Mise en page 1

Transcripción

Mise en page 1
Editorial
L
e monde de la traduction, de la linguistique et de
l’interprétariat requiert-il un nouveau magazine professionnel? Il en existe déjà de très sérieux, au
contenu alléchant, mais que la vocation scientifique
et une mise en page austère rebutent parfois.
Au coeur de ces métiers depuis dix ans, nous constatons leur évolution perpétuelle et la seule approche
théorique ne suffit plus à déterminer la complexité et
les enjeux.
En 2010, le marché mondial de la traduction pèse
quelque quinze milliards de dollars, de deux à trois
cents millions en France et si l’on valorise la traduction automatique, on atteint, dans le monde entier,
quatre-vingts milliards de dollars, de quoi donner le
tournis et légitimer un discours plus large englobant
tous les acteurs du marché. Il nous est apparu qu’il
manquait parmi les titres en présence, un exemplaire
multilingue accessible à tous, traducteurs, interprètes, linguistes de formation et de profession, mais
aussi acheteurs, consultants, communicants, professionnel de l’Emarketing et du référencement. De ce
constat est né Globword, un magazine trimestriel
multilingue destiné à ce large lectorat et capable
d’aborder les questions scientifiques, économiques,
techniques et d’actualités pour offrir une information
à forte valeur ajoutée.
3
Ce premier numéro comporte quarante-deux pages
et propose, entre autres, un dossier détaillé sur la traduction technique et sur les différentes formes de traduction financières, une analyse fondamentale de
deux concepts courants du langage et une escapade
littéraire avec Milan Kundera, portant un jugement
haut en couleur sur les traductions de ses propres livres.
Globword est un magazine gratuit et disponible en
ligne par téléchargement, créer de façon collaborative il est ouvert à toutes les suggestions de sujets et
nous vous invitons, linguistes, traducteurs, interprètes, acheteurs à partager vos connaissances,
votre actualité et vos expériences par l’intermédiaire
de ce magazine. Merci et bonne lecture.
Bertrand Daudey
GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010
S O M M A I R E
LINGUISTIQUE
TRADUCTION
EMOTIONS ET CONTRAINTES INTERLOCUTIvES
DANS LA DISCUSSION
16
PAR EGLANTINE BREMOND
LA TRADUCTION TECHNIQUE : LE TEXTE
SOUS L’EMPIRE DE L’EXTRATEXTUEL
4
Globword est un magazine
trimestriel publié par la société
atenao EURL au capital de
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Globword est réalisé par des diplômés et professionnels de la traduction, de la linguistique et de
l'interprétariat. Ce magazine ne
peut-être vendu.
8
PAR MATHILDE JULIE LIvIA FONTANET
LA TRADUCTION LITTéRAIRE
vUE PAR L’AUTEUR
10
ENTRETIEN MARK POLLET DIRECTEUR IDA FINANCES
11
5
bon, MOTEUR D'ACTION, MOTEUR DU DISCOURS
LES 4 TyPES DE TRADUCTION FINANCIERE
12
PAR LAURENCE DEPRAZ
INTERPRETATION
Directeur de la rédaction :
Bertrand Daudey
Les titres, les intertitres, les textes
de présentation et les légendes
sont établis par la rédaction. La loi
du 11 mars 1957 interdit les copies
ou reproductions destinées à une
utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale
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de copie.
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aux intérêts moraux ou matériels de
la publication.
20
PAR CAPUCINE BREMOND
ANÁLISIS DE UN MANUAL DE
INTERPRETACIÓN BILATERAL
PAR GLORIA MUROS GÁLvEZ
EvENEMENT
COLLOQUE TRADUCTION, TERMINOLOGIE,
RéDACTION TECHNIQUE : DES PONTS ENTRE
LE FRANçAIS ET LE PORTUGAIS
PAR ISABELLE OLIvEIRA
14
32
Traduction
Traduction
LA TRADUCTION TECHNIQUE :
LE TEXTE SOUS L’EMPIRE DE L’EXTRATEXTUEL
Reproduction de
l’article de
Mathilde Julie Livia
FONTANET
Département de
traduction et de
traductologie
français
école de traduction
et d’interprétation
(ETI)
Genève, Suisse
6
Le mot « technique » est pris ici au sens étroit, correspondant à la première acception qu’en donne le
Trésor de la langue française1 : « qui concerne les
applications de la science [et] de la connaissance
scientifique ou théorique, dans les réalisations pratiques, les productions industrielles et économiques
». Dans la présente communication, relèvent ainsi
des « textes techniques » les manuels de référence,
les brochures d’entretien, les modes d’emploi, les
spécifications techniques et tout autre document à
vocation opérationnelle.
Nous nous appuierons en outre sur une définition
strictement fonctionnaliste du « texte technique »
dans la mesure où nous le caractérisons par sa
seule mission, sans considérer comme déterminant
qu’il soit le plus souvent une manifestation d’un discours spécialisé. Selon nous, le texte technique est
purement utilitaire en ce sens qu’il vient répondre
au besoin d’informations d’un lecteur désireux de
mener à bien une opération pratique (montage
d’une machine, application d’une procédure de
mise en service, production d’une pièce répondant
à certaines exigences, etc.). Ainsi, dans notre perspective, s’il est généralement riche en termes techniques et s’il s’énonce volontiers en langue
spécialisée, les termes et la langue spécialisée n’en
sont pas les caractères définitoires.
La fonction du texte technique
Le texte technique vise à transmettre des données
objectives (quantifiées, qualifiées et ne relevant ni
de l’opinion, ni du goût) à des lecteurs (ou « utilisateurs ») comptant agir efficacement dans la sphère
extralinguistique. À la fois miroir et voie d’accès, il
entretient ainsi une relation d’immédiateté avec la
réalité, dont il doit être le reflet direct et dans laquelle il doit permettre d’exercer un effet direct. En
cela, il se distingue du texte scientifique, qui a d’ordinaire pour vocation d’apporter des connaissances
ou de présenter des éléments à l’appui d’une théorie. Si les deux types de discours se doivent d’être
précis, concrets, logiques et univoques, le texte
scientifique possède une dimension rhétorique et
argumentative qui reste étrangère au discours technique.
langage de l’article
Le rapport du texte technique à son destinataire
Le texte technique n’a pas à justifier sa présence,
ni à promouvoir sa propre diffusion. Nul besoin pour
lui de se frayer une voie vers le public, de chercher
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à s’imposer parmi les autres discours. Il vient répondre à une demande préexistante, sans avoir ni
à la susciter, ni à l’entretenir : le technicien consultant son manuel de procédures n’a pas d’autre option que de s’y référer. Aussi jamais le texte
technique ne s’essaie-t-il à la séduction, l’argumentation ou l’émotion. Jamais il ne recourt à l’humour,
l’identification ou l’esthétique. Il reste dense de
sens, se veut intégralement dénotatif et affranchi de
toute portée connotative.
L’auteur du texte technique
Autre particularité, le texte technique ne se présente
pas comme le produit d’un « auteur ». Il semble
bien plutôt émaner directement de la réalité technique, avoir été dicté par une forme de logique universelle, sans avoir transité par une quelconque
subjectivité. La plupart des autres textes de spécialité laissent entendre une voix, entrevoir un principe
humain à leur origine. Le discours scientifique, par
exemple, qui procède souvent de la démonstration,
suit une ligne de pensée logique et déductive qu’il
met en avant pour attester sa crédibilité, et manifeste ainsi en tout temps une intentionnalité. De
même, le texte juridique, qui marque son appartenance à une élite par une syntaxe et des tournures
archaïsantes, permet à son auteur de se positionner socialement. Le texte technique, lui, trouve sa
force dans sa neutralité et son objectivité.
La forme du texte technique
Parce qu’il n’a d’autre vocation que d’informer et
que l’information qu’il communique ne saurait prêter
à controverse, le texte technique se focalise sur son
seul sens, subordonnant tout aspect formel à la
seule efficacité du message. Selon Claude Bédard,
les textes qui nous intéressent présentent un niveau
de langue qu’il qualifie de « niveau usuel », appartiennent au registre neutre (parce qu’ils ne déploient
aucun effet stylistique) et marquent le « degré zéro
de l’écriture » (Bédard 1986 : 166-168).
Si la forme du texte technique ne cherche pas à colorer le sens, mais uniquement à le mettre à nu,
sans jamais le détourner du chemin de la stricte signification, et si elle tend à se faire oublier, elle n’en
reste pas moins le vecteur essentiel du message.
Sa qualité se mesure à sa précision, sa clarté et sa
concision.
Par voie de nécessité, le texte technique est le plus
souvent exprimé dans une « langue spécialisée »
(ou « langue de spécialité »), que Lerat définit
comme procédant de « l’usage d’une langue natu-
relle pour rendre compte techniquement de
connaissances spécialisées » (Lerat 1995 : 21) et
comptant parmi ses expressions caractéristiques
les termes, les formules et le « vocabulaire de soutien » (Lerat 1995 : 3). L’usage de la terminologie y
est dicté par des contraintes d’univocité (facteur à
la fois de clarté et de précision) et de concision.
LA TRADUCTION DU TEXTE TECHNIQUE, la
fonction du texte traduit
Le texte traduit a une fonction assimilable à celle de
l’original. Ce sont les mêmes informations qu’il vise
à transmettre, pour permettre d’exécuter les mêmes
gestes et de mener à bien les mêmes opérations.
Tout comme l’original, il se destine avant tout à un
« utilisateur » et se caractérise par sa nécessaire
immédiateté avec la « réalité ».
Le texte traduit entretient un rapport tout à fait paradoxal avec le texte original. Comme son centre
de gravité se situe en quelque sorte en dehors de
la langue, dans la seule « réalité technique », le traducteur peut, si celle-ci l’exige, s’écarter librement
du « dire » de l’original, sans même nécessairement
chercher à s’appuyer sur le « vouloir dire » de l’auteur : il doit communiquer ce que le texte « devrait
dire » pour rester en adéquation avec sa portée
extralinguistique.
À l’ordinaire, l’original a une valeur absolue et le
texte traduit a une valeur relative. Dans le cadre de
la traduction technique, cependant, seul le monde
extralinguistique a une valeur absolue, celle de l’original comme de sa traduction restant en tout temps
relative. Aussi le principe de la fidélité à l’égard de
l’original y est-il atténué : si l’original est mal rédigé
ou s’il comporte des erreurs, le traducteur a toute
latitude pour intervenir pour réorganiser la forme et
corriger le sens. À titre d’exemple, il importe peu
que la traduction d’un mode d’emploi emboîte le
pas au texte original. S’il s’agit de monter une bibliothèque, l’essentiel est que le lecteur reçoive des
informations correctes, claires et précises. En fin de
compte, la qualité du travail du traducteur ne se mesurera pas à sa fidélité à l’égard de l’original, mais
bien plutôt au temps que mettra l’utilisateur pour
exécuter le montage.
C’est précisément la perspective qu’adopte Barbara
Folkart, en soulignant que le discours technique est
la manifestation la plus absolue de la fonction référentielle de la langue. Selon elle (Folkart 1984 : 229230), la trajectoire qui s’impose au traducteur
technique part de la langue source et passe par le
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Traduction
référent extralinguistique pour arriver à la langue
cible, quitte à court-circuiter le texte source pour
partir directement du référent : la seule contrainte
formelle qu’il doit s’assigner est de maintenir le caractère transparent du texte pour garantir sa relation
d’immédiateté avec la réalité qu’il décrit.
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La voix de l’auteur et celle du traducteur
Dans une perspective générale, s’élevant contre la
croyance que la « voix de l’auteur » peut être totalement préservée dans une traduction sans que
celle du traducteur se laisse entendre, Folkart (1991
: 395-396) avance que « la voix qui parle dans la
traduction […] est une somme de différences plus
ou moins minuscules, plus ou moins hétéroclites,
une série de dissonances intermittentes et fugaces
analogues aux interférences acoustiques, battements produits par deux ondes de fréquence rapprochée ». De même, Theo Hermans (2002) fait
valoir que la traduction ne saurait être assimilée à
une simple réénonciation de l’original et postule que
tout texte traduit, loin d’être une représentation
transparente du texte source, est, au même titre
que tout autre texte rapporté, mais à plus forte raison encore, nécessairement pluriel, décentré, hybride et polyphonique : il est imprégné de la
présence discursive du traducteur, qui se manifeste
par une voix distincte et une position subjective –
que Hermans appelle « la voix différentielle du traducteur » en s’inspirant d’une expression de Folkart. Selon nous, la traduction technique constitue
une exception à cet égard. Le total assujettissement
du texte à sa valeur référentielle évince tant l’auteur
que le traducteur de leur matérialité discursive et
fait taire la voix de l’un comme de l’autre.
Hermans estime en outre que la nature polyphonique de la traduction découle aussi du fait que son
discours renvoie non seulement au texte source,
mais aussi (par soumission ou par transgression) à
des normes de traduction, qui viennent « filtrer » les
textes que produisent les traducteurs. Nous estimons comme lui qu’une norme prévaut nécessairement dans toute forme de traduction. Dans le cas
de la traduction technique, toutefois, celle-ci renvoie
à nouveau à la réalité extralinguistique : le mode de
dire est subordonné au mode de faire. Ainsi, dans
une procédure d’entretien comme dans un mode
d’emploi, l’ordre d’énonciation des éléments d’information devra suivre la chronologie des gestes préconisés.
La forme du texte traduit et le processus de traduction
La forme du texte traduit, comme celle du texte original, a pour seule fonction de recentrer le texte sur
son sens. Aussi doit-elle également se caractériser
par sa concision, sa simplicité, sa cohérence et sa
clarté.
Le processus de traduction technique se caractérise par un calibrage répété des incertitudes (pour
se protéger des a priori, des évidences illusoires, et
définir le travail nécessaire pour comprendre réellement le texte) et par la nécessité de procéder à
des contrôles itératifs de cohérence (pour veiller à
la cohérence, aussi bien interne qu’externe2, de l’interprétation donnée à l’original, puis à la cohérence
GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010
Traduction
du texte traduit). Dans la phase de sémiasologie, le
traducteur doit :
- définir ses incertitudes (car c’est à cette seule
condition qu’il pourra les gérer),
- déterminer le niveau de compréhension qui lui est
nécessaire (il n’a par exemple pas besoin de comprendre le fonctionnement du tube cathodique du
seul fait que le mot télévision figure dans un texte),
- procéder au repérage des unités sémantiques et
terminologiques,
- entreprendre les recherches terminologiques et
documentaires qui s’imposent pour lever les incertitudes ;
- contrôler la cohérence (interne comme externe2)
de la compréhension du texte original (contrôle des
cohérences interne et externe).
Dans la phase d’onomasiologie, le traducteur doit :
- déterminer le degré de précision que requiert le
destinataire,
- trouver la terminologie adéquate pour restituer (ou
du moins transmettre) le sens,
- opter pour une forme adéquate (univoque, claire
et concise),
- contrôler le sens (contrôle de la cohérence, tant
interne qu’externe2 du texte traduit) et la forme
(contrôle orthographique, syntaxique et terminologique).
Le traducteur technique cherche d’abord à extraire
tous les éléments d’information que recèle l’original.
Il sollicite aussi ses connaissances générales et
spécialisées, de même que son savoir terminologique. Si ceux-ci sont insuffisants, il entreprend des
recherches documentaires et terminologiques. À
cet effet, il s’adresse à des spécialistes ou consulte
des encyclopédies, des glossaires et d’autres ouvrages de référence. Il peut également s’appuyer
sur des corpus de textes pertinents. De fait, la proximité entre discours technique et réalité extralinguistique fait que la connaissance de cette dernière
peut passer par la consultation des textes fiables
qui s’y rapportent. Les corpus pertinents, dans la
mesure où ils sont assimilables à des manifestations directes de la réalité technique, sont de sûres
références pour établir tant le sens que la terminologie. Ils permettent au traducteur de trouver les
termes dans leur environnement « naturel » et
contribuent donc utilement à la résolution de plusieurs problèmes propres à la traduction technique.
LES DIFFICULTÉS INHÉRENTES À LA TRADUCTION TECHNIQUE
Le repérage des termes
On se méprend souvent sur les difficultés inhérentes à la traduction technique, qu’on tend à ramener à un problème de recherche terminologique,
alors que celle-ci peut le plus souvent se mener à
bien sans problème. La difficulté première réside en
fait souvent dans l’identification des termes, qu’il
faut nécessairement repérer avant d’entreprendre
de résoudre les problèmes qu’ils entraînent. Or,
comme le fait valoir Juan Sager (2000 : 47), le profane peut prendre pour un terme ce qu’un spécialiste considère comme un mot de la langue
générale et, inversement, prendre un terme pour un
mot ordinaire. Il est parfois difficile de distinguer la
langue générale et la langue spécialisée, car celle-
ci utilise volontiers des termes spécialisés entremêlés de mots ordinaires. Si les composés savants formés à partir de racines grecques ou latines sont
relativement faciles à reconnaître, les termes syntagmatiques, plus fréquents du fait de leur flexibilité
formelle et sémantique et de leur productivité (Kocourek 1991 : 151), posent davantage de difficultés.
De plus, certains mots du lexique général peuvent
prendre une acception particulière en langue spécialisée.
En fait, le plus ardu peut être non pas de trouver la
traduction des termes, mais de les définir dans la
chaîne syntagmatique et d’établir comment celle-ci
s’articule. Prenons l’exemple du titre d’un document
du CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire), Supply of fine blanked austenitic steel collars for the cold masses of the LHC
superconducting dipole magnets.
Pour mener à bien sa tâche, le traducteur doit tout
d’abord établir des liens entre les mots, en apparier
certains et envisager toutes les possibilités avant
d’en écarter le plus possible. De fait, quelles sont
les unités à prendre en compte ? S’agit-il de steel
collars et, dans ce cas, austenitic vient-il qualifier
collars ou steel. De même, l’adjectif fine s’associet-il à blanked ou qualifie-t-il directement collars ou
steel ?
Les différences de plages sémantiques entre les
langues
Une autre difficulté réside dans la différence qui
peut exister entre le découpage sémantique prévalant dans les deux langues de travail. Par exemple,
les trois phrases qui suivent ont été tirées d’un
même texte sur la foudre (trouvé sur le site de la
BBC3). Or, le terme lightning, qui apparaît trois fois
dans l’original, ne saurait être traduit par le même
mot dans les trois cas :
1) We now know that lightning is an electrical discharge from cumulonimbus clouds.
2) First, the lightning travels very rapidly towards the
Earth, but is quite faint.
3) As lightning is seen and thunder heard, lightning
travels at the speed of light, and thunder at the
speed of sound.
Dans la première phrase lightning est défini en tant
que phénomène, celui d’une décharge électrique
provenant d’un cumulo-nimbus. C’est le phénomène de la foudre.
Dans la deuxième phrase, il est indiqué que le (ou
la) lightning se déplace très rapidement vers la
Terre, mais n’est que faiblement lumineux. À l’évidence, le traducteur ne saurait donc opter pour «
foudre ». Une recherche documentaire permet
d’établir qu’il ne s’agit encore que
d’une décharge atmosphérique, autrement appelée
« traceur descendant » ou « précurseur » qui est un
canal ionisé se développant du nuage vers le sol.
Dans la troisième phrase, enfin, il est fait référence
à la manifestation visuelle de la foudre – autrement
dit, à l’éclair (qui s’oppose ici au tonnerre, la manifestation auditive).
L’impossibilité de s’appuyer sur des connaissances préalables
Lors de la lecture d’un texte standard, la précon-
naissance du domaine permet au destinataire de
procéder à des interprétations (le plus souvent
spontanées) qui viennent compenser des ambiguïtés du texte. Un certain flou grammatical n’est ainsi
souvent pas même perçu comme tel, car le champ
des possibilités est considérablement réduit par
l’élimination spontanée de toutes les interprétations
en rapport d’incohérence avec la réalité extralinguistique.
Inconsciemment, tout lecteur (et tout traducteur) fait
intervenir une part importante de déduction et d’inférence pour établir, à partir d’un énoncé quelconque, le sens qu’il doit transmettre.
Ainsi, dans la phrase suivante, la syntaxe anglaise,
parce qu’elle autorise à ne pas donner la marque
du pluriel au premier élément d’un nom composé,
entraîne une incertitude pour quiconque ne connaît
pas le contexte. Magnet training is the critical stage.
Ici, aucune ressource terminologique, ni même documentaire ne pourra permettre de conclure s’il
convient de traduire la phrase par « L’accommodation de l’aimant est l’étape délicate » ou « L’accommodation des aimants est l’étape décisive ». Un
autre problème se pose dans l’expression suivante
: Our klystron cannot be compared with other premium-grade klystrons.
Il est fait référence à « d’autres klystrons ». Or,
selon la grammaire anglaise, il peut soit s’agir d’autres klystrons, qui sont eux aussi de qualité supérieure, soit d’autres klystrons qui se trouvent par
ailleurs être de qualité supérieure. À nouveau, seule
une connaissance du contexte sera susceptible de
lever l’ambiguïté.
Enfin, outre le problème bien connu des « faux amis
», le traducteur doit faire preuve d’une vigilance
toute particulière. Pour reprendre un exemple d’une
traduction anglais-français, la phrase suivante
risque fort d’être mal traduite par tout francophone
ne cherchant pas à se représenter la situation :
The purpose of combustion is to rotate the rotor
around the chamber.
Sachant que la préposition around signifie le plus
souvent « autour de », la tentation sera grande de
traduire le texte par « La combustion a pour effet de
faire tourner le rotor autour de la chambre » – une
traduction fautive, car le rotor se trouve en l’occurrence à l’intérieur de la chambre.
CONCLUSION
En raison du statut particulier du texte technique,
qui se doit d’être un reflet de la réalité extralinguistique, lors de l’interprétation du texte orignal, le traducteur ne devra pas s’attacher à restituer « ce qu’a
voulu dire » l’auteur, mais « ce qu’il aurait dû »
écrire pour que le sens corresponde à cette réalité
extralinguistique. Cette polarisation du texte sur «
l’extratextuel » a des incidences très sensibles sur
les principaux paramètres de la traduction : le filtrage de l’information est ainsi tout autre que dans
une situation où il importe de reproduire des effets
stylistiques (qui exigent de se concentrer sur le jeu
des évocations et sonorités du texte), ou de reproduire un contenu sémantique empreint de subjectivité (car il convient alors de communiquer le
message précis que veut transmettre l’auteur).
bibliographie
bédard (C.), 1986 : La traduction technique – principes et pratique, Montréal,
Linguatech.
Folkart (b.), 1991 : Le
conflit des énonciations :
Traduction et discours rapporté, Québec, balzac.
Folkart (b.), 1984 : « A
Thing-bound Approach to
the Practice and Teaching
of Technical Translation »,
dans Meta, no 29, 3,
p. 229-246.
Hermans (T.), 2002 : « Paradoxes and apories in
translation and translation
studies », dans Riccardi
(A.), éd., Translation Studies –
Perspectives on an Emerging Discipline, Cambridge,
Cambridge
University
Press, p. 10-23.
Kocoureck (R.), 1991 : La
langue française de la technique et de la science : vers
une linguistique de la
langue savante, 2e éd.
augmentée, refondue et
mise à jour, Wiesbaden, o.
brandstetter.
9
Lerat (P.), 1995 : Les
langues
spécialisées,
Paris, Presses universitaires de France.
Sager (J.), 2000 : « Pour
une approche fonctionnelle
de la terminologie », dans
Thoiron (Ph.) et béjoint
(H.), dir., 2000 : Le sens
en terminologie, Lyon,
Presses universitaires de
Lyon (Travaux du C.R.T.T),
p. 40-60.
notes
1 Trésor de la langue française: dictionnaire de la
langue du XIXe et du XXe
siècle, (1789-1960), 16 volumes,
Paris, CnRS, 1971-1994.
2 Par « cohérence interne
», nous entendons la compatibilité mutuelle des divers éléments sémantiques
du texte.
Par « cohérence externe »,
nous entendons la compatibilité entre chaque élément sémantique du texte
et la réalité
extralinguistique.
3 Texte trouvé à l'url
http://www2.thny.bbc.co.uk/
weather/features/weatherbasics/lightning.shtml
(consulté le 30
septembre 2005)
GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010
Traduction
Traduction
La traduction
littéraire vue par l’auteur
La traduction de roman sort des règles générales de
la traduction pour devenir un exercice artistique au
même titre que la création du roman lui-même. Si elle
n’est pas réalisée par un professionnel du genre, le
résultat peut parfois surprendre. Extrait de «l’art du
Roman» de Milan Kundera
En 1968 et 1969, La Plaisanterie a été traduit
10
langage de l’article
dans toutes les langues occidentales. Mais quelles
surprises ! En France, le traducteur a récrit le roman
en ornementant mon style. En Angleterre, l'éditeur
à coupé tous les passages réflexifs, éliminé les chapitres musicologiques, changé l'ordre des parties,
recomposé le roman. Un autre pays. Je rencontre
mon traducteur ; il n e connaît pas un seul mot de
tchèque. "Comment avez-vous traduit?" Il répond :
"Avec mon coeur", et me montre ma photo qu'il sort
de son portefeuille. Il était si sympathique que j'ai
failli croire qu'on pouvait vraiment traduire grâce à
une télépathie du coeur. Bien sûr, c'était plus simple
: il avait traduit à partir du rewriting français de
même que le traducteur en Argentine. Un autre
pays : on a traduit du tchèque. J'ouvre le livre et je
tombe par hasard sur le monologue d'Helena. Les
longues phrases dont chacune occupe chez moi
tout un paragraphe sont divisés en une multitude
de phrases simples... Le choc causé par les traductions de La Plaisanterie m'a marqué à jamais. D'autant plus que pour moi qui n'ai pratiquement plus le
public tchèque les traductions représentent tout.
C'est pourquoi, il y a quelques années, je me suis
décidé à mettre enfin de l'ordre dans les éditions
étrangères de mes livres. Cela n'a pas été sans
conflits ni sans fatigue : la lecture, le contrôle, la révision de mes romans, anciens et nouveaux, dans
les trois ou quatre langues étrangères que je sais
lire ont entièrement occupé toute une période de
ma vie...
L'auteur qui s'évertue à surveiller les traductions de
ses romans court après les innombrables mots
comme un berger derrière un troupeau de moutons
sauvages ; triste figure pour lui-même, risible pour
les autres. Je soupçonne mon ami Pierre Nora, directeur de la revue Le Débat, de s'être bien rendu
GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010
compte de l'aspect tristement comique de mon existence de berger. Un jour, avec une compassion mal
dissimulée, il m'a dit : Oublie enfin tes tourments et
écris plutôt quelque chose pour ma revue. Les traductions t'ont obligé à réfléchir sur chacun de tes
mots. Ecris donc ton dictionnaire personnel. Dictionnaire de tes romans. Tes mots-clés, tes mots-problèmes, tes mots-amours..."
voilà, c'est fait
ENTRETIEN
Dans quelle mesure avez-vous recours à la traduction?
Mark Pollet - En tant qu’acteur financier international, notre société propose ses produits à l'étranger,
en Europe, mais aussi en Asie et aux états-Unis, la
traduction a par conséquent une importance fondamentale dans notre activité puisqu’elle doit nous
permettre de proposer et de vendre nos produits à
une clientèle très diversifiée qui va des particuliers
aux entreprises de toutes tailles en passant par
l’épargne salariale et les détenteurs de grands patrimoines.
Quelles sont vos exigences en la matière ?
Mark Pollet - Nos exigences sont relativement simples, la traduction de nos outils a une double fonction pull et push. La qualité du contenu, du
rédactionnel doit attirer les investisseurs, l’impact
doit pousser le produit vers les clients. Il y a donc
une question inévitable de rentabilité, une traduction non suivie d’investissement est, par nature, inutile. Nous sommes conscients que cette recherche
de rentabilité complexifie le processus de traduction
puisque nous recherchons une fin là ou les agences
de traduction et les traducteurs n’ont qu’une obligation de moyen et la présence d’intermédiaires entre
le producteur, en l’occurrence le traducteur, et le
client final, notre client, qui peut se trouver n’importe
tout dans le monde impose un dialogue de tous les
instants afin de bien clarifier les objectifs et les retranscrire dans la traduction.
Quels sont ces objectifs?
Mark Pollet - L’image véhiculée tout d’abord.
L’acheteur de traduction est extrêmement sensible
à l’image de ses produits et de son entreprise, sa
principale préoccupation et que le texte projette parfaitement son image et son identité. La condition de
base est évidemment la maîtrise technique, la compétence du traducteur est la condition sine qua non
de la réussite, mais il est important que le traducteur
dispose d’une large compétence, le milieu de la finance est composé de multiples branches avec
chacune sa terminologie spécifique. Cela passe par
un style simple, concis, garantissant la clarté des
informations transmises et leur cohérence. Nous
valorisons nos produits de façon promotionnelle,
mais aussi de manière didactique et notre cible de
clientèle ne s’attarde pas sur la lecture, il est fondamental que le message soit clair, qu’il passe bien,
rapidement et efficacement et qu’il soit en mesure
de convaincre le lecteur. Un traducteur compétent
doit d’après moi disposer de tous ces atouts afin de
convaincre tout en utilisant un langage simple et
précis.
Mais un mauvais texte source ne
peut pas conduire à une bonne
traduction
Mark Pollet - C’est tout a fait exact,
nos textes sources sont rédigés par
des spécialistes de la finance et
nous accordons énormément de
temps a les concevoir, nous
connaissons donc la qualité de la
matière que nous mettons entre les mains des traducteurs. Il n’empêche que nous soumettons toujours nos originaux à notre agence ou à nos
traducteurs parce qu’ils disposent de la capacité de
réfléchir dans d’autres langues et de nous permettre d’améliorer le contenu original qui parfois
s’avère trop national. Après le travail de traduction,
il y a souvent des écarts entre la source et la cible,
le langage publicitaire par exemple regorge de slogans et jeux de mots souvent intraduisibles, le traducteur prend souvent la liberté d’intégrer des
dictons ou de reconstituer des procédés stylistiques
afin de rendre le sens du jeu de mots initial.
Existe-t-il un process IDA pour tous vos projets
de traduction
Mark Pollet - Plus ou moins, nous avons mis en
place un système hiérarchisé au début de notre collaboration avec notre agence de traduction et, au fil
du temps, les étapes sont devenues naturelles et
les choses coulent de source aujourd’hui. Il fallait
déjà connaître les traducteurs avec lesquels nous
allions travailler et notre choix s’est porté sur
l’agence, car elle seule est capable de proposer plusieurs profils et garantir que l’un des traducteurs sélectionnés soit disponible le moment venu.
L’agence a effectué des tests de sélection et nous
a proposé les profils les plus en phase avec nos
problématiques. La constitution de mémoires de traduction dédiées permet aujourd’hui de garantir l’intégrité de la terminologie. Cette phase est capitale,
car elle permet d’asseoir le travail dans des conditions saines. Ensuite, il y a une phase de brief,
chaque nouveau projet fait l’objet d’un brief détaillé
fourni à l’agence, il y a une phase de questions réponses entre l’agence, ses traducteurs et le client
et enfin, lorsque la traduction est livrée nous donnons notre feed-back et retravaillons sur la version
cible avant publication.
Qu’attendez-vous à l’avenir de vos prestataires?
Mark Pollet - Davantage de conseils, les responsables et donneurs d’ordre ont besoin de voir audelà des frontières nationales et de s’imprégner des
cultures et des pays sur lesquels ils s’implantent,
traducteurs et agences doivent accompagner davantage leur clientèle.
Mark Pollet
Directeur marketing
IDA Finance
11
langage de l’article
GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010
Traduction
Traduction
Les 4 types de traduction
financière
Dans le monde de la finance, la traduction se doit d’être efficace et pertinente il s'agit, en règle générale, de faire passer un message
de la manière la plus pertinente possible dans la langue cible, car chaque client exige des traductions exploitables dès réception. La
traduction financière est aussi diversifiée que l’est le secteur financier, nous pouvons déterminer quatre segments majeurs.
Efficacité et pertinence sont les maîtres
12
Par
Laurence Depraz
Traductrice
langage de l’article
tière d’opérations financières est alors délicate et à
très fort enjeu ; car le traducteur est un membre actif
dans le déroulement de l’opération financière, et un
membre à part entière, là aussi, d’une équipe, tout
autant que d’autres intervenants comme le banquier d’affaires, le cabinet d’avocats ou les conseils.
La traduction prend une grande place dans le
monde des opérations financières, où elle aura lieu
dans un modèle de crise, où les délais sont courts
et l’enjeu extrêmement important.
La collaboration entre traducteurs de différentes
spécialisations et aux diverses expériences, et le
travail en équipe, permettront d’assurer en temps
et en heure la traduction, et d’en maîtriser toutes les
parties qu’elles soient comptables, financières ou
juridiques.
mots d’une bonne traduction financière, et
ce, quel que soit son type ; car celle-ci doit permettre le passage d’un message financier dans une
langue cible, de la façon la plus optimale possible.
Il faut savoir qu’on distingue quatre types de traduction financière, ou plutôt quatre segments de la finance où la traduction prend toute son ampleur et
son importance, qui sont : l’analyse financière, les
opérations financières, la communication financière
et la technique financière.
L’analyse financière
Le premier segment se reporte à l’analyse financière ou recherche financière et là, la traduction immergera dans le monde de la bourse et aura
comme clientèle principale les courtiers (qui jouent
le rôle finalement de vendeurs). La traduction est
un outil indispensable leur permettant de communiquer efficacement et sans superflu. Dans ce cas
précis, l’efficacité et la pertinence citées plus haut
sont particulièrement de mise et notamment dans
le style. Il faudra alors aller directement au but, être
concis et pertinent à la fois, afin que le message (de
vente) le soit également.
Outre l’efficacité et la pertinence, un autre paramètre de qualité de la traduction est particulièrement
important dans le monde de l’analyse financière : la
fiabilité ; et ce, pour deux raisons.
D’une part, le consommateur ou client de la traduction qui est, dans ce cas, le responsable du service
édition chez le courtier, exigera une fiabilité totale
parce qu’il devra exploiter, et ce, dès sa réception,
la traduction. Donc, le prestataire de la traduction
devra assurer sérieux et fiabilité de sa prestation
d’un bout à l’autre lors de la production, jusqu’à sa
réception et son exploitation par le service édition.
Il faut quand même savoir qu’en règle générale, le
client se doit de relire la traduction, car à lui seul,
incombera la responsabilité éditoriale ; lui seul
GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010
devra approuver ou non ladite traduction et donner
ou non son bon à tirer.
D’autre part, la traduction en matière d’analyse financière est souvent confrontée à un timing serré
et à des volumes de production quasi industriels.
Le traducteur doit travailler beaucoup, rapidement
et de la manière la plus efficace. Afin de pouvoir
avoir cette importante productivité et répondre à
des exigences de délais, le traducteur doit obligatoirement collaborer et travailler en équipe, car seul,
il sera inapte à répondre à de telles exigences de
temps et de volume. En pool, fiabilité totale, maîtrise des délais pourront être assurées.
Les opérations financières
Deuxième type de traduction est celle liée au
monde des opérations financières. La traduction ici,
est une prestation à haut risque, car, à elle seule,
elle pourra entraver le bon déroulement d’une opération financière. La prestation de traduction en ma-
La technique financière
Le quatrième et dernier type de traduction financière et non des moindres a trait à la technique financière. La traduction a comme utilisateur direct
et final un technicien financier, un consommateur
de la traduction qui maîtrise tous les méandres de
la technique financière. Donc, le paramètre de qualité qui prime dans ce genre de traduction financière
est la parfaite compétence. Le traducteur se doit
d’être spécialiste du domaine, formé au métier, un
« quasi-technicien financier » qui a acquis lors de
son cursus professionnel, les compétences adéquates en ayant été expert-comptable, analyste financier ou autre, avant de devenir traducteur.
13
La communication financière
Le troisième type de traduction financière est relié
à la communication financière, véritable vecteur de
l’image corporate de l’entreprise. Différente des précédentes traductions financières, cette dernière
joue un rôle stratégique dans la construction de
l’image de bonne santé financière de l’entreprise.
Grâce à un style particulièrement soigné, le traducteur contribuera à valoriser l’entreprise et à
construire une communication financière attractive,
valorisante et efficace. Et ce d’autant plus qu’en matière de communication financière, les documents
dont la durée de vie est longue sont largement diffusés, aujourd’hui, grâce au média Internet qui a
bouleversé les usages. La traduction s’attellera au
travers le temps, jour après jour, à influencer positivement la perception de l’entreprise/institution par
ses actionnaires et investisseurs ; à attirer les
hommes et les marchés, et à fidéliser son actionnariat. À cette fin, la traduction se fera généralement par un unique traducteur fidèle et fidéliser par
l’entreprise et qui va maîtriser toute sa stratégie de
communication financière pour en assurer la cohérence dans le temps.
GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010
Traduction
Traduction
COLLOQUE :Traduction, terminologie, rédaction
technique : des ponts entre le français et le
portugais
Les langues occupent une place de choix :
14
Par
Isabelle Oliveira
Maître de conférences
Université de Paris3
Sorbonne Nouvelle
langage de l’article
la maîtrise de multiples formes de communication orale et écrite est exigée sur le marché du travail et conditionne l'accès à
l'information, à la culture, à la vie sociale et
à la citoyenneté ; le développement du secteur des services fait des langues de véritables acteurs de l'économie ; la
mondialisation et la construction de l'Union
européenne multiplient les échanges et les
contacts entre les langues ; enfin, les langues sont
au coeur de la révolution introduite par les nouvelles
technologies. Toutes ces évolutions appellent des
interventions pour assurer le respect de la diversité
culturelle et linguistique, mais aussi pour développer les passages entre les langues (apprentissage
de plusieurs langues, traduction, terminologie, interprétation, rédaction technique, banques terminologiques...)
Le choix du sujet pour le colloque que nous organisons le 13 et 14 janvier 2011 en hommage au Professeur Armelle Le Bars, a été dicté par nos propres
thématiques de recherche. Nous avons opté pour
un thème, « Traduction, terminologie, rédaction
technique : des ponts entre le français et le portugais », volontairement vaste. Nous voulons, en
effet, organiser un colloque qui puisse faire la part
belle à la diversité et à l'originalité, aussi bien sur le
plan terminologique que de la traduction et linguistique. En effet, traduction et terminologie sont des
disciplines à part entière. Bien qu’elles soient étroitement liées à la linguistique, les linguistes se sont
encore trop peu intéressés à l’inventaire des
concepts et méthodes qu’ils peuvent mettre à la disposition de la traduction et de la terminologie pour
aider à leur développement. Ce colloque se propose de faire le point sur les apports de la linguistique à la traduction et à la terminologie. Et c’est
dans cette direction que l’on cherchera à répertorier
les voies de recherche importantes susceptibles de
mieux faire comprendre certains points clés des
sciences du langage, y compris dans leurs applications industrielles. Ainsi avons-nous accepté des
communications axées aussi bien sur le monde de
la traduction que sur le monde de la terminologie, à
partir d’un atout précieux que l’on oublie insidieuse-
GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010
ment. Cet atout, c’est la francophonie et la lusophonie. C'est de cette variété que notre manifestation
tirera l'un de ses aspects les plus importants, un
autre étant son caractère international. Ainsi, les travaux du colloque porteront en particulier sur deux
ensembles linguistiques à dimension internationale
: la francophonie et la lusophonie. Comme éléments
de réflexion, nous pourrons nous pencher sur les
innovations possibles en matière de travaux de traduction et de terminologie entre ces espaces francophones et lusophones. Il est apparu, lors de
rencontres scientifiques récentes, que, sur des problématiques communes des méthodes existent, qui
ne demandent qu’à être développées. Face au défi
de la mondialisation, en ces temps de suprématies,
il n’y a peut être pas de concept plus important que
celui de latinité. Ensemble, nous pouvons offrir un
contrepoids culturel, une échappatoire vers la diversité en collaboration avec les autres langues qui luttent pour affirmer leur identité. La conscience de
cette latinité nous distinguera. Se placer sur le simple plan de l’affrontement et des rivalités serait ridicule et réducteur, mais prêcher le respect des
autres cultures, des autres entités linguistiques est
d’autant plus indispensable à la latinité que son
avenir réside dans le soutien au plurilinguisme.
La diversité culturelle du monde, la richesse de ses
différentes visions, de ses valeurs, ses croyances,
ses pratiques et ses expressions, sont notre patrimoine commun et une source d’échanges, d’innovation et de créativité qui est essentielle pour
l’humanité. Pour cela, il faut lutter pour la préservation de la diversité culturelle dans un monde que
l’internationalisation et l’accélération des échanges
amènent rapidement sur la voie de l’uniformisation.
Tout en laissant aux spécialistes une grande latitude dans le choix des sujets, nous avons recommandé à certains d'entre eux d'essayer d'orienter
leur travail dans quelques directions de recherches
dont l'importance est encore à démontrer. voici les
deux grands axes autour desquels seront organisées les deux journées de colloque :
1. Le plurilinguisme et, par conséquent, la traduction – car on ne saurait apprendre toutes les
langues – sont devenus des enjeux vitaux de la
communication à l’échelle aussi bien planétaire que
locale. Ainsi s’explique la nécessité d’une approche
pluridisciplinaire de la traduction. Seule celle-ci est
EVENEMENT
COLLOQUE
Traduction, terminologie,
rédaction technique : des
ponts entre le français et le
portugais
DATE :
13 et 14 Janvier 2011
15
LIEU
13 janvier 2011 :
Salle Bourjac
Université
Sorbonne Nouvelle
75003 Paris
capable de fournir les clés des recontextualisations
culturelles et géopolitiques, indispensables pour
comprendre la complexité du monde contemporain.
2. Par ailleurs, ce colloque abordera les problèmes de fond en rapport avec la langue (langue
et discours), la terminologie et l’ontologie, la terminologie médicale et ses problèmes, le droit et son
langage particulier pour finir avec l’étude de la métaphore de spécialité et le problème de l’équivalence
inter-linguistique
qu’elle
implique.
Parallèlement, le développement de la linguistique
de corpus qui a conduit à l’émergence d’approches
et de théories prenant en compte la variation. Ce
colloque contribuera à apporter une nouvelle pierre
à l’édifice des théories de la terminologie et de la
traduction qui inclue une dimension épistémologique concernant la filiation entre les aspects cognitifs de l'élaboration des savoirs et les
phénomènes linguistiques relatifs à leur mise en
œuvre.
Pour finir, les interventions à ce Colloque
international se feront sous différentes
formes. D'une part, des personnalités impliquées dans la mise en place des politiques linguistiques seront invitées pour
faire part de leurs expériences et plus de
cinquante orateurs ont été sélectionnés
suite à notre appel à communication venant essentiellement du Brésil, Angola,
Cap vert, Portugal, Argentine, Sénégal,
égypte, Roumanie, Afrique du Sud et
France. D’autre part, une place particulière
sera réservée aux jeunes chercheurs et
aux doctorants qui auront aussi l’occasion
de présenter et de faire progresser leurs
analyses d’un point de vue tant théorique
que pratique.
14 janvier 2011 :
Palais du Luxembourg
15, rue de Vaugirard
75006 Paris
CONTACT
tel: 01 45 87 41 13
email :
[email protected].
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Linguistique
Linguistique
Emotions et contraintes interlocutives
dans la discussion
Lors d’une analyse énonciative de la modalisation disons que, il s’est avéré nécessaire d’avoir un outil théorique complémentaire
pour rendre compte de l’implication des sujets dans le discours. Certaines données contextuelles sont encore difficiles à traiter ;
elles sont sujettes à interprétation. Cependant, ces données sont nécessaires à l’analyse de la co-construction parce qu’elles sont
en corrélation avec l’ensemble des éléments de l’interaction. Dans cet article, nous proposons de renforcer nos hypothèses avec
des données émotives. Par la suite, nous évaluerons l’intérêt de cette association.
16
par
Eglantine Brémond
Chercheur en sciences
du langage et
consultante en
formation
langage de l’article
Dans un échange langagier, deux individus physiquement et psychologiquement
différents parlent d’une même voix et parviennent à créer de nouvelles conceptualisations
autour d’un objet de discours commun. Ce constat
nous captive. La co-construction est l’objet premier
de cet article. Pour son analyse, nous avons mobilisé des données linguistiques en relation avec des
éléments contextuels de l’interaction. Par données
linguistiques nous entendons ce qui est formellement repérable par le linguiste et qui peut ainsi faire
l’objet de relevés d’occurrence et de comparaisons,
avec une marge d’interprétation réduite. Les données que nous pensons essentielles à l’élaboration
du langage, en particulier pour ce qui concerne la
mise en commun du sens, sont celles qui définissent le cadre de l’interaction et ses participants. Ces
données, à priori extralinguistiques, ont une telle incidence sur le langage que l’on peut les y identifier.
Les études pragmatiques récentes montrent qu’il
est possible de déceler des indices de l’ensemble
des éléments de la co-construction dans le langage.
Récemment, grâce aux travaux de J. Cosnier
(1994), les émotions s’intègrent dans la linguistique.
Par le biais de cet article, nous allons observer les
relations entre théorie énonciative et émotions.
Pour cela, nous mettrons à l’épreuve leur composition dans une analyse : il s’agit de la forme métaénonciative disons que. La question que nous
poserons est la suivante : quel est le statut énonciatif des personnes introduites par disons que ?
Concepts énonciatifs pour l’analyse des modalisations : objet de discours, co-référent et
mode de référenciation
Puisque nous nous intéressons à la co-construction, nous souhaitons adopter un modèle qui tienne
compte des mouvements de l’interaction. Les interactants changent de thème de discours, leur implication et positionnement social varient, l’espace et
le temps progressent. Nous donnerons à l’énoncia-
GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010
tion la possibilité d’évoluer en utilisant, tout comme
J. Authier-Revuz (1995), le concept de modalisation. La modalisation est un événement linguistique,
une rupture énonciative qui intervient dans le cours
du discours. Nous dirons que la modalisation modifie le mode de référenciation du discours. Elle établit une relation différente entre co-référent et objet
de discours.
Par objet de discours, nous entendons le support
idéel de la co-construction langagière. Il ne s’agit
pour nous ni d’un concept cognitif, c’est-à-dire par
exemple de quelque chose que l’on garderait à l’esprit et qui évoluerait avec l’interaction, ni d’un objet
linguistique formel du type : un thème que l’on pourrait nommer. L’objet de discours, c’est ce qui est désigné par le langage en tant que tel. Il émerge dans
une énonciation. Ce concept nous sert à travailler
sur la co-construction. Il est matérialisé dans le langage par les mouvements anaphoriques. Ce que
nous nommons anaphorique, ce sont ces formes
qui renvoient à un objet linguistique fictif, conceptuel, en opposition à déictique, qui désigne directement ou indirectement une donnée en présence de
l’interaction.
Tout comme J.B. Grize (1993) nous distinguons
objet de discours et référent. Le référent appartient
au monde, même si il est à la base de toute communication. A l’instar de F. Jacques (1979), nous
pensons que seul un référent commun, qu’il soit fictif ou matériel, peut permettre à deux personnes de
communiquer. Un même co-référent, dans différentes situations de discours, peut donner lieu à
plusieurs objet de discours (cf. exemple n°1 du corpus).
Ce que nous entendons par mode de référenciation
s’apparente à la manière dont s’inscrit le référent
dans le langage en relation avec l’objet de discours.
Le mode de référenciation définit les repères subjectifs et spatio-temporels de l’objet de discours. Par
l’absurde, on pourrait dire que dans un mode de référenciation défini, un objet de discours renvoie à
un référent défini. Nous disons bien par l’absurde,
car en réalité, dans le langage, rien n’est défini, tout
est partagé. En conséquence, les mouvements du
mode de référenciation nous informent justement
sur ce qui est partagé ou non par les interlocuteurs.
Le mode de référenciation est la traduction linguistique des relations entre le monde et l’échange langagier. Il est formalisé par la deixis. La manière dont
un objet de discours renvoie au co-référent supposé
peut donc renseigner le linguiste sur les modalisations de l’interaction, les bases référentielles communes aux interlocuteurs.
Disons que introduit une rupture énonciative qui
change ce mode de référenciation. Sa particularité,
c’est d’introduire une référenciation moins occurencielle et personnelle que la précédente, plus abstraite et commune aux interlocuteurs. Nous allons
en voir quelques exemples.
L’analyse des subjectivités à l’entour de la modalisation disons que : introduire une touche
d’émotion
Nous avons choisi de travailler sur des échanges
oraux, spontanés, où les interlocuteurs se font face
lors de conversations, entretiens ou discussions. Ce
travail prend appui sur un corpus comprenant 32 interactions. Dans l’ensemble, l’ambiance y est conviviale et il se passe beaucoup de choses dans ces
17
GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010
Linguistique
18
échanges. Les interlocuteurs rient ou alors se chamaillent. Leur position sociale est parfois bafouée,
parfois valorisée. Ils sont parfois à l’aise, parfois
stressés. Dans tous les cas, à notre avis, la transcription écrite des enregistrements que nous avons
faite nous apporte déjà quantité d’informations sur
ces données contextuelles, qui doivent être prises
en compte dans une analyse de la co-construction.
Dans une perspective pragmatique, il nous a semblé intéressant de voir quelles étaient les répercussions cotextuelles de disons que. Nous orienterons
notre analyse sur le cotexte énonciatif immédiat de
disons que. La question centrale de cette analyse
est : les personnes avant et après disons que renvoient-elles aux même types de référents ?
Dans cette optique, nous utiliserons les outils suivants : les personnes, anaphores et déictiques ; des
connaissances de l’interaction simples et le moins
sujettes à interprétation possible ; des indices d’affects phasiques : des « Micro-émotions interactionnelles » (J. Cosnier, 1994)
Avant disons que, les personnes réfèrent à l’un des
participants de l’interaction en cours. Elles s’intègrent dans une argumentation quand il s’agit d’une
discussion ou dans un échange question / réponse
quand il s’agit d’un entretien.
(exemple n°1)
A : = et ben dans ces cas là alors je préfère la ville
aussi ↓ si cassis c’est la vi :lle + j(e) préfère la ville
aussi alors \ mais y a ville et ville pour moi \ (3’’) disons qu’en c(e) moment j’habite dans le centre
d’AIX
Dans je préfère la ville aussi, je renvoie à l’argumentation en cours. Il s’oppose au tu, c’est-à-dire
Philippe, avec lequel il y a un désaccord. Le je de
je préfère la ville est déictique, il réfère à l’un des
participants de l’interaction, le locuteur.
La co-construction des référents y est très dynamique, les énoncés sont brefs et souvent interrompus par l’interlocuteur.
(exemple n°2)
M : les hommes perdent leurs ch(e)veux avant les
femmes ↓ (2’’) tu vois c’est des p(e)tits trucs =
F : = pas forcément
M : ah si ↓
GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010
Linguistique
F : ils perdent pas forcément leurs cheveux les
hommes ↓
M : les hommes ↑
E : c’est jusqu’à vingt-cinq ans ↓ (3’’) après ça : ça
stagne ↓ (2’’) c’est-à-dire que non \ j(e) veux dire la
calvitie =
F : = si la calvitie commence à vingt-cinq ans /
E : voilà ↓
La prosodie est variée avant disons que, les ruptures intonatives et accentuations donnent du relief
aux paroles. Les insistances et répétitions sont fréquentes.
(exemple n°1)
A : = et ben dans ces cas là alors je préfère la ville
aussi ↓ si cassis c’est la vi :lle + j(e) préfère la ville
aussi alors \ mais y a ville et ville pour moi \
L’expression du haut degré et l’emploi d’un vocabulaire fortement connoté traduit une implication importante du sujet dans son énonciation.
(exemple n°1)
A : = n’importe comment tu pars toujours dans les
exTREMES alors pour tenir u :ne + discussion là
c’est pas très facile quoi ↓
(exemple n°2)
M : ben ouais + mais par exemple un homme (2’’)
les poils ils poussent tout l(e) temps ↓ (2’’) même à
quarante ans =
L’accumulation de termes négatifs et de « oui » «
non » « mais » laisse deviner une tension du discours.
Enfin, la suractivité interlocutive et émotive ne permet pas aux interlocuteurs de faire des phrases
complètes, les énonciations sont réduites à leur
forme la plus brève et intense.
Ces données, qui concernent l’état plus ou moins
affecté des sujets, nous permettent de confirmer
l’hypothèse énonciative suivante : l’implication émotive des sujets est relativement importante dans les
énoncés qui précèdent disons que.
Après disons que, les personnes fonctionnent différemment. Elles ne réfèrent pas comme les premières à l’interlocution en cours. Leur
compréhension semble dépendante d’éléments du
cotexte.
(exemple n°2)
M : non non mais : (2’’) disons qu(e) chez les
hommes t’as des poils qui : + il commence à y en
avoir là où t’en avais pas /
Dans t’as des poils, il est fort probable, d’après les
données du contexte, que tu ne réfère pas à l’interlocutrice. Ce tu semble être un anaphorique en relation avec les hommes. Nous avons besoin de
chez les hommes pour connaître le sens de ce tu.
Les personnes après disons que semblent être en
relation avec une deixis extérieure à l’interaction en
cours. Le rythme de parole est plus calme. Les interventions s’allongent et le locuteur prend le temps
de parler.
(exemple n°1)
A : (…) disons qu’en c(e) moment j’habite dans le
centre d’AIX + je préfèr(e)rais habiter à cassis ↓ (3’’)
EXcentré c’est-à-di :re dans une villa : + ave :c +
avec la forêt à côté : (2’’) les le :cques
Ou alors, quand le locuteur est interrompu, il n’en
tient pas compte.
tatif reste à combler. Quel
degré d’implication le locuteur a-t-il dans le langage
? Les outils d’analyse des
émotions semblent très
prometteurs pour cette
problématique de l’analyse
énonciative.
(exemple n°2)
M : non non mais : (2’’) disons qu(e) chez les
hommes t’as des poils qui : + il commence à y en
avoir là où t’en avais pas /
E : ben les femmes aussi ↓
M : dans l(e) DOS par exemple \ un homme quand
il est p(e)tit il a pas d(e) poils au DOS + quand il
commence à avoir vingt : vingt-cinq ans \ il commence à en avoir /
Les expressions du haut degré se font rares et il n’y
a pas de source apparente de tension émotive.
Nous avons vu que disons que introduit une modification du mode de référenciation et que le statut
des personnes avant et après disons que n’est pas
le même. Avant, l’expression de la subjectivité s’intègre dans l’interaction et renvoie à l’un des interlocuteurs. Après, la subjectivité, moins impliquée au
niveau émotif, semble co-construite par les interactants. C’est pourquoi nous pensons qu’il est intéressant de distinguer au moins deux types de
personnes pour analyser les mouvements énonciatifs introduits par disons que : le je locuteur et le je
objet de discours. Nous nous proposons de parler
de co-construction des personnes, tout comme les
autres objets de discours. Etudier les personnes
comme des objets co-construits plutôt que polyphoniques (Ducrot, 1984) nous semble plus simple
pour ces analyses. En particulier, la distinction entre
les deux types de je pourrait être un outil important
pour l’analyse des modalisations.
Conclusion
Lorsqu’il s’agit, en énonciation, de travailler sur des
personnes, les données se complexifient. Le co-référent fait alors partie de l’interaction. Il est à la fois
sujet et objet de l’échange langagier. L’analyse
énonciative des modalisations est rendue difficile.
Travailler sur les modes de référenciation suppose
de pouvoir répondre aux questions : le co-référent
est-il interne ou externe à la situation matérielle de
l’interaction ; est-il partagé ou non ?
Le sujet étant partie de l’interaction, son expression
langagière est très complexe. On sait depuis Bakhtine (1977) que la subjectivité langagière ne se résume pas à un locuteur et un interlocuteur. La
polyphonie montre l’hétérogénéité conceptuelle qui
accompagne les personnes. Quant à répondre à la
question : quelle est sa nature co-référentielle ?
Avec les simples outils énonciatifs, un vide interpré-
Conventions de transcription
Dans un tour de parole :
+
pause
inférieure à une seconde
(2’’)
pause
chronométrée
(e)
voyelle
non prononcée
:,::,:::
très long
parART
nière accentuée
/
↑
↓
allongement d’un son bref, long,
mot interrompu
mot ou syllabe prononcé de marupture intonative
intonation montante
intonation descendante
bibliographie
Authier-Revuz J. (1995)
Ces mots qui ne vont pas
de soi. boucles réflexives
et non-coïncidences du
dire, Paris, Larousse.
bakhtine M (1977) Le
marxisme et la philosophie
du langage, Paris, Editions
de minuit.
Cosnier J. (1994) Psychologie des émotions et des
sentiments, Paris, Retz.
Ducrot o. (1984) Le dire et
le dit, Paris, Les éditions de
minuit.
Grize J.-b. (1993) « Sémiologie et langage », in Approches
sémiologiques
dans les sciences humaines, Lausanne. Payot.
Jacques F. (1979) Dialogiques, Paris, Presses universitaires de France.
Entre deux tours de parole :
(silence 2’’)
pause chronométrée
=
Enchaînement immédiat entre deux tours
19
Exemple n°1
Philippe et Alexandra habitent tous les deux à Aixen-Provence et ont pour projet d’aller habiter à Cassis (ville plus petite). Ils discutent à propos du thème
« est-il mieux d’habiter à la ville ou à la campagne
? ». Philippe répond « ville », à l’inverse d’Alexandra. Il dit ensuite que pour lui, Cassis, c’est la ville.
Pour Alexandra, Cassis, c’est la campagne.
1.
P : mais pour moi campagne c’est pas : +
c’est pas la campagne à vingt kilomètres de la ville
/ (2’’) pour moi la campagne c’est la loZERE quoi \
(3’’) c’est LA campagne quoi ↓ (2’’) la ville c’est tu
peux habiter par exem :ple à : + cassis \ t’as la ville
quoi tu vois ↑ marseille à côté : + enfin je sais pas
c’est p(eu)t-être pas ça l(e) sujet ↑
2.
E : euh : si-si =
3.
A : = n’importe comment tu pars toujours
dans les exTREMES alors pour tenir u :ne + discussion là c’est pas très facile quoi ↓
4.
P : j(e) m’en vais alors ↑
5.
A : ouais ↓ (RIRES)
6.
P : non : c’est + pour moi c’est =
7.
A : = et ben dans ces cas là alors je préfère
la ville aussi ↓ si cassis c’est la vi :lle + j(e) préfère
la ville aussi alors \ mais y a ville et ville pour moi \
(3’’) disons qu’en c(e) moment j’habite dans le centre d’AIX + je préfèr(e)rais habiter à cassis ↓ (3’’)
EXcentré c’est-à-di :re dans une villa : + ave :c +
avec la forêt à côté : (2’’) les le :cques
(silence 3’’)
8.
P : hm
GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010
Linguistique
Linguistique
bon, moteur d'action, moteur du discours
Dans les échanges langagiers, l'emploi de la particule bon caractérise la représentation d'étapes dans la progression du discours.
L'emploi de cette particule peut permettre de structurer et de valider une étape accomplie du discours et, du même coup, d'en introduire une nouvelle. Que peut alors nous apprendre l'analyse du segment bon sur le mode d'organisation du discours dans l'échange?
Afin de répondre à cette question, nous observerons les traces formelles que laisse le discours de son mode de co-structuration au
travers d'une petite marque comme bon. Nous mobiliserons à cette fin un cadre d'analyse fonctionnel orienté sur les positionnements
énonciatifs et cognitivo-discursifs investis par les sujets dans l'interaction.
20
Par
Capucine Brémond
Maître de Conférences,
Chaire de Formation
des Adultes,
CNAM de Paris
langage de l’article
1. Introduction
Comment définir le rôle de bon dans la
production ? Peut-on parler d'un ponctuant plutôt que d'une unité véhiculant du contenu
? d'un tic de langage ? d'une marque de structuration ?
Selon R. Bouchard (2000) qui s'intéresse à l'étude
de bon et d'autres particules :
"Ces particules sont essentiellement réactives, mais
elles fonctionnent aussi interactionnellement
comme marqueurs simultanés et de l'émotion et de
la structuration de la co-action, en donnant à entendre à l'autre (...) un enchaînement fort entre l'action
verbale ou non-verbale précédente et la réaction
verbale qu'elles introduisent." (BOUCHARD, 2000
: 230)
Ces unités indiqueraient donc le passage entre des
actions distinctes et auraient un rôle interactif dans
la structuration de l'échange.
Plus précisément, M.-B. Mosegaard-Hansen (1995)
émet l'hypothèse que la particule bon puisse n'avoir
qu'un noyau sémantique minimal dérivé prototypalement du noyau sémantique de l'adjectif homonyme bon. Mais surtout, en contexte d'énonciation,
cette particule interviendrait dans la ratification des
tâches conduites dans le discours et ferait appel à
un "savoir procédural". Selon l'auteur :
"de tels marqueurs n'ont pas de contenu contextuel,
car ils ne contribuent en rien aux conditions de vérité des énoncés dont ils font partie, mais représentent plutôt des instructions qu'on donne à
l'allocutaire sur la manière de construire un modèle
mental du discours." (MOSEGAARD-HANSEN,
1995 : 39)
Dans une optique assez proche, F. Duval (1996)
note le rôle du segment bon dans l'organisation progressive des tâches conduites dans l'échange. De
fait, ce segment serait définissable sémantiquement
par son rôle dans l'organisation de l'échange plutôt
que par son rôle dans l'apport de contenu :
" il [le segment bon] est conçu comme une forme
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ou un contenant dont la disponibilité sémantique est
comblée par le résultat de l'accomplissement
conversationnel." (DUvAL, 1996 : 46)
Il ressort de ces travaux que, dans l'échange, la
particule bon aurait un son rôle dans l'organisation
de l'activité discursive. Plutôt que de communiquer
au niveau du contenu, cette marque verbale aurait
un rôle dans la ponctuation des différentes masses
dégagées à la surface du texte et pourrait contribuer à la structuration du discours.
A partir de là, nous considérerons que cette particule est un indice formel qui pourrait nous donner
accès à un mode d'organisation du discours. Une
analyse linguistique contextuelle du segment bon
nous permettra d'appréhender l'étude de modes de
structuration interne du discours, l'étude de la manière dont les sujets co-construisent l'échange.
Après avoir commenté le rôle spécifique de la particule bon dans la production langagière, nous proposerons une analyse d'emplois de bon marquant
différents lieux de découpage à la surface du texte.
Nous tenterons alors de caractériser les différents
modes de découpage du discours qui se dégagent.
l'ensemble des règles déterminées par la nature du
cadre discursif initialement en place entre les locuteurs.
- Mais l’organisation du discours dépend aussi d'un
mode de structuration interne. La progression de
l'échange se gère au "coup par coup" entre les interactants. Chaque locuteur qui s'investit dans le
discours interagit et donc co-construit l’échange, au
minimum avec l'allocutaire. Nous distinguerons
donc également les contraintes interactives qui déterminent le rôle de l'accomplissement conversationnel dans l'échange.
Ces différentes contraintes contribueront au mode
d'élaboration du discours. Tout dépendra de la ma-
nière et du degré avec lequel les sujets les investiront dans la conduite de l'échange.
3. Le rôle de bon dans le mécanisme de production discursive
3.1. Une particule ponctuante
L'emploi d'une particule a au minimum une fonction
ponctuante liée à son mode d'insertion dans la production. La particule accompagne le passage entre
des masses verbales plutôt qu'elle ne communique
du contenu. Du même coup, l'emploi d'une particule
contribue à marquer les masses verbales ponc-
21
2. L'objet appréhendé : le discours en situation
d'échange
Le discours désigne ici le processus d'énonciation.
Ce processus est partiellement soumis à différents
niveaux de contraintes :
- Nous distinguerons les contraintes liées au
"genre" dans lequel s'instaure l'échange. Selon l'acceptation de J.M. Adam (2001), chaque discours
s'inscrit dans un genre, dans une catégorie de discours. En même temps, selon l'auteur, il pourrait
exister quasiment autant de genres de discours que
de situations d'échanges et c'est en référence à une
conception aussi large et contextuelle de la notion
de genre que nous nous positionnons. Les
contraintes liées au genre du discours désignent ici
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Linguistique
tuées comme des unités distinctes qui ne seront
pas toujours nécessairement traitables au même niveau.
En ce qui concerne spécifiquement l'emploi de bon,
cette particule combine deux fonctions liées à sa
position de ponctuant dans la production.
1) L'emploi de bon facilite d'abord une prise de recul
de la part du locuteur sur l'énonciation et parfois sur
l'organisation du discours. Cette fonction peut être
en partie identifiable dans l'usage de bon ci dessous
commenté :
Dans l'extrait qui suit, Lucette est en train de raconter à Clara comment s'est déroulée l'arrivée de sa
sœur (qui est non voyante) à Marseille. Carole est
un tierce participant apportant quelques commentaires à la narration. Clara perd vite le fil de la narration et n’arrive plus à suivre l’enchaînement
logique des événements narrés. Elle croit avoir
compris que la sœur de Lucette est descendue
seule du train à Marseille et ne comprend pas comment cela est possible vu que celle-ci est non
voyante. Elle demande ici des éclaircissements :
22
1
Clara et comment elle a fait pour descendre ↑ (2’’)
2
Carole et ben c’est CA elle a attendu
dans l(e) train ↓ c’est ça ↑
3
Clara BON ↓ elle est lA dans le train ↓
et pour DESCENDRE du train
4
Carole et ben elle est pas descendue euh
:↓
5
Lucette ya ya ya le numéro de la voitUre
(.) bruno est monté la cherCHER et ils
6
ont vite descendu ↓
L’emploi de bon accompagne un ralentissement
dans la conduite de la narration, introduit un retour
sur la progression des événements narrés. Ce mouvement de ralentissement et de restructuration accompagne l’incompréhension de Clara, déjà
manifestée à plusieurs reprises. L’emploi de bon ratifie le discours intégré et compris par Cl, sanctionne ainsi une base de discussion stable sur
laquelle elle invite Lucette à prendre appui pour
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Linguistique
poursuivre la narration, ou plutôt l’explication des
événements. En réintroduisant une des étapes de
la narration : « elle est là dans le train », Clara freine
la progression du discours et donne les conditions
de la nouvelle base d’échange.
Il est probable que le mouvement de recul sur la
production introduit par l’emploi de bon facilite pour
Clara l’appréhension de la situation narrée. L’emploi
de bon vise dans tous les cas à stimuler la compréhension en recentrant la narration sur le découpage
des étapes qui la constitue et en rompant le mode
d’énonciation narratif mené par Lucette.
L’intonation accentuée de bon renforce cet effet.
Clara marque sa volonté de structurer le discours
par étapes clarifiées. Elle souhaite opérer une mise
au point de la situation qui peut passer par un ralentissement de la narration et une restructuration
des événements narrés. Plus qu’une activité de reformulation (E. Gülich, T. Kotschi, 1987), bon introduit ici une activité de ralentissement en vue d'une
restructuration des étapes discursives conduites. La
reformulation introduite pourrait alors participer à ce
processus de ralentissement.
2) L'emploi de bon a aussi une portée pro-active,
pourrait faciliter un passage à l'action. Cette particule accompagne fréquemment une mise en activité. L'emploi de bon peut accompagner une mise
en activité langagière comme dans l'extrait commenté ci-dessous :
1
E
alors j(e) reviens hein ↑ ↑ mettezvous d’accord
2
Gde.S (rires) c’est quoi cette merde ↑
BON
3
Pte.S p(e)tite sœur moi j(e) dirais
Elodie demande à Anna et Sonia, respectivement
la petite sœur (Pte. S) et la grande sœur (Gde. S),
de discuter ensemble jusqu’à ce qu’elles arrivent à
se mettre d’accord sur ce qui est le mieux : « être
une grande sœur ou être une petite sœur ? ». Elodie les laisse discuter seules. Ici, la grande sœur
s’interroge sur « l’intérêt » de la situation (« c’est
quoi cette merde ↑ »). Puis l'emploi de la marque
bon indique que la grande sœur accepte de jouer
le jeu de la discussion proposé par Elodie. bon est
produit isolément et est nettement accentué, constitue en soi une étape, un pas vers la mise en place
du discours. Cet emploi marque une étape dans le
découpage des activités menées, introduit les enjeux discursifs qu’il convient d’investir au regard du
cadre discursif en train de s’instaurer. La petite
marque indique aussi bien l’acceptation de la prise
en charge des enjeux discursifs liés à la situation
instaurée (ici en partie imposée par un membre extérieur) que l’investissement déjà actif et intrusif
dans le terrain de l’énonciation. A partir de là, il est
naturel que la petite sœur enchaîne sans plus de
préambules sur la discussion : « p(e)tite sœur moi
j(e) dirais ».
La nécessité d'employer une particule de discours
pour introduire la discussion pourrait être ici être en
partie justifiée par la difficulté, la gêne ou le manque
de motivation que la grande sœur semble éprouver
à partir du moment où elle se retrouve seule avec
sa sœur et confrontée à la situation : « (rires) c’est
quoi c(e)tte merde ↑ ».
L’emploi de bon semble faciliter pour la grande
sœur l’investissement de la situation discursive
qu’elle va devoir gérer avec sa sœur et donne alors
le feu vert de la discussion.
L'emploi de bon peut aussi accompagner le passage vers une mise en activité extra-langagière :
1
2
3
4
Cé
JC
Cé
JC
va voir c(e) qui s(e) passe
ça va servir à quoi
mais OUI : :
(3’’) (il se lève) bon
Céline (Cé) et Jean-Christophe (JC) se retrouvent
momentanément seuls dans l’appartement de leurs
hôtes. Un inconnu vient violemment frapper à la
porte d’entrée en vociférant des injures. Puis, le silence revient. Céline formalise son angoisse (« j’ai
peur ») et voudrait que Jean-Christophe aille voir ce
qui se passe. Mais Jean-Christophe est occupé à
réparer la chaîne hi-fi des hôtes (il a remarqué
qu’elle ne fonctionnait que sur une enceinte) et ne
semble, lui, pas du tout angoissé. Après maintes
sollicitations, Jean-Christophe se décide à se lever
pour aller voir ce qui se passe derrière la porte d'entrée. L'emploi de bon accompagne le mouvement
physique de Jean-Christophe et sa décision de laisser momentanément la chaîne hi-fi pour aller voir
ce qui se passe. Cet emploi pourrait accompagner
simultanément un passage à l'action (l’emploi de
bon est précédé d’un silence de 3’’ et suivi d’un
autre de 7’’ ce qui contribue à le caractériser
comme un commentaire d'acte) et un mouvement
concessif vis à vis de Céline.
3.2. Une particule charnière
La particule bon a ceci de spécifique que, comme
nous l'avons déjà vu, elle semble intervenir dans
l'organisation de l'activité discursive. Les masses
verbales ponctuées par bon sont traitées comme
des unités de découpage du discours, comme des
unités intervenant dans la progression de l'activité
discursive.
Cette marque verbale accompagne la transition
entre les différents niveaux d'activité simultanément
investis dans le discours. L'emploi de bon va facili-
ter le passage entre des
masses textuelles hétérogènes qui seront caractérisées
énonciativement,
sémantiquement, syntaxiquement, cognitivement.
En indiquant un "lieu de
passage", cette particule
marquera des changements de posture et/ou
d'activités.
L'emploi de bon interviendra toujours dans un cadre
complexe d'organisation
du discours et des différents niveaux qui le constituent. Cependant, selon la
cause de la rupture marquée par bon, l'accent
pourra être porté sur un niveau du discours ou un
autre et l'emploi de bon pourra accompagner le
passage d’un thème d’échange à un autre, annoncer la clôture de l’échange, faciliter les transitions
interlocutives ou faciliter les transitions entre des
positionnements énonciatifs divergents.
4. Les outils d'analyse
Nous observerons la nature des unités qui entourent l'usage de bon afin d'observer autour de
quelles modifications se structure le discours.
Discursivement, des unités seront dégagées dans
les corpus en fonction :
- de la nature des tâches cognitivo-discursives
conduites (commentaire, narration, argumentation,...)
- du mode de découpage séquentiel : Par séquence, nous désignons du point de vue de l'analyste le découpage d’un échange en sous parties
thématico-pragmatiques
(KERBRAT-ORECCHIONI, 1990) ; nous désignons du point de vue
des locuteurs le mode du « passons à autre chose
» (POP, 2000). Dans la mesure où chaque discours
est inscrit dans un genre qui "sollicite l'activation
d'un prototype d'organisation séquentielle donné"
(J.-M. ADAM, 2001) le mode de déroulement séquentiel sera appréhendé dans son rapport avec le
genre discursif de l'interaction.
23
Nous adopterons une perspective énonciative fortement ciblée sur les activités conduites par les sujets dans le déroulement de l’échange.
Les lieux de rupture thématiques et discursifs sont
fréquemment accompagnés de changements de
positionnements énonciatifs. Dès lors, l'emploi de
bon tendra à accompagner des changements de
positionnements énonciatifs que nous tenterons de
caractériser. Le repérage des hétérogénéités énonciatives avant et après l'usage de bon pourra alors
nous aider à repérer et caractériser les unités dégagées.
Pour caractériser ces changements de positionnement, nous prendrons appui sur le modèle interactif
de R.vion (1992, 2000) qui oppose différents types
de "places" qu'occupent simultanément les sujets
dans une interaction :
GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010
Linguistique
24
- Les places institutionnelles sont définies par le
cadre interactif de la rencontre, par la situation. Les
activités qui y sont observées concernent la manière dont les sujets se positionnent dans le cadre
institutionnel, dans le cadre discursif global et dominant de l'échange.
- Les places modulaires sont définies dans des moments interactifs « subordonnés au cadre et mobilisés localement » (vION, 2000).
- Les places subjectives renvoient aux images subjectives co-construites dans l’interaction par les locuteurs (image de séducteur, dominant,…).
- Les places discursives sont déterminées en fonction de la nature des activités conduites par les locuteurs (narration, description, argumentation,…).
- Les places énonciatives renvoient à la manière
dont les sources énonciatives sont convoquées par
les locuteurs (tendance du locuteur à construire un
énonciateur détaché de l'énoncé produit (qui peut
conduire à un effet d'objectivation), tendance du locuteur à construire un énonciateur qui pense l'inverse de ce que pense l'énonciateur qui produit
l'énoncé (phénomène d'ironie),...).
Ce qui nous intéressera plus particulièrement dans
la mise en perspective du modèle présenté, c’est
d’une part la prise en compte de la nécessité pour
un sujet de conduire simultanément différents niveaux d'activités dès lors qu’il s’engage dans une
interaction verbale et d’autre part la prise en compte
du phénomène de dépendance mutuelle entre les
positionnements investis dans l’échange par les interactants. Chaque nouveau positionnement par un
sujet dans une place donnée peut affecter les autres places qu'il occupe. De même, les changements de positionnement d’un locuteur tendent à
convoquer l’allocutaire à de nouvelles places.
En ce qui concerne le mode d'usage de bon, l'analyse de quelques unes de ses caractéristiques
d'usage prosodiques et des phénomènes mimogestuels qui l'accompagnent nous aideront à caractériser la manière dont les étapes découpées
sont investies dans le discours. La transition marquée par bon est-elle nette et accentuée ou au
contraire plus liée (à portée plus ponctuelle ?) ? Le
Linguistique
mode d'insertion de bon est-il plutôt rétro-actif ou
pro-actif ? S'agit-il d'une ponctuation plutôt auto ou
hétéro-centrée ?
Nous opposerons trois parties s'organisant autour
de différents modes de découpage du discours.
Sans nous attarder spécifiquement sur la diversité
des relations envisageables, nous verrons qu'il est
effectivement possible d'opposer des relations de
coordination et de hiérarchisation dans les modes
de découpage opérés. Nous reprendrons les
modes de découpage entre « constituants du texte
» (ROULET, 1985) qui opposent des rapports de
décrochage hiérarchique (décrochages "ascendant" ou "descendant") et des rapports linéaire de
coordination entre les constituants du texte.
5. Analyse : Emplois de bon et modes de découpage de l'activité discursive
5.1.
(ré)Introduire le fil du discours
Certains emplois de bon accompagnent un recentrage de l'émetteur sur le fil du discours. Par fil du
discours, nous désignons ici un point de focalisation
mis en avant par les sujets et investi comme thématique et/ou tâche discursive dominante. Si ce
point de focalisation est susceptible d'évoluer dans
l'échange selon les enjeux qui s'y disputent (on
pourrait alors avoir affaire à un nombre illimité de
"fils du discours"), il peut dans certains contextes
être orienté et relativement stabilisé par le cadre
discursif et les enjeux institutionnels qui s'y rattachent. A titre d’exemple, le cadre du débat conditionnera évidemment les thèmes et tâches
positionnés au premier plan par les locuteurs dans
le déroulement de l’échange.
Lors de l'extrait qui suit, en tant qu’animateur de
débat, Bernard Pivot (BP) se situe entre le meneur
de débat télévisé et l’interviewer. Il entretient chacun de ses invités successivement, dans un ordre
préétabli mais alimente aussi les débats en confrontant ses invités par des rapprochements (ou des divergences) d’intérêt, des questions sur des points
de vue réciproques… Le thème de l’émission est :
« Journaux intimes et secrets des boîtes noires » :
1
PG
y’a p(eu)t-être quelque chose
d’amoureux ↓ [y’a une sorte de complicité
2
BP
oui y’a l(e) nom euh :] /
oui oui ↓↓ Bon euh : et puis : euh : alors ↑ on
3
SENT que vous êtes
comme les personnages ↑
L'emploi de bon intervient au sein d'une phase de
planification rendue visible par les conditions
d’énonciation : l'emploi de bon suit une descente intonative, se situe donc dans une position d'amorce
et est entouré de marques d'allongement et d'hésitations.
C’est Bernard Pivot qui émet cette marque dans le
cadre de l’émission qu’il anime. Or, BP semble mobiliser des usages spécifiques de bon liés en partie
à la place institutionnelle qu'il occupe, au statut qu’il
met ici en scène : BP est l’animateur de l’émission
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; il est le garant de la cohérence du déroulement
des échanges. Or, au moment où BP énonce cette
occurrence de bon brève et accentuée, il baisse les
yeux sur le livre qu’il a sur les genoux, sur la page
ouverte où il a inscrit des notes. Il est important de
signaler ici que ces notes consignent les questions
que BP posera quelle que soit a priori la tournure
future de l’échange et guident la structure globale
du débat. Si bon s’inscrit dans une phase de planification en cours, le fait que cette occurrence accompagne un mouvement de repli du locuteur sur
des notes guidant la cohérence du discours indique
que Bernard Pivot va enchaîner sur une étape prévue dans le déroulement du débat. L'emploi de bon
accompagne ici une activité de recentrage sur la
structure du débat orientée par Bernard Pivot. Les
hésitations pourraient alors indiquer le temps que
BP met à retrouver ses notes et l'emploi de bon annoncerait que BP va introduire une étape du discours liée au déroulement prévu, une étape liée en
l'occurrence à ses prises de notes.
Bernard Pivot tente aussi parfois de reprendre sa
place d’animateur dans l’échange en interrompant
les échanges en cours :
1
2
MP
BP
on n(e) parle pas d’amour
bon attendez
ou, quelques lignes plus bas, en recentrant le débat
:
1
PG
ah : j(e) comprends les choses
2
BP
BON ↓ alors ↑ pascal sevran
alors vous : vous : tout d’un coup le
3
premier janvier quatre vingt dix neuf
Dans l'extrait ci-dessus, BP interrompt la polémique
entre Michel Polac (MP) et Patrick Grainville (PG)
afin d’introduire la présentation de l’ouvrage de Pascal Sevran (PS). L’accumulation de deux particules
(« BON ↓ alors ↑ ») renforce le marquage de l’étape
transitoire. BP introduit ici un nouveau cadre d’entretien avec PS. Ce cadre d'entretien marque une
nouvelle étape dans le déroulement global de
l’émission (les invités sont entretenus l’un après
l’autre). L’accumulation des marques de nomination
(« pascal sevran, vous :, vous : ») indique que le
débat en cours entre MP et PG n’est plus d’actua-
lité. BP marque clairement
que « Pascal Sevran » est
le nouvel interlocuteur privilégié mais aussi le nouveau sujet de discussion.
C’est ici en fait l’ouvrage
de PS qui est le thème
réellement introduit mais
c’est le changement d'interlocuteur qui est souligné
par BP afin probablement
de diriger l’attention de
l’auditoire sur PS plutôt
que sur les débats tournant autour de MP. L’emploi de bon permet à la fois
de couper l’échange en
cours et d’introduire une nouvelle séquence ainsi
qu’un nouveau cadre énonciatif. Il est probable
aussi que cet emploi ait une fonction auto-centrée
et facilite pour BP sa mise en énonciation.
Dans cet autre extrait enfin, BP interrompt ses propres développements :
1
BP
Donc elles doivent se r(e)connaître et c’est : et c’est : Bon ↓ [mais \
2
MP
j’ai quand même un peu brouillé
les pistes ↓
BP est rapidement interrompu par MP. Nous
n’avons donc aucune indication verbale sur le
contenu sémantique et le mode d’engagement
énonciatif des propos que BP allait introduire par
l’emploi de bon. Mais l’activité non verbale qui accompagne bon est nettement expressive. Bon est
accentué, son mode d'énonciation contraste avec
les hésitations qui précèdent. Au moment où BP
émet bon, il lève le bras en direction (et au dessus)
des participants, son expression faciale change, il
arrête de sourire, il prend un ton plus ferme (lors du
déroulement de l’émission, ce geste et cette expression accompagnent régulièrement les phases
où BP reprend la conduite du débat). Tout indique
qu’il s’agit maintenant de revenir sur les choses «
sérieuses », « importantes », sur le fil du discours.
Par ailleurs, BP s’apprêtait encore une fois à critiquer le comportement de MP vis à vis des femmes
qu’il cite dans son journal intime : « donc elles doivent se reconnaître et : : ». L'emploi de bon permet
à BP de clore un passage figurativement délicat,
de ne pas entamer la polémique, voir peut-être
même de marquer un mouvement concessif.
L'emploi de cette petite marque transitoire permet
d'une part à BP de clore le passage amorcé, de
marquer la décision de ne pas dire, et d'autre part
d'introduire une nouvelle étape dans la conduite du
débat, d'opérer un décrochage de type ascendant.
25
Ces emplois de bon traduisent un mouvement de
recul important sur la production. En émettant bon,
Bernard Pivot tente apparemment de se mettre au
premier plan en prenant la directive non pas seulement de sa production mais de la production rattachée aux enjeux de places institutionnels, au fil
directeur de l’échange.
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Linguistique
5.2.
Marquer les étapes hiérarchisées de
l'activité discursive
Comme le suggère L.Pop (2000) , nous tendrons à
distinguer l'emploi de particules intonativement détachées du co-texte, qui semblent faire acte, et l'emploi de particules produites en continuité prosodique
avec l’énoncé qu’elles introduisent, sans trace de
rupture. Ces dernières, introductives, semblent indiquer un mouvement de recul moins important et
assurer plus nettement une continuité dans la
chaîne productive. Ces occurrences de bon n’opèrent pas essentiellement une activité de recadrage
global mais introduisent des étapes hiérarchisées
de la progression du discours. Au delà de faciliter
la mise en énonciation d’une voix par le marquage
d’une étape et un mouvement intrusif dans la production, ces unités interviennent directement dans
la structuration en étapes du déroulement discursif.
Elle marquent alors plutôt des relations de coordination. Elles peuvent introduire une séquence, une
étape dans l’élaboration séquentielle, et/ou un nouveau cadre énonciatif quand les changements de
séquence le justifient.
26
Selon le caractère plus ou moins formel et finalisé
du cadre discursif en place, les étapes structurées
apparaissent plus ou moins homogènes entre elles,
plus ou moins prévisibles. Dans tous les cas, les
étapes marquées par bon nous renseignent sur la
manière dont évolue l’idée que se fait l’émetteur de
la tournure que doit prendre le discours pour évoluer.
Dans l'extrait qui suit , une commerçante, Lucette
(Lu), est enregistrée lors d'une transaction avec une
cliente. Elle utilise de nombreuses occurrences de
voilà pour ponctuer sa production. Inversement, les
occurrences de bon semblent apparaître moins systématiquement dans un rôle de ponctuation locale.
Sur la totalité de l’extrait, 4 occurrences de bon ont
été relevées pour 20 occurrences de voilà. L’usage
de voilà semble ici quasi rythmique alors que bon
apparaît dans les contextes suivants :
Sur la totalité de l’échange concerné, Lucette, la
commerçante, a le monopole de l’usage de bon.
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Elle reçoit une cliente qui souhaite se renseigner
sur la variété des thés disponibles. Lucette lui expose la liste des thés qu’elle peut lui proposer en lui
montrant les boîtes qui les contiennent. La cliente
l’interrompt dans sa progression pour lui demander
plus de renseignements sur le thé « fumé ». La vendeuse lui explique alors que « c’est : très fort euh
ça sent vraiment la cendre hein ↑↑ » puis décide
de faire sentir ce thé à la cliente. L’emploi de bon
introduit une dynamique nouvelle de l’échange, une
séquence où la vendeuse va « passer à l’action »
et faire sentir du thé à la cliente ; lucette énonce : «
(.) bon je peux vous faire \ » puis reprend plus loin
« je peux vous faire sentir ».
La deuxième occurrence de bon marque la transition entre la présentation du thé fumé et la présentation d’un nouveau thé que la vendeuse décide
aussi de faire sentir à la cliente : « après bon vous
avez du thé vert aussi (LE MONTRE DU DOIGT) (.)
voilà ».
La troisième occurrence de bon introduit la présentation du thé suivant : « bon ben maint(e)nant j’ai
un autre thé ↓ un earl grey ».
La quatrième occurrence intervient dans le contexte
de la présentation du quatrième et dernier thé mais
la place de l’occurrence met moins directement en
avant un rôle d’introducteur des étapes du déroulement séquentiel : « alors le jasmin : : (SORT LA
BOITE) voilà ↓ j(e) vais vous l(e) faire sentir aussi
(.) bon ↓ c’est vrai qu’on l(e) prend pendant les
repas ↓ ». La vendeuse introduit un nouveau thème
d’échange autour de la présentation du thé au jasmin sans faire à ce moment usage de bon (c’est
l’emploi de alors qui marque à deux reprises cette
activité). Elle sort la boîte de thé pour le faire sentir
à la cliente sans non plus introduire cette activité
par bon. L’emploi de bon introduit plutôt la description des propriétés du thé juste après que la cliente
ait senti le thé. Cette petite marque facilite probablement la transition entre une activité physique (olfactive) et la suite de la présentation descriptive des
thés successifs.
Il semblerait qu’au regard des 4 occurrences de bon
ici relevées, ce ne soit pas tant les activités physiques menées par la vendeuse qui soient accompagnées ou introduites par bon mais aussi et
surtout l’activité de déroulement thématico-pragmatique qui accompagne la présentation successive
des thés. La première occurrence accompagne la
décision de Lucette de faire sentir le thé. La
deuxième et la troisième occurrence introduisent la
présentation conceptuelle du thé (accompagnée du
mouvement de présentation olfactive), la quatrième
occurrence introduit la présentation des propriétés
du thé, au delà de sa dénomination. Dans tous les
cas, ces quatre occurrences nous donnent des clefs
de lecture de l’élaboration par étapes de cette séquence de présentation. Elles organisent la succession des thés (quatre thés sont effectivement
présentés) dans le déroulement du discours. Ces
occurrences n’ont pas pour seule fonction d’accompagner la présentation matérielle des thés, n’ont
pas qu’une fonction de présentatif ; elles introduisent variablement une activité à la fois pragmatiquement, discursivement et physiquement investie.
du déroulement d’une narration en cours.
5.3. Introduire une étape décalée par rapport à la
conduite du fil du discours
Les emplois ici commentés marquent la transition
entre des modes d’investissement énonciatifs hétérogènes et jouent un rôle dans la structuration de
l’activité discursive. En même temps, ils introduisent
une étape de l’activité discursive qui peut difficilement être rattachée au fil directeur de l’échange. Au
contraire, ces emplois semblent introduire une
étape qui marque un ralentissement dans la progression du discours. Ils introduisent une activité
décalée par rapport aux enjeux discursifs directeurs
investis dans l’échange ; ils opèrent un décrochage
hiérarchique de type « descendant ».
Princess Erika (Er), chanteuse, est sur le plateau
de télévision d’une émission de divertissement.
Dans l’extrait suivant, elle narre un entretien avec
un journaliste qui s’est déroulé d’une manière un
peu surprenante. :
1
Er
et puis en fait moi le p(e)tit jeu
c’était genre comme j’ai chanté une
2
chanson un peu féministe ↑ et un peu :
méchante sur les hommes quOI :
3
/ bon c’est c(e) qu’il s(e) disait / alors le
gars il m(e) pose des
4
questions ↑
Nous sommes dans le cadre d’une narration. Princess Erika expose la situation relative à l’élément
tenseur de la narration. Ligne 3, bon introduit un
énoncé qui est un commentaire sur la narration en
cours : « c’est c(e) qu’il s(e) disait ». Cet énoncé se
situe en décalage par rapport au fil de la narration
mené par Princess Erika. L'emploi de bon introduit
une différence d’attitude du sujet et une activité de
commentaire, le développement d’une séquence
parallèle très ponctuelle. Ici, le caractère décalé de
l’énoncé introduit par bon est très nettement accompagné par une rupture mélodique entre les éléments de la narration et l’énoncé introduit par bon
qui est énoncé comme "mis entre parenthèses". La
reprise de la narration est accompagnée de l’emploi
de alors (ligne 3). L’emploi de bon indique une
phase de ralentissement et pourrait indiquer que
l’émetteur met en suspens la gestion d’un cheminement discursif latent, ici matérialisé par l’attente
D’autres emplois de bon
semblent aussi introduire
un mode d'investissement
énonciatif décalé par rapport au mode d'investissement énonciatif attendu de
par le cadre discursif.
Dans l’extrait suivant, Pierrot (P) doit discuter avec
Elodie du rapport qu’il entretient avec ses vêtements. Elodie joue le rôle
de l’enquêtrice et Pierrot
se sait enregistré à des
fins d’étude sociale. Le contexte est donc plutôt formel mais Elodie et Pierrot sont amis. S’il s’agit ici
de revêtir momentanément le rôle de l’enquêteur et
de l’enquêté, Pierrot est invité chez Elodie pour raisons amicales. Cet extrait transcrit donc une séquence d’entretien insérée dans le cadre plus large
d’une réunion entre amis. D’autres personnes sont
présentes et prêtent une oreille amusée à cette situation d’échange un peu formelle. Pierrot explique
à Elodie que les vêtements lui permettent de s’exprimer et véhiculent des souvenirs ou des émotions
positives qui le mettent à l’aise. Il entreprend ici de
justifier le choix de ses chaussures. Elles sont
confortables et « en même temps » elles ont une
matière originale : « c’est pas du cuir : c’est pas
vraiment d(e) la toile c’est : ». Comme le souligne
William (W), apparemment Pierrot « ne sait pas »
de quelle matière sont constituées ses chaussures.
Sur cet échec, Pierrot cesse de développer ce
thème précis et passe à la justification du choix des
chaussettes. Pierrot tend à développer ses idées
mais est soumis au jugement de son entourage et
vient de subir une petite raillerie. C’est dans ce
contexte que se situe l’émission de bon :
27
1
P
au niveau semelle et en même
temps des délires spéciaux que c’est pas
2
du cuir : c’est pas vraiment d(e) la
toile c’est :
3
W
i sait pAs (rires)
4
P
et les chaussettes bon ben laisse
tomber c’est du sport :
Le groupement particulaire bon ben introduit un
énoncé en rupture avec les attentes liées à la situation d’entretien. L'accumulation de l'emploi du mode
impératif, du caractère directement adressé, du
choix d’une expression plutôt informelle et du caractère bref et direct de l’énoncé laissent paraître
un nouveau mode d'investissement énonciatif de la
part de Pierrot. Alors que jusqu’à l’emploi de bon
ben Pierrot s’adressait à l’enquêtrice et jouait le rôle
de l’enquêté (développant formellement ses idées,
les commentant), bon ben introduit un module
adressé à la personne intime plutôt qu’à l’enquêtrice. Ce changement d'attitude semble indiquer un
désinvestissement de la situation d’entretien instaurée (l'emploi de "laisse tomber" est accompagné par
un mouvement de recul et de rejet de la main).
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Linguistique
L'emploi de bon ben introduit une mise entre parenthèses, un décalage par rapport au mode d’adressage lié à une situation d’entretien plutôt formelle.
Les emplois commentés ci-dessus marquent une
rupture dans le fil du discours. Cette rupture peut
être liée à la volonté du locuteur d’apporter un commentaire sur sa production, à une source de perturbation extérieure, mais aussi très fréquemment à
des contraintes d’ajustement interactives ponctuelles.
L’emploi de bon peut par exemple marquer un ralentissement formel visant à faciliter la compréhension de l’allocutaire, que celui-ci ait manifesté
directement ou non des signes d’incompréhension.
L’extrait suivant est issu d'une interaction comportant plusieurs locuteurs réunis pour apprendre à
jouer à un jeu de cartes, le "Uno". Thierry (Th) est
"l'expert" chargé d'apprendre les règles aux autres.
Ici, une partie de Uno est lancée mais le commentaire de Nicolas (Ni), qui laisse paraître un doute sur
la compréhension des règles du jeu, amène Thierry
à repartir dans une phase explicative :
1
Ni
soit du rouge soit ça
2
Th
soit un sept / non regarde ↓ soit
un sept ↑ soit un sept soit du rouge bon
3
tu mets / l’idéal c’est d(e) virer les
gros pOINTS
28
L’emploi de bon, en sur-découpant la production,
en ralentit le rythme et vise ainsi à favoriser la compréhension par sur-découpage et sur-détermination
des étapes informatives.
De telles occurrences peuvent s’accumuler au sein
d’une même intervention, comme un peu plus loin
dans l'interaction :
Th
mAIS NON : ] (.) bon regarde ↓
BON quand tu mets un plus deux ↑
Un autre locuteur vient d’évoquer sa difficulté à
comprendre les règles du jeu. L’accumulation d’emplois de bon semble intervenir en partie dans une
activité de sur-découpage de la production afin de
Linguistique
faciliter et stimuler la compréhension. Les énoncés
introduits par bon sont directement adressés et accompagnent une phase nette de ralentissement. Ce
ralentissement n’est pas seulement une forme
d’aménagement cognitif mais indique aussi ici une
concession que fait Thierry sur le rythme de progression de l’explication des règles. L’emploi de
bon, et d’autant plus l’accumulation d’emplois de
bon, peut traduire une marque d’impatience vis à
vis de la progression des étapes conduites dans le
discours. En ce sens, même si l’emploi de bon a ici
pour fonction de faciliter la compréhension, il pourrait indiquer en même temps la volonté de progresser dans la conduite des étapes discursives reliées
au contrat de discours qui réunit les locuteurs.
Au final, les occurrences relevées dans cette dernière partie semblent opérer une structuration plus
locale, porter sur des énoncés plutôt que sur des
étapes séquentielles. Moins accentués que les emplois commentés jusqu’ici, parfois produits tout bas,
les emplois de bon ici commentés tendent à apparaître groupés localement dans le texte. A l’inverse
des emplois commentés précédemment, ils introduisent des énoncés directement adressés à l’allocutaire.
Si l’activité introduite par bon parait décalée par rapport au fil du discours en cours d’élaboration, ladite
activité semble intervenir dans une dynamique de
progression de l’activité discursive globale. Cet effet
est probablement en partie produit par le recul méta
qu’opère bon et par les fonctions relevées précédemment dans d’autres contextes d’usage. Mais
surtout, les emplois que nous avons commentés ici
introduisent des énoncés plutôt brefs, directement
suivis d’une réemprise sur le fil du discours en déroulement avant l’usage de bon. L’activité déviante
introduite par bon ne semble pas devoir constituer
la base d’une nouvelle activité, ni même devoir laisser le champ libre à une suite de dérives discursives
(du moins du côté de l’émetteur) mais semble parfois même au contraire devoir être écourtée. Les
énoncés introduits semblent alors être des « parenthèses » dans le déroulement d’une structure directrice en cours d’élaboration. Il semblerait que le
locuteur hiérarchise une étape dans la progression
du discours, prenne en charge le fil du discours en
en marquant une étape.
6. En conclusion,
Les fonctions remplies par bon dans l’échange dépassent largement le cadre des quelques fonctions
ici commentées. La particule bon s’inscrit dans des
lieux transitoires du discours afin de faire le point
sur l’activité discursive en cours, de relancer la production et le cadre énonciatif qui l’accompagne,
d’introduire les étapes de l’activité discursive. Parfois, l’activité de relance passe par une ratification,
un mouvement concessif, bon peut alors avoir une
fonction en partie rétro-active.
Cependant, il apparaît déjà au travers des quelques
lignes qui précèdent que, par le mouvement de
recul que bon porte sur la production et par la nature des activités qu’elle met en relation, cette particule nous renvoie une image de l’activité
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discursive en cours de co-structuration. Que cette
activité discursive soit plus ou moins contrainte par
un cadre discursif externe ou des négociations interactives internes, l’emploi de bon montre le discours comme un processus négociable et ajustable,
dont l’image évolue dans l’interaction. Il nous intéresse alors plus particulièrement de suggérer ici
que le discours ne peut être considéré comme une
succession de phrases ou d’énoncés si la gestion
de sa structure spécifique laisse des traces formelles dans la conduite de l’échange. D’autre part,
l’accent a été mis dans l’analyse sur la multiplicité
des niveaux d’activités simultanément traitées par
bon. En intervenant dans les lieux de « passage à
niveaux » du discours, la petite marque gère une
activité de planification, d’évolution thématique
et/ou discursive, énonciative, subjective, mettant
parfois l’accent sur un phénomène ou un autre.
L’analyse du discours semble alors justifier une approche multidimensionnelle traitant l’imbrication des
niveaux d’activités investis et leur évolution
conjointe. Le discours se montre comme émergeant
progressivement au gré de l'interaction et des enjeux discursifs. Si une toute petite marque comme
bon est une trace de l’organisation du discours, son
étude nous invite aussi par la même occasion à
opter pour des cadres d’étude fortement modulables aux exigences et aux libertés de l’interaction.
Bibliographie
ADAM J.M., 2001 (1ère éd. 1992), Les textes, types
et prototypes : récit, description, argumentation, explication et dialogue, Nathan, Paris
BOUCHARD, R. (2000) M'enfin !!! Des "petits mots"
pour les "petites" émotions ? In PLANTIN, C.
DOURy, TRAvERSO, v. Les émotions dans les interactions. Lyon, Presses Universitaires de Lyon,
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FERNANDEZ-vEST, M. J. (1994) Les particules
énonciatives dans la construction du discours.
Paris, Presses Universitaires de France.
GÜLICH E., KOTSCHI T., 1987, Les actes de reformulation dans la consultation, in « L’analyse des interactions verbales. La Dame de Caluire. Une
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KERBRAT-ORECCHIONI C., 1990, Les interactions
verbales, T.1., Armand
Colin, Paris.
MOSEGAARD-HANSEN,
M.B. (1995) Marqueurs
métadiscursifs en français
parlé : l’exemple de bon et
de ben. In ANTOINE, G.
CHAURAND, J. Le français moderne. vol. 63/1, p.
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POP, L. (2000) Espaces
discursifs : Pour une représentation des hétérogénéités discursives. Louvain /
Paris, Peeters.
ROULET E. et al., 1985,
L’articulation du discours
en français contemporain, Peter Lang, Berne.
vION, R. (1992) La communication verbale : analyse des interactions. Paris, Hachette.
vION, R. (2000) L'analyse pluridimensionnelle du
discours : le cas de l'instabilité énonciative. In BERTHOUD, A.C. MONDADA, L. Modèles du discours
en confrontations. Peter Lang, p.151-165.
Conventions de transcription
:
Allongement syllabique
(3’’)
Pause supérieure à 1’’
(.)
Pause inférieure à 1’’
voul /
Auto-interruption du locuteur (discontinuité mélodique)
voulu \
Hétéro-interruption
↑
Contour intonatif montant
↑↑
Mouvement intonatif montant (ton
interrogatif)
↓
Contour intonatif descendant
↓↓
Mouvement intonatif descendant
(ton conclusif)
ALORS Prononcé avec insistance, accentué
(en chantant)
Notation des autres caractéristiques vocales entre parenthèses. Leur fin est indiquée par le signe « + »
(IL SORT)
Système de notation des gestes
et des actions. Leur fin, quand ils durent au travers
des prises de parole, est également indiquée par le
signe « + »
(…)
Coupure due au transcripteur
bon
Marques commentées dans l’analyse en italique et en gras
[
]
Chevauchements de parole. Les
paroles qui se chevauchent sont soulignées. Leur
croisement est délimité par l’ouverture et la fermeture des crochets
29
Annexes
Cli :
bonjour
Lu :
bonjour madame (2’’) cette da :me ↑↑
Cli :
vous avez beaucoup d(e) thés je vois ↑↑
Lu :
oui alors ↑ ça dépend c(e) que vous voulez
↓ hein ↑↑ (.) alors y’a du thé naturel : ou du thé aux
fleurs : ou du thé aux : aux fruits ↓↓ voilà ↓↓
Cli :
naturel c’est à partir de quoi ↑↑
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Linguistique
30
Lu :
alors thé naturel vous avez les thés de
chine ↓↓ et : : vous avez le ceylan ↓
Cli :
hmhm
Lu :
et vous avez les thés fumés ↓ voilà ↓↓
mais fumé c’est un peu : c’est un peu particulier le
thé fumé hein ↑↑
Cli :
ah bon ↑↑
Lu :
oui ↓↓ c’est : très fort euh ça sent vraiment
la la cendre hein ↑↑ je : (.) bon je
peux vous faire \
Cli :
c’est agréAble pour du thé
Lu :
ah oui non mais je peux vous faire sentir
hein ↑↑ (2’’) (POSE LA BOITE DE THE SUR LE
COMPTOIR) voilà ↓↓ alors çA c’est le thé fumé
c’est pas sûr qu(e) ça vous plaise (RIRES PENDANT QUE LA CLIENTE SENT) hein ↑↑ oui oui
c’est particulier hein ↑↑ c’est vraiment particulier
voilà ↓↓
Cli :
c’est fou çA
Lu :
voilà (.) et là (.)vous avez le même alors
donc le même ↑ pArfUmE (3’’) (SORT LA BOITE)
voilà oui c’est c(e)lui là \ (.) alors c(e)lui là c’est le
même mais parfumé
Cli :
ah : : c’est pas pareil ↓
Lu :
voilà ↓
Cli :
mais c’est drôle comment ça fait un thé
fumé
Lu :
ça change hein ↑↑ après bon
vous avez du thé vert aussi (LE
MONTRE DU DOIGT) (.) voilà
Cli :
hmhm
Lu :
voilà
Cli :
on fait beaucoup d(e) publicités sur les
thés verts parc(e) que / c’est bon pour la santé : :
Lu :
oui parc(e)que : : attends c’est c’est c’est
pour pour pour pour euh l’arthério : (.) OUI le cholestérol ↓ voilà ↓ ça vous : ça vous ramone ↓↓ les
artères hein ↑↑ voilà ça vous ramone les artères
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↓↓ bon ben maint(e)nant j’ai un autre thé ↓ un earl
grey
(SORT LA BOITE)
Cli :
un engrais ↑↑
Lu :
un earl grey ↓ un earl grey ↓↓
Cli :
ah : ↑ un earl grey ↑↑ j’avais compris un
engrais (rires) il sent bon : ↓ il sent super bon
c(e)lui-là ↓↓
Lu :
il sent bon l’earl grey seul(e)ment il est très
fort ↑ voilà (RANGE LA BOITE) (.) euh : vous avez
un thé aussi euh : le jasmin ↓ alors on l(e) prend
beaucoup pour les repas ↓ pendant les repas
Cli :
ah c’est celui des chinOIs
Lu :
voilà ↓↓ c’est un thé de chine le jasmin ↓
aussi ↓ (.) voilà
Cli :
ah c’est celui \
Lu :
voilà
Cli :
qu’on boit pendant qu’on mange ↑
Lu :
vOILA (.) voilà (.) alors le jasmin : : (SORT
LA BOITE) voilà ↓
j(e) vais vous l(e) faire sentir aussi
(.) bon ↓ c’est vrai qu’on l(e) prend pendant les
repas ↓ il fait digérer ↓ voilà
Cli :
ouais il est léger c(e)lui là mais ça m(e)
rappelle l’o l’odeur des restaurants chinois ↓ c’est
fou hein ↑↑
Lu :
oui
Cli :
c’est vraiment ça hein ↑↑
Lu :
euh : par contre si vous aimez les tout c(e)
qui est chinois et exotique y’a le thé au lotus aussi
(2’’) voilà
Cli :
qu’est-c(e) que c’est le thé au lotus ↑↑
Lu :
ben c’est du thé à la fleur de lotus ↓↓
(UNE AUTRE CLIENTE ENTRE)
Interprétation
Interprétation
ANÁLISIS DE UN MANUAL DE
INTERPRETACIÓN BILATERAL
El manual escogido es el primer manual de Interpretación bilateral que se ha escrito, el Manual de Interpretación Bilateral. Fue publicado
en Granada en el año 2001 por la editorial Comares. Forma parte de un proyecto de investigación llevado a cabo por la FTI de Granada
que responde a la necesidad de tener que contar con métodos didácticos que ayuden tanto a docentes como al alumnado en la técnica
de la Interpretación, principalmente bilateral (IB), dada la ausencia de obras de esta temática. Los autores de dicho manual son docentes
e intérpretes de la FTI y, las coordinadoras son Ángela Collado Aís y María Manuela Fernández Sánchez.
Numerosos autores han establecido una
relación entre las dos disciplinas, aunque
en algunas ocasiones sus puntos de vista han sido
diferentes. En la actualidad, aún no se ha definido
la relación exacta entre traducción y lingüística. Lo
que sí está claro es que el estudio del lenguaje
ayuda a enriquecer los estudios de traducción.
32
Par
Gloria
Muros Gálvez
Traductrice espagnole
Maître es-traduction et
Interprétariat à la
faculté de Grenade
(Espagne)
.
langage de l’article
A finales de los 50, principios de los 60 surgieron
las primeras reivindicaciones, los primeros intentos
de dar base científica a la traducción como disciplina seria (Primeros representantes: vinay, Darbelnet, Mounin, Kadford), a partir de aproximarla a los
estudios de lingüística y así sistematizarla concibiendo la teoría de la traducción como una rama de
la lingüística aplicada o de la lingüística contrastiva.
Cary, en 1957, fue el único en contra de este acercamiento de la traducción hacia la lingüística. También Holmes, en 1972, reivindica la Traductología
como disciplina autónoma con entidad propia.
En la década de los 80 se consolida esta idea y son
muchos los autores que reivindican una disciplina
independiente que se podría entender como el estudio general de la traducción y del traducir, si bien
presenta un importante carácter interdisciplinario
especialmente próximo a la literatura y a la lingüística.
A modo de ejemplo, Muñoz Martín (1995: 135) está
convencido de la necesidad de la lingüística en los
Estudios de Traducción porque permite establecer
una base común a todas las perspectivas del objeto
de estudio. Hurtado Albir (1996a: 156-157) señala
que la Traductología no debe ubicarse dentro de la
lingüística sino al contrario: la lingüística estaría englobada dentro de la Traductología, donde la multidisciplinaridad sería la característica esencial.
También, Hurtado Albir (1999) habla de que el objetivo de la disciplina no es en realidad enseñar a
traducir, sino utilizar la traducción como un ejercicio
de perfeccionamiento lingüístico y de acceso al si-
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gnificado de la lengua extranjera.
La lingüística puede definirse por tanto como una
herramienta de traducción.
ésta debe concebirse desde varios enfoques diferentes: uno pragmático-textual que vaya
más allá de la mera descripción de los actos de
habla y sea capaz de interpretar las
intuiciones de los hablantes; otro psicolingüístico
que sea capaz de establecer
correspondencias entre las lenguas de trabajo; y
por último un enfoque sociolingüístico,
es decir, intercultural.
Relación entre lingüística e Interpretación
La lingüística es imprescindible a la hora de comprender el proceso de Interpretación, y es que el intérprete debe contar con una serie de
conocimientos de neurolingüística, psicolingüística
y pragmática. Estas tres disciplinas están íntimamente implicadas en el proceso de mediación lingüística.
La práctica de la Interpretación, también conocida
como “traducción oral” se remonta a la antigüedad,
pero la escasez de documentos ha dificultado notablemente la tarea del investigador hasta el siglo
XX. Esta disciplina ha venido siempre motivada por
las diferencias lingüísticas entre culturas y países,
y por la necesidad del ser humano de comunicarse
en sus quehaceres diarios.
Es necesario además tener en cuenta la diversa
naturaleza de los documentos y referencias relativos a la práctica de la Interpretación a lo largo de
la historia, constituidos por jeroglíficos, inscripciones, cartas, bajorrelieves, etc.
33
La técnica de la Interpretación ha evolucionado con
el tiempo. La más primitiva es la bilateral (IB), cuya
característica principal es la bidireccionalidad. Después surgieron nuevas técnicas como la consecutiva (IC) en la que el intérprete toma notas mientras
el orador pronuncia un discurso, y la simultánea (IS)
en la que el intérprete traduce de forma oral inmediatamente detrás del orador.
Breve recorrido por la historia de la Interpretación…
Las primeras referencias documentadas a la práctica de la Interpretación se remontan al tercer milenio a.C. Se trata de inscripciones en los
monumentos funerarios de los príncipes de Elefantina, en las fronteras de Egipto y Sudán.
También encontramos documentos escritos en el
mundo antiguo que relatan la presencia de un intérprete de forma diferente. Algunos de estos documentos pertenecen a libros como la Ciropedia y la
Anábasis de Jenofonte (c.430-354 a.C), donde se
describe al intérprete como un personaje distinguido; también el historiador romano Salustio (c.
86-35 a.C) habla en la Guerra de Jugurta (109) del
intérprete y plantea por primera vez el tema de la
fidelidad en la Interpretación.
En la Edad Media, se destaca la práctica de la Interpretación en la Península Ibérica motivada principalmente por la llegada de los árabes, que
contaban ya con una consolidada práctica traductora. Esta práctica no contó con el reconocimiento
social que podría esperarse.
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Interprétation
34
En este contexto, nacieron en el s.XII las escuelas
de traducción de Tarazona y Toledo, que además
de traducciones escritas, incluían versiones orales,
a “viva voce” (Sangrador Gil 1985:122-123).
Según van Hoof (1996: 13), las tensas relaciones
entre musulmanes y cristianos propiciaron la práctica de la Interpretación diplomática moderna. Las
Cruzadas motivaron esta práctica necesaria, y las
crónicas relativas a este período hablan de la existencia de intérpretes conocedores del árabe a los
que llamaban dragomanes.
La necesidad de intérpretes conocedores del árabe
motiva en Francia en el s.XvI la creación del primer
centro francés encargado en la formación de intérpretes: los Enfants de Langues.
En lo que respecta a la Edad Moderna, es particularmente significativo el hecho de que es en este
período cuando se puede apreciar mejor la necesidad de la Interpretación, así como la complejidad
que entraña su práctica. Hablamos de la época de
los descubrimientos, en las que la comunicación
era primordial y la falta de entendimiento suponía
una seria amenaza para los intereses comerciales
y territoriales de Europa. En este contexto encontramos numerosos documentos que relatan los
viajes al nuevo mundo (entendiendo este como
América y África) y destacan la presencia del intérprete como un elemento clave en la comunicación.
A partir de los ss. XvIII y XIX (Edad Contemporánea) destaca la práctica de la Interpretación en el
ámbito diplomático y político. Es la época de los
grandes intérpretes franceses como Jean-Michel
venture de Paradis (1739-99), así como la de la
práctica de
la traducción y la Interpretación en las embajadas.
Es necesario mencionar en este contexto a Satow
(1843-1929), que gracias a sus memorias, ha sido
Interprétation
de los únicos intérpretes que ha dado a conocer su
labor, que en ocasiones superaba el ámbito de la
traducción y la Interpretación, debiendo así mediar
también cultural y políticamente.
Finalmente, el s.XX ha dejado una serie de técnicas
nuevas de Interpretación como la de conferencias
[que culminó en 1953 con la creación de la Organización internacional de intérpretes de conferencias
(AIIC)], la simultánea y la consecutiva.
Todas estas propiciadas por el clima internacional,
que tras la primera Guerra Mundial, requería de instituciones internacionales que ayudaran en las mediaciones pacíficas entre países. En un principio la
lengua diplomática por excelencia era el francés
que posteriormente tuvo que convivir junto al inglés.
A esta época corresponden intérpretes como Jean
Herbert que aportó información sobre como trabajaban la consecutiva en la Conferencia de Paz de
París, interpretando del inglés y el francés hacia su
lengua materna y tomando notas cuando el discurso era muy largo y Léon Doster, intérprete del
general Eisenhower y responsable tras la segunda
Guerra Mundial de la organización de la Interpretación simultánea en Nuremberg.
Un punto de partida de la Interpretación simultánea
profesional y documentada, fueron los Procesos de
Nuremberg (1945-46) al final de la segunda Guerra
Mundial, en los que se juzgaron a los dirigentes
nazis. Los intérpretes trabajaron con cuatro lenguas: inglés, francés, alemán y ruso.
EVOLUCIÓN DE LOS ESTUDIOS TEÓRICOS
SOBRE INTERPRETACIÓN
En esta sección llevaremos a cabo una breve descripción de los teóricos de la Interpretación más influyentes de las dos últimas décadas, período en el
que la investigación sobre esta materia comienza
a tomar cuerpo y a consolidarse como una nueva
disciplina.
Los cuatro períodos de Gile
Gile (1994b, 1995a, 2000, 2003) divide los estudios
de Interpretación en cuatro etapas fundamentales:
El Periodo científico comprende las décadas de los
años 50 y 60, y se caracteriza por las reflexiones
sobre la experiencia profesional y la docencia hechas por autores como Herbert, Rozan, Paneth, Fukuui y Asano y van Hoof, que abordan temas como
la atención compartida, los procesos automáticos,
las interferencias lingüísticas o la disponibilidad
léxica.
Periodo de la psicología experimental. Abarca los
años sesenta y parte de los setenta, donde las reflexiones sobre la Interpretación corren a cargo de
psicólogos como Oléron y Nanpon, Goldman Eisler,
Gerver o Barik. Sus correspondientes trabajos sentaron las bases de un paradigma cognitivo en investigaciones posteriores, frente a paradigmas
lingüísticos, sociológicos, etc., centrándose en aspectos parciales como el desfase, la segmentación
del discurso, las pausas y errores, la autocorrección
y el efecto de la velocidad y del ruido en el rendimiento del intérprete.
El periodo de los profesionales podría definirse
como un período de aislamiento, en el que los pro-
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fesionales de la Interpretación recuperan el protagonismo detentado hasta entonces por los teóricos,
sobre todo por el impulso dado a la investigación
por Danika Seleskovitch en l’école Supérieure d’Interprètes et de Traducteurs (ESIT) de la Universidad de la Sorbona de París desde mediados de
1970. El punto de partida de este período lo encontramos en la publicación en 1968 de la obra L’interprète dans les conférences internationales, donde
Seleskovitch formulará la Teoría del Sentido, según
la cual la Interpretación consiste esencialmente en
la reformulación del sentido de un mensaje desverbalizado. Para ello, el intérprete debe contar con
una base de conocimiento y las destrezas necesarias, y sería independiente de la combinación lingüística en que se trabaje. Esta autora rechazó las
aportaciones de la lingüística y de la psicología por
considerarlas carentes de significado a la hora
de investigar la naturaleza de la comunicación lingüística y la Interpretación.
Paralelamente al ESIT, se desarrolló la escuela soviética, con autores como Chernov o Shiryayef, que
establecieron sus propios modelos del proceso de
Interpretación apoyándose en la Psicolingüística y
la Psicología cognitiva.
Paralelamente en Occidente se publicaron obras
aisladas, como las investigaciones de Moser
(1976), Anderson (1979), Mackintosh (1983), Kirchhoff (19876a), o las del propio Gile y su modelo de
esfuerzos.
El periodo de renovación se caracteriza por la interdisciplinariedad, y sus inicios se sitúan en el First
Symposium on Conferences Interpreting, celebrado
en Trieste en 1986. En este período se produce un
espectacular crecimiento de los trabajos de investigación, y una creciente proporción de estudios
empíricos, principalmente investigaciones experimentales en el campo de la neurofisiología y la psicología cognitiva. Gile considera que en este
período hubo avances importantes, como el reconocimiento de que la Interpretación depende de
una capacidad de procesamiento limitada o el de
que existen diferencias en el proceso de la Interpretación en función de la combinación lingüística.
Las tres perspectivas de Setton (2003:31-32)
Modelos externos. Estudian el proceso desde fuera
del intérprete profesional, situándolo en el marco
más amplio de la comunicación social humana, con
autores como Kirchhof, Salevsky, Holz-Mänttäri,
Pöchhacker y Kalina. Su centro de interés serían
los factores sociales que determinan la comunicación, algo que Setton considera especialmente adecuado para la Interpretación social.
Modelos internos. Se centran en los procesos cognitivos individuales basados en los hallazgos de las
ciencias cognitivas y los modelos computacionales.
En última instancia, se trataría de que estos modelos fueran capaces de predecir el producto final de
cualquier información procesada.
Modelos que relacionan los procesos psicolingüísticos internos con rasgos del discurso que se procesa. Implican análisis de corpus y la extrapolación
a la Interpretación de teorías sobre el lenguaje o la
comunicación discursiva. Esta categoría incluiría la
Teoría del Sentido, el modelo de predicción proba-
bilístico de Chernov, el psicosistemático de Le Ny
y el cognitivo-pragmático del propio Setton.
La cronología por períodos y escuelas de Pöchhacker
Profesionales y psicólogos pioneros. En esta época
Pöchhacker engloba a los profesionales, principalmente en torno a la escuela de Ginebra y los psicólogos experimentales que abrieron el camino a
futuros estudios.
Establecimiento de los cimientos académicos. En
esta época se sientan las bases para estudios académicos a través de las escuelas de Leipzig y
París.
Renovación y “nuevo comienzo”. Este periodo se
caracteriza por la diversificación hacia la Interpretación en la administración de justicia (Morris, Driesen, Roberts), la comunitaria (Shackman), y la
Interpretación en lengua de signos (Frishberg, Cokely y Roy). Del mismo modo, Pöchhacker observa
una reorientación metodológica con un interés por
unos estudios de Interpretación más científicos,
cuyos primeros exponentes son Stenzl, Mackintosh
y Gile.
Consolidación e integración. A partir del Congreso
celebrado en viena en 1992, la comunidad de investigadores se empeña en el doble objetivo de
ahondar en la interdisciplinariedad y asentar los
“Estudios de Interpretación”. Asociaciones como la
EST (European Society for Translation Studies), y
revistas especializadas del campo de la traducción,
contribuirán en la década de 1990 al asentamiento
de los estudios de Interpretación como disciplina.
La Interpretación en el siglo XXI. En este siglo, ya
no cabe hablar de una institución líder, sino de un
protagonismo compartido entre viejas y nuevas escuelas, como la escuela de Ginebra, con Moser-
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Interprétation
Mercer y Setton.
36
MODELOS GLOBALES DE FORMACIÓN DE INTÉRPRETES
El primer manual que presenta un modelo global
para la formación de intérpretes de conferencias es
el de Seleskovitch y Lederer (1989), corregido y aumentado en una segunda edición publicada en
2002. En esta obra, las autoras consideran necesario realzar el estatus de la Interpretación, diciendo que la Interpretación no es una traducción
en el sentido de una transferencia directa de un
idioma a otro, de modo que su enseñanza no puede
confundirse con la enseñanza de idiomas. Sin embargo, autores como Ortega Arjonilla (1996:56), citando al filósofo Gadamer, invierte esta definición
de la Interpretación y da otra perspectiva al
concepto de “sentido”, diciendo que el traductor
tiene que trasladar aquí el sentido que se trata de
comprender el contexto en el que vive el otro interlocutor. Pero esto no quiere decir en modo alguno
que le esté permitido falsear el sentido al que se refería el otro.
Precisamente lo que tiene que mantenerse es el
sentido, pero como tiene que comprenderse en un
mundo lingüístico nuevo, tiene que hacerse valer
en él de una forma nueva. Toda traducción es por
eso ya una Interpretación que el traductor hace madurar en la palabra que se le ofrece. Es decir, tal y
como afirma García Landa (1985:30), se trata de
superar la Lingüística de la Lengua, que no podrá
nunca explicar la traducción.
Aunque la Escuela del Sentido a la que pertenecían
las autoras ha sido objeto de críticas en períodos
recientes de la investigación en Interpretación, la
influencia de las autoras en la didáctica sigue dejándose notar en muchas escuelas. A pesar de dichas críticas, su obra contiene orientaciones
didácticas útiles para la enseñanza, como la utilización de textos narrativos en las fases iniciales de la
formación, consejos para el trabajo con cifras,
apoyo a la memoria, técnica de toma de notas, pautas para el trabajo como pivote, la importancia de
la contextualización previa al uso de un discurso en
el aula, la conveniencia de elegir temas propios de
los debates internacionales y de trabajar con discursos autónomos, la influencia de la intención comunicativa dominante en la gradación de la
dificultad, la importancia de la preparación tanto temática como terminológica en el trabajo con discursos especializados, el peso del conocimiento
implícito en la transmisión y la restitución del mensaje, la conveniencia de que las soluciones a los
errores partan de los otros estudiantes antes que
del profesor, la necesidad de aprender a interpretar
y hacer propios todos los puntos de vista, aunque
no se compartan, etc.
La utilidad de todas estas recomendaciones deriva
de una larga experiencia acumulada por las autoras, tanto en el ejercicio profesional de la Interpretación como en el de su enseñanza. Sin embargo,
tal y como afirma Jesús de Manuel Jerez, encontramos en esta obra otras afirmaciones no justificadas y en algunos casos discutibles, como la de que
la captación del sentido viene acompañada de la
desaparición de las formas verbales que han per-
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mitido su comprensión, que las notas deben tomarse en la lengua de llegada, que el método de
enseñanza no debe variar en función de la combinación lingüística, o que las prestaciones de los estudiantes de Interpretación al final de la formación
“deberán ser tan buenas o mejores que las de la
media de los profesionales”.
Con carácter general, cabría sostener que, si bien
es indudable la utilidad de esta obra en algunos aspectos, prima en ella el enfoque prescriptivo, y opta
por exagerar las diferencias entre la Interpretación
y otras disciplinas profesionales relacionadas con
los idiomas.
Los conceptos y modelos básicos de Gile
(1995b)
La propuesta didáctica de Gile se ha constituido en
símbolo del cambio de paradigma entre la escuela
del sentido y un periodo marcado por el afán de
rigor científico con las ciencias experimentales
como referente. Los modelos que presenta Gile se
orientan tanto a profesores de traducción como de
Interpretación, lo que ya es indicativo de la recuperación de un vínculo entre dos formas de mediación
interlingüe más cercanas de lo que los anteriores
autores venían señalando.
Gile plantea aspectos éticos como el conflicto de
lealtades en que el intérprete puede sentirse atrapado, o las dificultades de algunos intérpretes para
constituirse en alter-ego en el caso de juicios a criminales de guerra, por ejemplo. También aborda
Gile la cuestión del estatus de los intérpretes, defendiendo la tesis de que a mayor estatus corresponde no sólo una mejor remuneración, sino
también un mayor acceso a la documentación que
el intérprete necesita para realizar con éxito su
tarea.
En cuanto al proceso de Interpretación, es interesante la distinción que establece el autor entre la
sensación subjetiva de comprensión de un texto o
discurso en un sujeto y su grado de comprensión
real, así como la enumeración de los factores que
influyen en la primera. También es de destacar el
énfasis puesto en la necesidad del conocimiento de
la situación por parte del intérprete, no sólo para eliminar posibles ambigüedades, sino también para
saber “leer entre líneas”.
La aportación central en la producción de Gile es el
modelo de esfuerzos. éste parte de la aplicación de
la Psicología cognitiva de las afirmaciones de un ingeniero, según el cual cualquier canal que sirva
para transmitir información tiene una capacidad limitada de transmisión, más allá del cual hay pérdidas de información. Es indudable su utilidad para
explicar, con fines didácticos, cómo funciona en términos generales el procesamiento de información
en la mente del intérprete. Su mayor interés estriba
en la identificación de los esfuerzos que el intérprete realiza simultáneamente (escucha y análisis,
memoria, producción, coordinación de los tres anteriores) y los factores que pueden generar saturación. Además, al partir de una concepción no
idealizada del proceso, tal y como realiza la escuela
del sentido, tiene la ventaja psicológica de ayudar
a los estudiantes a entender que es normal que en
las primeras fases de su formación, alcancen con
frecuencia el umbral de saturación. Sin embargo,
dada la enorme diversidad de alumnos y dificultades que podemos encontrar, es complicado traducir este modelo a consejos concretos para los
estudiantes, a la hora de mejorar la gestión de sus
capacidades más o menos limitadas de procesamiento. En cualquier caso, estas “estrategias de
gestión de la capacidad de procesamiento”, estarían implícitas en los consejos que los profesores
dan a los estudiantes, y pueden ser fuentes de
orientaciones útiles en la enseñanza, aunque en
muchos casos los estudiantes encuentren dificultades para aplicarlas en fases iniciales de aprendizaje. Sin embargo, su aplicación supone un
esfuerzo que habría que añadir a los tres mencionados por Gile, de modo que tendríamos una
fuente más de riesgo de saturación. La dificultad de
equilibrar los esfuerzos de escucha y análisis, memoria a corto plazo y producción casi no deja margen para decisiones conscientes de tipo táctico
hasta que determinadas tareas no se vuelven más
automáticas y liberan “energía mental disponible”
para la toma de decisiones tales como segmentar
el discurso, aumentar o reducir el desfase o alterar
el orden de una enumeración.
Gile supera, además, algunas de las objeciones de
Seleskovitch y Lederer sobre aspectos como la
toma de notas en lengua de llegada, el trabajo con
textos leídos, a lo que se suma la aceptación del
hecho de que los estudiantes no tienen un perfecto
dominio de sus lenguas de trabajo al iniciar su formación como una realidad que hay que intentar
mejorar en lugar de actuar como si no existiera.
Con carácter general, tanto la corriente encabezada por Gile como la escuela del sentido comparten, pese a sus diferencias, una misma priorización
del proceso como principal objeto de estudio y
clave para la estructuración de la enseñanza.
Aunque las respuestas diverjan en algunos aspectos, ambos enfoques coinciden a la hora de elegir
las preguntas más pertinentes: ¿qué pasa en la
mente del intérprete mientras hace su trabajo?,
¿cómo explicárselo a los estudiantes para que mejoren su rendimiento?, ¿cuál es la función social del
intérprete?, ¿qué papel desempeñan los estudiantes y el profesor en el proceso de
enseñanza/aprendizaje?, y finalmente, ¿qué tipo de
investigación ha de realizarse para mejorar la formación de intérpretes y adaptarla mejor a las necesidades sociales?
ESCUELA DEL SENTIDO
Se conoce con el nombre de la escuela del sentido
o escuela interpretativa a la
generación de traductores e intérpretes que se han
formado en la Escuela Superior de
Interpretación y Traducción, de la universidad de
Paris III: La Sorbonne- Nouvelle.
La autora más representativa de esta corriente es
Danica Seleskovitch, que en su homenaje de jubilación en 1990, agrupó en torno a ella a un grupo
de traductores, intérpretes e investigadores formados en dicha Escuela, conocida por L’éSIT. Algunos
de estos autores son: Marianne Lederer, Maurice
Pergnier, Fortunato Israël, Jean Deslile, Amparo
Hurtado (representante española en el escuela del
sentido), Christine Durieux, etc.
La primera obra de Saleskovitch fue publicada en
1968 : L'interprète dans les conférences internationales. Posteriormente en 1984, publica junto a Lederer una colección de 17 artículos (que se
publicarán en diferentes revistas) con el título de Interpréter pour Traduire. En 1989, de nuevo junto a
Lederer, publican a petición de la Comisión de la
Unión Europea Pédagogie raisonnée de l'interprétation.
Saleskovitch defiende en su artículo publicado en
1980 una teoría de la traducción inspirada en la
práctica (”Pour une théorie de la traduction inspirée
de sa pratique“). Estas son algunas de las reflexiones que hace en su artículo: "Qu'il s'agisse de
traduction écrite ou d'interprétation orale, les
conclusions auxquelles nous arrivons sont les
mêmes: comprendre un texte ou un discours ne
consiste pas seulement à identifier les contenus sémantiques permanents des signes linguistiques et
à saisir la signification qui se dégage de leur combinaison syntaxique en phrases, mais aussi à discerner les éléments cognitifs autres que
linguistiques qui, en une situation donnée, s´attachent à l'énoncé. Cette double composante de la
compréhension se fond en un élément unique: le
sens du dire. À la lecture d'un texte ou à l'audition
d'un discours, le traducteur qui partage, au même
titre que le destinataire du message, les connaissances supposées chez celui-ci par l'auteur, dégage le sens en une synthèse immédiate des
éléments sensibles et des éléments cognitifs en
présence. Pour "traduire", il peut dès lors utiliser
toutes les ressources de sa langue maternelle car
il n'est pas entravé par l'original”.(p.404).
"L'observation de la pratique ayant permis de poser
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Interprétation
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l'hypothèse que traduire consiste à comprendre un
texte ou un discours puis à faire un texte ou un discours qui ait le même contenu dans une autre
langue, il s'agissait de vérifier, en s'appuyant sur
des traductions réussis, en quoi consistaient les adjonctions cognitives qui complétaient le sémantisme
des mots et des phrases et on s'arrêtait le sens par
rapport à l'infini de l'univers conceptuel".(p.405).
« c'est à partir du sens ainsi éclairé que le traducteur trouve l'expression dans l'autre langue....La traduction est créativité dans l'autre langue et non
applications d'équivalences préétablies...”.(p.407).
Marianne Lederer, en sus obras La théorie interprétative de la traduction (1987) y La traduction aujourd´hui: Le modèle interprétatif (1994), define la
traducción como un proceso interpretativo en el que
los complementos cognitivos juegan un papel esencial. El sentido, las unidades de sentido, la desverbalización y la expresión son los ejes de esta teoría
que se pretende universal.
Una de las obras más influyentes de esta corriente
es L’analyse du discours comme méthode de traduction de Jean Delisle, publicada en 1980. Esta
obra pretende aportar soluciones teóricas a las necesidades que se le plantean al traductor en su trabajo diario. Delisle defiende la inclusión de
aspectos pragmáticos y cognitivos en el estudio
de la traducción.
Posteriormente, en 1999, Delisle junto a otros autores define la traducción como un proceso de trasvase intralingüístico a partir de la Interpretación del
sentido textual.
« (La traduction est une) opération de transfert intralinguistique qui consiste à interpréter le sens d’un
texte et à produire un texte d’arrivée en cherchant
à établir une relation d’équivalence entre les deux
selon paramètres inhérents à la communication et
dans les limites des contraintes imposées au traducteur ». (DELISLE et al., 1999 :86).
Amparo Hurtado defiende el modelo interpretativo
de la traducción y considera necesario establecer
una relación de fidelidad para recuperar el sentido
textual. Es decir, el traductor debe respetar tres
conceptos fundamentales de fidelidad: en primer
lugar, el “vouloir dire” del autor (Hurtado 1990:110),
para ello el traductor debe conocer el contexto verbal, situacional y general del texto original; en segundo lugar, debe mantenerse “fiel” a la lengua
meta y explotar sus recursos lingüísticos durante el
proceso de reexpresión; y en tercer lugar, debe
tener en cuenta al receptor de la traducción, sin olvidar nunca que pueda enmarcarse en un contexto
sociocultural diferente.
En definitiva, el modelo interpretativo de la traducción destaca el lugar predominante del sentido en
la práctica traductora.
Interprétation
actividades me mediación lingüística y comunicativa que se realizan en determinados contextos sociales, y de ahí sus diferencias.
A continuación se describe más en profundidad el
papel y la labor del traductor y del intérprete en su
función de mediadores lingüísticos y culturales. Una
vez dicho esto, se centra en la Interpretación, en su
rasgo distintivo que son los métodos no verbales
para la transmisión de información, el esfuerzo,
control y entrenamiento que requieren esta actividad. En este sentido, se describen las distintas técnicas para realizar la actividad interpretativa
(Interpretación bilateral, consecutiva y simultánea)
los
contextos en os que se da cada una, los discursos
existentes y la modalidad de Interpretación que se
lleva a cabo en cada una etc.
En el tercer capítulo, y una descritos los aspectos
generales de cada una de las técnicas de Interpretación, se centra en el grueso del manual: la Interpretación bilateral, sus características, situaciones
comunicativas y modalidades presentadas ahora,
de una manera mucho más precisa y extensa. Así,
en el se tratan aspectos como el contacto directo y
el espacio compartido entre el intérprete y los interlocutores, la bidireccionalidad de la IB, la diversidad
de contextos y situaciones que hace difícil la IB; la
imprevisibilidad del discurso, la imposibilidad de la
toma de notas, automatismos conversacionales,
espontaneidad del lenguaje o los distintos registros,
entre otros.
En el siguiente punto se profundiza en las distintas
situaciones comunicativas en IB; en este sentido se
presentan dos propuestas de sistematización de las
situaciones comunicativas. Por un lado, la de
Alexieva (1997), cuyo objetivo es determinar el
grado de especificidad de cultural de un evento comunicativo, proporcionando información sobre el
estatus y el papel del intérprete en las distintas actividades de mediación. Por otro lado, la propuesta
de Gile (1989) y Pöchhacker (1994), con un enfoque más profesional, que propone los distintos
eventos comunicativos en los que puede tener
lugar una Interpretación Simultánea, lo que permite
realizar una inmediata aplicación práctica.
Por último, se tratan en este capítulo las diferentes
modalidades de IB (Interpretación de enlace e Interpretación social) y las describe según cinco situaciones comunicativas (comercial, turística,
comunidad de propietarios, encuentros entre profesionales y sociales) que vemos en el apartado anterior.
El cuarto capítulo se refiere a los fundamentos teóricos de la Interpretación bilateral. En primer lugar,
se recuerda que el punto de partida del trabajo es
“considerar la traducción y la Interpretación como
actividades cognitivas, comunicativas y lingüísticas
complejas que se desarrollan en un contexto social”
y en este sentido se apoyan estos principios con las
distintas teorías que los han argumentado.
A continuación y en cuanto a la fundamentación
teórica de la Interpretación Bilateral se refiere, se
hace un breve repaso de las distintas teorías que
surgen de las diversas investigaciones que han servido para justificar las referencias del presente manual. Destacamos, un marco teórico funcional de
carácter general (Reiss y vermeer 1996), un marco
pragmático que presenta las distintas situaciones
comunicativas en las que se recurre a la IB como
formas de comportamiento social (van Dijk 1989) y
un marco conceptual que atiende a las dificultades
de la Interpretación como proceso cognitivo (Gile
1988, 1995).
En el capítulo cinco, se toma como referencia el
modelo de esfuerzos de Gile (1988, 1995) como
aplicación práctica de los aspectos teóricos que se
han ido viendo a lo largo del manual y de este modo
incorporando todos los principios y aspectos fundamentales que hay que tener en cuenta para conseguir una buena IB. Así, se enumeran los distintos
esfuerzos que requiere la IB (de escucha y análisis,
de memoria, de toma de notas, de reformulación,
de bidireccionalidad y de interculturalidad) y dentro
de cada uno, se proponen distintos ejercicios para
mejorar esos aspectos.
El sexto y último capítulo del manual, es el referido
a la metodología específica para la Interpretación
bilateral. En este apartado, se pretende determinar
la metodología más adecuada a los principios del
manual para que el alumno adquiera unas destre-
39
ANÁLISIS GLOBAL DEL MANUAL
El presente texto está estructurado en seis capítulos, dos apéndices y un anexo bibliográfico.
En el primer capítulo es la evolución histórica de la
Interpretación desde el Mundo Antiguo hasta nuestros días. El segundo capítulo trata, como su nombre indica, del concepto, técnicas y modalidades de
Interpretación. En el primero de los apartados se
definen tanto traducción como Interpretación como
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Interprétation
zas y habilidades específicas para la IB. A partir de
tres objetivos generales, se proponen ejercicios
para su realización.
Por último tenemos los dos apéndices. El primero
de ellos está dedicado a la sistematización de los
automatismos en inglés, español, alemán y francés.
El segundo apéndice describe el contexto académico del que ha surgido esta obra, concretamente
refiriéndose al papel, importancia, relevancia, medios, etc. que tiene la Interpretación en la FTI de
Granda en concreto y de España en general.
Al final se adjunta un anexo bibliográfico que según
las coordinadoras del manual “puede ser útil para
acercarse a la docencia y a la práctica de la Interpretación”.
40
ANÁLISIS ESPECÍFICO DE UN CAPÍTULO
Hemos analizado en profundidad el capítulo 5 que
toma el modelo de esfuerzos de Gile (1998, 1995a),
y lo adapta a la didáctica de la Interpretación bilateral. Para ello, adopta, además de los esfuerzos
aportados por Gile (de escucha y análisis, memoria,
toma de notas, etc.), dos esfuerzos nuevos aplicados a la IB: la bidireccionalidad y la interculturalidad.
El capítulo expone de forma detallada los ejercicios
de preInterpretación, dando consejos útiles tanto a
alumnos como a profesores. Creemos que este
manual está más enfocado al docente que al
alumno, puesto que utiliza numerosos ejemplos
para explicar el contenido del ejercicio, detallándolo
paso a paso. Además, la introducción incluye
información práctica para el docente como las reacciones de los estudiantes ante la primera toma de
contacto con la Interpretación, la progresión de dificultad que se debe seguir, o los criterios de corrección que se adoptan en la UGR.
A continuación, el manual se adentra de lleno en la
explicación detallada de las diferentes actividades
que facilitan la práctica de la Interpretación. Organiza los ejercicios de preInterpretación según los
esfuerzos implicados. Por ejemplo, el punto 5.2.1
Esfuerzo de escucha y análisis, incluye todos
aquellos ejercicios que facilitan la práctica de la escucha y el análisis de los textos escritos y orales:
Preguntas “Lasswell”;
Résumenes; Análisis de la estructura (del tipo de
estructura, de los conectores,
recomposición de la estructura y reconocimiento de
claves textuales); Clozing;
Contextualización de expresiones numéricas;
Taxonomías o jerarquías de inclusión.
El punto 5.2.2. Esfuerzo de memoria, incluye aquellos ejercicios que ayudan a ejercitar la memoria
para la práctica de la Interpretación: visualización;
Síntesis de discursos sin toma de notas; Reactivación léxica y semántica.
El punto 5.2.3 Esfuerzo de toma de notas, incluye
aquellos ejercicios que ofrecen un apoyo a la memoria del intérprete y constituyen una representación conceptual, simbólica y estructural de
información principal del discurso: Ampliación y
reducción de información “telegrama”; Búsqueda de
palabras clave.
El punto 5.2.4 Esfuerzo de reformulación, ayuda a
potenciar la técnica oratoria y la técnica de discurso
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Interprétation
público: Lectura; Revista de Prensa; Debates; Paráfrasis; Ampliación textual; Reelaboración del discurso con cambio de finalidad, de tipo de discurso
o de registro; Improvisación de discursos a partir de
titulares o imágenes visuales.
A continuación, desarrolla en los dos puntos siguientes los dos esfuerzos nuevos incluidos en la
IB:
El punto 5.2.5 Esfuerzo de Bidireccionalidad, se
aplica exclusivamente a la IB, puesto que es la característica esencial que define esta técnica de Interpretación: Reflejos léxicos frente a interferencias;
Traducción con imposición de limitaciones; Traducción a vista.
y el punto 5.2.6 Esfuerzo de Interculturalidad, que
aunque se aplica también a la IC y a la IS, es en la
IB donde se hace más patente, sobre todo en la Interpretación social, entendiendo ésta como la que
se realiza en los Servicios Públicos (hospitales,
juzgados, centros escolares, etc.).
Por último, en el punto 5.3 la autoras exponen las
conclusiones obtenidas sobre la aplicación del modelo de esfuerzos de Gile en la Interpretación en
general, y sobre la inclusión de los dos últimos aplicados a la práctica y a la didáctica de la IB.
CONCLUSIONES
A pesar de que en el capítulo analizado las autoras
se han centrado en el modelo de esfuerzos propuestos por Gile, encontramos orientaciones didácticas propuestas por Seleskovitch y Lederer, como
por ejemplo, el hecho de que sean los propios
alumnos los que corrijan a sus compañeros y propongan alternativas antes que el profesor, o el énfasis puesto en evitar los calcos, a través de
ejercicios de reactivación léxica, búsqueda de sinónimos y antónimos, definiciones (ejercicio 9, página
108-109), paráfrasis, referencia (ejercicio 19, página 120). Sin embargo, hay un punto en el que las
autoras difieren completamente de las represen-
tantes de la escuela del sentido; se trata de la traducción a vista (ejercicio 21, página 121-122). Seleskovitch y Lederer consideran la traducción a
vista y la Interpretación con texto modalidades
“bastardas” de la Interpretación, que sólo han de
realizarse a partir de discursos, mientras que el manual considera que estos ejercicios favorecen el
desarrollo de los recursos para evitar y superar las
interferencias lingüísticas.
Si nos centramos en el modelo de esfuerzos de
Gile, encontramos dos aspectos que se reflejan claramente en este manual: la progresión en la aplicación de las estrategias para gestionar los esfuerzos,
y evitar que el hecho de combinarlos sature la capacidad del alumno en fases iniciales del aprendizaje. Así, se proponen ejercicios cuyo objetivo está
muy definido y limitado a un esfuerzo en concreto.
De esta manera, el alumno adquiere estas capacidades de forma paulatina y sin que le suponga una
carga adicional. Por otra parte, Gile, contrariamente
a Seleskovitch y Lederer, que intentan negar esta
evidencia; es consciente de que los alumnos no dominan completamente sus lenguas de trabajo, por
lo que, además de las técnicas de Interpretación
propiamente dichas, se fomenta el perfeccionamiento de éstas, a través de ejercicios de análisis
de conectores, “clozing”, o la adquisición de automatismos conversacionales, ejercicios de reactivación léxica, búsqueda de palabras clave, etc.
Tras analizar de forma global el manual, consideramos que está enfocado principalmente a docentes, ofreciendo una metodología para el
desarrollo de las clases desde la perspectiva del
profesor. De hecho, como alumna, he practicado la
mayoría de ejercicios que se proponen, en el orden
establecido, partiendo de ejercicios monolingües al
inicio de la asignatura, para adentrarme primero en
la B-A, después en la A-B, y finalmente en la bidireccionalidad.
Sin embargo, opino que la lectura de este manual
por parte de los alumnos puede ser beneficiosa, ya
que éste va de lo general a lo específico. Este
hecho, junto con una redacción clara y concisa,
hacen ameno su estudio y la aplicación de los métodos que propone.
Cabe destacar el hecho de que tras haber cursado
las asignaturas de Técnicas de Interpretación,
vemos que aunque se aplican los criterios del manual casi en su totalidad, éstos no se explican durante el desarrollo de las clases, lo que a veces
desconcierta al alumno y puede llegar a ser contraproducente, por no saber el objetivo final del
mismo, y entre otras cosas, o le aburre, le genera
ansiedad, o el esfuerzo no es el mismo que si supiera los beneficios que implican dichos ejercicios.
Por último, queremos mencionar que los Apéndices
sobre los automatismos conversacionales son muy
positivos y resultan de gran utilidad, como he podido comprobar en primera persona. El dominio de
estas fórmulas permiten al alumno controlar el inicio
y el final de las intervenciones, que en gran medida
determinarán la calidad de la Interpretación. Esto
da confianza al alumno, puesto que dispondrá de
más
tiempo y recursos mentales para centrarse en la
parte central de la intervención.
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traducción de las marcas
anafóricas “tel” y “voilà” en
los textos periodísticos.
Tesis doctoral. Departament de Traducció y Filologia. Facultat de Traducció e
Interpretació. Universitat
Pompeu Fabra.
GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010

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