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Editorial L e monde de la traduction, de la linguistique et de l’interprétariat requiert-il un nouveau magazine professionnel? Il en existe déjà de très sérieux, au contenu alléchant, mais que la vocation scientifique et une mise en page austère rebutent parfois. Au coeur de ces métiers depuis dix ans, nous constatons leur évolution perpétuelle et la seule approche théorique ne suffit plus à déterminer la complexité et les enjeux. En 2010, le marché mondial de la traduction pèse quelque quinze milliards de dollars, de deux à trois cents millions en France et si l’on valorise la traduction automatique, on atteint, dans le monde entier, quatre-vingts milliards de dollars, de quoi donner le tournis et légitimer un discours plus large englobant tous les acteurs du marché. Il nous est apparu qu’il manquait parmi les titres en présence, un exemplaire multilingue accessible à tous, traducteurs, interprètes, linguistes de formation et de profession, mais aussi acheteurs, consultants, communicants, professionnel de l’Emarketing et du référencement. De ce constat est né Globword, un magazine trimestriel multilingue destiné à ce large lectorat et capable d’aborder les questions scientifiques, économiques, techniques et d’actualités pour offrir une information à forte valeur ajoutée. 3 Ce premier numéro comporte quarante-deux pages et propose, entre autres, un dossier détaillé sur la traduction technique et sur les différentes formes de traduction financières, une analyse fondamentale de deux concepts courants du langage et une escapade littéraire avec Milan Kundera, portant un jugement haut en couleur sur les traductions de ses propres livres. Globword est un magazine gratuit et disponible en ligne par téléchargement, créer de façon collaborative il est ouvert à toutes les suggestions de sujets et nous vous invitons, linguistes, traducteurs, interprètes, acheteurs à partager vos connaissances, votre actualité et vos expériences par l’intermédiaire de ce magazine. Merci et bonne lecture. Bertrand Daudey GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 S O M M A I R E LINGUISTIQUE TRADUCTION EMOTIONS ET CONTRAINTES INTERLOCUTIvES DANS LA DISCUSSION 16 PAR EGLANTINE BREMOND LA TRADUCTION TECHNIQUE : LE TEXTE SOUS L’EMPIRE DE L’EXTRATEXTUEL 4 Globword est un magazine trimestriel publié par la société atenao EURL au capital de 160000€ Adresse postale : 4 rue Roux Alphéran 13100 - Aix-en-Provence France Téléphone : +33(0)4 42 93 34 29 Télécopieur : +33(0)4 88 04 92 70 email : [email protected] site internet : www.atenao.com Magazine d'informations gratuit et disponible en téléchargement sur le site www.atenao.com. Le magazine Globword est réalisé par des diplômés et professionnels de la traduction, de la linguistique et de l'interprétariat. Ce magazine ne peut-être vendu. 8 PAR MATHILDE JULIE LIvIA FONTANET LA TRADUCTION LITTéRAIRE vUE PAR L’AUTEUR 10 ENTRETIEN MARK POLLET DIRECTEUR IDA FINANCES 11 5 bon, MOTEUR D'ACTION, MOTEUR DU DISCOURS LES 4 TyPES DE TRADUCTION FINANCIERE 12 PAR LAURENCE DEPRAZ INTERPRETATION Directeur de la rédaction : Bertrand Daudey Les titres, les intertitres, les textes de présentation et les légendes sont établis par la rédaction. La loi du 11 mars 1957 interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur, ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4 du Code de propriété intellectuelle). Toute copie doit avoir l’accord du Centre français du droit de copie. L’éditeur s’autorise à refuser toute insertion qui semblerait contraire aux intérêts moraux ou matériels de la publication. 20 PAR CAPUCINE BREMOND ANÁLISIS DE UN MANUAL DE INTERPRETACIÓN BILATERAL PAR GLORIA MUROS GÁLvEZ EvENEMENT COLLOQUE TRADUCTION, TERMINOLOGIE, RéDACTION TECHNIQUE : DES PONTS ENTRE LE FRANçAIS ET LE PORTUGAIS PAR ISABELLE OLIvEIRA 14 32 Traduction Traduction LA TRADUCTION TECHNIQUE : LE TEXTE SOUS L’EMPIRE DE L’EXTRATEXTUEL Reproduction de l’article de Mathilde Julie Livia FONTANET Département de traduction et de traductologie français école de traduction et d’interprétation (ETI) Genève, Suisse 6 Le mot « technique » est pris ici au sens étroit, correspondant à la première acception qu’en donne le Trésor de la langue française1 : « qui concerne les applications de la science [et] de la connaissance scientifique ou théorique, dans les réalisations pratiques, les productions industrielles et économiques ». Dans la présente communication, relèvent ainsi des « textes techniques » les manuels de référence, les brochures d’entretien, les modes d’emploi, les spécifications techniques et tout autre document à vocation opérationnelle. Nous nous appuierons en outre sur une définition strictement fonctionnaliste du « texte technique » dans la mesure où nous le caractérisons par sa seule mission, sans considérer comme déterminant qu’il soit le plus souvent une manifestation d’un discours spécialisé. Selon nous, le texte technique est purement utilitaire en ce sens qu’il vient répondre au besoin d’informations d’un lecteur désireux de mener à bien une opération pratique (montage d’une machine, application d’une procédure de mise en service, production d’une pièce répondant à certaines exigences, etc.). Ainsi, dans notre perspective, s’il est généralement riche en termes techniques et s’il s’énonce volontiers en langue spécialisée, les termes et la langue spécialisée n’en sont pas les caractères définitoires. La fonction du texte technique Le texte technique vise à transmettre des données objectives (quantifiées, qualifiées et ne relevant ni de l’opinion, ni du goût) à des lecteurs (ou « utilisateurs ») comptant agir efficacement dans la sphère extralinguistique. À la fois miroir et voie d’accès, il entretient ainsi une relation d’immédiateté avec la réalité, dont il doit être le reflet direct et dans laquelle il doit permettre d’exercer un effet direct. En cela, il se distingue du texte scientifique, qui a d’ordinaire pour vocation d’apporter des connaissances ou de présenter des éléments à l’appui d’une théorie. Si les deux types de discours se doivent d’être précis, concrets, logiques et univoques, le texte scientifique possède une dimension rhétorique et argumentative qui reste étrangère au discours technique. langage de l’article Le rapport du texte technique à son destinataire Le texte technique n’a pas à justifier sa présence, ni à promouvoir sa propre diffusion. Nul besoin pour lui de se frayer une voie vers le public, de chercher GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 à s’imposer parmi les autres discours. Il vient répondre à une demande préexistante, sans avoir ni à la susciter, ni à l’entretenir : le technicien consultant son manuel de procédures n’a pas d’autre option que de s’y référer. Aussi jamais le texte technique ne s’essaie-t-il à la séduction, l’argumentation ou l’émotion. Jamais il ne recourt à l’humour, l’identification ou l’esthétique. Il reste dense de sens, se veut intégralement dénotatif et affranchi de toute portée connotative. L’auteur du texte technique Autre particularité, le texte technique ne se présente pas comme le produit d’un « auteur ». Il semble bien plutôt émaner directement de la réalité technique, avoir été dicté par une forme de logique universelle, sans avoir transité par une quelconque subjectivité. La plupart des autres textes de spécialité laissent entendre une voix, entrevoir un principe humain à leur origine. Le discours scientifique, par exemple, qui procède souvent de la démonstration, suit une ligne de pensée logique et déductive qu’il met en avant pour attester sa crédibilité, et manifeste ainsi en tout temps une intentionnalité. De même, le texte juridique, qui marque son appartenance à une élite par une syntaxe et des tournures archaïsantes, permet à son auteur de se positionner socialement. Le texte technique, lui, trouve sa force dans sa neutralité et son objectivité. La forme du texte technique Parce qu’il n’a d’autre vocation que d’informer et que l’information qu’il communique ne saurait prêter à controverse, le texte technique se focalise sur son seul sens, subordonnant tout aspect formel à la seule efficacité du message. Selon Claude Bédard, les textes qui nous intéressent présentent un niveau de langue qu’il qualifie de « niveau usuel », appartiennent au registre neutre (parce qu’ils ne déploient aucun effet stylistique) et marquent le « degré zéro de l’écriture » (Bédard 1986 : 166-168). Si la forme du texte technique ne cherche pas à colorer le sens, mais uniquement à le mettre à nu, sans jamais le détourner du chemin de la stricte signification, et si elle tend à se faire oublier, elle n’en reste pas moins le vecteur essentiel du message. Sa qualité se mesure à sa précision, sa clarté et sa concision. Par voie de nécessité, le texte technique est le plus souvent exprimé dans une « langue spécialisée » (ou « langue de spécialité »), que Lerat définit comme procédant de « l’usage d’une langue natu- relle pour rendre compte techniquement de connaissances spécialisées » (Lerat 1995 : 21) et comptant parmi ses expressions caractéristiques les termes, les formules et le « vocabulaire de soutien » (Lerat 1995 : 3). L’usage de la terminologie y est dicté par des contraintes d’univocité (facteur à la fois de clarté et de précision) et de concision. LA TRADUCTION DU TEXTE TECHNIQUE, la fonction du texte traduit Le texte traduit a une fonction assimilable à celle de l’original. Ce sont les mêmes informations qu’il vise à transmettre, pour permettre d’exécuter les mêmes gestes et de mener à bien les mêmes opérations. Tout comme l’original, il se destine avant tout à un « utilisateur » et se caractérise par sa nécessaire immédiateté avec la « réalité ». Le texte traduit entretient un rapport tout à fait paradoxal avec le texte original. Comme son centre de gravité se situe en quelque sorte en dehors de la langue, dans la seule « réalité technique », le traducteur peut, si celle-ci l’exige, s’écarter librement du « dire » de l’original, sans même nécessairement chercher à s’appuyer sur le « vouloir dire » de l’auteur : il doit communiquer ce que le texte « devrait dire » pour rester en adéquation avec sa portée extralinguistique. À l’ordinaire, l’original a une valeur absolue et le texte traduit a une valeur relative. Dans le cadre de la traduction technique, cependant, seul le monde extralinguistique a une valeur absolue, celle de l’original comme de sa traduction restant en tout temps relative. Aussi le principe de la fidélité à l’égard de l’original y est-il atténué : si l’original est mal rédigé ou s’il comporte des erreurs, le traducteur a toute latitude pour intervenir pour réorganiser la forme et corriger le sens. À titre d’exemple, il importe peu que la traduction d’un mode d’emploi emboîte le pas au texte original. S’il s’agit de monter une bibliothèque, l’essentiel est que le lecteur reçoive des informations correctes, claires et précises. En fin de compte, la qualité du travail du traducteur ne se mesurera pas à sa fidélité à l’égard de l’original, mais bien plutôt au temps que mettra l’utilisateur pour exécuter le montage. C’est précisément la perspective qu’adopte Barbara Folkart, en soulignant que le discours technique est la manifestation la plus absolue de la fonction référentielle de la langue. Selon elle (Folkart 1984 : 229230), la trajectoire qui s’impose au traducteur technique part de la langue source et passe par le 7 GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Traduction référent extralinguistique pour arriver à la langue cible, quitte à court-circuiter le texte source pour partir directement du référent : la seule contrainte formelle qu’il doit s’assigner est de maintenir le caractère transparent du texte pour garantir sa relation d’immédiateté avec la réalité qu’il décrit. 8 La voix de l’auteur et celle du traducteur Dans une perspective générale, s’élevant contre la croyance que la « voix de l’auteur » peut être totalement préservée dans une traduction sans que celle du traducteur se laisse entendre, Folkart (1991 : 395-396) avance que « la voix qui parle dans la traduction […] est une somme de différences plus ou moins minuscules, plus ou moins hétéroclites, une série de dissonances intermittentes et fugaces analogues aux interférences acoustiques, battements produits par deux ondes de fréquence rapprochée ». De même, Theo Hermans (2002) fait valoir que la traduction ne saurait être assimilée à une simple réénonciation de l’original et postule que tout texte traduit, loin d’être une représentation transparente du texte source, est, au même titre que tout autre texte rapporté, mais à plus forte raison encore, nécessairement pluriel, décentré, hybride et polyphonique : il est imprégné de la présence discursive du traducteur, qui se manifeste par une voix distincte et une position subjective – que Hermans appelle « la voix différentielle du traducteur » en s’inspirant d’une expression de Folkart. Selon nous, la traduction technique constitue une exception à cet égard. Le total assujettissement du texte à sa valeur référentielle évince tant l’auteur que le traducteur de leur matérialité discursive et fait taire la voix de l’un comme de l’autre. Hermans estime en outre que la nature polyphonique de la traduction découle aussi du fait que son discours renvoie non seulement au texte source, mais aussi (par soumission ou par transgression) à des normes de traduction, qui viennent « filtrer » les textes que produisent les traducteurs. Nous estimons comme lui qu’une norme prévaut nécessairement dans toute forme de traduction. Dans le cas de la traduction technique, toutefois, celle-ci renvoie à nouveau à la réalité extralinguistique : le mode de dire est subordonné au mode de faire. Ainsi, dans une procédure d’entretien comme dans un mode d’emploi, l’ordre d’énonciation des éléments d’information devra suivre la chronologie des gestes préconisés. La forme du texte traduit et le processus de traduction La forme du texte traduit, comme celle du texte original, a pour seule fonction de recentrer le texte sur son sens. Aussi doit-elle également se caractériser par sa concision, sa simplicité, sa cohérence et sa clarté. Le processus de traduction technique se caractérise par un calibrage répété des incertitudes (pour se protéger des a priori, des évidences illusoires, et définir le travail nécessaire pour comprendre réellement le texte) et par la nécessité de procéder à des contrôles itératifs de cohérence (pour veiller à la cohérence, aussi bien interne qu’externe2, de l’interprétation donnée à l’original, puis à la cohérence GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Traduction du texte traduit). Dans la phase de sémiasologie, le traducteur doit : - définir ses incertitudes (car c’est à cette seule condition qu’il pourra les gérer), - déterminer le niveau de compréhension qui lui est nécessaire (il n’a par exemple pas besoin de comprendre le fonctionnement du tube cathodique du seul fait que le mot télévision figure dans un texte), - procéder au repérage des unités sémantiques et terminologiques, - entreprendre les recherches terminologiques et documentaires qui s’imposent pour lever les incertitudes ; - contrôler la cohérence (interne comme externe2) de la compréhension du texte original (contrôle des cohérences interne et externe). Dans la phase d’onomasiologie, le traducteur doit : - déterminer le degré de précision que requiert le destinataire, - trouver la terminologie adéquate pour restituer (ou du moins transmettre) le sens, - opter pour une forme adéquate (univoque, claire et concise), - contrôler le sens (contrôle de la cohérence, tant interne qu’externe2 du texte traduit) et la forme (contrôle orthographique, syntaxique et terminologique). Le traducteur technique cherche d’abord à extraire tous les éléments d’information que recèle l’original. Il sollicite aussi ses connaissances générales et spécialisées, de même que son savoir terminologique. Si ceux-ci sont insuffisants, il entreprend des recherches documentaires et terminologiques. À cet effet, il s’adresse à des spécialistes ou consulte des encyclopédies, des glossaires et d’autres ouvrages de référence. Il peut également s’appuyer sur des corpus de textes pertinents. De fait, la proximité entre discours technique et réalité extralinguistique fait que la connaissance de cette dernière peut passer par la consultation des textes fiables qui s’y rapportent. Les corpus pertinents, dans la mesure où ils sont assimilables à des manifestations directes de la réalité technique, sont de sûres références pour établir tant le sens que la terminologie. Ils permettent au traducteur de trouver les termes dans leur environnement « naturel » et contribuent donc utilement à la résolution de plusieurs problèmes propres à la traduction technique. LES DIFFICULTÉS INHÉRENTES À LA TRADUCTION TECHNIQUE Le repérage des termes On se méprend souvent sur les difficultés inhérentes à la traduction technique, qu’on tend à ramener à un problème de recherche terminologique, alors que celle-ci peut le plus souvent se mener à bien sans problème. La difficulté première réside en fait souvent dans l’identification des termes, qu’il faut nécessairement repérer avant d’entreprendre de résoudre les problèmes qu’ils entraînent. Or, comme le fait valoir Juan Sager (2000 : 47), le profane peut prendre pour un terme ce qu’un spécialiste considère comme un mot de la langue générale et, inversement, prendre un terme pour un mot ordinaire. Il est parfois difficile de distinguer la langue générale et la langue spécialisée, car celle- ci utilise volontiers des termes spécialisés entremêlés de mots ordinaires. Si les composés savants formés à partir de racines grecques ou latines sont relativement faciles à reconnaître, les termes syntagmatiques, plus fréquents du fait de leur flexibilité formelle et sémantique et de leur productivité (Kocourek 1991 : 151), posent davantage de difficultés. De plus, certains mots du lexique général peuvent prendre une acception particulière en langue spécialisée. En fait, le plus ardu peut être non pas de trouver la traduction des termes, mais de les définir dans la chaîne syntagmatique et d’établir comment celle-ci s’articule. Prenons l’exemple du titre d’un document du CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire), Supply of fine blanked austenitic steel collars for the cold masses of the LHC superconducting dipole magnets. Pour mener à bien sa tâche, le traducteur doit tout d’abord établir des liens entre les mots, en apparier certains et envisager toutes les possibilités avant d’en écarter le plus possible. De fait, quelles sont les unités à prendre en compte ? S’agit-il de steel collars et, dans ce cas, austenitic vient-il qualifier collars ou steel. De même, l’adjectif fine s’associet-il à blanked ou qualifie-t-il directement collars ou steel ? Les différences de plages sémantiques entre les langues Une autre difficulté réside dans la différence qui peut exister entre le découpage sémantique prévalant dans les deux langues de travail. Par exemple, les trois phrases qui suivent ont été tirées d’un même texte sur la foudre (trouvé sur le site de la BBC3). Or, le terme lightning, qui apparaît trois fois dans l’original, ne saurait être traduit par le même mot dans les trois cas : 1) We now know that lightning is an electrical discharge from cumulonimbus clouds. 2) First, the lightning travels very rapidly towards the Earth, but is quite faint. 3) As lightning is seen and thunder heard, lightning travels at the speed of light, and thunder at the speed of sound. Dans la première phrase lightning est défini en tant que phénomène, celui d’une décharge électrique provenant d’un cumulo-nimbus. C’est le phénomène de la foudre. Dans la deuxième phrase, il est indiqué que le (ou la) lightning se déplace très rapidement vers la Terre, mais n’est que faiblement lumineux. À l’évidence, le traducteur ne saurait donc opter pour « foudre ». Une recherche documentaire permet d’établir qu’il ne s’agit encore que d’une décharge atmosphérique, autrement appelée « traceur descendant » ou « précurseur » qui est un canal ionisé se développant du nuage vers le sol. Dans la troisième phrase, enfin, il est fait référence à la manifestation visuelle de la foudre – autrement dit, à l’éclair (qui s’oppose ici au tonnerre, la manifestation auditive). L’impossibilité de s’appuyer sur des connaissances préalables Lors de la lecture d’un texte standard, la précon- naissance du domaine permet au destinataire de procéder à des interprétations (le plus souvent spontanées) qui viennent compenser des ambiguïtés du texte. Un certain flou grammatical n’est ainsi souvent pas même perçu comme tel, car le champ des possibilités est considérablement réduit par l’élimination spontanée de toutes les interprétations en rapport d’incohérence avec la réalité extralinguistique. Inconsciemment, tout lecteur (et tout traducteur) fait intervenir une part importante de déduction et d’inférence pour établir, à partir d’un énoncé quelconque, le sens qu’il doit transmettre. Ainsi, dans la phrase suivante, la syntaxe anglaise, parce qu’elle autorise à ne pas donner la marque du pluriel au premier élément d’un nom composé, entraîne une incertitude pour quiconque ne connaît pas le contexte. Magnet training is the critical stage. Ici, aucune ressource terminologique, ni même documentaire ne pourra permettre de conclure s’il convient de traduire la phrase par « L’accommodation de l’aimant est l’étape délicate » ou « L’accommodation des aimants est l’étape décisive ». Un autre problème se pose dans l’expression suivante : Our klystron cannot be compared with other premium-grade klystrons. Il est fait référence à « d’autres klystrons ». Or, selon la grammaire anglaise, il peut soit s’agir d’autres klystrons, qui sont eux aussi de qualité supérieure, soit d’autres klystrons qui se trouvent par ailleurs être de qualité supérieure. À nouveau, seule une connaissance du contexte sera susceptible de lever l’ambiguïté. Enfin, outre le problème bien connu des « faux amis », le traducteur doit faire preuve d’une vigilance toute particulière. Pour reprendre un exemple d’une traduction anglais-français, la phrase suivante risque fort d’être mal traduite par tout francophone ne cherchant pas à se représenter la situation : The purpose of combustion is to rotate the rotor around the chamber. Sachant que la préposition around signifie le plus souvent « autour de », la tentation sera grande de traduire le texte par « La combustion a pour effet de faire tourner le rotor autour de la chambre » – une traduction fautive, car le rotor se trouve en l’occurrence à l’intérieur de la chambre. CONCLUSION En raison du statut particulier du texte technique, qui se doit d’être un reflet de la réalité extralinguistique, lors de l’interprétation du texte orignal, le traducteur ne devra pas s’attacher à restituer « ce qu’a voulu dire » l’auteur, mais « ce qu’il aurait dû » écrire pour que le sens corresponde à cette réalité extralinguistique. Cette polarisation du texte sur « l’extratextuel » a des incidences très sensibles sur les principaux paramètres de la traduction : le filtrage de l’information est ainsi tout autre que dans une situation où il importe de reproduire des effets stylistiques (qui exigent de se concentrer sur le jeu des évocations et sonorités du texte), ou de reproduire un contenu sémantique empreint de subjectivité (car il convient alors de communiquer le message précis que veut transmettre l’auteur). bibliographie bédard (C.), 1986 : La traduction technique – principes et pratique, Montréal, Linguatech. Folkart (b.), 1991 : Le conflit des énonciations : Traduction et discours rapporté, Québec, balzac. Folkart (b.), 1984 : « A Thing-bound Approach to the Practice and Teaching of Technical Translation », dans Meta, no 29, 3, p. 229-246. Hermans (T.), 2002 : « Paradoxes and apories in translation and translation studies », dans Riccardi (A.), éd., Translation Studies – Perspectives on an Emerging Discipline, Cambridge, Cambridge University Press, p. 10-23. Kocoureck (R.), 1991 : La langue française de la technique et de la science : vers une linguistique de la langue savante, 2e éd. augmentée, refondue et mise à jour, Wiesbaden, o. brandstetter. 9 Lerat (P.), 1995 : Les langues spécialisées, Paris, Presses universitaires de France. Sager (J.), 2000 : « Pour une approche fonctionnelle de la terminologie », dans Thoiron (Ph.) et béjoint (H.), dir., 2000 : Le sens en terminologie, Lyon, Presses universitaires de Lyon (Travaux du C.R.T.T), p. 40-60. notes 1 Trésor de la langue française: dictionnaire de la langue du XIXe et du XXe siècle, (1789-1960), 16 volumes, Paris, CnRS, 1971-1994. 2 Par « cohérence interne », nous entendons la compatibilité mutuelle des divers éléments sémantiques du texte. Par « cohérence externe », nous entendons la compatibilité entre chaque élément sémantique du texte et la réalité extralinguistique. 3 Texte trouvé à l'url http://www2.thny.bbc.co.uk/ weather/features/weatherbasics/lightning.shtml (consulté le 30 septembre 2005) GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Traduction Traduction La traduction littéraire vue par l’auteur La traduction de roman sort des règles générales de la traduction pour devenir un exercice artistique au même titre que la création du roman lui-même. Si elle n’est pas réalisée par un professionnel du genre, le résultat peut parfois surprendre. Extrait de «l’art du Roman» de Milan Kundera En 1968 et 1969, La Plaisanterie a été traduit 10 langage de l’article dans toutes les langues occidentales. Mais quelles surprises ! En France, le traducteur a récrit le roman en ornementant mon style. En Angleterre, l'éditeur à coupé tous les passages réflexifs, éliminé les chapitres musicologiques, changé l'ordre des parties, recomposé le roman. Un autre pays. Je rencontre mon traducteur ; il n e connaît pas un seul mot de tchèque. "Comment avez-vous traduit?" Il répond : "Avec mon coeur", et me montre ma photo qu'il sort de son portefeuille. Il était si sympathique que j'ai failli croire qu'on pouvait vraiment traduire grâce à une télépathie du coeur. Bien sûr, c'était plus simple : il avait traduit à partir du rewriting français de même que le traducteur en Argentine. Un autre pays : on a traduit du tchèque. J'ouvre le livre et je tombe par hasard sur le monologue d'Helena. Les longues phrases dont chacune occupe chez moi tout un paragraphe sont divisés en une multitude de phrases simples... Le choc causé par les traductions de La Plaisanterie m'a marqué à jamais. D'autant plus que pour moi qui n'ai pratiquement plus le public tchèque les traductions représentent tout. C'est pourquoi, il y a quelques années, je me suis décidé à mettre enfin de l'ordre dans les éditions étrangères de mes livres. Cela n'a pas été sans conflits ni sans fatigue : la lecture, le contrôle, la révision de mes romans, anciens et nouveaux, dans les trois ou quatre langues étrangères que je sais lire ont entièrement occupé toute une période de ma vie... L'auteur qui s'évertue à surveiller les traductions de ses romans court après les innombrables mots comme un berger derrière un troupeau de moutons sauvages ; triste figure pour lui-même, risible pour les autres. Je soupçonne mon ami Pierre Nora, directeur de la revue Le Débat, de s'être bien rendu GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 compte de l'aspect tristement comique de mon existence de berger. Un jour, avec une compassion mal dissimulée, il m'a dit : Oublie enfin tes tourments et écris plutôt quelque chose pour ma revue. Les traductions t'ont obligé à réfléchir sur chacun de tes mots. Ecris donc ton dictionnaire personnel. Dictionnaire de tes romans. Tes mots-clés, tes mots-problèmes, tes mots-amours..." voilà, c'est fait ENTRETIEN Dans quelle mesure avez-vous recours à la traduction? Mark Pollet - En tant qu’acteur financier international, notre société propose ses produits à l'étranger, en Europe, mais aussi en Asie et aux états-Unis, la traduction a par conséquent une importance fondamentale dans notre activité puisqu’elle doit nous permettre de proposer et de vendre nos produits à une clientèle très diversifiée qui va des particuliers aux entreprises de toutes tailles en passant par l’épargne salariale et les détenteurs de grands patrimoines. Quelles sont vos exigences en la matière ? Mark Pollet - Nos exigences sont relativement simples, la traduction de nos outils a une double fonction pull et push. La qualité du contenu, du rédactionnel doit attirer les investisseurs, l’impact doit pousser le produit vers les clients. Il y a donc une question inévitable de rentabilité, une traduction non suivie d’investissement est, par nature, inutile. Nous sommes conscients que cette recherche de rentabilité complexifie le processus de traduction puisque nous recherchons une fin là ou les agences de traduction et les traducteurs n’ont qu’une obligation de moyen et la présence d’intermédiaires entre le producteur, en l’occurrence le traducteur, et le client final, notre client, qui peut se trouver n’importe tout dans le monde impose un dialogue de tous les instants afin de bien clarifier les objectifs et les retranscrire dans la traduction. Quels sont ces objectifs? Mark Pollet - L’image véhiculée tout d’abord. L’acheteur de traduction est extrêmement sensible à l’image de ses produits et de son entreprise, sa principale préoccupation et que le texte projette parfaitement son image et son identité. La condition de base est évidemment la maîtrise technique, la compétence du traducteur est la condition sine qua non de la réussite, mais il est important que le traducteur dispose d’une large compétence, le milieu de la finance est composé de multiples branches avec chacune sa terminologie spécifique. Cela passe par un style simple, concis, garantissant la clarté des informations transmises et leur cohérence. Nous valorisons nos produits de façon promotionnelle, mais aussi de manière didactique et notre cible de clientèle ne s’attarde pas sur la lecture, il est fondamental que le message soit clair, qu’il passe bien, rapidement et efficacement et qu’il soit en mesure de convaincre le lecteur. Un traducteur compétent doit d’après moi disposer de tous ces atouts afin de convaincre tout en utilisant un langage simple et précis. Mais un mauvais texte source ne peut pas conduire à une bonne traduction Mark Pollet - C’est tout a fait exact, nos textes sources sont rédigés par des spécialistes de la finance et nous accordons énormément de temps a les concevoir, nous connaissons donc la qualité de la matière que nous mettons entre les mains des traducteurs. Il n’empêche que nous soumettons toujours nos originaux à notre agence ou à nos traducteurs parce qu’ils disposent de la capacité de réfléchir dans d’autres langues et de nous permettre d’améliorer le contenu original qui parfois s’avère trop national. Après le travail de traduction, il y a souvent des écarts entre la source et la cible, le langage publicitaire par exemple regorge de slogans et jeux de mots souvent intraduisibles, le traducteur prend souvent la liberté d’intégrer des dictons ou de reconstituer des procédés stylistiques afin de rendre le sens du jeu de mots initial. Existe-t-il un process IDA pour tous vos projets de traduction Mark Pollet - Plus ou moins, nous avons mis en place un système hiérarchisé au début de notre collaboration avec notre agence de traduction et, au fil du temps, les étapes sont devenues naturelles et les choses coulent de source aujourd’hui. Il fallait déjà connaître les traducteurs avec lesquels nous allions travailler et notre choix s’est porté sur l’agence, car elle seule est capable de proposer plusieurs profils et garantir que l’un des traducteurs sélectionnés soit disponible le moment venu. L’agence a effectué des tests de sélection et nous a proposé les profils les plus en phase avec nos problématiques. La constitution de mémoires de traduction dédiées permet aujourd’hui de garantir l’intégrité de la terminologie. Cette phase est capitale, car elle permet d’asseoir le travail dans des conditions saines. Ensuite, il y a une phase de brief, chaque nouveau projet fait l’objet d’un brief détaillé fourni à l’agence, il y a une phase de questions réponses entre l’agence, ses traducteurs et le client et enfin, lorsque la traduction est livrée nous donnons notre feed-back et retravaillons sur la version cible avant publication. Qu’attendez-vous à l’avenir de vos prestataires? Mark Pollet - Davantage de conseils, les responsables et donneurs d’ordre ont besoin de voir audelà des frontières nationales et de s’imprégner des cultures et des pays sur lesquels ils s’implantent, traducteurs et agences doivent accompagner davantage leur clientèle. Mark Pollet Directeur marketing IDA Finance 11 langage de l’article GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Traduction Traduction Les 4 types de traduction financière Dans le monde de la finance, la traduction se doit d’être efficace et pertinente il s'agit, en règle générale, de faire passer un message de la manière la plus pertinente possible dans la langue cible, car chaque client exige des traductions exploitables dès réception. La traduction financière est aussi diversifiée que l’est le secteur financier, nous pouvons déterminer quatre segments majeurs. Efficacité et pertinence sont les maîtres 12 Par Laurence Depraz Traductrice langage de l’article tière d’opérations financières est alors délicate et à très fort enjeu ; car le traducteur est un membre actif dans le déroulement de l’opération financière, et un membre à part entière, là aussi, d’une équipe, tout autant que d’autres intervenants comme le banquier d’affaires, le cabinet d’avocats ou les conseils. La traduction prend une grande place dans le monde des opérations financières, où elle aura lieu dans un modèle de crise, où les délais sont courts et l’enjeu extrêmement important. La collaboration entre traducteurs de différentes spécialisations et aux diverses expériences, et le travail en équipe, permettront d’assurer en temps et en heure la traduction, et d’en maîtriser toutes les parties qu’elles soient comptables, financières ou juridiques. mots d’une bonne traduction financière, et ce, quel que soit son type ; car celle-ci doit permettre le passage d’un message financier dans une langue cible, de la façon la plus optimale possible. Il faut savoir qu’on distingue quatre types de traduction financière, ou plutôt quatre segments de la finance où la traduction prend toute son ampleur et son importance, qui sont : l’analyse financière, les opérations financières, la communication financière et la technique financière. L’analyse financière Le premier segment se reporte à l’analyse financière ou recherche financière et là, la traduction immergera dans le monde de la bourse et aura comme clientèle principale les courtiers (qui jouent le rôle finalement de vendeurs). La traduction est un outil indispensable leur permettant de communiquer efficacement et sans superflu. Dans ce cas précis, l’efficacité et la pertinence citées plus haut sont particulièrement de mise et notamment dans le style. Il faudra alors aller directement au but, être concis et pertinent à la fois, afin que le message (de vente) le soit également. Outre l’efficacité et la pertinence, un autre paramètre de qualité de la traduction est particulièrement important dans le monde de l’analyse financière : la fiabilité ; et ce, pour deux raisons. D’une part, le consommateur ou client de la traduction qui est, dans ce cas, le responsable du service édition chez le courtier, exigera une fiabilité totale parce qu’il devra exploiter, et ce, dès sa réception, la traduction. Donc, le prestataire de la traduction devra assurer sérieux et fiabilité de sa prestation d’un bout à l’autre lors de la production, jusqu’à sa réception et son exploitation par le service édition. Il faut quand même savoir qu’en règle générale, le client se doit de relire la traduction, car à lui seul, incombera la responsabilité éditoriale ; lui seul GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 devra approuver ou non ladite traduction et donner ou non son bon à tirer. D’autre part, la traduction en matière d’analyse financière est souvent confrontée à un timing serré et à des volumes de production quasi industriels. Le traducteur doit travailler beaucoup, rapidement et de la manière la plus efficace. Afin de pouvoir avoir cette importante productivité et répondre à des exigences de délais, le traducteur doit obligatoirement collaborer et travailler en équipe, car seul, il sera inapte à répondre à de telles exigences de temps et de volume. En pool, fiabilité totale, maîtrise des délais pourront être assurées. Les opérations financières Deuxième type de traduction est celle liée au monde des opérations financières. La traduction ici, est une prestation à haut risque, car, à elle seule, elle pourra entraver le bon déroulement d’une opération financière. La prestation de traduction en ma- La technique financière Le quatrième et dernier type de traduction financière et non des moindres a trait à la technique financière. La traduction a comme utilisateur direct et final un technicien financier, un consommateur de la traduction qui maîtrise tous les méandres de la technique financière. Donc, le paramètre de qualité qui prime dans ce genre de traduction financière est la parfaite compétence. Le traducteur se doit d’être spécialiste du domaine, formé au métier, un « quasi-technicien financier » qui a acquis lors de son cursus professionnel, les compétences adéquates en ayant été expert-comptable, analyste financier ou autre, avant de devenir traducteur. 13 La communication financière Le troisième type de traduction financière est relié à la communication financière, véritable vecteur de l’image corporate de l’entreprise. Différente des précédentes traductions financières, cette dernière joue un rôle stratégique dans la construction de l’image de bonne santé financière de l’entreprise. Grâce à un style particulièrement soigné, le traducteur contribuera à valoriser l’entreprise et à construire une communication financière attractive, valorisante et efficace. Et ce d’autant plus qu’en matière de communication financière, les documents dont la durée de vie est longue sont largement diffusés, aujourd’hui, grâce au média Internet qui a bouleversé les usages. La traduction s’attellera au travers le temps, jour après jour, à influencer positivement la perception de l’entreprise/institution par ses actionnaires et investisseurs ; à attirer les hommes et les marchés, et à fidéliser son actionnariat. À cette fin, la traduction se fera généralement par un unique traducteur fidèle et fidéliser par l’entreprise et qui va maîtriser toute sa stratégie de communication financière pour en assurer la cohérence dans le temps. GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Traduction Traduction COLLOQUE :Traduction, terminologie, rédaction technique : des ponts entre le français et le portugais Les langues occupent une place de choix : 14 Par Isabelle Oliveira Maître de conférences Université de Paris3 Sorbonne Nouvelle langage de l’article la maîtrise de multiples formes de communication orale et écrite est exigée sur le marché du travail et conditionne l'accès à l'information, à la culture, à la vie sociale et à la citoyenneté ; le développement du secteur des services fait des langues de véritables acteurs de l'économie ; la mondialisation et la construction de l'Union européenne multiplient les échanges et les contacts entre les langues ; enfin, les langues sont au coeur de la révolution introduite par les nouvelles technologies. Toutes ces évolutions appellent des interventions pour assurer le respect de la diversité culturelle et linguistique, mais aussi pour développer les passages entre les langues (apprentissage de plusieurs langues, traduction, terminologie, interprétation, rédaction technique, banques terminologiques...) Le choix du sujet pour le colloque que nous organisons le 13 et 14 janvier 2011 en hommage au Professeur Armelle Le Bars, a été dicté par nos propres thématiques de recherche. Nous avons opté pour un thème, « Traduction, terminologie, rédaction technique : des ponts entre le français et le portugais », volontairement vaste. Nous voulons, en effet, organiser un colloque qui puisse faire la part belle à la diversité et à l'originalité, aussi bien sur le plan terminologique que de la traduction et linguistique. En effet, traduction et terminologie sont des disciplines à part entière. Bien qu’elles soient étroitement liées à la linguistique, les linguistes se sont encore trop peu intéressés à l’inventaire des concepts et méthodes qu’ils peuvent mettre à la disposition de la traduction et de la terminologie pour aider à leur développement. Ce colloque se propose de faire le point sur les apports de la linguistique à la traduction et à la terminologie. Et c’est dans cette direction que l’on cherchera à répertorier les voies de recherche importantes susceptibles de mieux faire comprendre certains points clés des sciences du langage, y compris dans leurs applications industrielles. Ainsi avons-nous accepté des communications axées aussi bien sur le monde de la traduction que sur le monde de la terminologie, à partir d’un atout précieux que l’on oublie insidieuse- GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 ment. Cet atout, c’est la francophonie et la lusophonie. C'est de cette variété que notre manifestation tirera l'un de ses aspects les plus importants, un autre étant son caractère international. Ainsi, les travaux du colloque porteront en particulier sur deux ensembles linguistiques à dimension internationale : la francophonie et la lusophonie. Comme éléments de réflexion, nous pourrons nous pencher sur les innovations possibles en matière de travaux de traduction et de terminologie entre ces espaces francophones et lusophones. Il est apparu, lors de rencontres scientifiques récentes, que, sur des problématiques communes des méthodes existent, qui ne demandent qu’à être développées. Face au défi de la mondialisation, en ces temps de suprématies, il n’y a peut être pas de concept plus important que celui de latinité. Ensemble, nous pouvons offrir un contrepoids culturel, une échappatoire vers la diversité en collaboration avec les autres langues qui luttent pour affirmer leur identité. La conscience de cette latinité nous distinguera. Se placer sur le simple plan de l’affrontement et des rivalités serait ridicule et réducteur, mais prêcher le respect des autres cultures, des autres entités linguistiques est d’autant plus indispensable à la latinité que son avenir réside dans le soutien au plurilinguisme. La diversité culturelle du monde, la richesse de ses différentes visions, de ses valeurs, ses croyances, ses pratiques et ses expressions, sont notre patrimoine commun et une source d’échanges, d’innovation et de créativité qui est essentielle pour l’humanité. Pour cela, il faut lutter pour la préservation de la diversité culturelle dans un monde que l’internationalisation et l’accélération des échanges amènent rapidement sur la voie de l’uniformisation. Tout en laissant aux spécialistes une grande latitude dans le choix des sujets, nous avons recommandé à certains d'entre eux d'essayer d'orienter leur travail dans quelques directions de recherches dont l'importance est encore à démontrer. voici les deux grands axes autour desquels seront organisées les deux journées de colloque : 1. Le plurilinguisme et, par conséquent, la traduction – car on ne saurait apprendre toutes les langues – sont devenus des enjeux vitaux de la communication à l’échelle aussi bien planétaire que locale. Ainsi s’explique la nécessité d’une approche pluridisciplinaire de la traduction. Seule celle-ci est EVENEMENT COLLOQUE Traduction, terminologie, rédaction technique : des ponts entre le français et le portugais DATE : 13 et 14 Janvier 2011 15 LIEU 13 janvier 2011 : Salle Bourjac Université Sorbonne Nouvelle 75003 Paris capable de fournir les clés des recontextualisations culturelles et géopolitiques, indispensables pour comprendre la complexité du monde contemporain. 2. Par ailleurs, ce colloque abordera les problèmes de fond en rapport avec la langue (langue et discours), la terminologie et l’ontologie, la terminologie médicale et ses problèmes, le droit et son langage particulier pour finir avec l’étude de la métaphore de spécialité et le problème de l’équivalence inter-linguistique qu’elle implique. Parallèlement, le développement de la linguistique de corpus qui a conduit à l’émergence d’approches et de théories prenant en compte la variation. Ce colloque contribuera à apporter une nouvelle pierre à l’édifice des théories de la terminologie et de la traduction qui inclue une dimension épistémologique concernant la filiation entre les aspects cognitifs de l'élaboration des savoirs et les phénomènes linguistiques relatifs à leur mise en œuvre. Pour finir, les interventions à ce Colloque international se feront sous différentes formes. D'une part, des personnalités impliquées dans la mise en place des politiques linguistiques seront invitées pour faire part de leurs expériences et plus de cinquante orateurs ont été sélectionnés suite à notre appel à communication venant essentiellement du Brésil, Angola, Cap vert, Portugal, Argentine, Sénégal, égypte, Roumanie, Afrique du Sud et France. D’autre part, une place particulière sera réservée aux jeunes chercheurs et aux doctorants qui auront aussi l’occasion de présenter et de faire progresser leurs analyses d’un point de vue tant théorique que pratique. 14 janvier 2011 : Palais du Luxembourg 15, rue de Vaugirard 75006 Paris CONTACT tel: 01 45 87 41 13 email : [email protected]. GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Linguistique Linguistique Emotions et contraintes interlocutives dans la discussion Lors d’une analyse énonciative de la modalisation disons que, il s’est avéré nécessaire d’avoir un outil théorique complémentaire pour rendre compte de l’implication des sujets dans le discours. Certaines données contextuelles sont encore difficiles à traiter ; elles sont sujettes à interprétation. Cependant, ces données sont nécessaires à l’analyse de la co-construction parce qu’elles sont en corrélation avec l’ensemble des éléments de l’interaction. Dans cet article, nous proposons de renforcer nos hypothèses avec des données émotives. Par la suite, nous évaluerons l’intérêt de cette association. 16 par Eglantine Brémond Chercheur en sciences du langage et consultante en formation langage de l’article Dans un échange langagier, deux individus physiquement et psychologiquement différents parlent d’une même voix et parviennent à créer de nouvelles conceptualisations autour d’un objet de discours commun. Ce constat nous captive. La co-construction est l’objet premier de cet article. Pour son analyse, nous avons mobilisé des données linguistiques en relation avec des éléments contextuels de l’interaction. Par données linguistiques nous entendons ce qui est formellement repérable par le linguiste et qui peut ainsi faire l’objet de relevés d’occurrence et de comparaisons, avec une marge d’interprétation réduite. Les données que nous pensons essentielles à l’élaboration du langage, en particulier pour ce qui concerne la mise en commun du sens, sont celles qui définissent le cadre de l’interaction et ses participants. Ces données, à priori extralinguistiques, ont une telle incidence sur le langage que l’on peut les y identifier. Les études pragmatiques récentes montrent qu’il est possible de déceler des indices de l’ensemble des éléments de la co-construction dans le langage. Récemment, grâce aux travaux de J. Cosnier (1994), les émotions s’intègrent dans la linguistique. Par le biais de cet article, nous allons observer les relations entre théorie énonciative et émotions. Pour cela, nous mettrons à l’épreuve leur composition dans une analyse : il s’agit de la forme métaénonciative disons que. La question que nous poserons est la suivante : quel est le statut énonciatif des personnes introduites par disons que ? Concepts énonciatifs pour l’analyse des modalisations : objet de discours, co-référent et mode de référenciation Puisque nous nous intéressons à la co-construction, nous souhaitons adopter un modèle qui tienne compte des mouvements de l’interaction. Les interactants changent de thème de discours, leur implication et positionnement social varient, l’espace et le temps progressent. Nous donnerons à l’énoncia- GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 tion la possibilité d’évoluer en utilisant, tout comme J. Authier-Revuz (1995), le concept de modalisation. La modalisation est un événement linguistique, une rupture énonciative qui intervient dans le cours du discours. Nous dirons que la modalisation modifie le mode de référenciation du discours. Elle établit une relation différente entre co-référent et objet de discours. Par objet de discours, nous entendons le support idéel de la co-construction langagière. Il ne s’agit pour nous ni d’un concept cognitif, c’est-à-dire par exemple de quelque chose que l’on garderait à l’esprit et qui évoluerait avec l’interaction, ni d’un objet linguistique formel du type : un thème que l’on pourrait nommer. L’objet de discours, c’est ce qui est désigné par le langage en tant que tel. Il émerge dans une énonciation. Ce concept nous sert à travailler sur la co-construction. Il est matérialisé dans le langage par les mouvements anaphoriques. Ce que nous nommons anaphorique, ce sont ces formes qui renvoient à un objet linguistique fictif, conceptuel, en opposition à déictique, qui désigne directement ou indirectement une donnée en présence de l’interaction. Tout comme J.B. Grize (1993) nous distinguons objet de discours et référent. Le référent appartient au monde, même si il est à la base de toute communication. A l’instar de F. Jacques (1979), nous pensons que seul un référent commun, qu’il soit fictif ou matériel, peut permettre à deux personnes de communiquer. Un même co-référent, dans différentes situations de discours, peut donner lieu à plusieurs objet de discours (cf. exemple n°1 du corpus). Ce que nous entendons par mode de référenciation s’apparente à la manière dont s’inscrit le référent dans le langage en relation avec l’objet de discours. Le mode de référenciation définit les repères subjectifs et spatio-temporels de l’objet de discours. Par l’absurde, on pourrait dire que dans un mode de référenciation défini, un objet de discours renvoie à un référent défini. Nous disons bien par l’absurde, car en réalité, dans le langage, rien n’est défini, tout est partagé. En conséquence, les mouvements du mode de référenciation nous informent justement sur ce qui est partagé ou non par les interlocuteurs. Le mode de référenciation est la traduction linguistique des relations entre le monde et l’échange langagier. Il est formalisé par la deixis. La manière dont un objet de discours renvoie au co-référent supposé peut donc renseigner le linguiste sur les modalisations de l’interaction, les bases référentielles communes aux interlocuteurs. Disons que introduit une rupture énonciative qui change ce mode de référenciation. Sa particularité, c’est d’introduire une référenciation moins occurencielle et personnelle que la précédente, plus abstraite et commune aux interlocuteurs. Nous allons en voir quelques exemples. L’analyse des subjectivités à l’entour de la modalisation disons que : introduire une touche d’émotion Nous avons choisi de travailler sur des échanges oraux, spontanés, où les interlocuteurs se font face lors de conversations, entretiens ou discussions. Ce travail prend appui sur un corpus comprenant 32 interactions. Dans l’ensemble, l’ambiance y est conviviale et il se passe beaucoup de choses dans ces 17 GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Linguistique 18 échanges. Les interlocuteurs rient ou alors se chamaillent. Leur position sociale est parfois bafouée, parfois valorisée. Ils sont parfois à l’aise, parfois stressés. Dans tous les cas, à notre avis, la transcription écrite des enregistrements que nous avons faite nous apporte déjà quantité d’informations sur ces données contextuelles, qui doivent être prises en compte dans une analyse de la co-construction. Dans une perspective pragmatique, il nous a semblé intéressant de voir quelles étaient les répercussions cotextuelles de disons que. Nous orienterons notre analyse sur le cotexte énonciatif immédiat de disons que. La question centrale de cette analyse est : les personnes avant et après disons que renvoient-elles aux même types de référents ? Dans cette optique, nous utiliserons les outils suivants : les personnes, anaphores et déictiques ; des connaissances de l’interaction simples et le moins sujettes à interprétation possible ; des indices d’affects phasiques : des « Micro-émotions interactionnelles » (J. Cosnier, 1994) Avant disons que, les personnes réfèrent à l’un des participants de l’interaction en cours. Elles s’intègrent dans une argumentation quand il s’agit d’une discussion ou dans un échange question / réponse quand il s’agit d’un entretien. (exemple n°1) A : = et ben dans ces cas là alors je préfère la ville aussi ↓ si cassis c’est la vi :lle + j(e) préfère la ville aussi alors \ mais y a ville et ville pour moi \ (3’’) disons qu’en c(e) moment j’habite dans le centre d’AIX Dans je préfère la ville aussi, je renvoie à l’argumentation en cours. Il s’oppose au tu, c’est-à-dire Philippe, avec lequel il y a un désaccord. Le je de je préfère la ville est déictique, il réfère à l’un des participants de l’interaction, le locuteur. La co-construction des référents y est très dynamique, les énoncés sont brefs et souvent interrompus par l’interlocuteur. (exemple n°2) M : les hommes perdent leurs ch(e)veux avant les femmes ↓ (2’’) tu vois c’est des p(e)tits trucs = F : = pas forcément M : ah si ↓ GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Linguistique F : ils perdent pas forcément leurs cheveux les hommes ↓ M : les hommes ↑ E : c’est jusqu’à vingt-cinq ans ↓ (3’’) après ça : ça stagne ↓ (2’’) c’est-à-dire que non \ j(e) veux dire la calvitie = F : = si la calvitie commence à vingt-cinq ans / E : voilà ↓ La prosodie est variée avant disons que, les ruptures intonatives et accentuations donnent du relief aux paroles. Les insistances et répétitions sont fréquentes. (exemple n°1) A : = et ben dans ces cas là alors je préfère la ville aussi ↓ si cassis c’est la vi :lle + j(e) préfère la ville aussi alors \ mais y a ville et ville pour moi \ L’expression du haut degré et l’emploi d’un vocabulaire fortement connoté traduit une implication importante du sujet dans son énonciation. (exemple n°1) A : = n’importe comment tu pars toujours dans les exTREMES alors pour tenir u :ne + discussion là c’est pas très facile quoi ↓ (exemple n°2) M : ben ouais + mais par exemple un homme (2’’) les poils ils poussent tout l(e) temps ↓ (2’’) même à quarante ans = L’accumulation de termes négatifs et de « oui » « non » « mais » laisse deviner une tension du discours. Enfin, la suractivité interlocutive et émotive ne permet pas aux interlocuteurs de faire des phrases complètes, les énonciations sont réduites à leur forme la plus brève et intense. Ces données, qui concernent l’état plus ou moins affecté des sujets, nous permettent de confirmer l’hypothèse énonciative suivante : l’implication émotive des sujets est relativement importante dans les énoncés qui précèdent disons que. Après disons que, les personnes fonctionnent différemment. Elles ne réfèrent pas comme les premières à l’interlocution en cours. Leur compréhension semble dépendante d’éléments du cotexte. (exemple n°2) M : non non mais : (2’’) disons qu(e) chez les hommes t’as des poils qui : + il commence à y en avoir là où t’en avais pas / Dans t’as des poils, il est fort probable, d’après les données du contexte, que tu ne réfère pas à l’interlocutrice. Ce tu semble être un anaphorique en relation avec les hommes. Nous avons besoin de chez les hommes pour connaître le sens de ce tu. Les personnes après disons que semblent être en relation avec une deixis extérieure à l’interaction en cours. Le rythme de parole est plus calme. Les interventions s’allongent et le locuteur prend le temps de parler. (exemple n°1) A : (…) disons qu’en c(e) moment j’habite dans le centre d’AIX + je préfèr(e)rais habiter à cassis ↓ (3’’) EXcentré c’est-à-di :re dans une villa : + ave :c + avec la forêt à côté : (2’’) les le :cques Ou alors, quand le locuteur est interrompu, il n’en tient pas compte. tatif reste à combler. Quel degré d’implication le locuteur a-t-il dans le langage ? Les outils d’analyse des émotions semblent très prometteurs pour cette problématique de l’analyse énonciative. (exemple n°2) M : non non mais : (2’’) disons qu(e) chez les hommes t’as des poils qui : + il commence à y en avoir là où t’en avais pas / E : ben les femmes aussi ↓ M : dans l(e) DOS par exemple \ un homme quand il est p(e)tit il a pas d(e) poils au DOS + quand il commence à avoir vingt : vingt-cinq ans \ il commence à en avoir / Les expressions du haut degré se font rares et il n’y a pas de source apparente de tension émotive. Nous avons vu que disons que introduit une modification du mode de référenciation et que le statut des personnes avant et après disons que n’est pas le même. Avant, l’expression de la subjectivité s’intègre dans l’interaction et renvoie à l’un des interlocuteurs. Après, la subjectivité, moins impliquée au niveau émotif, semble co-construite par les interactants. C’est pourquoi nous pensons qu’il est intéressant de distinguer au moins deux types de personnes pour analyser les mouvements énonciatifs introduits par disons que : le je locuteur et le je objet de discours. Nous nous proposons de parler de co-construction des personnes, tout comme les autres objets de discours. Etudier les personnes comme des objets co-construits plutôt que polyphoniques (Ducrot, 1984) nous semble plus simple pour ces analyses. En particulier, la distinction entre les deux types de je pourrait être un outil important pour l’analyse des modalisations. Conclusion Lorsqu’il s’agit, en énonciation, de travailler sur des personnes, les données se complexifient. Le co-référent fait alors partie de l’interaction. Il est à la fois sujet et objet de l’échange langagier. L’analyse énonciative des modalisations est rendue difficile. Travailler sur les modes de référenciation suppose de pouvoir répondre aux questions : le co-référent est-il interne ou externe à la situation matérielle de l’interaction ; est-il partagé ou non ? Le sujet étant partie de l’interaction, son expression langagière est très complexe. On sait depuis Bakhtine (1977) que la subjectivité langagière ne se résume pas à un locuteur et un interlocuteur. La polyphonie montre l’hétérogénéité conceptuelle qui accompagne les personnes. Quant à répondre à la question : quelle est sa nature co-référentielle ? Avec les simples outils énonciatifs, un vide interpré- Conventions de transcription Dans un tour de parole : + pause inférieure à une seconde (2’’) pause chronométrée (e) voyelle non prononcée :,::,::: très long parART nière accentuée / ↑ ↓ allongement d’un son bref, long, mot interrompu mot ou syllabe prononcé de marupture intonative intonation montante intonation descendante bibliographie Authier-Revuz J. (1995) Ces mots qui ne vont pas de soi. boucles réflexives et non-coïncidences du dire, Paris, Larousse. bakhtine M (1977) Le marxisme et la philosophie du langage, Paris, Editions de minuit. Cosnier J. (1994) Psychologie des émotions et des sentiments, Paris, Retz. Ducrot o. (1984) Le dire et le dit, Paris, Les éditions de minuit. Grize J.-b. (1993) « Sémiologie et langage », in Approches sémiologiques dans les sciences humaines, Lausanne. Payot. Jacques F. (1979) Dialogiques, Paris, Presses universitaires de France. Entre deux tours de parole : (silence 2’’) pause chronométrée = Enchaînement immédiat entre deux tours 19 Exemple n°1 Philippe et Alexandra habitent tous les deux à Aixen-Provence et ont pour projet d’aller habiter à Cassis (ville plus petite). Ils discutent à propos du thème « est-il mieux d’habiter à la ville ou à la campagne ? ». Philippe répond « ville », à l’inverse d’Alexandra. Il dit ensuite que pour lui, Cassis, c’est la ville. Pour Alexandra, Cassis, c’est la campagne. 1. P : mais pour moi campagne c’est pas : + c’est pas la campagne à vingt kilomètres de la ville / (2’’) pour moi la campagne c’est la loZERE quoi \ (3’’) c’est LA campagne quoi ↓ (2’’) la ville c’est tu peux habiter par exem :ple à : + cassis \ t’as la ville quoi tu vois ↑ marseille à côté : + enfin je sais pas c’est p(eu)t-être pas ça l(e) sujet ↑ 2. E : euh : si-si = 3. A : = n’importe comment tu pars toujours dans les exTREMES alors pour tenir u :ne + discussion là c’est pas très facile quoi ↓ 4. P : j(e) m’en vais alors ↑ 5. A : ouais ↓ (RIRES) 6. P : non : c’est + pour moi c’est = 7. A : = et ben dans ces cas là alors je préfère la ville aussi ↓ si cassis c’est la vi :lle + j(e) préfère la ville aussi alors \ mais y a ville et ville pour moi \ (3’’) disons qu’en c(e) moment j’habite dans le centre d’AIX + je préfèr(e)rais habiter à cassis ↓ (3’’) EXcentré c’est-à-di :re dans une villa : + ave :c + avec la forêt à côté : (2’’) les le :cques (silence 3’’) 8. P : hm GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Linguistique Linguistique bon, moteur d'action, moteur du discours Dans les échanges langagiers, l'emploi de la particule bon caractérise la représentation d'étapes dans la progression du discours. L'emploi de cette particule peut permettre de structurer et de valider une étape accomplie du discours et, du même coup, d'en introduire une nouvelle. Que peut alors nous apprendre l'analyse du segment bon sur le mode d'organisation du discours dans l'échange? Afin de répondre à cette question, nous observerons les traces formelles que laisse le discours de son mode de co-structuration au travers d'une petite marque comme bon. Nous mobiliserons à cette fin un cadre d'analyse fonctionnel orienté sur les positionnements énonciatifs et cognitivo-discursifs investis par les sujets dans l'interaction. 20 Par Capucine Brémond Maître de Conférences, Chaire de Formation des Adultes, CNAM de Paris langage de l’article 1. Introduction Comment définir le rôle de bon dans la production ? Peut-on parler d'un ponctuant plutôt que d'une unité véhiculant du contenu ? d'un tic de langage ? d'une marque de structuration ? Selon R. Bouchard (2000) qui s'intéresse à l'étude de bon et d'autres particules : "Ces particules sont essentiellement réactives, mais elles fonctionnent aussi interactionnellement comme marqueurs simultanés et de l'émotion et de la structuration de la co-action, en donnant à entendre à l'autre (...) un enchaînement fort entre l'action verbale ou non-verbale précédente et la réaction verbale qu'elles introduisent." (BOUCHARD, 2000 : 230) Ces unités indiqueraient donc le passage entre des actions distinctes et auraient un rôle interactif dans la structuration de l'échange. Plus précisément, M.-B. Mosegaard-Hansen (1995) émet l'hypothèse que la particule bon puisse n'avoir qu'un noyau sémantique minimal dérivé prototypalement du noyau sémantique de l'adjectif homonyme bon. Mais surtout, en contexte d'énonciation, cette particule interviendrait dans la ratification des tâches conduites dans le discours et ferait appel à un "savoir procédural". Selon l'auteur : "de tels marqueurs n'ont pas de contenu contextuel, car ils ne contribuent en rien aux conditions de vérité des énoncés dont ils font partie, mais représentent plutôt des instructions qu'on donne à l'allocutaire sur la manière de construire un modèle mental du discours." (MOSEGAARD-HANSEN, 1995 : 39) Dans une optique assez proche, F. Duval (1996) note le rôle du segment bon dans l'organisation progressive des tâches conduites dans l'échange. De fait, ce segment serait définissable sémantiquement par son rôle dans l'organisation de l'échange plutôt que par son rôle dans l'apport de contenu : " il [le segment bon] est conçu comme une forme GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 ou un contenant dont la disponibilité sémantique est comblée par le résultat de l'accomplissement conversationnel." (DUvAL, 1996 : 46) Il ressort de ces travaux que, dans l'échange, la particule bon aurait un son rôle dans l'organisation de l'activité discursive. Plutôt que de communiquer au niveau du contenu, cette marque verbale aurait un rôle dans la ponctuation des différentes masses dégagées à la surface du texte et pourrait contribuer à la structuration du discours. A partir de là, nous considérerons que cette particule est un indice formel qui pourrait nous donner accès à un mode d'organisation du discours. Une analyse linguistique contextuelle du segment bon nous permettra d'appréhender l'étude de modes de structuration interne du discours, l'étude de la manière dont les sujets co-construisent l'échange. Après avoir commenté le rôle spécifique de la particule bon dans la production langagière, nous proposerons une analyse d'emplois de bon marquant différents lieux de découpage à la surface du texte. Nous tenterons alors de caractériser les différents modes de découpage du discours qui se dégagent. l'ensemble des règles déterminées par la nature du cadre discursif initialement en place entre les locuteurs. - Mais l’organisation du discours dépend aussi d'un mode de structuration interne. La progression de l'échange se gère au "coup par coup" entre les interactants. Chaque locuteur qui s'investit dans le discours interagit et donc co-construit l’échange, au minimum avec l'allocutaire. Nous distinguerons donc également les contraintes interactives qui déterminent le rôle de l'accomplissement conversationnel dans l'échange. Ces différentes contraintes contribueront au mode d'élaboration du discours. Tout dépendra de la ma- nière et du degré avec lequel les sujets les investiront dans la conduite de l'échange. 3. Le rôle de bon dans le mécanisme de production discursive 3.1. Une particule ponctuante L'emploi d'une particule a au minimum une fonction ponctuante liée à son mode d'insertion dans la production. La particule accompagne le passage entre des masses verbales plutôt qu'elle ne communique du contenu. Du même coup, l'emploi d'une particule contribue à marquer les masses verbales ponc- 21 2. L'objet appréhendé : le discours en situation d'échange Le discours désigne ici le processus d'énonciation. Ce processus est partiellement soumis à différents niveaux de contraintes : - Nous distinguerons les contraintes liées au "genre" dans lequel s'instaure l'échange. Selon l'acceptation de J.M. Adam (2001), chaque discours s'inscrit dans un genre, dans une catégorie de discours. En même temps, selon l'auteur, il pourrait exister quasiment autant de genres de discours que de situations d'échanges et c'est en référence à une conception aussi large et contextuelle de la notion de genre que nous nous positionnons. Les contraintes liées au genre du discours désignent ici GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Linguistique tuées comme des unités distinctes qui ne seront pas toujours nécessairement traitables au même niveau. En ce qui concerne spécifiquement l'emploi de bon, cette particule combine deux fonctions liées à sa position de ponctuant dans la production. 1) L'emploi de bon facilite d'abord une prise de recul de la part du locuteur sur l'énonciation et parfois sur l'organisation du discours. Cette fonction peut être en partie identifiable dans l'usage de bon ci dessous commenté : Dans l'extrait qui suit, Lucette est en train de raconter à Clara comment s'est déroulée l'arrivée de sa sœur (qui est non voyante) à Marseille. Carole est un tierce participant apportant quelques commentaires à la narration. Clara perd vite le fil de la narration et n’arrive plus à suivre l’enchaînement logique des événements narrés. Elle croit avoir compris que la sœur de Lucette est descendue seule du train à Marseille et ne comprend pas comment cela est possible vu que celle-ci est non voyante. Elle demande ici des éclaircissements : 22 1 Clara et comment elle a fait pour descendre ↑ (2’’) 2 Carole et ben c’est CA elle a attendu dans l(e) train ↓ c’est ça ↑ 3 Clara BON ↓ elle est lA dans le train ↓ et pour DESCENDRE du train 4 Carole et ben elle est pas descendue euh :↓ 5 Lucette ya ya ya le numéro de la voitUre (.) bruno est monté la cherCHER et ils 6 ont vite descendu ↓ L’emploi de bon accompagne un ralentissement dans la conduite de la narration, introduit un retour sur la progression des événements narrés. Ce mouvement de ralentissement et de restructuration accompagne l’incompréhension de Clara, déjà manifestée à plusieurs reprises. L’emploi de bon ratifie le discours intégré et compris par Cl, sanctionne ainsi une base de discussion stable sur laquelle elle invite Lucette à prendre appui pour GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Linguistique poursuivre la narration, ou plutôt l’explication des événements. En réintroduisant une des étapes de la narration : « elle est là dans le train », Clara freine la progression du discours et donne les conditions de la nouvelle base d’échange. Il est probable que le mouvement de recul sur la production introduit par l’emploi de bon facilite pour Clara l’appréhension de la situation narrée. L’emploi de bon vise dans tous les cas à stimuler la compréhension en recentrant la narration sur le découpage des étapes qui la constitue et en rompant le mode d’énonciation narratif mené par Lucette. L’intonation accentuée de bon renforce cet effet. Clara marque sa volonté de structurer le discours par étapes clarifiées. Elle souhaite opérer une mise au point de la situation qui peut passer par un ralentissement de la narration et une restructuration des événements narrés. Plus qu’une activité de reformulation (E. Gülich, T. Kotschi, 1987), bon introduit ici une activité de ralentissement en vue d'une restructuration des étapes discursives conduites. La reformulation introduite pourrait alors participer à ce processus de ralentissement. 2) L'emploi de bon a aussi une portée pro-active, pourrait faciliter un passage à l'action. Cette particule accompagne fréquemment une mise en activité. L'emploi de bon peut accompagner une mise en activité langagière comme dans l'extrait commenté ci-dessous : 1 E alors j(e) reviens hein ↑ ↑ mettezvous d’accord 2 Gde.S (rires) c’est quoi cette merde ↑ BON 3 Pte.S p(e)tite sœur moi j(e) dirais Elodie demande à Anna et Sonia, respectivement la petite sœur (Pte. S) et la grande sœur (Gde. S), de discuter ensemble jusqu’à ce qu’elles arrivent à se mettre d’accord sur ce qui est le mieux : « être une grande sœur ou être une petite sœur ? ». Elodie les laisse discuter seules. Ici, la grande sœur s’interroge sur « l’intérêt » de la situation (« c’est quoi cette merde ↑ »). Puis l'emploi de la marque bon indique que la grande sœur accepte de jouer le jeu de la discussion proposé par Elodie. bon est produit isolément et est nettement accentué, constitue en soi une étape, un pas vers la mise en place du discours. Cet emploi marque une étape dans le découpage des activités menées, introduit les enjeux discursifs qu’il convient d’investir au regard du cadre discursif en train de s’instaurer. La petite marque indique aussi bien l’acceptation de la prise en charge des enjeux discursifs liés à la situation instaurée (ici en partie imposée par un membre extérieur) que l’investissement déjà actif et intrusif dans le terrain de l’énonciation. A partir de là, il est naturel que la petite sœur enchaîne sans plus de préambules sur la discussion : « p(e)tite sœur moi j(e) dirais ». La nécessité d'employer une particule de discours pour introduire la discussion pourrait être ici être en partie justifiée par la difficulté, la gêne ou le manque de motivation que la grande sœur semble éprouver à partir du moment où elle se retrouve seule avec sa sœur et confrontée à la situation : « (rires) c’est quoi c(e)tte merde ↑ ». L’emploi de bon semble faciliter pour la grande sœur l’investissement de la situation discursive qu’elle va devoir gérer avec sa sœur et donne alors le feu vert de la discussion. L'emploi de bon peut aussi accompagner le passage vers une mise en activité extra-langagière : 1 2 3 4 Cé JC Cé JC va voir c(e) qui s(e) passe ça va servir à quoi mais OUI : : (3’’) (il se lève) bon Céline (Cé) et Jean-Christophe (JC) se retrouvent momentanément seuls dans l’appartement de leurs hôtes. Un inconnu vient violemment frapper à la porte d’entrée en vociférant des injures. Puis, le silence revient. Céline formalise son angoisse (« j’ai peur ») et voudrait que Jean-Christophe aille voir ce qui se passe. Mais Jean-Christophe est occupé à réparer la chaîne hi-fi des hôtes (il a remarqué qu’elle ne fonctionnait que sur une enceinte) et ne semble, lui, pas du tout angoissé. Après maintes sollicitations, Jean-Christophe se décide à se lever pour aller voir ce qui se passe derrière la porte d'entrée. L'emploi de bon accompagne le mouvement physique de Jean-Christophe et sa décision de laisser momentanément la chaîne hi-fi pour aller voir ce qui se passe. Cet emploi pourrait accompagner simultanément un passage à l'action (l’emploi de bon est précédé d’un silence de 3’’ et suivi d’un autre de 7’’ ce qui contribue à le caractériser comme un commentaire d'acte) et un mouvement concessif vis à vis de Céline. 3.2. Une particule charnière La particule bon a ceci de spécifique que, comme nous l'avons déjà vu, elle semble intervenir dans l'organisation de l'activité discursive. Les masses verbales ponctuées par bon sont traitées comme des unités de découpage du discours, comme des unités intervenant dans la progression de l'activité discursive. Cette marque verbale accompagne la transition entre les différents niveaux d'activité simultanément investis dans le discours. L'emploi de bon va facili- ter le passage entre des masses textuelles hétérogènes qui seront caractérisées énonciativement, sémantiquement, syntaxiquement, cognitivement. En indiquant un "lieu de passage", cette particule marquera des changements de posture et/ou d'activités. L'emploi de bon interviendra toujours dans un cadre complexe d'organisation du discours et des différents niveaux qui le constituent. Cependant, selon la cause de la rupture marquée par bon, l'accent pourra être porté sur un niveau du discours ou un autre et l'emploi de bon pourra accompagner le passage d’un thème d’échange à un autre, annoncer la clôture de l’échange, faciliter les transitions interlocutives ou faciliter les transitions entre des positionnements énonciatifs divergents. 4. Les outils d'analyse Nous observerons la nature des unités qui entourent l'usage de bon afin d'observer autour de quelles modifications se structure le discours. Discursivement, des unités seront dégagées dans les corpus en fonction : - de la nature des tâches cognitivo-discursives conduites (commentaire, narration, argumentation,...) - du mode de découpage séquentiel : Par séquence, nous désignons du point de vue de l'analyste le découpage d’un échange en sous parties thématico-pragmatiques (KERBRAT-ORECCHIONI, 1990) ; nous désignons du point de vue des locuteurs le mode du « passons à autre chose » (POP, 2000). Dans la mesure où chaque discours est inscrit dans un genre qui "sollicite l'activation d'un prototype d'organisation séquentielle donné" (J.-M. ADAM, 2001) le mode de déroulement séquentiel sera appréhendé dans son rapport avec le genre discursif de l'interaction. 23 Nous adopterons une perspective énonciative fortement ciblée sur les activités conduites par les sujets dans le déroulement de l’échange. Les lieux de rupture thématiques et discursifs sont fréquemment accompagnés de changements de positionnements énonciatifs. Dès lors, l'emploi de bon tendra à accompagner des changements de positionnements énonciatifs que nous tenterons de caractériser. Le repérage des hétérogénéités énonciatives avant et après l'usage de bon pourra alors nous aider à repérer et caractériser les unités dégagées. Pour caractériser ces changements de positionnement, nous prendrons appui sur le modèle interactif de R.vion (1992, 2000) qui oppose différents types de "places" qu'occupent simultanément les sujets dans une interaction : GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Linguistique 24 - Les places institutionnelles sont définies par le cadre interactif de la rencontre, par la situation. Les activités qui y sont observées concernent la manière dont les sujets se positionnent dans le cadre institutionnel, dans le cadre discursif global et dominant de l'échange. - Les places modulaires sont définies dans des moments interactifs « subordonnés au cadre et mobilisés localement » (vION, 2000). - Les places subjectives renvoient aux images subjectives co-construites dans l’interaction par les locuteurs (image de séducteur, dominant,…). - Les places discursives sont déterminées en fonction de la nature des activités conduites par les locuteurs (narration, description, argumentation,…). - Les places énonciatives renvoient à la manière dont les sources énonciatives sont convoquées par les locuteurs (tendance du locuteur à construire un énonciateur détaché de l'énoncé produit (qui peut conduire à un effet d'objectivation), tendance du locuteur à construire un énonciateur qui pense l'inverse de ce que pense l'énonciateur qui produit l'énoncé (phénomène d'ironie),...). Ce qui nous intéressera plus particulièrement dans la mise en perspective du modèle présenté, c’est d’une part la prise en compte de la nécessité pour un sujet de conduire simultanément différents niveaux d'activités dès lors qu’il s’engage dans une interaction verbale et d’autre part la prise en compte du phénomène de dépendance mutuelle entre les positionnements investis dans l’échange par les interactants. Chaque nouveau positionnement par un sujet dans une place donnée peut affecter les autres places qu'il occupe. De même, les changements de positionnement d’un locuteur tendent à convoquer l’allocutaire à de nouvelles places. En ce qui concerne le mode d'usage de bon, l'analyse de quelques unes de ses caractéristiques d'usage prosodiques et des phénomènes mimogestuels qui l'accompagnent nous aideront à caractériser la manière dont les étapes découpées sont investies dans le discours. La transition marquée par bon est-elle nette et accentuée ou au contraire plus liée (à portée plus ponctuelle ?) ? Le Linguistique mode d'insertion de bon est-il plutôt rétro-actif ou pro-actif ? S'agit-il d'une ponctuation plutôt auto ou hétéro-centrée ? Nous opposerons trois parties s'organisant autour de différents modes de découpage du discours. Sans nous attarder spécifiquement sur la diversité des relations envisageables, nous verrons qu'il est effectivement possible d'opposer des relations de coordination et de hiérarchisation dans les modes de découpage opérés. Nous reprendrons les modes de découpage entre « constituants du texte » (ROULET, 1985) qui opposent des rapports de décrochage hiérarchique (décrochages "ascendant" ou "descendant") et des rapports linéaire de coordination entre les constituants du texte. 5. Analyse : Emplois de bon et modes de découpage de l'activité discursive 5.1. (ré)Introduire le fil du discours Certains emplois de bon accompagnent un recentrage de l'émetteur sur le fil du discours. Par fil du discours, nous désignons ici un point de focalisation mis en avant par les sujets et investi comme thématique et/ou tâche discursive dominante. Si ce point de focalisation est susceptible d'évoluer dans l'échange selon les enjeux qui s'y disputent (on pourrait alors avoir affaire à un nombre illimité de "fils du discours"), il peut dans certains contextes être orienté et relativement stabilisé par le cadre discursif et les enjeux institutionnels qui s'y rattachent. A titre d’exemple, le cadre du débat conditionnera évidemment les thèmes et tâches positionnés au premier plan par les locuteurs dans le déroulement de l’échange. Lors de l'extrait qui suit, en tant qu’animateur de débat, Bernard Pivot (BP) se situe entre le meneur de débat télévisé et l’interviewer. Il entretient chacun de ses invités successivement, dans un ordre préétabli mais alimente aussi les débats en confrontant ses invités par des rapprochements (ou des divergences) d’intérêt, des questions sur des points de vue réciproques… Le thème de l’émission est : « Journaux intimes et secrets des boîtes noires » : 1 PG y’a p(eu)t-être quelque chose d’amoureux ↓ [y’a une sorte de complicité 2 BP oui y’a l(e) nom euh :] / oui oui ↓↓ Bon euh : et puis : euh : alors ↑ on 3 SENT que vous êtes comme les personnages ↑ L'emploi de bon intervient au sein d'une phase de planification rendue visible par les conditions d’énonciation : l'emploi de bon suit une descente intonative, se situe donc dans une position d'amorce et est entouré de marques d'allongement et d'hésitations. C’est Bernard Pivot qui émet cette marque dans le cadre de l’émission qu’il anime. Or, BP semble mobiliser des usages spécifiques de bon liés en partie à la place institutionnelle qu'il occupe, au statut qu’il met ici en scène : BP est l’animateur de l’émission GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 ; il est le garant de la cohérence du déroulement des échanges. Or, au moment où BP énonce cette occurrence de bon brève et accentuée, il baisse les yeux sur le livre qu’il a sur les genoux, sur la page ouverte où il a inscrit des notes. Il est important de signaler ici que ces notes consignent les questions que BP posera quelle que soit a priori la tournure future de l’échange et guident la structure globale du débat. Si bon s’inscrit dans une phase de planification en cours, le fait que cette occurrence accompagne un mouvement de repli du locuteur sur des notes guidant la cohérence du discours indique que Bernard Pivot va enchaîner sur une étape prévue dans le déroulement du débat. L'emploi de bon accompagne ici une activité de recentrage sur la structure du débat orientée par Bernard Pivot. Les hésitations pourraient alors indiquer le temps que BP met à retrouver ses notes et l'emploi de bon annoncerait que BP va introduire une étape du discours liée au déroulement prévu, une étape liée en l'occurrence à ses prises de notes. Bernard Pivot tente aussi parfois de reprendre sa place d’animateur dans l’échange en interrompant les échanges en cours : 1 2 MP BP on n(e) parle pas d’amour bon attendez ou, quelques lignes plus bas, en recentrant le débat : 1 PG ah : j(e) comprends les choses 2 BP BON ↓ alors ↑ pascal sevran alors vous : vous : tout d’un coup le 3 premier janvier quatre vingt dix neuf Dans l'extrait ci-dessus, BP interrompt la polémique entre Michel Polac (MP) et Patrick Grainville (PG) afin d’introduire la présentation de l’ouvrage de Pascal Sevran (PS). L’accumulation de deux particules (« BON ↓ alors ↑ ») renforce le marquage de l’étape transitoire. BP introduit ici un nouveau cadre d’entretien avec PS. Ce cadre d'entretien marque une nouvelle étape dans le déroulement global de l’émission (les invités sont entretenus l’un après l’autre). L’accumulation des marques de nomination (« pascal sevran, vous :, vous : ») indique que le débat en cours entre MP et PG n’est plus d’actua- lité. BP marque clairement que « Pascal Sevran » est le nouvel interlocuteur privilégié mais aussi le nouveau sujet de discussion. C’est ici en fait l’ouvrage de PS qui est le thème réellement introduit mais c’est le changement d'interlocuteur qui est souligné par BP afin probablement de diriger l’attention de l’auditoire sur PS plutôt que sur les débats tournant autour de MP. L’emploi de bon permet à la fois de couper l’échange en cours et d’introduire une nouvelle séquence ainsi qu’un nouveau cadre énonciatif. Il est probable aussi que cet emploi ait une fonction auto-centrée et facilite pour BP sa mise en énonciation. Dans cet autre extrait enfin, BP interrompt ses propres développements : 1 BP Donc elles doivent se r(e)connaître et c’est : et c’est : Bon ↓ [mais \ 2 MP j’ai quand même un peu brouillé les pistes ↓ BP est rapidement interrompu par MP. Nous n’avons donc aucune indication verbale sur le contenu sémantique et le mode d’engagement énonciatif des propos que BP allait introduire par l’emploi de bon. Mais l’activité non verbale qui accompagne bon est nettement expressive. Bon est accentué, son mode d'énonciation contraste avec les hésitations qui précèdent. Au moment où BP émet bon, il lève le bras en direction (et au dessus) des participants, son expression faciale change, il arrête de sourire, il prend un ton plus ferme (lors du déroulement de l’émission, ce geste et cette expression accompagnent régulièrement les phases où BP reprend la conduite du débat). Tout indique qu’il s’agit maintenant de revenir sur les choses « sérieuses », « importantes », sur le fil du discours. Par ailleurs, BP s’apprêtait encore une fois à critiquer le comportement de MP vis à vis des femmes qu’il cite dans son journal intime : « donc elles doivent se reconnaître et : : ». L'emploi de bon permet à BP de clore un passage figurativement délicat, de ne pas entamer la polémique, voir peut-être même de marquer un mouvement concessif. L'emploi de cette petite marque transitoire permet d'une part à BP de clore le passage amorcé, de marquer la décision de ne pas dire, et d'autre part d'introduire une nouvelle étape dans la conduite du débat, d'opérer un décrochage de type ascendant. 25 Ces emplois de bon traduisent un mouvement de recul important sur la production. En émettant bon, Bernard Pivot tente apparemment de se mettre au premier plan en prenant la directive non pas seulement de sa production mais de la production rattachée aux enjeux de places institutionnels, au fil directeur de l’échange. GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Linguistique 5.2. Marquer les étapes hiérarchisées de l'activité discursive Comme le suggère L.Pop (2000) , nous tendrons à distinguer l'emploi de particules intonativement détachées du co-texte, qui semblent faire acte, et l'emploi de particules produites en continuité prosodique avec l’énoncé qu’elles introduisent, sans trace de rupture. Ces dernières, introductives, semblent indiquer un mouvement de recul moins important et assurer plus nettement une continuité dans la chaîne productive. Ces occurrences de bon n’opèrent pas essentiellement une activité de recadrage global mais introduisent des étapes hiérarchisées de la progression du discours. Au delà de faciliter la mise en énonciation d’une voix par le marquage d’une étape et un mouvement intrusif dans la production, ces unités interviennent directement dans la structuration en étapes du déroulement discursif. Elle marquent alors plutôt des relations de coordination. Elles peuvent introduire une séquence, une étape dans l’élaboration séquentielle, et/ou un nouveau cadre énonciatif quand les changements de séquence le justifient. 26 Selon le caractère plus ou moins formel et finalisé du cadre discursif en place, les étapes structurées apparaissent plus ou moins homogènes entre elles, plus ou moins prévisibles. Dans tous les cas, les étapes marquées par bon nous renseignent sur la manière dont évolue l’idée que se fait l’émetteur de la tournure que doit prendre le discours pour évoluer. Dans l'extrait qui suit , une commerçante, Lucette (Lu), est enregistrée lors d'une transaction avec une cliente. Elle utilise de nombreuses occurrences de voilà pour ponctuer sa production. Inversement, les occurrences de bon semblent apparaître moins systématiquement dans un rôle de ponctuation locale. Sur la totalité de l’extrait, 4 occurrences de bon ont été relevées pour 20 occurrences de voilà. L’usage de voilà semble ici quasi rythmique alors que bon apparaît dans les contextes suivants : Sur la totalité de l’échange concerné, Lucette, la commerçante, a le monopole de l’usage de bon. GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Linguistique Elle reçoit une cliente qui souhaite se renseigner sur la variété des thés disponibles. Lucette lui expose la liste des thés qu’elle peut lui proposer en lui montrant les boîtes qui les contiennent. La cliente l’interrompt dans sa progression pour lui demander plus de renseignements sur le thé « fumé ». La vendeuse lui explique alors que « c’est : très fort euh ça sent vraiment la cendre hein ↑↑ » puis décide de faire sentir ce thé à la cliente. L’emploi de bon introduit une dynamique nouvelle de l’échange, une séquence où la vendeuse va « passer à l’action » et faire sentir du thé à la cliente ; lucette énonce : « (.) bon je peux vous faire \ » puis reprend plus loin « je peux vous faire sentir ». La deuxième occurrence de bon marque la transition entre la présentation du thé fumé et la présentation d’un nouveau thé que la vendeuse décide aussi de faire sentir à la cliente : « après bon vous avez du thé vert aussi (LE MONTRE DU DOIGT) (.) voilà ». La troisième occurrence de bon introduit la présentation du thé suivant : « bon ben maint(e)nant j’ai un autre thé ↓ un earl grey ». La quatrième occurrence intervient dans le contexte de la présentation du quatrième et dernier thé mais la place de l’occurrence met moins directement en avant un rôle d’introducteur des étapes du déroulement séquentiel : « alors le jasmin : : (SORT LA BOITE) voilà ↓ j(e) vais vous l(e) faire sentir aussi (.) bon ↓ c’est vrai qu’on l(e) prend pendant les repas ↓ ». La vendeuse introduit un nouveau thème d’échange autour de la présentation du thé au jasmin sans faire à ce moment usage de bon (c’est l’emploi de alors qui marque à deux reprises cette activité). Elle sort la boîte de thé pour le faire sentir à la cliente sans non plus introduire cette activité par bon. L’emploi de bon introduit plutôt la description des propriétés du thé juste après que la cliente ait senti le thé. Cette petite marque facilite probablement la transition entre une activité physique (olfactive) et la suite de la présentation descriptive des thés successifs. Il semblerait qu’au regard des 4 occurrences de bon ici relevées, ce ne soit pas tant les activités physiques menées par la vendeuse qui soient accompagnées ou introduites par bon mais aussi et surtout l’activité de déroulement thématico-pragmatique qui accompagne la présentation successive des thés. La première occurrence accompagne la décision de Lucette de faire sentir le thé. La deuxième et la troisième occurrence introduisent la présentation conceptuelle du thé (accompagnée du mouvement de présentation olfactive), la quatrième occurrence introduit la présentation des propriétés du thé, au delà de sa dénomination. Dans tous les cas, ces quatre occurrences nous donnent des clefs de lecture de l’élaboration par étapes de cette séquence de présentation. Elles organisent la succession des thés (quatre thés sont effectivement présentés) dans le déroulement du discours. Ces occurrences n’ont pas pour seule fonction d’accompagner la présentation matérielle des thés, n’ont pas qu’une fonction de présentatif ; elles introduisent variablement une activité à la fois pragmatiquement, discursivement et physiquement investie. du déroulement d’une narration en cours. 5.3. Introduire une étape décalée par rapport à la conduite du fil du discours Les emplois ici commentés marquent la transition entre des modes d’investissement énonciatifs hétérogènes et jouent un rôle dans la structuration de l’activité discursive. En même temps, ils introduisent une étape de l’activité discursive qui peut difficilement être rattachée au fil directeur de l’échange. Au contraire, ces emplois semblent introduire une étape qui marque un ralentissement dans la progression du discours. Ils introduisent une activité décalée par rapport aux enjeux discursifs directeurs investis dans l’échange ; ils opèrent un décrochage hiérarchique de type « descendant ». Princess Erika (Er), chanteuse, est sur le plateau de télévision d’une émission de divertissement. Dans l’extrait suivant, elle narre un entretien avec un journaliste qui s’est déroulé d’une manière un peu surprenante. : 1 Er et puis en fait moi le p(e)tit jeu c’était genre comme j’ai chanté une 2 chanson un peu féministe ↑ et un peu : méchante sur les hommes quOI : 3 / bon c’est c(e) qu’il s(e) disait / alors le gars il m(e) pose des 4 questions ↑ Nous sommes dans le cadre d’une narration. Princess Erika expose la situation relative à l’élément tenseur de la narration. Ligne 3, bon introduit un énoncé qui est un commentaire sur la narration en cours : « c’est c(e) qu’il s(e) disait ». Cet énoncé se situe en décalage par rapport au fil de la narration mené par Princess Erika. L'emploi de bon introduit une différence d’attitude du sujet et une activité de commentaire, le développement d’une séquence parallèle très ponctuelle. Ici, le caractère décalé de l’énoncé introduit par bon est très nettement accompagné par une rupture mélodique entre les éléments de la narration et l’énoncé introduit par bon qui est énoncé comme "mis entre parenthèses". La reprise de la narration est accompagnée de l’emploi de alors (ligne 3). L’emploi de bon indique une phase de ralentissement et pourrait indiquer que l’émetteur met en suspens la gestion d’un cheminement discursif latent, ici matérialisé par l’attente D’autres emplois de bon semblent aussi introduire un mode d'investissement énonciatif décalé par rapport au mode d'investissement énonciatif attendu de par le cadre discursif. Dans l’extrait suivant, Pierrot (P) doit discuter avec Elodie du rapport qu’il entretient avec ses vêtements. Elodie joue le rôle de l’enquêtrice et Pierrot se sait enregistré à des fins d’étude sociale. Le contexte est donc plutôt formel mais Elodie et Pierrot sont amis. S’il s’agit ici de revêtir momentanément le rôle de l’enquêteur et de l’enquêté, Pierrot est invité chez Elodie pour raisons amicales. Cet extrait transcrit donc une séquence d’entretien insérée dans le cadre plus large d’une réunion entre amis. D’autres personnes sont présentes et prêtent une oreille amusée à cette situation d’échange un peu formelle. Pierrot explique à Elodie que les vêtements lui permettent de s’exprimer et véhiculent des souvenirs ou des émotions positives qui le mettent à l’aise. Il entreprend ici de justifier le choix de ses chaussures. Elles sont confortables et « en même temps » elles ont une matière originale : « c’est pas du cuir : c’est pas vraiment d(e) la toile c’est : ». Comme le souligne William (W), apparemment Pierrot « ne sait pas » de quelle matière sont constituées ses chaussures. Sur cet échec, Pierrot cesse de développer ce thème précis et passe à la justification du choix des chaussettes. Pierrot tend à développer ses idées mais est soumis au jugement de son entourage et vient de subir une petite raillerie. C’est dans ce contexte que se situe l’émission de bon : 27 1 P au niveau semelle et en même temps des délires spéciaux que c’est pas 2 du cuir : c’est pas vraiment d(e) la toile c’est : 3 W i sait pAs (rires) 4 P et les chaussettes bon ben laisse tomber c’est du sport : Le groupement particulaire bon ben introduit un énoncé en rupture avec les attentes liées à la situation d’entretien. L'accumulation de l'emploi du mode impératif, du caractère directement adressé, du choix d’une expression plutôt informelle et du caractère bref et direct de l’énoncé laissent paraître un nouveau mode d'investissement énonciatif de la part de Pierrot. Alors que jusqu’à l’emploi de bon ben Pierrot s’adressait à l’enquêtrice et jouait le rôle de l’enquêté (développant formellement ses idées, les commentant), bon ben introduit un module adressé à la personne intime plutôt qu’à l’enquêtrice. Ce changement d'attitude semble indiquer un désinvestissement de la situation d’entretien instaurée (l'emploi de "laisse tomber" est accompagné par un mouvement de recul et de rejet de la main). GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Linguistique L'emploi de bon ben introduit une mise entre parenthèses, un décalage par rapport au mode d’adressage lié à une situation d’entretien plutôt formelle. Les emplois commentés ci-dessus marquent une rupture dans le fil du discours. Cette rupture peut être liée à la volonté du locuteur d’apporter un commentaire sur sa production, à une source de perturbation extérieure, mais aussi très fréquemment à des contraintes d’ajustement interactives ponctuelles. L’emploi de bon peut par exemple marquer un ralentissement formel visant à faciliter la compréhension de l’allocutaire, que celui-ci ait manifesté directement ou non des signes d’incompréhension. L’extrait suivant est issu d'une interaction comportant plusieurs locuteurs réunis pour apprendre à jouer à un jeu de cartes, le "Uno". Thierry (Th) est "l'expert" chargé d'apprendre les règles aux autres. Ici, une partie de Uno est lancée mais le commentaire de Nicolas (Ni), qui laisse paraître un doute sur la compréhension des règles du jeu, amène Thierry à repartir dans une phase explicative : 1 Ni soit du rouge soit ça 2 Th soit un sept / non regarde ↓ soit un sept ↑ soit un sept soit du rouge bon 3 tu mets / l’idéal c’est d(e) virer les gros pOINTS 28 L’emploi de bon, en sur-découpant la production, en ralentit le rythme et vise ainsi à favoriser la compréhension par sur-découpage et sur-détermination des étapes informatives. De telles occurrences peuvent s’accumuler au sein d’une même intervention, comme un peu plus loin dans l'interaction : Th mAIS NON : ] (.) bon regarde ↓ BON quand tu mets un plus deux ↑ Un autre locuteur vient d’évoquer sa difficulté à comprendre les règles du jeu. L’accumulation d’emplois de bon semble intervenir en partie dans une activité de sur-découpage de la production afin de Linguistique faciliter et stimuler la compréhension. Les énoncés introduits par bon sont directement adressés et accompagnent une phase nette de ralentissement. Ce ralentissement n’est pas seulement une forme d’aménagement cognitif mais indique aussi ici une concession que fait Thierry sur le rythme de progression de l’explication des règles. L’emploi de bon, et d’autant plus l’accumulation d’emplois de bon, peut traduire une marque d’impatience vis à vis de la progression des étapes conduites dans le discours. En ce sens, même si l’emploi de bon a ici pour fonction de faciliter la compréhension, il pourrait indiquer en même temps la volonté de progresser dans la conduite des étapes discursives reliées au contrat de discours qui réunit les locuteurs. Au final, les occurrences relevées dans cette dernière partie semblent opérer une structuration plus locale, porter sur des énoncés plutôt que sur des étapes séquentielles. Moins accentués que les emplois commentés jusqu’ici, parfois produits tout bas, les emplois de bon ici commentés tendent à apparaître groupés localement dans le texte. A l’inverse des emplois commentés précédemment, ils introduisent des énoncés directement adressés à l’allocutaire. Si l’activité introduite par bon parait décalée par rapport au fil du discours en cours d’élaboration, ladite activité semble intervenir dans une dynamique de progression de l’activité discursive globale. Cet effet est probablement en partie produit par le recul méta qu’opère bon et par les fonctions relevées précédemment dans d’autres contextes d’usage. Mais surtout, les emplois que nous avons commentés ici introduisent des énoncés plutôt brefs, directement suivis d’une réemprise sur le fil du discours en déroulement avant l’usage de bon. L’activité déviante introduite par bon ne semble pas devoir constituer la base d’une nouvelle activité, ni même devoir laisser le champ libre à une suite de dérives discursives (du moins du côté de l’émetteur) mais semble parfois même au contraire devoir être écourtée. Les énoncés introduits semblent alors être des « parenthèses » dans le déroulement d’une structure directrice en cours d’élaboration. Il semblerait que le locuteur hiérarchise une étape dans la progression du discours, prenne en charge le fil du discours en en marquant une étape. 6. En conclusion, Les fonctions remplies par bon dans l’échange dépassent largement le cadre des quelques fonctions ici commentées. La particule bon s’inscrit dans des lieux transitoires du discours afin de faire le point sur l’activité discursive en cours, de relancer la production et le cadre énonciatif qui l’accompagne, d’introduire les étapes de l’activité discursive. Parfois, l’activité de relance passe par une ratification, un mouvement concessif, bon peut alors avoir une fonction en partie rétro-active. Cependant, il apparaît déjà au travers des quelques lignes qui précèdent que, par le mouvement de recul que bon porte sur la production et par la nature des activités qu’elle met en relation, cette particule nous renvoie une image de l’activité GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 discursive en cours de co-structuration. Que cette activité discursive soit plus ou moins contrainte par un cadre discursif externe ou des négociations interactives internes, l’emploi de bon montre le discours comme un processus négociable et ajustable, dont l’image évolue dans l’interaction. Il nous intéresse alors plus particulièrement de suggérer ici que le discours ne peut être considéré comme une succession de phrases ou d’énoncés si la gestion de sa structure spécifique laisse des traces formelles dans la conduite de l’échange. D’autre part, l’accent a été mis dans l’analyse sur la multiplicité des niveaux d’activités simultanément traitées par bon. En intervenant dans les lieux de « passage à niveaux » du discours, la petite marque gère une activité de planification, d’évolution thématique et/ou discursive, énonciative, subjective, mettant parfois l’accent sur un phénomène ou un autre. L’analyse du discours semble alors justifier une approche multidimensionnelle traitant l’imbrication des niveaux d’activités investis et leur évolution conjointe. Le discours se montre comme émergeant progressivement au gré de l'interaction et des enjeux discursifs. Si une toute petite marque comme bon est une trace de l’organisation du discours, son étude nous invite aussi par la même occasion à opter pour des cadres d’étude fortement modulables aux exigences et aux libertés de l’interaction. Bibliographie ADAM J.M., 2001 (1ère éd. 1992), Les textes, types et prototypes : récit, description, argumentation, explication et dialogue, Nathan, Paris BOUCHARD, R. (2000) M'enfin !!! Des "petits mots" pour les "petites" émotions ? In PLANTIN, C. DOURy, TRAvERSO, v. Les émotions dans les interactions. Lyon, Presses Universitaires de Lyon, p.223-237. FERNANDEZ-vEST, M. J. (1994) Les particules énonciatives dans la construction du discours. Paris, Presses Universitaires de France. GÜLICH E., KOTSCHI T., 1987, Les actes de reformulation dans la consultation, in « L’analyse des interactions verbales. La Dame de Caluire. Une consultation » P.Bange (éd.), Peter Lang, Berne, pp. 15-81. KERBRAT-ORECCHIONI C., 1990, Les interactions verbales, T.1., Armand Colin, Paris. MOSEGAARD-HANSEN, M.B. (1995) Marqueurs métadiscursifs en français parlé : l’exemple de bon et de ben. In ANTOINE, G. CHAURAND, J. Le français moderne. vol. 63/1, p. 20-41. POP, L. (2000) Espaces discursifs : Pour une représentation des hétérogénéités discursives. Louvain / Paris, Peeters. ROULET E. et al., 1985, L’articulation du discours en français contemporain, Peter Lang, Berne. vION, R. (1992) La communication verbale : analyse des interactions. Paris, Hachette. vION, R. (2000) L'analyse pluridimensionnelle du discours : le cas de l'instabilité énonciative. In BERTHOUD, A.C. MONDADA, L. Modèles du discours en confrontations. Peter Lang, p.151-165. Conventions de transcription : Allongement syllabique (3’’) Pause supérieure à 1’’ (.) Pause inférieure à 1’’ voul / Auto-interruption du locuteur (discontinuité mélodique) voulu \ Hétéro-interruption ↑ Contour intonatif montant ↑↑ Mouvement intonatif montant (ton interrogatif) ↓ Contour intonatif descendant ↓↓ Mouvement intonatif descendant (ton conclusif) ALORS Prononcé avec insistance, accentué (en chantant) Notation des autres caractéristiques vocales entre parenthèses. Leur fin est indiquée par le signe « + » (IL SORT) Système de notation des gestes et des actions. Leur fin, quand ils durent au travers des prises de parole, est également indiquée par le signe « + » (…) Coupure due au transcripteur bon Marques commentées dans l’analyse en italique et en gras [ ] Chevauchements de parole. Les paroles qui se chevauchent sont soulignées. Leur croisement est délimité par l’ouverture et la fermeture des crochets 29 Annexes Cli : bonjour Lu : bonjour madame (2’’) cette da :me ↑↑ Cli : vous avez beaucoup d(e) thés je vois ↑↑ Lu : oui alors ↑ ça dépend c(e) que vous voulez ↓ hein ↑↑ (.) alors y’a du thé naturel : ou du thé aux fleurs : ou du thé aux : aux fruits ↓↓ voilà ↓↓ Cli : naturel c’est à partir de quoi ↑↑ GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Linguistique 30 Lu : alors thé naturel vous avez les thés de chine ↓↓ et : : vous avez le ceylan ↓ Cli : hmhm Lu : et vous avez les thés fumés ↓ voilà ↓↓ mais fumé c’est un peu : c’est un peu particulier le thé fumé hein ↑↑ Cli : ah bon ↑↑ Lu : oui ↓↓ c’est : très fort euh ça sent vraiment la la cendre hein ↑↑ je : (.) bon je peux vous faire \ Cli : c’est agréAble pour du thé Lu : ah oui non mais je peux vous faire sentir hein ↑↑ (2’’) (POSE LA BOITE DE THE SUR LE COMPTOIR) voilà ↓↓ alors çA c’est le thé fumé c’est pas sûr qu(e) ça vous plaise (RIRES PENDANT QUE LA CLIENTE SENT) hein ↑↑ oui oui c’est particulier hein ↑↑ c’est vraiment particulier voilà ↓↓ Cli : c’est fou çA Lu : voilà (.) et là (.)vous avez le même alors donc le même ↑ pArfUmE (3’’) (SORT LA BOITE) voilà oui c’est c(e)lui là \ (.) alors c(e)lui là c’est le même mais parfumé Cli : ah : : c’est pas pareil ↓ Lu : voilà ↓ Cli : mais c’est drôle comment ça fait un thé fumé Lu : ça change hein ↑↑ après bon vous avez du thé vert aussi (LE MONTRE DU DOIGT) (.) voilà Cli : hmhm Lu : voilà Cli : on fait beaucoup d(e) publicités sur les thés verts parc(e) que / c’est bon pour la santé : : Lu : oui parc(e)que : : attends c’est c’est c’est pour pour pour pour euh l’arthério : (.) OUI le cholestérol ↓ voilà ↓ ça vous : ça vous ramone ↓↓ les artères hein ↑↑ voilà ça vous ramone les artères GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 ↓↓ bon ben maint(e)nant j’ai un autre thé ↓ un earl grey (SORT LA BOITE) Cli : un engrais ↑↑ Lu : un earl grey ↓ un earl grey ↓↓ Cli : ah : ↑ un earl grey ↑↑ j’avais compris un engrais (rires) il sent bon : ↓ il sent super bon c(e)lui-là ↓↓ Lu : il sent bon l’earl grey seul(e)ment il est très fort ↑ voilà (RANGE LA BOITE) (.) euh : vous avez un thé aussi euh : le jasmin ↓ alors on l(e) prend beaucoup pour les repas ↓ pendant les repas Cli : ah c’est celui des chinOIs Lu : voilà ↓↓ c’est un thé de chine le jasmin ↓ aussi ↓ (.) voilà Cli : ah c’est celui \ Lu : voilà Cli : qu’on boit pendant qu’on mange ↑ Lu : vOILA (.) voilà (.) alors le jasmin : : (SORT LA BOITE) voilà ↓ j(e) vais vous l(e) faire sentir aussi (.) bon ↓ c’est vrai qu’on l(e) prend pendant les repas ↓ il fait digérer ↓ voilà Cli : ouais il est léger c(e)lui là mais ça m(e) rappelle l’o l’odeur des restaurants chinois ↓ c’est fou hein ↑↑ Lu : oui Cli : c’est vraiment ça hein ↑↑ Lu : euh : par contre si vous aimez les tout c(e) qui est chinois et exotique y’a le thé au lotus aussi (2’’) voilà Cli : qu’est-c(e) que c’est le thé au lotus ↑↑ Lu : ben c’est du thé à la fleur de lotus ↓↓ (UNE AUTRE CLIENTE ENTRE) Interprétation Interprétation ANÁLISIS DE UN MANUAL DE INTERPRETACIÓN BILATERAL El manual escogido es el primer manual de Interpretación bilateral que se ha escrito, el Manual de Interpretación Bilateral. Fue publicado en Granada en el año 2001 por la editorial Comares. Forma parte de un proyecto de investigación llevado a cabo por la FTI de Granada que responde a la necesidad de tener que contar con métodos didácticos que ayuden tanto a docentes como al alumnado en la técnica de la Interpretación, principalmente bilateral (IB), dada la ausencia de obras de esta temática. Los autores de dicho manual son docentes e intérpretes de la FTI y, las coordinadoras son Ángela Collado Aís y María Manuela Fernández Sánchez. Numerosos autores han establecido una relación entre las dos disciplinas, aunque en algunas ocasiones sus puntos de vista han sido diferentes. En la actualidad, aún no se ha definido la relación exacta entre traducción y lingüística. Lo que sí está claro es que el estudio del lenguaje ayuda a enriquecer los estudios de traducción. 32 Par Gloria Muros Gálvez Traductrice espagnole Maître es-traduction et Interprétariat à la faculté de Grenade (Espagne) . langage de l’article A finales de los 50, principios de los 60 surgieron las primeras reivindicaciones, los primeros intentos de dar base científica a la traducción como disciplina seria (Primeros representantes: vinay, Darbelnet, Mounin, Kadford), a partir de aproximarla a los estudios de lingüística y así sistematizarla concibiendo la teoría de la traducción como una rama de la lingüística aplicada o de la lingüística contrastiva. Cary, en 1957, fue el único en contra de este acercamiento de la traducción hacia la lingüística. También Holmes, en 1972, reivindica la Traductología como disciplina autónoma con entidad propia. En la década de los 80 se consolida esta idea y son muchos los autores que reivindican una disciplina independiente que se podría entender como el estudio general de la traducción y del traducir, si bien presenta un importante carácter interdisciplinario especialmente próximo a la literatura y a la lingüística. A modo de ejemplo, Muñoz Martín (1995: 135) está convencido de la necesidad de la lingüística en los Estudios de Traducción porque permite establecer una base común a todas las perspectivas del objeto de estudio. Hurtado Albir (1996a: 156-157) señala que la Traductología no debe ubicarse dentro de la lingüística sino al contrario: la lingüística estaría englobada dentro de la Traductología, donde la multidisciplinaridad sería la característica esencial. También, Hurtado Albir (1999) habla de que el objetivo de la disciplina no es en realidad enseñar a traducir, sino utilizar la traducción como un ejercicio de perfeccionamiento lingüístico y de acceso al si- GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 gnificado de la lengua extranjera. La lingüística puede definirse por tanto como una herramienta de traducción. ésta debe concebirse desde varios enfoques diferentes: uno pragmático-textual que vaya más allá de la mera descripción de los actos de habla y sea capaz de interpretar las intuiciones de los hablantes; otro psicolingüístico que sea capaz de establecer correspondencias entre las lenguas de trabajo; y por último un enfoque sociolingüístico, es decir, intercultural. Relación entre lingüística e Interpretación La lingüística es imprescindible a la hora de comprender el proceso de Interpretación, y es que el intérprete debe contar con una serie de conocimientos de neurolingüística, psicolingüística y pragmática. Estas tres disciplinas están íntimamente implicadas en el proceso de mediación lingüística. La práctica de la Interpretación, también conocida como “traducción oral” se remonta a la antigüedad, pero la escasez de documentos ha dificultado notablemente la tarea del investigador hasta el siglo XX. Esta disciplina ha venido siempre motivada por las diferencias lingüísticas entre culturas y países, y por la necesidad del ser humano de comunicarse en sus quehaceres diarios. Es necesario además tener en cuenta la diversa naturaleza de los documentos y referencias relativos a la práctica de la Interpretación a lo largo de la historia, constituidos por jeroglíficos, inscripciones, cartas, bajorrelieves, etc. 33 La técnica de la Interpretación ha evolucionado con el tiempo. La más primitiva es la bilateral (IB), cuya característica principal es la bidireccionalidad. Después surgieron nuevas técnicas como la consecutiva (IC) en la que el intérprete toma notas mientras el orador pronuncia un discurso, y la simultánea (IS) en la que el intérprete traduce de forma oral inmediatamente detrás del orador. Breve recorrido por la historia de la Interpretación… Las primeras referencias documentadas a la práctica de la Interpretación se remontan al tercer milenio a.C. Se trata de inscripciones en los monumentos funerarios de los príncipes de Elefantina, en las fronteras de Egipto y Sudán. También encontramos documentos escritos en el mundo antiguo que relatan la presencia de un intérprete de forma diferente. Algunos de estos documentos pertenecen a libros como la Ciropedia y la Anábasis de Jenofonte (c.430-354 a.C), donde se describe al intérprete como un personaje distinguido; también el historiador romano Salustio (c. 86-35 a.C) habla en la Guerra de Jugurta (109) del intérprete y plantea por primera vez el tema de la fidelidad en la Interpretación. En la Edad Media, se destaca la práctica de la Interpretación en la Península Ibérica motivada principalmente por la llegada de los árabes, que contaban ya con una consolidada práctica traductora. Esta práctica no contó con el reconocimiento social que podría esperarse. GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Interprétation 34 En este contexto, nacieron en el s.XII las escuelas de traducción de Tarazona y Toledo, que además de traducciones escritas, incluían versiones orales, a “viva voce” (Sangrador Gil 1985:122-123). Según van Hoof (1996: 13), las tensas relaciones entre musulmanes y cristianos propiciaron la práctica de la Interpretación diplomática moderna. Las Cruzadas motivaron esta práctica necesaria, y las crónicas relativas a este período hablan de la existencia de intérpretes conocedores del árabe a los que llamaban dragomanes. La necesidad de intérpretes conocedores del árabe motiva en Francia en el s.XvI la creación del primer centro francés encargado en la formación de intérpretes: los Enfants de Langues. En lo que respecta a la Edad Moderna, es particularmente significativo el hecho de que es en este período cuando se puede apreciar mejor la necesidad de la Interpretación, así como la complejidad que entraña su práctica. Hablamos de la época de los descubrimientos, en las que la comunicación era primordial y la falta de entendimiento suponía una seria amenaza para los intereses comerciales y territoriales de Europa. En este contexto encontramos numerosos documentos que relatan los viajes al nuevo mundo (entendiendo este como América y África) y destacan la presencia del intérprete como un elemento clave en la comunicación. A partir de los ss. XvIII y XIX (Edad Contemporánea) destaca la práctica de la Interpretación en el ámbito diplomático y político. Es la época de los grandes intérpretes franceses como Jean-Michel venture de Paradis (1739-99), así como la de la práctica de la traducción y la Interpretación en las embajadas. Es necesario mencionar en este contexto a Satow (1843-1929), que gracias a sus memorias, ha sido Interprétation de los únicos intérpretes que ha dado a conocer su labor, que en ocasiones superaba el ámbito de la traducción y la Interpretación, debiendo así mediar también cultural y políticamente. Finalmente, el s.XX ha dejado una serie de técnicas nuevas de Interpretación como la de conferencias [que culminó en 1953 con la creación de la Organización internacional de intérpretes de conferencias (AIIC)], la simultánea y la consecutiva. Todas estas propiciadas por el clima internacional, que tras la primera Guerra Mundial, requería de instituciones internacionales que ayudaran en las mediaciones pacíficas entre países. En un principio la lengua diplomática por excelencia era el francés que posteriormente tuvo que convivir junto al inglés. A esta época corresponden intérpretes como Jean Herbert que aportó información sobre como trabajaban la consecutiva en la Conferencia de Paz de París, interpretando del inglés y el francés hacia su lengua materna y tomando notas cuando el discurso era muy largo y Léon Doster, intérprete del general Eisenhower y responsable tras la segunda Guerra Mundial de la organización de la Interpretación simultánea en Nuremberg. Un punto de partida de la Interpretación simultánea profesional y documentada, fueron los Procesos de Nuremberg (1945-46) al final de la segunda Guerra Mundial, en los que se juzgaron a los dirigentes nazis. Los intérpretes trabajaron con cuatro lenguas: inglés, francés, alemán y ruso. EVOLUCIÓN DE LOS ESTUDIOS TEÓRICOS SOBRE INTERPRETACIÓN En esta sección llevaremos a cabo una breve descripción de los teóricos de la Interpretación más influyentes de las dos últimas décadas, período en el que la investigación sobre esta materia comienza a tomar cuerpo y a consolidarse como una nueva disciplina. Los cuatro períodos de Gile Gile (1994b, 1995a, 2000, 2003) divide los estudios de Interpretación en cuatro etapas fundamentales: El Periodo científico comprende las décadas de los años 50 y 60, y se caracteriza por las reflexiones sobre la experiencia profesional y la docencia hechas por autores como Herbert, Rozan, Paneth, Fukuui y Asano y van Hoof, que abordan temas como la atención compartida, los procesos automáticos, las interferencias lingüísticas o la disponibilidad léxica. Periodo de la psicología experimental. Abarca los años sesenta y parte de los setenta, donde las reflexiones sobre la Interpretación corren a cargo de psicólogos como Oléron y Nanpon, Goldman Eisler, Gerver o Barik. Sus correspondientes trabajos sentaron las bases de un paradigma cognitivo en investigaciones posteriores, frente a paradigmas lingüísticos, sociológicos, etc., centrándose en aspectos parciales como el desfase, la segmentación del discurso, las pausas y errores, la autocorrección y el efecto de la velocidad y del ruido en el rendimiento del intérprete. El periodo de los profesionales podría definirse como un período de aislamiento, en el que los pro- GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 fesionales de la Interpretación recuperan el protagonismo detentado hasta entonces por los teóricos, sobre todo por el impulso dado a la investigación por Danika Seleskovitch en l’école Supérieure d’Interprètes et de Traducteurs (ESIT) de la Universidad de la Sorbona de París desde mediados de 1970. El punto de partida de este período lo encontramos en la publicación en 1968 de la obra L’interprète dans les conférences internationales, donde Seleskovitch formulará la Teoría del Sentido, según la cual la Interpretación consiste esencialmente en la reformulación del sentido de un mensaje desverbalizado. Para ello, el intérprete debe contar con una base de conocimiento y las destrezas necesarias, y sería independiente de la combinación lingüística en que se trabaje. Esta autora rechazó las aportaciones de la lingüística y de la psicología por considerarlas carentes de significado a la hora de investigar la naturaleza de la comunicación lingüística y la Interpretación. Paralelamente al ESIT, se desarrolló la escuela soviética, con autores como Chernov o Shiryayef, que establecieron sus propios modelos del proceso de Interpretación apoyándose en la Psicolingüística y la Psicología cognitiva. Paralelamente en Occidente se publicaron obras aisladas, como las investigaciones de Moser (1976), Anderson (1979), Mackintosh (1983), Kirchhoff (19876a), o las del propio Gile y su modelo de esfuerzos. El periodo de renovación se caracteriza por la interdisciplinariedad, y sus inicios se sitúan en el First Symposium on Conferences Interpreting, celebrado en Trieste en 1986. En este período se produce un espectacular crecimiento de los trabajos de investigación, y una creciente proporción de estudios empíricos, principalmente investigaciones experimentales en el campo de la neurofisiología y la psicología cognitiva. Gile considera que en este período hubo avances importantes, como el reconocimiento de que la Interpretación depende de una capacidad de procesamiento limitada o el de que existen diferencias en el proceso de la Interpretación en función de la combinación lingüística. Las tres perspectivas de Setton (2003:31-32) Modelos externos. Estudian el proceso desde fuera del intérprete profesional, situándolo en el marco más amplio de la comunicación social humana, con autores como Kirchhof, Salevsky, Holz-Mänttäri, Pöchhacker y Kalina. Su centro de interés serían los factores sociales que determinan la comunicación, algo que Setton considera especialmente adecuado para la Interpretación social. Modelos internos. Se centran en los procesos cognitivos individuales basados en los hallazgos de las ciencias cognitivas y los modelos computacionales. En última instancia, se trataría de que estos modelos fueran capaces de predecir el producto final de cualquier información procesada. Modelos que relacionan los procesos psicolingüísticos internos con rasgos del discurso que se procesa. Implican análisis de corpus y la extrapolación a la Interpretación de teorías sobre el lenguaje o la comunicación discursiva. Esta categoría incluiría la Teoría del Sentido, el modelo de predicción proba- bilístico de Chernov, el psicosistemático de Le Ny y el cognitivo-pragmático del propio Setton. La cronología por períodos y escuelas de Pöchhacker Profesionales y psicólogos pioneros. En esta época Pöchhacker engloba a los profesionales, principalmente en torno a la escuela de Ginebra y los psicólogos experimentales que abrieron el camino a futuros estudios. Establecimiento de los cimientos académicos. En esta época se sientan las bases para estudios académicos a través de las escuelas de Leipzig y París. Renovación y “nuevo comienzo”. Este periodo se caracteriza por la diversificación hacia la Interpretación en la administración de justicia (Morris, Driesen, Roberts), la comunitaria (Shackman), y la Interpretación en lengua de signos (Frishberg, Cokely y Roy). Del mismo modo, Pöchhacker observa una reorientación metodológica con un interés por unos estudios de Interpretación más científicos, cuyos primeros exponentes son Stenzl, Mackintosh y Gile. Consolidación e integración. A partir del Congreso celebrado en viena en 1992, la comunidad de investigadores se empeña en el doble objetivo de ahondar en la interdisciplinariedad y asentar los “Estudios de Interpretación”. Asociaciones como la EST (European Society for Translation Studies), y revistas especializadas del campo de la traducción, contribuirán en la década de 1990 al asentamiento de los estudios de Interpretación como disciplina. La Interpretación en el siglo XXI. En este siglo, ya no cabe hablar de una institución líder, sino de un protagonismo compartido entre viejas y nuevas escuelas, como la escuela de Ginebra, con Moser- 35 GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Interprétation Mercer y Setton. 36 MODELOS GLOBALES DE FORMACIÓN DE INTÉRPRETES El primer manual que presenta un modelo global para la formación de intérpretes de conferencias es el de Seleskovitch y Lederer (1989), corregido y aumentado en una segunda edición publicada en 2002. En esta obra, las autoras consideran necesario realzar el estatus de la Interpretación, diciendo que la Interpretación no es una traducción en el sentido de una transferencia directa de un idioma a otro, de modo que su enseñanza no puede confundirse con la enseñanza de idiomas. Sin embargo, autores como Ortega Arjonilla (1996:56), citando al filósofo Gadamer, invierte esta definición de la Interpretación y da otra perspectiva al concepto de “sentido”, diciendo que el traductor tiene que trasladar aquí el sentido que se trata de comprender el contexto en el que vive el otro interlocutor. Pero esto no quiere decir en modo alguno que le esté permitido falsear el sentido al que se refería el otro. Precisamente lo que tiene que mantenerse es el sentido, pero como tiene que comprenderse en un mundo lingüístico nuevo, tiene que hacerse valer en él de una forma nueva. Toda traducción es por eso ya una Interpretación que el traductor hace madurar en la palabra que se le ofrece. Es decir, tal y como afirma García Landa (1985:30), se trata de superar la Lingüística de la Lengua, que no podrá nunca explicar la traducción. Aunque la Escuela del Sentido a la que pertenecían las autoras ha sido objeto de críticas en períodos recientes de la investigación en Interpretación, la influencia de las autoras en la didáctica sigue dejándose notar en muchas escuelas. A pesar de dichas críticas, su obra contiene orientaciones didácticas útiles para la enseñanza, como la utilización de textos narrativos en las fases iniciales de la formación, consejos para el trabajo con cifras, apoyo a la memoria, técnica de toma de notas, pautas para el trabajo como pivote, la importancia de la contextualización previa al uso de un discurso en el aula, la conveniencia de elegir temas propios de los debates internacionales y de trabajar con discursos autónomos, la influencia de la intención comunicativa dominante en la gradación de la dificultad, la importancia de la preparación tanto temática como terminológica en el trabajo con discursos especializados, el peso del conocimiento implícito en la transmisión y la restitución del mensaje, la conveniencia de que las soluciones a los errores partan de los otros estudiantes antes que del profesor, la necesidad de aprender a interpretar y hacer propios todos los puntos de vista, aunque no se compartan, etc. La utilidad de todas estas recomendaciones deriva de una larga experiencia acumulada por las autoras, tanto en el ejercicio profesional de la Interpretación como en el de su enseñanza. Sin embargo, tal y como afirma Jesús de Manuel Jerez, encontramos en esta obra otras afirmaciones no justificadas y en algunos casos discutibles, como la de que la captación del sentido viene acompañada de la desaparición de las formas verbales que han per- GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Interprétation mitido su comprensión, que las notas deben tomarse en la lengua de llegada, que el método de enseñanza no debe variar en función de la combinación lingüística, o que las prestaciones de los estudiantes de Interpretación al final de la formación “deberán ser tan buenas o mejores que las de la media de los profesionales”. Con carácter general, cabría sostener que, si bien es indudable la utilidad de esta obra en algunos aspectos, prima en ella el enfoque prescriptivo, y opta por exagerar las diferencias entre la Interpretación y otras disciplinas profesionales relacionadas con los idiomas. Los conceptos y modelos básicos de Gile (1995b) La propuesta didáctica de Gile se ha constituido en símbolo del cambio de paradigma entre la escuela del sentido y un periodo marcado por el afán de rigor científico con las ciencias experimentales como referente. Los modelos que presenta Gile se orientan tanto a profesores de traducción como de Interpretación, lo que ya es indicativo de la recuperación de un vínculo entre dos formas de mediación interlingüe más cercanas de lo que los anteriores autores venían señalando. Gile plantea aspectos éticos como el conflicto de lealtades en que el intérprete puede sentirse atrapado, o las dificultades de algunos intérpretes para constituirse en alter-ego en el caso de juicios a criminales de guerra, por ejemplo. También aborda Gile la cuestión del estatus de los intérpretes, defendiendo la tesis de que a mayor estatus corresponde no sólo una mejor remuneración, sino también un mayor acceso a la documentación que el intérprete necesita para realizar con éxito su tarea. En cuanto al proceso de Interpretación, es interesante la distinción que establece el autor entre la sensación subjetiva de comprensión de un texto o discurso en un sujeto y su grado de comprensión real, así como la enumeración de los factores que influyen en la primera. También es de destacar el énfasis puesto en la necesidad del conocimiento de la situación por parte del intérprete, no sólo para eliminar posibles ambigüedades, sino también para saber “leer entre líneas”. La aportación central en la producción de Gile es el modelo de esfuerzos. éste parte de la aplicación de la Psicología cognitiva de las afirmaciones de un ingeniero, según el cual cualquier canal que sirva para transmitir información tiene una capacidad limitada de transmisión, más allá del cual hay pérdidas de información. Es indudable su utilidad para explicar, con fines didácticos, cómo funciona en términos generales el procesamiento de información en la mente del intérprete. Su mayor interés estriba en la identificación de los esfuerzos que el intérprete realiza simultáneamente (escucha y análisis, memoria, producción, coordinación de los tres anteriores) y los factores que pueden generar saturación. Además, al partir de una concepción no idealizada del proceso, tal y como realiza la escuela del sentido, tiene la ventaja psicológica de ayudar a los estudiantes a entender que es normal que en las primeras fases de su formación, alcancen con frecuencia el umbral de saturación. Sin embargo, dada la enorme diversidad de alumnos y dificultades que podemos encontrar, es complicado traducir este modelo a consejos concretos para los estudiantes, a la hora de mejorar la gestión de sus capacidades más o menos limitadas de procesamiento. En cualquier caso, estas “estrategias de gestión de la capacidad de procesamiento”, estarían implícitas en los consejos que los profesores dan a los estudiantes, y pueden ser fuentes de orientaciones útiles en la enseñanza, aunque en muchos casos los estudiantes encuentren dificultades para aplicarlas en fases iniciales de aprendizaje. Sin embargo, su aplicación supone un esfuerzo que habría que añadir a los tres mencionados por Gile, de modo que tendríamos una fuente más de riesgo de saturación. La dificultad de equilibrar los esfuerzos de escucha y análisis, memoria a corto plazo y producción casi no deja margen para decisiones conscientes de tipo táctico hasta que determinadas tareas no se vuelven más automáticas y liberan “energía mental disponible” para la toma de decisiones tales como segmentar el discurso, aumentar o reducir el desfase o alterar el orden de una enumeración. Gile supera, además, algunas de las objeciones de Seleskovitch y Lederer sobre aspectos como la toma de notas en lengua de llegada, el trabajo con textos leídos, a lo que se suma la aceptación del hecho de que los estudiantes no tienen un perfecto dominio de sus lenguas de trabajo al iniciar su formación como una realidad que hay que intentar mejorar en lugar de actuar como si no existiera. Con carácter general, tanto la corriente encabezada por Gile como la escuela del sentido comparten, pese a sus diferencias, una misma priorización del proceso como principal objeto de estudio y clave para la estructuración de la enseñanza. Aunque las respuestas diverjan en algunos aspectos, ambos enfoques coinciden a la hora de elegir las preguntas más pertinentes: ¿qué pasa en la mente del intérprete mientras hace su trabajo?, ¿cómo explicárselo a los estudiantes para que mejoren su rendimiento?, ¿cuál es la función social del intérprete?, ¿qué papel desempeñan los estudiantes y el profesor en el proceso de enseñanza/aprendizaje?, y finalmente, ¿qué tipo de investigación ha de realizarse para mejorar la formación de intérpretes y adaptarla mejor a las necesidades sociales? ESCUELA DEL SENTIDO Se conoce con el nombre de la escuela del sentido o escuela interpretativa a la generación de traductores e intérpretes que se han formado en la Escuela Superior de Interpretación y Traducción, de la universidad de Paris III: La Sorbonne- Nouvelle. La autora más representativa de esta corriente es Danica Seleskovitch, que en su homenaje de jubilación en 1990, agrupó en torno a ella a un grupo de traductores, intérpretes e investigadores formados en dicha Escuela, conocida por L’éSIT. Algunos de estos autores son: Marianne Lederer, Maurice Pergnier, Fortunato Israël, Jean Deslile, Amparo Hurtado (representante española en el escuela del sentido), Christine Durieux, etc. La primera obra de Saleskovitch fue publicada en 1968 : L'interprète dans les conférences internationales. Posteriormente en 1984, publica junto a Lederer una colección de 17 artículos (que se publicarán en diferentes revistas) con el título de Interpréter pour Traduire. En 1989, de nuevo junto a Lederer, publican a petición de la Comisión de la Unión Europea Pédagogie raisonnée de l'interprétation. Saleskovitch defiende en su artículo publicado en 1980 una teoría de la traducción inspirada en la práctica (”Pour une théorie de la traduction inspirée de sa pratique“). Estas son algunas de las reflexiones que hace en su artículo: "Qu'il s'agisse de traduction écrite ou d'interprétation orale, les conclusions auxquelles nous arrivons sont les mêmes: comprendre un texte ou un discours ne consiste pas seulement à identifier les contenus sémantiques permanents des signes linguistiques et à saisir la signification qui se dégage de leur combinaison syntaxique en phrases, mais aussi à discerner les éléments cognitifs autres que linguistiques qui, en une situation donnée, s´attachent à l'énoncé. Cette double composante de la compréhension se fond en un élément unique: le sens du dire. À la lecture d'un texte ou à l'audition d'un discours, le traducteur qui partage, au même titre que le destinataire du message, les connaissances supposées chez celui-ci par l'auteur, dégage le sens en une synthèse immédiate des éléments sensibles et des éléments cognitifs en présence. Pour "traduire", il peut dès lors utiliser toutes les ressources de sa langue maternelle car il n'est pas entravé par l'original”.(p.404). "L'observation de la pratique ayant permis de poser 37 GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Interprétation 38 l'hypothèse que traduire consiste à comprendre un texte ou un discours puis à faire un texte ou un discours qui ait le même contenu dans une autre langue, il s'agissait de vérifier, en s'appuyant sur des traductions réussis, en quoi consistaient les adjonctions cognitives qui complétaient le sémantisme des mots et des phrases et on s'arrêtait le sens par rapport à l'infini de l'univers conceptuel".(p.405). « c'est à partir du sens ainsi éclairé que le traducteur trouve l'expression dans l'autre langue....La traduction est créativité dans l'autre langue et non applications d'équivalences préétablies...”.(p.407). Marianne Lederer, en sus obras La théorie interprétative de la traduction (1987) y La traduction aujourd´hui: Le modèle interprétatif (1994), define la traducción como un proceso interpretativo en el que los complementos cognitivos juegan un papel esencial. El sentido, las unidades de sentido, la desverbalización y la expresión son los ejes de esta teoría que se pretende universal. Una de las obras más influyentes de esta corriente es L’analyse du discours comme méthode de traduction de Jean Delisle, publicada en 1980. Esta obra pretende aportar soluciones teóricas a las necesidades que se le plantean al traductor en su trabajo diario. Delisle defiende la inclusión de aspectos pragmáticos y cognitivos en el estudio de la traducción. Posteriormente, en 1999, Delisle junto a otros autores define la traducción como un proceso de trasvase intralingüístico a partir de la Interpretación del sentido textual. « (La traduction est une) opération de transfert intralinguistique qui consiste à interpréter le sens d’un texte et à produire un texte d’arrivée en cherchant à établir une relation d’équivalence entre les deux selon paramètres inhérents à la communication et dans les limites des contraintes imposées au traducteur ». (DELISLE et al., 1999 :86). Amparo Hurtado defiende el modelo interpretativo de la traducción y considera necesario establecer una relación de fidelidad para recuperar el sentido textual. Es decir, el traductor debe respetar tres conceptos fundamentales de fidelidad: en primer lugar, el “vouloir dire” del autor (Hurtado 1990:110), para ello el traductor debe conocer el contexto verbal, situacional y general del texto original; en segundo lugar, debe mantenerse “fiel” a la lengua meta y explotar sus recursos lingüísticos durante el proceso de reexpresión; y en tercer lugar, debe tener en cuenta al receptor de la traducción, sin olvidar nunca que pueda enmarcarse en un contexto sociocultural diferente. En definitiva, el modelo interpretativo de la traducción destaca el lugar predominante del sentido en la práctica traductora. Interprétation actividades me mediación lingüística y comunicativa que se realizan en determinados contextos sociales, y de ahí sus diferencias. A continuación se describe más en profundidad el papel y la labor del traductor y del intérprete en su función de mediadores lingüísticos y culturales. Una vez dicho esto, se centra en la Interpretación, en su rasgo distintivo que son los métodos no verbales para la transmisión de información, el esfuerzo, control y entrenamiento que requieren esta actividad. En este sentido, se describen las distintas técnicas para realizar la actividad interpretativa (Interpretación bilateral, consecutiva y simultánea) los contextos en os que se da cada una, los discursos existentes y la modalidad de Interpretación que se lleva a cabo en cada una etc. En el tercer capítulo, y una descritos los aspectos generales de cada una de las técnicas de Interpretación, se centra en el grueso del manual: la Interpretación bilateral, sus características, situaciones comunicativas y modalidades presentadas ahora, de una manera mucho más precisa y extensa. Así, en el se tratan aspectos como el contacto directo y el espacio compartido entre el intérprete y los interlocutores, la bidireccionalidad de la IB, la diversidad de contextos y situaciones que hace difícil la IB; la imprevisibilidad del discurso, la imposibilidad de la toma de notas, automatismos conversacionales, espontaneidad del lenguaje o los distintos registros, entre otros. En el siguiente punto se profundiza en las distintas situaciones comunicativas en IB; en este sentido se presentan dos propuestas de sistematización de las situaciones comunicativas. Por un lado, la de Alexieva (1997), cuyo objetivo es determinar el grado de especificidad de cultural de un evento comunicativo, proporcionando información sobre el estatus y el papel del intérprete en las distintas actividades de mediación. Por otro lado, la propuesta de Gile (1989) y Pöchhacker (1994), con un enfoque más profesional, que propone los distintos eventos comunicativos en los que puede tener lugar una Interpretación Simultánea, lo que permite realizar una inmediata aplicación práctica. Por último, se tratan en este capítulo las diferentes modalidades de IB (Interpretación de enlace e Interpretación social) y las describe según cinco situaciones comunicativas (comercial, turística, comunidad de propietarios, encuentros entre profesionales y sociales) que vemos en el apartado anterior. El cuarto capítulo se refiere a los fundamentos teóricos de la Interpretación bilateral. En primer lugar, se recuerda que el punto de partida del trabajo es “considerar la traducción y la Interpretación como actividades cognitivas, comunicativas y lingüísticas complejas que se desarrollan en un contexto social” y en este sentido se apoyan estos principios con las distintas teorías que los han argumentado. A continuación y en cuanto a la fundamentación teórica de la Interpretación Bilateral se refiere, se hace un breve repaso de las distintas teorías que surgen de las diversas investigaciones que han servido para justificar las referencias del presente manual. Destacamos, un marco teórico funcional de carácter general (Reiss y vermeer 1996), un marco pragmático que presenta las distintas situaciones comunicativas en las que se recurre a la IB como formas de comportamiento social (van Dijk 1989) y un marco conceptual que atiende a las dificultades de la Interpretación como proceso cognitivo (Gile 1988, 1995). En el capítulo cinco, se toma como referencia el modelo de esfuerzos de Gile (1988, 1995) como aplicación práctica de los aspectos teóricos que se han ido viendo a lo largo del manual y de este modo incorporando todos los principios y aspectos fundamentales que hay que tener en cuenta para conseguir una buena IB. Así, se enumeran los distintos esfuerzos que requiere la IB (de escucha y análisis, de memoria, de toma de notas, de reformulación, de bidireccionalidad y de interculturalidad) y dentro de cada uno, se proponen distintos ejercicios para mejorar esos aspectos. El sexto y último capítulo del manual, es el referido a la metodología específica para la Interpretación bilateral. En este apartado, se pretende determinar la metodología más adecuada a los principios del manual para que el alumno adquiera unas destre- 39 ANÁLISIS GLOBAL DEL MANUAL El presente texto está estructurado en seis capítulos, dos apéndices y un anexo bibliográfico. En el primer capítulo es la evolución histórica de la Interpretación desde el Mundo Antiguo hasta nuestros días. El segundo capítulo trata, como su nombre indica, del concepto, técnicas y modalidades de Interpretación. En el primero de los apartados se definen tanto traducción como Interpretación como GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Interprétation zas y habilidades específicas para la IB. A partir de tres objetivos generales, se proponen ejercicios para su realización. Por último tenemos los dos apéndices. El primero de ellos está dedicado a la sistematización de los automatismos en inglés, español, alemán y francés. El segundo apéndice describe el contexto académico del que ha surgido esta obra, concretamente refiriéndose al papel, importancia, relevancia, medios, etc. que tiene la Interpretación en la FTI de Granda en concreto y de España en general. Al final se adjunta un anexo bibliográfico que según las coordinadoras del manual “puede ser útil para acercarse a la docencia y a la práctica de la Interpretación”. 40 ANÁLISIS ESPECÍFICO DE UN CAPÍTULO Hemos analizado en profundidad el capítulo 5 que toma el modelo de esfuerzos de Gile (1998, 1995a), y lo adapta a la didáctica de la Interpretación bilateral. Para ello, adopta, además de los esfuerzos aportados por Gile (de escucha y análisis, memoria, toma de notas, etc.), dos esfuerzos nuevos aplicados a la IB: la bidireccionalidad y la interculturalidad. El capítulo expone de forma detallada los ejercicios de preInterpretación, dando consejos útiles tanto a alumnos como a profesores. Creemos que este manual está más enfocado al docente que al alumno, puesto que utiliza numerosos ejemplos para explicar el contenido del ejercicio, detallándolo paso a paso. Además, la introducción incluye información práctica para el docente como las reacciones de los estudiantes ante la primera toma de contacto con la Interpretación, la progresión de dificultad que se debe seguir, o los criterios de corrección que se adoptan en la UGR. A continuación, el manual se adentra de lleno en la explicación detallada de las diferentes actividades que facilitan la práctica de la Interpretación. Organiza los ejercicios de preInterpretación según los esfuerzos implicados. Por ejemplo, el punto 5.2.1 Esfuerzo de escucha y análisis, incluye todos aquellos ejercicios que facilitan la práctica de la escucha y el análisis de los textos escritos y orales: Preguntas “Lasswell”; Résumenes; Análisis de la estructura (del tipo de estructura, de los conectores, recomposición de la estructura y reconocimiento de claves textuales); Clozing; Contextualización de expresiones numéricas; Taxonomías o jerarquías de inclusión. El punto 5.2.2. Esfuerzo de memoria, incluye aquellos ejercicios que ayudan a ejercitar la memoria para la práctica de la Interpretación: visualización; Síntesis de discursos sin toma de notas; Reactivación léxica y semántica. El punto 5.2.3 Esfuerzo de toma de notas, incluye aquellos ejercicios que ofrecen un apoyo a la memoria del intérprete y constituyen una representación conceptual, simbólica y estructural de información principal del discurso: Ampliación y reducción de información “telegrama”; Búsqueda de palabras clave. El punto 5.2.4 Esfuerzo de reformulación, ayuda a potenciar la técnica oratoria y la técnica de discurso GLOBWORD - MAGAZINE MULTILINGUE - NUMERO 1 • 3ème trimestre 2010 Interprétation público: Lectura; Revista de Prensa; Debates; Paráfrasis; Ampliación textual; Reelaboración del discurso con cambio de finalidad, de tipo de discurso o de registro; Improvisación de discursos a partir de titulares o imágenes visuales. A continuación, desarrolla en los dos puntos siguientes los dos esfuerzos nuevos incluidos en la IB: El punto 5.2.5 Esfuerzo de Bidireccionalidad, se aplica exclusivamente a la IB, puesto que es la característica esencial que define esta técnica de Interpretación: Reflejos léxicos frente a interferencias; Traducción con imposición de limitaciones; Traducción a vista. y el punto 5.2.6 Esfuerzo de Interculturalidad, que aunque se aplica también a la IC y a la IS, es en la IB donde se hace más patente, sobre todo en la Interpretación social, entendiendo ésta como la que se realiza en los Servicios Públicos (hospitales, juzgados, centros escolares, etc.). Por último, en el punto 5.3 la autoras exponen las conclusiones obtenidas sobre la aplicación del modelo de esfuerzos de Gile en la Interpretación en general, y sobre la inclusión de los dos últimos aplicados a la práctica y a la didáctica de la IB. CONCLUSIONES A pesar de que en el capítulo analizado las autoras se han centrado en el modelo de esfuerzos propuestos por Gile, encontramos orientaciones didácticas propuestas por Seleskovitch y Lederer, como por ejemplo, el hecho de que sean los propios alumnos los que corrijan a sus compañeros y propongan alternativas antes que el profesor, o el énfasis puesto en evitar los calcos, a través de ejercicios de reactivación léxica, búsqueda de sinónimos y antónimos, definiciones (ejercicio 9, página 108-109), paráfrasis, referencia (ejercicio 19, página 120). Sin embargo, hay un punto en el que las autoras difieren completamente de las represen- tantes de la escuela del sentido; se trata de la traducción a vista (ejercicio 21, página 121-122). Seleskovitch y Lederer consideran la traducción a vista y la Interpretación con texto modalidades “bastardas” de la Interpretación, que sólo han de realizarse a partir de discursos, mientras que el manual considera que estos ejercicios favorecen el desarrollo de los recursos para evitar y superar las interferencias lingüísticas. Si nos centramos en el modelo de esfuerzos de Gile, encontramos dos aspectos que se reflejan claramente en este manual: la progresión en la aplicación de las estrategias para gestionar los esfuerzos, y evitar que el hecho de combinarlos sature la capacidad del alumno en fases iniciales del aprendizaje. Así, se proponen ejercicios cuyo objetivo está muy definido y limitado a un esfuerzo en concreto. De esta manera, el alumno adquiere estas capacidades de forma paulatina y sin que le suponga una carga adicional. Por otra parte, Gile, contrariamente a Seleskovitch y Lederer, que intentan negar esta evidencia; es consciente de que los alumnos no dominan completamente sus lenguas de trabajo, por lo que, además de las técnicas de Interpretación propiamente dichas, se fomenta el perfeccionamiento de éstas, a través de ejercicios de análisis de conectores, “clozing”, o la adquisición de automatismos conversacionales, ejercicios de reactivación léxica, búsqueda de palabras clave, etc. Tras analizar de forma global el manual, consideramos que está enfocado principalmente a docentes, ofreciendo una metodología para el desarrollo de las clases desde la perspectiva del profesor. De hecho, como alumna, he practicado la mayoría de ejercicios que se proponen, en el orden establecido, partiendo de ejercicios monolingües al inicio de la asignatura, para adentrarme primero en la B-A, después en la A-B, y finalmente en la bidireccionalidad. Sin embargo, opino que la lectura de este manual por parte de los alumnos puede ser beneficiosa, ya que éste va de lo general a lo específico. Este hecho, junto con una redacción clara y concisa, hacen ameno su estudio y la aplicación de los métodos que propone. Cabe destacar el hecho de que tras haber cursado las asignaturas de Técnicas de Interpretación, vemos que aunque se aplican los criterios del manual casi en su totalidad, éstos no se explican durante el desarrollo de las clases, lo que a veces desconcierta al alumno y puede llegar a ser contraproducente, por no saber el objetivo final del mismo, y entre otras cosas, o le aburre, le genera ansiedad, o el esfuerzo no es el mismo que si supiera los beneficios que implican dichos ejercicios. Por último, queremos mencionar que los Apéndices sobre los automatismos conversacionales son muy positivos y resultan de gran utilidad, como he podido comprobar en primera persona. El dominio de estas fórmulas permiten al alumno controlar el inicio y el final de las intervenciones, que en gran medida determinarán la calidad de la Interpretación. Esto da confianza al alumno, puesto que dispondrá de más tiempo y recursos mentales para centrarse en la parte central de la intervención. bIbLIoGRAFÍA CoLLADo AÍS, Ángela; FERnÁnDEZ SÁnCHEZ, Maria Manuela. (2001) Manual de Interpretación bilateral. Granada: Editorial Comares. SerieInterlingua. ISbn: 84-8444-309-4 FAbER bEnÍTEZ, Pamela; JIMÉnEZ HURTADo, Catalina. (2004). Traducción, lenguaje y cognición. Granada: Editorial Comares. Serie Interlingua. ISbn: 84-8444-894-0 DE MAnUEL JEREZ, Jesús. La incorporación de la realidad profesional a la formación de intérpretes de conferencias mediante las nuevas tecnologías y la investigación-acción. Tesis doctoral. Departamento de Traducción e Interpretación, Universidad de Granada. nAVARRo DoMÍnGUEZ, Fernando. Introducción a la teoría y práctica de la Interpretación. 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