares dans les chansons de geste – Alda, c’est-à-dire Aude de La Chanson
de Roland. L’auteur médiéval dit Turold n’a consacré à Aude que quelques vers,
Hermann a créé un album intitulé Alda, mais la jeune fille apparaı̂t dans plusieurs
tomes. Alda d’Hermann est tout à fait différente d’Aude de Turold, il ne s’agit que
de la transposition du nom. Par la chanson de geste Quatre fils Aymon, ou peut-être
seulement par le nom du héros, Hermann a été inspiré pour un autre personnage
presque négligeable, d’un fou appelé Aymon. Même le nom du héros principal
est peut-être influencé par le chevalier Aimeri de Narbonne, père de Guillaume
d’Orange.
Il faut souligner que la série Les Tours de Bois-Maury évoque vaguement les
événements du XIe siècle. Il ne s’agit pas de la transposition d’un ouvrage concret,
7 Plus voir : http://perso.orange.fr/kodiak.vd/Hermann/boismaury.htm, où il est possible de
trouver la description assez détaillée de la série Les Tours de Bois-Maury.
240
il n’y a que certains points communs : lieux, même col de Roncevaux, ambiance
de combat, noms susmentionnés. Cependant, Huppen n’utilise pas de nom comme
Roland ou Charlemagne qui sont trop liés par les traditions littéraires et historiques.
La Chanson de Roland et la majorité des premières chansons de geste sont écrites en décasyllabes, divisées en laisses de longueur variable, construites chacune sur
une même assonance. Chaque laisse crée une entité fermée. Pour rappeler les événements des laisses précédentes et aussi pour rafraı̂chir la mémoire de l’auditoire,
les trouvères ou les jongleurs les ont souvent résumées. La forte cohésion formelle
de la chanson de geste est donnée alors grâce à un réseau de reprise d’échos, à
l’utilisation d’artifices rhétoriques : chiasme, anaphore, gradation, antithèse, etc.
Des motifs typiques pour un grand nombre de chansons de geste, alors des motifs
stéréotypes sont présents aussi dans La Chanson de Roland : l’armement, la bataille, le combat singulier, la poursuite, l’ambassade, la déploration funèbre, etc.
Ce style permettait aux jongleurs d’improviser en fonction des circonstances et de
son public. La chanson de geste possède donc un tempo spécifique : la progression linéaire et chronologique.8 Les mêmes motifs stéréotypes sont transposés dans
la série hermannienne, mais sous des circonstances moins nobles : l’univers de La
Chanson de Roland est celui des chevaliers de Charlemagne, l’univers des Tours de
Bois-Maury est celui des couches plus basses, des gens errants, pauvres, bannis et
relégués.
Pour le récit chronologique, Hermann profite de deux côtés de la bande dessinée:
de la partie visuelle et de la partie discursive, combinant les codes langagiers et
picturaux. Quant à la composition, disons géométrique de la bande dessinée, Thierry Groensteen distingue les « énonçables », c’est-à-dire les éléments suivants : la
marge, le cadre, le strip, la bulle, l’incrustation et la mise en page.9 Groensteen
introduit également le terme « le blanc », donc l’ellipse ou le silence qui sépare deux
vignettes et qui repose sur le prétendu besoin de continuité narrative.
Les amateurs de la bande dessinée ont établi sur les pages Internet une anatomie
de la bande dessinée en présentant explicitement tous les éléments indispensable
de la composition formelle de la bande dessinée :
• la case est une vignette contenant un dessin. À noter qu’une bande dessinée
n’a pas forcément de case ;
• le strip (de l’anglais : « bande ») ou bandeau est une suite de cases, disposées
sur une ligne ;
• la planche est un ensemble de cases, souvent disposées sur plusieurs lignes.
On applique généralement le mot planche au document original. L’auteur
numérote souvent sa planche discrètement dans un coin de celle-ci. La numérotation des planches n’est pas nécessairement égale à la numérotation des
pages de l’album dans lequel elles paraı̂tront ;
• les bulles ou phylactères sont des textes intégrés aux vignettes, destinés à
la transcription des dialogues des personnages de l’histoire. Les bulles sont
souvent rondes (d’où leur nom) et parfois rectangulaires. Pour les pensées
8 Plus voir : Lagarde, A. et Michard, L. (2005), p. 3 et
http://gallica.bnf.fr/themes/LitMA7.htm
9 http://www.fabula.org/revue/er/425.php
241
ou les rêves, elles ont souvent une forme de nuage. La « queue » de la bulle
désigne le personnage qui parle ;
• les récitatifs sont des panneaux généralement situés au bord des vignettes
et servant aux commentaires en « voix off », notamment pour donner des
indications de temps et de lieu (« Au même instant à Moulinsart. . . ») ou
pour fournir des informations permettant une meilleure compréhension de
l’action ;
• un album est un recueil de planches qui peuvent appartenir à une même
série, à un même auteur, ou à un même thème (albums collectifs). On parle
typiquement d’album pour les recueils cartonnés et reliés dans un format
proche de l’A4, on qualifie souvent les albums plus petits et reliés par des
agrafes de comics (de comic book ). Une série est un ensemble d’albums reliés
par un thème ou un personnage, parfois dans un ordre chronologique ;10
• Le terme One shot est surtout utilisé pour désigner une bande dessinée en
un seul volume, en particulier un manga ou pour des romans graphiques.
Beaucoup d’artistes utilisent cette option pour raconter une histoire courte
qui ne s’intégrerait pas dans une série, ou pour tester une nouvelle idée. Il
est aussi utilisé en jeu de rô le pour désigner un scénario court, ou dont on
ne jouera pas les personnages sur la durée ou qui ne durera pas plus qu’une
séance de jeu.11
D’un point de vue simplifié il est possible de constater que des laisses d’une chanson
de geste peuvent avoir un certain équivalent dans les albums d’une série. Le public
médiéval a pu écouter les chansons et inciter sa fantaisie. Le lecteur contemporain
de la bande dessinée lit le texte et en même temps suit l’image. L’un ne peut pas
exister sans l’autre. Bien sûr, il a y aussi un espace pour la fantaisie donné par le
«blanc», il y a des liens narratifs sous-entendus. La bande dessinée atteint ainsi une
plasticité expressive grâce à plusieurs niveaux de regard et de parole: commentaires,
dialogues, discours intérieurs, discours et pensées à part, etc. Tous ces niveaux sont
soulignés et accompagnés des décors, de l’ambiance et des personnages dont le
caractère est clairement donné.
Quant à la langue, il n’est pas possible de comparer le niveau linguistique de La
Chanson de Roland et des Tours de Bois-Maury. C’est plutôt une question de capacités artistiques de l’auteur et de genre littéraire. Ian Short dans son Introduction
de La Chanson de Roland écrit: «La seule mention de La Chanson de Roland suffit
désormais pour déclencher un déluge de superlatif : le premier grand monument de
la littérature française, le premier en date, et le plus riche, des poèmes épiques
français, ou encore l’œuvre la plus connue du Moyen Age français, la plus belle des
épopées nationales. . . Texte emblématique, texte des origines, donc qui s’est vu,
au fil des années, promu au rang de chef-d’œuvre. »12
Il est connu que l’auteur de La Chanson de Roland était érudit, il a renforcé
l’unité de l’ensemble du texte par de nombreux parallélismes, contrastes et échos ;
il a employé des comparaisons simples :
10 http://fr.wikipedia.org/wiki/Bande
11 http://fr.wikipedia.org/wiki/One
12 Short,
242
I. (1990) : p. 5.
dessin%C3%A9e
shot
«Pur ço sunt Francs si fiers cume leüns»
« pour cela, les Francs sont aussi farouches que des lions »13
ou :
«Quant Rollant veit la contredite gent Ki «Quand Roland voit cette race de mécréplus sunt neirs que n’en est arrement » ants qui sont plus noirs que l’encre »14 ,
dans ce cas, la comparaison se trouve renforcée par le mélioratif, puis ce sont des
hyperboles décrivant des scènes des batailles :
« L’elme li freint u li carbuncle luisent,
Trenchet le chef e la cheveleüre, Si li
trenchat les oilz e la faiture, Le blanc
osberc dunt la maile est menue, Et tut
le cors tresqu’en la furcheüre. »
« lui brise le heaume où brillent des escarboucles, lui fend le crâne et la chevelure, lui fend les yeux et le visage, et le
haubert qui brille, aux fines mailles, et
tout le corps jusqu’à l’enfourchure. »15 ;
litote :
«Guenes respunt: Jo ne l’ desotrei mie» «Ganelon répond: Je ne la refuse pas»16 ,
où « je ne la refuse pas » signifie accepter le pacte diabolique. L’auteur dit Turold
emploie des épithètes de nature et épithètes homériques, un jeu d’échos et de refrains à travers tout l’espace de texte, des litanies de noms de personnages, de peuple
ou de lieux. De plus, tous ces moyens sont soumis à l’interprétation orale.
La langue employée par Hermann Huppen dans la série des Tours de Bois-Maury est considérée par certains amateurs de la bande dessinée hermannienne
comme «bien médiéval». Mais au fond, il ne s’agit que d’une impression, de l’allure
du texte qui semble écrit dans la langue du Moyen Age. Huppen tire profit de la
langue soutenue, des archaı̈smes (messire, moult, juvencelle, mantel, sorprendre,
disparoir, etc), des mots historiques (destrier, écuyer, etc.) désuets ou simplement
des mots littéraires (seoir, quémander, en geignant) et des mots adaptés par l’auteur
lui-même (les arondes au lieu des hirondelles, la chair au sens de la viande à manger,
etc.).
Quant aux moyens poétiques linguistiques, Hermann Huppen emploie aussi des
comparaisons, souvent pour souligner les pensées ou l’ambiance mystérieuse ou bien
sûr pour illustrer les situations simples :
« Tout me fuit entre les doigts comme glace au soleil. »17
« Une belle dame me protège. Elle a le cheveu fin des anges et tient en
ses mains des fleurs de lis. »18
« Allant dans ce triste état. . . mis à pied comme un vilain ! »19
« La nouvelle est aussi laide que toi ! »20
13 Ibid.,
pp. 140–141, laisse 142, vers 1888.
pp. 144–145, laisse 144, vers 1932–1933.
15 Ibid., pp. 108–109, laisse 104, vers 1326–1329.
16 Ibid., pp. 60–61, laisse 39, vers 518.
17 Huppen, H. (2003) : p. 47.
18 Huppen, H. (2004) : p. 8.
19 Ibid., p. 36
20 Huppen, H. (2003) : p. 48.
14 Ibid.,
243
Huppen n’a pas besoin de descriptions linguistiques ; pour cela, il a à sa disposition de nombreux moyens de l’art plastique. Ainsi, nous touchons la base de la
bande dessinée : il s’agit de la dualité constitutive de ce genre qui permet à l’auteur d’allier les images et le texte, le visible et le lisible. Dans le cas d’Huppen, les
histoires et les images n’expriment pas toujours explicitement le sujet, les événements, même les décorations. C’est «le blanc», c’est-à-dire le passage caché, exquis,
permettant au lecteur de laisser aller sa fantaisie, d’imaginer le sous-entendu, de
découvrir pas à pas le mystère, les événements passés, mais non toujours présentés.
Il s’agit de la lecture d’un ensemble qui « s’effectue d’amont en aval et inversement,
qui repose sur une conception particulière de l’entité-œuvre. »21
La bande dessinée de Huppen transmet entre autres certains procédés du film
au lieu du commentaire : les histoires hermanniennes se déroulent seulement dans
le cadre d’images sans paroles ou dialoguées, mais jamais avec le commentaire
narratif. Les situations d’introductions d’un album sont ouvertes par une suite de
cases qui rappelle une caméra qui scrute et qui balaie des décors pour évoquer une
ambiance convenable et désirable. C’est aussi le cas du tome 10, intitulé Olivier :
nous sommes en automne, Olivier est ivre et malheureux, il fait de mauvaises rêves
qui se distinguent de la réalité par les couleurs. Les sons et les voix arrivent après et
successivement. Huppen distingue les différents niveaux de la parole par des types
de bulles et d’écriture: les sons ne sont pas encadrés, ils se dispersent dans l’espace;
les dialogues se trouvent dans les bulles rondes classiques ; le chuchotement ou la
parole secrète sont dessinés par l’écriture illisible ; les voix s’éloignant sont écrites
par de petites lettres; la pointe finale de l’album et en même temps de la série de dix
tomes rappelle la scène de la mort d’Olivier de La Chanson de Roland. Chez Huppen
c’est Aymar qui meurt et Olivier qui regrette et pleure la mort de son seigneur. Les
derniers moments de la vie d’Aymar de Bois-Maury se déroulent surtout dans la
suite de plusieurs images dans lesquelles Huppen souligne l’ambiance dramatique
et tragique. Toutefois, il y a un moment heureux, pathétique, qui peut en même
temps ouvrir le chemin vers d’autres albums possibles : ce moment est donné par
la naissance du fils d’Aymar.
La grandeur de La Chanson de Roland, sa langue incluse,22 est indiscutable,
confirmée par les siècles. Le caractère de la parole de la bande dessinée, genre en
plein essor, n’est pas encore définitivement établi. Certains théoriciens considèrent
la bande dessinée comme un genre sérieux, digne d’études de son sens et de son
langage, digne même d’études universitaires.23
Dans le cas de la série hermannienne, il s’agit du regard intéressant sur la
transposition originale de l’ambiance du Moyen Age, avec ses aspects réels, avec
des réminiscences aux héros plus ou moins connus des chansons de geste, à la parole
dite « moyenâgeuse » afin que le lecteur soit intéressé par le texte et les dessins
21 http://www.sdv.fr/pages/adamantine/semiologie.htm :
Morgan, H. ; La bande dessinée n’est
pas un langage.
22 Short, I. : « Dans le plus ancien des neuf manuscrits, complets ou fragmentaires, en langue
française qui sont parvenus jusqu’à nous, La Chanson de Roland est dépourvue de titre. Il s’agit
d’un codex de parchemin, de petit format, d’apparence plus que modeste, a l’écriture peu soignée,
et qui est aujourd’hui conservé a la Bibliothèque bodléienne d’Oxford en Grande-Bretagne. Recopié entre 1140 et 1170 dans un français anglo-normand, ce texte offre l’état le plus authentique
de l’épopée française dont nous ayons conservé la trace. » Short, I. ; (1990) : pp. 10–11.
23 Ce sont les théoriciens comme Herry Morgan, Thierry Groensteen, Mélanie Carrier, etc.
244
des histoires d’Aymar de Bois-Maury. C’est peut-être la grandeur et la décadence
des gestes, des actions, des conduites des héros hermanniens, accompagnés bien sur
par la parole. Et si selon Herry Morgan la bande dessinée cachait un message qu’il
est nécessaire de décrypter, c’est aussi la question de son langage.
BIBLIOGRAPHIE
Lagarde, A., Michard, L. : Moyen Age, les grands auteurs français. Bordas,
Paris, 2004.
Short, I. : La Chanson de Roland, Le Livre de poche, collection Lettres gothiques,
Paris, 1990.
Dufournet, J. : La Chanson de Roland, Flammarion, Paris, 1993.
Huppen, H. : Les Tours de Bois-Maury, tome 1 Babette. Glenat, Paris, 2003.
Huppen, H. : Les Tours de Bois-Maury, tome 2 Eloı̈se de Montgri. Glenat, Paris,
2006.
Huppen, H. : Les Tours de Bois-Maury, tome 3 Germain. Glenat, Paris, 1999.
Huppen, H. : Les Tours de Bois-Maury, tome 4 Reinhardt. Glenat, Paris, 2004.
Huppen, H. : Les Tours de Bois-Maury, tome 5 Alda. Glenat, Paris, 1999.
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Huppen, H. : Les Tours de Bois-Maury, tome 8 Seldjouki. Glenat, Paris, 2002.
Huppen, H. : Les Tours de Bois-Maury, tome 9 Khaled. Glenat, Paris, 2006.
Huppen, H. : Les Tours de Bois-Maury, tome 10 Olivier. Glenat, Paris, 2003.
Huppen, H. : Les Tours de Bois-Maury, tome 11 Assunta. Glenat, Paris, 1998.
Huppen, H. : Les Tours de Bois-Maury, tome 12 Rodrigo. Glenat, Paris, 2001.
Huppen, H. et Huppen, Y. : Les Tours de Bois-Maury, tome 13, Dulle Griet.
Glenat, Paris, 2006.
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http://fr.wikipedia.org/wiki/Bande dessin%C3%A9e
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http://gallica.bnf.fr/themes/LitMA7.htm
http://www.fabula.org/revue/er/425.php
http://perso.orange.fr/kodiak.vd/Hermann/boismaury.htm
http://www.fabula.org/revue/cr/425.php
245
http://wwwphp.ac-orleans-tours.fr/littecole37/article-imprim.php3 ?id article=27
http://www.bdgest.com/forum/bdgest/Bande-Dessinee-Franco-Belge/
Les-Tours-Bois-Maury-HERMANN-sujet-29296-1.htm
Chansons de geste a komiks Inspirace světem rytířů chansons de geste
v komiksové sérii Les Tours de Bois-Maury
Resumé
Příspěvek si klade následující otázky : jaké jsou vztahy mezi středověkem, jeho
historií, hrdinskou epickou literaturou a literaturou dvacátého a jednadvacátého
století ? Série komiksů Les Tours de Bois-Maury Hermanna Huppena vychází
především z autorovy fantazie, nicméně inspirace světem chansons de geste je
nepopíratelná : křížové výpravy, poutě do Svaté země, do Jeruzaléma, do Santiaga
de Compostella, krutost středověkých bitev, přátelství a solidárnost bojovníků, a to
nejenom rytířů.
Chansons de Geste and Comics Chansons de Geste Inspiration in the
Comics Series Les Tours de Bois-Maury
Summary
The article endeavours to analyze the relationships between the Middle Ages,
medieval history, and heroic poems on one hand and twentieth and twenty-first
century literature on the other hand. Herman Huppen’s comics series Les Tours de
Bois-Maury is primarily a product of its author’s imagination, but its inspiration
from the world of chansons de geste is indisputable: crusades, pilgrimages to the
Holy Land, to Jerusalem and Santiago de Compostella, the cruelty of medieval
battles, friendship and solidarity between warriors, regardless of whether they are
knights or not.
Miroslava Novotná
Pedagogická fakulta
Masarykova Univerzita v Brně
Poříčí 7/9
603 00 Brno
[email protected]
246
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
La banalización del amor: apuntes para una
caracterización de la narrativa femenina
contemporánea
Magda Potok
En esta época que supone una ruptura histórica en la manera en que se construye la identidad femenina,1 cuando los sociólogos anuncian el avance igualitario
y la llegada de la posmujer, la tercera mujer, dueña de su destino individual, uno
podría esperar que la literatura ofrecida por las mujeres escritoras estuviera concentrada en la elaboración de los nuevos modelos femeninos, divergentes de los
comportamientos marcados por la cultura patriarcal. Si eso es cierto para algunas
autoras, como la penetrante Carmen Martín Gaite o la beligerante Lucía Etxebarría, también es verdad que gran parte de las novelistas españolas que escriben
en la actualidad produce narraciones convencionales que explotan el tema del amor,
acompañándolo de una mitología romántica y exagerando los aspectos sentimentales.
Este fenómeno resulta tanto más llamativo que la escritura femenina en España
cuenta con una notable tradición rebelde originada en la primera posguerra por
Carmen Laforet y su novela publicada en 1944, Nada. Laforet propuso un nuevo
tipo de narrativa «en profunda disonancia con la novela rosa escrita y leída profusamente por las mujeres en los años cuarenta».2 La protagonista de su novela,
Andrea, es una joven autónoma e intransigente que no acepta superditarse a los
patrones tradicionales de dependencia emocional y vital, planteados en términos
del matrimonio burgués o abnegación religiosa.
«Es rebeldía y es ruptura» se dirá de la escritura de estas autoras de la posguerra (Carmen Laforet, Ana María Matute o Elena Quiroga), aduciendo que en las
dificilísimas condiciones del régimen franquista, ellas supieron «desbancar a aquel
otro discurso que traducía la voluntad de la mujer y los sentimientos de la mujer
desde la óptica masculina».3 Poco después de la caída del régimen, esta tradición
1 Lipovetsky,
G., La tercera mujer, pág. 213.
Guerrero, C., Panorama de escritoras españolas, pág. 164.
3 Galdona Pérez, R. I., Discurso femenino en la novela española de posguerra, pág. 191.
2 Ruiz
247
transgresora desemboca en la absolutamente original y renovadora obra de Esther
Tusquets.4
No puede olvidarse, sin embargo, que en la misma época —me refiero a la
época franquista— operaba una potente creación folletinesca, cuya figura central,
Corín Tellado, llegó a publicar una novela a la semana, con una tirada de cien mil
ejemplares cada una. Este impresionante éxito de textos que reproducían siempre
el mismo argumento de las peripecias amorosas que concluyen en un matrimonio
feliz, incitó a Andrés Amorós, el célebre académico español, a realizar un estudio,
hoy clásico, del fenómeno, titulado Sociología de una novela rosa.
El estudio de Andrés Amorós aporta claves fundamentales para entender el
ficcionario de esta narrativa dirigida al vasto público, promocionada con premios,
con apoyo mediático y una potente industria editorial a la espalda. Amorós arguye:
No cabe duda de que estas novelas intentan ser la proyección más fiel posible de los
sueños de sus lectoras. [. . . ] Se trata de un hecho sociológico. [. . . ] No son novelas que
adquiera la gente por la novedad de su contenido ni por su perfección estética, sino por
la facilidad de identificarnos con los protagonistas (con la protagonista, esencialmente)
y participar imaginativamente en su vida.5
La narrativa de mujeres ofrecida en la actualidad aprovecha muchos de los
esquemas elaborados por Corín Tellado. Ante todo, es una literatura obsesionada
con el tema del amor, planteado como solución a todos los problemas, motor central
de la narración. El amor se convierte en un factor que elimina, por insustanciales,
otras esferas de la realidad: «Hemos buscado con lupa las referencias realistas que
pueden hallarse en estas novelas: a España, al momento presente. Son mínimas» —
anotaba Andrés Amorós en los años sesenta.6 De ahí el significativo aproblematismo
o solipsismo de esta literatura, señalado asimismo por los críticos en la actualidad.
Ana María Spitzmesser observa que la narrativa de mujeres gira exclusivamente en
torno a la articulación del «self femenino» enfocado en la vida privada, sin tomar en
consideración los grandes significantes sociales tales como la religión, la conciencia,
el capital, el trabajo, el sexo, la justicia o el poder.7
Los críticos comparten desde ángulos muy diversos la constatación de que las
mujeres en general han estado mucho más implicadas que los hombres en el tema del
amor, a lo largo de la historia. G. Lipovetsky lo explica con la división sexual de los
roles afectivos. Según el sociólogo, la representación del papel femenino consiste en
«entregarse, en existir para el otro, en dedicar su vida a la felicidad del hombre».8
La evidente sobreimplicación femenina en el amor habrá que relacionarla con una
socialización realizada al dictado de los valores tradicionales.
4 Tusquets instauró en la literatura española una sexualidad y emotividad disidentes (lesbianas)
más una variedad de temas y enfoques hasta entonces silenciados; entre ellos la matrofobia, una
relación entre madres e hijas marcada por el rencor y la conflictividad. La obra de Esther Tusquets
constituye un buen ejemplo de literatura revolucionaria, característica de momentos de bruscos
cambios sociales. En sus novelas, Tusquets supera las normas y tabúes sociales con un valor
difícilmente igualable en la creación femenina de las décadas que siguen.
5 Amorós, A., Sociología de una novela rosa, pág. 71.
6 Íbid., pág. 71.
7 Spitzmesser, A. M., «Feminismo y novela: reflexiones para una experiencia común», en:
Escribir en femenino, pág. 253.
8 Lipovetsky, G., La tercera mujer, pág. 19.
248
Lipovetsky cree que la mujer de hoy ha conseguido independizarse de los modelos impuestos y sostiene que «la existencia femenina ya no se construye exclusivamente en torno al ideal amoroso».9 No obstante, en las obras que hemos estudiado,
destaca un marcado sentimentalismo. Los personajes se emocionan con facilidad,
actúan más que nada por impulsos afectivos y, en general, de una manera exagerada.
Tomemos como punto de partida la novela de Soledad Puértolas, Queda la
noche, galardonada en 1989 con el Premio Planeta. Una novela de sentimientos, de
intriga y de espionaje. Su protagonista, Aurora, es una mujer de 32 años que vive
en un permanente estado de desilusión. Acaba de romper con Fernando, un hombre
casado, y ahora debe enfrentarse al vacío del verano. Inesperadamente, recibe una
invitación para realizar un viaje a la India. Lo acepta, desde luego: viajar al Oriente
siempre ha servido de acicate a los europeos en búsqueda de inspiración.
Aurora llega a Delhi. Ya en el taxi percibe la «atmósfera caliente» de la noche
india y en seguida intuye que «todos los pasos que había dado para llegar hasta allí
eran el preámbulo de algo».10 Pronto vivirá una aventura exótica que no dudará
en calificar de «amor». Esa misma noche en el restaurante del hotel Aurora se
deja seducir por un joven hindú, Ishwar. Su mirada «me atravesó»11 — cuenta
la protagonista en la primera persona de la narración. Antes de que termine la
cena, Aurora sabe que «las cartas estaban echadas».12 Quien hubiera ideado aquí
una historia de transformación vital que pueda surgir del encuentro con el Otro,
quedará decepcionado. El «amor» de Ishwar y Aurora queda reducido a un par de
actos sexuales, evocados luego en un recuerdo del placer corporal y conciencia de
lo efímero.
Aunque el atractivo de la protagonista no es nada convincente —es más bien
sosa, inestable e incapaz para la acción— Aurora enamorará a otros tantos personajes del escenario. Alejandro, su siguiente amante, pierde la cabeza por ella con
sólo verla en las fotos. Cuando tropieza con ella y la reconoce, se nos reproduce
la escena del embeleso: «Aquella tarde de invierno se inició allí, en el estudio de
Alejandro, una nueva aventura, una historia de amor.»13 Pasados unos meses, en
un hotel de la costa española, Aurora traiciona a su vez a Alejandro, con James,
un agente del servicio secreto británico, conocido en la India. Ya en el hotel en
Delhi, tras una mirada elocuente en el restaurante hotelero, Aurora supo que un
día tendrían que acabar en la cama.
Las relaciones de Aurora con los hombres carecen de motivación psicológica y
también de fundamento en la trama argumental del libro. Empiezan de manera
trivial y terminan sin razón visible. O se desvanecen en la lejanía (el caso de Ishwar) o en la indiferencia (Fernando, el político casado), o en un «sin saber por
qué» (Alejandro). La protagonista no pone el menor esfuerzo para que las relaciones asomen por fuera del dormitorio, ni se desespera, cuando quiebran ante los
obstáculos.
9 Íbid.,
pág. 28.
S., Queda la noche, pág. 23.
11 Íbid., pág. 31.
12 Íbid., pág. 32.
13 Íbid., pág. 111.
10 Puértolas,
249
Junto a las aventuras amorosas observamos intrigas de espionaje. En Delhi,
Aurora conoce a una tal Gudrun Holdein, alemana de origen, en aquel momento
agente soviética de la KGB. Las maniobras de los espías son bastante disparatadas:
no se sabe en qué consiste su misión (ni la del británico, James, ni de la soviética
Holdein), qué hacen en la India, y por qué se empeñan tanto en conocer a Aurora,
a no ser que nos valga la sugerencia de que ellos también hayan caído víctimas
de la pasión. Gudrun Holdein efectivamente pierde la cabeza por Aurora: le hace
una visita en España, le regala un brazalete, y, en una carta enviada poco después
desde Honolulu, declara sus ocultos sentimientos: «Usted despertó en mí un viejo,
eterno sentimiento, la única emoción por la que merece la pena vivir y sin la cual
morimos lentamente. Le estoy hablando de amor, sí.»14
El tejido sentimental de la trama perjudica la credibilidad de la narración.
Aunque demos por sentado que el repudio a la lógica le sirva a la autora a realzar
el misterio de los sentimientos, resulta difícil conformarse con las incoherencias del
argumento o aceptar a personajes estrambóticos que actúan en escenas infundadas.
Uno de ellos es Félix, el hijastro del tío de Aurora. Sabemos que sufre alguna
enfermedad indeterminada, pero difícilmente entendemos su papel en la narración.
Interviene sin motivo y desaparece sin explicación. «Al final de la novela se sabe
que está en Honolulu, pero no se sabe por qué está en la novela» — observa uno
de los comentaristas de la obra de Puértolas.15
Se nos manifiestan sucesivamente los esquemas y flojedades de la escritura femenina: el argumento centrado en las peripecias amorosas, las protagonistas (siempre mujeres) relatando los hechos en la primera persona, la pasividad, el amor
como solución a todos sus problemas, el viaje como impulso de la transformación,
el sentimentalismo que obliga a la creación de situaciones de una incredibilidad
desconcertante.
¿Qué es el amor tan gustosamente nombrado y vivido por los personajes de
la novela de Puértolas? Indudablemente, una realización del ideario femenino, eficazmente promovido por el mercado. No puede pasar desapercibido que las relaciones (carentes de fondo psicológico y de compromiso personal) y las situaciones
(forzadas) se presentan con una intencionalidad típica de la subliteratura sentimental. Con razón señalaba Andrés Amorós que «estas novelas están hechas a partir
de la fantasía y de la literatura, no de la realidad que nos rodea».16
No cabe duda de que el público de este tipo de literatura es mayoritariamente
femenino. Son las mujeres las ávidas consumidoras de este espejismo literario que
en vez de proponer un convincente análisis de la afectividad humana nos ofrece
una serie de enlaces anodinos desprovistos de cualquier trascendencia. ¿Por qué no
declina, en la época de la emancipación y autocreación femeninas, este interés por
las novelas del amor? Un amor que —huelga decir— no existe, sólo está ideado en
un plan artificial. Para Lipovetsky, es consecuencia de un legado de la tradición
empeñada en socializar a las mujeres en lo romántico: «Los estereotipos del romanticismo sentimental, los clichés del flechazo, las escenas de castos abrazos, suspiros
y miradas encendidas, los sueños acerca de un hombre tierno y adinerado se han
14 Íbid.,
pág. 214.
R. D., «Misterios y epifanías en la narrativa de Soledad Puértolas», en: Toro, A. de –
Ingenschay, D., eds., La novela española actual. Autores y tendencias, pág. 291.
16 Amorós, A., Sociología de una novela rosa, pág. 64.
15 Pope,
250
convertido, en el siglo XX, en una evasión y consumo femenino de masas, mediante
lo cual se ha generalizado un sentimentalismo sensiblero, así como una ideología
que identifica la dicha femenina con la realización amorosa.»17 Este mismo «amor»
irracional y desmesurado protagoniza la novela de Marina Mayoral publicada en
1996, Dar la vida y el alma. En el mismo principio de la novela leemos: «Me gustan
las historias de amor eterno y no correspondido.»18 Amelia, la protagonista, es
heredera de una fortuna familiar. A los dieciocho años contrae matrimonio con un
aristócrata, hombre cínico y ruin. En la noche de bodas, en París, Carlos abandona a su esposa, llevándose las joyas, las maletas y hasta la ropa. A pesar de
esta tremenda desilusión que Amelia vive en el plano personal y la humillación
experimentada en el plano social, la mujer no se deja vencer por el odio ni por
la sed de venganza. Carlos se escapa a los Estados Unidos y ella sigue «loca de
amor». Por extraño que parezca, en su corazón reina el sosiego. Sigue creyendo en
el matrimonio y sigue creyendo en el amor. Amelia realiza varios «gestos de amor»:
no permite que se denuncie a Carlos ni acepta separarse legalmente de él. «Me casé
para toda la vida y así seguiré hasta que me muera»19 — declara en más de una
ocasión. Cuando el marido infiel pide su ayuda, ella se ofrece con toda generosidad
y vuelve con él. Agotada la fortuna familiar, Carlos la abandona por segunda vez.
Ella, como si nada, sigue atada a su marido, emocional y psíquicamente. Cuando
años más tarde, la envejecida Amelia se entera de que Carlos padece cáncer y está
al borde de la muerte, pasa de nuevo a vivir con él con la intención de ayudarle a
bien morir.
¿Cuál es el impulso real por el que actúa Amelia? Según la narradora es una
pasión irresistible, uno de estos «amores eternos, [. . . ] un sentimiento que el tiempo
ahonda y hace indestructible».20 De paso, el amor de Amelia se reviste del ideal
cristiano «que todo lo da y nada exige; un amor que no pasa nunca, que permanece
siempre».21 Amelia está dispuesta a dar la vida y el alma, como reza el título, por
un hombre malvado, y la interpretación con la que nos tragamos esta historia es
que «tenía una locura por él.»22
En una de las ocasiones en que la trama novelesca reúne a Amelia con su marido,
la narradora confiesa al lector que tiene debilidad por «situaciones melodramáticas»
y que éstas podrían poner «la piel de gallina a la mayoría de los escritores actuales,
porque el peligro de despeñarse por el folletín abajo es obvio.»23 Por lo visto,
Mayoral decide lanzarse a tumba abierta en el discurso del género rosa, sin pensar
mucho las falsedades que está ocasionando. El hilo sentimental de la novela no
termina con la muerte de Carlos. Muerto el marido infiel, aparece otro candidato
a los afectos inagotables de Amelia. Se llama Enrique. Ya son viejos los dos, pero
no por ello renunciarán al hechizo del amor todopoderoso. Enrique, dichosamente
enviudado, la colma de placeres; ella le devuelve la mirada con «una sonrisa de que
todo está bien, de que las cosas son así y que ella está contenta de este final».24
17 Lipovetsky,
18 Mayoral,
19 Íbid.,
20 Íbid.,
21 Íbid.,
22 Íbid.,
23 Íbid.,
24 Íbid.,
pág.
pág.
pág.
pág.
pág.
pág.
G., La tercera mujer, pág. 22.
M., Dar la vida y el alma, pág. 11.
63.
95.
66.
48.
75.
183.
251
La narración termina con una escena idílica, un final feliz tan insípido como
infundado, guión infalible del patrón rosa: «La tarde va cayendo sobre el mar.
Venus cruza despacio el horizonte. En el cielo azul oscuro [. . . ] brillan las primeras
estrellas.»25 Sólo queda el epílogo en que leemos que «lo que sentían —Amelia
y Enrique— les duró toda la vida. Sus sentimientos fueron más fuertes que el
tiempo.»26
En más de una ocasión, Mayoral revela su conciencia del exceso sentimental
provocado. Aludiendo a la narrativa de Eduardo Mendoza menciona la habilidad
de este autor para frenar la emoción mediante un contrapunto irónico, «al modo
galdosiano».27 Se da cuenta de que su propia narrativa puede resultar romántica
y literaria en exceso, y se defiende, evocando a Proust: «la verdadera vida, la
vida al fin descubierta e iluminada, la única vida por consiguiente vivida, es la
literatura».28 El problema de la celebrada «verdad literaria», ampliamente debatido a lo largo de la historia de la literatura, reside en que ésta no puede cerrarse
a la realidad. La verdad siempre está de parte de la realidad, aunque aparezca en
un traje retórico o fantástico. «Hablar de literatura, pues, es hablar de la vida» —
arguye otra escritora española, Rosa Montero.29
Este amor que llena cumplidamente a Amelia es el mismo tema único y obsesivo
de las novelas rosas analizadas por Amorós. En la moralidad de la novela rosa el
amor realizaba y enaltecía a la mujer. En los estudios críticos surgidos en torno
a la sociedad patriarcal30 se le acusa de estar al servicio de la ideología que trata
a la mujer como objeto y de degradar la vida auténtica. Antes identificado con la
«mística del corazón», en el presente se describe como «una política del macho».31
Lo explica Gilles Lipovetsky:
Durante los años sesenta nace un nuevo feminismo que lanza sus flechas no tanto
contra el amor sino contra la manera en que se socializa a las mujeres y se las somete al ideal romántico sentimental. [. . . ] Se multiplican las denuncias relativas a las
mitologías del amor vehiculadas por la cultura de masas.32
A despecho de las imputaciones de la crítica, la narrativa femenina sigue reproduciendo el «opio» de las mujeres, la mitología de amor, hoy reforzada adicionalmente por la cultura de masas. En los títulos, en las portadas y en los medios
de comunicación las autoras prometen ahondar en el sentimiento amoroso. En realidad, no demuestran mucho intento renovador y decaen en los tópicos del más
retrógrado patrón sentimental: el amor indestructible, la abnegación femenina, el
«malvado» que inoportuna la satisfacción. Sus historias las resuelven con un Deux
ex machina, recurso dichoso pero inverosímil, dudoso desenlace a las situaciones ya
de por sí poco convincentes.
25 Íbid.,
pág. 189.
pág. 190.
27 Íbid., pág. 75.
28 Íbid., pág. 190.
29 Montero, R., La loca de la casa, pág. 13.
30 Me refiero ante todo al libro de Kate Millet, Sexual Politics y todo el caudal de crítica
feminista surgido en el ámbito anglosajón en los años setenta.
31 Es una política que oculta la subordinación de la mujer como objeto sexual y la doble moral
sexual masculina.
32 Lipovetsky, G., La tercera mujer, pág. 22.
26 Íbid.,
252
Las escritoras comparten, desde ángulos muy diversos, esta propensión al sentimentalismo, y, desde luego, no son Soledad Puértolas y Marina Mayoral las únicas
autoras que convierten el amor en el núcleo obsesivo de sus narraciones. La gran
parte de la narrativa de mujeres publicada en España en la actualidad está marcada
por el convencionalismo rosa y, por consiguiente, por la desproporción y la artificialidad. Entre las escritoras que deben citarse en este contexto están Rosa Regás
y Almudena Grandes, hábiles operadoras de gestos pretenciosos. La característica
ampliamente encontrada en su narrativa es la poética de extremo y exageración.
Es muy común que las heroínas, al llevarse un disgusto de índole afectiva, enseguida pierdan el conocimiento, se «estén muriendo» o debatiendo entre la vida y la
muerte. Cuando entran en contacto con el sexo contrario, les dan escalofríos o hasta
ganas de morir. Fran, en el Atlas de geografía humana de Almudena Grandes, describe así la impresión que le causó conocer a su futuro marido: «Se me puso carne
de gallina sólo de mirarte, y se me saltaron las lágrimas mientras te escuchaba,
y acabé de mala manera, temblando de pies a cabeza.»33 Cuando tropieza con él
otro día, «relajado y sonriente, infinitamente satisfecho de sí mismo», a ella le corre
un espasmo: «mis piernas empezaban a temblar, y temblaban mis manos, y mis
sienes. . . ».34 Cuando Martín, causante de estas emociones desmesuradas se inclina
sobre ella, Fran quiere «morirse allí mismo».35 Igualmente reacciona su amiga novelesca, Ana. Al entrar en una relación pasional siente haberse precipitado «en el
abismo sin fin donde se pierden los únicos seres humanos que han llegado alguna
vez a estar vivos».36 La muerte, el abismo, la aniquilación son frecuentes metáforas con que se vehiculan las relaciones sentimentales en esta narrativa. Cuando a
Malena, otra de las protagonistas de Grandes, la abandona el novio, se le «hunde
el mundo»37 y la chica vive durante algún tiempo en una línea fronteriza «entre la
existencia y nada».38
Para conmover más, Grandes recurre a una serie de procedimientos poéticos.
Entre los predilectos están la repetición y la inversión de sintaxis. Malena se pronuncia ante la belleza de su elegido en las siguientes palabras:
Aprecié la calidad de sus huesos, las líneas que se disimulaban bajo sus hombros
perfectos. [. . . ] Aprecié la calidad de su piel, y el vello negro, escaso, que la cubría [. . . ]
Aprecié la calidad de su carne, su espalda inmensa, lisa, un trapecio perfecto. [. . . ]
Aprecié la calidad de su cuerpo.39
No se salva, desde luego, la retórica del encuentro sexual: aquí las alusiones a
estados extremos se acentúan todavía más. Malena declara: «hubiera dado mi vida
para escucharle gemir otra vez».40 Ana, tras un momento de gozo sexual, confiesa:
«en ese momento, dejé de vivir» y, más adelante: «sin saber quién dio el paso que
33 Grandes,
A., Atlas de geografía humana, pág. 143.
pág. 137.
35 Íbid., pág. 138.
36 Íbid., pág. 278.
37 Grandes, A., Malena es un nombre de tango, pág. 299.
38 Íbid., pág. 381.
39 Íbid., pág. 459.
40 Íbid., pág. 241.
34 Íbid.,
253
me situó al otro lado del significado de las palabras»,41 abrumándole al lector con
una expresión que efectivamente, suena bien, pero incurre en el grave inconveniente
de que no se sabe qué significa. Para Alicia Redondo, estupenda conocedora de la
obra de Grandes: esta «facilidad de escritura que se adivina sea tal vez una trampa
sútil de la que la escritora debería liberarse si quiere hacer de sus novelas algo más
compacto y esencial».42
Los ejemplos podrían multiplicarse y no deja de ser inquietante que perdure hoy
en la literatura un imaginario amoroso tan retrógrado y tan banal. Hechas estas
aseveraciones, haré otra, de carácter mucho más reducido. Si bien es verdad que las
mujeres «jamás han renunciado a soñar con el amor»,43 es de notar también que
existen escritoras que intentan deshacerse de los códigos melodramáticos y retomar
el tema en clave subversiva o irónica.
Sus protagonistas son las «chicas raras» que se oponen a reproducir los comportamientos dictados por la sociedad. Andrea, de la mencionada novela de Carmen
Laforet, Nada, es el prototipo de este tipo de protagonista. En su experiencia juvenil pierde sucesivamente las ilusiones que han venido constituyendo el mundo
de valores heredados: la familia, la religión, el amor. Carmen Martín Gaite, en su
influyente ensayo sobre la literatura femenina en España, indica a Andrea como
personaje de gran perspicacia. Andrea «convive con una idea inquietante, difícil de
encajar y de la que cada cual se defendía como podía: la de que no existe el amor
de novela rosa».44
En Nubosidad variable, novela de Carmen Martín Gaite publicada en 1992, las
protagonistas, Mariana y Sofía, emprenden su propia lucha para desembarazarse
de los modelos amorosos implantados en el subconsciente.45 El final de la novela,
en lugar de una escena sentimental con amantes unidos de la mano ante una puesta
del sol, nos ofrece a dos amigas, liberadas de los espejismos del amor todopoderoso
a través de la escritura y la renovación de su amistad.
Asimismo Raquel, personaje del libro de Lucía Etxebarría con el significativo
título Nosotras que no somos como las demás, realiza un acto de autoconciencia.
Tras separarse de su amante (hombre casado), entra en un estado de desesperación,
al que los psiquiatras califican como «angustia del abandono». Pero Raquel consigue
sacudir de sí el abatimiento. Se da cuenta de que el vacío que está viviendo es el
mismo vacío de otras tantas mujeres que han perseguido en vano el opio del amor.
Su rescate es romper el «hechizo» que la tenía atrapada, a ella y a tantas otras
heroínas de la literatura romantozoide. «Hay que sobrevivir al naufragio», se dice
Raquel. «Olvidar ese espejismo romántico. Recomponerse, aguantar a solas con
una misma.»46
41 Grandes,
A., Atlas de geografía humana, págs. 281–282.
Goicoechea, A., «Almudena Grandes», en: Rico, F., Historia y critica de la
literatura española. Los nuevos nombres 1975–2000. Vol. 9/1, pág. 481.
43 Lipovetsky, G., La tercera mujer, pág. 23.
44 Martín Gaite, C., Desde la ventana. Enfoque femenino de la literatura española, pág. 122.
45 Sobre el tema de la subversión de la novela rosa en Carmen Martín Gaite, véase el excelente
estudio de Nuria Cruz-Cámara, «Novela rosa y final feliz en Nubosidad variable de Carmen
Martín Gaite», Ojáncano. Revista de Literatura Española 23, 2003, págs. 3–23.
46 Etxebarria L., Nosotras que no somos como las demás, pág. 369.
42 Redondo
254
BIBLIOGRAFÍA
Amorós, A.: Sociología de una novela rosa. Taurus, Madrid, 1968.
Etxebarría, L.: Nosotras que no somos como las demás. Destino, Barcelona,
2004.
Grandes, A.: Atlas de geografía humana. Tusquets, Barcelona, 2001.
Galdona Pérez, R. I.: Discurso femenino en la novela española de posguerra:
Carmen Laforet, Ana María Matute y Elena Quiroga. Universidad de la
Laguna, Santa Cruz de Tenerife, 2001.
Lipovetsky, G.: La tercera mujer. Editorial Anagrama, Barcelona, 1999.
Martín Gaite, C.: Desde la ventana. Enfoque femenino de la literatura española.
Espasa Calpe, Madrid, 1999.
Mayoral, M.: Dar la vida y el alma. Santillana, Madrid, 1996.
Millet, K.: Sexual Politics. Avon Books, New York, 1970.
Montero, R.: La loca de la casa. Círculo de Lectores, Barcelona, 2003.
Pope, R. D.: «Misterios y epifanías en la narrativa de Soledad Puértolas», en:
Toro, A. de – Ingenschay, D., eds.: La novela española actual. Autores y
tendencias. Edition Reichenberger, Kassel, 1995, págs. 271–301.
Puértolas, S.: Queda la noche. Editorial Anagrama, Barcelona, 2002.
Redondo Goicoechea, A.: «Almudena Grandes», en: Rico, F.: Historia y crítica
de la literatura española. Los nuevos nombres 1975–2000. Vol. 9/1. Crítica,
Barcelona, 2000, págs. 479–482.
Ruiz Guerrero, C.: Panorama de escritoras españolas. Universidad de Cádiz,
Cádiz, 1997.
Spitzmesser, A. M.: «Feminismo y novela: reflexiones para una experiencia común», en: Escribir en femenino. Icaria, Barcelona, 2000.
La banalización del amor: apuntes para una caracterización de la
narrativa femenina contemporánea
Resumen
El artículo pretende demostrar cómo algunas escritoras españolas contemporáneas (Soledad Puértolas, Marina Mayoral, Almudena Grandes, Rosa Regás) explotan el tema del amor, acompañándolo de una mitología romántica y exagerando los
aspectos sentimentales. Las narraciones en cuestión reproducen una serie de estereotipos, tales como el amor a primera vista, la abnegación femenina, la fatalidad,
el sufrimiento, el tópico del príncipe azul o el final feliz. Utilizan una semiótica
teatral, marcada por la desproporción, la artificialidad y el convencionalismo.
255
Junto con las representaciones textuales (Queda la noche de Puértolas, Dar la
vida y el alma de Mayoral, Atlas de geografía humana de Grandes, y otras) se
han analizado las determinaciones sociológicas e históricas de este estilo literario
responsable, por un lado, de la banalización del sentimiento amoroso en la literatura
y, por otro, de un notable éxito de ventas.
The Banalization of Love: Towards Characteristics of Contemporary
Women’s Fiction
Summary
The article attempts to demonstrate how contemporary Spanish women writers (Soledad Puértolas, Marina Mayoral, Almudena Grandes, Rosa Regás) exploit
the subject matter of love, providing their narrative with a romantic mythology
and exaggerating the sentimental mode. The novels by women authors reproduce
a set of stereotypes, such as love at first sight, female abnegation, fatality, suffering, the figure of Prince Charming, and the happy ending. They operate with
stagey, spectacular gestures and reproduce the romance novel convention, marked
by disproportion and deliberate pretense.
Together with textual representations (Queda la noche by Puértolas, Dar la
vida y el alma by Mayoral, Atlas de geografía humana by Grandes, and others) the
article examines the sociological and historical determinants of this literary style,
which is responsible, on the one hand, for the banalization of love in literature and,
on the other hand, for a significant commercial success.
Magda Potok
Zaklad Literatury Hiszpańskiej i Iberoamerykańskiej
Instytut Filologii Romańskiej
Uniwersytet im. Adama Mickiewicza
al. Niepodleglości 4
61-874 Poznań
Polonia
[email protected]
256
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
¿Existen palabras intraducibles?
Mónica Sánchez Presa
Reconozco que el título de esta ponencia es demasiado general, puede abordarse
desde varios enfoques, y que para esta pregunta hay más de una respuesta. Este
trabajo exactamente se centra en un grupo de palabras muy concreto y es el de los
verbos prefijados, con lo cual me introduzco en el campo de la aspectualidad, las
dificultades relacionadas con el mismo y los problemas que ocasiona en el ámbito
de la traducción.
¿Por qué versar esta ponencia precisamente sobre esto? Los motivos son varios.
Me interesan las cuestiones referentes a la lingüística contrastiva, y en este caso
concreto entre el eslovaco y el español, que hasta el momento han sido poco investigadas, y también su aplicación práctica dentro del campo de la traducción. La
cuestión de la prefijación destaca por su complejidad y por ser la causa de muchos
problemas y obstáculos primero para el aprendizaje de las lenguas eslavas, y en
nuestro caso concretamente del eslovaco, y después para su uso, especialmente en
el ámbito de la traducción.
El análisis de los distintos prefijos que utiliza el eslovaco, cada uno de los cuales
aporta un matiz semántico determinado al verbo, nos parece especialmente interesante, ya que en español estos matices semánticos se expresan con la ayuda, sobre
todo, de medios léxicos.
La prefijación verbal
La prefijación representa en las lenguas eslavas un procedimiento morfológico especial por el cual se amplía el léxico. La prefijación verbal es uno de los modos de
formación de palabras más característicos y sin duda el más productivo del eslovaco
así como de otras lenguas eslavas. Con la prefijación verbal, es decir, con la unión
de verbos simples y prefijos, se forman verbos prefijados. Los verbos prefijados resultantes no son palabras compuestas, sino derivadas. Con la prefijación la palabra
prefijada permanece en el marco de la misma categoría verbal que el verbo simple,
es decir, en nuestro caso como verbo simple. Esto es lo que diferencia la prefijación
de la sufijación, mediante la que se forman palabras también de otras categorías
verbales.
257
El prefijo (en nuestro caso verbal) como elemento para la formación de palabras
se define como aquella parte de la palabra derivada que se encuentra antes del verbo
base y modifica su significado. El prefijo, como veremos a continuación, actúa tanto
en el ámbito gramatical como en el lexical.
La función de perfectivación y la función léxico-semántica de
la prefijación verbal
El estudio aspectológico de la prefijación ha transcurrido hasta el momento en el
nivel gramatical y en el nivel léxico-semántico. Las opiniones sobre la actuación
de la prefijación divergen según si se da una mayor importancia a la actuación
gramatical de la prefijación, a su función de perfectivación (cambio del aspecto
verbal), o a la actuación léxico-semántica (cambio o modificación del significado
léxico del verbo).
Un avance en la resolución de las cuestiones de prefijación es la distinción de prefijos gramaticales y léxicos. Se consideran prefijos gramaticales aquéllos con ayuda
de los cuales se forman parejas aspectuales (por ejemplo robiť–urobiť, písať–napísať,
čítať–prečítať ) (hacer, escribir, leer). Ambos miembros de la pareja aspectual se entienden como verbos con idéntico significado léxico que se diferencian sólo por su
carácter perfectivo o imperfectivo.
Muchos de los estudios existentes coinciden al señalar que desde el punto de vista
aspectológico no se puede valorar la prefijación unívocamente, porque la actuación
de ésta a nivel gramatical y léxico se entrecruzan.
Por otro lado, si analizamos la prefijación verbal desde el punto de vista de
su función léxico-semántica, hemos de decir que el prefijo verbal determina con
mayor precisión el desarrollo y modo de la acción verbal. Los modos de acción
verbal (Aktionsart), aunque no tan estudiados como el aspecto verbal (vid), son
parte esencial de la categoría de aspectualidad. En un principio eran los adverbios
independientes los que actuaban como elementos determinantes de la acción verbal.
Los adverbios fueron poco a poco perdiendo su carácter: en unión con el verbo se
iban convirtiendo en prefijos, y en unión con el nombre se iban convirtiendo en
preposiciones.
La actuación léxico-semántica del prefijo sobre el significado léxico del verbo
simple puede expresarse en un análisis semántico con la sustitución léxica del prefijo.
Cuando se nos pregunta por el equivalente eslovaco de los verbos cocinar o
cocer lo tenemos muy claro: variť; pero es que cocinar (y lo podemos comprobar
consultando los diccionarios) también es navariť, vyvariť, rozvariť, uvariť, etc. He
elegido este verbo para ilustrar el tema de la ponencia; a continuación les presento
sus derivados:
variť → varievať → varievať sa
variť sa → varievať sa
→ dovariť → dovárať → podovárať → podovárať sa
→ dovárať sa → podovárať sa
→ dovariť sa → dovárať sa → podovárať sa
→ navariť → navárať (= zvárať) → ponavárať
258
→
→
→
→
→
→
→
→
→
→
→
→
→
→
→
→
→
→
→
navarovať (= zvárať) → ponavarovať
o/b/variť
odvariť → odvárať → poodvárať
povariť
prevariť → prevárať → poprevárať
predvariť → predvárať → popredvárať
privariť → privárať → poprivárať
rozvariť → rozvárať → porozvárať → porozvárať sa
rozvárať sa → porozvárať sa
rozvariť sa → rozvárať sa → porozvárať sa
uvariť → uvariť sa
vyvariť → vyvárať → povyvárať → povyvárať sa
vyvárať sa → povyvárať sa
vyvariť sa → vyvárať sa → povyvárať sa
( ) → vyvárať (pre hostí) → povyvárať (pre hostí)
zvariť → zvárať → pozvárať → pozvárať sa
zvárať sa → pozvárať sa
zvariť sa → zvárať sa → pozvárať sa
zavariť → zavárať → pozavárať
Busquemos la traducción de estos verbos en los diccionarios bilingües checo-español de Dubský (a pesar de ser checo, tiene un número muy superior de entradas) y eslovaco-español de Škultety y Šulhan. Vamos a tener en cuenta sólo los
verbos prefijados en primer grado de derivación. Tampoco vamos a analizar en este
trabajo la forma reflexiva de estos verbos.
variť: cocinar o cocer
dovariť: terminar de cocinar o dejar de cocinar/terminar de cocinar, cocinar por
completo
navariť: cocinar muchas comidas/preparar (comida), cocinar (comida)
o/b/variť: (re)cocinar, cocinar un poco/no se encuentra
odvariť: No se encuentra en ninguno de los dos diccionarios
povariť: dejar cocer/no se encuentra
predvariť: cocinar
prevariť: cocer bien, gastar en cocinar, cocer de nuevo, cocer demasiado/no se
encuentra
privariť: no se encuentra/no se encuentra
rozvariť: recocer, cocer demasiado/cocer demasiado, deshacer por cocción
uvariť: cocinar, cocer/cocinar, cocer (forma perfectiva)
vyvariť: dejar (hervir), evaporar (agua)/extraer por cocción
zvariť: hacer (hervir)/hacer hervir
zavariť: cocer (en), aderezar, confitar/poner en conserva, conservar, recalentarse
¿Son estas traducciones correctas? Si, según el diccionario, variť es cocinar, uvariť también es cocinar y predvariť también ¿son estos verbos sinónimos? ¿Pueden
emplearse indistintamente? (cuestión muy importante con respecto a la traducción) ¿Qué sucede con los verbos para los que no he encontrado traducción en uno
259
o en ninguno de los dos diccionarios? ¿Cómo traducirlos? ¿Existe una traducción
posible? Volviendo al título de esta ponencia: ¿se trata de palabras intraducibles?
Para dar respuesta a estas preguntas, como hemos visto, se han de analizar
los verbos en cuestión. Como hemos mencionado anteriormente se trata de verbos
prefijados. Ya hemos dicho también que el prefijo verbal determina con mayor
precisión el desarrollo y modo de la acción verbal. Ampliemos, pues, un poco este
asunto.
En eslovaco (y las lenguas eslavas en general) la expresión mediante la prefijación de modos de acción verbal es un procedimiento morfológico consolidado de
modificación del significado de verbos con elementos de localización, direccionalidad, temporalidad y modalidad.
Sekaninová, en cuyo análisis de los verbos prefijados se basa esta ponencia,
clasifica los verbos prefijados en tres grupos, según la posibilidad de determinar
la semántica de sus componentes sustituyéndolos por determinadas expresiones
léxicas.
Sustituyendo el prefijo por una preposición demostramos la peculiaridad de los
modos de acción verbal espaciales o de localización.
La localización de la acción se entiende como determinación del lugar de su
realización y se expresa con determinados prefijos que designan lugar o dirección de
la acción en unión a determinados tipos de verbos simples que designan el carácter
de la acción verbal. La localización de la acción se realiza con la unión de prefijos
con verbos de movimiento (unidireccionales y multidireccionales) y también con
otra serie de verbos que designan movimiento.
Sustituyendo el prefijo por un verbo demostramos la peculiaridad de los modos
de acción verbal temporales.
La temporalidad de la acción se entiende como determinación de su desarrollo en
el tiempo y se expresa con determinados prefijos que designan una determinación o
delimitación temporal con determinados tipos de verbos simples. Esta determinación tiene diferentes realizaciones; se hace una separación entre semas de comienzo,
duración y finalización de la acción y en el marco de esto diferentes combinaciones
del desarrollo de la acción en el tiempo.
Sustituyendo el prefijo por un adverbio tenemos los modos de las acciones verbales. Este es el grupo más numeroso y variado, con un mayor número de interferencias con los modos de acción verbal que expresan localización y temporalidad.
Este grupo consta de tres subgrupos, según el prefijo exprese a) cantidad (prejest
sa, navariť, prikuriť ), b) intensidad (vychválit, prepiect, dockat sa) o c) totalidad
(obdarovat, zastriekat, pochoriet ).
La modalidad de la acción se entiende como determinación del modo de su
transcurso y se expresa con determinados prefijos que designan el modo concreto
de expresión de la acción y con determinados tipos de verbos simples que designan
el carácter de la acción verbal. La modalidad de la acción actúa en sus distintas
modificaciones, gradaciones, intensidad y forma. El sema de modalidad se combina la mayoría de las veces con el sema de temporalidad, menos con el sema de
localización, dependiendo del tipo de verbo simple.
En eslovaco tenemos los siguientes prefijos productivos: do-, na-, nad-, o-/ob(obo-), od- (odo-), po-, pod-, pre-, pri-, roz- (rozo-), s- (so-)/z- (zo-), u-, v- (vo-),
vy-, za-.
260
Volvamos al grupo de verbos que utilizamos como ejemplo para ilustrar el tema
de esta ponencia. Como hemos señalado anteriormente, partimos del análisis semántico de los prefijos verbales propuesto por Sekaninová:
do-: en este caso contiene sema de temporalidad; expresa la finalización de la
última fase de la acción y también el término o extinción de la acción (dovariť:
skoncit varenie, prestat variť a tiež úplne uvariť: zemiaky nie sú dovarené ).
na-: sema de modalidad; expresa la realización de la acción hasta la saciedad,
también la realización de la acción en gran medida (navariť: varením pripraviť:
večera je navarená; navariť gulášu).
o-: sema de temporalidad; expresa la consecución del límite interno; sema de la
perfectividad de una acción limitada (ovariť: ponoriť do vriacej, horúcej vody).
od-: sema de temporalidad; aporta en un reducido grupo de verbos el significado
de perdurar en la acción, en otros casos el significado de finalizar una actividad,
también de anulación de los resultados de la acción anterior o de consecución del
resultado de la acción designada por el verbo (odvariť: prevarením mlieka pripravit
syr al. tvaroh).
po-: expresa la realización de la acción en menor medida (povariť: nechat istý
cas variť).
pre-: sema de modalidad; expresa la realización de la acción con exceso, en alto
grado; puede expresar también la repetición de la acción (prevariť: zohriat na bod
varu, uvariť).
pred-: no está recogido en el análisis de Sekaninová (predvariť: ciastocným varením vopred pripravit: predvarená rýža).
pri-: sema de modalidad; expresa la realización de la acción en menor medida
(privariť: dodatocne uvariť: privariť zemiaky).
roz-: sema de modalidad; aporta el significado de llevar la acción a un grado
fuerte de intensidad (rozvariť: varením spôsobit rozpustenie).
u-: sema de temporalidad; aporta el significado de perdurar en la acción y también el de finalización total de la acción; sema de modalidad, aporta el significado
de llevar la acción hasta el límite por su larga duración; en el caso de uvariť, se
trata de un prefijo vacío o aspectual; uvariť representa el miembro perfectivo de la
pareja aspectual variť/uvariť (uvariť: varením upraviť, pripraviť).
vy-: sema de modalidad, expresa la realización de la acción en exceso, también la realización a fondo de la acción, la consecución de un resultado positivo
desempeñando un gran esfuerzo. (vyvariť: varom vo väcšom množstve tekutiny
upravit: halušky sa hned vyvaria; varom vylúhovať: vyvariť kost na glej – cola).
z-: sema de modalidad; no está recogido en el análisis de Sekaninová (zvariť:
prevariť vodu, mlieko; spolu prevariť (dve) rozličné tekutiny: zvariť vodu s octom).
za-: sema de modalidad; expresa un excesivo interés en la acción, o la extensión
de la acción a todo el objeto o sujeto o a toda la superficie de algo (zavariť: sterilizovaním, varením, zakonzervovať; pridať do niečoho vriaceho, takto pripraviť:
zavariť krupicu do mlieka).
Comprobemos si los matices aportados por los prefijos verbales se reflejan en
las traducciones de los verbos:
261
dovariť: aceptamos la traducción propuesta y añadimos el equivalente cocer del
todo
navariť: cocinar muchas comidas pero también mucho (un montón de) de una
comida concreta
Aceptamos en Škultety la traducción preparar y añadimos hacer
ovariť: proponemos la traducción dar un hervor, o también escaldar
odvariť: podría ser cuajar, también hervir
povariť: añadir/poner a cocer un poco, un rato
prevariť: aceptamos la traducción propuesta
predvariť: precocinar
privariť: proponemos poner a cocer un poco más
rozvariť: aceptamos las traducciones propuestas
uvariť: igual que variť (consideramos u- prefijo aspectual)
vyvariť: con la traducción cocer se pierde el matiz del prefijo, se podría añadir
la expresión a lo grande, otra acepción sería esterilizar
zvariť: sinónimo de uvariť, navariť o prevariť
también poner a hervir juntos-as
zavariť: también esterilizar
BIBLIOGRAFÍA
Dubský, J. et al.: Velký česko-španelský slovník. Leda Academia, Praha, 1996.
Miguel Aparicio, E. de: «El aspecto léxico», en: Gramática descriptiva de la
lengua española, Espasa Calpe, Madrid, 1999, págs. 2 979–3 056.
Ružicka, J., ed.: Morfológia slovenského jazyka. SAV, Bratislava, 1966.
Real Academia Española: Diccionario de la lengua española. Espasa Calpe,
Madrid, 2001.
Sekaninová, E.: Semantická analýza predponového slovesa v ruštine a slovencine.
Veda, Bratislava, 1980.
Sekaninová, E. «Nové pohlady na kategóriu slovenského vidu», Jazykovedný casopis 23, 1972, pág. 192–197.
Sekaninová, E: «Slovesný vid a spôsob slovesného deja», en: Studia Academica
Slovaca 7. Prednášky XIV. Letného seminára slovenského jazyka a kultúry.
Alfa, Bratislava, 1978, pág. 516–521.
Škultéty, J. – Šulhan, J.: Španielsko-slovenský a slovensko-španielsky slovník.
SPN, Bratislava, 1988.
262
¿Existen palabras intraducibles?
Resumen
Este trabajo se centra en un grupo de palabras muy concreto, el de los verbos prefijados eslovacos y las dificultades que estos verbos suponen a la hora de
encontrar soluciones de traduccion adecuadas en espanol.
En eslovaco, el prefijo verbal determina con mayor precision el desarrollo y
modo de la accion verbal. Cada uno de estos prefijos aporta un matiz semántico
determinado al verbo. El español expresa estos matices semánticos con ayuda, sobre
todo, de medios léxicos. En este trabajo analizamos los verbos prefijados derivados
del verbo VARIT, vemos que aportan cada uno de los prefijos y comprobamos si
estos matices semánticos se reflejan en los equivalentes españoles de estos verbos
que nos ofrecen los diccionarios disponibles. Finalmente, ofrecemos nuestros propios
equivalentes en caso de no encontrarse en los diccionarios o añadimos otras posibles
traducciones.
Do Untranslatable Words Exist?
Summary
This work focuses on a very specific group of words, that of Slovak prefixed
verbs, and the difficulties which these verbs create when finding suitable solutions
for translation into Spanish. In Slovak a verbal prefix determines with great precision the development and the mood of the action expressed by the verb. Each
of these prefixes provides the verb with a determined semantic nuance. In Spanish
these semantic nuances are manifested mainly by lexical means.
In this work we analyze the verbs with prefixes derived from the verb variť; we
examine contribution of each of the prefixes and determine whether these semantic
nuances are reflected in the Spanish equivalents of these verbs offered in available
dictionaries. Finally, we provide our own equivalents in the event that none can be
found in the dictionaries, or we add other possible translations.
Mónica Sánchez Presa
Katedra romanistiky
Filozofická fakulta
Univerzita Komenského
Gondová 2
818 01 Bratislava
Eslovaquia
[email protected]
263
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Texte littéraire : intentio traductoris
Karel Sekvent
« Pour survivre et durer – c’est la revanche de
la beauté sur la brutalité et la laideur de la vie –
il n’y a que le plus fragile : les sons, les formes, les
couleurs et les mots. »
Jean d’Ormesson, Histoire du Juif errant
En s’interrogeant sur différents modes d’interprétation d’une oeuvre, Umberto
Eco distingue (1992, p. 29 et les suiv.) :
• interprétation comme recherche de l’intentio auctoris,
• interprétation comme recherche de l’intentio operis et
• interprétation comme prescription de l’intentio lectoris.
Au fond, cette trichotomie représente, en dehors du but visé par Eco, un excellent modèle de l’activité traduisante. Un cadre bidimensionnel, pourrait-on dire.
D’abord, le traducteur a le rôle, parfois malgré lui, de l’interprète de :
• l’intentio auctoris ; on sait que sous un régime totalitaire tout acte, même
extralittéraire, pouvant être considéré comme hostile à l’idéologie du régime
ou au régime tout court, signifie une interdictio auctoris,
• l’intentio operis; on a déjà remarqué qu’il n’avait pas été tout à fait heureux de
choisir, pour présenter la littérature tchèque aux lecteurs français, une oeuvre
de tendance naturaliste de Karel Čapek-Chod (1860–1927), de la traduire et
publier en France, mère du naturalisme,
• l’intentio lectoris ; les ouvrages restés sans traduction sont, dans une certaine
mesure, une prescription : point de lecture.
265
Ensuite,
• le traducteur devient à son tour sujet à l’interprétation en tant qu’auteur de
la traduction ; dans une Remarque de l’auteur ajoutée à la deuxième édition
tchèque de Nesnesitelná lehkost bytí (Atlantis, Brno, p. 341), Milan Kundera
constate que cet ouvrage a été publié d’abord en 1984 chez Gallimard en une
belle traduction de François Kérel,
• la traduction peut être interprétée en tant qu’œuvre traduite ; par. ex. Jan
Křesadlo1 observe qu’en général, les soi-disant mauvaises traductions ont leur
charme
• et enfin on peut interpréter l’œuvre traduite du point de vue de la prescription
de l’intentio lectoris. Celle-ci, en général, est de lire et de comprendre ce
qui a été écrit dans une langue étrangère. Ce qui reste de l’original dans la
traduction, compte tenu des différences, inévitables ou conscientes, entre le
texte original et le texte traduit, est alors comme une prescription de la dose
d’original dont l’intention du lecteur devra se satisfaire.
Telle est la structure standard du réseau des interprétations dont la critique et
la traductologie tiennent traditionnellement compte. En plus, cependant, ce réseau
offre des possibilités d’interprétation plus complexes encore et parfois très inattendues.
C’est par ex. le cas réalisé par Milan Kundera qui s’est lancé, en tant qu’auteur de Žert, dans une révision (avec Claude Courtot) de la première traduction
en français de La Plaisanterie pour en préparer une version définitive. Une étude
de C. Fer (2004) présente l’analyse de plusieurs exemples de modifications (concernant notamment des spécificités référentielles tchèques) apportées à la première
version de la traduction et leur typologie (suppression, adaptation, explication).
On pourrait multiplier les exemples cités dans cette étude par des exemples de
modifications relevées par Petra Božoková2. Elle montre que les passages modifiés,
supprimés plus exactement, bien qu’ils touchent la musique, le folklore, la peinture moraves, etc., ont une dimension qui va au delà de la limite territoriale. Voici
quelques exemples de passages supprimés dans la version française définitive de
2003, mais conservés dans l’édition tchèque de 1996 :
Všechny národy mají své lidové umění. Ale mohou si je většinou od své kultury
bez nesnází odmyslit. My ne. Každý západoevropský národ má nejméně od středověku docela nepřetržitý kulturní vývoj. Debussy se může odvolat na rokokovou hudbu
Couperinovu a Rameauovu, Couperin a Rameau na středověké trubadúry. Max Reger
se může dovolat Bacha, Bach starých německých polyfoniků. (Žert 1967, p. 124)
1 Křesadlo,
J. : Mrchopěvci. Sixty-Eight Publishers, Toronto, 1984, p. 99.
P. : Analyse critique de traductions du roman La Plaisanterie de Milan Kundera.
Mémoire de fin d’études. Université de Prešov, Faculté des Lettres, Institut de philologies romanes
et classiques, 2006. Le mémoire relève aussi des différences entre la version tchèque parue en 1967
(Československý spisovatel, Prague) et celle parue en 1996 (Atlantis, Brno) et des différences entre
la version française définitive de 2003 et la cinquième ( !) version anglaise de 1992 (HarperCollins
Publishers Inc., Londres). Selon l’auteur, on aurait supprimé au minimum 3 290 mots de l’édition
de 1967 dans la traduction de 2003 et 3 050 mots de l’édition de 1996 dans la traduction de 2003.
2 Božoková,
266
Moravský malíř Úprka pozval kdysi na začátku století na Moravu sochaře Rodina.
Ukazoval mu také Jízdu králů. Rodin byl prý zcela u vytržení nad tou nádherou
a zvolal : To je Hellas ! O Rodinových sochách tu nikdo zbla neví, ale tenhle výrok
zná každý. Všichni v něm ovšem vidí jen výraz obdivu. Ale já vím, že ten výrok má
docela přesný význam ! (Ibid., p. 131.)
Vybavoval se mi před očima den, kdy u stromů v našich ulicích byli přivázáni
vojenští koníci. Několik dnů předtím dobyla Rudá armáda našeho města. My jsme
oblékli slavnostní kroje a šli jsme do parku hrát. Pili jsme a hráli nepřetržitě mnoho
hodin. Ruští vojáci nám odpovídali svými písněmi. A já jsem si tehdy říkal, že nastává
nová epocha. Epocha Slovanů. Tak jako Románi a Germáni i my jsme dědicové antiky.
Na rozdíl od nich jsme prospali a prodřímali mnoho století. Ale zato jsme teď dobře
vyspalí. Svěží. Jsme na řadě. Jsme na řadě !
Tento pocit se mi teď znovu vracel. Znovu a znovu jsem o tom uvažoval. Džez má
své kořeny v Africe, svůj kmen v Americe. Naše hudba má své živé kořeny v hudebnosti
evropské antiky. Jsme uchovatelé staré a vzácné hřivny. Všechno bylo tak naprosto
logické. Myšlenka zapadala do myšlenky. Slované přinášejí revoluci. S ní novou kolektivitu a nové bratrství. S ní nové umění, které bude žít v lidu a s lidmi tak jako kdysi
staré vesnické písně. Veliká mise, kterou nás pověřila historie, nás chlapce kolem cimbálu, byla zároveň neuvěřitelná a zároveň i neuvěřitelně logická. (Ibid., pp. 138–139.)
On a même supprimé des passages qui ne se réfèrent pas aux spécificités tchèques, par ex. :
Toto náboženství bylo kruté. Nepovýšilo nás mezi své kněží, snad oběma nám
ublížilo. Ale přesto ta doba, jež minula, byla mi stokrát bližší než doba, která se zdá
dnes přicházet, doba posměchu, skepse, leptání, malicherná doba, na jejímž proscéniu
vystupuje ironický intelektuál, zatímco v pozadí se kupí dav mládeže, hrubé, cynické
a zlé, bez nadšení a ideálů, hotové se na potkání pářit i zabíjet. (Ibid., p. 216. Ce
passage est cependant conservé dans la traduction anglaise de 1992.)
M. Kundera a revu et modifié aussi les traductions anglaises et autres. Il a
personnellement assisté à l’amélioration de textes traduits ou bien il l’a personnellement initiée pour que le texte traduit fût plus proche de l’original. À notre
avis, s’il a agi ainsi, ce n’était pas qu’il eût des exigences exagérées ; en effet, la
qualité de textes traduits était bien médiocre. Ce qui est surprenant, c’est qu’il a
accepté de modifier, de réduire et, au fond, de réinterpréter son texte original face
à face avec une traduction.
Selon l’information donnée par Josef Škvorecký3, Milan Kundera s’est fait entendre quelque part que, depuis son émigration, il pense en écrivant principalement
à ses traducteurs. Voilà un autre aspect de l’écriture de Milan Kundera, installé en
France depuis 1975 : une préinterprétation de son texte vis-à-vis d’une traduction
future, une écriture soumise aux critères de la traduction.
Examinons de ce point de vue le texte de Nesnesitelná lehkost bytí/L’Insoutenable légèreté de l’être. Dans la Remarque de l’auteur ajoutée à la deuxième édition
tchèque, M. Kundera précise qu’il était nécessaire de reconstruire le manuscrit en
partie perdu, de le comparer avec la première édition parue chez les Škvorecký
3 Milan se taky někde uřek, že od té doby, co emigroval, myslí při psaní hlavně na své překladatele. Cf. Škvorecký, J. : « Bůh do domu, Franz Kafka a jiné marginálie, anebo Talkin’ Moscow
Blues », in : Příběh neúspěšného tenorsaxofonisty. Ivo Železný, Prague, 2001, p. 314.
267
(Sixty-Eight Publishers) et surtout avec la traduction française où il avait apporté,
pendant vingt ans, de menues modifications à l’occasion de nombreux tirages. Après
avoir comparé les trois premières parties de l’édition de 1988 et de celle de 20064 ,
nous pouvons constater que les différences relevées (retouches orthographiques,
morphologiques, ponctuation, synonymes, . . . ) sont sans intérêt du point de vue
de la traduction. Plus importantes sont les suites de mots omises ou ajoutées, par
ex. :
1. Tuto otázku si kladl Parmenides v šestém století před Kristem. (1988, p. 11)
Nietzsche nám připomíná, že si tuto otázku kladl Parmenides v šestém století před
Kristem. (2006, p. 13)
2. Až na jeden případ : co je pozitivní, tíha nebo lehkost ? (1988, p. 11)
Až na jeden případ, říká Nietzsche : co je pozitivní, tíha nebo lehkost ? (2006, p. 13)
3. To je důvod, proč slovo compassion nebo pitié vzbuzuje nedůvěru. (1988, p. 24)
To je důvod, proč slovo compassion vzbuzuje nedůvěru. (2006, p. 28)
4. Ko-incidence znamená, že dvě nečekané události se stanou zároveň, že se setkají :
(1988, p. 51)
(supprimé dans le texte de 2006)
5. Tererza obdržela místo ve fotografické laboratoři (1988, p. 54)
Tereza dostala místo ve fotografické laboratoři obrázkového týdeníku (2006, p. 67)
6. bilo na pražském kostele šest hodin (1988, p. 74)
bilo na kostele šest hodin (2006, p. 92)
7. Zavírá oči a sní. (texte ajouté à l’édition de 2006, p. 138)
Le texte de la traduction française de 1985 correspond au texte tchèque de 1988
(exemples Nos 1, 4, 6) et au texte tchèque de 2006 (exemples Nos 2, 3, 5, 7).
Certains mots sont supprimés sans cause apparente dans la traduction :
• Pohnut tou představou, vtiskl v té chvíli tvář (1988, p. 12 ; 2006, p. 16)
Il enfuit son visage (1985, p. 14)
• V ruce držela tlustou knihu (1988, p. 14 ; 2006, p. 18)
Elle tenait un livre à la main (1985, p. 16)
Actuellement, on dispose donc de deux variantes du texte tchèque de Nesnesitelná lehkost bytí (les différences entre elles sont moins importantes que dans le cas
des variantes de Žert) et toutes ces variantes représenteront un vrai casse-tête pour
les éditions futures et elles sont dès maintenant un obstacle à une analyse rigoureuse de la traduction qui doit s’appuyer sur le texte de l’original. Dans le texte de
Nesnesitelná lehkost bytí, Milan Kundera n’évite pas systématiquement des spécificités tchèques (on y trouve : Stavba mládeže – Chantier de la jeunesse, průvod na
Prvního máje – cortège du 1er mai, Dubček, occupation de la Tchécoslovaquie de
4 Il y avait deux éditions chez Sixty-Eight Publishers : en 1985 et en 1988. Il s’agirait alors
d’une troisième édition chez Atlantis en 2006.
268
1968, normalisation, . . . ), mais elle sont nettement moins nombreuses que dans le
texte de Žert. Sa langue n’est pas moins riche (proverbes, métaphores, . . . ), mais
son récit est plus dépouillé en ce qui concerne la couleur locale, l’air du temps,
un certain effacement de sentiments5 , la description des lieux et des personnages,
les personnages n’ont pas de noms de famille. . . ). Peut-être pourrait-on l’imputer
dans une ceratine mesure au style du roman philosophique, mais aussi – en faisant
confiance à Kundera lui-même – à sa technique visant une traduction.
La réécriture du texte, sa réinterprétation au contact de la traduction dans le
cas de Žert, l’écriture du texte, sa préinterprétation vis-à-vis d’une traduction dans
le cas de Nesnesitelná lehkost bytí par exemple, c’est ce qu’on pourrait appeler
intentio traductoris d’une oeuvre. La traduction, toute potentielle, devient ainsi
un facteur textogène d’une oeuvre littéraire. Un facteur qui permet de s’interroger
sur la grandeur autonome d’une oeuvre littéraire.
C. Fer (2004, p. 347) voit dans les révisions de M. Kundera une tendance soit
à s’adapter au lecteur français par souci d’universalité soit à faciliter la lecture
et donc une diffusion du livre à un plus large public. Pour elle, il s’agirait donc
plutôt d’une intentio lectoris. Certes, mais au second plan. Au premier plan, c’est
la traduction et le traducteur qui motivent l’effort de M. Kundera pour obtenir
un texte traduit qui soit du Kundera. Le lecteur ne saurait s’en plaindre. Mais
M. Kundera, en acceptant de faire des modifications (parfois assez importantes
et donnant à entendre que l’original n’était qu’une sorte de demi-produit), du
texte original ou traduit ou bien des deux, n’y est pas arrivé. Le lecteur lira, en
texte ou en traduction, un Kundera bis. D’ailleurs, s’adapter au lecteur, qu’il soit
français ou autre, faciliter la lecture – voilà les motifs qui en général ne garantissent
pas un résultat digne de respect. Un résultat à grande diffusion, oui, peut-être.
D’autres aspects pourraient être soulevés dans le débat : l’éventail des lecteurs (le
traducteur est parmi les plus avertis ; le lecteur de l’original perd, au bout d’un
certain temps, l’expérience directe avec les faits relatés dans le livre ou bien les
faits dépassent tout naturellement les limites de ses connaissances culturelles6 ),
l’interculturel, l’adaptation au lecteur du vivant de l’auteur et après sa mort. . .
Au cours de l’interprétation d’une oeuvre du point de vue de l’intentio traductoris, il est difficile, voire impossible de prévoir quel élément du texte original
causera des problèmes au traducteur. On peut faire juste une classification cadre
de pièges classiques : jeux de mots, mots spéciaux, mots rares, archaı̈smes, néologismes, idiotismes, paronymes, mots polysémiques, faux amis, syntaxe compliquée.
Mais on peut poser en même temps que n’importe quoi peut aboutir à une désinterprétation.
Le traducteur est passé à côté d’une des idées idéologiquement parmi les plus
audacieuses de la nouvelle Taneční hodiny pro starší a pokročilé/Cours de danse
5 Rappelons
ici au moins le récit extrêmement touchant de l’amour de Ludvík Jahn et de Lucie
Šebetková dans le Žert.
6 Dans les Morčata (Československý spisovatel, Praha, 1991)/Les cobayes (Traduit du tchèque
par Alex Bojar et Pierre Schumann-Aurycourt. Gallimard, Paris, 1974) de Ludvík Vaculík, on
lit : tak jako mince, kterou stáhli (p. 68)/une pièce de monnaie qui n’a plus cours (p. 105) – quel
lecteur y verra la version tchèque par Otokar Fischer (François Villon : Básně. Praha, 1958, p. 37)
du refrain de la ballade La belle heaulmiere aux filles de joie de François Villon ? ; o své škole,
která pro ni není hrou (Ibid. p. 78)/ à son école qui, pour elle, n’a rien d’un jeu (p. 120) – qui
y verra une allusion à l’ouvrage Schola ludus de Comenius ?
269
pour adultes et élèves avancés de Bohumil Hrabal, refusant le slogan totalitaire
Kdo nejde s námi, jde proti nám/Qui ne va pas avec nous, va contre nous7 : « nejen
jdou s námi ti, kdo s námi nejdou, ale jdou s námi i ti, kdo jdou proti nám, protože
se nelze odpárat od epochy ! » (p. 309 ; traduction littérale : vont avec nous non
seulement ceux qui ne vont pas avec nous, mais vont avec nous même ceux qui vont
contre nous, parce qu’on ne peut pas se couper de son époque) – « non seulement
ceux qui sont avec nous ne sont pas contre nous mais ceux qui ne sont pas contre
nous sont avec nous, parce qu’on ne peut pas se couper de son époque » (p. 207 ;
traduction littérale : nejen ti, kdo jsou s námi nejsou proti nám, ale ti, kdo nejsou
proti nám jsou s námi, protože se nelze odpárat od epochy). Le traducteur n’a pas
non plus compris l’humour dans le récit du vieil homme qui se vante d’être parfois
aimé par des gens qui lui disent: «nechoďte ještě pryč, co byste tady dělal!» (p. 314;
traduction littérale : ne partez pas encore, que feriez-vous ici !) – « vous n’allez pas
nous laisser, qu’est-ce qu’on ferait sans vous ? » (p. 221 ; traduction littérale : přece
nás neopustíte, co bychom si bez vás počali ?).
Dans Tankový prapor de Josef Škvorecký (Galaxie, Praha, 1991, p. 97), l’officier
qui fait passer aux soldats les épreuves de l’insigne Julius Fučík déforme le nom
de Zoı̈a Kosmodemianskaı̈a et l’appelle Komsomolodemianskaı̈a (sans doute par
contamination avec le mot russe komsomol). Dans une note du traducteur, par
ailleurs fort utile à l’intelligence du texte par un lecteur français (une note au bas
de la page ne serait pas déplacée même dans une édition tchèque visant l’intention
du lecteur qui ne sait plus grand-chose des héros de la résistence soviétique au
cours de la Deuxième Guerre mondiale), le traducteur écorche à son tour le nom :
Kosmomedianskaı̈a (Josef Škvorecky, L’escadron blindé. Traduit du tchèque par
François Kérel. Gallimard, Paris 1970, p. 85).
De nombreux passages parfois très longs, des pages entières, sont supprimés
dans la traduction française de Mirákl (Atlantis, Brno, 1991)/Miracle en Bohême
(Traduit du tchèque par Petr Král. Gallimard, Paris, 1978) de Josef Škvorecký.
Notamment un récit épisodique d’un juif qui se décide trop tard à quitter le pays
devant la menace allemande en 1939 et qui vit des aventures extraordinaires racontées avec beaucoup d’humour jusqu’à 1968. A ce que nous sachions, Škvorecký
n’y a pas réagi. Et pourtant, la condition juive à l’époque du nazisme est de nos
jours un thème vivant.
Le traducteur, lecteur le plus attentif, peut par contre corriger le texte là où il ne
donne pas de sens. B. Hrabal dans Obsluhoval jsem anglického krále8 écrit : « skoro
se některý vyklonili tak, že je někdo musel v kupé držet za nohy, jeden dokonce
zavadil nohou o gránik, jinej o stožár » (p. 134). La traductrice a bien compris qu’il
était impossible de frôler quoi que ce soit sur le quai de la jambe qui se trouvait à
l’intérieur du compartiment et a remplacé la jambe par la tête: «certains voyageurs
se penchaient tellement qu’à coup sûr, quelqu’un dans le compartiment devait les
retenir par les jambes, l’un d’eux avait une fois frôlé de la tête l’auvent du quai et
un autre le poteau du sémaphore » (p. 10). La tête se penchait par la fenêtre, mais
7 Il s’agit en fait de variante d’une parole de Jésus : Kdo není se mnou, je proti mně/Celui qui
n’est pas avec moi, est contre moi. Matthieu 12,30.
8 Dans un Mot pour terminer, B. Hrabal avoue avoir écrit le texte pendant un mois d’été sous
un soleil aveuglant qui l’empêchait de contrôler et de corriger ce qu’il avait écrit. Il invite ses amis
à le faire à sa place.
270
un bras tendu aurait pu s’avancer encore plus loin et il aurait été peut-être plus
logique de remplacer la jambe par le bras. Encore que. . .
En tous cas, l’intentio auctoris et operis et l’interprétation du traducteur, intentio auctoris de la traduction, se sont retrouvées.
BIBLIOGRAPHIE
Eco, U. : « Intentio lectoris. Notes sur la sémiotique de la réception », in : Les
limites de l’interprétation. Grasset, Paris, 1992, pp. 19–47.
Fer, C. : « Le traitement des différences extra-linguistiques dans les traductions
françaises du roman de Milan Kundera La Plaisanterie », in : XXVIIe Colloque international de linguistique fonctionnelle « Langue et société, Dynamique des usages ». Opera romanica 5. Editio Universitatis Bohemiae
Meridionalis, České Budějovice, 2004, pp. 342–348.
Hrabal, B. : « Obsluhoval jsem anglického krále », in : Tři novely. Československý
spisovatel, Prague, 1989.
Hrabal, B. : Moi qui ai servi le roi d’Angleterre. Traduit du tchèque par Milena
Braud. Robert Laffont, Paris, 1981.
Hrabal, B. : « Taneční hodiny pro starší a pokročilé », in : Automat svět. Mladá
fronta, Prague, 1966.
Hrabal, B. : Trains étroitement surveillés suivi de Cours de danse pour adultes
et élèves avancés. Traduit du tchèque par François Kérel. Gallimard, Paris,
1969.
Kundera, M. : L’Insoutenable légèreté de l’être. Traduit du tchèque par François
Kérel. Gallimard, Paris, 1985.
Kundera, M. : Nesnesitelná lehkost bytí. 2e édition. Sixty-Eight Publishers, Toronto, 1988.
Kundera, M.: Nesnesitelná lehkost bytí. 2e édition, 3e tirage. Atlantis, Brno, 2006.
Kundera, M. : Žert. Československý spisovatel, Prague, 1967.
Literárny text : intentio traductoris
Resumé
Milan Kundera, nespokojný s prekladom svojho románu Žert, revidoval, redukoval a značne upravil preklad do francúzštiny. Po revízii prekladu čiastočne upravil
i originálny český text. Okrem toho priznal, že odvtedy, čo emigroval, myslí pri
písaní hlavne na svojich prekladateľov.
Prepísanie, reinterpretácia originálu vplyvom prekladu a predinterpretácia vznikajúceho textu z hľadiska budúceho prekladu sú postupy, pri ktorých sa preklad
stáva textotvorným činiteľom literárneho textu. Kunderove texty teda možno interpretovať aj ako intentio traductoris.
271
Literary Text : Intentio Traductoris
Summary
Milan Kundera, a prominent writer, dissatisfied with the translation of his novel
The Joke, revised, reduced and considerably modified the French translation. After
revising the translation, he subsequently modified the original Czech text. Moreover, Kundera admitted that after emigrating to France, he writes with translators
in mind.
The rewriting of the original under the influence of the translation and the
pre-interpretation of the text to be written with the intention of premeditating its
reception are approaches that prove translation to be one of the text-generating
factors and, therefore, Kundera’s texts may be interpreted as intentio traductoris.
Karel Sekvent
Katedra francúzskeho jazyka a literatúry
Inštitút románskych a klasických filológií
Filozofická fakulta
Prešovská univerzita
17. novembra 1
080 01 Prešov
République slovaque
[email protected]
272
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
El lenguaje publicitario: ¿fuente de innovación
o de corrupción de la lengua?
Petr Stehlík
La importancia de la publicidad en el mundo occidental es difícil de sobreestimar. Casi todos los medios de comunicación en Occidente viven de la publicidad
y dependen económicamente de ella. Aunque a veces podemos sentirnos molestados por el constante bombardeo de anuncios a cada paso, hay que aceptar este
fenómeno simplemente como parte de la vida en una sociedad de consumo. Desgraciadamente, debido a la presencia abrumadora de la publicidad, hay sobradas
razones para preocuparse por el futuro de la lengua y la calidad de la comunicación
lingüística. Como constata Enrique Rodríguez Vilanova en su libro Palabras que
venden: diagnóstico de la publicidad, «hoy, todo es Publicidad y los anuncios, como
género comunicativo, se están quedando sin espacio [. . . ]».1 Según él, «la realidad
sociopolítica es ya publicitaria en aspectos tan diversos como las elecciones, los
acontecimientos deportivos, el tratamiento informativo de cualquier noticia, etc».2
Ahora bien, si el estilo publicitario ha saltado los límites de los anuncios para contaminar otros espacios y tipos de comunicación, naturalmente debemos preguntarnos
como lingüistas qué consecuencias conlleva este fenómeno para la lengua, es decir,
si es para bien o para mal.
Se han escrito muchos tratados sobre las características y peculiaridades del
lenguaje publicitario, debidas parcialmente a la finalidad persuasiva de los anuncios, al carácter especial de la comunicación publicitaria, a las diferentes estrategias
lingüísticas más o menos eficaces de que se sirven los creativos publicitarios, etc.
Entre los rasgos característicos del lenguaje publicitario, a menudo se destaca su
carácter innovador, y con razón. Sin embargo, la innovación en la publicidad no se
debe en absoluto al impulso creativo espontáneo de los publicitarios, sino que se
trata de pura necesidad. El problema es que los anuncios, como consecuencia de
su frecuente aparición en los medios de masas, se desgastan con rapidez y en vez
de enganchar y entretener al público, muy pronto empiezan a aburrir y molestar.
1 Rodríguez
2 Íbid.,
Vilanova, E., Palabras que venden: diagnóstico de la publicidad, pág. 19.
pág. 20.
273
Como señala Miguel Ángel Pérez Ruiz tratando sobre la repetición y la eficacia
de las variaciones sobre el mismo mensaje, «la irritabilidad producida por la publicidad repetitiva [. . . ] puede ser evitada desde el momento que perfeccionamos
los mensajes publicitarios mediante la adición de nuevos lenguajes que ayuden a
completar el de identidad del mensaje en cuanto persuasivo».3 Es bien sabido que
los creativos publicitarios recurren a diferentes registros y lenguajes (por ejemplo,
la jerga cientifista, el lenguaje de los jóvenes, etc.) con tal de captar la atención,
sorprender o impresionar al receptor, todo, en última instancia, para vender el
producto anunciado. Antonio Ferraz Martínez4 habla a este respecto de la heterogeneidad del lenguaje publicitario que utiliza múltiples signos, mezcla diferentes
idiomas y, como ya hemos dicho, emplea múltiples registros. Pero la innovación en
el lenguaje publicitario también puede entenderse en un sentido más estricto como,
p. e., la formación de palabras nuevas o la utilización de términos especializados
con su consiguiente divulgación e introducción en el lenguaje común. La innovación publicitaria incluye igualmente juegos de palabras y transgresiones a la norma,
pero estos dos últimos tipos no tienen tanta importancia para la lengua en general
como la creación neológica publicitaria y el papel de la publicidad en la difusión de
palabras especializadas y de uso limitado. Examinemos ahora más detenidamente
el último fenómeno mencionado, es decir, el frecuente uso de términos especiales
(los llamados tecnicismos) en los textos publicitarios.
Primero hay que explicar el porqué del abundante uso, si no abuso, de los términos especiales en la publicidad. Según Sara Robles Ávila, «la intención que se
persigue por medio del uso de tecnicismos es exaltar las cualidades del objeto publicitario mediante datos científicos y aparentemente objetivos que consigan apelar
y captar al público que, aunque en su mayoría no sea competente en la materia,
los acepte como verdaderos».5 El recurso al vocabulario científico-técnico se puede
observar sobre todo en los anuncios de cosmética y de productos alimenticios en que
se destacan los efectos beneficiosos para la salud. Vamos a poner algunos ejemplos.
En un anuncio impreso de Clarín,6 el funcionamiento del producto ofrecido (UV
Plus SPF 40) se explica con estas palabras: «Un proceso de alta tecnología. ¿La
proeza? La microdispersión permite conseguir filtros minerales transparentes y sin
ningún efecto blanco. Son fotoestables y termorresistentes, garantizan una triple
protección (UVA, UVB, IR).» En el anuncio de Celluli Intense Peel, de Biotherm,
se puede leer la siguiente explicación: «Los biólogos de Biotherm asocian el Complejo Patentado Biopeeling a activos reductores ultra-eficaces (Cafeína y Gingko
Biloba) para reactivar el auto-peeling natural de la piel, optimizar la eliminación
de grasas y desincrustar la celulitis instalada.» Los dos textos ilustran bien algunos rasgos característicos de la jerga cientifista, tan de moda en la publicidad
actual. Primero, a pesar del uso de muchos términos científicos o pseudocientíficos, las afirmaciones presentadas en ambos anuncios no se pueden averiguar de
ninguna manera, porque la información acerca del principio de funcionamiento del
producto no es completa y carece de rigor científico. Aunque estamos de acuerdo
3 Pérez
Ruiz, M. A., El mensaje publicitario y sus lenguajes, pág. 121.
Martínez, A., El lenguaje de la publicidad, pág. 31.
5 Robles Ávila, S., «Consideraciones sobre el léxico de la publicidad», en: Robles Ávila, S.,
ed.: Aspectos y perspectivas del lenguaje publicitario, pág. 140.
6 Ambos anuncios citados en este artículo proceden de El País Semanal de 2006.
4 Ferraz
274
con Sara Robles Ávila en que «el empleo de tecnicismos parece ir en contra del
espíritu de claridad y transparencia comunicativa de este tipo de discurso»,7 la
verdad es que en las secuencias descriptivas y explicativas llenas de términos especiales, la claridad y la transparencia ni siquiera se consideran como características
deseadas, y ello por dos razones: si el principio de funcionamiento de un producto
está patentado, su publicación completa iría naturalmente en contra de los intereses del anunciante porque permitiría a la competencia lanzar al mercado un
artículo semejante, o incluso mejor, construido o desarrollado según las indicaciones contenidas en los anuncios. En otros casos, el producto simplemente no tiene
las propiedades anunciadas y la explicación pseudocientífica sirve para engañar al
público con palabras altisonantes e incomprensibles. De todas formas, parece que
lo que realmente importa en estas secuencias explicativas, que imitan más o menos los textos divulgativos, es la forma científica con que se pretende impresionar
al destinatario, el cual sólo puede aceptar o no este tipo de explicaciones como
verdaderas ya que carece de la formación necesaria y también de la información
lo suficientemente completa como para poder averiguarlas. Lógicamente se plantea
la siguiente pregunta: ¿por qué la forma científica debería hacer una afirmación
más verdadera o verosímil para el público que otras formas de presentación? La
respuesta está en la posición actual de la ciencia en Occidente: la autoridad que
tenía durante muchos siglos la Iglesia Católica para anunciar y explicar las verdades reveladas recayó precisamente en los científicos, en los llamados expertos. La
ciencia ha sustituido en este sentido a la religión. Y taly como ocurre en las obras
dogmáticas y en la liturgia, las verdades reveladas (que naturalmente no podían ser
confirmadas o refutadas por medios naturales) requerían determinada forma que
por sí misma anunciaba y aseguraba la autenticidad de lo dicho, hoy somos testigos
de algo semejante en la publicidad: la ciencia, los expertos y su lenguaje hermético
y misterioso suscitan reverencia en la gente común y facilitan la aceptación de todo
lo que se presenta de una manera científica y creíble. Para el lego, la mayoría de lo
que está probado científicamente no es y nunca será otra cosa que verdades reveladas. La confianza básica de las masas en una autoridad casi omnisciente, que en
nuestros días representa la ciencia, no puede ser erradicada o sustituida por nada,
sólo puede cambiar, como ya ocurrió en la historia, la autoridad en que se deposita esta confianza aparentemente innata y natural. Desgraciadamente, la posición
privilegiada de que goza actualmente la ciencia facilitó enormemente el abuso del
vocabulario científico en los anuncios por parte de diferentes charlatanes y, lo que
es peor, incluso ha sobrepasado los límites de la publicidad. Ya hemos señalado
que en muchos anuncios de cosmética, de suplementos alimenticios y de alimentos
sanos se imita el estilo científico divulgativo. Por otra parte, al leer algunos artículos sobre la salud y la alimentación sana publicados habitualmente en revistas
para mujeres, uno tiene la impresión de que, en cuanto a la superficialidad de las
explicaciones y la imprecisión de uso de los términos especiales, los autores de tales
textos utilizan o copian, quizá sin darse cuenta, el lenguaje de los anuncios que
a menudo (y seguramente por coincidencia) aparecen justo al lado del artículo en
cuestión.
7 Robles Ávila, S., «Consideraciones sobre el léxico de la publicidad», en: Robles Ávila, S.,
ed.: Aspectos y perspectivas del lenguaje publicitario, pág. 141.
275
Antes de mencionar otros campos en que se imita el estilo publicitario con todas
sus ventajas y desventajas, volvamos aún sobre el papel que tiene la publicidad en
la divulgación de neologismos y de términos especiales. Según lo arriba expuesto podría parecer que el lenguaje publicitario en general tiende al abuso de los
tecnicismos, pero aquí hay que diferenciar entre los anuncios de cosmética, donde
«las descripciones de las sustancias se limitan a algunos componentes, pero van
siempre insertos en segmentos de alto valor expresivo»,8 es decir, sirven sobre
todo para la ponderación del producto, y la publicidad automovilística, donde «las
denominaciones de las diferentes partes suelen aparecer yuxtapuestas, desprovistas
de elementos de valoración»,9 y tienen una función referencial. Los anunciantes de
automóviles saben bien que los destinatarios entienden la terminología empleada
y nunca podrían permitirse incurrir en excesos terminológicos tal como lo hacen a
menudo los autores de anuncios de cosmética.
Con esta precisión hecha, siempre nos queda por evaluar el papel que juega
la publicidad en la divulgación de los términos especiales. De nuevo nos centraremos en los anuncios de cosmética, porque es exactamente allí donde mejor se
puede estudiar este fenómeno. En los dos textos publicitarios que hemos citado
antes aparecen varias palabras que permiten hacernos una idea de qué tipo de
voces nuevas o especializadas ayuda a difundir la publicidad: microdispersión, fotoestable, termorresistente, biopeeling, auto-peeling, ultra-eficaz. El denominador
común de todas estas expresiones es la prefijación culta. En uno de nuestros artículos anteriores10 nos dedicamos a la productividad neológica de los elementos
prefijales cultos en los anuncios de cosmética y llegamos a la siguiente conclusión:
aunque en este tipo de texto aparecen también prefijoides tan especiales como
amino-, hexa-, iso-, lacto-, etc., entre los primeros seis elementos prefijales más
productivos figuran sólo tales componentes cuyo significado es bastante general y
cuya combinabilidad resulta muy grande (anti-, bio-, micro-, ultra-, dermo-, auto). Los siguientes ejemplos de palabras que contienen los elementos enumerados
muestran que a menudo se trata de términos que por su significado impreciso y
por su carácter multiuso tienen más éxito en la publicidad que en las disciplinas
científicas donde fueron creados (p. e. antioxidante, bio-asimilable, biopartículas,
bio-mineral, micro-activo). A diferencia de términos químicos o bioquímicos concretos (p. e. ácido beta-glicirretínico o hexapéptido), que esporádicamente aparecen para indicar las sustancias componentes de un artículo anunciado, adjetivos
como bioasimilable o micro-activo pueden asociarse prácticamente con cualquier
producto cosmético, fármaco o alimenticio. En otros casos tenemos que ver con
neologismos publicitarios pseudoterminológicos (antiaging, antiarrugas, antienvejecimiento, antiflacidez, biovegetal, hidroprotector, microlifting, micro-aceite, etc.),
que utilizan los mismos procedimientos de formación léxica que las terminologías
especiales (es decir, la recomposición), y que ayudan a conseguir este lenguaje
pseudocientífico. La cuestión es hasta qué punto el frecuente uso de tecnicismos y
pseudotecnicismos facilita la penetración de términos científico-técnicos en el len8 Bürki, Y., La publicidad en escena: análisis pragmático-textual del discurso publicitario de
revistas en español, pág. 254.
9 Íbid., pág. 254.
10 Stehlík, P., «La productividad de los elementos prefijales cultos en los anuncios de
cosmética», Études Romanes de Brno, L 27, págs. 29–35.
276
guaje común. Según nuestra opinión, aquí es decisiva la relación de un término
concreto con una propiedad sustancial del producto ofrecido, porque sólo de esta
manera se puede asegurar la utilización de tal palabra por el consumidor común y
corriente. Un buen ejemplo es la voz megapíxel. Como advierte Sara Robles Ávila,
el hecho de que exista la forma del plural española (megapíxeles) demuestra «que
el proceso de incorporación se está cumpliendo en su totalidad y que el término
técnico se siente propio [. . . ]».11 El mérito es incontestablemente de la publicidad,
pero la difusión de esta palabra está relacionada sobre todo con la importancia que
tiene el número de megapíxeles en las cámaras digitales para el progreso en este
sector. Seguramente, no podemos esperar el mismo éxito en el caso de la pseudoterminología cosmética, a menos que una sustancia concreta antiarrugas o anticaída
realmente tenga las propiedades anunciadas. Por otra parte, el frecuente uso de los
tecnicismos en los anuncios publicitarios facilita, sin duda alguna, la penetración de
muchas de estas palabras en el vocabulario pasivo de la gente común (por lo menos
les suenan familiares), lo que permite la consiguiente utilización de dichos términos
en otros tipos de textos (por ejemplo en los periodísticos o científico-divulgativos).
Eso indiscutiblemente es una influencia positiva, y hay que reconocerlo.
No obstante, la manera en que la publicidad emplea y transforma la lengua
para sus fines encierra también varios peligros que sólo vamos a comentar muy rápidamente. Se trata sobre todo de la predominación de la forma sobre el contenido
y de la connotación sobre la denotación. En la publicidad de hoy, la connotación
positiva del producto con algo deseado o placentero importa más que las cualidades o propiedades del objeto anunciado. Y para conseguir estas connotaciones, la
imagen es mucho más eficaz y potente que la lengua, lo que lleva a la disminución
drástica del papel de la palabra en los anuncios de cualquier tipo. En el campo
de la publicidad, esta tendencia tiene su justificación en la finalidad persuasiva de
estos mensajes. Sin embargo, cuando se extiende dicha práctica a áreas tales como
el periodismo o la política, donde lo sustancial debería ser la transmisión de la
información factual y la función referencial, y no la manipulación, la apelación al
subconsciente y a los ciegos impulsos de la gente, no exageramos si consideramos
esta influencia como sumamente peligrosa para la lengua y sus funciones básicas.
Donde más se puede ver cómo se convierte en publicitaria la vida pública es en las
campañas electorales y en los noticieros televisivos. La relación entre la política y
la publicidad es obvia: las campañas políticas son preparadas por expertos en publicidad y las batallas electorales decisivas no se libran más en debates en directo
entre los políticos o entre éstos y sus electores, sino en las vallas publicitarias y
en los spots televisivos donde se respetan las mismas reglas que en los anuncios
estándar. Por consiguiente, el eslogan y la imagen positiva del político anunciado
cobran mucha mayor importancia que su programa electoral. El impacto de este
nuevo estilo publicitario en el lenguaje político no precisa ningún comentario.
En lo que se refiere a la presentación de los sucesos en los noticieros televisivos, igualmente aquí salta a la vista el marcado carácter publicitario: detrás de un
titular sensacionalista suele ocultarse toda una serie de estereotipos, tanto lingüísticos como visuales; todo es nuevo, de última hora, y paradójicamente, el denomi11 Robles Ávila, S., «Consideraciones sobre el léxico de la publicidad», en: Robles Ávila, S.,
ed.: Aspectos y perspectivas del lenguaje publicitario, pág. 141.
277
nador común con la publicidad consiste también en la visión simplista del mundo:
mientras que en los anuncios se nos muestra casi un paraíso (vemos familias felices
que viven una vida sana, activa y sin problemas, naturalmente gracias al consumo
de un producto determinado), en los noticieros se nos suele asustar con imágenes infernales selectas: asesinatos, guerras, golpes de Estado, epidemias, etc. La
complementariedad de estos dos mundos virtuales —el de la publicidad y el de
los noticieros— sería un interesante objeto de estudio sociológico. Para nosotros
como lingüistas, es más relevante e inquietante el vaciamiento del lenguaje y su
empobrecimiento frente al poder de la imagen. Como si el lenguaje pasara a servir
sólo como pequeños subtítulos para el gran espectáculo de la imagen. En vista de
este verdadero peligro que presenta la publicidad para la lengua, la aportación del
lenguaje publicitario al enriquecimiento del léxico es meramente un detalle, aunque
no sin interés.
BIBLIOGRAFÍA
Bürki, Y.: La publicidad en escena: análisis pragmático-textual del discurso publicitario de revistas en español. Libros Pórtico, Zaragoza, 2005.
Ferraz Martínez, A.: El lenguaje de la publicidad. Arco/Libros, Madrid, 1995.
Ferrer, E.: El lenguaje de la publicidad. FCE, México, 1995.
García Uceda, M.: Las claves de la publicidad. ESIC, Madrid, 1995.
Pérez Ruiz, M. A.: El mensaje publicitario y sus lenguajes. Artes Gráficas y
Ediciones, Madrid, 1979.
Robles Ávila, S.: «Consideraciones sobre el léxico de la publicidad», en: Robles
Ávila, S., ed.: Aspectos y perspectivas del lenguaje publicitario. Analecta
Malacitana, Málaga, 2005, págs. 127–146.
Rodríguez Vilanova, E.: Palabras que venden: diagnóstico de la publicidad.
CIMS 97, Barcelona, 1999.
Stehlík, P.: «La productividad de los elementos prefijales cultos en los anuncios
de cosmética», Études Romanes de Brno, L 27, 2006, págs. 29–35.
El lenguaje publicitario: ¿fuente de innovación o de corrupción de la
lengua?
Resumen
Este artículo se centra en los aspectos positivos y negativos de la publicidad en
la sociedad de consumo, sobre todo, en el papel que desempeña hoy el lenguaje publicitario en la evolución de la lengua y en la calidad de la comunicación lingüística.
El lenguaje publicitario se caracteriza por el uso de muchos recursos lingüísticos
innovadores. Por otra parte, algunos rasgos característicos de la publicidad, p. ej.
278
el carácter unilateral del mensaje publicitario, la exageración, la simplificación, la
fragmentación, el predominio de la forma sobre el contenido, etc., pueden influir de
manera negativa en el uso de la lengua en general.
Advertising Language: a Source of Innovation or Corruption of
Language?
Summary
This paper focuses on the positive and negative aspects of advertising in the
modern consumer society, especially on the role of the language of advertising in
the evolution of language and in the quality of linguistic communication. The
language of advertising is characterized by the use of many innovative linguistic
resources. On the other hand, some characteristics of advertising, such as the
unilateral character of the advertising message, exageration, simplification, fragmentation, and the predominance of form over content, etc., may negatively affect
the use of language.
Petr Stehlík
Ústav románských jazyků a literatur
Filozofická fakulta
Masarykova univerzita
Gorkého 7
602 00 Brno
República Checa
[email protected]
279
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Mensajes cortos de texto: ¿un nuevo lenguaje?
Monika Strmisková
Vivimos en una sociedad que solemos llamar moderna y que está caracterizada
por el aprovechamiento de numerosos adelantos de la civilización, representando
éstos por un lado cierto confort de la vida y por otro un desfile de fenómenos más
o menos negativos. Con la evolución de la técnica va aparejada la globalización,
aportando cambios de los valores tradicionales, incluidas las transformaciones de
mecanismos comunicativos generalmente aceptados y la actitud hacia la herramienta de la comunicación, que es el lenguaje. El exceso de información hace que
no siempre sepamos evaluar adecuadamente lo que entra en nuestra conciencia
dejándonos influir o manipular por diversos instrumentos, como son, entre otro, los
medios informativos omnipresentes o la publicidad.
En la sociedad de consumo hasta la comunicación misma (y también la lengua
como su instrumento) se convierte en parte integral del comercio. A las tendencias
de modernidad les corresponden perfectamente nuevas tecnologías comunicativas,
posibilitadas por la técnica desarrollada, como el chat, correo electrónico, y sobre
todo el uso del teléfono móvil y su servicio SMS, que se ha convertido, en los últimos
años, en un verdadero fenómeno mundial, siendo España el país que «encabezó el
crecimiento de la telefonía móvil en Europa».1 Según algunos estudios, se estima
que en el mundo se envían 20 000 millones de SMS al mes. En España, como en los
países anglosajones y no sólo en ellos, parece constituirse un nuevo código especial,
propio de los SMS. Algunos lo alaban hablando de una revolución en el idioma,
otros se quejan del abuso y empobrecimiento de la lengua y los impactos sociales
negativos de este nuevo modo de comunicación.
Claro que es posible aprovechar el servicio de los mensajes cortos usando el
lenguaje tradicional en toda su plenitud, pero eso no es el caso del código que nos
interesará. Se trata de un nuevo modo de comunicar utilizado sobre todo por jóvenes, a veces poco comprensible para los mayores. Ya se están creando primeros
diccionarios con la intención de registrar las reglas o, mejor dicho, normalidades
1 Blanco Carpintero, M., «El teléfono móvil: un aparato generador de un nuevo tipo de
lenguaje: análisis del fonema /K/», Glosas didácticas 13, 2005, pág. 39.
281
o regularidades del lenguaje SMS,2 ya se ha publicado un libro redactado enteramente en dicho lenguaje.3 Es lógico que acerca de este tema surjan consideraciones
no sólo entre lingüistas sino también en el público general. En el centro de la
atención se encuentra la cuestión de las posibles influencias de los cambios del
lenguaje, facilitados por las nuevas tecnologías de comunicación, en la sociedad.
Caben preguntas de si de veras llegamos a ser testigos de cambios fundamentales
del lenguaje tradicional y de la comunicación en general; si estos cambios pueden
causar transformaciones de la sociedad o al revés son resultado y consecuencia de
la transformación social; si se trata, en el caso de los SMS, de una creatividad
lingüística o, más bien, del abuso del lenguaje; si los efectos negativos de este lenguaje especial se transmiten a la lengua corriente cambiándola de alguna manera,
o si es así que el lenguaje hablado como instrumento de la comunicación tiende a
perder su valor tradicional dejando este papel a los medios técnicos inventados por
el hombre para este efecto.
Naturalmente no podemos proporcionar aquí una respuesta satisfactoria a todos
los problemas aludidos. Abarcaremos, sin embargo, algunos de ellos.
Los mensajes cortos o SMS (del inglés Short Message Service), que aparecieron
a principios de los años 90, deben su popularidad a la generación de los jóvenes
que los han adoptado como su propio medio de comunicar, apto para manifestar
su diferencia de la generación de sus padres conviniéndoles, a la vez, la economía
de este servicio. La economía, es decir, el hecho de que el espacio para escribir
un mensaje esté limitado a 160 caracteres y el afán de decir mucho usando pocos
instrumentos, ha inspirado el origen de un nuevo lenguaje o, mejor dicho, un nuevo
sistema de signos diferente del tradicional, oportuno para el limitado espacio discursivo. Se trata de un lenguaje que se puso muy de moda entre los adolescentes
que lo consideran como un código cifrado comprensible en el marco de su grupo
de edad. Según las palabras de Hernández Pacheco y Miraflores Gómez: «Si cada
generación de jóvenes se ha caracterizado en el último siglo por su rechazo a las
normas preestablecidas adoptando formas y costumbres que les diferencien de la
anterior, [. . . ] la juventud actual ha encontrado en los SMS su signo de identidad,
y la víctima inocente en quien recaen las consecuencias involuntarias de su rebeldía
no es otra que la ortografía.»4
Los cambios característicos para la jerga de los SMS afectan a los campos lingüísticos desde la fonología hasta el léxico. En nombre de ahorro del tiempo y espacio se usan abreviaturas variadas, números y signos matemáticos, extranjerismos
(sobre todo anglicismos), se suprimen elementos innecesarios para la comprensión
inmediata del texto. En los recados se introducen, por otro lado, nuevos elementos
de valor simbólico, llamados emoticonos, de los que vamos a hablar más adelante.
Para este lenguaje de los mensajes cortos de texto, utilizado por los jóvenes
españoles, es típica la inexistencia de norma escrita y la carencia de reglas. Es
2 Véase, «Servicio de mensajes cortos», en: Wikipedia, http://es.wikipedia.org/wiki/SMS
[4–12–2006].
3 «Publicado el primer libro en lenguaje SMS», La Flecha,
http://www.laflech.net/canales/curiosidades/200401281/ [15–2–2007].
4 Hernández Pacheco, J. L. – Miraflores Gómez, E., «La alfabetización de los jóvenes en
el siglo XXI»,
http://www.cesonbosco.com/revista/congreso/21-jose%luis%20hernandez%20pacheco.pdf, pág. 2
[12–11–2006].
282
necesario, sin embargo, que existan ciertas regularidades conocidas por cada uno
de los diferentes grupos de usuarios para que los mensajes se entiendan.5 Algunas
de ellas las mencionaremos en las explicaciones siguientes.
Como ya hemos dicho, el lenguaje de referencia acentúa la economía del enunciado. Por lo tanto, lo que caracteriza este lenguaje es la marcada tendencia a abreviar
las estructuras escritas con el fin de aprovechar el idioma de modo eficiente. No
solamente se abrevian palabras sino también frases enteras produciéndose nuevas
entidades, comprensibles en el marco de un grupo de sus usuarios, fomentando,
además de otras cosas, su sentimiento de identidad. Este lenguaje es de carácter
coloquial e influenciado por el inglés cuyos elementos se le incorporan.6 Observemos
ahora algunos rasgos concretos del dicho lenguaje:
Para ahorrar los caracteres se omiten todos los elementos posibles que se puedan ver innecesarios sin perderse totalmente la comprensibilidad del recado. Esto
resulta, por ejemplo, en la desaparición de los grafemas h y q en posiciones donde
no son importantes para el reconocimiento de la palabra, debido a que la h realmente no representa ningún sonido y la q representa un sonido equivalente a /k/,
pero eso solamente con ayuda de dos de las cinco vocales. Debido al uso elevado
de los SMS, el español de hoy tiene que hacer frente a la amenaza de la pérdida
de las dos letras.7 Antes de quejarse, desde luego, de la influencia destructora de
los SMS, hay que tomar en cuenta que la lengua es un fenómeno vivo, fenómeno
en movimiento, condicionado socialmente, cuya evolución es inevitable e incluye
cambios en el sistema que se pueden producir cuando un elemento pierda su papel.
En cuanto al resto de las consonantes, se puede decir que la mayoría de ellas se
conserva adquiriendo algunas, no obstante, nuevas funciones. Así, por ejemplo, la
ch se sustituye por la x; xat (chat) mxo (mucho); el grafema b se puede usar tanto
para /b/ como para /v /; la c en la sílaba ca se sustituye por k; kma (cama), el
grupo gua o go aparece sustituido por w igual que el grupo bu (wpa por guapa,
weno por bueno), etc.
La omisión afecta también a las vocales, lo que significa ya una gran intervención
en el sistema de la lengua castellana, porque las vocales forman parte considerable
de ella. Algunos observan aquí la influencia del lenguaje SMS anglosajón en el que
también se eliminan las vocales. Pero mientras que en el inglés, basado en las consonantes, la falta de las vocales no daña mucho la transparencia de lo comunicado, en
el español puede causar problemas graves de comprensión.8 En calidad de ejemplo
de la omisión de las vocales podemos tomar expresiones como bstnt para bastante,
jnts (juntos), kdm a ls . . . 6 (quedamos a las 6), mnn (mañana), abrrdo (aburrido),
str por estar, etc.
5 Véase «Servicio de mensajes cortos», en: Wikipedia, http://es.wikipedia.org/wiki/SMS
[4–12–2006].
6 Hernández Pacheco, J. L. – Miraflores Gómez, E., «La alfabetización de los jóvenes en
el siglo XXI»,
http://www.cesonbosco.com/revista/congreso/21-jose%luis%20hernandez%20pacheco.pdf, pág. 6
[12–11–2006].
7 Véase Blanco Carpintero, M., «El teléfono móvil: un aparato generador de un nuevo tipo
de lenguaje: análisis del fonema /K/», Glosas didácticas 13, pág. 40.
8 Hejsková, M: «Španělština v SMS zprávách», Cizí jazyky 46,
http://www.fraus.cz/ep/cizi jazyky/46/4/hejskova sms.htm.
283
De lo dicho resulta claro que el acento escrito o el mantenimiento de los dos
signos de la interrogación o exclamación representan lujo superfluo que no se permite casi nadie de los usuarios de los SMS. Lo mismo vale para los artículos definido
e indefinido.
La propia abreviación de palabras o expresiones incluye diferentes procedimientos. En el lenguaje de los mensajes cortos se pueden encontrar casi todos los tipos
de abreviaturas. Entre ellos destacan palabras apocopadas, como ma por mamá,
seg por segundo, telf porteléfono, vol por volumen, peli por película; también se
impone la llamada aféresis (es decir la conservación de una o más sílabas finales
de una palabra), que se suele aplicar a las expresiones del origen inglés: bye (goodbye). Su lugar en las pantallas de los móviles lo tienen también siglas propias
creadas con las iniciales de las palabras frecuentemente procedentes del inglés (EM:
electronic mail, e-mail; IDK: I don’t know)9 y acrónimos, compuestos con letras no
sólo iniciales (píxel: picture electronic). Algunas palabras del uso más frecuente se
acortan hasta a una o dos letras, como p. ej. tp por tampoco, r respuesta. Lo mismo
se puede decir sobre frases enteras: Kte? (¿qué tal estás?), tqm (te quiero mucho) o
TQPSA (Te quería pero se acabó).10 Con tanta abreviación, hay que tener mucha
experiencia con el lenguaje SMS para evitar interpretaciones inadecuadas o malentendidos. El significado concreto de algunas abreviaturas, por ejemplo, se descifra
solamente en el contexto: la abreviatura dd puede significar desde, dónde o días.
Para ahorrar espacio sirve también el uso de números y signos matemáticos. Así
«adiós» se puede expresar por a2, saludos por salu2, el signo + se puede combinar
con las letras dando la palabra además (ad+), etc.
Un capítulo aparte lo forman los llamados emoticonos o emoticones. Se trata
del uso de caracteres del teclado en nuevas combinaciones con el fin de expresar
emociones o actitudes individuales. El término fue derivado de las palabras emoción
e icono y tiene su prefiguración en el concepto inglés smile/y, en español «carita
sonriente», que debe su nombre al símbolo más usado en este tipo de escritura,
formado por dos puntos, un guión y el cierre de un paréntesis (:-) ). Pero la carita
sonriente sola sería poco para los ingeniosos usuarios de celulares. Como no existe
norma de escribir los emoticones (aunque hay algunos comprensibles al público
amplio), se suelen combinar todos los signos posibles del teclado, según el humor y
el deseo de su autor. Así se fomenta la economía de la comunicación, el autor del
mensaje hace valer su creatividad, se divierte (también para eso sirven los SMS),
pero resulta bien posible que el destinatario no vaya a entender, tomados en cuenta
la complejidad y el carácter casual de muchos emoticonos inventados ad hoc. Los
tradicionales signos del alfabeto siguen reemplazados por otros, de valor simbólico
y posiblemente más económicos, pero tan complicados que surge la pregunta si
no sería mejor, en cuanto a la inteligibilidad, volver a la escritura original. Se
produce una paradoja comunicativa, es decir, lo que debe simplificar y mejorar la
comunicación, la complica.
9 Castells, P. – Bofarull, I. de, «Los SMS: Una pasión y un nuevo lenguaje»,
http://www.taconline.net/articulosdefondo/lossms.php3, pág. 1.
10 Hernández Pacheco, J. L. – Miraflores Gómez, E., «La alfabetización de los jóvenes en
el siglo XXI»,
http://www.cesonbosco.com/revista/congreso/21-Jose%Luis%20Hernandez%20Pacheco.pdf,
pág. 9.
284
Cada progreso o proceso de innovación en el lenguaje puede causar ciertos
riesgos para él y sus usuarios, lo que vale también para los mensajes de texto que
«constituyen un fenómeno social de nuestros días cuyas consecuencias trascienden
el ámbito de la comunicación del que han surgido.»11 El riesgo yace no tanto en la
constitución de un nuevo lenguaje, sino en su abuso y la asimilación fácil y rápida de
éste por los jóvenes. La costumbre de usar la escritura de manera anómala puede
«generar y consolidar errores ortográficos muy difíciles de erradicar. También la
técnica de lectura puede verse afectada».12 A los malos usos de la lengua en los
mensajes cortos pertenece, además del deterioro de la ortografía y las estructuras
gramaticales, también la utilización del vocabulario simple. El modo en que se usa
la lengua desarrolla mecanismos intelectuales que se transmiten a la vida cotidiana.
Los resultados pueden ser inesperables, originándose numerosas paradojas. Con el
uso elevado de los mensajes cortos se pierde la capacidad de utilizar adecuadamente
la lengua en toda su amplitud. La gente enganchada a la comunicación por los SMS
tiende a perder, paradójicamente, la facultad de comunicar cara a cara. La vida con
la presencia permanente de una pantalla del celular y con ausencia de los contactos
directos interpersonales puede dar origen al aislamiento del individuo. Por otro
lado, la posibilidad de encontrar a uno en cada momento a través de un medio que
todos llevamos consigo cada día puede causar, sin exagerar, en lugar de una amable
conversación con amigos, la pérdida total de la vida privada. Al margen hay que
mencionar otro problema, que es la adicción a la telefonía celular, que llega a ser
un tema para los psicólogos.
Dedicando la atención a los efectos negativos del objeto de nuestro interés, no
sería correcto omitir sus positivos. Como dicen Hernández Pacheco y Miraflores
Gómez en cuanto a la existencia y función del lenguaje de los SMS, éste «[. . . ] fue
generado con doble finalidad: comunicar más en menos tiempo y con el menor
costo económico. Aunque sólo sea por eso, ya está justificado.»13 Se trata de un
instrumento que posibilita comunicar de manera muy efectiva y rápida pero también barata a la vez. Además, es indiscutible el hecho de que los SMS y, gracias a
ellos también la lengua, divierten a los jóvenes y les proporcionan espacio para la
creatividad lingüística por la que se enriquece el idioma.
En este lugar no podemos ni queremos analizar el fenómeno que se suele llamar
lenguaje de los SMS en toda su complejidad. En conclusión, hay que constatar que
va produciéndose una jerga o un código especial posibilitado por una tecnología
específica, en el marco de que cumple muy bien con su función, aunque conlleva
ciertos impactos sociales negativos inevitables. Pero, dicho con exageración, sería
inoportuno condenarlo como el monstruo preparado a liquidar nuestro bonito idioma o elogiarlo como lengua única del futuro. Se trata de una lengua paralela que
difiere en muchos aspectos de la tradicional acusando cierta autonomía, pero con
los datos que tenemos actualmente a nuestra disposición es difícil reseñar, si llega
a ser (con la evolución de las nuevas tecnologías de comunicación) verdadera concurrencia para el lenguaje tradicional en sus funciones sociales, o si desaparecerá
con la moda de los móviles.
11 Íbid.,
pág. 2.
12 Íbid.
13 Íbid.,
pág. 3.
285
BIBLIOGRAFÍA
Anónimo: «Publicado el primer libro en lenguaje SMS», La Flecha,
http://www.laflech.net/canales/curiosidades/200401281/ [cit. 15–2–2007].
Anónimo: «Servicio de mensajes cortos», en: Wikipedia, la enciclopedia libre,
http://es.wikipedia.org/wiki/SMS [cit. 4–12–2006].
Anónimo: «Diccionario SMS», en: Wikipedia, la enciclopedia libre,
http://es.wikipedia.org/wiki/SMS [cit. 4–12–2006].
Blanco Carpintero, M.: «El teléfono móvil: un aparato generador de un nuevo tipo de lenguaje: análisis del fonema /K/», Glosas didácticas 13, 2005,
págs. 38–43.
Castells, P. – Bofarull, I. de: «Los SMS: Una pasión y un nuevo lenguaje»,
http://www.taconline.net/articulosdefondo/lossms.php3 [cit. 18–11–2006].
Cortini, M. et al.: «The Diatextual Construction of the Self in Short Message
Systems», An international journal of theory and research 4, 2004,
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Hejsková, M.: «Španělština v SMS zprávách», Cizí jazyky 46, 2002/2003,
http://www.fraus.cz/ep/cizi jazyky/46/4/hejskova sms.htm
[cit. 4–12–2006].
Hernández Pacheco, J. L. – Miraflores Gómez, E.: «La alfabetización de los
jóvenes en el siglo XXI»,
http://www.cesonbosco.com/revista/congreso/
21-jose%luis%20hernandez%20pacheco.pdf [cit. 12–11–2006].
Ling, R.: «The socio-linguistics of SMS: an Analysis of SMS use by a random sample of Norwegians», en: Ling, R. – Pedersen, P., eds.: Mobile communications: Renegotiation of the social sphere. Springer, London, 2005, págs. 335–
349.
Portolés, J.: Pragmática para hispanistas. Editorial Síntesis, Madrid, 2004.
Mensajes cortos de texto: ¿un nuevo lenguaje?
Resumen
La telefonía móvil y la comunicación a través de los SMS se han convertido en los
últimos años en un fenómeno mundial. La posibilidad de intercambiar informaciones a larga distancia de manera rápida, barata y cómoda se muestra muy atractiva
sobre todo para los jóvenes. En nombre de la economía de la lengua se origina un
lenguaje especial basado en el grado máximo de abreviación de estructuras lingüísticas. Nuestro artículo comenta este proceso igual que sus posibles consecuencias e
impactos para el idioma, la sociedad y la comunicación en general.
286
Short Text Messages: a New Language?
Summary
In recent years, the mobile originated Short Messaging Service (SMS) has become a world-wide phenomenon. It should be emphasized that especially young
people have readily adopted SMS as a suitable communication system because of
the low cost of text messaging, as well as its high compatibility with language
economy imperatives. It is not surprising that these imperatives have stimulated
the expansion of abridged linguistic structures. The paper comments upon the implications and consequences of this process for communication in a general sense.
Monika Strmisková
Ústav románských jazyků a literatur
Filozofická fakulta
Masarykova univerzita v Brně
Arna Nováka 1
602 00 Brno
República Checa
[email protected]
287
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Le narrataire : à la recherche de l’autre
dans la communication littéraire
Jiří Šrámek
«Je n’écris, affirme Stendhal, que pour cent lecteurs, et de ces êtres malheureux,
aimables, charmants, point hypocrites, point moraux, auxquels je voudrais plaire ;
j’en connais à peine un ou deux. »1 La narratologie, après s’être posé la question
« qui parle ? », ne tarde pas à se demander « à qui parle-t-on ? » pour se mettre à
la recherche du « partenaire occulté »2 du narrateur, de « l’autre ». En effet, toute
communication, littéraire ou ordinaire, présuppose quelqu’un qui émet le message et
quelqu’un qui le reçoit. N’empêche que bien des narrations paraissent ne s’adresser
directement à personne. Adoptant le point de vue sémiotique, Mieke Bal considère
le texte narratif comme un signe à l’intérieur duquel « un autre destinateur, le sujet
de l’énonciation ou narrateur, émet un signe à un destinataire, le narrataire »3 .
Le terme de « narrataire », couramment proposé pour désigner celui « à qui le
narrateur s’adresse »4 , est relativement neuf, même si l’intérêt porté au processus
de la communication remonte à l’Antiquité. Bien que la pratique romanesque du
XXe siècle ait largement relativisé les diverses notions employées dans les études
théoriques sur la communication littéraire, on peut toujours esquisser la chaı̂ne
respective :
Auteur réel ←
→ Lecteur réel
(émetteur)
(récepteur)
↓
↓
...............................................................
Auteur
↔ Narrateur ↔ Narrataire ↔
Lecteur
implicite
implicite
La ligne de pointillés sépare la réalité référentielle (hors-textuelle) de l’univers
textuel mettant en évidence le fait que les personnes réelles se distinguent des figures littéraires. Les instances textuelles ne sont que des constructions médiatrices
1 Stendhal,
« Deuxième essai de préface» [Mai 1834], De l’amour, Paris, Le Divan, 1927, p. 14.
Connolly, C., Le partenaire occulté, Les Éditions David, Ottawa (Ontario), 2003.
3 Bal, M., Narratologie, Klinksieck, Paris, 1977, p. 8.
4 Prince, G., « Introduction à l’étude du narrataire », Poétique, No 14, 1973, p. 178.
2 Cf.
289
fonctionnant dans la structure multiforme et polyvalente. Les différents couples,
trouvant leur place dans une structure symétrique, basée sur les oppositions binaires, visualisent les rapports, plutôt complémentaires qu’opposés, qui existent
entre les instances émettrices (auctoriales) et réceptrices (lectoriales). A l’origine
on trouve, du côté auctorial, une personne historique (auteur, écrivain)5 qui produit
l’œuvre. Du côté lectorial, on trouve le lecteur historique qui est toute personne
impliquée dans la lecture. L’auteur implicite et le lecteur implicite sont des figures littéraires qui tiennent compte des manifestations de la présence de l’auteur
et/ou du lecteur dans le texte. L’auteur implicite, le second moi de l’auteur6 (que
le narrateur dise « je » ou un « il »), laisse entendre sa pensée profonde par le
truchement de la voix narrative qui le place à la fois au-dessus du narrateur et
entre celui-ci et l’œuvre. Le lecteur implicite est une figure qui rend compte de la
participation, tant active que passive, du lecteur. Les deux, l’auteur implicite et le
lecteur implicite, sont invisibles et se caractérisent par l’omniprésence latente. A
la différence de l’auteur, qui est généralement unique et plus ou moins connu, les
lecteurs sont multiples et anonymes.
L’intérêt qu’on attache au processus de la réception a pour résultat la décomposition de l’activité de lecture en diverses phases pendant lesquelles le lecteur
est censé s’approprier le message encodé. Les instances lectoriales n’ont fait que
suivre la structuration des instances auctoriales qui avaient été les premières à se
multiplier. En effet, tout lecteur est appelé à retravailler l’œuvre, qui s’ouvre à des
interprétations polysémiques, dans son propre for intérieur. Les compétences (linguistiques, culturelles, etc.) que l’auteur suppose chez le lecteur sont comparables
avec celles que le narrateur suppose chez son narrataire. Parmi les termes de base,
c’est notamment l’étiquette de « narrataire » qui est accordée trop indistinctement
à des notions souvent bien différentes.
Dans le schéma de communication ordinaire ou deux personnes réelles, l’émetteur (le destinateur) du message et son récepteur (le destinataire), se trouvent
face à face dans une situation concrète, on peut tolérer le terme de « narrataire »
comme une sorte de synonyme désignant l’interlocuteur présent (le sujet écoutant),
d’autant plus que le « narrateur » (le sujet parlant) jouit de la même tolérance depuis longtemps. Cependant, à la différence du dialogue caractérisé par une liaison
interactionnelle entre les partenaires présents, la communication littéraire est une
communication différée, destinée à être reçue à distance du moment et du lieu de sa
production, et en plus rédigée en conformité avec les règles esthétiques. Or, comme
l’emploi abusif du nouveau terme s’avère inadmissible, une réflexion critique sur
les critères qui différencient « le narrataire » des termes voisins concurrents semble
s’imposer.
Gérard Genette distingue, en dépendance du niveau narratif, les narrateurs
extradiégétiques et intradiégétiques7 : le narrateur premier, extradiégétique, est
extérieur au monde de l’histoire, le narrateur second, intradiégétique, est un per5 Pour différencier l’individu créateur de la fonction productrice, on l’appelle dans certains cas
« scripteur ».
6 Booth, W. C., « Distance et point de vue», in: Poétique du récit, Seuil, Paris 1977, pp. 92–94.
7 Cf. Genette, G., Figures II, Paris, Seuil, 1966 ; Figures III, Paris, Seuil, 1972 ; Nouveau
Discours du récit, Paris, Seuil, 1983. La distinction d’après le rapport du narrateur à l’histoire
racontée (narrateurs « homodiégétiques » ou « hétérodiégétiques ») n’a ici aucune relevance.
290
sonnage de récit. A ce stade de la réflexion, on en arrive à l’application du même
critère au narrataire pour définir le « narrataire extradiégétique » et le « narrataire
intradiégétique ». A vrai dire, on n’a pas de grandes difficultés avec le narrataire
intradiégétique qui peut réclamer une existence diégétique solide liée à son rôle
de personnage-auditeur (personnage-lecteur). La situation narrative qui, dans le
texte, permet d’établir un rapport bien visible entre le narrateur et le narrataire
est « le récit dans le récit », « le récit enchâssé » (Tzvetan Todorov), « le métarécit »
ou « le récit au second degré » (Gérard Genette), « le récit intercalé », « le récit
inséré », « le récit encadré », etc. L’exemple classique en est offert par Les Mille et
une nuits ; la formule est reprise dans L’Heptaméron de Marguerite de Navarre, qui
s’est inspirée du Décaméron de Boccace, et la même structure se retrouve dans la
« composition à tiroirs » (cf. Gil Blas de Lesage8 ). La fonction principale du narrataire intradiégétique consiste à écouter, mais parmi ses fonctions complémentaires,
il y a le souci d’établir et de garder avec le narrateur un contact direct et même de
prendre part à l’histoire racontée (exprimer ses sentiments, apporter des jugements
généraux sur l’histoire, etc.)9 .
Gerald Prince distingue, en dépendance de l’importance de leur rôle dans le
texte, « le narrataire degré zéro », réduit à l’exercice de la fonction de communication, et « le narrataire spécifique » qui, grâce à ses caractéristiques plus nombreuses, est plus « concret » et moins anonyme10 . On lui doit aussi le terme de
« narrataire principal », destinataire ultime de toutes les narrations, comme l’est
le roi dans Les Mille et une nuits, et les narrataires « secondaires », ceux à qui
une partie seulement des événements est racontée11. Cependant, si le roi est le
seul narrataire qui entend toutes les histoires, c’est qu’il fait partie du récit-cadre
auquel tous les autres niveaux narratifs sont soumis, et s’il devient le destinataire
ultime de tous les récits intercalés, il n’en est pas moins le narrataire intradiégétique. Le narrataire extradiégétique dans Les Mille et une nuits est le narrataire
au premier degré, anonyme et invisible, qui est responsable non seulement de la
réception des récits de Schéhérazade, mais encore de celle du récit premier qui
donne l’histoire de la reine. Le « narrataire principal » d’après Prince, en tant que
consommateur de l’ensemble de toutes les lettres (« histoires intercalées »), n’est
identifiable ni même avec le narrataire extradiégétique dans le roman épistolaire.
Dans Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, celui-ci est le partenaire
du rédacteur-éditeur, narrateur extradiégétique qui, dans la préface, s’adresse au
« Public », lui présentant son « Recueil » (« Ouvrage »). Or, les narrataires intradiégétiques dans le roman épistolaire sont tous secondaires ; en outre, en tant
qu’auteurs des lettres, ils se voient chargés, à l’occasion, du rôle des narrateurs.
8 Tzvetan Todorov parle des « hommes-récits » ce qui veut dire qu’un nouveau personnage
signifie un nouveau récit (« Les hommes-récits », Poétique de la prose, Seuil, Paris, 1971, p. 72).
9 L’homologue dramatique du narrataire intradiégétique est « le spectateur explicite », le destinataire de la pièce dans la pièce, comme Hamlet assistant à la tragédie jouée par les acteurs au
château d’Elseneur (cf. Vodă-Căpuşan, Maria, « Le spectateur explicite », Studia Universitatis
Babeç-Bolyai, Philologia 1, 1981, Anul XXVI, pp. 10–13).
10 Prince, G., « Introduction à l’étude du narrataire », Poétique, No 14, 1973, pp. 180–181.
Mary Ann Piwowarczyk (« The Narratee and the Situation of Enunciation : A Reconsideration of
Prince’s Theory », in : Genre, University of Oklahoma, vol. IX, No 2, 1976) développe les idées
de Prince.
11 Prince, G., « Introduction à l’étude du narrataire », Poétique, No 14, 1973, p. 190.
291
Par contre, dans Le Nœud de vipères de François Mauriac, roman ou un narrateur
raconte une partie de son histoire à un narrataire, une autre à un deuxième et ainsi
de suite, le narrataire principal est inévitablement extradiégétique. Dans Le Dı̂ner
en ville de Claude Mauriac, le narrateur extradiégétique, qui organise la disposition du cadre spatio-temporel du roman ou ont lieu les répliques et les monologues
intérieurs des commensaux, est autant invisible que son narrataire extradiégétique.
Une discrétion absolue caractérise le narrateur et le narrataire extradiégétiques
dans L’amante anglaise de Marguerite Duras, livre où il n’a y pas un seul mot
qui ne soit présenté dans le dialogue, comme tout est enregistré par un magnétophone. Enfin, comme « extradiégétiques », on peut classifier aussi les narrataires
«externes», abstraits et absents («nature», «Dieu»), et les narrataires «internes»,
allocuteurs évoqués dans le texte par divers pronoms personnels (« nous », « vous »,
« on »), tels qu’ils sont définis par Jean Rousset12 , parce qu’ils relèvent tous du
premier niveau narratif.
Le narrataire extradiégétique, qui répond de la réception du récit premier, est
une instance narrative à pied égal avec le narrateur extradiégétique qui répond de la
production du récit premier qui englobe logiquement aussi tous les autres niveaux
narratifs (« supérieurs » dans le système genettien, « inférieurs » selon la conception
de Mieke Bal qui définit le récit enchâssé comme « l’hypo-récit »). On commence
à se douter que c’est justement le narrataire extradiégétique, une figure abstraite
et vague qui se déduit des seules structures du récit, qui pose les problèmes. En
effet, il faut savoir rendre compte des différents degrés de la présence du narrataire
extradiégétique dans le texte.
La typologie selon Prince néglige la différence qui existe entre les narrataires
intradiégétiques et extradiégétiques. Cependant, si l’on ajoute aux critères utilisés
par Prince le niveau narratif, il est possible de définir « le narrataire extradiégétique degré zéro » et « le narrataire extradiégétique spécifique ». Les narrataires
extradiégétiques mentionnés ci-dessus, à l’exception de ceux définis par Rousset,
correspondent évidemment au « degré zéro ». Le narrateur extradiégétique est cependant libre de s’adresser à son interlocuteur en employant les pronoms personnels
(« nous », « on » « tu », « vous »), les vocatifs et diverses apostrophes (« lecteur »,
«auditeur», «mon cher», «mon ami», «ami lecteur», etc.), qui peuvent apparaı̂tre
même dans l’appareil paratextuel (préfaces, avertissements, dédicaces), et qui laissent tous percevoir l’implication de l’instance réceptrice. Le narrateur évoque ainsi
le destinataire extradiégétique qui peut être désigné comme « le narrataire extradiégétique spécifique ». Pour marquer la présence du narrataire etradiégétique, bien
que discrète, il suffirait du pronom « nous » ou « on ». Cependant, pour établir un
lien perceptible entre le locuteur et son interlocuteur, le pronom sans doute le plus
utilisé est «vous»: «[f]igurez-vous un homme qui dort» (dans la seconde version du
Horla de Guy Maupassant), «[v]ous parlez de l’âne de Sterne», «voici leur histoire;
je ne la raconte pas pour vous, c’est à moi seul que je la raconte» (Jules Janin, L’Âne
mort et la femme guillotinée). R. K. Pétrus, personnage-narrateur du roman de Robert Sabatier Dessin sur un trottoir, s’adresse au romancier comme à son narrataire
extradiégétique spécifique (premier lecteur) à qui il feint de dédicacer le livre : « Je
t’offre ce Dessin sur un trottoir [. . . ] tous ces événements [. . . ] d’une année ».
12 Rousset,
292
J., « Le journal intime, texte sans destinataire », Poétique, 1983, No 56, p. 442.
Nous avons défini comme le destinataire apostrophé dans les exemples cités le
narrataire extradiégétique. A vrai dire, c’est celui-ci qu’en pratique, on confond
souvent, avec le lecteur implicite. Néanmoins, le lecteur implicite (Wayne Booth,
Wolfgang Iser) est une projection du lecteur inscrit dans le texte13 . Appelé également «lecteur virtuel» (Gérard Genette), «lecteur abstrait» (Jaap Lintvelt), «lector
in fabula », une sorte de « lecteur modèle » (Umberto Eco), « lecteur compétent »
(Jonathan D. Culler), « lecteur supposé » (Alain Viala), « archilecteur » ou « lecteur
imaginé » qui est au courant de l’intertexte (Michael Riffaterre), sans parler d’autres désignations qui ont fâcheusement tendance à se multiplier (le lecteur « fictif »,
« faux », « empirique », « encodé », « visé », « anonyme », etc.), le lecteur implicite semble éclipser, comme le destinataire hypothétique ultime, le narrataire
extradiégétique. Néanmoins, le narrataire, répondant par la geste réceptrice, ne se
confond pas plus avec le lecteur (réel ou implicite) que le narrateur, initiant la
geste émettrice, ne se confond avec l’auteur. Les paroles comme « vous qui tenez
ce livre d’une main blanche » (Balzac, Le Père Goriot), ou bien diverses adresses
directes, « [a]vez-vous été dans votre vie six mois malheureux par amour ? dirai-je à
quelqu’un qui voudrait lire ce livre » (Stendhal, L’Amour ), « [v]ous me demandez,
frère, si j’ai aimé, oui » (Gautier, La Morte amoureuse), « [m]on cher ami, tu n’y
comprends rien?» (Maupassant, Lui? ), «[b]eaucoup de personnes à qui j’ai raconté
cette aventure se sont moqués de moi » (Maupassant, Le Horla) ne visent pas un
lecteur imaginé, mais un narrataire extradiégétique spécifique dont les attributs ne
sont que plus dévelopés.
Or, le lecteur implicite, étant un terme lié à la lecture, ne désigne pas la personne du lecteur mais trahit sa présence (omniprésence) dans le texte. De façon
analogue, les intrusions de l’auteur14 lorsqu’il emploie le « je » dans les passages
métafictionnels soit parlant de ce qu’il fait ou pense soit du texte qu’il est en train
de produire, semblent renvoyer à l’auteur réel, mais il faut les attribuer au narrateur. « Il parvint au sixième étage moins essoufflé que j’aurais cru » (Jean Échenoz,
Je m’en vais). Voilà le narrateur extradiégétique-hétérodiégétique qui parle et qui
est parfaitement au courant de l’histoire dans laquelle le « je » employé n’est évidemment pas celui de l’auteur : le récit n’imite pas les événements véritables, parce
que la situation narrative d’un récit, même autobiographique, ne se ramène jamais
à la situation d’écriture. Lorsque Balzac écrit dans Eugénie Grandet que le père de
l’héroı̈ne jouissait à Saumur d’une réputation «dont les causes et les effets ne seront
pas entièrement compris par les personnes qui n’ont point, peu ou prou, vécu en
province », il implique tout simplement une réflexion sur la réception de son roman
par un certain public, en jugeant ses compétences lectoriales. De façon analogue,
les auteurs des contes fantastiques qui, racontant des histoires incroyables, feignent
de s’adresser directement à leurs « lecteurs » pour les assurer qu’ils disent la vérité :
«[t]out le petit merveilleux que je vous donne, lecteur, s’est vérifié dans la vie réelle»
13 « Le texte, objet de communication, ne se conçoit pas sans destinataire implicite» (Jouve, V.,
L’Effet-personnage dans le roman, Paris PUF, 1992, p. 18). Le destinataire se définit comme le
lecteur implicite à qui s’adressent les effets de lecture programmés par le texte (Jouve, V., L’Effet-personnage dans le roman, Paris PUF, 1992, p. 21).
14 Gérard Genette appelle la figure par laquelle le narrateur feint d’entrer (avec ou sans son
lecteur) dans l’univers diégétique « la métalepse narrative», liée au changement de niveau (Figures
III, Seuil, Paris, 1972, pp. 135 et 244).
293
(Émile Deschamps, Réalités fantastiques), ne s’adressent qu’aux narrataires extradiégétiques. Le mot « lecteur », employé ici au sens du destinataire extradiégétique
ciblé, est un artifice littéraire qui n’établit aucun contact véritable15 .
La présente étude est loin de prétendre trancher le problème de l’indécision
sémantique qui ne gêne pas qu’un groupe restreint de spécialistes ; elle n’est qu’une
petite contribution à une discussion qui ne s’arrête pas là. Son idée principale,
on le voit bien, est la distinction nette qu’il faut établir entre deux hypostases,
intradiégétique et extradiégétique, du narrataire. Or, il convient de compléter le
schéma de communication littéraire proposé ci-dessus par la différenciation parallèle
du narrateur et du narrataire en tant qu’instances narratives complémentaires qui
se situent au même niveau diégétique :
Auteur réel ←
→ Lecteur réel
(émetteur)
(récepteur)
↓
↓
.........................................................................
Auteur
↔
Narrateur
↔
Narrataire
↔
Lecteur
implicite
intradiégétique
intradiégétique
implicite
extradiégétique
extradiégétique
Enfin, dès le début, une idée sous-jacente traverse la présente étude : l’appel à
l’Autre. D’après Michel Foucault le discours n’est pas l’expression d’un sujet, mais
un champ de régularités pour diverses positions de la subjectivité, un ensemble où
peuvent se déterminer la dispersion du sujet et sa discontinuité avec lui-même. Le
« vous » dans La Modification de Michel Butor exprime en premier lieu le point
de vue du narrateur extradiégétique-homodiégétique, mais interpelle à la fois l’auditeur extradiégétique (situé au même niveau narratif). La parole de l’individu
ne sert pas à exprimer cet individu comme une unité monolithique et indivisible,
puisqu’une telle unité n’existe pas, mais elle doit permettre à cet individu de dialoguer avec les autres et avec lui-même. Pour Jean-Marie-Gustave Le Clézio, le
point d’arrivée du récit s’identifie avec son point de départ : « Je voudrais que cesse
un jour le mince rempart de papier blanc qui me protège, qui me sépare [. . . ]. La
grande hypocrisie de l’écriture [. . . ]. C’est donc cette matière qui s’interpose, entre
moi et moi, ce chemin détourné par lequel je m’adresse ».16 Pour l’analyste littéraire qui ne comprend pas le pronom « tu » au sens d’un dialogisme, mais comme
une « seconde personne », tant l’auteur que le lecteur sont des instances qui correspondent à leur subjectivité complexe, le « tu » devenant pour chacun d’entre eux
une autre (seconde) face du pronom « je ».
15 Disons aussi que la tradition des interpellations du public par le narrateur est ancienne. Le
procédé devait stimuler l’intérêt et date du temps de la littérature orale (les traces en persistent
dans les fabliaux ou Les Fables de La Fontaine).
16 Le Clézio, J.-M.-G., Le Livre des fuites, Gallimard, Paris, 1969, p. 58.
294
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„Narrataire : hledání druhého v literární komunikaci
Resumé
Termínem „narrataire
je v naratologii označován příjemce vyprávění (posluchač), k němuž se obrací vypravěč. Jelikož ve schématu literární komunikace
založeném na binárních opozicích je „narrataire
logicky partnerem vypravěče
v prvním nebo druhém stupni, zatímco čtenář je vždy partnerem autora, není
správné ho zaměňovat s pojmem „čtenář
(včetně tzv. „implicitního
). Za tím
účelem je třeba rozlišovat termíny intradiegetický „narrataire
, který je jako postava příběhu poměrně snadno definovatelný, a extradiegetický „narrataire
, který
je partnerem vypravěče prvního stupně, a proto stejně jako on není přítomen v diegezi.
“Narratee”: the Quest for the Other in Literary Communication
Summary
The term “narratee” designs in narratology the receiver (listener) to whom the
narrator speaks. According to a scheme of literary communication based on binary
oppositions, the narratee is logically the partner of the first-degree or the seconddegree narrator; similarly, the reader is always the partner of the author, and
therefore it is not correct to confuse the narratee with the reader (including the socalled “implied reader”). For this reason it is necessary to distinguish between the
“intradigetic narrator”, term which designs a character represented in the narrative
text and quite easy to define, and the “extradiegetic narrator”, who is the partner
of the first-degree narrator and, like him, absent in the diegesis.
Jiří Šrámek
Katedra romanistiky
Filozofická fakulta
Univerzita Palackého v Olomouci
Křížkovského 10
771 80 Olomouc
[email protected]
296
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Realidad moderna y su reflejo
en el argot del español europeo
Bohdan Ulašin
Definición, característica y clasificación del argot
El argot1 es caracterizado, aparte de su espontaneidad, expresividad y fugacidad,
ante todo por la informalidad que se opone a lo normativo, formal. La informalidad
del estilo significa que a) hay cierto grado de confianza entre los interlocutores,
b) aunque tratándose de personas desconocidas, se encuentran en una situación
o ante la intención de uno de los hablantes de no respetar las normas socioculturales
o la distancia emotiva entre dos personas desconocidas. El estilo formal, por otra
parte, contiene elementos que muestran la relación no íntima, oficial entre dos o más
personas, lo que lleva consigo el respeto de ciertas normas y tabús establecidos por
la sociedad y la observación de las reglas normativas de la lengua.
El argot desempeña varias funciones.2 La principal función de la lengua como tal
y por ende también del argot, es la función comunicativa, que se encarga de servir
de modo de comunicación, satisfacer las necesidades de los seres humanos para
poder expresar sus sentimientos, compartir las informaciones, etc. Como la realidad
extralingüística cambia constantemente, la lengua necesita crear nuevas voces para
referirse a lo nuevo. Para ello se sirve de las formas ya existentes otorgándoles
nuevos significados o se forman palabras o sintagmas fijos nuevos.
Como el argot se usa ante todo en un ambiente informal, íntimo y expresivo,
los típicos temas sobre los que gira la conversación presentan los campos léxicos
caracterizados, sea por su carácter tabú (sexo, escatología), sea porque levantan
1 El argot en nuestra definición abarca lo que algunos llaman el argot común (sin diferencias
diastráticas, bajo este término incluimos también las siguientes denominaciones conocidas, como
registro conversacional, coloquial, informal, habla coloquial, si usada en entorno de la familia:
familiar ) y también los argots especiales (limitados a ciertos grupos de la sociedad). Este estilo
se caracteriza y define ante otros estilos por su informalidad y espontaneidad.
2 Función cómica, críptica, de identificación con el grupo, de economía lingüística, etc. Véase
Ulašin, B., «Funciones del registro coloquial y los mecanismos lingüísticos para realizarlas», en:
Actas del X encuentro de profesores de español en Eslovaquia, (en prensa).
297
muchas emociones (cualidades y defectos humanos, policía) o son actividades u
objetos cotidianos, algunos esenciales para la vida (comer, beber, dormir, alcohol,
dinero). El argot siempre ha constituido la parte más baja3 de la capa coloquial.
También en nuestra realidad de hoy día existen actividades o actitudes que tienen
carácter marginal incluso hasta ilegal, sin embargo los hablantes que las desarrollan
o sostienen, necesitan referirse a ellos. Hablamos de un sociolecto, si los hablantes
forman:
a) determinado grupo social (prostitutas, drogadictos, soldados, delincuentes,
camioneros, etc.) y han desarrollado su modo de hablar. En este caso el lenguaje, aparte de su función primaria — la función comunicativa, sirve también
para la identificación con el grupo social como dice una de las definiciones
rimadas de lo que es la jerga, el eslang:
The chief use of slang
«Is to show that you» re one of the gang
Podemos incluir entre los sociolectos también el llamado
b) lenguaje profesional, argot de grupo o jerga profesional:
Lenguaje de diferentes grupos profesionales (médicos, matemáticos, informáticos, etc.) donde «la conversación gira alrededor de realidades especiales y se
emplean palabras y expresiones que son incomprensibles fuera del grupo».4
Cada día los especialistas hablan de su trabajo, por ende en su conversación
hacen referencia a cosas, objetos y fenómenos de una parte muy restringida
de la realidad extralingüística, su profesión o especialización.
c) lenguaje de aficiones:
Aquí podemos incluir todas las actividades humanas que denominamos como
aficiones. Es un mundo muy variado y variopinto, existen muchos grupos de
aficiones diferentes donde la comunicación gira alrededor de una actividad
concreta. A ésta se refieren los aficionados con palabras, expresiones, locuciones, etc. especiales. Es imposible definir la frontera exacta entre una afición
y una profesión por una parte y un grupo de afición y un grupo social por
otra.
Aunque muchos grupos sociales o de aficiones existen ya desde hace mucho
tiempo, también en las esferas de su actividad surgen nuevas realidades, fenómenos,
aparecen nuevos objetos que reciben nuevas denominaciones, que por su recién
creación se llaman neologismos. Estos neologismos surgen de manera siguiente:
Procesos morfológicos de la formación de palabras
También llamados procesos transformativos en los que surgen nuevas formas, los
verdaderos neologismos. El proceso morfológico más productivo, tanto en el estilo
formal como en el estilo coloquial, es:
3 En
el sentido de aceptación social de tal discurso.
Sáez, J., Diccionario de argot, pág. 8.
4 Sanmartín
298
Derivación: Se realiza mediante formantes morfológicos, afijos, que se añaden
a la base de la palabra (raíz). Los afijos se dividen en prefijos, sufijos e infijos, según
el lugar del afijo: ante la base de palabra, detrás y dentro de la base.
a) Prefijación: Los prefijos son etimológicamente preposiciones (con-, de-, en-,
por-, etc.), también varias preposiciones latinas o griegas se han conservado en
español hasta hoy día en función de prefijos (a-, anti-, inter-, etc.).
Ejemplos: antibeibi m (píldora anticonceptiva; del préstamo inglés beibi←baby),
desocuparse (quedarse la prostituta libre del cliente; ocuparse), repesca (examen
especial para los que han suspendido el anterior; pesca).
b) Sufijación: Constituye el procedimiento más empleado en la formación de
palabras nuevas en el argot español. Una especie de afijo – un sufijo se pospone a la
base de la palabra. A veces surgen dos palabras idénticas que se formaron de bases
diferentes: tetera (té), tetera (sujetador; tetas); follaje (hojas), follaje (follar ).
Ejemplos: burraca (prostituta de ínfima categoría; burro), derechazo (giro brusco
hacia una política de derechas).
Composición: Mediante la composición se generan nuevas unidades lexicales
y semánticas (palabras compuestas) de dos o más raíces que tienen su propio significado y al unirse crean un significado nuevo.
Ejemplos: caraculo (estúpido, feo), blanquiazul (jugador o servidor del club de
fútbol del Español), sinhueso (lengua), cuatrojos (persona con gafas), asaltacunas
(pedófilo), calientapollas (mujer que excita a los hombres pero no consiente en
llegar a la cópula sexual), meteisaca (cópula sexual).
Acortamiento: Podemos «cortar» el principio (furgo→furgoneta), el fin (teca→
discoteca) o el medio de la palabra (güitos→güevitos). En el argot común predomina
la supresión de la parte final y las palabras que quedan suelen tener dos sílabas
(director→dire). Las palabras de tres sílabas pertenecen sobre todo a los sociolectos
(lenguaje de los jóvenes, estudiantes, drogadictos, soldados, etc.) y al lenguaje
profesional (manifestación→manifa, voluntario→volunta).
Conversión: La conversión representa el cambio de categoría gramatical o de
clase de palabras sin intervención de los procedimientos morfológicos.
Ejemplos: elementa (prostituta; elemento), fotocopio (hermano, fotocopia); dolorosa (cuenta, factura), húmeda (lengua), largos (dedos del carterista), tal (prostituta), sufrida (cama).
Derivación regresiva es la dirección opuesta de la derivación normal. En la
mayoría absoluta de los casos se «rederiva» un sustantivo de un verbo. Se suprime
el sufijo verbal (-ar, -er, -ir ) y se forma una palabra nueva que suele terminar en
-e, o- o -eo para hacer patente su pertenencia a la clase de sustantivos.
Ejemplos: alucine (asombro; alucinar ), descojono (risa; descojonarse), ligue
(relación amorosa eventual; ligar ).
Recomposición: Se crean palabras nuevas mediante un subgrupo de afijos que
tienen rasgos tanto de los morfemas dependientes como de los lexicales. Son bases de
palabras grecolatinas, raíces cultas, que no existen como unidades independientes en
el español de hoy, en el estilo coloquial suelen ir unidas con una palabra coloquial,
hasta vulgar y así contrastan deliberadamente con el carácter culto del segundo
componente.
299
Ejemplos: cagódromo (retrete; cagar ), falocracia (dominio del hombre; falo),
tetógrafo (revista pornográfica), titulitis (valoración excesiva de los títulos académicos).
Cruce o acción de dos palabras: Bajo el cruce entendemos el procedimiento por
el cual dos palabras se combinan entre sí para formar una nueva donde una parte
del neologismo se ha tomado de la primera y la otra de la segunda palabra.
Ejemplos: analfabestia (analfabeta; analfabeta y bestia), pechonalidad (pechos
grandes; pecho y personalidad ), ir en zapatobús (ir a pie; zapato y autobús).
Siglas: Las siglas, como procedimiento de la formación y las abreviaturas se
encuentran en la periferia del uso en la lengua subestándar.
Ejemplos: HP (hijo puta), NPI/enepeí (ni puta idea), PM (puta madre).
Metátesis o metaplasmos: La metátesis consiste en el cambio silábico o la alteración del orden de las letras de una palabra.
Ejemplos: ñoca f (coña), parajoda m (paradoja).
Creación sintagmática
No es siempre posible designar la realidad extralingüística con una sola palabra.
A veces creamos unidades de dos o más palabras. Según el sentido y la interdependencia de las palabras distinguimos entre las unidades sintagmáticas y locuciones/unidades fraseológicas.
Tanto unidades sintagmáticas (US) como unidades fraseológicas (UF) son sintagmas fijos. Difieren del sintagma libre en la unidad del significado y en la fijación sintáctica o la inconmutabilidad de componentes. P. ej. en el sintagma fijo
cuento chino (mentira), no podemos cambiar el atributo mientras que en el sintagma libre cuento magnífico podemos cambiar magnífico por excelente, estupendo
o maravilloso.5
En cuanto a los términos utilizados, en la lingüística española nos tropezamos
con un sistema bastante heterogéneo. En ella se emplean los términos locución,
modismo, frase hecha o expresión fija, mientras que el de unidad fraseológica es
el más utilizado en la fraseología internacional (esl. frazeologická jednotka, ingl.
phraseological unit, rus. frazeologiqeska edinica). Asimismo, en la lingüística
eslovaca también podemos encontrar las denominaciones unimembres frazeologizmus y frazéma. También, aparte de unidad sintagmática, se usan términos como
lexía compleja, sinapsia, sintema o compuestos sintagmáticos.
La UF difiere de US en la idiomaticidad. Mientras que el significado de algunos
sintagmas es recto y transparente, el significado de UF no se forma sólo al unir los
componentes, sino al revalorizar el significado de la expresión ya existente.
Ejemplos US: costo culero (hachís transportado en el ano), casa de putas (lugar
donde se ejerce la prostitución).
Ejemplos UF:
a) nominales: beso blanco (beso sin introducir la lengua), peste amarilla (taxistas de Barcelona), mala hostia (mal carácter), bajada de pantalones (sometimiento humillante a las condiciones o exigencias de otra persona), garaje la
estrella (aparcamiento al aire libre),
5 Aparecen, sin embargo, variaciones también dentro de los sintagmas fijos: echar/meter/pegar
un clavo «fornicar», dar/echar una cabezada «dormir durante unos momentos».
300
b) adjetivales: de la leche (excelente), de pánico (enorme),
c) verbales: la estructura más frecuente de formación de UF verbales es verbo + objeto directo: chupar cámara (querer ser el centro de atracción), contar
safaris (fabular, inventar historias), poner antenas (escuchar conversaciones
ajenas); otras estructuras: no acostarse ni con Dios (no aceptar sobornos,
favoritismos), meterse por la tubería (inyectarse droga),
d) adverbiales: con cojones (con valentía), a lo bestia (usando la fuerza).
Creación semántica
El vocabulario del argot aumenta también de modo que las formas de las palabras
no cambian, lo que cambia es el significado. El estilo coloquial puede tomar una
palabra neutral, estándar y añadirle otro significado: música «sucesión de sonidos,
melodía grata al oído» → «cartera»; dinosaurio «especie de reptil fósil» → «persona
con ideas antiguas». No obstante, el mismo proceso ocurre dentro del estilo coloquial: mangurrino, «delincuente de escasa categoría» → «mendigo que busca los
alimentos en los cubos de la basura» → «sinvergüenza».
Desplazamiento del significado:6 La esencia del cambio del significado yace en
que dos denotados se pueden relacionar a base de una similitud mutua. La polisemia
no impide la comprensión, dado que el contexto nos ayudará a descifrar cuál de los
significados de la palabra se ha usado en el discurso.
Metáfora Dicho desplazamiento puede realizarse a base de semejanzas exteriores y entonces, se trata de una metáfora. La metáfora es un juego que consiste en
buscar las asociaciones entre las palabras y sus significados. La gran expresividad
de la metáfora yace en el matiz que imprime el modelo metafórico al referente.
Con la metáfora el hablante subraya el rasgo típico del término metaforizado, p. ej.
diablo «ángel caído que representa el mal y habita en el infierno» → «prisión celda
de castigo» se sobreentiende que la celda de castigo es algo malo, desagradable;
chuzo «palo con un pincho de hierro» → «pene» se agrega al referente el concepto
de dureza y fuerza; mico «simio» → «niño pequeño»; pelele «muñeco de figura
humana» → «persona inútil, manejada por los demás». Al subrayar aquel rasgo típico, el hablante muestra su actitud hacia lo dicho: caja tonta (televisión), provoca
estupidez en las personas receptoras; mandanga (droga en general); mandanga significa también «dinero», referencia al hecho de que los traficantes se ganan la vida
vendiendo droga; manteca (droga en general), aquí la droga se convierte en un
alimento; salvadora (droga en general) en la mentalidad de un drogadicto la droga
se convierte en una salvación, tal vez del síndrome de abstinencia.
Metonimia: Consiste en presentar dos términos como idénticos a base de las
semejanzas interiores. En el estilo coloquial utilizamos la metonimia sobre todo
para otorgar el efecto humorístico, a menudo con el matiz despectivo: comecocos
(televisión), cuatrojos (persona que lleva gafas), o simplemente para ser original,
introducir una palabra o expresión nueva: rellenar la uve (fumar), rubia (cerveza),
con la intención encubridora: hierro (1. pistola 2. palanqueta), cuatro sábanas (cigarrillo de hachís).
6 La presencia de los otros procedimientos de la creación semántica: la ampliación y el estrechamiento del significado es muy escasa en el argot.
301
Creación onomatopéyica
A diferencia de la creación morfológica y sintagmática, donde la formación de
palabras nuevas se apoya en palabras ya existentes, la creación onomatopéyica
estriba en la imitación de sonidos que luego pueden convertirse en un sustantivo:
¡yuyu! «grito de júbilo» → yuyu «cópula sexual», puede servir de base para otras
palabras derivadas: fu «bufito del gato cuando huye» → afufar «huir» o entra en
relaciones sintagmáticas con otras palabras para formar unidades fraseológicas:
ñaca ñaca «sonido que imita el sonido repetitivo del acto sexual» → hacer ñaca
ñaca «fornicar». Para darle más expresividad, la onomatopeya puede reduplicarse:
ñaca ñaca, al tuntún, gagá, yuyú, etc.
Las palabras onomatopéyicas o con la base onomatopéyica tienen la ventaja
de poseer expresividad inherente que les confieren las series de sonidos escogidos
precisamente para imitar el sonido en cuestión.
Ejemplos: gagá (persona de edad que ha perdido parte de de su capacidad
mental; reproduce los sonidos que emiten los bebés), gorigori (bullicio, alboroto),
tiroliro (musiquilla de poca calidad).
Uno de los procedimientos de enriquecimiento del vocabulario argótico son también préstamos de palabras extranjeras que quedan fuera de nuestro enfoque.7
Neologismos en algunos de los sociolectos
Al final del artículo ofrecemos una muestra del vocabulario de varios grupos determinados de personas centrándonos en palabras y expresiones que denominan
realidades, objetos y fenómenos relativamente modernos.
Delincuencia: currar a la americana (procedimiento de robo consistente en
aproximarse a la víctima que se encuentra en la ventanilla del banco contando
el dinero que acaba de recibir del cajero, y en hacerle creer que se le ha caído
un billete – que previamente se ha tirado –, posteriormente, el ladrón aprovechael
momento cuando la víctima se agacha para apoderarse de un manojo de los billetes,
depositados en la ventanilla), zumbar (robar coches), alucinaje (método de robo
novedoso consistente en lanzar un coche a toda velocidad contra el escaparate de un
establecimiento o tienda para poder entrar a robar), pirante (coche rápido que se
emplea para huir después de haber cometido un delito), plástico quemado (tarjeta
de crédito empleada después de haberla robado)
Prostitución: copera, güisquera (mujer que obtiene cierto porcentaje de las consumiciones de los clientes del club nocturno), güisquería (bar de alterne), colgel/call
girl (prostituta que acude a una cita concertada mediante el teléfono; del inglés
call girl ), chapero (hombre que se prostituye con homosexuales), cuadro/dúplex
(espectáculo lésbico entre dos prostitutas, para que los clientes observen y, a veces,
tomen parte), tailandés/thai (masaje erótico).
Homosexuales: minigay (joven gay que acaba de llegar en la comunidad homosexual), salir del armario (asumir y decir a los amigos y personas próximas la
orientación sexual, en concreto la homosexualidad), auting/outing (denuncia pública de que una persona es homosexual, sin haber obtenido su consentimiento para
7 Véase,
302
Ulašin, B., «Préstamos en el argot español», en: Studia Romanistica 6, págs. 117–129.
desvelar esta información). Camioneros: ancha (autopista), estrecha (carretera nacional), cajita de música (radar), copiar (comunicar, hablar un camionero con otro
por la emisora de radio), oreja (persona que escucha una conversación radiofónica),
pincho (antena de la emisora radiofónica).
Médicos: neo (neoplasia), óligo (oligofrenia), oto (otorrinolaringología), afilar el
pito (operar de fimosis).
Drogadictos: gena (sustancia empleada para adulterar la droga), sputnik (hachís
de excelente calidad, confeccionado con el primer tamizado del cannabis; del ruso
sputnik «satélite»), redpoint (marihuana de Colombia; del inglés), redrock (heroína
de gran calidad; del inglés), sugar brown (heroína marrón; del inglés), drope (LSD
con forma de gota; del inglés drop «gota»), secante (gota de dietilamina del LSD
colocada en papel secante), blujeven (narcóticos de efectos hipnóticos y sedantes;
del inglés: blue «azul» y heaven «cielo»).
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Ulašin, B.: «Préstamos en el argot español», en: Studia Romanistica 6. FF Ostravská univerzita, Ostrava, 2006, págs. 117–129.
303
Realidad moderna y su reflejo en el argot del español europeo
Resumen
En el léxico del argot español aparecen cada día nuevas palabras y expresiones,
muchas de ellas de creación espontánea, conocidas dentro de un grupo limitado.
Detrás de esta creación revelamos la intención de designar los referentes específicos
con los que los hablantes entran en contacto a menudo y forman parte importante
de su vida (p. ej.: drogadictos – drogas, etc.). En cuanto a los procesos de formación
de palabras nuevas, podemos decir que el argot utiliza los mismos recursos que la
lengua normativa: de procesos transformativos es más frecuente la derivación, seguida por la composición y acortamiento, abundan también creaciones sintagmáticas
(que crean sintagmas fijos) y semánticas (uso de metáfora y metonimia). Su campo
operatorio se enfoca ante todo en la creación de su propio vocabulario. La necesidad de formar el propio vocabulario estriba sobre todo en la función básica de la
lengua – en función comunicativa, En segundo plano podemos encontrar también
la función cómica, críptica y de identificación con el grupo.
Modern Reality and Its Reflection in European Spanish Slang
Summary
Every day new words and expressions appear in the Spanish slang vocabulary,
many of them as a product of spontaneous creation, known only to a limited group
of people. Behind this creation we can see the intention to put a name to specific
referents with which the speakers are in contact frequently or which form part of
their lives (e.g.: drug addicts – drugs). As far as the word-forming processes are
concerned, slang makes use of the same means as the standard language does: apart
from morphological processes, with derivation as the most frequent means of morphological formation, followed by composition and clipping, the slang is also rich
in multi-word formation (creation of fixed syntagms) and semantic shifts (use of
metaphor and metonymy). The necessity of forming new vocabulary corresponds
mainly to the basic function of the language – its communicative function; nevertheless, we can also find motivations nothing from the comic function, the cryptic
function or the group identification function.
Bohdan Ulašin
Katedra romanistiky
Filozofická fakulta
Univerzity Komenského v Bratislave
Gondova 2
818 01 Bratislava
Eslovaquia
[email protected]
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ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Le « politiquement correct », la langue de bois –
des langues « étrangères » à traduire ?
Jitka Uvírová
Introduction
Nous vivons à l’époque du « paraı̂tre », du prêt-à-parler, du prêt-à-penser. On
rejette le monde concret dans le domaine du « non-dicible », on le désigne d’une
façon abstraite, dématérialisée. Pourtant, les mots ne remplacent pas les choses, les
constructions intellectuelles sont souvent détachées du réel.
La situation confuse, totalement bloquée, absurde, voire kafkaı̈enne, apparemment sans issue, que nous avons vécue pendant plusieurs mois après les élections au
Parlement tchèque qui est resté paralysé, incapable d’agir, nous a inspiré quelques
questions. Le discours politique ou médiatique « typique » de nos jours est-il direct,
vrai, juste, politiquement correct au meilleur sens du terme, ou adoucissant, euphémisant, litotomaniaque, voire édulcoré ? Ou bien serait-il même volontairement
trompeur, mensonger, hypocrite, sans scrupules ? Est-il normal que le vaincu des
élections se présente comme « deuxième vainqueur » comme c’était le cas sur la
scène politique tchèque ? La situation en France, pays où la tradition démocratique
est profondément ancrée, est-elle comparable au triste état des choses dans notre
pays? Pour trouver des éléments de réponse, nous avons feuilleté quelques journaux
et hebdomadaires français et nous avons « tendu » l’oreille en écoutant la radio et
en regardant la télévision.
Le « politiquement correct »
Le terme « politiquement correct » apparaı̂t dans la deuxième moitié du XXe
siècle, dans le monde anglo-saxon, plus précisément à l’Université du Michigan,
sous la forme d’un code de bonne conduite qui sanctionne tout comportement
verbal ou physique discriminant un individu en raison de sa race, sa couleur de
305
peau, son ethnie, son genre (sexe), son orientation sexuelle et son statut conjugal.1
Cette vision des choses est, à notre sens, parfois un peu éloignée de la mentalité
européenne.2 Le politiquement correct quitte rapidement le milieu universitaire.
La collocation qualifie en fait la rectitude de l’expression ; il s’agit de s’exprimer
sur la politique ou en politique de façon acceptable, de dire les choses de manière
convenable. Le politiquement correct écarte certains sujets ainsi que l’emploi de
certains termes. Par extension, le politiquement correct est « ce qu’il faut dire ».
On écarte toutes les locutions discriminantes, « stigmatisantes » ou susceptibles
de porter atteinte à la dignité d’autrui ainsi que tout ce qui pourrait être jugé
« sexiste ». Rappelons qu’Amnesty International a décidé de remplacer l’expression
Droits de l’Homme par Droits humains. Le politiquement correct préfère des termes
abstraits – ceux-ci donneraient plus de dignité à chaque individu. Le langage ne
risque-t-il pas ainsi de s’appauvrir, de devenir stérile, aseptisé et sans « saveur » ?
Le succès du politiquement correct reposerait-il en partie sur son apparente objectivité scientifique car les termes qui lui sont propres auraient l’apparence d’une
description neutre ?
Du point de vue formel, rappelons la règle «pas de trait d’union» – «no hyphen».
Il est politiquement correct d’écrire African American et non African-American
pour désigner un afro-américain3.
Un regard peut-il être politiquement incorrect ? Le mieux est de prêcher par
l’exemple : à en juger selon l’expérience de ma collègue qui enseigne à l’Université
de Provence devant un public multiculturel, la réponse serait oui. Dans ses cours
de T. P. elle fait très attention à ne pas laisser son regard posé trop longtemps
sur une même personne dans l’auditoire, ou, au contraire, à ne pas « bouder » visuellement un étudiant. Dans les deux cas, paraı̂t-il, elle pourrait être soupçonnée
de ne pas être impartiale et « d’être sur le dos » de la personne trop ou peu regardée. De nature vive et gaie, ma collègue aimait pimenter son discours par des
blagues ; or, elle a dû cesser d’en faire dans ses cours, risquant une interprétation
erronée et politiquement incorrecte. Au Canada, le psychologue Janel Gauthier4
insiste aussi sur la nécessité d’aborder la question de la rectitude politique dans le
milieu universitaire : « Plusieurs universitaires se sentent de plus en plus limités
dans ce qu’ils peuvent dire, écrire ou faire et pensent que certains groupes raciaux
ou minoritaires imposent aux autres, lentement mais sûrement, ce qu’ils peuvent
1 Le langage politiquement correct avait pour but, à ses débuts, d’éviter l’utilisation de termes
injurieux ou rétrogrades dans le débat public, notamment à l’égard des groupes et minorités de
toutes natures. Les termes jugés inadmissibles ont été gommés, des périphrases euphémisantes
sont apparues.
2 Récemment, j’ai participé à la rédaction d’une convention de coopération entre notre établissement et une université au Québec. Contrairement à ce qui est usuel dans le cadre européen, on
a dû rajouter un article « canadien », « politiquement correct » stipulant l’engagement des deux
parties contractantes de respecter la politique d’égalité des chances face à l’emploi, d’éviter la
discrimination en raison de la race, couleur de la peau, confession, sexe, orientation sexuelle, âge,
nationalité, état civil, handicap physique ou mental.
3 Voir l’article de Ota Ulč « Hlavně to neříct přímočaře », Mladá fronta Dnes du 16/07 2005,
p. E IV et les réactions à cet article in Mladá fronta Dnes du 30/07 2005, p. E IV.
4 Janel Gauthier, École de psychologie, Université Laval, Québec. Parmi ses intérêts : thérapies
comportementales et cognitives, développement de l’estime de soi, intelligence émotionnelle. Il a
édité un numéro spécial de la revue Psychologie canadienne entièrement consacré à la rectitude
politique en milieu universitaire. Il y a treize articles couvrant tous les aspects de la question.
306
dire. Pour eux, la rectitude politique est une nouvelle forme de censure et de coercition et, en conséquence, une menace à l’excellence scolaire et à la liberté de
l’enseignement. . . »5
Il existe plusieurs « politiquement corrects » ; les opposants du politiquement
correct « classique » le critiquent en tant qu’ écart entre penser et dire, en tant que
dédoublement schizophrénique. Selon eux, le politiquement correct est au contraire
le parler franc, direct. Dans cette optique, on perçoit le terme comme quelque chose
de clairement positif. La démarche peut se montrer dangereuse; le discours lepéniste
du Front national a en partie construit son succès – parfois plutôt surprenant pour
un «non-hexagonal», sur une rhétorique du «langage vrai», direct. Il y a beaucoup
d’électeurs en France qui, conscients de ce qui est politiquement correct, n’osent
pas déclarer ouvertement leur soutien au Front national, tout en votant pour le
parti lepéniste.
La francophonie internationale, par l’intermédiaire du franco-québécois, propose encore le terme de « rectitude politique6 » pour le « politically correct » anglo-américain. Au Canada, on développe également le concept de rectitude politique
en management. Le mot-clé en est le vocable « changement », suffisamment large
de sens pour « couvrir » toutes les mesures douloureuses accompagnant les phénomènes de licenciement (reconfiguration, aplatissement des effectifs), fermeture
(délocalisation) etc.
Parmi les antécédents du politiquement correct, il faut mentionner la langue
de bois. Ce langage est apparu dans le contexte de la propagande politique. La
métaphore russe « langue de chêne » servait à se moquer de la bureaucratie tsarine.
Avec le courant bolchévique, elle est devenue « langue de bois ».7 Ayant passé une
longue période de leur vie sous le régime communiste, les Tchèques connaissent
bien cet assemblage de formules et phrases toutes faites, répétitives à volonté,
vides de sens, qui diminuent considérablement la capacité de pensée8 . L’abolition
du régime communiste en 1989 n’a rien changé – ce dont prennent acte les deux
volumes du dictionnaire commenté Slovník floskulí de Vladimír Just9 . « A force
de trop regarder la télé, à force de trop écouter la radio, à force de trop lire les
journaux, magazines et livres, j’ai absorbé une telle quantité de ‘smog verbal’ qu’il
faut absolument que ça sorte – sinon je risque d’étouffer de ces poisons. Voilà
pourquoi je me suis lancé, [. . . ] à concevoir ce Dictionnaire de floscules »,10 écrit
V. Just dans la postface de son ouvrage. Le premier volume offre 160 exemples
5 Cité par Hamann, J., « Politiquement incorrect ? »,
http://www.scom.ulaval.ca/Au.fil.des.evenements/1998/06.11/politique.html.
6 http://agora.qc.ca/mot.nsf/Dossiers/Rectitude politique-42k.
7 Les Polonais ont consacré deux colloques au sujet de la langue de bois – en 1978 à Varsovie,
en 1981 à Cracovie.
8 A ce sujet, voir Fidelius, P., L’esprit post-totalitaire, précédé de « Devant le bien et le mal »
par André Glucksmann, Éditions Grasset-Fasquelle, 1986, Fidelius, P., Řeč komunistické moci,
Triáda Praha, 1998, Uvírová, J., « Réflexion sur quelque mots/concepts qui ont marqué la vie des
Tchèques entre 1948 et 2003 », in : Bartol, D. – Grégore, H.-Cl. (dir.), Dictionnaire des notions
politiques et sociales des pays d’Europe centrale et orientale, Langues et sociétés d’Europe, Atilf,
Nancy 2005, pp. 310–318.
9 Journaliste, critique et théâtrologue tchèque.
10 La langue tchèque emploie le mot « floskule » – du latin flōsculus, ı̄, m., dimin.de flōs, flōris,
m., fleur pour ces modismes, clichés, psittacismes, collocations à la mode, souvent vides de sens,
typiques pour le « newspeak d’après-novembre » (1989). Traduction de la citation : J.Uvírová.
307
commentés, le second, paru en 2005, en rajoute une soixantaine. Just prétend que
ses exemples sont « des mots qui font du théàtre ou de la reality show tout en
affirmant : Nous, c’est de la réalité. » Le langage « politiquement correct » présente
sans doute aussi certains traits d’une « novlangue » orwellienne.
Dérapages verbaux ou discours dit « direct » ?
M. Nicolas Sarkozy est souvent dans le collimateur des journalistes à cause de ses
propos «directs», jugés trop musclés. Après la mort de Sidi Ahmed Hammache, tué
en 2005 par balle alors qu’il nettoyait la voiture de son père mécanicien, le ministre
de l’intérieur s’est rendu dans la Cité des 4 000 à la Courneuve. Devant une foule
rassemblée au pied de l’immeuble où le petit Sidi a trouvé la mort, Nicolas Sarkozy
a promis : « les voyous vont disparaı̂tre, je mettrai les effectifs qu’il faut mais on
nettoiera la Cité des 4 000 au Karcher.11 » Le verbe «nettoyer» a choqué, les propos
du ministre ont soulevé de vives critiques et commentaires. On a fait remarquer
que c’était plutôt la cité délabrée au sens matériel qui méritait d’être nettoyée,
vu l’état de crasse dans lequel elle se trouvait. On reproche à Nicolas Sarkozy de
droitiser son discours pour attirer l’électorat lepéniste du Front national. Citons
quelques titres de journaux. Le nettoyage de la Courneuve suscite l’émoi – titre
le Monde du 23 juin 2005. Délinquance : Sarkozy annonce qu’il va « nettoyer »
les banlieues, annonce la « une » du Canard enchaı̂né ajoutant avec ironie : Et
l’Elysée ? Le « nettoyage » selon Sarkozy crie L’Humanité qui dénonce la méthode
du ministre de l’Intérieur alliant la démagogie, le populisme et la brutalité. Le
journal dénonce le « sarkoshow » – une médiatisation outrancière et omniprésente,
basée sur l’exploitation politique de faits divers.
En octobre 2005, Nicolas Sarkozy s’exprimait à la suite d’échauffourées à Argenteuil. Il aurait dit, en réponse à une habitante de la cité : Vous en avez assez de
cette bande de racailles ? Eh bien on va vous en débarrasser. Le mot « racailles »
a soulevé un débat agité. En France, on considère que le vocable aurait déclenché,
ainsi que l’expression « nettoyer la cité au karcher », les émeutes dans les banlieues en novembre 2005. D’un autre côté, il faut dire que beaucoup de gens se sont
exprimés contre la censure du terme racaille.12
Le champ sémantique du mot racaille13 implique violence, bagarre, dégradation
matérielle (incendies de poubelles, de voitures et de magasins), caillassage des forces
de l’ordre. L’étymologie de ce mot n’est pas très claire. Pour Albert Dauzat, il s’agit
d’un terme normand, issu d’un mot non attesté rasquet, racler, du latin populaire
rasicare, gratter, de radere, raser. Auguste Brachet s’appuie sur le diminutif du
radical rac qui est d’origine germanique et dont on trouve une trace dans le vieil
anglais rack utilisé pour désigner un chien. Racaille serait un mot formé sur le
même principe que canaille qui dérive indirectement du latin canis et que l’on
propose souvent comme synonyme.
11 Karcher ou kärcher, nm. – appareil de nettoyage qui projette de l’eau à très forte pression. Nom
déposé. Notons aussi la naissance du verbe « karchériser » : karchériser l’histoire, faire karchériser
son porte-monnaie, karchériser la presse.
12 J.-M. Le Pen a repris le mot en parlant de la « racaille politicienne » (le 15/03 2007 à Paris) ;
sur le Web, on trouve une véritable explosion de phrases du type « Racaille de Science Po à
karchériser », « Comment karchériser la racaille pachyderme de la 5e république » etc.).
13 http://fr.wikipedia.org/wiki/Racaille.
308
A partir de la seconde moitié du XXe siècle, le mot est plutôt employé au
pluriel – les racailles. Dans les années 90 du XXe siècle, le mot entre dans la
culture jeune. Il est utilisé par les groupes rap. Son équivalent verlan est «caillera»,
« kaillera ».14
Un sous-festival en Languedoc-Roussillon ?
Le « politiquement incorrect » peut briser une carrière politique. Dont acte l’affaire
Georges Frêche en France et l’affaire Buttiglione à l’échelle européenne.
Le 11 février 2006, le président du Languedoc-Roussillon, M. Georges Frêche,
homme politique du Parti socialiste, a publiquement insulté un groupe de harkis15
en les traitant de «cocus», d’hommes sans honneur et de «sous-hommes», lors d’une
cérémonie publique. En réaction à de nombreuses protestations, la Commission des
conflits du Parti Socialiste s’est réunie le 19 mai 2006 pour entendre les explications
de l’auteur de cette phrase. Ce dernier a finalement été sanctionné par la suspension
temporaire de toute délégation. Le collectif national Justice pour les Harkis s’est
dit « indigné et choqué par la faiblesse de la sanction ». Le Canard enchaı̂né du
24 mai 2006 (p. 8), réagit en parlant ironiquement d’un sous-festival de Radio
France à Montpellier. Pour cause de tournage, Gérard Depardieu a annulé la lecture
des « Confessions » de Saint-Augustin qu’il devait assurer dans le cadre du festival
montpelliérain. De ce fait, le festival est tombé dans la catégorie « sous-festival ».
L’Italien Rocco Buttigiloni a gâché sa carrière au Parlement européen, dans la
commission Barroso. Comme il était philosophe catholique et proche du pape, certains doutaient à l’avance de ses capacités à combattre les discriminations, surtout
celles visant les femmes et les homosexuels. Ses propos16 devant la Commission du
Parlement européen n’ont pas convaincu les députés. Pour la première fois depuis
la création de la procédure des auditions préalables, une commission (la commission des libertés) a émis un avis défavorable et a désapprouvé la nomination de
M. Buttiglione.
Y a-t-il des sigles à éviter ?
Les sigles, comme chacun le sait, nous facilitent considérablement la vie. Il sont
une démonstration parfaite de l’économie de la langue. On peut s’en servir aussi
pour porter un jugement dépréciatif sur un adversaire politique – si Libération
titre L.E.P.E.N., en cinq lettres, la force de frappe de ce sigle artificiellement créé
14 Voir Goudaillier, J.-P. : Comment tu tchatches !, Maisonneuve et Larose, 1998, p. 73 : « un
des termes employés, entre autres, par les jeunes des cités pour se désigner eux-mêmes. D’autres
synonymes : caille, lascar, scarla. »
15 Militaire algérien qui combattait comme supplétif dans l’armée française pendant la guerre
d’Algérie. Mot arabe.
16 Rocco Buttiglione s’est exprimé en anglais le 5 octobre 2004. Voici ses paroles traduites en
français : « Je peux bien penser que l’homosexualité est un péché et cela n’a aucun effet sur la
politique à moins que je ne considère cela comme une infraction pénale. [. . . ] Personne ne doit
être discriminé sur la base de son orientation sexuelle ou son identité de genre. C’est stipulé
dans la Charte des Droits fondamentaux, c’est stipulé dans la Constitution et je me suis engagé
à défendre cette constitution. » Malheureusement, le terme anglais « male » (de sexe masculin)
a été traduit par « mâle » en français, ce qui a renforcé le caractère « machiste » du propos de
Rocco Buttiglione.
309
qui n’en n’est pas un, accompagné du supplément dont tout le monde connaı̂t le
sens en dit davantage qu’un article entier. Mais il y a aussi des sigles politiquement incorrects, dont il est vivement déconseillé de se servir. Le sigle BBR veut
dire bleu-blanc-rouge. Ce sigle « tricolore » BBR peut néanmoins, dans certaines
circonstances, désigner un Français « de souche ». En mai 2006, SOS Racisme a
poursuivi, devant le tribunal de grande instance de Paris, les sociétés Districom
et Adecco. Celles-ci auraient pratiqué un recrutement discriminatoire17 . Les intérimaires étaient fichés en fonction de leur origine ethnique, notamment avec le code
BBR – pour éviter d’autres remarques jugées incorrectes. La société Garnier, elle,
aurait demandé des représentantes et animatrices blanches. La directrice générale
adjointe de Districom a déclaré que dans son esprit, « BBR n’avait pas une connotation raciste. Ce que j’ai voulu dire, c’est un personnel qui parle bien français. »
Noir, c’est noir, titre Le Figaro du 23 juin 2006, (p. 13). L’article parle de la
« négritude » de l’équipe de foot de France qui est devenue un tabou absolu bien
que tout le monde en discutât. On disait, avec ironie, que Togo-France était le
seul derby africain de la Coupe du monde. Mais on ne rit pas avec les minorités
visibles, bien qu’elles soient majoritaires, comme c’est ici le cas. Le philosophe Alain
Finkielkraut a laissé échapper quelques réflexions imprudentes sur l’équipe de foot
en la traitant de black-black-black.18 Plus tard, Alain Finkielkraut s’est excusé en
s’expliquant quant à son ironie à l’égard de l’équipe de France. « Là, je me suis
abandonné à une blague. » Une nouvelle déclaration choc de G. Frêche dans les
colonnes du Midi-Libre portant sur la couleur de peau des footballeurs de l’équipe
de France (« Dans cette équipe, il y a neuf blacks sur onze. La normalité serait qu’il
y en ait trois ou quatre. Ce serait le reflet de la société. ») lui a valu l’exclusion
du Parti socialiste en janvier 2007. Bref, quant on « s’oublie », ça peut se payer
cher. Au Canada, Jacques Parizeau a déclaré, le soir du référendum, que le vote
ethnique était en partie responsable de l’échec du camp du « oui ». Lors d’une table
ronde portant sur le thème de la rectitude politique19 , le romancier québécois Neil
Bissoondath l’avait critiqué à cause de ces propos racistes, disant qu’il avait ainsi
perdu toute crédibilité à ses yeux.
L’image politiquement correcte : recadrage, caviardage,
maquillage, gommage, amputation
On sait que le régime communiste n’hésitait pas à faire disparaı̂tre des photos
officielles les anciens dirigeants politiques tombés en disgrâce. Il s’agit d’un truquage
qui existe toujours. Accidentellement, l’hebdomadaire tchèque INSTINKT publie
dans son numéro 33 paru le 17 août 2006, un article intitulé « N’en croyez pas vos
propres yeux ». Son auteur, Ondřej Bílek, rappelle les « malheurs Reuters ». De
quoi s’agit-il ? Le photographe libanais, collaborateur de longue date de l’agence de
17 L’affaire remonte à 2000 et concernait le recrutement d’animatrices pour des opérations promotionnelles de produits capillaires de la gamme Fructis, dans des grandes surfaces de la région
parisienne. Ce procès était une première concernant un grand groupe. Le « BBR » n’a pas été
finalement sanctionné, les laboratoires Garnier et la société Adecco ont été relaxés par la justice.
18 « On nous dit que l’équipe de France est black-blanc-beur. . . En fait, aujourd’hui, elle est
black-black-black, ce qui fait ricaner toute l’Europe. »
19 La discussion réunissait également Bernard Arcand et André Comte-Sponville, philosophe et
maı̂tre de conférence à la Sorbonne. Elle était animée par le journaliste Laurent Laplante.
310
presse citée, a intensifié par truquage la fumée sur une photo de guerre. Il est allé
encore plus loin en «clonant» et en rajoutant un bâtiment dans le but d’augmenter
la charge émotionnelle de la photo. La crédibilité de l’agence a souffert, le tricheur
a perdu son poste chez Reuters.
En Tchécoslovaquie, sous le régime communiste, on était fort expérimenté dans
ce type de truquage. Suivant les changements politiques, certains personnages apparaissaient sur des photos aux temps de leur gloire politique pour disparaı̂tre après
être tombés en disgrâce. Ainsi, avec le temps, Rudolf Slánský s’est « évaporé » de la
célèbre photo avec Klement Gottwald. On a augmenté la densité de la foule en liesse
au-dessous du président Zápotocký saluant les masses exultantes en 1953. Autre
photo : le baiser entre Antonín Novotný et Nikita Khrouchtchev est observé par
Rudolf Barák, tout souriant. Plus tard, après son arrestation, Barák a disparu de la
photo. Un observateur attentif trouve même des retouches amusantes, mal faites.
Ainsi, sur la tribune du Kremlin, on compte plus de chapeaux que de têtes-supports
dans l’entourage de Staline.
Le Figaro du 18 mai 2006 a consacré un article au banquier japonais Schoichi
Osada, grand ami de Jacques Chirac et de la France. Le banquier est aussi le fondateur de Tokyo Sowa Bank, établissement qui aurait hébergé un compte plutôt
discret de Jaques Chirac. Lien proclamé à plusieurs reprises, devenu encombrant
avec le temps. En 2003, M. Osada a été en fait condamné à trois ans de prison avec
sursis. Le Figaro lui a consacré en tête de page une grande photo. Le banquier nippon pose en solitaire devant les dorures du Palais de l’Elysée. Le Canard enchaı̂né,
investigateur comme à son habitude, s’est procuré auprès de l’AFP la photo originale. Surprise : celle-ci, réalisée en 1996, montre Jacques Chirac serrant la main
de son ami banquier nippon. Vu les circonstances, le Figaro a voulu éviter ce rapprochement politiquement gênant pour le Président de la République. Ce dernier
a donc disparu de la photo. Questionné à ce sujet, le directeur de la rédaction du
journal a précisé que la photo a été « recadrée »20 , elle n’a été ni modifiée, ni truquée, ni retouchée. Pour être clair : le Figaro a noirci M. Chirac. « C’est nouveau,
remarque ironiquement Alain Guédé du Canard enchaı̂né. Jusqu’à présent, il (le
Figaro) avait plutôt tendance à le blanchir. » La photo, en partie caviardée21 , est
devenue politiquement correcte. Et l’hebdomadaire le Canard enchaı̂né, lui, a pu
titrer avec un malin plaisir : « Le Figaro a déjà enterré Jacques Chirac. »
La perception de ce que je lis ou ce que j’entends peut être influencée par ce
que je vois. Analysant le discours très attendu de Jacques Chirac réagissant sur les
émeutes dans les banlieues sensibles, la « une » de Libération du 15 novembre 2005
titre : « Banlieues : Chirac chausse ses lunettes. » Le chef de l’État s’est décidé
le 6 novembre, en plein coeur de la crise des banlieues, à s’adresser aux Français
depuis le petit écran. Il a prononcé son discours avec des lunettes à la place des
lentilles de contact qu’il porte habituellement. Le fait de mettre ses lunettes l’a-t-il
rendu plus sérieux, plus soucieux des maux du chômage et de l’insécurité ? A en
juger selon la réaction des Français, la réponse serait plutôt oui. Les déclarations
du président portant sur la fracture banlieusarde ont sonné « plus grave », m’a-t-on
20 Recadrer – changer le cadrage d’une photo, d’une prise de vue. Cadrer – placer un sujet dans
le champ d’un appareil photo, d’une caméra etc.
21 Caviarder – cacher, noircir un passage d’un texte censuré.
311
dit. Les images sont donc des « textes » aussi. Elles complètent le texte même et
influencent sa perception.
Le plombier polonais – mythe et réalité européens
La collocation « plombier polonais » a fait florès en France, surtout au printemps
2005. Par la suite, le fameux plombier polonais – polski hydraulik en polonais – est
devenu une figure quasi mythique de l’Europe unie et élargie. Philippe de Villiers
s’exprimant sur la directive Bolkestein22 a dit que celle-ci « permet à un plombier
polonais ou à un architecte estonien de proposer ses services en France, au salaire et
avec les règles de protection sociale de leur pays d’origine. » Et M. De Villiers d’ajouter que 11 millions de personnes actives dans les services et un million d’emplois
sont menacés par cette directive.
Tandis que l’architecte estonien est resté purement virtuel, le plombier polonais
a pris une forme bien concrète en chair et os grâce à la campagne publicitaire lancée
par l’Office de tourisme de Pologne. Sur l’affiche en question, on voit un plombier –
mannequin attirant, musclé qui dit Je reste en Pologne. Venez nombreux. Il existe
en fait deux versions de cette affiche. La deuxième est accompagnée du texte modifié – par souci de politiquement correct ( ?) – Bienvenue en Pologne. Le succès
de la pub a été immédiat, le tapage médiatique immense et inattendu. Laurent
Ruquier a invité le mannequin modèle23 sur le plateau de son émission « On a tout
essayé ». La communauté gay s’est approprié cette image qui, comme le constate
Paris-Match, est devenue « en quelques jours une icône sexy et adulée. » Bref,
« les Polonais ont l’art du contre-pied », constate Paris-Match24 dans son article
titré « Les Français ne veulent pas du plombier polonais, mais sont les premiers
investisseurs à Varsovie ».
Gaffes, lapsus (révélateurs), petites phrases
(in)volontairement drôles
Dans le feu de l’action, un homme politique lâche parfois, à la grande joie des journalistes, un mot qui est vivement commenté après. Les exemples sont nombreux.
Avant les élections législatives en 1985, un débat télévisuel houleux et agité oppose Jacques Chirac à Laurent Fabius. Enervé par la gestuelle et les réactions de
M. Fabius, Jacques Chirac lui lance soudain :« Soyez gentil de me laisser parler et
cessez de m’interrompre tout le temps, un peu comme un roquet. » La réponse de
Laurent Fabius (« Vous parlez au Premier ministre de la France »), elle aussi, est
entrée dans les annales. Il existe, sur Internet, une collection de « chiraquismes »,
sans doute involontaires dans la plupart des cas. Citons-en quelques-uns. En visite
à Saint-Pétersbourg, le président a lancé : Vous, les Soviétiques. . . Cette belle ville
de Léningrad. . . Aux ambassadeurs rassemblés, il aurait donné le conseil suivant :
22 Frits Bolkestein, membre de la Commission européenne : son portefeuille comprend Marché
intérieur, Fiscalité et Union douanière. Il est l’auteur de la directive européenne libéralisant les
services. Il a expliqué à la presse française qu’il ne trouvait pas de plombier pour sa résidence de
campagne dans le village de Ramousies et qu’il trouvait amusant que, grâce à sa propre directive,
il pourrait faire appel à un plombier polonais.
23 Piotr Adamski.
24 Paris-Match No 2 927, 22 juin 2005, p. 51.
312
Portez des couleurs plus vives, faites-vous sponsoriser par les grands couturiers,
soyez bronzés, n’ayez pas l’air de cadavres.
A propos de son épouse Bernadette, M. Chirac a constaté : Ma femme est
un homme politique. En 1996, lors de l’inauguration de la bibliothèque François
Mitterrand, assistant à une démonstration d’informatique, il aurait posé à son
ministre de la Culture de l’époque, Jacques Toubon, la question : La souris, qu’est-ce que c’est ?25 Le combat politique est cruel et sans répit. Il n’y a pas de place
pour deux crocodiles dans le même marigot, rajoute M. Chirac. Tandis qu’une
maladresse commise par un anonyme passe inaperçue, quand on est chef d’Etat,
c’est autre chose. (Un chef, c’est fait pour cheffer, selon les propres paroles de
M. Chirac). Le Monde du 20 mai 2006 et Le Canard enchaı̂né du 24 mai 2006
(p. 2) ont rapporté plusieurs propos de « l’humoriste de l’Elysée ». En visite dans la
gare Montparnasse, promue « gare laboratoire de l’accessibilité » aux handicapés,
M. Chirac s’est fait remarquer par plusieurs propos plutôt maladroits. Je suis très
heureux de vous voir, a-t-il lancé à un aveugle. Ensuite, il a encouragé la présidente
de l’Association des personnes de petite taille à « faire remonter les informations
au plus haut niveau ». Et pour couronner sa prestation politiquement correcte, il
a chaleureusement proposé à un paralysé se déplaçant dans un fauteuil roulant de
« prendre l’escalier » avec lui. On comprend mieux la petite phrase critique du chef
de l’Etat à propos des journalistes : On ferait mieux de parler moins de la vache
folle et plus de la presse folle.
En France, on organise le Prix de l’humour politique. En 2004, était nominé par
exemple Jean-Louis Debré, président de l’assemblée nationale; après la réception de
la délégation des Jeux olympiques, il a déclaré: A l’Assemblée on s’occupe des J. O.
et on laisse les Jeux para-olympiques au Sénat. Valéry-Giscard d’Estaing, parlant
du projet de Constitution européenne, a fait preuve d’une modestie extraordinaire
en déclarant : C’est un texte facilement lisible, limpide et assez joliment écrit :
je le dis d’autant plus aisément que c’est moi qui l’ai rédigé. Dans le milieu de
l’Education nationale, on a apprécié le conseil encourageant de Claude Allègre : Il
faut dégraisser le mammouth. Robert Hue, ancien secrétaire du Parti communiste, a
osé ce pronostic du genre science-fiction : Si Bush et Thatcher avaient eu un enfant
ensemble, ils l’auraient appelé Sarkozy. Jean-Pierre Raffarin a enrichi le recueil de
ses «raffarinades» par cette découverte: Les veuves vivent plus longtemps que leurs
conjoints. Le lauréat du prix 2004, M. Debré, a été récompensé pour sa déclaration
politico-géographique à propos de la Corse : Je n’imagine pas un instant cette ı̂le
séparée du continent. Comparons le vainqueur 2004 avec celui de 2005 : le prix a été
décerné à Nicolas Sarkozy pour sa déclaration Je ne suis candidat à rien, prononcée
lors de la campagne référendaire sur la Constitution européenne.26 La déclaration –
« ultra-centriste » de François Bayrou au premier tour des présidentielles 2007 « Il
y a de la gauche, de la droite et du centre en moi » n’a pas assuré le succès du
présidentiable.
On dit que les lapsus politiques prolifèrent surtout en période de fortes turbulences. Le lapsus est inconscient, il peut manifester un désir, une crainte cachée,
25 Les Guignols de l’Info sur Canal + ont repris l’histoire en présentant un Chirac qui ne savait
pas ce qu’était une souris et bientôt l’appelait le mulot. Aujourd’hui, il existe une société qui
enseigne l’utilisation de l’ordinateur et d’Internet ; elle a choisi comme nom « Mulot Déclic ».
26 Voir par exemple : http://questionnaire.linternaute.com/fiche/2055/23/index.html.
313
etc27 . Dominique de Villepin en a fourni l’exemple par excellence en mars 2006, en
plein débat autour du CPE, dans une réponse à François Hollande, chef de file des
socialistes, lors de la séance des questions d’actualité à l’Assemblée. Evoquant le
verdict très attendu du Conseil constitutionnel sur le CPE, il a déclaré : Attendons
le conseil constitutionnel qui prendra sa démission demain. Dans un magnifique
lapsus, il a confondu les mots démission et décision. Bien que le service de presse
du chef du gouvernement ait aussitôt envoyé dans les rédactions un texte écrit de
la réponse corrigée, le lapsus a été largement commenté et analysé dans la presse.28
Conclusion
Pour conclure, nous dirions que le « politiquement correct » est un phénomène complexe, psycho-linguistico-social. Le politiquement correct aspire à rendre le monde
plus vivable, il propose ou plutôt impose une vision des choses rassurante. Les
mots ne sont plus des instruments pour désigner directement quelque chose, ils
occultent certaines images, ils protègent notre conscience devant certaines notions
potentiellement embarrassantes. On peut se cacher derrière les mots. Lorsqu’on entend certains mots, on se les traduit inconsciemment pour pouvoir les interpréter
«normalement». Le politiquement correct aide à minimiser, banaliser, dédramatiser
tout ce qui nous met mal à l’aise, il masque notre incapacité à affronter directement
les problèmes du quotidien. Cette façon de s’exprimer fait semblant d’être correcte.
Peut-être, dans la vie, faudrait-il être correct tout simplement, sans plus, ce qui
implique dignité, respect de l’autre, sensibilité, tolérance, empathie, courtoisie, politesse élémentaire. . . Des « petits » mots font souvent grand bruit et vice versa.
Trouver et placer le mot « juste » est un art.
BIBLIOGRAPHIE
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l’Institut de Géopolitique, Le politiquement correct, No 89, 2005, pp. 3–8.
Dauzat, A. – Dubois, J. – Mitterrand, H. : Nouveau dictionnaire étymologique.
Larousse, Paris, 1971.
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Géopolitique, Revue de l’Institut de Géopolitique, Le politiquement correct,
No 89, 2005, pp. 9–11.
Just, V. : Slovník floskulí. Academia, Praha, 2003.
Just, V. : Slovník floskulí 2. Academia, Praha, 2005.
27 Depuis
S. Freud, on sait que si l’on interdit de nommer quelque chose, cela reste, se pérennise
dans l’inconscient pour en ressortir plus tard d’une façon incontrôlable.
28 Libération du 30 mars 2006 saisit cette occasion pour rappeler à ses électeurs d’autres lapsus
sortis des bouches des hommes politiques. Ainsi, Lionel Jospin, en exercice de ses fonctions de
Premier ministre, avait déclaré « Je vous souhaite tous mes. . . vieux ». Un peu avant, il avait constaté qu’il trouvait Jacques Chirac « vieilli, usé et fatigué ». M. Chirac, lui, évoquant les fonctions
d’un dirigeant, avait parlé de plusieurs « cassettes » au lieu de « casquettes » ; accidentellement,
c’était en plein épisode de la « cassette Méry » concernant le financement suspect du RPR dans
lequel Jacques Chirac aurait été impliqué.
314
Mercury, T. : Petit lexique de la langue de bois. De quelques concepts et faux
repères. L’Harmattan, Paris, 2001.
Merle, P. : Lexique du français tabou. Éditions du Seuil, Paris, 1993.
Merle, P. : Le nouveau charabia. Le français est une langue étrangère ! Éditions
Milan, Paris, 2005.
Semprun, J. : Défense et illustration de la novlangue française. Éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, Paris, 2005, pp. 50–51.
Jazyk „Politické korektnosti a newspeak politiků – „cizí jazyky
hodné překladu ?
Resumé
Příspěvek si všímá politicky korektního a mediálně korektního jazyka ve francouzských médiích v opozici s přímým (politicky nekorektním ?) vyjadřováním
některých politiků, jejichž slova vyvolala ve Francii protesty a dokonce pouliční
nepokoje (Nicolas Sarkozy). Komentuje slova a sousloví, jež se stala předmětem
mediální pozornosti.
Language of “Political Correctness” and Politicians’ Newspeak –
“Foreign” Languages Deserving of Translation ?
Summary
This paper deals with politically correct language and media language correctness in the French media in opposition to the direct (politically incorrect ?)
language expressions of certain politicians whose statements have evoked protests
or even riots in France (Nicolas Sarkozy). The work will comment on words and
collocations that have become the subject of media attention.
Jitka Uvírová
Katedra romanistiky
Filozofická fakulta
Univerzita Palackého v Olomouci
Křížkovského 10
771 80 Olomouc
République Tchèque
[email protected]
315
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
¿Cuántos significados se le pueden cargar
a una palabra?
Silvia Vertanová
El uso del idioma es impensable sin la memoria. La memoria humana es el mejor
de los «discos duros» hasta ahora conocidos en cuanto a capacidad. Todavía no se
ha calculado satisfactoriamente cuánta información exactamente —en términos del
lenguaje informático, cuántos bites— representa la capacidad total del cerebro humano, pero nos puede llenar de orgullo el hecho de que ningún ordenador conocido
hasta ahora la haya podido igualar. No obstante, sabemos muy bien que nuestra
memoria funciona de manera selectiva y que no tenemos ni idea de cuándo ni qué
almacenó nuestro cerebro inconscientemente.
Para que la lengua nos sirva de código comunicativo tenemos que hacer uso de
las informaciones almacenadas conscientemente. Todo el que alguna vez en su vida
haya tratado de memorizar vocablos de una lengua extranjera sabe cuánto trabajo
representa. Es muy sorprendente que a pesar de la supuesta enorme capacidad del
cerebro humano, el léxico virtual en nuestra memoria no crece de manera proporcional a la necesidad objetiva de crear nuevas unidades onomasiológicas, creando
nuevos significantes para nuevos significados. Nosotros no creamos cada vez que
surge la necesidad de denominar algún nuevo fenómeno, cosa o idea una nueva
secuencia fónica o gráfica. Si dejamos de lado la minoría de neologismos motivados
por una razón más bien casual (p. e. el término de la Física Cuántica que denomina
un tipo de partículas subatómicas quark1 ), la mayoría de las palabras se crea a base
del inventario de las palabras ya existentes y su estructura. Esto sucede porque la
percepción del mundo por el hombre no es pasiva, contemplativa, como un espejo
inerte, sino una percepción activa. En el proceso de nuestra actividad transformadora social percibimos los objetos y fenómenos del mundo circundante, y nuestro
1 Introducido por el físico Murray Gell-Mann, inspirado por una frase de la obra Finnegans’
wake de James Joyce. El mismo físico no entendía la frase «Three quarks for Muster Mark» y
pensó que significaba «Three quarts for Mister Mark». Quark debe de ser una voz inglesa de raro
uso; no se sabe qué significa originalmente, ¡ni hay acuerdo sobre cómo se pronuncia! Gell-Mann
dice que Joyce la usó para evocar el sonido que emiten las gaviotas. En alemán quiere decir
«requesón», pero este significado parece ser accidental. Qué inspiró el nombre exactamente no se
sabe.
317
cerebro los ordena, selecciona y almacena. En ese proceso desempeñan una función muy importante no sólo los objetos percibidos y los órganos sensoriales, sino
también toda la experiencia histórica acumulada por el hombre y la humanidad.
De ahí viene la importancia del lenguaje como instrumento cognitivo que permite
conocer más a fondo el mundo.
Para los fines de esta ponencia nos interesan los procesos de creación de nuevas
unidades onomasiológicas que representan un aumento de significados sin multiplicar el número de significantes. En la semántica denominamos este fenómeno
polisemia, en la onomasiología se le conoce como tautonimia. Hay varias razones
del por qué las palabras cambian de significado; lo pueden extender o restringir.
La extensión del significado sucede por varias causas:
Cambio referencial
A lo largo del tiempo, la realidad a la que se refiere una palabra ha cambiado o la
palabra ha pasado a aplicarse a un nuevo referente. (Por ejemplo, la palabra tecla,
aplicada inicialmente a los instrumentos musicales, se ha aplicado después a las
máquinas de escribir y finalmente a cualquier pieza móvil que puede pulsarse.)
Vinculación a un medio social o profesional
En el lenguaje técnico de una profesión determinada, o en un estrato social, la
palabra puede adquirir un significado especializado. (Por ejemplo, la masa a la que
se refiere un panadero no es la masa a la que se refiere un albañil y ninguna de
estas dos es la masa a la que se refiere un físico.)
Traslado del significado
El uso de las figuras retóricas y poéticas (en la mayoría de casos de metáfora)
permite una aplicación de una palabra o de una expresión a un objeto o a un
concepto al cual no denota literalmente con el fin de sugerir una comparación (con
otro objeto o concepto) y facilitar su comprensión.
Aquí nos parece apropiado recordar que la palabra metáfora, es en griego un
término polisémico que, al ser tomado como préstamo por otras lenguas, ha restringido su significado para denominar el mencionado fenómeno lingüístico.
La extensión del significado de una palabra (desde el denotativo al connotativo)
después de descubrir y expresar ciertos conceptos mediante la metáfora, proporciona a la hora de su creación la sensación de innovación lingüística, de frescura,
de originalidad. Con el uso, sin embargo, la frescura de lo nuevo desaparece, la
originalidad se convierte en rutina y el nuevo significado termina en el inventario
de significados convencionales. Entonces hablamos de metáforas muertas (naturalmente en sentido metafórico). Sobre la metaforización como proceso de creación
lingüística podríamos hablar sin fin. Es un fenómeno que a lo largo de la historia
no ha dejado de inquietar ni a filósofos ni a lingüistas.
En nuestros trabajos anteriores hemos tratado de demostrar que entre la creación de fraseologismos a base de una cierta palabra (con sus respectivos significados)
y la extensión del significado de dicha palabra hay una relación de dependencia.
Con otras palabras: cuanto más fraseologismos existen donde figura cierta palabra
318
como palabra clave tanto más significados (connotativos) encontramos en esta palabra, y tanta más polisemia desarrolla. En la fraseología es donde muy a menudo
una palabra recibe un nuevo significado (traslaticio) dado que los procesos fraseológicos están basados generalmente en el uso de tropos. A base de los resultados
verificados por métodos estadísticos podemos constatar que la creación de significados translaticios mediante figuras retóricas y poéticas en la fraseología es el
proceso más fructífero para crear polisemias. Y la polisemia parece ser un proceso
muy fructífero, si no el más fructífero para el desarrollo del léxico. Mediante este
proceso ahorramos la capacidad de nuestra memoria mecánica sustituyéndola por
la memoria figurativa. Esto parece ser la esencia del funcionamiento del lenguaje
desde su nacimiento, y gracias a ello el lenguaje humano es la herramienta y, a la
vez, el producto del pensamiento.
Préstamo semántico del idioma extranjero
Adopción de un significado o acepción que no existe de cierta palabra en una lengua
procedente del significado que tiene una palabra paralela en otra lengua extranjera.
(Por ejemplo, por influencia del inglés, la palabra ratón ha extendido su significado
tanto en español como en eslovaco o checo).
Como la lengua es un fenómeno tan complejo, se merece y necesita de un enfoque multidisciplinario. En la búsqueda de respuestas a la pregunta que titula mi
ponencia ¿cuántos significados se le pueden cargar a una palabra? hemos partido
de la experiencia empírica que uno tiene con el lenguaje en base a su uso diario
(más adelante como profesor, intérprete y traductor, etc.) Sí, somos conscientes de
la polisemia pero ¿cuántas de estas palabras hay en nuestro léxico común y qué número de significados puede llegar a tener una palabra?, ¿son decenas, centenas, . . . ?
Nos hemos servido una vez más de métodos matemáticos para conseguir ilustrar
cómo nos comportamos a la hora de crear neologismos mediante la extensión del
significado.
Hemos seleccionado al azar 600 palabras para el corpus del eslovaco2 y la misma
cantidad para el corpus español.3 Utilizar la comparación en la lingüística contrastiva suele revelar características muy interesantes y nexos desconocidos que hay
entre los idiomas y culturas diferentes. En la tabla 1, se pueden ver las frecuencias
de las palabras de dicho corpus, distribuidas según el número de sus significados.
Podemos observar que en ambas lenguas más de la mitad de las palabras del corpus solamente tiene un solo significado. Dos significados manifiestan más de un
centenar de palabras en ambos corpus. Cuanto mayor es el número de significados,
tanto menos frecuentes son las palabras en dicho rango.
Hemos comparado las frecuencias de los primeros 6 rangos de ambos corpus
mediante la prueba Ji-cuadrado para ver si las diferencias encontradas entre los
dos idiomas son resultado de casualidad o pueden depender de algún fenómeno
general lingüístico. La distribución según la prueba de Ji-cuadrado4 es igual a
χ2 = 10,1 < 11,1 = χ20,05 [con cinco grados de libertad y nivel de significancia de
5 %], lo que nos dice que estas diferencias no son estadísticamente insignificantes.
2 Peciar,
Š., ed.: Slovník slovenského jazyka.
Dicionario
DRAE.2
4 Aquí χ2 =
(F t − F o) /F t, F t – frecuencia teórica, F o – frecuencia observada.
3 RAE,
319
Tab. 1 Frecuencias de palabras en función del número de sus significados en eslovaco y español
Número de
significados
Frecuencia
observada F o
Frecuencia
F oSk + F oE
Eslovaco Español
teórica F t
F oSk + F oE · 600
1 200
(F t − F o)2
Ft
1
362
302
664
332
2,71
2
118
124
242
121
0,07
3
49
54
103
51,5
0,12
4
22
29
51
25,5
0,84
5
11
18
29
14,5
0,84
6+
38
73
111
55,5
5,52
600
600
1 200
10,1 = χ2
600
Después de calcular la distribución de frecuencias relativas de los dos corpus,
hemos podido trazar un gráfico que ha subrayado nuestra suposición (Tab. 2).
Frecuencia de palabras
Tab. 2 Frecuencia de palabras en función del número de significados
65
60
55
50
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
eslovaco
español
1
2
3
4
5
6
7
8
9
Al observar las dos líneas que describen los dos idiomas hemos tratado de encontrar una ecuación matemática para la descripción de dicha función, que podría
ser la siguiente:
nk = (1/2)k · N
siendo k = el número de significados de una palabra
nk = frecuencia de palabras en el corpus respectivo con el número k de significados
N = cantidad total de palabras seleccionadas al azar de una lengua (corpus)
320
Ejemplo: En una muestra de 600 palabras tendríamos según dicha ecuación:
n2 = (1/2)2 · 600 = 0,25 · 600 = 150 palabras con 2 significados.
Aumentando el número de significados en uno, o sea a 3, disminuye, según esta
fórmula, la frecuencia de tales palabras a la mitad de la anterior:
n2+1 = (1/2)2+1 · 600 = 0,25 · 0,5 · 600 = 0,125 · 600 = 75 palabras.
Así continuadamente: 37,5 palabras con 4 significados; 18,75 con 5 significados, etc.
Para ilustrar en qué medida difieren las dos líneas del ideal supuesto por la
fórmula, trazamos una línea teórica:
Frecuencia de palabras
Tab. 3 Frecuencia de palabras en función del nímero de significados
65
60
55
50
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
eslovaco
español
teórica
1
2
3
4
5
6
7
8
9
Se nota que la fórmula es solamente aproximativa; para precisarla se necesitaría de un corpus más grande. Sin embargo, es práctica para conseguir una idea
aproximada de la multiplicación de la polisemia en el lenguaje.
En nuestra selección de palabras podemos observar que el eslovaco tiene mayor
cantidad de palabras monosémicas, mientras que el español manifiesta una mayor
tendencia a la polisemia. Este hecho no es nada sorprendente, si comparamos el
número de hablantes de eslovaco y español. El español cuenta con grupo 80 veces
mayor que el eslovaco de usuarios nativos que son potenciales creadores de nuevos
significados. Y no solamente el aspecto cuantitativo sino también el cultural desempeñan un papel importante. «Cuanto más adelantada en cultura es una nación,
más diversidad de acepciones acumulan los términos de que se sirve.» (M. Bréal)
No obstante, detrás de todo ello hay que buscar la necesidad del ser humano de
describir y explicar por medio de imágenes lo que piensa y siente. Así, vemos sin
saber de dónde emergerse nuevas imágenes para describir cosa antiguas como el
mismo mundo – a veces en cabezas de grandes escritores pero mucho más a menudo en cabezas de autores anónimos. Si las imágenes acertan y son lo suficiente
plásticas para ser entendidas, quedan recibidas por el lenguaje.5
5 Abad
Nebot, F., Cuestiones de lexicología y lexicografía, pág. 60.
321
La gran divisa de la fraseología es que las imágenes, las metáforas de que hace
uso al crear nuevos significados connotativos de palabras, pasan por verificación
de los hablantes durante años y siglos de la historia de la respectiva sociedad
lingüística y, muchas veces incluso traspasan las fronteras y llegan a convertirse en
internacionalismos. En este contexto no deja de encantar el modelo ejemplar del
poder de supervivencia de las imágenes ocultadas en las palabras:
La palabra HUNET designaba en el antiguo egipcio jeroglífico la pupila del ojo,
la creación acabada y a la vez la muchacha joven. Según la explicación encontrada
en el diccionario griego-inglés de nuestra bibliografia, el nexo conceptual entre la
pupila y la muchacha se debe al hecho de que en el ojo de una persona se refleja la
figura disminuida de otra persona que le está mirando a la cara. Fijémonos en la
extensión internacional de esta extraordinaria asociación: La palabra griega κóρη
[niña] tiene dentro de sus otros significados también el de pupila del ojo; en latín
pupula o pupilla significa también las dos cosas (pupila y huérfana o niña tutelada).
Según V. Krupa, en el turco se expresa la noción pupila con la locución muñeca del
ojo, y como niño se denomina la pupila también en el lenguaje efik.6 Significados
análogos podemos encontrar en la palabra francesa pupille prestada del latín, inglesa pupil (aquí también significa alumno) y española pupila. En español incluso
hallamos la metáfora también en la locución niña del ojo. Así que esta creación
lingüística llegó a otros idiomas no por préstamo lexical, sino por préstamo de la
misma asociación, de la unión de dos conceptos a base de la metáfora. En eslovaco no existe tal unión en una palabra, sin embargo en el idioma vecino, el checo,
encontramos la palabra panenka – que significa muñeca, muchacha joven y pupila
del ojo. Con lo expuesto anteriormente creemos haber aportado suficientes pruebas
sobre la grandeza de la palabra, acorde con la primera parte del título de esta
conferencia La Grandeza y la Decadencia de la Palabra en el Siglo XXI. Nos queremos detener brevemente también en el concepto decadencia. Las palabras a veces
pierden su contenido – ya mencionamos la restricción del significado. Conocemos
otros casos, llamados clichés, de aquellas expresiones que por uso abusivo llegaron
a desemantizarse. Sin embargo, en la actualidad somos testigos de otro tipo de
pérdida de significado en las palabras de nuestras lenguas respectivas: ocurre por
el descuido de sus usuarios, por el uso inadecuado del lenguaje en general. La decadencia no se encuentra en las palabras o en el lenguaje. Si ahí la sentimos, es por
ignorancia o por motivos de lo más egoistas ya que el lenguaje es una gran arma
para la manipulación con los demás. Muchas palabras recobran fama de gastadas,
profamadas, sin un significado palpable y por ello utilizadas cuando lo importante
del discurso es hablar mucho sin decir o prometer nada. No dejar que ello pase
con nuestro lenguaje es una tarea común de todos los usuarios, y especialmente de
nosotros, lingüistas y profesores universitarios.
BIBLIOGRAFÍA
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Buitrago Jiménez, A.: Diccionario de dichos y frases hechas. Espasa Calpe,
Madrid, 1995.
6 Krupa,
322
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Peciar, Š.: «O vzťahu polysémie a homonymie», en: Jazykovedné štúdie 16. Veda,
Bratislava, 1981, pág. 225–219.
Swoboda, H.: Moderní statistika. Svoboda, Praha, 1977.
¿Cuántos significados se le pueden cargar a una palabra?
Resumen
Los usuarios de la lengua se sirven de relaciones lingüísticas internas a la hora
de crear nuevas unidades onomasiológicas, y esto sucede a pesar de la supuesta
«enorme» capacidad de la memoria humana para almacenar datos. En cada lengua encontramos, por ello, una gran cantidad de palabras polisémicas. Fuera de la
polisemia, que se debe a los préstamos de otro idioma y al cambio de significado
relacionado con la evolución de la sociedad humana, una gran parte de significados «secundarios» de las palabras polisémicas se debe al traslado de significado
utilizando para ello la metáfora u otras figuras retórico-poéticas. El fin de nuestra
ponencia ha sido descubrir en qué medida una palabra y, por consecuencia, una
lengua, desarrollan significados secundarios, si hay rasgos comunes que se podrían
generalizan, etc. Para una comparación contrastiva nos servimos de un corpus
de 600 palabras del eslovaco y el mismo del español, seleccionados al azar. Hemos podido observar que en ambas lenguas más de la mitad del corpus solamente
tiene un solo significado, más de un centenar de palabras manifiesta dos significados
en ambos corpus y así sucesivamente: cuanto mayor es el número de significados,
tanto menos frecuentes son las palabras en dicho rango. Con el fin de cuantificar
esta correlación buscamos una ecuación matemática y trazamos un gráfico.
323
How Many Meanings Can One Word Take?
Summary
The language, or better its speakers, makes use of internal linguistic relations
when it comes to the creation of new onomasiological units, and this happens in
spite of the suggested “enormous” data-storing capacity of the human memory.
Thus we can find a huge amount of polysemantic words. Apart from polysemy
resulting from foreign word loans and semantic shifts caused by the evolution of
human society, a great part of the “secondary” meanings of polysemantic words is
due to the semantic shift using metaphor or other rhetorical and poetical figures.
The aim of our paper has been to discover the limits of how many secondary
meanings a word and, consequently, a language can develop if there are common
features that can be generalized, etc. We have used a randomly picked out 600-word
corpus of Slovak and the same one for Spanish in order to perform a comparison
and contrast. We have been able to observe that in both languages more than half
of the corpus has only one meaning, more than a hundred words have two meanings
and so on: the greater the number of meanings, the less frequent the words are
on the scale. In order to quantify this correlation, we have sought a mathematical
equation and created a graph.
Silvia Vertanová
Katedra romanistiky
Filozofická fakulta
Univerzita Komenského
Gondova 2
818 01 Bratislava
Eslovaquia
[email protected]
324
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
L’obsession d’« écrire juste ».
Quelques remarques sur le style camusien
Eva Voldřichová Beránková
« Tout système philosophique est, à la fin, une
théorie du langage. Toute interrogation sur l’être
met en question le pouvoir des mots. »
(« Sur une philosophie de l’expression », Œuvres
complètes I, p. 903)
Le thème de la présente conférence étant « Grandeur et décadence de la parole
au XXIe siècle », infliger au public un exposé de vingt minutes consacré à un
auteur mort en janvier 1960 pourrait sembler quelque peu incongru. Or, j’ai deux
circonstances atténuantes. Premièrement, c’est bien une citation camusienne « Mal
nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde»1 , tirée d’un article critique
intitulé « Sur une philosophie de l’expression », que les organisateurs du colloque
ont choisie comme épigraphe pour leur Appel à communication. Deuxièmement,
comme vous le savez sans doute, Gallimard est en train de rééditer les Œuvres
complètes de l’écrivain.
Cette nouvelle version de la Pléiade, qui arrive quarante ans après la première,
présente l’œuvre camusienne dans l’ordre chronologique et non plus générique
(comme c’était le cas dans les années 1960). L’une des raisons qui a amené les
éditeurs à ce changement de perspective consistait justement dans une plus grande
« clarté »2 de l’ensemble qui leur semblait mieux traduire les intentions de l’auteur.
Autrement dit, désireux de rester fidèles à la pensée de Camus, ils ont repris à leur
compte l’une des composantes fondamentales de celle-ci, à savoir le fameux souci
camusien de la clarté et de la justesse de l’expression. Nous sommes donc à nouveau en plein cœur du sujet. L’obsession de « parler juste » et d’« écrire juste » qui
marquera toutes les œuvres de l’écrivain commence à être explicitement revendiquée
1 Camus, A. : « Sur une philosophie de l’expression », in : Œuvres complètes I (1931–1944),
Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2006, p. 908.
2 « Note sur la présente édition », Ibid., p. CI.
325
par l’auteur au début des années 1940. Dans la préface à l’édition américaine de
l’Etranger, Camus définit déjà son héros comme quelqu’un qui « refuse de mentir » :
« Mentir ce n’est pas seulement dire ce qui n’est pas. C’est aussi, c’est surtout
dire plus que ce qui est et, en ce qui concerne le cœur humain, dire plus qu’on ne
sent. C’est ce que nous faisons tous, tous les jours, pour simplifier la vie. Meursault,
contrairement aux apparences, ne veut pas simplifier la vie. Il dit ce qu’il est, il
refuse de masquer ses sentiments et aussitôt la société se sent menacée. On lui
demande par exemple de dire qu’il regrette son crime, selon la formule consacrée.
Il répond qu’il éprouve à cet égard plus d’ennui que de regret véritable. Et cette
nuance le condamne. »3
Par la suite, Camus va jusqu’à résumer le roman comme « l’histoire d’un homme qui, sans aucune attitude héroı̈que, accepte de mourir pour la vérité ».4 Si
nous regardons de près les différentes interprétations ultérieures de l’Etranger, nous
constatons rapidement que, dans la plupart des cas, les chercheurs ont compris cette
affirmation soit comme un programme philosophique (Meursault meurt pour nous
« enseigner l’absurde ») soit comme une critique sociale (Meursault meurt pour
attirer notre attention sur l’arbitraire de la justice française voire de la justice tout
court). Or, quoique parfaitement justifiées, ces deux interprétations nous éloignent
du sens premier de la citation : le héros est condamné avant tout à cause du rapport « puriste » qu’il entretient avec le langage. Refusant d’exagérer au nom de la
politesse ou de la loi, il ne dit que ce qu’il ressent ou estime comme vrai.
Dans son étude consacrée à l’Entranger, Pierre-Louis Rey définit Meursault
comme un « maniaque de l’expression exacte »,5 un « martyr de la litote »6 qui
porte une attention quasi-maladive à la manière dont les autres s’expriment.
En effet, dès l’incipit du roman, le protagoniste réagit à la forme absurde du
télégramme fatal (« Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. »)
par un « Cela ne veut rien dire ».7 Sous-entendu : comment savoir quand ce sera
« demain », puisque le message lui-même n’est pas daté.
Au chapitre six, Meursault constate un curieux tic de langage chez Masson,
propriétaire d’un cabanon situé sur la plage du meurtre :
« Lui parlait lentement et j’ai remarqué qu’il avait l’habitude de compléter tout
ce qu’il avançait par un “et je dirai plus”, même quand, au fond, il n’ajoutait rien
au sens de sa phrase. À propos de Marie, il m’a dit : “Elle est épatante, et je dirai
plus, charmante.” »8
3«
Préface à l’édition universitaire américaine », Ibid., p. 215.
p. 216. (Il existe un parallèle intéressant entre le refus du mensonge camusien et le refus
du bonheur qui apparaı̂t à peu près à la même époque dans les pièces de Jean Anouilh (Antigone,
1944). Les deux auteurs semblent diviser l’humanité en deux catégories d’êtres. Les premiers,
simples mortels toujours prêts aux compromis et compromissions de toutes sortes, s’opposent
à une poignée de véritables héros, jeunes êtres fiers et intransigeants qui acceptent de mourir
pour leurs idéaux. « Le processus du refus commence chez eux par le rejet de l’injustice et, à
travers le refus du bonheur déjà mentionné, il débouche sur le refus de la vie elle-même. » (Voir
Voždová, M. : Rire grinçant de Jean Anouilh, Olomouc, Université Palacký d’Olomouc, 2003,
p. 16.)
5 Rey, P.-L. : L’Étranger. Profil d’une œuvre, Paris, Hatier, 1970, p. 38.
6 Ibid., p. 59.
7 Camus, A. : L’Étranger, Œuvres complètes I (1931–1944), Paris, Gallimard, Bibliothèque de
la Pléiade, 2006, p. 141.
8 Ibid., p. 170.
4 Ibid.,
326
De la même façon, accusé de meurtre et assistant à son propre procès, le héros
se concentre davantage sur le choix des mots utilisés par le procureur que sur le
sens général de son discours : « J’ai mis du temps à le comprendre, à ce moment,
parce qu’il disait « sa maı̂tresse » et pour moi, elle était Marie. »9 (Le procureur
dit aussi l’« homme de moralité douteuse » au lieu de Raymond.)
La situation se répète avec l’avocat. Meursault somnole pendant toute la plaidoirie, jusqu’à ce qu’il soit tiré de sa torpeur par certaines tournures qu’il juge
surprenantes : « A un moment donné, cependant, je l’ai écouté parce qu’il disait :
« Il est vrai que j’ai tué. » Puis il a continué sur ce ton, disant « je » chaque fois
qu’il parlait de moi. J’étais très étonné. »10
Même au moment du jugement final, la forme l’emporte sur le contenu : « . . . le
président m’a dit dans une forme bizarre que j’aurais la tête tranchée sur une place
publique au nom du peuple français. »11
Obsédé par la justesse du langage des autres, Meursault lui-même utilise très
fréquemment des expressions du genre : « dans un sens. . . dans un autre » qui
montrent bien à quel point il pèse chaque réponse et décortique chaque phrase.
Parfois, une telle scrupulosité formelle produit des effets franchement comiques.
Par exemple, lorsque Raymond lâche que le temps passe vite, le héros réagit à
cette remarque complètement banale par un philosophique : « dans un sens, c’était
vrai ».12
Dans la logique du livre, il n’est pas surprenant que le purisme de Meursault soit
explicitement relevé par l’avocat général qui en fait une circonstance aggravante
au moment du procès : « Cet homme, messieurs, cet homme est intelligent. Vous
l’avez entendu, n’est-ce pas ? Il sait répondre. Il connaı̂t la valeur des mots. Et l’on
ne peut pas dire qu’il a agi sans se rendre compte de ce qu’il faisait. »13
Si Meursault se voit condamné à la peine capitale, entre autres, à cause de l’attention maniacale qu’il portait au langage, Jan, le héros de la pièce de théâtre Le
Malentendu, meurt au contraire, parce qu’il ne s’exprimait pas assez clairement.
Revenu à son village natal après vingt-cinq ans d’expatriation, le héros n’est reconnu ni par sa mère ni par sa sœur. Amusé par la situation, il ne révèle pas son
identité, laisse sa femme dans un autre établissement et se paie lui même une chambre dans l’hôtel familial comme s’il était un étranger. Or, sa mère et sa sœur qui
ignorent à qui elles ont affaire, l’assassinent la nuit pour s’emparer de son argent.
Ce n’est que le lendemain qu’elles réalisent la portée tragique du malentendu.
Il est intéressant de remarquer que le résumé de la pièce figure déjà dans
l’Etranger. Dans son cachot, Mersault trouve un vieux morceau de journal relatant la même histoire sous la forme d’un fait divers. Il la soumet à son analyse
habituelle qui débouche sur le diagnostic suivant :
« J’ai dû lire cette histoire des milliers de fois. D’un côté, elle était invraisemblable. D’un autre, elle était naturelle. De toute façon, je trouvais que le voyageur
l’avait un peu mérité et qu’il ne faut jamais jouer. »14
9 Ibid.,
10 Ibid.,
11 Ibid.,
12 Ibid.,
13 Ibid.,
14 Ibid.,
p.
p.
p.
p.
p.
p.
199.
201.
203.
160.
199.
187.
327
Que Meursault, ce maniaque de l’expression juste, tienne le pauvre Jan pour
responsable de sa propre mort n’a rien de surprenant. Or, dans la présentation de
la pièce, c’est Camus lui-même qui reprend la même argumentation :
« Si l’homme veut être reconnu, il lui faut dire simplement qui il est. S’il se tait
ou s’il ment, il meurt seul, et tout autour de lui est voué au malheur. S’il dit vrai
au contraire, il mourra sans doute, mais après avoir aidé les autres, et lui-même, à
vivre. »15
Ainsi, la pièce est censée célébrer ce que son auteur appelle une « morale de la
sincérité ». Si le protagoniste avait dit « c’est moi », tout serait rentré dans l’ordre.
Une seule phrase aurait suffi pour que le malentendu soit dissipé. Or, faute de
vouloir tenir un langage clair, le héros a condamné lui-même à une mort violente
et ses proches au suicide.
La recherche constante du mot juste marque également La Peste, roman qui
met en scène trois personnages particulièrement soucieux de l’adéquation de leur
langage par rapport à la réalité extérieure. Il s’agit tout d’abord du narrateur, le
docteur Rieux, qui dévoile son identité à la fin du récit pour « justifier son intervention et faire comprendre qu’il ait tenu à prendre le ton du témoin objectif ».16
Une bonne partie du dernier chapitre de La Peste se trouve ainsi consacrée à la
défense de la stratégie narrative utilisée dans le roman. Rieux informe longuement
le lecteur comment il a procédé lors de la présentation des faits, il explique quel
ton de la voix il a choisi et dans quel but, il décrit les moyens techniques qui lui
ont permis d’être « un témoin fidèle » qui « selon la loi d’un cœur honnête » a
scrupuleusement consigné les événements liés à la peste pour « faire comprendre
ses concitoyens et pour donner une forme, aussi précise que possible, à ce que, la
plupart du temps, [ces derniers] ressentaient confusément ».
Un ami de Rieux, le vieux fonctionnaire Grand est lui aussi obsédé par le langage
au point de vouloir rédiger et faire publier un texte absolument parfait. Depuis des
mois, il réécrit indéfiniment la même phrase initiale qui décrit une (« belle » ou
« élégante » ou « svelte ») amazone parcourant sur une (« superbe » ou « fastueuse »
ou « somptueuse » ou « reluisante » ou « noire ») jument les allées (« fleuries » ou
« pleines de fleurs ») du Bois de Boulogne. Son but ultime, le point culminant de
sa vie de modeste fonctionnaire de bureau consistera à vouloir épater un jour le
public par une image irrésistible :
« Quand je serai arrivé à rendre parfaitement le tableau que j’ai dans l’imagination, quand ma phrase aura l’allure même de cette promenade au trot, une-deux-trois, une-deux-trois, alors le reste sera plus facile et surtout l’illusion sera telle,
dès le début, qu’il sera possible de dire : “Chapeau bas !” »17
Malheureusement, le lecteur ne connaı̂tra jamais cette « version parfaite » ni
la suite de l’aventure. Au moment où il se croit mourant de la peste, Grand fait
détruire l’ensemble des manuscrits. Après sa guérison inattendue, il se promet de
reprendre son travail là où il l’a terminé. Sa recherche de l’expression parfaite risque
ainsi de durer l’éternité ou, du moins, toute sa vie.
Le troisième chercheur acharné d’une langue adéquate est le personnage de
Tarrou, une sorte de porte-parole de Camus dans le texte. Tandis que Rieux (le
15 «
Présentation du Malentendu », Ibid., p. 507.
Peste, Ibid., p. 243.
17 Ibid., p. 105.
16 La
328
scientifique) rêvait de la précision et Grand (l’artiste) de la beauté absolue, Tarrou
examine le langage du point de vue politique et moral :
« J’ai entendu tant de raisonnements qui ont failli me tourner la tête, et qui
ont tourné suffisamment d’autres têtes pour les faire consentir à l’assassinat, que
j’ai compris que tout le malheur des hommes venait de ce qu’ils ne tenaient pas un
langage clair. J’ai pris le parti alors de parler et d’agir clairement, pour me mettre
sur le bon chemin. »18
Bref, pour Tarrou, tenir un langage clair, c’est participer à la lutte contre le
mal, c’est mettre ses actes en conformité avec ses paroles et ses convictions.
Nous pourrions continuer pendant longtemps cet aperçu des héros camusiens
obsédés par le pouvoir des mots. Il suffirait de songer à Caligula de la pièce éponyme
qui liquidait ses adversaires en feignant de prendre leurs paroles au pied de la lettre,
à Clamence de La Chute qui noyait ses victimes dans des torrents de mots perfides,
etc.
Mais il serait peut-être plus intéressant d’essayer de tirer ici des conclusions
plus générales de cette préoccupation camusienne. Il me semble que le besoin de
parler juste et d’écrire juste correspond chez Camus à au moins trois exigences
fondamentales :
La première est esthétique. Aussi curieux voire anachronique que cela puisse
paraı̂tre au milieu du vingtième siècle, Camus se réclame formellement du classicisme. Qu’est-ce que cela veut dire au concret ?
Tout d’abord une exigence de sobriété et de précision, un art de la litote. Etre
classique veut dire pour Camus « dire le moins et suggérer le plus », car il n’y a
rien de plus insupportable et dégradant que le bavardage inutile.
Le classicisme rime également avec la clarté et une certaine planification préalable. L’écrivain organise son œuvre en trois cycles (ceux de l’Absurde, de la Révolte
et de la Mesure/de l’Amour). Dans le cadre de chaque cycle, le sujet central est
traité séparément sous les formes d’essai, de roman et de pièce de théâtre :
«J’écris sur des plans différents pour éviter justement le mélange des genres. J’ai
composé ainsi des pièces dans le langage de l’action, des essais à forme rationnelle,
des romans sur l’obscurité du cœur. »19
Une grande importance est accordée également à la succession chronologique
des œuvres qui « forment un tout où chacune s’éclaire par les autres, et où toutes
se regardent. »20 Bref, d’après ses propres paroles, Camus ne croit pas aux « livres
isolés ».
A cet effort général de clarté s’ajoute une volonté permanente d’expliquer le
sens des différents ouvrages à ceux des lecteurs qui, éventuellement, les auraient mal
compris : Non, Meursault n’est pas une épave insensible, c’est un homme animé par
la passion de la vérité21 ; non, La Peste ne fonde pas une politique de solitude, elle
marque au contraire le passage à la solidarité22 ; non, l’état d’esprit de Clamence ne
18 Ibid.,
p. 210.
A. : « Dernière interview », in : Essais, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade,
1965, p. 1 926.
20 « Entretien sur la révolte », Ibid., p. 743.
21 « Préface à l’édition universitaire américaine », Ibid., p. 215–216.
22 « Lettre à Roland Barthes sur La Peste », in : Théâtre, récits, nouvelles, Paris, Gallimard,
Bibliothèque de la Pléiade, 1962, pp. 1973–1975.
19 Camus,
329
correspond pas à celui de son auteur, car ce dernier n’aurait jamais choisi d’exalter
la servitude23 , etc. Camus fait tout pour éclairer et contrôler l’interprétation de sa
pensée, n’hésitant pas, quand l’occasion se présente, à rédiger de longues lettres
explicatives à des critiques qui lui semblent avoir déformé le sens de ses propos.
Le classicisme, c’est aussi la fameuse « confiance dans les mots »,24 la croyance
dans la possibilité de distinguer nettement entre la forme d’une part et le contenu
d’autre part, ainsi que de marier harmonieusement les deux pour que les moyens
d’expression traduisent exactement le fond de notre pensée :
« Je ne connais qu’une révolution en art, elle est de tous les temps, c’est l’exacte
appropriation de la forme et du fond, du langage et du sujet. De ce point de vue,
je n’aime, et profondément, que la grande littérature classique française. »25
C’est seulement à cette condition près, à savoir celle d’employer le mot juste
pour rendre compte de la réalité des faits ou de la vérité des sentiments, que la
littérature peut remplir la deuxième exigence camusienne qui relève, elle, de la
morale26 .
« Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde. »27 ; « Tout le
malheur des hommes vient de ce qu’ils ne prennent pas un langage simple. »28 . . . ,
Camus multiplie ce genre d’affirmations péremptoires qui font de l’adéquation du
langage et du bon choix stylistique un enjeu moral. En effet, chez l’auteur de
l’Etranger, la « justice » (politique, sociale, juridique) va toujours de pair avec la
« justesse » (grammaticale, lexicale, syntaxique).
Parler clairement équivaut selon Camus à lutter contre l’absurde et l’injustice
du monde, ainsi qu’à affirmer la solidarité humaine :
« Ce qui équilibre l’absurde c’est la communauté des hommes en lutte contre
lui. Et si nous choisissons de servir cette communauté, nous choisissons de servir
le dialogue. . . contre toute politique du mensonge ou du silence. C’est comme cela
qu’on est libre avec les autres. »29
Ainsi, la justification de l’art consiste avant tout dans sa portée éthique : « La
véritable œuvre d’art aide à la sincérité, renforce la complicité des hommes.»30 ; «Sa
23 « Réponses à Jean-Claude Brisville », in : Essais, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade,
1965, pp. 1919–1924.
24 Camus, A. : Carnets II. Janvier 1942–mars 1951, Paris, Gallimard, 1964, p. 101.
25 « Non, je ne suis pas existentialiste », in : Essais, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade,
1965, p. 1 427.
26 Au sens large du terme, nous pourrions même classer Camus parmi les représentants de
la fameuse « génération éthique » (définie par Gaëtan Picon) qui « transpose dans ses œuvres
les inquiétudes les plus profondes d’un être lucide et sensible qui pressent, tout comme Malraux, Bernanos, Montherlant, Céline et bien d’autres, le caractère catastrophique de l’époque. »
(Malinovská-Šalamonová, Z. : « Gejza Vámoš – libre dans sa langue, prisonnier de sa langue ? »,
in : Prisonnier de sa langue, libre dans sa langue. Textes réunis par Yann Foucault et Judit
Karafiáth, Centre interuniversitaire d’études francaises de l’université Eotvos Loránd de Budapest, Institut d’études littéraires de l’Académie des sciences de Hongrie, Université de Budapest,
2006, p. 143–153. (citation : page 144).
27 «Sur une philosophie de l’expression», in: Œuvres complètes I (1931–1944), Paris, Gallimard,
Bibliothèque de la Pléiade, 2006, p. 908.
28 Camus, A. : Carnets II. Janvier 1942–mars 1951, Paris, Gallimard, 1964, p. 161.
29 Ibid., p. 162.
30 Ibid., p. 127.
330
vocation est de réunir le plus grand nombre d’hommes possible. . . »31 Cet impératif
de toucher (convaincre, instruire, éduquer) le maximum de lecteurs imaginables
nous ramène encore une fois à l’esthétique classique qui, selon Camus, présente cet
avantage inappréciable de « viser toujours à l’universel ».
Au fur et à mesure de ses réflexions, Camus charge la littérature de tâches de
plus en plus ambitieuses. Après la guerre, il va ainsi jusqu’à accorder à son idéal
de clarté une importance politique du premier ordre en s’écriant :
« Le classicisme, c’est la domination des passions. Les passions étaient individuelles aux grands siècles. Aujourd’hui elles sont collectives. Il faut dominer les
passions collectives c’est-à-dire leur donner une forme. »32
La confiance dont Camus témoigne vis-à-vis du langage est à la fois émouvante
et légèrement ridicule. Somme toute, il suffirait de parler et d’écrire « juste » (c’est-à-dire classiquement, clairement, avec limpidité) pour que tous les malentendus
(artistiques, philosophiques, politiques) se dissipent et pour que l’homme débarrassé
de tout obscurantisme fanatique se jette enfin dans les bras de son prochain.
Pour comprendre que Camus érige le langage en un véritable principe métaphysique, il suffit de lire le début de son texte intitulé « Sur une philosophie de
l’expression » (1944) que nous avons déjà mentionné :
« Il n’est pas sûr que notre époque manque de dieux. On lui en a proposé
beaucoup, et le plus souvent bêtes ou lâches. Il semble bien, au contraire, qu’elle
manque d’un dictionnaire. C’est une chose, du moins, qui paraı̂t évidente à ceux
qui espèrent pour ce monde, où tous les mots sont prostitués, une justice claire et
une liberté sans équivoque. »33
Cette idée du salut par un langage clair et approprié se trouve développée dans
la suite où l’écrivain en appelle à un nouveau Socrate qui tenterait pour nous, une
fois de plus, « la guérison des âmes par la recherche d’un dictionnaire ».34
En lisant les déclarations de cette sorte, le lecteur contempoirain ne peut pas
vraiment ne pas se poser une question. Albert Camus a vécu entre 1913 et 1960. Il
s’est bien familiarisé avec l’esthétique des surréalistes français (ne serait-ce que pour
ce moquer d’eux par la suite dans l’Homme révolté ), il a connu Raymond Queneau
avec lequel il coopérait chez Gallimard, il correspondait avec Roland Barthes, il
était bien au courant des approches théâtrales beckettiennes ainsi que des textes
sarrautiens et durasiens qui ont préfiguré le nouveau roman, etc. Bref, même s’il
n’a pas vécu dans les années 1960 et dans les décennies ultérieures où la méfiance
envers la langue a complètement envahi la littérature, la philosophie et d’autres
domaines, il ne pouvait pas ne pas déceler autour de lui les différents éléments
caractéristiques de ce que nous avons l’habitude d’appeler l’« ère du soupçon ».
Comment une telle foi inébranlable dans la langue, son adéquation à la réalité
et ses vertus esthétiques, morales et métaphysiques était-elle possible au vingtième
siècle ? Notamment chez un philosophe qui sur d’autres plans (celui de l’existence
divine ou de la condition humaine) manifestait un scepticisme systématique ?
31 « Discours du 10 décembre 1957 », in : Essais, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade,
1965, p. 1 072.
32 Camus, A. : Carnets II. Janvier 1942–mars 1951, Paris, Gallimard, 1964, p. 130.
33 «Sur une philosophie de l’expression», in: Œuvres complètes I (1931–1944), Paris, Gallimard,
Bibliothèque de la Pléiade, 2006, p. 901.
34 Ibid., p. 903.
331
L’hypothèse que je me permets de défendre ici consiste à affirmer que Camus
lance des cris d’autant plus optimistes et sententieux que, sur le fond, il n’est pas
du tout sûr de cette victoire définitive du classicisme qu’il appelle de ses vœux.
Dans sa dernière interview, il conclut :
« L’erreur de l’art moderne est presque toujours de faire passer le moyen avant
la fin, la forme avant le fond, la technique avant le sujet. Si les techniques d’art me
passionnent et si je cherche à les posséder toutes c’est que je veux pouvoir m’en
servir librement, les réduire au rang d’outils. »35
Cette remarque prouve assez clairement la volonté que l’auteur manifeste d’aller
à contre-courant des tendances générales de son époque. Non seulement son classicisme ne va pas de soi, mais il marque clairement une révolte (cette fois-ci quelque
peu anachronique voire réactionnaire) contre les gôuts dominants du vingtième
siècle.
Somme toute, Camus préconise un changement de mentalité qui répondrait à
l’incertitude linguistique par l’éloge de la discipline et de l’effort. Il s’agit de l’un de
ses fameux paris absurdes, à la fois nécessaires et impossibles. De la même manière
qu’il proposait jadis de répondre à la société injuste par le désir de servir la justice,
au malheur de l’univers par la recherche frénétique du bonheur, à notre condition
mortelle par le refus de la peine capitale, à l’absurde par la volonté de construire un
sens, au destin tragique par une « création corrigée », il espère désormais vaincre le
scepticisme ambiant vis-à-vis du langage par la restitution de ses prestiges d’antan:
«Au lieu de tirer de l’incertitude du monde ou du langage toutes les libertés, une
démence calculée, l’inspiration automatique, on s’efforce à la discipline intérieure.
Du désespoir on ne tire plus l’anarchie, mais la domination de soi. [. . . ] Ce passage
de pensée est capital pour l’époque, d’une philosophie du mensonge et de la non-signification, au moins apparente, du monde, on ne tire plus l’apologie de l’instinct,
mais un parti pris d’intelligence. Il s’agit seulement d’une intelligence raisonnable
revenue au concret et soucieuse d’honnêteté. C’est un nouveau classicisme – et qui
témoigne pour les deux valeurs qui sont aujourd’hui le plus attaquées, je veux dire
l’intelligence et la France. »36
D’où cette obsession permanente de « parler juste ». A l’instar de Don Quichotte luttant en vain contre les moulins à vent, Camus espère repousser le doute
linguistique à l’aide d’un bouclier formé de mots soigneusement choisis et correctement ordonnés. Le classicisme est son arme de combat, la recherche de l’expression
adéquate remplit son existence et la couronne d’un sens supérieur :
« Je n’ai pas trouvé d’autre justification à ma vie que cet effort de création.
Pour presque tout le reste, j’ai failli. Et si ceci ne me justifie pas, ma vie ne mérite
pas qu’on l’absolve. »37
Ainsi, dans un monde qu’il considère comme privé d’autres certitudes, l’écrivain
s’accroche au classicisme, à savoir au langage clair, à l’effort et à l’intelligence,
comme à ses dernières planches de salut.
35 « Dernière
interview », in : Essais, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1965, p. 1 927.
Sur une philosophie de l’expression », Œuvres complètes I (1931–1944), Paris, Gallimard,
Bibliothèque de la Pléiade, 2006, pp. 909–910.
37 Camus, A. : Carnets III. Mars 1951–décembre 1959, Paris, Gallimard, 1989, p. 80.
36 «
332
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Malinovská-Šalamonová, Z. : « Gejza Vámoš – libre dans sa langue, prisonnier
de sa langue ? », in : Prisonnier de sa langue, libre dans sa langue. Textes
réunis par Yann Foucault et Judit Karafiáth, Centre interuniversitaire d’études françaises de l’université Eotvos Loránd de Budapest, Institut d’études
littéraires de l’Académie des sciences de Hongrie, Université de Budapest,
2006.
Rey, P.-L. : L’Etranger. Profil d’une œuvre, Paris, Hatier, 1970.
Todd, O. : Albert Camus – une vie, Paris, Gallimard, 1996.
Voždová, M. : Rire grinçant de Jean Anouilh, Olomouc, Université Palacký d’Olomouc, 2003.
333
L’obsession d’« écrire juste ».
Quelques remarques sur le style camusien
Résumé
Si Albert Camus place la recherche de la « justice » au cœur de ses engagements éthiques et politiques, sur le plan de l’écriture, il en appelle à la « justesse »
d’expression. Meursault qui porte un regard de puriste sur le vocabulaire de ses
interlocuteurs, Jan qui meurt pour « s’être mal exprimé », Grand qui passe sa vie
à reformuler la même phrase jusqu’à ce qu’elle soit parfaite, Caligula qui liquide
ses adversaires en feignant de prendre leurs paroles au pied de la lettre. . . , tous
les héros camusiens sont des maniaques de la justesse, des traqueurs impitoyables
du moindre mot mal placé. En effet, fidèle à l’ « esprit classique », Camus semble
croire ferme à la possibilité d’une adéquation entre la forme et le contenu, entre
la langue et le monde référentiel. Anachronisme naı̈f ? Suprême exigence morale ?
Quelle est la place du classicisme camusien au sein de notre « ère du soupçon » ?
Après une analyse détaillée d’un certain nombre de textes camusiens, il nous sera
possible de définir les trois exigences fondamentales (esthétique, morale et métaphysique) que l’écrivain attache à la notion de classicisme. Nous verrons également
à quel point – tel un Don Quichotte luttant en vain contre les moulins à vent –
Camus espère repousser le doute linguistique moderne à l’aide d’un bouclier formé
de mots soigneusement choisis et correctement ordonnés. Le classicisme est son
arme de combat, la recherche de l’expression adéquate remplit son existence et la
couronne d’un sens supérieur.
Obsession with Accurate Writing.
Some Remarks on Camus’s Style
Summary
While in ethical and political spheres the notion of “justice” forms the centre of
Camus’s engagement, his literary production is based upon a requirement of “accuracy” (justesse). Mersault, who examines in a puristic manner the vocabulary of
his interlocutors; Jan, who dies only because of “expressing himself inadequately”;
Grand, who for the whole of his life rewrites the same sentence again and again
to perfection; Caligula, who destroys his rivals by intentionally giving a literal
meaning to their every single word. . . , all of Camus’s heros are maniacs of correct
expression, heartless persecutors of every inadequately used word.
Faithful to “the spirit of classicism”, Camus strongly believes in the possibility
of the perfect adequacy of form and content, of language and the referential world.
A naı̈ve anachronism? A supreme moral requirement? What place does Camus’s
classicism really occupy in our “age of suspicion”? We will be able to define three
basic requirements (esthetic, moral and metaphysical) that Camus connects with
the notion of classicism after a detailed analysis of several texts by the writer. We
will only see how much – following the example of Don Quixote tilting at windmills – Camus hopes to reflect modern language scepticism using a shield formed
334
by carefully chosen and correctly organized words. Classicism is literally Camus’s
weapon, and searching for adequate experession fulfils the writer’s existence and
gives it a higher purpose.
Eva Voldřichová Beránková
Ústav románských studií
Filozofická fakulta
Univerzita Karlova
Náměstí Jana Palacha 2
116 38 Praha
République Tchèque
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335
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Parole et silence dans le roman féminin
contemporain : Camille Laurens
et Emmanuèle Bernheim∗
Marie Voždová
Aucune production littéraire contemporaine française n’est aussi souvent soumise à la sévère critique des professionnels des milieux journalistique et universitaire
que la « littérature féminine ». On reproche aux femmes-écrivains l’intégration dans
le roman de critères propres à la paralittérature, le fait de parler d’Eros et de Thanatos, de sexe et d’effroi. La fiction étant devenue le garant de la littérarité, on se
plaint de l’incapacité des écrivaines à raconter une autre histoire que la leur. Charles Dantzig, par exemple, dans son Dictionnaire égoı̈ste de la littérature française,1
dit qu’on ne trouve plus de femmes de ménage, car toutes sont romancières et
racontent leur vie.
Quant à la langue et au style pratiqués par les femmes-écrivains, certains critiques vont jusqu’à parler de « dialecte féminin » (comme par exemple Robin
Lakoff)2 , caractérisé par un lexique abondant en expressions relatives à l’hypersensibilité sensorielle (couleurs, odeurs, touchers, sentiments), et par la fréquence
d’adjectifs dits « vides » et redondants, qui sont toujours liés à une expressivité
exagérée. Viennent ensuite le recours fréquent aux euphémismes, aux phrases interrogatives et exclamatives courtes et enfin l’absence totale d’humour. Tout ceci
apparaı̂t dans la présentation graphique par le changement de types d’écriture,
l’utilisation abondante du mode italique, des « vides » ou des « blancs ».
Les deux auteurs dont nous voulons parler aujourd’hui, ont également subi la
critique féroce, notamment de Pierre Jourde, dans son étude La littérature sans
estomac,3 l’une traitée d’« auteur du nouveau roman rose »4 , l’autre ridiculisée
∗ Les recherches pour cet article ont été effectuées grâce à un soutien financier inscrit dans le
cadre du projet scientifique MSM6198959211 La pluralité de la culture et de la démocratie.
1 Dantzig, Ch. : Dictionnaire égoı̈ste de la littérature française, Paris, Grasset, 2005. (L’auteur
rapporte le mot de Paul Léautaud).
2 Lakoff, R. : Language and Woman’s Place, New York, Harper and Row, 1975, pp. 53–56.
3 Jourde, P. : La littérature sans estomac, Esprit des péninsules, Paris, 2002.
4 Ibid., p. 167.
337
en tant que « Bovary moderne de l’écriture » dans le chapitre Amour et pizza5 .
Représentantes de la même génération, elles sont liées par l’âge, la situation sociale
et aussi par le thème principal traité, à savoir l’amour et le couple. Il est intéressant
d’observer leur utilisation différente de la langue en tant que moyen d’expression
(de l’auteur) et instrument de communication (du héros et surtout de l’héroı̈ne).
Camille Laurens, de son vrai nom Laurence Ruel, est l’auteur de plusieurs romans (dont notamment Dans ces bras-là, qui a obtenu le prix Fémina en 2000, puis
L’Amour, roman et Le grain des mots, sortis en 20036), tous unis par le thème de
la quête de l’amour et de la recherche de l’autre. Dans ces structures romanesques
en abyme, de reflets et de tiroirs, l’auteur revendique l’influence de Robbe-Grillet.
Chaque œuvre se lit comme une énigme policière, l’écrivain-détective cherche à
percer les mots, à découvrir la vérité mais n’y arrive pas.7 Si dans le roman Dans
ces bras-là la narratrice ne s’identifie jamais à l’auteur, à la fin de L’Amour, roman, elle répond tout simplement à un ancien camarade de classe qui s’interroge
sur l’identité de l’auteur : « Oui, c’est moi, Laurence Ruel. »8
Dans le premier roman nommé, Laurens crée l’héroı̈ne-écrivaine qui écrit un
livre sur tous les hommes rencontrés dans sa vie, ayant pour but de mieux connaı̂tre
l’autre et de découvrir les lois des relations entre les deux sexes. De même, L’amour,
roman, décrit l’enquête de l’héroı̈ne (qui s’appelle Camille) dans le passé des femmes
de sa famille. Elle veut reconstruire l’histoire de leurs relations amoureuses, deviner
leurs peits bonheurs ou souffrances. Sa propre vie (au présent la narratrice vit la
double douleur de la séparation de son mari et aussi de son amant) ainsi que la
lecture de La Rochefoucauld sont entremêlées et servent de miroir.
Le mot amour reste au centre de l’intérêt de l’auteur. La lecture de La Rochefoucauld est menée avec une interrogation sur l’amour, suivent les thèmes de l’amour
comme forme littéraire et de la généalogie de l’amour dans la famille. L’héroı̈ne se
pose la question de savoir si nous venons de l’amour et d’où vient l’amour en nous.
L’œuvre entière qui ressemble à un poème en prose en est la réponse. L’amour –
c’est pour l’auteur la langue même, ce sont les mots. C’est pourquoi elle les aime
tellement, elle joue avec eux, décrypte leur sens caché, les caresse et aime savourer
leur souffle. Le travail avec les mots représente pour elle un exercice spirituel. Sa
narratrice est ravie de découvrir l’identité phonétique des mots tournés homme-mot (om-mo), et leur parenté, car le mot c’est ce qui fait l’homme, et l’homme
se réalise et communique avec l’autre par les mots. Son jeu avec les sonorités et
significations des mots aboutit à leur décomposition et reconstruction (« connaı̂tre
l’autre, co-naı̂tre, naı̂tre au monde avec lui », ou bien : « le mari [. . . ] – il aurait
préféré être l’amant – dans l’amant il y a l’âme, il y a l’amour, tandis que dans le
mari il y a marre-marre du mari. »9
Si l’amour c’est une liberté de parole, l’homme a le choix d’aimer comme il
a le choix des mots. L’auteur critique la surabondance et l’abus du verbe aimer
5 Ibid.,
pp. 205–209.
C. : Dans ces bras-là, Paris, P.O.L., 2000.
Laurens, C. : L’Amour, roman, Paris, P.O.L., 2003.
7 Savary, Ph. : « La peau et le masque », in : Le Matricule des anges, no 43, le 15 mai 2003,
p. 18.
8 Laurens, C. : L’Amour, roman, op. cit., p. 268.
9 Ibid., pp. 24, 30.
6 Laurens,
338
à l’époque moderne, en comparaison avec l’époque de ses arrière grand-mère et
grand-mère, les gens d’aujourd’hui abusent du mot amour et du verbe aimer :
« [. . . ] les Lapons ont vingt mot pour décrire ce que nous appelons la neige [. . . ] il
nous faudrait cent mots où nous n’en avons qu’un, [. . . ] ce verbe aimer qui traı̂ne
partout, qui va pour tout, l’amour de Dieu, l’amour des hommes, l’amour de soi,
l’amour des autres, et j’aime ma mère, et j’aime ma femme, et j’aime ma fille, et
j’aime mon chien (et plus je regarde l’homme plus j’aime mon chien), et j’aime les
frites, et j’aime Venise, et j’aime Ravel, et j’aime ton cul, et je t’aime, et j’aime à
le croı̂re. »10
L’auteur est fasciné par le rapport des mots à la vérité, par le fait que les mots
disent toujours une chose et aussi son contraire, comme La Rochefoucauld, l’auteur
aime déconstruire les clichés liés à certains mots : (« amour rime avec toujours,
j’aimais rime avec jamais »11 , et plus loin : « Le mot qui rime avec l’amour, bien sûr
que ce n’est pas toujours, l’amour rime avec encore ou en cours [. . . ] l’amour est
en cours vers encore [. . . ] »12 ). Le but de l’auteur c’est que le lecteur accepte « le
grain qu’on lui donne à moudre », qu’il accepte une autre manière d’entrer dans la
langue, des variations de mots et leurs musicalités.
La narratrice de L’Amour, roman ressent de l’amour pour la langue littéraire
française, elle admire sa continuité, ses mots la lient aux auteurs des siècles précédents, la langue classique sert de lieu de rencontre, elle unit les gens : « La langue
seule me fait traverser [. . . ] des années et des siècles [. . . ] La langue de La Rochefoucauld m’appartient comme on pourrait dire d’un corps, c’est la mienne[. . . ] »13
L’amour de Camille pour le français ressort pleinement au moment où elle se souvient de son séjour à Lima et raconte ses rencontres avec le guide étranger : « Ce que
j’ai aimé au Machu Picchu, c’est la langue française[. . . ] », dit-elle. Elle trouve dans
la manière dont l’étranger parle votre langue maternelle une certaine vérité originale, l’impossibilité de mentir qui renvoie l’homme à son enfance, au moment de
ses origines, où il a appris sa langue (« la langue amoureuse, la langue par laquelle
on apprend l’amour, la langue maternelle »14 ).
Camille Laurens souligne l’importance de la langue dans le rapport à l’autre.
C’est justement la langue et les mots qui jouent un rôle important dans le rapprochement et la communication entre l’homme et la femme. La parole que nous
adressons à l’autre est comme le symbole des bras ouverts, prêts à l’accueillir. En
lisant un livre, l’héroı̈ne se sent embrassée et protégée par les mots comme par les
bras d’un homme. Son plaisir est dans la phrase. L’écriture même est un geste de
communication, on envoie les mots vers l’autre.
Amoureuse de toutes les possibilités linguistiques excepté les vulgarismes, avide
de connaı̂tre les paroles de l’autre, elle compose tout un chapitre du roman Dans
ces bras-là avec des expressions trouvées dans les journaux féminins et des extraits
des maximes de La Rochefoucauld et de La Bruyère, n’y ajoutant pas un seul mot.
Le quotidien trivial et la littérature de valeur y expriment presque la même chose :
10 Ibid.,
p.
p.
12 Ibid., p.
13 Ibid., p.
14 Ibid., p.
11 Ibid.,
53.
19.
155.
25.
243.
339
« [. . . ] C’est ça les hommes », (extrait du journal féminin) « [. . . ] ils sont ainsi
faits c’est leur nature » (Caractères).15
On peut trouver chez Laurens à plusieurs endroits des procédés d’accumulation
de métaphores, d’énumérations ou bien de gradations de mots liés à tout un rang de
faits répétitifs, où entrent en jeu différentes durées et longueurs de phrases etc.16
Ce sont justement ces chapitres que Pierre Jourde soumet à son regard critique
pour les faiblesses de style et de l’expression ! Ne voulant pas comprendre le but du
jeu laurensien et ignorant complètement l’intention de l’auteur, il ridiculise ce qu’il
appelle la « manière durassique » où il faut « redire toujours les mêmes mots, mais
pas dans le même ordre, avec des oui partout, pas beaucoup de verbes, une grande
abondance de points et de virgules mais jamais de guillemets »17 (D’ailleurs, dans
une interview, l’auteur reproche à Jourde de lire tout au premier degré18 ).
A côté de la parole prononcée, c’est aussi le silence qui joue un rôle non négligeable dans l’univers des héros laurensiens. Le silence qui est logiquement l’envers
de la parole, et signifie souvent son échec et le vide, voir le naufrage de la communication. Mais le silence chez Camille Laurens devient porteur de sens, il est
rempli d’un message muet. Il s’agit des paroles sourdes, du silence qui crie parfois
et qui transmet le message muet mieux que les mots. Ainsi, l’auteur s’intéresse
toujours au corps, comme au transmetteur de ce message. Les paroles muettes font
partie du corps, ils en sortent et y reviennent, même quand on ne trouve plus la
parole, le corps en possède toujours, de la parole silencieuse que chacun parle et
pourtant il est souvent difficile de le comprendre. De même les gestes, la mimique,
le regard sont porteurs du message amoureux. Laurens souligne donc que ses héros
peuvent se comprendre en utilisant uniquement la langue silencieuse de leurs corps,
d’où l’intérêt des héroı̈nes laurensiennes pour le corps des hommes et le désir d’en
décoder le message.
Plus que chez Camille Laurens, la notion de silence est au cœur des œuvres
d’Emmanuèle Bernheim, l’auteur de plusieurs romans, dont les plus réussis Sa
femme qui a obtenu le prix Médicis en 1993, et Vendredi soir19 qui a été adapté
au cinéma. Racontant des histoires banales avec peu de personnages Emmanuèle
Bernheim traduit les relations entre hommes et femmes du point de vue de la
psychologie féminine. Même si les histoires sont toujours perçues par les yeux de
l’héroı̈ne, c’est l’homme qui est en réalité le plus important et qui dirige le jeu.
Au centre de l’intérêt de Bernheim se trouvent aussi les relations de couple, elle
écrit pour conserver des souvenirs des gens qui l’ont impressionnée, pour traduire
quelque chose de ces relations aux autres. Son intention est d’écrire une histoire le
plus simplement possible. Le fait d’écrire ne représente pas pour elle une démarche
intellectuelle, elle en éprouve presqu’une impulsion physique.
Emmanuèle Bernheim ne vient pas du milieu universitaire comme Camille Laurens, elle est cinéaste et scénariste, ce qui se reflète dans son approche à la parole
15 Laurens,
C. : Dans ces bras-là, op. cit., pp. 111–112.
ce propos consulter notre article « La vie comme scène théâtrale : Dans ces bras-là de
Camille Laurens », in Studia Romanistica 3, Ostravská univerzita Ostrava, 2003, pp. 189–197.
17 Jourde, P. : op. cit., p. 170.
18 Savary, Ph. : « La peau et le masque », op. cit., p. 23.
19 Bernheim, E. : Sa femme, Paris, Gallimard, 1993. Bernheim, E. : Vendredi soir, Paris, Gallimard, 1998.
16 À
340
et à l’image de même que dans sa langue simple et claire. Au lieu d’analyser munitieusement les mots, elle tâche plutôt de les traduire en images et vice versa.
Son écriture semble être assez rapide, pleine d’abréviations, de trous, de silence. Le
regard de ses narratrices est similaire à ľœil de la caméra. Dans Sa femme elle décrit son héroı̈ne et puis la première rencontre des protagonistes Claire et Thomas :
« Claire ferma les yeux. Elle était heureuse. Le temps fraichissait. Bientôt les grippes, les angines et le bronchites se multiplieraient. L’automne et l’hiver étaient ses
saisons préférées [. . . ] Il s’appelait Thomas. Il était entrepreneur. [. . . ] Il mit trois
sucres dan son café. Il bougeait sans cesse. Il appuyait ses coudes sur la table, puis
il se rejetait contre le dossier de sa chaise et étirait ses bras derrière lui [. . . ]. Il
devait partir. Il fit un signe au serveur paya et se leva. Il se pencha vers elle. Il
parut s immobiliser. Ses yeux brillaient. Il la regardait. »20
A première vue il est évident qu’en comparaison avec le travail soigné et minutieux de Laurens avec la parole, l’écriture bernheimienne se voit plus facile,
spontanée et simple, sa poésie réside dans l’atmosphère du silence. Elle s’adresse
à l’autre par le silence qui est chargé de sens. Elle refuse le bruit des mots dans la
conversation du couple qui n’est que le vide masqué. C’est parler pour ne rien dire,
combler le silence par du silence, donner l’illusion que les mots vont faire office de
pensée. Elle pratique sa technique de l’économie de paroles même si cela provoque
des opinions comme celle de Jourde : « [. . . ] Moins on en dit, plus on laisse supposer
qu’on en a à dire ». D’après lui le roman de Bernheim est « constitué d’antimatière,
particules de moins que rien dérivant dans le vide absolu. »21
En parlant de l’amour, Bernheim évite de décrire le sentiment et se concentre
plutôt sur le fait concret visible. Comme les cinéastes, l’auteur tâche d’exprimer
ce qui se passe à l’intérieur de ses héros par les actes extérieurs. On ne trouve pas
chez Bernheim des phrases du type « Elle était amoureuse de lui », « Elle éprouvait
de la tendresse pour lui », « Elle l’aimait », ou « Elle était en train de tomber
amoureuse de lui », de même son vocabulaire ne possède pas les mots amour ou
aimer si souvent utilisés par Laurens. A la différence de l’écriture subjective de
Laurens, chez Bernheim il s’agit d’objectivité maximale. Elle aime mieux traduire
le sentiment par des observations, par des faits, plutôt que de l’expliciter. Préférant
donner une remarque objective visuelle et tendre, elle se concentre sur les détails :
«Elle ouvrit les yeux. La peau de Thomas était lisse et mate [. . . ]. Sa jambe portait
la trace de la bande élastique de sa chaussette, ses pieds étaient petits et larges et
le dernier de ses orteils avait la forme d’un quartier de clémentine. Elle sourit. »22
Emmanuèle Bernheim n’utilise pas la langue sentimentale, mais recourt au contraire au vocabulaire scientifique et de spécialité, lié à la restauration et à la nourriture et surtout à la médecine. Son héroı̈ne, médecin de profession, imagine souvent
ce qui se passe à l’intérieur de l’autre parce qu’elle l’aime. C’est une façon de le cerner, de le posséder. La vision souvent prise pour dégoûtante par les autres, semble
porter chez elle la poésie amoureuse : « Thomas ne tombait jamais mlade, elle en
était sûre. Il ne toussait pas, il ne se mouchait pas, il ne reniflait même pas. [. . . ]
Elle aurait soigné Thomas elle-même. Elle connaı̂trait sa numération globulaire et
sa vitesse de sédimentation et, de l’atlas au sacrum, elle verrait chacune de ses
20 Bernheim,
E. : Sa femme, op. cit., pp. 10, 19–20.
P. : op. cit., p. 209.
22 Bernheim, E. : Sa femme, op. cit., p. 57.
21 Jourde,
341
vertèbres. [. . . ] elle prescrirait un examen radiologique de l’appareil digestif. Elle
découvrirait alors l’œsophage de Thomas, son estomac, chaque repli de son intestin
grêle et les bosselures de son gros intestin, tout son système digestif rendu presque
phosphorescent par la baryte. Mais il n’ était jamais malade. »23
Comme l’héroı̈ne de Laurens décode le message du corps masculin en tant que
porteur de mots muets, Bernheim à son tour décode la langue muette du corps qui
peut parler de son propriétaire et trahir ses secrets. Ainsi, l’image du corps et sa
description accompagnée de sensations, font prendre conscience au lecteur de tout
ce qui n’est pas dit et qui se passe entre les personnages.
Contrairement à la vision pessimiste et douloureuse de l’amour et du couple
chez Camille Laurens dont l’héroı̈ne se tourmente avec des questions sur la durée
de l’amour et son avenir (« est-ce qu’il y a un avenir d’amour comme il y a des
souvenirs d’amour [. . . ] ? »24 ), Emmanuèle Bernheim prend l’amour comme une
aventure, tout en faisant confiance à la vie elle est curieuse des rencontres futures.
Il n’y a pas chez elle cette souffrance et cette incertitude du sentiment de l’autre.
Si la langue de Camille Laurens est critiquée comme exagérée, très intime et
trop ornementale, parfois artificielle dans cette surabondance de tournures et de
jeux de mots, celle d’Emmanuèle Bernheim est au contraire qualifiée de sèche,
simple, objectivisée autant que possible, vide, plate et privée de toute fantaisie
verbale. Même si les deux auteurs d’après certains critiques ne méritent pas que
leurs œuvres soient appelées «roman» et même si dans les deux cas en comparaison
avec le style et la langue soutenue des grands classiques français nous pouvons parler
de décadence du style et de l’expression, on ne peut pas ignorer leur existence et
appartenance légitime à la littérature française contemporaine, car leurs œuvres
reflètent à la fois la société contemporaine et sa langue chaotique, elliptique et
abréviative, de même que la situation de la femme qui éprouve le besoin de rêver
et d’aimer, et qui se réalise à travers l’écriture. Les œuvres qui témoignent de
la recherche sincère de l’autre, de soi, de son bonheur, du sens de la vie de la
femme d’aujourd’hui et de la vérité personnelle et artistique de l’écrivain méritent
l’attention du lecteur.
BIBLIOGRAPHIE
Bernheim, E. : Sa femme, Paris, Gallimard, 1993.
Bernheim, E. : Vendredi soir, Paris, Gallimard, 1998
Dantzig, Ch.: Dictionnaire égoı̈ste de la littérature française, Paris, Grasset, 2005.
Jourde, P. : La littérature sans estomac, Esprit des péninsules, Paris, 2002.
Lakoff, R. : Language and Woman’s Place, New York, Harper and Row, 1975.
Laurens, C. : Dans ces bras-là, Paris, P.O.L., 2000.
Laurens, C. : L’Amour, roman, Paris, P.O.L., 2003.
23 Ibid.,
pp. 50–51.
C. : L’ Amour, roman, op. cit., p. 118.
24 Laurens,
342
Savary, Ph. : « La peau et le masque », in : Le Matricule des anges, No 43, le
15 mai 2003.
Voždová, M. : « La vie comme scène théâtrale : Dans ces bras-là de Camille
Laurens », in : Studia Romanistica 3, Ostravská univerzita Ostrava, 2003,
pp. 189–197.
Slova a ticho v současném ženském románu :
Camille Laurensová a Emmanuèle Bernheimová
Resumé
Čtenářsky oblíbené prózy současných spisovatelek jsou často podrobovány ostrým soudům z řad žurnalistické i univerzitní kritiky jak pro jejich autobiografickou
sentimentální tematiku, tak i pro volbu lexika, ke které tyto autorky přistupují při
vyjádření svých myšlenek. Článek analyzuje čtenáři oceněné romány Dans ces bras-là a L’Amour roman Camille Laurensové a krátkou prózu Sa femme Emmanuèle
Bernheimové, v nichž je vedle obvyklých slov důležitým nositelem informace především ticho. Obě autorky pracují s motivem významotvorného mlčení hrdinů, které
považují za výmluvnější než jejich prázdnou konverzaci.
Words and Silence in the Contemporary Women’s Novel :
Camille Laurens and Emmanuèle Berhheim
Summary
The popular fiction of contemporary women writers often becomes the target of
strict judgments by journal and university reviewers, both for its autobiographical
sentimental topics and for the selection of vocabulary used by the authors for the
expression of their ideas. The paper analyses Camille Laurens’ novels Dans ces
bras-là and L’Amour roman, much appreciated by readers, and Emmanuèle Bernheim’s short fiction Sa femme, in which silence becomes a particularly important
source of information, besides common words. Both authors work with the topic
of significant silence on the part of their heroes, considering it more eloquent than
empty conversation.
Marie Voždová
Katedra romanistiky
Filozofická fakulta
Univerzita Palackého v Olomouci
Křížkovského 10
771 80 Olomouc
République Tchèque
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343
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Le pouvoir du mot dans le slogan politique
Agnieszka Woch
À l’époque de la propagande communiste dans les pays de la dite démocratie
populaire la langue constituait l’instrument qui contribuait à la création d’une
certaine réalité et à la formation du rapport être le pouvoir et le citoyen. Dans les
médias il existait une seule version de la réalité proposée par le pouvoir totalitaire
cherchant à former la conscience et les opinions du citoyen.
La démocratie et la pluralité des partis politiques d’aujourd’hui nous laissent
choisir entre plusieurs visions de la réalité, entre les styles d’énonciation différents
selon le groupe ou selon l’homme politique.
La subjectivité du destinataire du message est admise et elle lui donne le droit
de décider qui écouter, quelles opinions partager et qui voter. Les messages qui lui
sont transmis devraient témoigner du respect pour le locuteur. Selon J. Puzynina
« Le respect pour le destinataire devrait se manifester dans le mot qui admet la
subjectivité du destinataire et lui donne le droit de choisir l’attitude, les opinions
et la façon de se comporter »1 .
Le slogan politique d’aujourd’hui qui ne s’impose pas comme le seul juste a
la tâche plus compliquée que celui d’autrefois. En effet, il se pose des questions :
Comment profite-t-il du pouvoir du mot? Est-il efficace? Quel phénomène engendre-t-il? Ce sont les problèmes que nous traiterons et nous chercherons à résoudre dans
cette communication.
La propagande peut passer par nos sens (la vue, l’ouı̈e), éveiller les instincts,
l’intérêt, le mépris, la pitié, l’agressivité ou bien le sentiment de confiance et l’exaltation du groupe. Elle est apte à nous intimider, faire peur, nous inciter à imiter
les autres, à augmenter les tendances grégaires.
Les techniques persuasives d’aujourd’hui s’inspirent des outils énumérés ci-dessus. Dans le cas de la publicité politique électorale les experts de marketing
cherchent à captiver l’attention de l’électeur et à faire voter en exploitant les images,
les sons et les mots. Ils incitent les électeurs à voter en passant par l’intellect ou
1 « Szacunek dla odbiorcy winien przejawiać si˛
e w slowie uznaj˛acym podmiotowość odbiorcy,
daj˛acym mu szans˛e wlasnego wyboru postaw, pogl˛adów, sposobów post˛epowania » (Puzynina, J.,
« O etyce slowa », Przegl˛ad Katolicki, No. 20, pp. 3).
345
par les émotions. Ils préparent des tractes, des spots, des affiches, et surtout ils
formulent un slogan bref et concis qui résume le programme du candidat et qui est
prêt à être crié ou scandé lors des meetings électoraux.
Olivier Reboul, l’auteur du livre intitulé Le slogan prouve que le slogan a existé
encore avant la propagande et avant la publicité politique et commerciale et qu’il
a un pouvoir magique. Qu’il soit raisonné ou passionnel il est apte à provoquer nos
comportements, à faire acheter un produit ou à faire voter un candidat. Sa force
persuasive est énorme et occulte parce qu’il « fait marcher » les gens, les fait « agir
sans qu‘ils puissent discerner la force qui les pousse »2 . Ainsi dans le monde de
la politique qui laisse d’ailleurs un grand choix entre les candidats, les partis, les
slogans, les auteurs de la publicité électorale s’efforcent à nous séduire ou même à
nous tromper avec les mots.
Les fonctions du langage primordiales pour le slogan ce sont la fonction référentielle, conative et poétique. Voyons à présent comment sont-elles exploitées dans
les formules de la publicité politique.
« Le slogan est d’autant plus incitatif que sa forme grammaticale l’est moins,
qu’il se contente d’informer ou d’expliquer en laissant (apparemment) au destinataire la liberté de conclure et de décider »3 . Les slogans remplissent souvent la
fonction référentielle :
Marek Borowski. Wierny wyborcom – nie ukladom ! (Marek Borowski. Fidèle
aux électeurs pas aux accords malhonnêtes)
Le président de tous les Français, Valéry Giscard d’Estaing
Prezydent Tusk Czlowiek z zasadami (Le président Tusk Un homme de principes)
Kandydatów jest wielu, Lech Wale˛sa tylko jeden (Il y a beaucoup de candidats,
Lech Wale˛sa est unique)
Waldemar Pawlak jedynym kandydatem wsi (Waldemar Pawlak le candidat
unique de la campagne)
Apolonia Klepacz Kompetentna i Skuteczna (Apolonia Klepacz Compétente et
Efficace)
Le slogan définit le candidat, le distingue des autres, le valorise. Les candidats
paraissent sérieux, honnêtes, engagés.
Le slogan peut se référer également au programme électoral, plus ou moins
précis, mais bien sûr supérieur aux autres :
Mégret à l’Elysée. Pour remettre de l’ordre en France
Présider autrement une France plus juste
Dla każdego m˛eżczyzny praca, a dla każdej kobiety m˛eżczyzna (Le travail pour
chaque homme, un homme pour chaque femme) – le slogan de la campagne électorale en Pologne curieux mais authentique.
Pour la reconquête de la démocratie
La France aux Français
Retrouver la fierté d’être Français
Un impegno concreto meno tasse per tutti (Un engagement concret moins d’impôts pour tous).
2 Reboul,
3 Ibid.,
346
O. : Le slogan, Bruxelles 1975, p. 10.
p. 22.
Le slogan sert tout d’abord à nous faire agir donc la fonction conative est très
importante en ce qui concerne sa force persuasive. Les auteurs de slogans cherchent
à inciter un électeur à voter en se servant de plusieurs techniques.
Il s’adressent directement au destinataire en exprimant explicitement un ordre :
Vota Scrivi Foschi ! (Vote Ecris Foschi !)
Nie obawiaj si˛e jutra ! (N’aie pas peur de tes lendemains !)
Soyez avec moi ! (B˛adťcie ze mn˛a !)
Voti per me e . . . per te (Vote pour moi et . . . pour toi)
Wybierzmy przyszlość ! (Choisissons l’avenir !)
N’acceptez pas !
Votez Lajoinie !
Zagrajmy razem o kultur˛e w polityce (Jouons ensemble pour la culture dans la
politique)
Le monde change, avec les Verts changeons le monde
Zmieniaj˛ac siebie zmieniajmy Polsk˛e (En changeons nous-mêmes changeons la
Pologne) Il existe aussi des ordres formulés moins explicitement par la négation
rhétorique :
Non votatemi cosı̀ non potrò difendervi (Ne me votez pas comme ça je ne
pourrai pas vous défendre).
L’incitation peut être encore plus implicite. Les auteurs de slogans incitent à
voter en procurant de bons conseils :
Wódka – najlepszy wybór ! (Candidate Vodka – le meilleur choix)
ou en posant des questions :
Tasse sulla tua casa ? (Les taxes sur ta maison ?)
Fermiamo le grandi opere ? (Nous arrêtons les grandes oeuvres ?)
Più tasse sui tuoi risparmi ? (Plus de taxes sur tes économies ?)
et en fournissant tout de suite une réponse favorable pour le destinataire : No,
grazie (Non, merci).
Ils cherchent à suggérer d’une manière implicite certains choix. C’est le cas des
assertions suivantes :
Il faut un président à la France
Swój czlowiek – jeśli nie on to kto ? (Un homme simple/familier – pas lui, alors
qui ?)
Polska i Polacy potrzebuj˛a zwyci˛estwa Samoobrony (La Pologne et les Polonais
ont besoin du succès de Samoobrona)
Io scelgo prima. Io scelgo Prodi (Je choisis très bien, je choisis Prodi)
Le président qu’il nous faut.
« Un bon slogan réussit à donner à son destinataire l’illusion qu’il est son
destinateur »4 . Comme on peut le constater, les auteurs de slogans cherchent à
persuader par slogans qui tendent à rallier et auxquels le locuteur peut s’identifier :
La France en grand, la France ensemble
Ensemble, tout devient possible
Dość obietnic – Uczciwość i Praca (Suffit les promesses – Honnêteté et Travail)
et aussi de ceux qui garantissent l’infaillibilité du candidat ou de son programme:
Le changement sans le risque
4 Ibid.,
p. 24.
347
La garanzia di chi governa bene (La garantie de celui qui gouverne bien).
Les fonctions référentielle et conative ne sont pas les seules à être présentes
dans le slogan. Pour que le slogan ait une forme plaisante pour le destinataire, les
auteurs exploitent la fonction poétique. Examinons à présent les procédés linguistiques fréquents dans la publicité politique qui la rendent plus convaincante et qui
permettent d’attribuer au message une forme esthétique. Du point de vue formel
les slogans peuvent être analysés sur le plan phonétique, morphologique, syntaxique
et sémantique. Voilà les exemples :
Sur le plan phonétique : nous repérons :
• les assonances et les allitérations :
Franç ois Mitterrand France moderne
Nous observons la répétition de consonnes f-r-n-ç et m-r-n et du son [ã]
Une force pour la France
La répétition de f-r-c-a
• les rimes et le rythme :
Krzak- tak (le nom abrégé d’un politique polonais rime avec oui)
Noël Mamère/Les pieds sur terre
Le slogan devrait avoir une structure rythmique facile à être scandée par les
électeurs. Les assonances et les allitérations permettent également de mieux mémoriser le slogan ou/et le nom du candidat.
Sur le plan morphologique et syntaxique : nous notons :
• le parallélisme syntaxique qui facilite la mémorisation du slogan :
Du sérieux, du solide, du vrai
Szcz˛eśliwa Rodzina Sprawiedliwe Państwo (Une Famille Heureuse Un Etat
Juste)
Je suis gros, je suis lourd mais je suis honnête
Silny Prezydent, Uczciwa Polska (Un Président Fort, une Pologne Honnête)
Autorité Liberté Partage
Praca i Solidarność (Travail et Solidarité)
Confiance en la France, confiance en De Gaulle.
Sur le plan sémantique : nous trouvons :
• a. les jeux des mots dont les outils linguistiques sont les suivants :
• le défigement par substitution ou par l’introduction des éléments supplémentaires.
Grâce aux unités phraséologiques et aux proverbes modifiés le destinataire s’approche du destinateur par l’intermédiaire de la langue.
Autorité. Liberté. Partage
Rodzina. Praca. Polska (Famille. Travail. Pologne)
Wi˛ecej chleba, mniej igrzysk ! (Plus de pain, moins de jeux !) où la formule
latine Panem et circenses ! a été enrichie par l’introduction de deux comparatifs
348
• l’emploi des mots polysémiques et des antonymes :
Marek Borowski. Prawy czlowiek lewicy (‘Un homme *droit de la gauche’ où
droit en polonais égale juste, honnête)
Una passione antica per un nuovo futuro (Une passion antique pour un nouvel
avenir)
Oggi precarietà domani lavoro (Aujourd’hui précarité demain travail)
Per un futuro più presente (Pour un futur plus présent)
1. b. les rares néologismes :
Vamprodi succhia il tuo sangue (Vamprodi suceur de ton sang). Un mot-valise
comprenant deux éléments : Vampire et Prodi.
A condition d’être en électeur indécis qui est comme le montre V. Packard
dans la Persuasion clandestine « un être irréfléchi »5 on peut se laisser séduire
par des formules concises des hommes politiques, ou même, on peut renoncer à
lire les programmes électoraux et se contenter d’un slogan qui constitue le résumé
des objectifs et la carte de visite du candidat. Par conséquent, le slogan peut faire
marcher un électeur et le faire aller aux urnes. Le pouvoir du mot dans le slogan
doit être grand et le destinataire du slogan peut se laisser convaincre de voter, mais
de l’autre côté, il est libre de réfléchir et de le contester.
Le phénomène très répandu, surtout sur Internet, de l’anti-publicité politique
en fait preuve. Les anti-slogans accompagnés par les anti-affiches prolifèrent sur
Internet.
L’anti-slogan est considéré par O. Reboul comme « une formule qui se sert des
pouvoirs du slogans non pour captiver la pensée mais pour la délivrer, pour faire
penser. Tout l’art que le slogan met à endoctriner, l’anti-slogan l’utilise pour faire
réfléchir »6
Les auteurs de l’anti-publicité politique démasquent les manipulations du pouvoir, ils se servent d’ironie pour se moquer des hommes politiques, ils cherchent
à ridiculiser les promesses électorales rarement tenues. Les anti-slogans ont souvent la même forme que les slogans politiques et ils se servent de mêmes stratégies
discursives et persuasives. Ils peuvent être simples, ironiques, fins, intelligents ou
vulgaires mais ils ont toujours le pouvoir d’inciter les gens à être méfiants à l’égard
des slogans politiques malhonnêtes et mensongers.
Les auteurs des anti-slogans se servent des techniques et des procédés langagiers
exploités par les auteurs de slogans. Pourtant, le contenu de leurs formules n’est pas
le même. Certes, ils incitent mais à s’abstenir, ils présentent les candidats mais en
les dévalorisant et enfin ils jouent sur les émotions en permettant au destinataire
de s’identifier au message transmis par l’anti-slogan. Les fonctions référentielle,
conative et poétique sont exploitées de la même manière que dans les formules
propres à la publicité électorale.
Voyons à présent les exemples :
Les auteurs de l’anti-publicité électorale incitent . . . à ne pas voter en produisant
les phrases à l’impératif :
5 Packard,
6 Reboul,
V. : Persuasion clandestine, Paris 1958, p. 171.
O. : Le slogan, Bruxelles 1975, p. 132.
349
Essayez-moi !
Laissez-moi passer à la télé
I potenti hanno la memoria corta. Aiutateli a ricordare (Les puissants ont la
mémoire courte. Aidez-les à se souvenir)
Votiamo Berlusconi per garantirgli un futuro migliore! (Votons Berlusconi pour
lui assurer un meilleur avenir !)
Non à Chirospin !
Ils posent également des questions apportant par la suite une réponse insatisfaisante pour un électeur :
Non arrivi alla fine del mese ? Canta che ti passa ! (Tu n’arrives pas à la fin
du mois ? Chante, ça va passer !)
Ils présentent le candidat et son programme de manière peu valorisante et souvent pas sérieuse :
Slowa, nie czyny (Assez d’actes, des paroles)
Un impegno concreto : diventare più ricco (Un engagement concret : devenir
plus riche)
Jeszcze troch˛e ukradn˛e ! (Je volerai encore un peu !)
Je ne sais rien mais je dirai tout
La France on l’aime ou on la quitte
Moi, pas l’autre
Tout est possible même prendre les français pour des idiots
Un solo interesse/Il conflitto (Un seul intérêt/Le conflit)
Un solo interesse/Le Italiane (Un seul intérêt/ Les italiennes)
Un impegno concreto/1 milione di capelli per tutti (Un engagement concret/
1 million de cheveux pour tous)
Un dovere morale/Tangenti più dignitose (Un devoir moral/pots-de vin plus
décents)
Un dovere morale/Pensioni più alte (Un devoir moral/les pensions de famille
plus hautes)
Brak wizji i Nieskuteczność (Pas de Vision et Inefficacité)
Sconfiggerò l’imperatore di Vega (Je vaincrai/l’empereur de Véga)
Mai più problemi di date per le elezioni/Non si faranno più (Plus jamais de
problèmes de dates des élections – on ne les fera plus).
Ils soignent aussi le côté esthétique du slogan en se servant de mêmes procédés que les experts en marketing politique.
Sur le plan phonétique : nous repérons :
• les assonances et les allitérations, les rimes et le rythme :
Élections, pièges à con
Attention, islamisation
Giertych do wora wór do jeziora (Giertych dans le sac, le sac dans le lac)
Sur le plan morphologique et syntaxique : nous notons :
• le parallélisme syntaxique :
350
Je vote, tu votes, il vole
Porz˛adek i Schludność (Ordre et Propreté) accompagné d’une affiche montrant
les porte-balai de W.C.)
Je ne sais rien mais je dirai tout
• le comparatif ou le superlatif magiques qui nous prouvent que le programme
de notre candidat n’est pas excellent :
Najlepszy kandydat na (p)osla (Le meilleur candidat pour le député vs pour
l’âne
• l’impératif (tu/nous/vous) exprimant un ordre explicite ou implicite :
I potenti hanno la memoria corta. Aiutateli a ricordare
Votiamo Berlusconi per garantirgli un futuro migliore !
• l’indicatif ou l’infinitif exprimant un ordre implicite :
Sérieux, s’abstenir
Sur le plan sémantique : nous trouvons :
• le défigement par l’introduction des éléments supplémentaires :
Liberté, égalité, fraternité ( ?) si tu as du blé !
• le défigement par substitution :
Qui sème la misère, récolte le fascisme
Diabel ubiera si˛e na Pradze (Ce diable s’habille dans Praga). Le premier ministre
polonais incarne le diable qui ne s’habille pas en Prada mais dans un quartier
malfamé de Varsovie).
Un autre phénomène intéressant que nous avons observé et que les slogans
d’actualité subissent aussi un « défigement » particulier soit par substitution soit
par l’introduction des éléments supplémentaires. Ainsi :
Wybieram konkrety (Je choisis les concrets) devient Wybieram krokiety (Je choisis les krokiety = sortes de crêpes polonaises)
Prezydent Tusk Czlowiek z zasadami (Un homme de principes) vs MacDonald
Tusk/Czlowiek z kanapkami (MacDonald Tusk/Un homme avec des sandwiches) vs
Doniu Tusk/Raper z zasadami (Doniu Tusk/un rapper de principes)
Prezydent Tusk B˛edziemy dumni z Polski (Le président Tusk Nous serons fiers
de la Pologne) vs Agent Mósk b˛edziemy dumni z Marsa (Agent Mósk Nous serons
fiers du Mars)
Razem (Ensemble) devient Może tym razem (Peut être cette fois-ci) ou Razem
do koryta ! (Ensemble à la mangeoire !)
Czlowiek z charakterem (Un homme de caractère) vs Czlowiek z charakterem,
ale bez zasad (Un homme de caractère mais sans principes) vs Czlowiek z wyrokami
(Un homme avec les sentences)
Blisko ludzi (Près des hommes) . . . vs Niby blisko ludzi . . . a nadal zwierz˛eta
(Apparemment près des hommes . . . mais toujours des animaux)
351
• l’emploi des mots polysémiques et des antonymes :
Un dovere morale/Pensioni più alte (Un devoir moral/les pensions plus hautes)
où pensione en italien est polysémique et peut signifier la retraite ou la pension
de famille. L’affiche accompagnant le slogan explique que le candidat promet les
établissements de vacances plus hauts et non pas de l’argent pour les retraités.
• les jeux de mots (ici graphiques) :
Najlepszy kandydat na (p)osla
Les parenthèses modifient le slogan d’une façon importante Le meilleur candidat
pour le député devient Le meilleur candidat pour l’âne
• des néologismes :
Non à Chirospin ! (mot-valise)
Kacztrix (Canartrix) au lieu de Matrix
Zostań Kaczowstrzymywaczem (Deviens celui qui arrêtera l’invasion des Canards). Les Canards se réfèrent toujours au président et au premier ministre polonais.
Pour conclure.
Slogan peut-il avoir un pouvoir ? L’auteur de La persuasion clandestine nous
montre qu’un électeur peut changer d’avis sur le candidat pour « quelque puérile
petite raison »7 alors pourquoi ne serait-il pas convaincu de voter par un slogan
électoral bien fait ?
De notre côté, nous avons pu confirmer cette hypothèse et constater qu’il est
probable qu’un certain nombre d’électeurs vote pour une marque comme il achète
un produit.
Les slogans, bien qu’ils soient entachés d’une nuance péjorative, continuent à
constituer un élément indispensable de la campagne électorale. Presque tous les
candidats préparent une affiche et en moins un slogan électoral qui leur sert d’une
carte de visite et qui aide un certain groupe d’électeurs à prendre la décision et à
aller aux urnes pour accomplir le fameux devoir de vote du citoyen.
D’autre part, le slogan politique engendre en continuation le phénomène de
l’antislogan. Les anti-slogans prolifèrent dans les rues et sur Internet et la créativité
de leurs auteurs semble inépuisable. Ils cherchent à démontrer qu’ils réfléchissent
et qu’ils ne se laissent pas manipuler par les mots des experts de marketing en
utilisant les mêmes outils linguistiques que les professionnels.
Les slogans et les antislogans sont toujours présents et toujours plus nombreux
ce qui fait preuve qu’il y en a la demande. Ainsi le pouvoir du mot dans le slogan
politique ne nous semble pas être soumis à la décadence. Tout au contraire, il
persiste et il est efficace sur deux plans : il permet de persuader, avant tout un
électeur indécis, ou bien de ridiculiser les promesses ou les comportements des
hommes politiques.
7 Packard,
352
V. : Persuasion clandestine, Paris 1958, p. 171.
BIBLIOGRAPHIE
Bartoszewicz, I. : « Autoportret partii politycznych na podstawie sloganów wyborczych użytych w kampanii przed wyborami do Sejmu i Senatu RP w
1991 » in : Anusiewicz, J. – Siciński, B. J˛ezyk polityki a wspólczesna kultura
polityczna. TPPW, Wroclaw, 1994.
Folliet, J. : Bourrage et débourrage des crânes. Chronique Sociale de France,
Lyon, 1963.
Reboul, O. : Le slogan. Éditions Complexe, Bruxelles, 1975.
Grunig, B. : Les mots de la publicité. L’architecture du slogan. Presses du CNRS,
Paris, 1990.
Ożóg, K. : « Ulotne teksty wyborcze jako j˛ezykowe dzialanie », in : Habrajska, G.,
J˛ezyk w komunikacji. Wydawnictwo WSHE, L
ódź, 2001.
Le pouvoir du mot dans le slogan politique
Resumen
L’auteur de la communication traite le problème du pouvoir du mot dans la
langue de la politique. Il étudie la forme des slogans politiques français, polonais
et italiens qui font partie du corpus qu’il est en train de recueillir dans le cadre de
sa recherche doctorale.
En analysant les instruments discursifs présents dans les slogans politiques,
l’auteur s’interroge également sur les motifs de leur choix. Il cherche à décrire les
mécanismes persuasifs et à démontrer comment les créateurs des slogans tout en
passant par l’intellect et/où par les émotions veulent obtenir l’effet visé grâce aux
procédés langagiers.
La communication tâchera de résoudre la question du pouvoir du mot dans le
slogan politique et de possibilités de s’en servir pour être efficace et pour persuader
un électeur de manière plus ou moins clandestine.
The Capacity of the Word in the Political Slogan
Summary
The author deals with the problem of the capacity of the word in the language
of politics. She studies the form of the French, Polish and Italian political slogans
which form part of the corpus that she has collected within the framework of her
doctoral research.
By analysing the discursive instruments present in political slogans, the author
also wonders about the reasons for their choice. She seeks to describe the persuasive
353
mechanisms and to show how the creators of the slogans, while bypassing the
intellect or the emotions, want to obtain the desired effect via linguistic processes.
The paper attempts to solve the question of the capacity of the word in the
political slogan and examine how it is made use of it to be effective and to persuade
people to vote in a more or less clandestine way.
Agnieszka Woch
Uniwersytet L
ódzki, Katedra Filologii Romańskiej
ul. Sienkiewicza 21
90-114 L
ódź
Pologne
[email protected]
354
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
La decadencia de las lenguas en el siglo XXI∗
Lenka Zajícová
En nuestro artículo presentamos una breve reflexión sobre uno de los temas que
consideramos relacionados con el tema principal del congreso. Vamos a tratar la
cuestión de la decadencia de las lenguas, o sea, de la desaparición de muchas lenguas
que se anuncia para el siglo XXI, lo que es una problemática que, a primera vista,
a lo mejor, puede parecer alejada de la decadencia de la palabra. Nosotros, sin
embargo, creemos que hay ciertos puntos comunes, y de ellos vamos a partir.
En varias ocasiones, en este congreso, se ha planteado la cuestión de si es posible,
útil o acertado hablar sobre la crisis de la palabra, y la duda de si no se trata, más
bien, de la incapacidad de los usuarios de aprovechar la riqueza de la lengua, de
sus palabras; la riqueza, de hecho, sigue igual. Creemos que, efectivamente, se
puede hablar sobre la decadencia de la palabra, pero en un contexto más amplio,
históricamente más largo. Eso es posible cuando nos damos cuenta de las diferencias
fundamentales que se dan en la percepción de la palabra entre las sociedades sin
escritura, es decir, las culturas exclusivamente orales, ágrafas, las sociedades con
escritura, es decir, las culturas caligráficas (quirográficas) con textos manuscritos,
las sociedades con la imprenta, es decir, las culturas tipográficas y las sociedades
con la transmisión de palabras por vía electrónica, por medios de difusión masiva
(radio, televisión, Internet), como las ha analizado Walter J. Ong en su clásico libro
Oralidad y escritura. En esta línea evolutiva, obviamente, la palabra va perdiendo
su fuerza, su valor.
Hay muchas pruebas provenientes tanto de las culturas antiguas como de las
llamadas primitivas en el mundo actual de que en las culturas orales primarias, la
palabra significa «algo más»: un hecho, un suceso, un acontecimiento, relacionado
con una cierta fuerza real, a menudo mágica. Se comparte una conciencia de que
decir algo puede causar la existencia real de lo dicho; de que hablar mal sobre
una persona puede enfermarla o matarla, etc. Ong explica este poder consentido
a base del mismo hecho de que estas culturas conocen la palabra solo en su forma
oral, para cuya expresión siempre se necesita una cierta energía, materializada en
∗ Este artículo fue preparado en el marco del proyecto de investigación «Pluralidad de cultura
y democracia», MSM 6198959211.
355
el aliento humano.1 Así, la palabra está íntimamente unida con la fuerza vital. A su
vez, la palabra es un sonido que no se puede detener, algo que acontece en el tiempo
sin poder ser atajado, con lo que escapa, de alguna manera, al control humano.
En las culturas gráficas, la palabra se va convirtiendo de algo puramente audible en algo visual. Durante siglos, en las culturas caligráficas la lectura de un texto
todavía es entendida principalmente como la lectura en voz alta, para la audiencia.
Con la llegada de la imprenta, es cada vez menos importante esta relación, las palabras se convierten en una serie de carácteres escritos en la superficie de un papel,
desconectados de la energía original. Se llega a un aplanamiento, tanto figurativo
como real, de la palabra. Por ejemplo, en el mismo hecho de considerar palabras
como signos lingüísticos se afirma esa tendencia a reducir toda la experiencia humana a las analogías visuales: porque el signo es algo esencialmente visual, señala
Ong.2
Como una pequeña ilustración de este paso de la fuerza de lo audible a lo visual
nos puede servir el siguiente ejemplo de las metáforas sobre el influjo maléfico que
una persona puede ejercer sobre la otra, que en muchas lenguas modernas están
relacionadas con la mirada y los ojos, como las expresiones en español echar mal de
ojo, aojar, o inglés, the evil eye. En checo el verbo uřknout con el mismo significado
está relacionado con el verbo říkat (decir). Otro verbo tradicional con el mismo
significado, uhranout, tiene también una etimología «acústica»: está derivado de
la palabra hrana (toque a muerto de las campanas), que, por su parte, tiene una
etimología probablemente vinculada con el viejo término ritual del eslavo antiguo
*gorn, relacionado con la raíz indoeuropea ∗g uer- (alabar, glorificar) de la que
se deriva, por ejemplo, también la palabra gracias.3 Todos estos términos están,
entonces, relacionados con lo oral. Sin embargo, hoy en día, la asociación del verbo
uhranout se da claramente con lo visual, como se refleja en el fraseologismo uhranout
pohledem (aojar con la mirada), y en el adjetivo derivado uhrančivý pohled (mirada
maléfica, aojadora), lo que es un cambio semántico moderno.
En el advenimiento de los medios electrónicos, sobre todo de la televisión y del
Internet, la visualización de la palabra, o mejor dicho, del mensaje, se consuma. Lo
icónico es lo dominante: es la característica demasiado obvia de la comunicación
moderna.
Con este proceso cambia también la importancia relativa de las diferentes funciones de la palabra: se pasa del consenso sobre la fuerza de su función mágica en
la cultura oral por el énfasis puesto en su función poética en la cultura gráfica a la
preponderancia de su función informativa en los medios de difusión masiva actuales. Es un ámbito donde lo que importa es la rapidez, la brevedad; dicho con cierta
exageración, los términos técnicos unívocos valen más que metáforas, la pluralidad
de significados es un obstáculo, y las connotaciones estorban.
La palabra como unidad de comunicación humana, una acción que despierta la
reacción, se convierte en portadora unidireccional de la información. En esta época,
que Ong llama la era de la oralidad secundaria,4 puesto que es imposible su existencia sin su base en textos escritos, los llamados medios de comunicación masiva
1 Ong,
W. J., Oralidad y escritura, págs. 38–40.
pág. 78.
3 Rejzek, J., Český etymologický slovník, págs. 213 y 689.
4 Ong, W. J., Oralidad y escritura, pág. 134.
2 Íbid.,
356
en realidad no son medios de una comunicación humana, dada su unilateralidad.
No se espera la reacción comunicativa por parte del interlocutor, la interacción, ni
el intercambio de la información.5 Lo único que se espera es que el oyente se deje
influir, que piense y obre según lo emitido, como se puede ver en la versión extrema
de esta «comunicación» unilateral: la publicidad.
Creemos que hay una relación entre este proceso de la potenciación de la función
informativa de la palabra, de su carácter como mero instrumento portador, y los
procesos cada vez más acelerados del abandono y la desaparición de lenguas que
se ven llegar en el siglo XXI. Si las lenguas son meros instrumentos de transmisión
de información, de una avalancha de datos, la diversidad lingüística es nada más
que un obstáculo. Si las lenguas han perdido su valor simbólico y muchas de sus
funciones han sido reprimidas, la reducción radical del número de lenguas y la
tendencia hacia una única lengua global es su lógica consecuencia.
Muerte lingüística
Sin embargo, aquí surge una pregunta: ¿realmente la época en la que vivimos es
tan diferente de las anteriores? La muerte lingüística siempre ha estado presente en
la historia de la humanidad, siempre ha habido lenguas que desaparecían desplazadas por otras. Por eso, probablemente muchos se sorprenderán al ver la cantidad
de organizaciones, congresos, artículos y libros dedicados al tema de las lenguas
amenazadas que aparecieron en la última década del siglo XX y que siguen apareciendo hoy. No obstante, otros piensan que sí vivimos en una época distinta por
razones obvias: la necesidad de una comunicación verdaderamente universal ejerce
una presión jamás vista hacia la imposición de una lengua única en todo el mundo,
y, como consecuencia, el exterminio de las demás. A principios de los años 90,
Michael Krauss, el primero en llamar la atención sobre esta situación sin precedentes, enumera las circunstancias que llevan a la mortalidad lingüística actual,
y que hoy se dan con más fuerza que nunca: genocidio, destrucción social, económica o del hábitat (urbanización, deforestación, desertización, SIDA), migración,
declive demográfico, asimilación forzada o educación asimiladora, el «bombardeo»
de los medios electrónicos, especialmente la televisión, que este autor llama el «gas
nervioso cultural».6
Si para el siglo que acaba de empezar muchos prevén la desaparición de hasta un
90 por ciento de todas las lenguas del mundo,7 la naturalidad de ese proceso es muy
cuestionable. Se habla de que la desaparición de las especies en el mundo animal
no es tan grave en comparación con la velocidad de la desaparición de las lenguas:
mientras alrededor de un 10 por ciento de las especies está en peligro, se estima
que en este siglo desaparecerán por lo menos un 40 por ciento de las lenguas.8
Las estimaciones más pesimistas hablan sobre un 90 por ciento de las lenguas que
5 Íbid.,
pág. 171.
M., «The world’s languages in crisis», Language 68, núm. 1, pág. 6.
7 UNESCO Ad Hoc Expert Group on Endangered Languages, Language Vitality and Endangerment, http://portal.unesco.org/culture/en/file download.php/
4794680ecb5664addb9af1234a4a1839Language+Vitality+and+Endangerment.pdf, pág. 3 [publicado: 13/3/2003].
8 Congreso anual de la Asociación Americana para el Progreso en las Ciencias en Seattle en
febrero de 2004. Cookson, C., «World’s languages vanish at ‘catastrophic’ rate», Financial Times,
17/2/2004, http://www.financialtimes.com.
6 Krauss,
357
morirán o serán condenadas a muerte a lo largo del siglo XXI.9 Krauss afirma que
solamente entre un 5 y un 10 por ciento de las lenguas se puede considerar a salvo,
entre un 20 y un 50 por ciento están moribundas y las demás, o sea entre un 40 y
un 75 por ciento, están amenazadas, es decir, se trata de lenguas que dejarán de
ser transmitidas a los niños durante este siglo.10
Y habría que añadir que incluso las lenguas que de momento están a salvo
pueden sufrir empobrecimiento: pueden desaparecer ciertos registros como pasa
con algunas lenguas europeas menores, en las que prácticamente dejó de existir
el lenguaje científico, puesto que se dejaron de producir textos científicos en esas
lenguas, y se escribe en inglés para tener un mayor alcance.
Krauss concluye que si las tendencias actuales no cambian radicalmente, en los
próximos 150 años el número de las lenguas se puede reducir a 300 (de las actuales
entre tres y seis mil).11
Sin embargo, ¿es posible hacer este tipo de estimaciones y predecir un futuro tan
lejano de un fenómeno que depende de muchos factores difícilmente mensurables
como es el uso de una lengua? Pues sí, estos números se basan, por un lado, en un
hecho evidente: hay una cantidad impresionante de lenguas en el mundo (un 20–50
por ciento) que han dejado de ser transmitidas a otras generaciones, y solamente
son habladas por los mayores. Hay unas 400 lenguas cuya muerte inminente se
espera cada día. Son lenguas habladas por uno, dos, tres. . . personas de edad muy
avanzada que pueden desaparecer en cualquier momento. Se estima que cada 15
días desaparece una lengua. Por otro lado, estas estimaciones se basan también en
la experiencia con los programas de revitalización o mantenimiento lingüístico de
las últimas décadas que traen resultados muy modestos, en el mejor de los casos,
o ningunos, en la mayoría.12
En el siglo XX, tenemos datos fiables para varias zonas del mundo sobre la
desaparición lingüística. Hay países donde a lo largo del siglo XX han desaparecido
el 50 por ciento de las lenguas, como por ejemplo en Perú.13 Krauss afirma que
de las 210 lenguas amerindias en la América del Norte, alrededor de un 86 por
ciento están moribundas, porque los niños ya no las hablan. En los EE.UU., de
las 175 lenguas sobrevivientes, unas 20, o sea un 11 por ciento, como mucho, son
aún habladas por los niños. Ninguna lengua amerindia de la América del Norte
está a salvo, excepto el esquimal de Groenlandia y quizás el esquimal del Canadá
Oriental.14 Es muy probable que estas tendencias se mantengan o incluso agudicen.
9 Krauss, M., «The world’s languages in crisis», Language 68, núm. 1, pág. 7. Otras fuentes
hablan sobre la mitad de las lenguas amenazadas (Hans Rausing Endangered Languages Project,
Annual Report, pág. 2) o sobre un 80 % de lenguas que desaparecerán en el próximo siglo (Siguán, M., Bilingüismo y lenguas en contacto, pág. 255); Crystal menciona estimaciones que van
desde un 25 por ciento hasta un 80 por ciento (Crystal, D., La muerte de las lenguas, pág. 28).
10 Krauss, M., «The scope of languages endangerment crisis and recent responses to it», en:
Matsumura, K., ed.: Studies in Endangered Languages, pág. 103.
11 Íbid., pág. 105.
12 Véase sobre esta problemática el libro de J. A. Fishman Can threatened languages be saved?;
y The Green Book of Language Revitalization in Practice, editado por L. Hinton y K. Hale.
13 Wise, M. R., «Lenguas del Perú en peligro de extinción: Posibilidades de supervivencia y revitalización», en: XIII Congreso de la ALFAL, págs. 615–626; Zajícová, L., «Las lenguas muertas
de Hispanoamérica: Un sondeo ecolingüístico», en: Romanica Olomucensia XII, págs. 339–350.
14 Krauss, M., «The scope of languages endangerment crisis and recent responses to it», en:
Matsumura, K., ed.: Studies in Endangered Languages, pág. 104.
358
De todas formas, ¿es algo que realmente debería preocuparnos o son simplemente escenarios catastróficos, tan atractivos para los medios de comunicación?15
Aunque parece razonable suponer que las lenguas restantes otra vez pasen por un
proceso de rediversificación, no podemos esperar que este proceso vaya a compensar
la pérdida de tantas lenguas de tantos troncos lingüísticos diferentes que se habían
formado a lo largo de miles y miles de años. Ya desde los tiempos de la glotocronología de Mauricio Swadesh sabemos cuántos siglos de evolución divergente se
necesitan, para que surja una nueva lengua —una nueva lengua desde el punto de
vista lingüístico, es decir, definida en relación con la otra a base de la incomprensibilidad mutua—. Suelen ser varios siglos, pero de una evolución libre de una lengua
hablada, no atada por la escritura y las tecnologías de comunicación actuales que
pueden prácticamente parar la diversificación (no el cambio), señala Krauss.16
La otra pregunta es si la existencia de una única lengua universal no es algo deseable, lo que es una idea que tiene mucha tradición en el pensamiento occidental.17
La influencia de este pensamiento es tal que muy pocas personas ven en la existencia
de la diversidad lingüística algo positivo, mientras que la existencia de una lengua
presenta para la mayoría solo ventajas: facilidad de comunicación, transmisión de
conocimientos, comprensión mutua, y la no necesidad de aprender otros idiomas,
un trabajo bastante arduo para la mayoría de nosotros. Muchos siguen considerando la diversidad lingüística como un impedimento al desarrollo económico, y su
reducción como un progreso. Se respaldan, por ejemplo, con las investigaciones
de J. Pool de los años 60 sobre si el subdesarrollo económico de las naciones estaba relacionado con el multilingüismo, que llegaba a la conclusión de que «un país
muy heterogéneo lingüísticamente siempre está subdesarrollado o semidesarrollado,
y los que están altamente desarrollados siempre tienen una considerable uniformidad lingüística».18
Ecolingüística
La idea innovadora de que la diversidad lingüística necesita ser preservada y que
hace falta tomar varias medidas (a menudo muy costosas) para conservarla, ha
experimentado un desarrollo impresionante a partir de los años 90 del siglo pasado.
La nivelación de muchos aspectos de la vida humana ha traído, en reacción, muchos movimientos políticos, culturales, intelectuales, que apoyan la diversidad y la
identidad cultural. A nivel de lenguas, se trata del pensamiento ecolingüístico.
El tema de las lenguas amenazadas es a partir de los años 90 el centro de
interés de un número cada vez mayor de congresos y simposios, organizados por
15 A diferencia de la mayoría de los demás temas lingüísticos, este es el que más resonancia tiene
en el público general y en la prensa no especializada: Linden, E., «Lost Tribes, Lost Knowledge»,
Time, 23/9/1991, págs. 46–56; Bartholet, J.: «The Sounds of Silence», Newsweek, 19/6/2000,
págs. 62ss; Hitt, J., «Say No More», New York Times Magazine, 29/2/2004, págs. 52ss; Anónimo,
«Babel Runs Backwards», The Economist, 1/1/2005, págs. 62–64.
16 Krauss, M., «The scope of languages endangerment crisis and recent responses to it», en:
Matsumura, K., ed.: Studies in Endangered Languages, pág. 106.
17 Véase, por ejemplo, Eco, U.: La búsqueda de la lengua perfecta. Crítica, Barcelona, 1999
(orig. La ricerca della lingua perfetta nella cultura europea. Laterza, Roma, 1993).
18 Pool, J., «National development and language diversity», en: Fishman, J. A., ed., Advances
in the Sociology of Language, vol. 2, Mouton, La Haya, 1972, págs. 213–230, cit. en López
Morales, H., Sociolingüística, págs. 29–30.
359
diversos organismos. Mencionemos solo algunos: el simposio Endangered Languages
and their Preservation en el 65.o Encuentro Anual de la Sociedad Lingüística de
América en enero de 1991, cuyas contribuciones han sido publicadas en marzo de
1992 en la revista Language,19 el simposio en el marco del Congreso Internacional
de Lingüistas en 1992 en Québec; el simposio sobre lenguas amenazadas de América
en el 48.o Congreso Internacional de Americanistas en 1994 en Estocolmo y Uppsala; el Simposio Internacional sobre Lenguas Amenazadas en noviembre de 1995
en Tokio; el Encuentro Internacional de Expertos sobre el Programa UNESCO de
Protección de Lenguas Amenazadas en marzo de 2003 en París, donde fue adoptada la versión final del documento Language Vitality and Endangerment; el 10.o
Congreso Linguapax con el título Diálogo sobre la diversidad lingüística, sostenibilidad y paz en mayo de 2004 en Barcelona.20 Que el interés continúa, lo confirma
el simposio Linguistic and Cultural Diversity Awareness: On-going changes in endangered languages, planeado para el 16.o Congreso Internacional de las Ciencias
Antropológicas y Etnológicas en julio de 2008 en Kunming, China.
En los años 90 surgen también diferentes instituciones y proyectos que se dedican a la descripción de las lenguas amenazadas y a su protección: en noviembre
de 1993 la UNESCO lanza el proyecto del Libro Rojo de Lenguas Amenazadas,21
en 1996 en Barcelona casi 90 países firman la Declaración universal de derechos
lingüísticos, que incluye también la protección de las lenguas amenazadas,22 en
1999 la ONU declara el 21 de febrero el Día Internacional de la Lengua Materna,
«en reconocimiento de la importancia de la diversidad lingüística y de las lenguas
maternas»,23 y el 16 de mayo de 2007 la Asamblea General de la ONU proclamó el
2008 el Año Internacional de las Lenguas «para promover, proteger y preservar la
diversidad de lenguas y culturas en el mundo».24 Se crean las instituciones como International Clearing House for Endangered Languages (ICHEL) en la Universidad
de Tokio,25 Endangered Languages Fund en la Universidad de Yale,26 Foundation
for Endangered Languages en Gran Bretaña,27 Hans Rausing Endangered Languages Project (HRELP) en la Escuela de los Estudios Orientales y Africanos (SOAS)
de la Universidad de Londres,28 el proyecto de Global Sourcebook on Biocultural
Diversity de Terralingua,29 etc.
19 De autores como C. Craig, N. C. England, K. Hale, M. Krauss, J. LaVerne Masayesva,
L. J. Watahomigie, A. Y. Yamamoto, véase la bibliografía final.
20 El proyecto de la UNESCO, lanzado en el año 1986 en Kiev con motivo del apoyo a la
educación multilingüe y al respeto por la diversidad lingüística.
21 UNESCO Red Book on Endangered Languages,
http://www.tooyoo.l.u-tokyo.ac.jp/Redbook/index.html.
22 http://www.linguistic-declaration.org/index.htm; véase también Moreno Cabrera, J. C.: La
dignidad e igualdad de las lenguas, págs. 295–297.
23 http://webworld.unesco.org/imld.
24 «General Assembly Proclaims 2008 International Year of Languages, in Effort to Promote
Unity in Diversity, Global Understanding»,
http://www.un.org/news/press/docs/2007/ga10592.doc.htm.
25 http://www.tooyoo.l.u-tokyo.ac.jp/ichel/ichel.html.
26 http://www.endangeredlanguagefund.org.
27 http://www.ogmios.org.
28 http://www.hrelp.org. En esta página se encuentra también una lista actualizada y anotada
de más de 240 enlaces sobre lenguas amenazadas: Online Resources for Endangered Languages
(OREL), http://www.hrelp.org/languages/resources/orel.
29 http://www.terralingua.org.
360
Conclusión
¿Son unos románticos, amigos de los viejos tiempos, los que están dando la alarma?
¿Se trata de un fundamentalismo lingüístico o cultural, igual que se lo reprocha
a algunas corrientes del movimiento ecologista? ¿O se trata más bien de preocupaciones legítimas?
Nadie discute la importancia de la diversidad biológica. Hay un principio generalmente aceptado de que para la supervivencia eficiente de algún sistema es
imprescindible su diversidad. Pero, ¿la diversidad cultural y de pensamiento que
necesariamente conlleva la diversidad lingüística, es acaso algo diferente?30 La diversidad en general significa una mayor capacidad del sistema de adaptarse a los
cambios.31 ¿Acaso la humanidad no la necesita? «Cualquier reducción de la diversidad lingüística disminuye el potencial adaptativo de nuestra especie, porque
disminuye las fuentes de conocimiento de las que bebemos».32
La lengua es algo crucial para la identidad de un pueblo. Es depositaria de
la historia y de la cultura, y un cambio de lengua siempre supone un cambio
cultural brusco, un proceso de asimilación, y es causa de mucha frustración para los
hablantes. Una lengua representa «la destilación del pensamiento y la comunicación
de todo un pueblo durante toda su historia».33
Además, si tenemos en cuenta la hipótesis moderada de la relatividad lingüística
sobre la influencia mutua entre la lengua y el pensamiento, ¿acaso no tienen importancia las consecuencias para el pensamiento humano que puede tener la pérdida
de muchas, si no de la mayoría de las lenguas del mundo?34
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Craig, C.: «A constitutional response to language endangerment: The case of
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núm. 1, 1992, págs. 17–24.
30 Cf. Harmon, D., «Losing species, losing languages: connections between biological and linguistic diversity», Southwest Journal of Linguistics 15, págs. 89–108; Harmon, D., «Sameness
and silence: language extinctions and the dawning of a biocultural approach to diversity», Global
Biodiversity 8, págs. 2–10.
31 Crystal, D., La muerte de las lenguas, pág. 47.
32 Bernard, H. R., «Preserving language diversity», Human Organization 51, pág. 82.
33 Mithun, M., «The significance of diversity in language endangerment and preservation», en:
Grenoble, L. A. – Whaley, L. J., eds., Endangered Languages, pág. 189.
34 Fishman, J. A., «Whorfianism of the Third Kind: Ethnolinguistic Diversity as a Worldwide
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La decadencia de las lenguas en el siglo XXI
Resumen
El artículo trata de explorar la relación entre los cambios en la percepción del
valor y funciones de la palabra en el proceso del paso de la cultura oral, por la
363
cultura caligráfica y tipográfica a la cultura electrónica, basándose en las teorías
de W. J. Ong, y la desaparición masiva de lenguas en el mundo actual. Se recapitulan las predicciones de los lingüistas, como M. Krauss, sobre la muerte lingüística,
y se resumen las actividades a favor de las lenguas amenazadas en las últimas décadas en forma de congresos y simposios, proyectos de investigación y revitalización y
creación de organismos académicos e internacionales. En conclusión, se mencionan
algunas razones a favor de la protección de lenguas amenazadas.
The Decadence of Languages in the 21st Century
Summary
The article explores the relation between changes in the perception of value
and functions of the word in the process of the transition from an oral culture,
through a chirographic and typographic stage, to an electronic one (as analyzed by
Walter J. Ong), and the massive disappearance of languages at the present time.
The article summarizes the predictions of some linguists, such as Michael Krauss,
concerning language death, and the activities supporting endangered languages
in recent decades, i. e. congresses and symposia, investigation and revitalization
projects and the foundation of academic and international organizations. The
article gives some reasons for supporting the protection of endangered languages.
Lenka Zajícová
Katedra romanistiky
Filozofická fakulta
Univerzita Palackého v Olomouci
Křížkovského 10
771 80 Olomouc
República Checa
[email protected]
364
ACTA UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
FACULTAS PHILOSOPHICA
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII – 2007
Guerra y paz en los medios de comunicación
Radim Zámec
En los últimos 50 años, Colombia ha vivido períodos del conflicto armado y
violencias que han enfrentado a diferentes guerrillas, el Gobierno, los narcotraficantes, la sociedad civil y otros actores. Estas violencias son resultado de «la
búsqueda y construcción de proyectos de Estado, de nación y de sociedad».1 A
la confrontación se involucraron, voluntaria o involuntariamente, algunos sectores
de la sociedad para apoyar a algún protagonista del conflicto, para resistirse a la
confrontación, para narrar la guerra (los medios de comunicación), o para participar en la construcción de la paz.2 En el contexto de la guerra, los medios se
convierten en un actor más, cuya acción ayuda a (des)legitimar a otros actores,
crear identidades grupales e individuales, mantener o transformar los órdenes y las
relaciones sociales,3 etc. Sin embargo, el conflicto armado a veces incluye períodos
de la búsqueda de paz, como la que vivimos actualmente. Estos períodos se caracterizan por el surgimiento de nuevos discursos mediáticos con nuevos propósitos e
imaginarios, a cuyo análisis consagraré este trabajo.
En el siguiente artículo, me dedicaré al análisis de la representación mediática
de la desmovilización del Bloque Bananero de las Autodefensas Unidas de Colombia (AUC).4 Intentaré responder básicamente a las siguientes preguntas: ¿qué
información sobre la desmovilización adquiere relevancia en la prensa? ¿qué actores
sociales están representados y cómo se los representa?
1 Barón
Porras, L. F., ed., Internet, guerra y paz en Colombia, pág. 13.
pág. 14.
3 Íbid., pág. 15.
4 «Las Autodefensas Unidas de Colombia surgieron en el 1996 al unirse varios grupos paramilitares que, a su vez, habían surgido a principios de los años ochenta como respuesta a la expansión
de la guerrilla y a la prácticas extorsivas de ésta. Este supuesto forma parte del marco ideológico
de las Auc ya que legitima el uso de la violencia por parte de ellas como una autodefensa legítima,
en condiciones en que el Estado no cuenta con el monopolio exclusivo de la violencia, y no es
capaz, por tanto, de proteger a sus ciudadanos. Sin embargo, han surgido otras interpretaciones
durante los últimos años. La que manejamos para el propósito de este trabajo ve la creación y
la expansión de las autodefensas como respuesta de las élites regionales y los narcotraficantes
a la implementación de las reformas políticas y socioeconómicas (negociación con la guerrilla,
apertura política, reforma agraria, etc.), por parte del Gobierno de Barco, las que de realizarse,
hubieran arriesgado el status quo en el campo. Se resalta el hecho de que las autodefensas fueron
creadas con el apoyo de las Fuerzas Armadas como una fuerza antisubversiva irregular. Con el
2 Íbid.,
365
Metodología
La construcción de la memoria colectiva (social), o de todos los elementos de la
cognición social supone la renegociación de sus contenidos mediante las prácticas
discursivas, ubicadas en un campo social determinado.
El campo social, según Bourdieu,5 es un lugar de la lucha simbólica que se
libra entre diferentes actores que ocupan distintas posiciones dentro del espacio
social, las cuales, a su vez, son función de la distribución del capital simbólico en
posesión de los agentes. La distribución del capital es desigual, lo que se traduce en
condiciones más favorables para que los actores de gran capital simbólico impongan
su interpretación de la realidad social.
En segundo lugar, tenemos que precisar la concepción de los medios; entendemos la comunicación mediática como un campo social específico, en el que los
políticos y otros sujetos desarrollan estrategias comunicativas para conseguir la
visibilidad mediática aprovechándola para ganarse la legitimidad.6 La visibilidad
se debe entender no sólo en términos de lograr la mayor presencia posible en los
medios, sino más bien, como un intento de aparecer en los medios en el momento
más oportuno evitando la aparición en relación con eventos que puedan estropear
la imagen positiva.7 Las desmovilizaciones ofrecieron a los paramilitares la oportunidad de divulgar públicamente su imagen positiva de constructores de la paz, con
un papel casi mesiánico de los que «se sacrifican por el bien común». Sin embargo,
el reconocimiento que buscan se ve desafiado por varios grupos opositores que también se esfuerzan por conseguir la visibilidad mediática. Además de la legitimidad
del proceso de paz y de ellos mismos, los participantes en las luchas simbólicas
mediáticas buscan imponer su definición de la paz y del periodo del posconflicto.
El rol de los medios, sin embargo, no es pasivo sino activo ya que son ellos quienes
deciden sobre la inclusión o exclusión de un actor social del campo de la comunicación mediática ayudando de este modo a (re)producir el capital simbólico de los
actores incluidos.
Análisis cuantitativo
Para los propósitos de este análisis informal, nos servimos de un enfoque cuantitativo basado en establecer variables como el tema principal (macroestructura) y
secundario de los discursos, actores sociales citados por la prensa (sujetos citados),
surgimiento de las Auc se afirmó el orden paramilitar en el campo, que se opone al de la guerrilla,
y que consiste en la protección de la propiedad privada y el mercado libre, pero que mantiene
relaciones extremadamente rígidas en la esfera social y política (relaciones casi feudales entre el
patrón y el peón, clientelismo político, manipulación de las elecciones, intimidación y liquidación
de la oposición, control excesivo de la vida cotidiana de los habitantes de las zonas de su dominio,
etc.)», Zámec, R., «La representación de las desmovilizaciones de las Autodefensas Unidas de
Colombia (AUC) en la prensa colombiana», en: Actas del Simposio Internacional de Hispanistas,
Katowice, del 30 de noviembre al 2 de diciembre de 2006, en prensa.
5 Bourdieu, P., Cosas dichas, págs. 127–142.
6 Recordemos a Bourdieu quien señala que el reconocimiento de la legitimidad implica la aceptación de las relaciones de poder y el capital simbólico de un actor por otros actores.
7 Bonilla, I., «La opacidad del poder. Comunicación, conflicto y paramilitarismo en Colombia», en: Cátedra Konrad Adenauer de Comunicación y Cultura, ed.: La desmovilización de las
autodefensas, un caso de estudio, pág. 69.
366
y de un enfoque cualitativo basado en la gramática funcional de Halliday8 y aportes
a esta teoría hechos por van Leeuwen.9 Por falta de espacio, me limito aquí a ofrecer
un análisis muy informal, omitiendo todo el aparato metodológico formal. Para el
análisis, escogí el periódico El Meridiano de Córdoba, porque circula en una zona
con fuerte influencia paramilitar. Este periódico constituye uno de los patrones de
la representación mediática de las desmovilizaciones que se puede caracterizar por
proporcionar visibilidad privilegiada al punto de vista institucional y paramilitar.
El enfoque cuantitativo, recogido en los gráficos, nos ayudará a responder a la
pregunta sobre las características del debate público sobre las desmovilizaciones y
el proceso de paz, mostrando la agenda temática y los participantes a los que se
permite hablar. Como se puede apreciar en el gráfico 1,10 a la hora de informar
sobre las desmovilizaciones y el proceso de paz, la prensa visibiliza el punto de
vista paramilitar e institucional sobre las desmovilizaciones excluyendo del debate
público a la ciudadanía, la sociedad civil, actores internacionales, etc. El análisis de
la agenda periodística (gráficos 2–4), nos esclarece otros aspectos: ésta se construye
«desde arriba», y pone énfasis en la desmovilización o el proceso de paz como simple
ceremonia de dejación de armas omitiendo el contexto geográfico, histórico y social
en el que se produce. La fijación en el aspecto ceremonial de la paz trae consigo
la visibilidad de los discursos de los asistentes al evento (autoridades centrales y
locales, AUC), los cuales se esfuerzan por legitimarse o por defender un marco
jurídico favorable para el paramilitarismo, lo que se puede notar en el gráfico 4.
Relativamente poca atención o ninguna reciben otros actores directos o indirectos
de la desmovilización, el posconflicto, los crímenes de lesa humanidad perpetrados
por los miembros de las AUC, el tema de la devolución de los bienes malhabidos
por ellas, etc.
La representación de los actores sociales: Gobierno
Este actor político aparece más bien representado en el discurso de los otros, sobre
todo en el del Alto Comisionado de Paz (ACP), y de las élites locales. Se representa
al Gobierno casi siempre con papel activo, es decir, cumpliendo el rol del agente de
una acción (3, 4).
Es muy interesante ver cómo las élites locales, citadas por la prensa, representan
y comprenden el papel del Gobierno en el proceso de paz (1, 2, 4). En muchos textos
analizados, la actuación correcta del Gobierno se presenta como una condición
para que no regrese la violencia (1); en nuestro ejemplo la relación condicional se
establece mediante el predicado «depender». La actuación correspondiente que el
Gobierno debe emprender se entiende en términos de la oferta de empleo e inversión
social (5). Al mismo tiempo, la oración condicional (5), en combinación con la
polaridad negativa crea la presuposición de que actualmente no se genera desarrollo
ni se ofrece empleo, lo que da lugar a una crítica implícita del Gobierno. Esta
estrategia, junto con la interpretación histórica del papel de las AUC como fuerza
8 Halliday,
M. A. K., An Introduction to Functional Grammar.
Leeuwen, T., «The representation of social actors», en: Caldas-Coulthard, C. R. –
Coulthard, M., eds.: Texts and Practices. Readings in Critical Discourse Analysis, págs. 32–70.
10 El gráfico 1 recoge los resultados de un análisis cuantitativo de las fuentes a las que recurre
la prensa a la hora de elaborar noticias. Las cifras muestran en cuántas ocasiones determinado
actor social apareció como fuente de información o de la cita.
9 Van
367
protectora de las comunidades (1) en la ausencia del Estado, sirve para lanzarle
una acusación al Estado de la irrupción de la violencia en las últimas décadas y
legitima el uso de la violencia por las AUC. Esta crítica viene complementada por
cierto distanciamiento que se transmite por la modalidad. La inclinación, categoría
de la modalidad que expresa el grado de compromiso con un acto de habla que
alguien pretende realizar, expresada por «pero de verdad, verdad», hace insinuar
que las élites locales se muestran escépticas con la posibilidad de la actuación
debida del Gobierno en el ámbito económico, que en su concepción política está
estrechamente vinculado con el proceso de paz como su condición. Por otro lado,
los políticos regionales, como voceros comunitarios institucionales, construyen una
relación entre la comunidad y las autoridades centrales en términos más positivos
(2). Al establecer una relación causal fuerte entre las actitudes favorables y la
consecución de la paz, el enunciado tiende a interpretarse, a nivel interpersonal y
modal, en términos de la obligatoriedad. Este tipo de representación nos hace ver
un modelo mental subyacente en el que el papel de la ciudadanía en el proceso de
paz queda reducido al de mostrar actitudes favorables hacia lo institucional.
A modo de conclusión provisional, se puede afirmar que en los discursos de la
élite local citados por el medio el compromiso del Gobierno de actuar está puesto
en duda; se crea la visión de que las condiciones de la violencia y de la creación
del paramilitarismo se (re)producen únicamente por la falta del compromiso del
Gobierno en el ámbito económico quitándose la responsabilidad de la guerra a las
élites locales y reduciéndose la guerra al subdesarrollo, lo que es dudoso desde el
punto de vista histórico. Por otra parte, las élites locales se muestran incapaces de
pensar el proceso de paz en términos más democráticos y amplios, fuera del marco
estrictamente institucional, con protagonismo más colectivo y multilateral de la
sociedad civil.
1. «Del Gobierno depende que estos guerreros que hasta ahora nos protegieron, no
vuelvan a tomar las armas [. . . ]», El Meridiano 19/1/2005, pág. 2A.
2. «Estoy seguro que la única solución para alcanzar la paz es confiar en las autoridades
legalmente constituidas», El Meridiano 18/1/2005, pág. 3C.
3. «[. . . ] el Estado demuestra que está a la altura de brindarle seguridad legítima
a la comunidad», El Meridiano 22/1/2005, pág. 3A.
4. «[. . . ] necesitamos inversión social, pero de verdad, verdad.» El Meridiano
19/1/2005, pág. 4A.
5. «[. . . ] si a los excombatientes no les dan oportunidades de empleo, si regresa la
guerrilla y no se generará desarrollo nacerán otros grupos», El Meridiano 19/1/2005,
pág. 4A.
La representación de los actores sociales: paramilitares
En general, la prensa no se esfuerza por una comprensión más profunda del fenómeno paramilitar, diferente de la justificación ampliamente conocida que viene
promoviendo la institución armada misma. Hay una diferencia enorme entre la manera en que la prensa representa a la cúpula paramilitar y a los desmovilizados,
368
lo que está condicionado por la cantidad del capital simbólico que se les reconoce.
Mientras que aquel actor, de gran capital simbólico, está invitado a participar en
la esfera pública como locutor legítimo que se pronuncia sobre temas políticos, y
cumple el papel activo de agente; el último actor se representa como beneficiario o
paciente de las acciones de otros actores. Los actores poco poderosos aparecen en
la prensa sin rostros, es decir, sin identidad propia. Los medios no se esfuerzan por
saber quiénes son los combatientes que se desmovilizan; simplemente los lexicalizan
en términos de procedencia geográfica general y su pertenencia a la organización
armada ilegal. A pesar de esta tendencia general, en contados casos, encontramos
textos en los que el desmovilizado sale del anonimato (7), y se habla sobre los
motivos que lo llevaron a «irse pa el monte». Se lo representa activamente como
agente de acciones de la vida cotidiana o del campo de batalla, o como sensor de
reacciones afectivas (7), lo que constituye un patrón general de representación de
actores de poco capital simbólico. Nunca se les pide opinión sobre los asuntos de
la esfera pública, reservados sólo a los actores de gran capital simbólico, sino que
se los invita a contar su experiencia de la guerra.
Lo que llama la atención del analista del discurso es la ocasional adopción de
la perspectiva de los combatientes por parte de la prensa, lo que se traduce en
la ausencia de marcadores de distancia que diferencien el discurso asumido por el
periodista del citado (9): las guerrillas vienen lexicalizadas con el sustantivo «enemigos», que revela la perspectiva paramilitar antiguerrillera. La siguiente oración
subordinada asocia a la guerrilla con lo brutal, impredecible e inmoral, en fin, con
la barbarie, mientras que las relaciones sociales entre los paramilitares se muestran
en términos de la camaradería, solidaridad y coherencia de grupo. Estas relaciones
se infieren del modo de lexicalizar a los miembros del grupo con voces como «amigos», «sus compañeros», y de las relaciones afectivas construidas discursivamente
«amigos combatientes». Además, la prensa insiste en las pérdidas en las filas de las
autodefensas, omitiendo la muerte de guerrilleros.
Otros modos de representación de los desmovilizados se pueden notar en el
discurso de sus jefes citados por la prensa (8, 10). Por un lado, S. Mancuso (8)
recurre al uso de la abstracción para destacar los aspectos socialmente positivos y
de las acciones y reacciones de los que son agentes y sensores (respecto, sacrificio,
espíritu de lucha), creando una imagen heroica de ellos. La identidad de los combatientes que se está construyendo desde el discurso paramilitar se define desde los
valores morales tradicionales (sacrificio, respecto por sus jefes), religiosos (cristianos) y guerreros. Este orden conceptual permite al paramilitarismo legitimar su
acción en términos del bien y mal y las relaciones de poder entre los comandantes
y sus guerreros.
La cúpula paramilitar legitima discursivamente el mantenimiento de las relaciones de poder entre ella y sus combatientes en la nueva coyuntura también en la
supuesta confusión de los desmovilizados frente a la vida del posconflicto. En esta
nueva era, los jefes paramilitares se autorepresentan como agentes y a sus combatientes, como pacientes (10). Las relaciones de poder, que se construyen asignando
un rol pasivo al desmovilizado son obvias.
El paramilitarismo también aprovecha la visibilidad mediática para definir relaciones con la ciudadanía y legitimar el orden armado sobre las comunidades
recurriendo a la mezcla del discurso casi religioso (11), patriótico y democrático.
369
Como se puede observar en el ejemplo 11, pero también en otros casos (14), las
autodefensas se representan como un grupo de individuos, cuya misión histórica
nace en el Dios cristiano (14) y en los altos ideales. La ideología paramilitar, como
sugieren las mayúsculas (11), se presenta como una especie de un sistema de moral universal, que inspira una misión casi sagrada. Ello les posibilita a las AUC,
concebir el conflicto armado como un campo de batalla entre el Bien y el Mal, en
el que ellos, según dicen, toman partido por el Bien. El surgimiento de las AUC,
se interpreta como una defensa legítima de este orden moral contra la guerrilla.
En ocasiones los paramilitares hacen explícito su sistema de valores acentuando
los siguientes: libertad, patriotismo, seguridad, respecto de la propiedad privada,
prosperidad. Como se puede observar, son valores más o menos universalmente
aceptables con lo que se pretende legitimar al paramilitarismo frente a la opinión
pública. Lo particular es cómo las AUC se apropian de estos valores.
El papel que se le asigna a la ciudadanía es a veces el de sensores de reacciones
(creer, confiar, respaldar) y casi siempre el de beneficiarios de las acciones paramilitares. Al asignar estos roles a la población, se propone un modelo mental en
el que el paramilitarismo adquiere legitimidad, ya que su acción está encaminada
supuestamente al beneficio de los ciudadanos. Como se puede apreciar, la aceptación de la comunidad no se entiende como un acto racional ni un resultado de la
coacción, sino como un acto de fe (11).
El paramilitarismo aprovecha la visibilidad mediática para legitimarse a sí
mismo y las relaciones de poder desiguales que ha creado. Aunque la prensa no colabora explícitamente en la justificación del paramilitarismo, ocasionalmente adopta
su perspectiva y asimila su discurso, y tiene un papel indirecto que consiste en
privilegiar a las AUC y las voces afines (élites políticas locales) como fuentes de
información y citas.
6. «[. . . ] existen muchos jóvenes y adultos que tienen sus esperanzas puestas en el
gobierno», El Meridiano 19/1/2005, pág. 4A.
7. «Alias ‘Niche’, oriundo de Valledupar [. . . ] dice que se siente triste y un poco pensativo pues [. . . ] no sabrá qué ponerse a hacer», El Meridiano 19/1/2005, pág. 4A.
8. «Para estas tropas que hoy se desmovilizan, con respecto ejemplar por sus mandos,
y profunda fe en Dios y en Colombia, no tengo más que elogios y agradecimiento
por su enorme sacrificio y su inquebrantable espíritu de lucha [. . . ]», El Meridiano
18/1/2005 (supl. Voluntad de Paz), pág. 7.
9. «Regresaron algunos con gratos recuerdos y la triste experiencia de haber dejado
a muchos de sus compañeros en el campo de batalla, bien sea muertos o en manos
de los enemigos, que es lo mismo si los hubieran dejado muertos», El Meridiano
12/1/2005 (supl. Lo que va del proceso de paz), pág. 7.
10. «[. . . ] tenemos que ayudarlos, guiarlos, construirles una nueva visión del país», El
Meridiano 12/1/2005 (supl. Lo que va del proceso de paz), pág. 7.
11. «[. . . ] a los colombianos y colombianas que creyeron en la Causa y Valores de las
Autodefensas, mi amistad sincera, honda y irretractable», El Meridiano 18/1/2005
(supl. Voluntad de Paz), pág. 7.
370
La representación de los actores sociales: críticos de la paz
Los críticos de paz no tienen visibilidad directa en el Meridiano, pero aparecen
representados explícita o implícitamente en el discurso paramilitar.
Miremos algunos modos en que aquéllos pueden ser representados. Recurriendo
a la alegoría de la guerra (13), se pretende deslegitimar a los críticos, mostrando
cualquier crítica como enemistad, venganza, etc. Sin embargo, nótese que los críticos no vienen lexicalizados mediante nominación (uso del nombre propio) u otros
recursos que expliciten su identidad. El paramilitarismo se sirve de la impersonalización y su modalidad, la abstracción, para representar a los críticos en términos de
sus supuestas cualidades morales personales negativas. En mi opinión, utilizando
este tipo de metáforas, el paramilitarismo se muestra incapaz de adaptarse todavía
a la discusión democrática. El único indicio que nos hace posible identificar a quines está destinado el discurso es la palabra «caligráficas», ya que conecta, aunque
débilmente, dos tipos de las representaciones sociales, y dos campos sociales distintos: el de la guerra y el de las letras. De este modo, se pretende dar lugar a
una inferencia de que los intelectuales, periodistas, académicos, etc., pueden ser
enemigos de la paz. Considerándose voceros de la comunidad regional y nacional,
los paramilitares insisten en el deseo de la población de vivir en paz; al tachar a
los letrados de enemigos de la paz, dan lugar a una inferencia de que estos sectores
son antidemocráticos y no respetan el deseo de la población. En otro ejemplo del
ataque indirecto a los críticos (12), se los asocia con el centralismo, el cual, a su
vez, está acusado de estar lejos de los problemas reales del país.
El paramilitarismo se apropia del discurso de los críticos, mitigando las acusaciones que les hacen (14). Los crímenes de guerra se lexicalizan recurriendo a la
objetivación y la destilación que invisibiliza los aspectos problemáticos de sus acciones. El agente abstracto «resultados» de la acción metafórica aleja al agente real de
la acción de matar, con obvias connotaciones negativas (deagentialización). Ésta,
a su vez, está lexicalizada, recurriendo al uso de un eufemismo. También el verbo
«errar» (destilación), es eufemismo, ya que presenta la acción paramilitar como no
intencional.
12. «A los que quieren venir, les invito a la verdadera Colombia, la que palpita por
fuera de los linderos de fantasía del Parque de la 93 y la Zona T de Bogotá», El
Meridiano 18/1/2005 (supl. Voluntad de Paz), pág. 3.
13. «Pero ahora nos enfrentamos a un enemigo diferente, uno que no da tregua, un
enemigo que se mueve sinuosamente en las trincheras caligráficas, y que no estamos
preparados para combatir. [. . . ] a veces se llama Apatía, otras, [. . . ] Incredulidad;
por momentos se llama Venganza, pero casi lo identificamos por Desconfianza», El
Meridiano 18/1/2005 (supl. Voluntad de Paz), pág. 3.
14. «Es verdad que cometimos acciones cuyo resultado sembró dolor en más compatriotas; es cierto que erramos [. . . ]», El Meridiano 18/1/2005 (supl. Voluntad de Paz),
pág. 4.
371
Sujetos Citados
7
10 %
8
3%
9
10 %
1
10 %
1
2
2
27 %
3
4
5
6
7%
6
7
5
7%
8
4
13 %
9
3
13 %
Gráfico 1 Instituciones y personas citadas por la prensa
1. ACP, 2. Jefes paramilitares, 3. Alcaldías, 4. Gobiernos departamentales, 5. Población, 6. Actores internacionales, 7. Desmovilizados, 8. Sociedad Civil, 9. FF.AA. y Policía
Macroestructuras
5
10 %
1
10 %
4
19 %
1
2
3
4
5
3
10 %
2
51 %
Gráfico 2 Macroestructuras de textos analizados
1. Futuro y pasado de los desmovilizados, 2. Desmovilización, 3. Seguridad, 4. Otros, 5. Reinserción
Aspectos temáticos de la desmovilización
5
9%
6
9%
4
9%
1
46 %
1
2
3
4
5
3
9%
6
2
18 %
Gráfico 3 Aspectos temáticos de la desmovilización
1. Discursos de los participantes de la ceremonia, 2. Entrega de armas, 3. Identificación de los
desmovilizados, 4. Atención y ayuda a los desmovilizados, 5. Otros, 6. Concentración
372
5
10 %
6
10 %
1
25 %
1
2
3
4
5
4
20 %
3
10 %
2
25 %
6
Gráfico 4 Aspectos temáticos de los discursos pronunciados en el acto de la desmovilización
1. Evaluación de la desmovilización y la paz, 2. Aspectos jurídicos de la desmovilización, 3. Reinserción, 4. Otros, 5. Posconflicto
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de 2006, en prensa.
Guerra y paz en los medios de comunicación
Resumen
El trabajo se propone examinar uno de los patrones que emplea un sector de la
prensa colombiana, El Meridiano de Córdoba, a la hora de representar las desmovilizaciones de la AUC. Recurriendo al análisis cuantitativo y cualitativo, se insiste
en que la prensa estableció un patrón informativo que prefiere la voz paramilitar
frente a la de la ciudadanía y la sociedad civil; su agenda temática se construye
desde el polo del poder tanto paramilitar como institucional excluyendo del debate
público a amplios temas como derechos humanos, verificación de la desmovilización, historia del conflicto, etc. Además, se da amplio espacio al paramilitarismo
y a las élites regionales para que intervengan en la prensa en favor de un marco
jurídico favorable para las autodefensas, y para que legitimen la paz frente a los
críticos.
El estudio se propone examinar los modos de representar a los actores involucrados directa o indirectamente en las desmovilizaciones, incluida la ciudadanía.
Representation of the Demobilization of the AUC
in the Colombian Press
Summary
This paper is aims to examine one of the modes of representation of the demobilization of the AUC, used by a sector of the Colombian press, El Meridiano de
Córdoba. Using quantitative and qualitative approaches, we would like to stress
that in the analysed case, large social sectors, such as civil society and citizens,
have been excluded from public debate. Thematically, the news reflect an institutional and paramilitary group’s point of view that excludes themes such as human
374
rights, verification of the demobilization, and the history of the Colombian civil
war. The press also gives privileged access to the media to paramilitary groups
and a regional elite, contributing in this manner to legitimating the peace process
and creating favorable legal conditions for the AUC in terms of impunity and other
benefits.
The study also tries to find how the press represents the social actors directly or
indirectly involved in the demobilization, including citizens and society as a whole.
Radim Zámec
Katedra romanistiky
Filozofická fakulta
Univerzita Palackého v Olomouci
Křížkovského 10
771 80 Olomouc
República Checa
[email protected]
375
ACTA
UNIVERSITATIS PALACKIANAE OLOMUCENSIS
PHILOLOGICA 92
ROMANICA OLOMUCENSIA XVIII
GRANDEUR ET DÉCADENCE
DE LA PAROLE AU XXIe SIÈCLE
GRANDEZA Y DECADENCÍA
DE LA PALABRA EN EL SIGLO XXI
Uspořádali Mgr. Slavomír Míča a Mgr. Radim Zámec, Ph.D.
Odpovědná redaktorka: Mgr. Jana Kreiselová
Technická redakce: VUP
Vydala a vytiskla Univerzita Palackého v Olomouci,
Křížkovského 8, 771 47 Olomouc
www.upol.cz/vup
e-mail: [email protected]
Olomouc 2007
1. vydání
ISBN 978-80-244-1820-9
ISSN 1802-8713

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